Déclaration de M. Ni (traduction)

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089-19920414-ORD-01-02-EN
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089-19920414-ORD-01-00-EN
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[Traduction]

La Cour se trouve confrontée à une situation extraordinaire qui n'est
cependant pas tout àfaitsansprécédentE . lledécouledu faitque lamême
affaire a été soumisesimultanémenatu Conseil de sécuritéet à la Cour.

Le 21 janvier 1992, le Conseil de sécuritéde l'Organisation des
Nations Uniesaadoptéunerésolutiondans laquelleilademandéinstam-
ment au Gouvernementlibyen d'apporter une réponse complèteet effec-
tiveaux demandesformuléespar leConseil à propos de la destruction de
l'appareil assurant le vol 103de la PanAm au-dessus de Lockerbie, en
Ecosse,le21décembre1988,etpriéle Secrétairegénéra dle rechercherla
coopération du Gouvernement libyen en vue d'apporter une réponse
complèteet effective àces demandes.
Le3mars 1992,la Libyea déposé deuxrequêtes distinctesintroduisant
desinstancescontre le Royaume-Uniet les Etats-Unis d'Amérique, dans
lesquelles elle priait la Cour de dire et juger, entre autres, que les deux
Etatssusmentionnésavaientvioléleursobligationsjuridiques àl'égardde
la Libyeenvertu desdispositions dela conventionde Montréal.Lemême
jour, la Libyeasoumisdeuxdemandesdistinctesenindication demesures
conservatoirespour que la Cour enjoigne au Royaume-Uni et aux Etats-
Unis d'Amériquede s'abstenirde prendre certaines mesures.
Le 31 mars, le Conseil de sécuritéa adoptésa résolution748 (1992),
dans laquelle il a décidd'imposerdes sanctions sila Libyene s'étaitpas

conformée,le 15avril au plus tard, aux dispositions de cette résolution.
Laquestion seposedesavoirsileConseildesécuritéeltaCourpeuvent
maintenant exercerleurs fonctions respectives simultanémenten ce qui
concerne ledifférendentre la Libye,d'une part, etle Royaume-Uni et les
Etats-Unis, de l'autre. On peut arguer, au nom du Conseil de sécurité,
qu'aux termesdel'article24delaCharte desNations Unies lesMembres
del'organisation confèrentau Conseil de sécurité la responsabilitéprin-
cipale du maintien de la paix et de la sécuritéinternationalesafin d'assu-
rer l'action rapide et efficace de l'organisation. D'un autre côté,cepen-
dant, onpeut souteniraussi quel'article92delaCharte desNations Unies
stipule que laCour internationale de Justice constituel'organejudiciaire
principal des Nations Unies et qu'aux termes de l'article36de son Statut
la Cour areçu lepouvoir de régler«tous lesdifférendsd'ordrejuridique
ayant pour objet: a) l'interprétationd'un traitéb) tout point de droit
international.».
Surcepoint, lajurisprudence dela Cour n'estpas sansêtred'un certain
secours. Ne serait-ce que pendant les années quatre-vingt, nous avons

l'affaireduPersonneldiplomatiqueetconsulairedesEtats-Unis à Téhéraen t
l'affaire desctivités militaireet paramilitairesau Nicaragua etcontrecelui-ci.Dans la première affaire,sur laquellela Cour a statuéen 1980,le
Conseil de sécurité avait précédemmen atdopté des résolutions et le
Secrétairegénéralavam it êmeconstituéune commissiond'établissement
des faits avec l'accord des deux parties. Cela n'a pas empêché lCour
d'exercersa fonction judiciaire. Dans son arrêt,la Cour a fait observer

que,lorsque le Conseil de sécurité avaitdoptésa résolution461(1979),
«il ne sembleêtrevenu àl'esprit d'aucun membredu Conseil qu'ily
eût ou pûty avoir rien d'irrégulier dansl'exercicesimultanépar la
Cour et par le Conseil de sécuride leurs fonctions respectives.Le

fait n'est d'ailleurs pas surprenant.)) (C.I.J. Recueil 1980, p. 21,
par. 40.)
Comparant les relations entre le Conseil de sécuritéet l'Assemblée
généraleeltesrelationsentre leConseildesécuritéeltaCour,laCouradit

cecidans cet arrêt:
«Alors que l'article 12 de la Charte interdit expressément à
l'Assembléegénéralede faire une recommandation au sujet d'un

différendou d'une situationàl'égarddesquelsleConseilremplitses
fonctions, ni la Charte ni le Statut n'apportent de restriction sem-
blable à l'exercice des fonctions de la Cour. Les raisons en sont
évidentes: c'est à la Cour, organe judiciaire principal des
Nations Unies, qu'ilappartient de résoudretoute questionjuridique
pouvant opposer des parties àun différend; etla résolutionde ces
questions juridiques par la Cour peut jouer un rôle important et
parfois déterminantdans le règlementpacifique du différend.C'est
d'ailleurscequereconnaîtl'article36,paragraphe 3,delaCharte,qui
prévoitexpressément :

«En faisant lesrecommandations prévuesau présent article,le
Conseil de sécurité doit aussi tenir comptedu fait que, d'une
manière généralel,es différends d'ordrejuridique devraient être
soumis par les parties àla Cour internationale de Justice confor-
mément aux dispositions du Statut de la Cour.)) (Ibid., p. 22,
par. 40.)

L'arrêt rendupar la Courdans l'affairedu Nicaragua va dans lemême
sens que son raisonnement dans l'affaire du Personneldiplomatiqueet
consulairedesEtats-Unisà Téhéran D.ans cetarrêtl,aCour adéclarécequi
suit:

«Tant queleConseil n'apas faitlaconstatation viséeàl'article39,
lesdifférendsdoiventêtrerésolu psar lesmodes derèglementpacifi-
queprévus à l'article33,ycompris lerèglementjudiciaire; d'ailleurs,
même aprèsuneconstatation faite enapplication del'article39,iln'y
a pas forcémentincompatibilitéentrel'actiondu Conseil de sécurité
et une décisionjudiciaire prise par la Cour.» (C.I.J. Recueil 1984,
p. 432,par. 90; lesitaliques sontde moi.) Dans lemême esprit,la Cour a exprimél'avisque «le faitqu'une ques-
tion estsoumiseau Conseilde sécurité ne doitpas empêcherlaCour d'en
connaître,etquelesdeuxprocédurespeuventêtrm e enéesparallèlement D
(C.Z.J.Recueil1984,p. 433,par. 93). LaCour a alors poursuivi en disant:

«Il faut ici souligner que l'article 24 de la Charte des Nations
Unies dispose que :
«Afin d'assurer l'action rapideetefficacedel'organisation, ses
Membresconfèrentau Conseildesécuritélaresponsabilité princi-
pale du maintien de la paix et de la sécuritéinternationales.»

Ce n'est donc pas une responsabilité exclusiveque la Charte
confère à cettefin au Conseil de sécurité..LeConseila des attribu-
tions politiques; la Cour exercedes fonctionspurement judiciaires.
Les deux organes peuvent donc s'acquitter de leurs fonctions
distinctes mais complémentaires à propos des mêmesévénements ).
(Zbid.,p. 434-435,par. 95.)

Ilnefautpas négliger,ici,lamention defonctions complémentaires L.es
deuxorganestraitent certes delamême question,maisleurattention ne se
porte pas sur les mêmespoints. Dans la présente affaire, le Conseilde
sécurité,en saqualitéd'organe politique s,epréoccupesurtout de l'élimi-
nation du terrorismeinternational et du maintien de la paix et de la sécu-
rité internationales, tandisque la Cour internationale de Justice, en tant
que principal organejudiciaire de l'organisation des Nations Unies, se
préoccupe davantage de procédures juridiques comme les questions
d'extradition et les procédures concernant la poursuite des délinquants,
l'évaluation desdommages, etc. Maiscesfonctionspeuvent êtreliées les
unes aux autres. Lesrelations entre lesdeux organesdoiventêtrecaracté-

riséespar une coordination et une coopérationet non par une concur-
rence ou une exclusionréciproque.
Cela dit,je vais maintenant exposer mes vues concernant la demande
en indication de mesures conservatoires présentéepar le requérant.Je
considèreque,par-dessustout, il sepose la question de savoir sila Libye
peut maintenant invoquerjuridiquement une voie de recours en vertu de
la convention de Montréalde 1971,qui estl'instrumentsur lequel elle se
fonde principalement pour introduire sesinstancesdevant la Cour. L'ar-
ticle 14,paragraphe 1,dela convention de Montréalde 1971selitcomme
suit:

«Tout différend entre des Etats contractants concernant l'inter-
prétation ou l'applicationde la présente convention quine peut pas
êtreréglépar voie de négociationest soumis à l'arbitrage,à la
demande de l'und'entreeux. Si,dans lessixmoisqui suiventla date
de la demande d'arbitrage,lesparties ne parviennent pas à semettre
d'accord sur l'organisationde l'arbitrage, l'une quelconque d'entre
ellespeut soumettre le différend àla Cour internationale de Justice,
endéposantunerequête conformémenatu Statut de la Cour. D Pour déterminer si elle devrait ou non maintenant faire droit à la
demandedu requérant,laCour devraittout d'abord statuersur cetteques-
tion temporelle qu'est ledélaide six mois prévupour l'organisation de
l'arbitrage. Le délai ainsi stipuléne peut pas être méconnu selole bon
vouloirdel'une oul'autre desParties.Iln'yapaseu derefusdel'arbitrage
de la part desdéfendeurs.A cejour, il n'ya pas eu de négociatioàcette

fin entrelesParties.lestclairque,depuislalettre du 18janvier 1992dans
laquelle le requérant ademandéaux défendeursleur accord concernant
l'arbitrage, ce délaide six mois n'a pas encore expiré.l est prématuré
pour lerequérantde présenter maintenantune voie de recours à la Cour.
Telle est la question laquelle il faut d'abord répondre, telest le seàil
franchir, avant de pouvoir statuer sur toute autre question.
Je conviens,aveclamajoritédemescollègues,que la demandeen indi-
cation de mesures conservatoiresdoit être rejetée. mon avis,toutefois,
elle devrait être rejetpour le seul motif que la condition temporelle
stipuléeàl'article 14,paragraphe 1,delaconvention de Montréalde 1971
n'estpas remplie, sans avoiràstatuer simultanémentsur les autres ques-
tions, commel'existencedesdroitsrevendiquéspar lerequérant, lerisque
d'un préjudice irréparable, l'urgence,tc. En conséquence, le requérant
ne peut pas se voir refuser le droit de saisir la présenteCour conformé-

mentauxdispositions delaconventiondeMontréalde 1971siledifférend
subsisteencoreplusieurs mois et si lerequérant le souhaite.

(Signé)NIZhengyu.

Bilingual Content

DECLARATION OF JUDGE NI

The Court is confronted with an extraordinary situation which, how-
ever,is not entirelyunprecedented. It occurs from the fact that a case is
before both the SecurityCouncil and the Court.
On21January 1992,the United Nations SecurityCouncil had adopted
a resolution, urging the Libyan Government to provide full account and
effectiveresponse to the requests of the Council in connection with the
destruction of Pan Amflight 103at Lockerbie,Scotland, on 21December
1988and requesting the Secretary-General to seek CO-operationof the
LibyanGovernment to provide fulland effectiveresponseto the requests.

On 3 March 1992,Libya filed two separate Applications against the
United Kingdom andthe United StatesofAmerica,requestingthis Court
to adjudge and declare, interalia,that both the above-mentioned States
had breached their legal obligations to Libya under the Articles of the
Montreal Convention. On the same day, Libya made two separate
requests to indicate provisionalmeasures to enjoin the United Kingdom
and the United States of Americafrom taking certain actions.

On 31 March, the Security Council adopted resolution 748 (1992),
imposingsanctions, if Libyadoes not complybefore 15April.

Question arises whether the SecurityCouncil and the Court can now
exercisetheir respectivefunctions at the same time in respect of the dis-

pute between Libya on the one side and the United Kingdom and the
United Stateson the other. It canbeurgedonbehalf ofthe SecurityCoun-
cilthat under Article 24 ofthe United Nations Charter, Members of the
United Nations confer onthe SecurityCouncilprimary responsibility for
the maintenance of international peace and security, in order to ensure
prompt and effectiveactionbythe United Nations. Butonthe other hand,
it can alsobe arguedthat itisprovided in Article92ofthe United Nations
Charter that the International Court of Justice shall be the principal
judicial organ of the United Nations which is given the power, under
Article 36 of the Court's Statute, to settle "al1legal disputes concern-
ing :(a)the interpretation of a treaty; (b)any question of international
law; ...".
In this respect, we are not without guidance from thejurisprudence of
the Court. Asrecently as the 1980s,wehave the case of the UnitedStates
DiplomatieandConsularStaffinTehranandthe caseof MilitaryandPara-
militaryActivitiesinandagainst Nicaragua.In the former case which was[Traduction]

La Cour se trouve confrontée à une situation extraordinaire qui n'est
cependant pas tout àfaitsansprécédentE . lledécouledu faitque lamême
affaire a été soumisesimultanémenatu Conseil de sécuritéet à la Cour.

Le 21 janvier 1992, le Conseil de sécuritéde l'Organisation des
Nations Uniesaadoptéunerésolutiondans laquelleilademandéinstam-
ment au Gouvernementlibyen d'apporter une réponse complèteet effec-
tiveaux demandesformuléespar leConseil à propos de la destruction de
l'appareil assurant le vol 103de la PanAm au-dessus de Lockerbie, en
Ecosse,le21décembre1988,etpriéle Secrétairegénéra dle rechercherla
coopération du Gouvernement libyen en vue d'apporter une réponse
complèteet effective àces demandes.
Le3mars 1992,la Libyea déposé deuxrequêtes distinctesintroduisant
desinstancescontre le Royaume-Uniet les Etats-Unis d'Amérique, dans
lesquelles elle priait la Cour de dire et juger, entre autres, que les deux
Etatssusmentionnésavaientvioléleursobligationsjuridiques àl'égardde
la Libyeenvertu desdispositions dela conventionde Montréal.Lemême
jour, la Libyeasoumisdeuxdemandesdistinctesenindication demesures
conservatoirespour que la Cour enjoigne au Royaume-Uni et aux Etats-
Unis d'Amériquede s'abstenirde prendre certaines mesures.
Le 31 mars, le Conseil de sécuritéa adoptésa résolution748 (1992),
dans laquelle il a décidd'imposerdes sanctions sila Libyene s'étaitpas

conformée,le 15avril au plus tard, aux dispositions de cette résolution.
Laquestion seposedesavoirsileConseildesécuritéeltaCourpeuvent
maintenant exercerleurs fonctions respectives simultanémenten ce qui
concerne ledifférendentre la Libye,d'une part, etle Royaume-Uni et les
Etats-Unis, de l'autre. On peut arguer, au nom du Conseil de sécurité,
qu'aux termesdel'article24delaCharte desNations Unies lesMembres
del'organisation confèrentau Conseil de sécurité la responsabilitéprin-
cipale du maintien de la paix et de la sécuritéinternationalesafin d'assu-
rer l'action rapide et efficace de l'organisation. D'un autre côté,cepen-
dant, onpeut souteniraussi quel'article92delaCharte desNations Unies
stipule que laCour internationale de Justice constituel'organejudiciaire
principal des Nations Unies et qu'aux termes de l'article36de son Statut
la Cour areçu lepouvoir de régler«tous lesdifférendsd'ordrejuridique
ayant pour objet: a) l'interprétationd'un traitéb) tout point de droit
international.».
Surcepoint, lajurisprudence dela Cour n'estpas sansêtred'un certain
secours. Ne serait-ce que pendant les années quatre-vingt, nous avons

l'affaireduPersonneldiplomatiqueetconsulairedesEtats-Unis à Téhéraen t
l'affaire desctivités militaireet paramilitairesau Nicaragua etcontre 133 1971 MONTREAL CONVENTION (DECLN . I)

decidedin 1980,resolutionswerepreviouslypassedbytheSecurity Coun-
ciland even a fact-finding commissionwas established by the Secretary-
General with the agreement of the two parties. These did not preventthe
Court from exercisingitsjudicial functions. TheJudgmentindicated that
in adoptingresolution 461(1979),

"it doesnot seemto haveoccurredto anymemberofthe Councilthat
there wasor couldbeanythingirregular inthe simultaneous exercise
of their respectivefunctions by the Court and the SecurityCouncil.
Nor isthereinthisanycausefor surprise." (I.C.J. Reports1980,.p.21,
para. 40).

In comparingthe relations betweenthe SecurityCouncil and the Gen-
eral Assembly, and the relations between the Security Council and the
Court,the Court had this to Sayin that Judgment :

"Whereas Article 12of the Charter expresslyforbidsthe General
Assemblyto make any recommendation with regard to a dispute or
situation while the Security Council is exercising its functions in
respect of that dispute or situation, nouch restriction is placed on
the functioning ofthe Court by anyprovision ofeitherthe Charter or
the Statuteofthe Court.The reasons are clear.It isforthe Court,the
principal judicial organ of the United Nations, to resolve any legal
questions that maybe in issue between parties to a dispute; and the
resolution ofsuchlegalquestions bythe Court maybe an important,

and sometimesdecisive,factorin promotingthe peaceful settlement
ofthe dispute.This isindeed recognizedbyArticle36oftheCharter,
paragraph 3 of which specifically provides that:
'In making recommendations under this Article the Security
Council should also take into consideration that legal disputes
should as a general rule be referred by the parties to the Interna-
tional Court of Justice in accordance with the provisions of the

Statute ofthe Court."' (Ibid.,p. 22,para. 40.)

The Court's decision in the Nicaragua case is consistent with the rea-
soning in the UnitedStates Diplornaticand ConsularStaffin Tehrancase.

TheJudgment says :

"Until the SecurityCouncil makes a determination under Article
39, a dispute remains to be dealt with by the methods of peaceful
settlementprovided under Article 33,includingjudicial settlement;

and even aftera determination under Article39,there isno necessary
inconsistencybetween SecurityCouncilaction and adjudication by
the Court." (I.C.J. Reports 1984,p. 432,para. 90; emphasis added.)celui-ci.Dans la première affaire,sur laquellela Cour a statuéen 1980,le
Conseil de sécurité avait précédemmen atdopté des résolutions et le
Secrétairegénéralavam it êmeconstituéune commissiond'établissement
des faits avec l'accord des deux parties. Cela n'a pas empêché lCour
d'exercersa fonction judiciaire. Dans son arrêt,la Cour a fait observer

que,lorsque le Conseil de sécurité avaitdoptésa résolution461(1979),
«il ne sembleêtrevenu àl'esprit d'aucun membredu Conseil qu'ily
eût ou pûty avoir rien d'irrégulier dansl'exercicesimultanépar la
Cour et par le Conseil de sécuride leurs fonctions respectives.Le

fait n'est d'ailleurs pas surprenant.)) (C.I.J. Recueil 1980, p. 21,
par. 40.)
Comparant les relations entre le Conseil de sécuritéet l'Assemblée
généraleeltesrelationsentre leConseildesécuritéeltaCour,laCouradit

cecidans cet arrêt:
«Alors que l'article 12 de la Charte interdit expressément à
l'Assembléegénéralede faire une recommandation au sujet d'un

différendou d'une situationàl'égarddesquelsleConseilremplitses
fonctions, ni la Charte ni le Statut n'apportent de restriction sem-
blable à l'exercice des fonctions de la Cour. Les raisons en sont
évidentes: c'est à la Cour, organe judiciaire principal des
Nations Unies, qu'ilappartient de résoudretoute questionjuridique
pouvant opposer des parties àun différend; etla résolutionde ces
questions juridiques par la Cour peut jouer un rôle important et
parfois déterminantdans le règlementpacifique du différend.C'est
d'ailleurscequereconnaîtl'article36,paragraphe 3,delaCharte,qui
prévoitexpressément :

«En faisant lesrecommandations prévuesau présent article,le
Conseil de sécurité doit aussi tenir comptedu fait que, d'une
manière généralel,es différends d'ordrejuridique devraient être
soumis par les parties àla Cour internationale de Justice confor-
mément aux dispositions du Statut de la Cour.)) (Ibid., p. 22,
par. 40.)

L'arrêt rendupar la Courdans l'affairedu Nicaragua va dans lemême
sens que son raisonnement dans l'affaire du Personneldiplomatiqueet
consulairedesEtats-Unisà Téhéran D.ans cetarrêtl,aCour adéclarécequi
suit:

«Tant queleConseil n'apas faitlaconstatation viséeàl'article39,
lesdifférendsdoiventêtrerésolu psar lesmodes derèglementpacifi-
queprévus à l'article33,ycompris lerèglementjudiciaire; d'ailleurs,
même aprèsuneconstatation faite enapplication del'article39,iln'y
a pas forcémentincompatibilitéentrel'actiondu Conseil de sécurité
et une décisionjudiciaire prise par la Cour.» (C.I.J. Recueil 1984,
p. 432,par. 90; lesitaliques sontde moi.) In the same vein, the Court indicated that "the fact that a matter is
before the SecurityCouncil should not prevent it being dealt with by the
Court and that both proceedings could be 'pursued pari passu" (I.C.J.
Reports 1984,p. 433,para. 93).The Court wenton to Saythat :

"It is necessaryto emphasizethat Article 24 ofthe Charter of the
United Nations provides that
'In order to ensure prompt and effective action by the United
Nations, its Members confer on the Security Council primary
responsibility for the maintenance of international peace and
security .. .'

The Charter accordingly does not confer exclusiveresponsibility
uponthe SecurityCouncil forthe purpose. . .TheCouncilhas func-
tions of a politicalnature assignedto it,whereas the Court exercises
purely judicial functions. Both organs can therefore perform their
separate but complementary functions with respect to the same
events." (Ibid.,pp. 434-435,para. 95.)

Here the mention of complementaryfunctions should not be over-
looked. Although both organs deal withthe samematter, there are differ-
ing points of emphasis. In the instant case, the Security Council, as a
political organ, is more concerned with the elimination of international
terrorism and the maintenance of international peace and security,while
the International Court of Justice, as the principal judicial organ of the
United Nations, is more concerned with legal procedures such as ques-
tions of extradition and proceedings in connection with prosecution of
offenders and assessmentof compensation, etc. But these functions may
be correlated witheachother.Whatwouldbe requiredbetween the two is
CO-ordinationand CO-operation,not competition or mutual exclusion.

Having said this, 1am now to state myviewswith respect to the Appli-
cant'srequest forprovisional measures. 1considerthat, aboveall,there is
the question ofwhether Libya can seeklegalremedynow under the 1971
Montreal Convention onwhich Libyaprimarily reliesforitsinstitution of
legalproceedingsinthis Court. The 1971 Montreal Convention provides
in itsArticle 14(1)that :

"Any dispute between two or moreContracting Statesconcerning
the interpretation or application ofthisConventionwhichcannotbe
settled through negotiation, shall, at the request of one of them, be
submitted to arbitration. If within six months from the date of the
requestforarbitration the Partiesare unable toagreeonthe organiza-
tion ofthe arbitration, any one ofthose Parties mayreferthe dispute
to the International Court of Justice by request in conformity with
the Statute ofthe Court." Dans lemême esprit,la Cour a exprimél'avisque «le faitqu'une ques-
tion estsoumiseau Conseilde sécurité ne doitpas empêcherlaCour d'en
connaître,etquelesdeuxprocédurespeuventêtrm e enéesparallèlement D
(C.Z.J.Recueil1984,p. 433,par. 93). LaCour a alors poursuivi en disant:

«Il faut ici souligner que l'article 24 de la Charte des Nations
Unies dispose que :
«Afin d'assurer l'action rapideetefficacedel'organisation, ses
Membresconfèrentau Conseildesécuritélaresponsabilité princi-
pale du maintien de la paix et de la sécuritéinternationales.»

Ce n'est donc pas une responsabilité exclusiveque la Charte
confère à cettefin au Conseil de sécurité..LeConseila des attribu-
tions politiques; la Cour exercedes fonctionspurement judiciaires.
Les deux organes peuvent donc s'acquitter de leurs fonctions
distinctes mais complémentaires à propos des mêmesévénements ).
(Zbid.,p. 434-435,par. 95.)

Ilnefautpas négliger,ici,lamention defonctions complémentaires L.es
deuxorganestraitent certes delamême question,maisleurattention ne se
porte pas sur les mêmespoints. Dans la présente affaire, le Conseilde
sécurité,en saqualitéd'organe politique s,epréoccupesurtout de l'élimi-
nation du terrorismeinternational et du maintien de la paix et de la sécu-
rité internationales, tandisque la Cour internationale de Justice, en tant
que principal organejudiciaire de l'organisation des Nations Unies, se
préoccupe davantage de procédures juridiques comme les questions
d'extradition et les procédures concernant la poursuite des délinquants,
l'évaluation desdommages, etc. Maiscesfonctionspeuvent êtreliées les
unes aux autres. Lesrelations entre lesdeux organesdoiventêtrecaracté-

riséespar une coordination et une coopérationet non par une concur-
rence ou une exclusionréciproque.
Cela dit,je vais maintenant exposer mes vues concernant la demande
en indication de mesures conservatoires présentéepar le requérant.Je
considèreque,par-dessustout, il sepose la question de savoir sila Libye
peut maintenant invoquerjuridiquement une voie de recours en vertu de
la convention de Montréalde 1971,qui estl'instrumentsur lequel elle se
fonde principalement pour introduire sesinstancesdevant la Cour. L'ar-
ticle 14,paragraphe 1,dela convention de Montréalde 1971selitcomme
suit:

«Tout différend entre des Etats contractants concernant l'inter-
prétation ou l'applicationde la présente convention quine peut pas
êtreréglépar voie de négociationest soumis à l'arbitrage,à la
demande de l'und'entreeux. Si,dans lessixmoisqui suiventla date
de la demande d'arbitrage,lesparties ne parviennent pas à semettre
d'accord sur l'organisationde l'arbitrage, l'une quelconque d'entre
ellespeut soumettre le différend àla Cour internationale de Justice,
endéposantunerequête conformémenatu Statut de la Cour. D135 1971 MONTREALCONVENTION (DECLN . I)

In determiningwhetherthe Court should orshouldnotgrant relief now
to the Applicant, the Court should first decide on thistemporal question

of the six-monthperiod fororganizing arbitration. The period thus pro-
vided cannotbeignored atthepleasure ofeitherParty. Therehas been no
refusa1to arbitrateonthe part ofthe Respondents.No negotiationhas yet
been conductedforthis purpose betweenthe Parties. It isclearthat, since
the Applicant's letter of 18January 1992requesting agreement to arbi-
trate, the six-month period has not yet run out. It is premature for
the Applicant to seek a legal remedy now from this Court. This is the
threshold question which must first be solved before any other question
can be decidedupon.

1 agree with the majority that the request for provisional measures
should be denied. But 1 consider that it should be denied on the sole
ground of non-fulfilment of the temporal requirement provided inAr-
ticle 14(1)of the 1971Montreal Conventionwithout having to decide at

the sametime on the other issues, such asthe existence of rights claimed
by the Applicant, irreparable damage,urgency, etc.Consequently, in my
viewthe Applicant will not be prevented fromseeking a remedy of this
Court in accordance with the provisions of the971Montreal Conven-
tion, if the dispute monthslater still subsists and if the Applicant so
desires.

(Signe d)I Zhengyu. Pour déterminer si elle devrait ou non maintenant faire droit à la
demandedu requérant,laCour devraittout d'abord statuersur cetteques-
tion temporelle qu'est ledélaide six mois prévupour l'organisation de
l'arbitrage. Le délai ainsi stipuléne peut pas être méconnu selole bon
vouloirdel'une oul'autre desParties.Iln'yapaseu derefusdel'arbitrage
de la part desdéfendeurs.A cejour, il n'ya pas eu de négociatioàcette

fin entrelesParties.lestclairque,depuislalettre du 18janvier 1992dans
laquelle le requérant ademandéaux défendeursleur accord concernant
l'arbitrage, ce délaide six mois n'a pas encore expiré.l est prématuré
pour lerequérantde présenter maintenantune voie de recours à la Cour.
Telle est la question laquelle il faut d'abord répondre, telest le seàil
franchir, avant de pouvoir statuer sur toute autre question.
Je conviens,aveclamajoritédemescollègues,que la demandeen indi-
cation de mesures conservatoiresdoit être rejetée. mon avis,toutefois,
elle devrait être rejetpour le seul motif que la condition temporelle
stipuléeàl'article 14,paragraphe 1,delaconvention de Montréalde 1971
n'estpas remplie, sans avoiràstatuer simultanémentsur les autres ques-
tions, commel'existencedesdroitsrevendiquéspar lerequérant, lerisque
d'un préjudice irréparable, l'urgence,tc. En conséquence, le requérant
ne peut pas se voir refuser le droit de saisir la présenteCour conformé-

mentauxdispositions delaconventiondeMontréalde 1971siledifférend
subsisteencoreplusieurs mois et si lerequérant le souhaite.

(Signé)NIZhengyu.

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Déclaration de M. Ni (traduction)

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