Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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089-19920414-ORD-01-05-EN
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089-19920414-ORD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

L'ordonnance de la Cour se fonde uniquement sur la résolution748

(1992)du Conseil de sécuritéT . el est aussi le motif de mon accord avec
elle. Sans cette résolution,j'auraisestiméque la Libye avait plaidéune
causedéfendable enfaveurde l'indicationde mesuresconservatoires.La
résolution dispense maintenant d'approfondir lesélémentsjuridiques de
la demande présentée par la Libyeà cet effet.Toutefois,comptetenu du
tour donné aux événements par la résolution,je voudrais dire quelque
chose sur: i) le fondement juridique de l'ordonnance de la Cour; ii) la
possibilitéd'un procès impartialsi lesdeux accuséssont livrésau défen-
deur; et iii)certaines implications de l'ordonnance de la Cour.

Quellequ'ait pu êtrela situation antérieure,la résolution748 (1992)du
Conseil de sécuriténe laisseà la Cour aucune autre conclusion possible

que celleà laquelle ellea abouti. Cela ne résultepasd'une autoritésupé-
rieure qui s'impose- il n'yen a pa- mais du fait qu'endéterminantle
droitapplicable la Cour doittenir compte de larésolution dans lamesure
où celle-ciaffecte la facultéde faire respecter les droits dont la Libye a
voulu obtenirlaprotection en demandant desmesuresconservatoires.La
validitéde la résolution,bienque contestéepar la Libye,doit être présu-
mée àcestade (voirleprincipe généraldansConséquencesjuridiquespour
lesEtatsdelaprésence continudee I'tfriqueduSudenNamibie (Sud-Ouest
africain) nonobstantla résolution76(1970)du Conseilde sécurité, C.I.J.
Recueil 1971,p. 22,par. 20).L'article25 de la Charte des Nations Unies
oblige la Libyeà se conformer àla décision énoncéd eans la résolution
(ibid.,p. 52-53).En vertu de l'article 103de la Charte, cette obligation
prévaut sur toute obligation conventionnelle en conflit dont la Libye
pourrait êtretenue (Activités militaires et paramilitaireasu Nicaraguaet
contre celui-ci(Nicaraguac. Etats-Unis d'Amérique), C.I.JR.ecueil1984,

p.440,par. 107).Lesobligationsissuesdetraitéspeuventêtresupplantées
par une décision du Conseil de sécurité qui impose des sanctions
(Paul Reuter,Introductionto theLaw of Treaties,1989,p. 113,par. 228,et
sirGerald Fitzmaurice, TheLaw andProcedure oftheInternationalCourt
ofJustice,1986,vol.2,p.431).Parconséquent, à supposer que la Libyeait
lesdroits qu'elleinvoque,cesdroits nepeuvent, àpremièrevue,pas rece-
voir exécutiontant que la résolution resteenvigueur.
Plusieurs décisionsdémontrent, d'une manière ou d'une autreq,ue le
simple fait que la question litigieuse soit aussi examinéepar un autre CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. IND. SHAHABUDDEE1N 41

organedel'organisation desNations Uniesn'empêche pas laCour d'agir
(voir, entre autres, Personnel diplomatique et consulaire desEtats-Unis

àTéhéranC ,.Z.J. ecueil1980,p.22,par. 40;Activitmilitairesetparamili-
tairesau Nicaraguaetcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unisd'Amérique),
mesures conservatoires,C.Z.J.Recueil 1984,p. 185-186,et, mêmeaffaire,
compétence etrecevabilité,Z.JR. ecuei11984, .433-436).Enl'espèce, ilse
trouve quela décisionqu'ilestdemandé àla Courde prononcer entrerait
directement en conflit avec une décisiondu Conseil de sécurité. Cet
aspect de l'affaire ne peut être méconnIl ne constitue pourtant pas le
motif juridique de l'ordonnance de cejour. Celle-cine résulte d'aucun
conflitentre lacompétencedu Conseildesécuritéec telledelaCour,mais
d'un conflit entre les obligations qu'impose la Libye la décisiondu

Conseil de sécuritéet toutes obligations dont ellepourrait être tenueen
vertu de la convention de Montréal.La Charte dit que les premières
doiventprévaloir.
J'ai envisagéla question de savoir si des mesures conservatoires
auraient pu êtreindiquéedsans la mesure où il était alléque le défen-
deur avait menacé ledemandeur d'employerla force, ce que n'autorise
pas la résolution748 (1992).Toutefois,me semble-t-il,quelle qu'aitétéla
situationantérieure,laconclusionquelejugedoittirer delafaçondont les
chosesseprésententmaintenantestqueledéfendeur,quiapris l'initiative
de larésolutionetl'aappuyée,estprêt àsuivrela lignede conduite tracée

par elle et doncà ne pas recourir à la force sans y être autorisépar le
Conseil de sécurité. a résolutiondu Conseil de sécurité constituedonc
un obstacle sur cepoint, tant en droit qu'en fait.

ii) LAPOSSIBILITD'UN PROCÈS IMPARTIAL
SI LES DEUX ACCUSÉSSONT LIVRÉS AU DÉFENDEUR

La réclamation des Etats-Unistendant à obtenir que les deux Libyens
accusésleur soient livréspart engrandepartie du principe qu'un procès

impartial ne seraitpas possible en Libye.Cependant, le dossiersoumis
la Cour amène à sedemander silesEtats-Unisn'ontpas préjugé l'affaire.
Leur demande tendant à ce que la Libye verse ((des indemnitésappro-
priées..promptement et sans aucune réserve»présupposeque lesEtats-
Unis ont établi queles accusés sont coupables, car la responsabilitéde
1'Etatlibyen dépend dela culpabilité desaccusés.Mon raisonnement est
exposédansune opinion individuelle queje joins àl'ordonnance rendue
aujourd'hui par la Cour en l'instance parallèleintroduite par la Libye
contre le Royaume-Uni.

iii) LESIMPLICATIONSDE L'ORDONNANCE DE LA COUR

Puisque l'impossibilité d'agir, en droit interne,ne peut pas consti-
tuer un moyen de défense pourl'inexécution d'une obligationinterna- CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. IND. SHAHABUDDEE1N 42

tionale, il se peut qu'un Etat, s'ilveut s'exécuterdans une affaire de ce
genre, constate qu'afin de ne pas enfreindre son ordre juridique
interne il doit non seulement légiférerde la manière ordinaire, mais
prendre quelques mesures appropriées de revision constitutionnelle et

cela sans tarder. En l'espèce,la Libye a contestéque l'objectif déclaré
de garantir un procès impartial sera atteint si (après avoir pris toutes
les mesures nécessaires) elle seconformeà la résolutiondu Conseil de
sécurité.
La question qui surgit maintenant du fait de la contestation par la
Libye de la validitéde la résolution748 (1992)est celle de savoir si
une décision du Conseil de sécurité peut l'emportersur les droits
qu'ont juridiquement les Etats et, en ce cas, s'ilexiste quelque restric-
tion au pouvoir du Conseil de sécuritéd'appliquerà une situation une
qualification qui permette d'adopter une décisionentraînant de telles

conséquences. Les pouvoirs d'appréciation du Conseil ont-ils des
limites? Etant donnél'équilibrede forces sur lequel repose la structure
de l'organisation des Nations Unies dans l'ordre international en
mutation, peut-on concevoir qu'il y ait un point au-delà duquel l'on
peut légitimement s'interroger, en droit, sur la compétencedu Conseil
de sécuritéde produire de tels effets prééminents?S'il y a de telles
limites, quelles sont-elles? Quel organe, sinon le Conseil de sécurité,
est-ilcompétentpour dire en quoi elles consistent?
S'il faut répondreà toutes ces questions délicateset complexes par
la négative,la situation risque d'être étrange. Elle ne sertas pour

autant nécessairement indéfendableen droit. Quant à savoir jusqu'à
quel point la Cour peut pénétrerdans ce domaine, c'est là une autre
affaire. Il s'agit pourtant de questions importantes, mêmesi elles ne
peuvent pas être examinéesmaintenant.

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

The Court's Order is based solely on Security Council resolution 748
(1992).That also is the ground of my concurrence with it. But for that
resolution,1should have thought that Libya had presented an arguable
case for an indication of interim measures. The resolution now makes it
unnecessaryto explorethe legalelementsof Libya'srequestfor suchmea-
sures.Inviewoftheturn ofeventsoccasionedbythe resolution,1propose,
however, to say something on (i) the legal basis of the Court's Order;

(ii)the feasibilityofanimpartial trialinthe eventofthe twoaccusedbeing
surrendered to the Respondent; and (iii) certain implications of the
Court's Order.

(i)THE LEGAL BASIS OF THE COURT'O SRDER

Whatever mighthavebeen the previousposition,resolution 748(1992)
of the Security Council leaves the Court with no conclusion otherthan
that to which it has come.Thisis the result not of imposition of superior
authority - there isnone - but ofthe factthat,infindingthe applicable
law,the Court musttakeaccount ofthe resolutioninso far asit affectsthe
enforceability of the rights for the protection of which Libya isking
interim measures. The validity of the resolution, though contested by
Libya,has,atthisstage,to bepresumed (seethegeneralprinciple in Legal
Consequencesfor States of the Continued Presenceof South Africa in

Namibia (South West Africa) notwithstanding SecuritC youncil Resolu-
tion276(1970),Z.C.J.Reports1971,p. 22,para. 20).Article25oftheChar-
teroftheUnitedNations obligesLibyato complywiththe decisionsetout
in the resolution (ibid.,pp. 52-53).Byvirtue of Article 103ofthe Charter,
that obligationprevailsoveranyconflictingtreatyobligation which Libya
may have (Military andParamilitaryActivitiesin and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), Z.C.J.Reports 1984, p. 440,
para. 107).Treatyobligations canbeoverridden bya decisionofthe Secu-
rity Council imposingsanctions (Paul Reuter, Introductionto theLaw of
Treaties,1989,p. 113,para. 228,and SirGerald Fitzmaurice, TheLaw and
ProcedureoftheInternationalCourtof Justice,1986,Vol. 2,p. 431).Hence,
assumingthat Libyahas the rightswhich itclaims,prima faciethey could
not be enforced during the life ofthe resolution.

Severalcasesdemonstrate, in one wayor another, thatthe Court is not
precluded fromactingbythe merecircumstancethat the matter in contest OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

L'ordonnance de la Cour se fonde uniquement sur la résolution748

(1992)du Conseil de sécuritéT . el est aussi le motif de mon accord avec
elle. Sans cette résolution,j'auraisestiméque la Libye avait plaidéune
causedéfendable enfaveurde l'indicationde mesuresconservatoires.La
résolution dispense maintenant d'approfondir lesélémentsjuridiques de
la demande présentée par la Libyeà cet effet.Toutefois,comptetenu du
tour donné aux événements par la résolution,je voudrais dire quelque
chose sur: i) le fondement juridique de l'ordonnance de la Cour; ii) la
possibilitéd'un procès impartialsi lesdeux accuséssont livrésau défen-
deur; et iii)certaines implications de l'ordonnance de la Cour.

Quellequ'ait pu êtrela situation antérieure,la résolution748 (1992)du
Conseil de sécuriténe laisseà la Cour aucune autre conclusion possible

que celleà laquelle ellea abouti. Cela ne résultepasd'une autoritésupé-
rieure qui s'impose- il n'yen a pa- mais du fait qu'endéterminantle
droitapplicable la Cour doittenir compte de larésolution dans lamesure
où celle-ciaffecte la facultéde faire respecter les droits dont la Libye a
voulu obtenirlaprotection en demandant desmesuresconservatoires.La
validitéde la résolution,bienque contestéepar la Libye,doit être présu-
mée àcestade (voirleprincipe généraldansConséquencesjuridiquespour
lesEtatsdelaprésence continudee I'tfriqueduSudenNamibie (Sud-Ouest
africain) nonobstantla résolution76(1970)du Conseilde sécurité, C.I.J.
Recueil 1971,p. 22,par. 20).L'article25 de la Charte des Nations Unies
oblige la Libyeà se conformer àla décision énoncéd eans la résolution
(ibid.,p. 52-53).En vertu de l'article 103de la Charte, cette obligation
prévaut sur toute obligation conventionnelle en conflit dont la Libye
pourrait êtretenue (Activités militaires et paramilitaireasu Nicaraguaet
contre celui-ci(Nicaraguac. Etats-Unis d'Amérique), C.I.JR.ecueil1984,

p.440,par. 107).Lesobligationsissuesdetraitéspeuventêtresupplantées
par une décision du Conseil de sécurité qui impose des sanctions
(Paul Reuter,Introductionto theLaw of Treaties,1989,p. 113,par. 228,et
sirGerald Fitzmaurice, TheLaw andProcedure oftheInternationalCourt
ofJustice,1986,vol.2,p.431).Parconséquent, à supposer que la Libyeait
lesdroits qu'elleinvoque,cesdroits nepeuvent, àpremièrevue,pas rece-
voir exécutiontant que la résolution resteenvigueur.
Plusieurs décisionsdémontrent, d'une manière ou d'une autreq,ue le
simple fait que la question litigieuse soit aussi examinéepar un autre141 1971 MONTREAL CONVENTION (SEP.P.SHAHABUDDEEN)

is alsounder consideration by another organ of the United Nations
(see,interalia, UnitedStates Diplomaticand ConsularStaff in Tehran,
I.C.J.Reports1980,p.22,para. 40;and MilitaryandParamilitaryActivities
inand against Nicaragua (Nicaragua. UnitedStates ofAmerica),Provi-
sionalMeasures,I.C.J.Reports1984,pp. 185-186,and, samecase,Jurisdic-
tion and Admissibility, I.C.J. Reportspp. 433-436).In this case, it
happens that thedecision which the Court is asked to giveis one which

woulddirectly conflictwithadecisionofthe SecurityCouncil.That isnot
an aspect whichcan be overlooked. Yet, it is not thejuridical ground of
today'sOrder.Thisresultsnotfromany collisionbetweenthecompetence
oftheSecurityCouncil andthatofthe Court,but fromacollisionbetween
the obligations of Libyader the decision of the SecurityCouncil and
any obligations which it may have under the Montreal Convention. The
Charter saysthat the former prevail.

1have consideredthe questionwhetherinterim measures maybe indi-
catedto the extentthat the Respondenthas allegedlybeenthreateningthe
Applicant withforce,thisnotbeingauthorized byresolution 748(1992).It

appears to me, however, that whatever was the previous position, the
inferencetobejudicially drawnfrom thefactsasthey nowstand isthatthe
Respondent, havingpromoted and supported the resolution, isprepared
to follow the course indicated in the resolution and accordinglynot to
resort to forceunlessauthorized bythe SecurityCouncil. Soonthispoint
the resolution of the SecurityCouncilstands in the way,both on the law
and on the facts.

(ii) THEFEASIBILI TYAN IMPARTIT ARLIALINTHE EVENT OF THETW0

ACCUSEB DEINGSURRENDER EOTHE RESPONDENT

The United Statesdemandforthe surrender ofthe two accused Libyan
nationals is based largelyon the viewthat an impartial trial couldnot be
had in Libya. However,theaterial beforethe Court raises an issueasto
possible prejudgment ofthe caseby the United States.The United States
demand that Libya"must ..pay appropriate compensation...promptly
and in full" presupposes a determination by the United States that the
accusedare guilty,incethe responsibilityofthe LibyanStateispremised
on the guilt of the accused. My reasoning is set out in a opinion

appended bymetothe Order madetoday bythe Court in the companion
casebrought by Libyaagainstthe United Kingdom.

(iii) IMPLICATIOOFTHE COURT'O SRDER

Inabilityunder domesticlaw to actbeingno defencetonon-compliance
with an international obligation, in order to make such compliancein a CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. IND. SHAHABUDDEE1N 41

organedel'organisation desNations Uniesn'empêche pas laCour d'agir
(voir, entre autres, Personnel diplomatique et consulaire desEtats-Unis

àTéhéranC ,.Z.J. ecueil1980,p.22,par. 40;Activitmilitairesetparamili-
tairesau Nicaraguaetcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unisd'Amérique),
mesures conservatoires,C.Z.J.Recueil 1984,p. 185-186,et, mêmeaffaire,
compétence etrecevabilité,Z.JR. ecuei11984, .433-436).Enl'espèce, ilse
trouve quela décisionqu'ilestdemandé àla Courde prononcer entrerait
directement en conflit avec une décisiondu Conseil de sécurité. Cet
aspect de l'affaire ne peut être méconnIl ne constitue pourtant pas le
motif juridique de l'ordonnance de cejour. Celle-cine résulte d'aucun
conflitentre lacompétencedu Conseildesécuritéec telledelaCour,mais
d'un conflit entre les obligations qu'impose la Libye la décisiondu

Conseil de sécuritéet toutes obligations dont ellepourrait être tenueen
vertu de la convention de Montréal.La Charte dit que les premières
doiventprévaloir.
J'ai envisagéla question de savoir si des mesures conservatoires
auraient pu êtreindiquéedsans la mesure où il était alléque le défen-
deur avait menacé ledemandeur d'employerla force, ce que n'autorise
pas la résolution748 (1992).Toutefois,me semble-t-il,quelle qu'aitétéla
situationantérieure,laconclusionquelejugedoittirer delafaçondont les
chosesseprésententmaintenantestqueledéfendeur,quiapris l'initiative
de larésolutionetl'aappuyée,estprêt àsuivrela lignede conduite tracée

par elle et doncà ne pas recourir à la force sans y être autorisépar le
Conseil de sécurité. a résolutiondu Conseil de sécurité constituedonc
un obstacle sur cepoint, tant en droit qu'en fait.

ii) LAPOSSIBILITD'UN PROCÈS IMPARTIAL
SI LES DEUX ACCUSÉSSONT LIVRÉS AU DÉFENDEUR

La réclamation des Etats-Unistendant à obtenir que les deux Libyens
accusésleur soient livréspart engrandepartie du principe qu'un procès

impartial ne seraitpas possible en Libye.Cependant, le dossiersoumis
la Cour amène à sedemander silesEtats-Unisn'ontpas préjugé l'affaire.
Leur demande tendant à ce que la Libye verse ((des indemnitésappro-
priées..promptement et sans aucune réserve»présupposeque lesEtats-
Unis ont établi queles accusés sont coupables, car la responsabilitéde
1'Etatlibyen dépend dela culpabilité desaccusés.Mon raisonnement est
exposédansune opinion individuelle queje joins àl'ordonnance rendue
aujourd'hui par la Cour en l'instance parallèleintroduite par la Libye
contre le Royaume-Uni.

iii) LESIMPLICATIONSDE L'ORDONNANCE DE LA COUR

Puisque l'impossibilité d'agir, en droit interne,ne peut pas consti-
tuer un moyen de défense pourl'inexécution d'une obligationinterna-caseofthis kind a Statemay wellfind that, ifit isnot to breach its interna1
legal order, it may have not only to legislatein the ordinary way, but to
undertake some appropriate measure of constitutional amendment, and
to do so speedily. In this case, Libya has expressed doubts whether the
stated objective of securing an impartial trial willbe achieved if (having

taken whatever steps are necessary)it complieswiththe resolution ofthe
SecurityCouncil.

The question now raised by Libya'schallengeto the validity of resolu-
tion 748(1992)iswhethera decisionofthe SecurityCouncil mayoverride
the legal rights of States,and, if so,whether there are any limitations on
the power of the Council to characterize a situation as onejustifying the
making of a decision entailingsuch consequences.Arethere any limitsto
the Council'spowersofappreciation? Inthe equilibrium offorcesunder-
pinning the structure of the United Nations within the evolvinginterna-
tional order, is there any conceivable point beyond which a legal issue
rnayproperly arise as to the competence of the SecurityCouncil to pro-
duce such overridingresults?Ifthere are anylimits,what arethose limits
and what body, if other than the Security Council, is competent to Say
what those limitsare?

If the answers to these delicate and complex questions are al1in the
negative,the position ispotentiallycurious. Itwouldnot, onthat account,

be necessarilyunsustainable in law; and how far the Court can enter the
field is anothermatter. The issues are however important, even though
they cannot be examined now.

(Signed) Mohamed SHAHABUDDEEN. CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. IND. SHAHABUDDEE1N 42

tionale, il se peut qu'un Etat, s'ilveut s'exécuterdans une affaire de ce
genre, constate qu'afin de ne pas enfreindre son ordre juridique
interne il doit non seulement légiférerde la manière ordinaire, mais
prendre quelques mesures appropriées de revision constitutionnelle et

cela sans tarder. En l'espèce,la Libye a contestéque l'objectif déclaré
de garantir un procès impartial sera atteint si (après avoir pris toutes
les mesures nécessaires) elle seconformeà la résolutiondu Conseil de
sécurité.
La question qui surgit maintenant du fait de la contestation par la
Libye de la validitéde la résolution748 (1992)est celle de savoir si
une décision du Conseil de sécurité peut l'emportersur les droits
qu'ont juridiquement les Etats et, en ce cas, s'ilexiste quelque restric-
tion au pouvoir du Conseil de sécuritéd'appliquerà une situation une
qualification qui permette d'adopter une décisionentraînant de telles

conséquences. Les pouvoirs d'appréciation du Conseil ont-ils des
limites? Etant donnél'équilibrede forces sur lequel repose la structure
de l'organisation des Nations Unies dans l'ordre international en
mutation, peut-on concevoir qu'il y ait un point au-delà duquel l'on
peut légitimement s'interroger, en droit, sur la compétencedu Conseil
de sécuritéde produire de tels effets prééminents?S'il y a de telles
limites, quelles sont-elles? Quel organe, sinon le Conseil de sécurité,
est-ilcompétentpour dire en quoi elles consistent?
S'il faut répondreà toutes ces questions délicateset complexes par
la négative,la situation risque d'être étrange. Elle ne sertas pour

autant nécessairement indéfendableen droit. Quant à savoir jusqu'à
quel point la Cour peut pénétrerdans ce domaine, c'est là une autre
affaire. Il s'agit pourtant de questions importantes, mêmesi elles ne
peuvent pas être examinéesmaintenant.

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

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