Opinion dissidente de M. Rigaux, juge ad hoc

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OPINION DISSIDENTE DE M. RIGAUX

Le 23juin 1997, les Etats-Unis d'Amérique ont déposé leurcontre-
mémoireen l'instance principale et ils y ont joint une demande recon-
ventionnelle. Le 18 novembre 1997, la République islamique d'Iran a
déposéune ((Demande tendant àce que les Parties soient entendues au
sujet de la demande reconventionnelle des Etats-Unis en application du
paragraphe 3 de l'article 80 du Règlementde la Cour)). Le 18décembre
1997, les Etats-Unis ont soumis à la Cour un exposésur la demande
précitée.
Tout en soutenant que la Cour est compétente pour connaître de

la demande reconventionnelle introduite par le contre-mémoire du
23 juin 1997,l'exposé tend exclusivement à ce que la Cour se prononce
sur la demande visant à obtenir un débatcontradictoire. Selon cet ex-
posé :
«Aux termes du Règlement dela Cour, la seulequestionjuridique
pertinentepour l'heure estcelledesavoir sile rapport deconnexité))
entre la demande reconventionnelle des Etats-Unis et l'objet de la
demande de l'Iran «n'est pasapparent)). En l'occurrence,l'existence

de ce rapport n'est pas douteuse. Par voie de conséquence, la
demande de l'Iran tendantà ce que les parties soient entendues àu
ce que la demande reconventionnelle ne soit pas jointe àl'instance
initiale ne repose sur aucun fondement.))(Par. 3.)
Bien que ce passage de l'exposéaméricain soit reproduit dans l'ordon-
nance (par. 22), la Cour n'en déduit pasles conséquencesqui auraient dû
y êtreimpliquées, à savoir qu'elle n'estpas saisie du point de savoir s'il
existe un rapport de connexité directe entre la demande originaire et la
demande reconventionnelle ni, même,si un tel rapport est apparent. Elle

ne peut choisir qu'entre les deux branches de l'alternative suivante: ou
bien, si elleestime que le rapport de connexitén'est pas apparent, ouvrir
un débat oral contradictoire sur cepoint ou bien écarter la demandede la
Républiqueislamique d'Iran.
La seconde branche de l'alternative n'implique pas que la Cour donne
une réponse affirmative (il y a apparence de connexité), maisque la
question soit jointe au fond. C'est aussi la position américainedans les
remarques finales de l'exposédu 18décembre1997 :

«Dans son orientation généralel,'argumentation de l'Iran ne porte
pas sur le point de savoir si la demande reconventionnelle desats- Unis est en rapport de connexitéavec l'objet de la demande de
l'Iran, mais sur celui de savoir si les Etats-Unis ont présentéune
demande reconventionnellevalable. La Cour ne saurait seprononcer
sur ce point à ce stade de la procédure.Elle ne saurait certainement
pas permettre à l'Iran d'éviterde répondre au fond à la demande
reconventionnelle des Etats-Unis. » (Par. 43.)

Le paragraphe 1 de l'article 80 soumet la recevabilitéd'une demande
reconventionnelle à deux conditions de fond:

- une connexité directeavec l'objet de la demande originaire,

- que la demande reconventionnelle relève de la compétence de la
Cour.

Le paragraphe 2 de l'article 80 contient une condition de forme.
Le paragraphe 3 de l'article 80 suscite deux problèmes:

- le caractère non apparent du rapport de connexité,
- la Cour décide((aprèsavoir entendu les parties)).

Ainsi, dans la présenteespèce,la Cour devra répondre à quatre ques-
tions:
1. Existe-t-il une connexité directeentre les deux actions?

2. La demande reconventionnelle relève-t-elle dela compétencede la
Cour ?
3. A propos de la première question, le rapport de connexitéallégué
n'est-ilpas apparent?
4. Si ce rapport n'est pas apparent, la Cour doit entendre les Parties.

Il y va de trois notions non définiespar le Règlement et sur lesquelles
la jurisprudence offre peu d'indication :
1. Qu'est-ce qu'une connexitédirecte?
2. Le rapport est-il ou non apparent?

3. S'ilne l'estpas, l'expression((aprèsavoirentendu lesparties))requiert-
elle une procédureorale?
Comme il a étédit dans le point A ci-dessus,la seule question actuel-
lement soumise à la Cour est celle de savoir si le rapport de connexité

n'est pas apparent. S'ilest donnéune réponsenégative à cette question
négative,cela n'entraîne pas que le rapport de connexitésoit établini,
même,qu'il soit déclaréapparent mais que toutes les autres questions
doivent êtrejointes au fond. C'est sous laréservedu caractèreprématuré
du présent examen que ces différentesquestions seront succinctement
considérées.226 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. DISS. RIGAUX)

Depuis la mention succincte du Règlement de 1922, les modifications
apportéesen 1936,en 1976et en 1978ont eu pour effet de préciseren les
restreignant les conditions d'exerciced'une action reconventionnelle.

C'est en 1936qu'apparaît la double exigencede ((connexitédirecte))et
de compétence. Le règlementadopté par la présente Cour en 1946 y

ajoute une règle de procédure: «Si le rapport de connexité entre la
demande reconventionnelle et l'objet de la requêten'est pas apparent, la
Cour, après examen, décide ..»
En 1978,cette phrase est déplacéedans le paragraphe 3 de l'article 80,
moyennant la substitution des mots «aprèsavoir entendu lesparties))aux
mots ((après examen)).
L'une des principales modifications, cellede 1936,a manifestement été
inspiréepar Anzilotti, qui avait présidé laCour permanente quand celle-

ci avait prononcé en 1928 l'arrêt surle fond en l'affaire de l'Usine de
Chorzbw. L'article publiépar l'éminentjuge, en italien dès 1929,en tra-
duction française l'annéesuivante1, porte la trace de cette expérienceet
peut êtretenupour une manière d'exposé desmotifs de l'article63 adopté
en 1936.
Aprèsavoir rappelé que l'affairede 1'Usinede Chorzbwest la première
dans laquelle la Cour permanente ait dû se prononcer sur la recevabilité
d'une demande reconventionnelle, Anzilotti vérified'abord si l'article 40
du Règlement de 1922 est en conformité avecle Statut de la Cour, qui

n'avait pas prévu l'introduction d'unedemande reconventionnelle, ques-
tion qu'il résoutpar l'affirmative, ce qui n'est plus contestéaujourd'hui.
Il insiste sur le caractère exceptionnel des demandes reconventionnelles
qui ne peuvent être que((certaines demandes qui ont une certaine con-
nexion avec celle du demandeur » 2.
Quant à la condition de compétencequ'Anzilotti tient pour nécessaire,
elle implique qu'à la différence dela solution de certaines législations
internes la connexité nejustifie pas, selon l'article 40 du Règlement de

1922,une prorogation de compétence de laCour (Clunet, 1930,p. 869).
La seconde condition que le Règlement de 1936fera sienne, à savoir
l'existence d'une connexitéqualifiée,apparaît elle aussi dans l'article
d'Anzilotti. Les trois expressions qu'il utilise à cette fin méritent d'être
rappelées :

«La demande reconventionnellene peut êtreadmise qu'exception-
nellement dans le cas où cette demande se trouve en rapport spécial
avec la demande principale.» (P. 870.)

lD. Anzilotti, «La riconvenzione nella procedura internazionale)), VIII, Rivista di di-
ritto internazionale, 1929,p. 309-327; «La demande reconventionnelle en procédureinter-
nationale)),urnal du droit international (Clunet), 1930,vol. 57, p. 857-877.
Clunet, 1930,p. 866.Il est permis de penser que ((connexioncertaine)) aurait été une
traduction plus correcte de l'original italienonnessione)). «Il y a ... des cas dans lesquels la demande du défendeur est tel-
lement connexe avec celle du demandeur principal..>>(P. 870.)

((11est laisséaux soins de la Cour de déterminer dans quels cas la
demandereconventionnelle setrouve liéejuridiquement à la demande
principale. (Ibid.)

Ce faisant, Anzilotti paraît convaincu d'exprimer avecles amplifica-
tions nécessairesla doctrine de l'arrêt de1928.
De ces observations de la Cour permanente apparaît clairement la
notion d'une connexité entre les deux demandes, de telle nature qu'il
n'aurait éténi opportun ni équitable de statuer sur la demande de'Alle-

magne sans statuer en mêmetemps sur celle de la Pologne: la décision
semble donc répondre aux critères généraux exposésplus haut (p. 872).
Telle est aussi la position défenduepar Anzilotti au cours des séances
consacréespar la Cour en 1934 à ce qui allait devenir l'article 63 du
Règlement de la Cour permanente (C.P.J.Z. série D, 1936, troisième
addendum au no2, p. 104-117).Les vues de M. Negulesco concordent et
il donne un exemple très restrictif de la notion de ((connexitédirecte))
(ibid., p. 111). Selon. Fromageot (ibid., p. 112) et M. Wang (ibid.,
p. 114) il faut que la demande reconventionnellerepose sur les mêmes
faits que la demande principale,mais cette définitiontrès restrictivede la
connexité directe n'a pas étésuivie par tous les membres du groupe de
travail (voir notamment l'opinion deM. Schücking,ibid.,p. 112).

II. LA JURISPRUDENCE DE LA COUR PERMANENTE
ET DE LA PRÉSENTE COUR

Quelques arrêtsprocurent des indications sur le caractère «direct» ou
étroitde la connexité.
Un seul arrêtest antérieur à l'introduction de cette notion dans le
Règlement, mais il a été rendu sous laprésidence d'Anzilotti et paraît
conforme à la conception restrictive de la connexitéqu'ildéveloppedans
l'étude doctrinalepubliéeun an plus tard. Tendant à obtenir que du

montant de l'indemnitéréclaméeau principal fût déduite la valeur de
droits et intérêtsdont 1'Etat défendeur (demandeur sur reconvention)
serait devenu propriétaireen vertu de l'article 256 du traitéde Versailles,
la demande reconventionnelle se trouvait«en rapport de connexitéjuri-
dique avec la demande principale))(affaire del'Usinede Chorzbw,fond,
arrêtno 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 38).
Dans l'affaire des Prises d'eauà la Meuse (C.P.J.Z. sérieAIB no 70,
arrêt,1937), la demande reconventionnelle de 1'Etatdéfendeurau prin-
cipal tendaità faire déciderpar la Cour que la violation du traitébelgo-
néerlandaisdu 12 mai 1863alléguée contre lui avait étéprécédéd e'une
violation analogue dont il accusait1'Etat demandeur. La Cour perma-
nente a constaté que cette demande était «en connexité directe avec la

demande principale)) (ibid., p. 28). Le rejetquant au fond de la demandereconventionnelle a fait l'objet de plusieurs opinions dissidentes. La plus
notable est celle'Anzilotti qui voit dans la demande reconventionnelle
une application del'exceptionon adimpleti contractusjustifiant le rejet de
la demande principale sur ce point (ibid., p. 49-52). Selon l'opinion de
M. Hudson, cette exception est un principe d'équité que laCour aurait
dû appliquer (ibid p..,5-78).
L'affaire du Chemin defer Panevezys-Saldutiskis (C.P. J.Z érieAIB
no76,arrêt,1939,p. 4) ne contient aucun enseignementsur la position de
la Cour permanente àl'égard des demandes reconventionnellespuisquela
Cour a fait droit une fin de non-recevoir déduitedunon-épuisementdes
recours internes.
Les deux arrêtsles plus significatifsémanent de laprésenteCour.
Dans l'affaire du Droit d'asile (C.I.J. Recueil 1950, p. 265), commu-
nément appelée aussiaffaire Haya de la Torre, à la demande principale
tendant à faire déciderque le Gouvernement du Pérou étaiten défaut
d'avoir délivréle sauf-conduit auquel Raul Haya de la Torre aurait eu
droit en vertu de la doctrine de l'asile diplomatique faisait écho la
demande reconventionnelle de ce gouvernementtendant à faire constater

que l'asile avait été accoren violation des règlesde droit international
en vigueur entre les deux pays. Selon la Cour:
((11ressort clairement de l'argumentation des Parties que la
deuxièmeconclusion du Gouvernement de la Colombie, relative à
l'exigence d'un sauf-conduit, s'appuie largement sur la régularité
prétendue de l'asile, régularité quiprécisément estcontestéepar la
demande reconventionnelle.La connexitéest si directe que certaines
conditions requises pour l'exigenced'un sauf-conduit dépendentpré-
cisément defaits qui sont mis en jeu par la demande reconvention-

nelle. La connexitéétant ainsi clairement établie.(C.I.J. Recueil
1950, p. 280-281.)
Dans l'affaire relative aux Droits des ressortissants des Etats-Unis
d'Amériqueau Maroc (C.1J. Recueil 1952, p. 176),1'Etatdemandeur au
principal ne semble pas avoir soulevéd'objection contre la demande
reconventionnelle dirigéecontre lui (en tout cas la motivation de l'arrêt
n'en porte pas trace) mais la connexitédes deux demandes ne paraît
guèredouteuse: l'une et l'autre portaient sur les droits dont pouvaient se
prévaloirles ressortissants américainsau Maroc.

Un passage de l'ordonnance du 15décembre1979 (Personnel diploma-
tique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, mesuresconservatoires,
C.I.J. Recueil 1979, p. 15,par. 24) souligne le caractère hypothétiquede
la notion d'«étroite connexité))(«si le gouvernement de l'Iran estime
que...») et ne procure dèslors aucune indication sur la solution des di-
verses questions qui devront ultérieurement êtresoumises à la Cour en
la présenteespèce:que faut-il entendre par ((connexitédirecte))?Quand
une telle connexitéest-elle apparente? Que signifient les motsles par-
ties entendues»? Le paragraphe 33 de l'ordonnance du 17 décembre1997(Application
de la conventionpour lapréventionet la répressiondu crime degénocide,
C.I.J. Recueil 1997, p. 258) rappelle le pouvoir souverain de la Cour
d'appréciersile lienentre lesdeux demandes est suffisant, compte tenu de
l'absencede définitiondu concept de ((connexitédirecte)).
Les commentairesdoctrinaux relatifs au Règlementde la Cour se bor-
nent le plus souvent à paraphraser les extraits de la jurisprudence qui
viennent d'êtreévoqués.Un juriste éminent, qui fut membre des deux
Cours, paraît très proche de l'attitude réservéed'Anzilotti:

((11va de soi cependant que le demandeur principal ne peut sevoir
imposer par cette voie, qui n'est nicelledu compromis, ni cellede la
requête, n'importequelle demande. La demande reconventionnelle
introduit, en effet, dans l'instance des éléments nouveaux.Autoriser
le défendeur à profiter de sa position pour formuler, par simples
conclusions et sans autre condition, une demande nouvelle dont la
Cour serait seule à connaître iraità l'encontre des dispositions sta-
tutaires fondamentales énoncées à l'article 63, qui tenà préserver,
sous le contrôle de la Cour, l'équilibreentre les parties:.La ques-

tion de la connexité directe n'étant pas parfaitement clairepar elle-
même,l'article ajoute: «si le rapport de connexitéentre la demande
présentée comme demande reconventionnelleet l'objet de la requête
n'est pas apparent,la Cour, aprèsexamen, décides'ily a lieu ou non
de joindre cette demande à l'instance principale.))(Charles De Vis-
scher, Aspects récents du droitprocédural de laCour internationale
de Justice,1966,p. 114-115.)

La conclusion de Charles De Visscher qui sera reprise par d'autres
commentateurs est la suivante :
«Elle [l'application du systèmedes demandes reconventionnelles]
requiert le contrôle attentif de la Cour et dépend largementdes par-
ticularités du casd'espèce. (Op. cit., p. 116.)

Le commentaire détaillé de la jurisprudence des deux Cours dans
l'ouvrage de MmeGenevièveGuyomar (Commentaire du Règlement de la
Cour internationale de Justice adopté le4avril 1978. Interprétation etpra-
tique, 1983,p. 518-525)contient un exposé objectif dela jurisprudence
des deux Cours et des ((travaux préparatoires))des modifications appor-
téesau Règlement.
Le commentaire de l'ambassadeur Shabtai Rosenne (Procedure in the
International Court. A Commentary on the 1978 Rules of the Internatio-
nal Court of Justice, 1983,p. 171)contient une précisionintéressante sur
la portéedu paragraphe 3 de l'article 80:

«Le paragraphe 3 correspond à la dernière phrase du Règlement
antérieur, dans laquellel'expression((aprèsexamen»a été remplacée
par ((aprèsavoir entendu lesparties)).Cela signifieque dans l'avenir
il y aura toujours une certaine procédure orale en cas de doute- il n'est pas préciséaux yeux de qui - sur l'existenced'un rapport de
connexité entre la demande présentée commedemande reconven-
tionnelleet l'objet de la demande de la partie adverse.Traduction
du Greffe.]

Le commentaire de M. Rosenne propose deux grilles de lecture du
texte du Règlement:lesmots «aprèsavoir entendu lesparties)) seréfèrent
à une procédure orale et la condition de celle-ci est que le lien de
connexitédirectesoit douteux (interprétation des mots «non apparent))).
La mêmesolution est réitéréd eans la troisièmeéditionde The Law and
Practice of the International Court (t. III, 1997,p. 1272-1273).
Aucun des précédentsn'apporte de réponse aux questions que la Cour
devra trancher dans l'affaire actuellementpendante. Aucune des affaires
précédemmenjtugées ne révèld ee contestation sérieusesur la recevabilité
de la demande reconventionnelle. Dans tous les cas les deux demandes
portaient sur les mêmesfaits et pour seprononcer sur la demande recon-
ventionnelle la Cour n'avait pas besoin de procéder à l'examen de faits
nouveaux. Le problème suscitépar l'article 80, paragraphe 3, était,lui

aussi, inédit,comme l'a relevé M. Rosenne (ibid., p. 1273-1274)jusqu'à
l'ordonnance du 17décembre1997 (Application de la conventionpour la
préventionet la répressiondu crime de génocide, C.I.J.Recueil 1997,
p. 243).
Dans cetteordonnance, la Cour a exercé lepouvoir discrétionnaireque
lui confèrele paragraphe 3 de l'article 80 de son Règlementet elle s'est
estimée suffisamment informée despositions respectives présentéespar
écritpour se prononcer sur la recevabilité desdemandes reconvention-
nelles. Cela n'exclut toutefois pas que, dans une affaire subséquente, la
Cour exerce d'une autre manièrele mêmepouvoir discrétionnaire.

III. LESPRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT

Les notions de demande reconventionnelleet de connexité utiliséespar
l'article 80 du Règlementde la Cour sont empruntéesau vocabulaire du
droit procédural interne.Il faut dès lorsse demander si la Cour pourrait
s'appuyer surles principes généraux du droit dégagédsepratiques conver-
gentes au for interne. Cela aurait méritéune recherche plus approfondie.
Voici quelques observations empruntées au droit français, au droit belge
et au droit des Communautés européennes.

a) Les demandes reconventionneIles

Le nouveau code de procédurecivilefrançais classela demande recon-
ventionnelle parmi les demandes incidentes. La recevabilitéd'une telle
demande peut être subordonnée à la compétenced'attribution du juge
qui en est saisi (art.).
L'article 64 du mêmecode donne la définitionsuivante: ((Constitue une demande reconventionnelle la demande par
laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre
que le simple rejet de la prétention de son adversaire. ))

Outre la condition de compétenced'attribution déjàévoquée,la rece-
vabilitéd'une demande reconventionnelle est limitéepar l'article 70 du
mêmecode:

«Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont rece-
vables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un
lien suffisant.
Toutefois, la demande en compensation est recevable même en
l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de
retarder à l'excèslejugement sur le tout. ))

Le «lien suffisant)) entre les deux demandes (art. 70, al. 1) est un
concept indéterminé, nondéfinipar le législateur.La Cour de cassation

en a déduit quelesjuges du fond appréciaient souverainement le carac-
tère «suffisant» du lien alléguéentre les deux demandes (voir notamment
Civ. Ire, 6juin 1978,Bull. civ.,1, p. 171 ; Civ. 3",21 mai 1979,D., 1979,
IR 509; Civ. 2", 14janvier 1987,Bull. civ., II, p. 7).
L'article 14 du code judiciaire belge contient une définitionproche de
celle de l'article 64 du nouveau code de procédurecivile français:

«La demande reconventionnelle est la demande incidente formée
par le défendeur et qui tend à faire prononcer une condamnation à
charge du demandeur. ))

Pour le règlement de la compétence d'attribution, l'article 563 du
mêmecode distingue le tribunal de premièreinstance,juridiction de droit
commun, des juridictions d'exception :

«Le tribunal de première instance connaît des demandes recon-
ventionnelles quels qu'en soient la nature et le montant.
Le tribunal du travail, le tribunal de commerce et le juge de paix
connaissent des demandes reconventionnelles qui, quel que soit leur
montant, entrent dans leur compétenced'attribution ou dériventsoit
du contrat, soit du fait qui sert de fondement à la demande origi-

naire.)) Woir G. Closset-Marchal, «Les demandes reconvention-
nellesdepuisl'entréeen vigueur du codejudiciaire »,Annales de droit
de Louvain, 1992,p. 3-32.)

En dépit de son grand libéralisme à l'égard des demandesreconven-
tionnelles, et sans doute pour corriger celui-ci, le code judiciaire belge
contient un caveat inscrit dans l'article 810:
«Si la demande reconventionnelle est de nature à faire subir un

trop long retard au jugement de la demande principale, les deux
demandes sont jugéesséparément. ))b) La connexité

En droit procédural interne la connexité(souvent jointe à la litispen-
dance) justifie la jonction de causes introduites séparément et,le cas
échéant,motive une prorogation de compétencedu juge premier saisi.
L'hypothèse laplus simpleest l'introduction de deux demandes connexes
devant différenteschambres de la mêmejuridiction. En pareil cas il suf-
fira d'une ordonnance du président du tribunal, simple mesure d'ordre
intérieur,pour joindre les causes (voir l'article 107 du nouveau code de
procédurecivilefrançais).
L'article 101du mêmecode est rédigé commesuit:

((S'ilexiste entre deux affaires portées devant deux juridictions
distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonnustice de les
faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé àl'une de ces
juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissancede
l'affaireà l'autre juridictio))

La rédaction tautologique de ce texte dissimule l'absence de définition
de la connexité:sont connexes les affaires unies par un lien tel qu'elles
doivent êtrejointes, selon un critère aussi indéterminé que ((l'intérêt
d'une bonnejustice)).Aussi la Cour de cassation a-t-elle décidé que la loi
laissant aux juges du fond l'appréciationdes circonstancesqui établissent
la connexité,c'est dans l'exercicede son pouvoir souverain qu'une cour
d'appel ordonne la jonction au fond (Civ. Ire,9 octobre 1974,Bull. civ.,
1,p. 223).
La constatation par le juge du fond du fait de la connexité a deux
conséquencesjuridiques: le dessaisissement du juge second saisi et, en
certains cas, la prorogation de la compétencedu premier saisi. Pareille
prorogation ne peut pas toujours avoir lieu en cas de compétence exclu-
sive. (Dans la doctrine: Loïc Cadet, Droitjudiciaire privé,1992,nos632-
633; Jean Vincent et Serge Guinchard, Procédurecivile, 23" éd., 1994,

p. 334-338;Jacques Héron, Droit judiciaire privé, 1991,p. 636-641.)
L'article 30 du code judiciaire belge donne de la connexitéune défini-
tion tautologique analogue à celles du droit français. L'existence du
((rapport si étroit qu'il y a intérêtes instruire et juger en mêmetemps))
y est aussi souverainement appréciéepar le juge du fond (Cass., 6 juin
1961, Pas., 1961,1, 1082; 4 septembre 1987,Pas., 1988,1,4, et note 3).

c) Demandes reconventionnelleset connexité dans les relations entre tri-
bunaux d'Etats diffërents

Déjàlaconventionfranco-belgedu 8juillet 1899surla compétencejudi-
ciaire, sur l'autorité etl'exécution des décisionsjudiciaires des sentences
arbitrales et des actes authentiques réglait dans deux paragraphes du
mêmearticle le renvoi pour cause de connexité(art. 4, par. 1)et la com-
pétencedu juge saisisur les demandes reconventionnelles (art. 4, par. 2). La seconde phrase du paragraphe 1 de l'article 4 contient une défini-
tion restrictive de la connexité: «Ne peuvent êtreconsidérées comme
connexes que les contestations qui procèdent de lamêmecause ou por-
tent sur le mêmeobjet.))
Quant aux demandes reconventionnelles, le paragraphe 2 de l'article 4
n'en subordonnait la recevabilité à aucune condition autre que la com-
pétencedu juge saisi «à raison de la matière)).
Les conventions de Bruxelles et de Lugano concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matièreivileet commerciale, la

première en vigueur entre les Etats de l'Union européenne, la seconde
entre les mêmesEtats et certains Etats de l'Association européennede
libre-échange, contiennent aussi desrèglessur la demande reconvention-
nelle et sur la connexité.
Aux termes de l'article 6, alinéa3, de chacune des deux conventions:
«Ce mêmedéfendeur peut aussiêtreattrait:
.............................

3. S'il s'agit d'une demande reconventionnelle qui dérive du
contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire,
devant le tribunal saisi de celle-ci.
En ce qui concerne la connexité, l'article22, alinéa3, de chacune des
deux conventions en donne une définitiontautologique qui paraît ins-
piréedu droit belge ou du droit français:

«Sont connexes, au sens du présent article,les demandes liées
entre ellespar un rapport si étroitqu'il a intérê t lesinstruire eà
juger en mêmetemps afin d'éviter des solutionsqui pourraient être
inconciliables si les causes étaientjugéesséparément.

Toutefois, à la différencede ce qui est prévu en droit interne, la
connexité n'estpas un chef attributif de compétence (Hélène Gaudemet-
Tallon, Les conventionsde Bruxelles et de Lugano, 1993,no 297).
La mêmecommentatrice autorisée des deux conventionsa relevéla
sévérité de la condition à laquelle est soumise la recevabilitéd'une
demande reconventionnelle et elle avance une interprétation qui corres-
pondrait mieux aux intentions des rédacteurs de la convention, à savoir
«que la notion viséeétait plutôtcelle,plus souple, de connexité))(op. cit.,
no 229).

Comparé aux dispositions du droit procédural régissantles litiges de
droit privé, l'articledu Règlementde la Cour s'endistingue par le lien
qui y est établi entrela recevabilitéd'une demandereconventionnelleetla
((connexité directe)) entre les deux demandes. Pareille comparaison

appelle trois observations:
1. Alors qu'en droit procédural interne la recevabilité des demandes
reconventionnelles et la jonction de demandes connexes sont deux insti-tutions distinctes, le Règlement de la Cour subordonne la première à la
vérificationd'un lien direct de connexité.
2. Le Règlement ne prévoit aucune prorogation de compétence en
faveur dela recevabilitéde lademande reconventionnelle :pour êtrerece-

vable celle-cidoit entrer dans la compétencedu juge saisi de la demande
originaire. En droit interne, la compétenced'attribution de ce juge est
parfois mais non toujours prorogée pour qu'il puisse connaître d'une
demande reconventionnelle qui, autrement, excéderait sa compétence.
3. L'autonomie des deux institutions en droit procédural interne est
écartéepar les dispositions qui, tels l'article 70 du nouveau code de pro-
cédurecivile français et l'article 6, alinéa 3, des conventions deBruxelles
et de Lugano, requièrentl'existenced'un «lien suffisant))(art. 70),désigné
de manière plus précisepar l'article 6, alinéa3, précité.Ce lien peut être
jugéanalogue à celui qui est prévupour la jonction de demandes con-
nexes. L'originalitéde l'article 80 du Règlement de la Cour est qu'il ne

définitpas - mêmede manièretautologique - la connexité mais qu'il la
qualifieà l'aide d'une épithète (((connexitédirecte))) dont on ne trouve
aucun équivalentdans les modèlesde droit procédural interne précédem-
ment analysés.
La Cour pourrait retirer un enseignement de trois solutions du droit
interne (limitédans l'analyse qui précèdeà deux systèmesproches l'un de

l'autre),à savoir que la connexité présenteun lien particulièrement étroit
quand lesdeux demandes sont fondéessur lemêmefait (voir l'article 563,
alinéa 2, du code judiciaire belge et Gérard Couchez, Procédure civile,
8"éd.,1994,no 376)ou que la demande reconventionnelle n'est recevable
que si « elledérivedu contrat ou du fait sur lequelest fondée la demande
originaire)) (conventions de Bruxelles et de Lugano, art. 6, al. 3); que
l'évaluationdu lien de connexité est un jugement d'espèceauquel la Cour
de cassation n'étendpas son contrôle, idéequi, transposée à la fonction
propre de la Cour internationale de Justice, pourrait également inspirer
des décisionspropres aux circonstances particulières du cas; qu'un élé-
ment à prendre en considération pour une telle évaluation estle retard

que lajonction desdeux demandes ferait subir aujugement dela demande
principale (code judiciaire belge, art.810 ;nouveau code de procédure
civile français, art. 70, al. 2).

La motivation de l'ordonnance au principal dispositifde laquelle je n'ai
pas estimépouvoir adhérer est directement inspirée de l'ordonnance du
17 décembre1997dans l'affaire relative à l'Applicationde la convention
pour lapréventionet la répression ducrime de génocide. De nombreux
considérants de la présenteordonnance reproduisent mot pour mot les
termes de l'ordonnance du 17décembre1997. Ce n'estpas porter atteinte
à l'autorité dela chose jugéequi ne saurait êtrecontestée nimême à la
force relative d'un cas précédemmentjugéentre d'autres parties que de235 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISSR . IGAUX)

rappeler que la doctrine du précédent inclutl'art de distinguer l'une de
l'autre les affaires successivement soumiseàla mêmejuridiction. Ce que
la présente ordonnance affirme à propos de la ((connexité directe)),à

savoir ((qu'il appartientà la Cour d'apprécier souverainement, compte
tenu des particularités de chaque espèce)), l'existence d'unlien suffisant
entre les deux demandes ne vaut pas moins pour l'application de l'ar-
ticle 80, paragraphe3, du Règlement: un tel lien n'est-ilpas apparent? Il
aurait donc appartenu àla Cour de vérifierdans quelle mesure «les parti-
cularités))dela présenteespèceauraient justifiéque la Cour s'écartâtde la
décisionantérieure sansporter atteinte, le moins du monde, à la force de
précédentde celle-ci.Dans l'affaire relative l'Application de la conven-
tionpour lapréventionet la répressiondu crime de génocide,les faits fai-
sant l'objet desdemandes respectives des deux Parties étaient demême
nature (l'accusation du crime de génocide)et ils avaient eu lieu sur le

mêmeterritoire durant la même périodeE . n la présente espèce,il y a
aussi, mais dans une moindre mesure, unité detemps et de lieu mais non
unité d'action:la destruction délibérédee plates-formes pétrolièresi,mmo-
biliséesau milieu du golfe Persique, est très différentedu mouillage de
mines et de l'attaque de navires en mouvement en d'autres lieux du même
golfe. Il aurait dèslors de sérieusesraisons de douter du caractèreappa-
rent du lien de connexitéentre ces deux sériesde faits. La Cour aurait dès
lors pu donner satisfaction à la demande de l'Iran tendant à ce que la
réponse à cette question fit l'objet dedébats contradictoiresoraux.
Mêmesi,comme l'a décidé la Cour, elleétaitsuffisamment informéepar
lesécritures échangée esntre les Parties, ellen'étaitpas immédiatement sai-

sie du point de savoir ni si le liende connexité directeétait établi nisi les
demandes très variéesintroduites dans le contre-mémoire desEtats-Unis
satisfaisaientoutesà cette condition eà cellede sa compétence.Il est vrai
que les termes dans lesquelsla Cour a affirmé sa compétencedans le para-
graphe 36laissent en réalité cette question ouvertel,'examencirconstancié
de chacune des demandes formuléespar les Etats-Unis étant seul en
mesure de répondre à cette question de mêmequ'au caractèresuffisant du
lien de connexitéque chacune de cesdemandes entretient avecla demande
principale. L'examen sommaire auquel la Cour a procédédurant une ins-
tance purement procédurale, alors qu'elle s'étaitprivéed'un débat oral
contradictoire entre les Parties, ne permet pas de se prononcer avec certi-
tude sur la conformité de toutes les demandes reconventionnelles aux

conditions de fond du paragraphe 1 de l'article 80,alors qu'ellessatisfont
indubitablement à la condition de forme du paragraphe 2.
Tels sont les motifs pour lesquelsje n'ai pu joindre ma voixà celle de
la totalitédes autres membres de la Cour en ce qui concerne le premier
point du dispositif.

(Signé) François RIGAUX.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. RIGAUX

Le 23juin 1997, les Etats-Unis d'Amérique ont déposé leurcontre-
mémoireen l'instance principale et ils y ont joint une demande recon-
ventionnelle. Le 18 novembre 1997, la République islamique d'Iran a
déposéune ((Demande tendant àce que les Parties soient entendues au
sujet de la demande reconventionnelle des Etats-Unis en application du
paragraphe 3 de l'article 80 du Règlementde la Cour)). Le 18décembre
1997, les Etats-Unis ont soumis à la Cour un exposésur la demande
précitée.
Tout en soutenant que la Cour est compétente pour connaître de

la demande reconventionnelle introduite par le contre-mémoire du
23 juin 1997,l'exposé tend exclusivement à ce que la Cour se prononce
sur la demande visant à obtenir un débatcontradictoire. Selon cet ex-
posé :
«Aux termes du Règlement dela Cour, la seulequestionjuridique
pertinentepour l'heure estcelledesavoir sile rapport deconnexité))
entre la demande reconventionnelle des Etats-Unis et l'objet de la
demande de l'Iran «n'est pasapparent)). En l'occurrence,l'existence

de ce rapport n'est pas douteuse. Par voie de conséquence, la
demande de l'Iran tendantà ce que les parties soient entendues àu
ce que la demande reconventionnelle ne soit pas jointe àl'instance
initiale ne repose sur aucun fondement.))(Par. 3.)
Bien que ce passage de l'exposéaméricain soit reproduit dans l'ordon-
nance (par. 22), la Cour n'en déduit pasles conséquencesqui auraient dû
y êtreimpliquées, à savoir qu'elle n'estpas saisie du point de savoir s'il
existe un rapport de connexité directe entre la demande originaire et la
demande reconventionnelle ni, même,si un tel rapport est apparent. Elle

ne peut choisir qu'entre les deux branches de l'alternative suivante: ou
bien, si elleestime que le rapport de connexitén'est pas apparent, ouvrir
un débat oral contradictoire sur cepoint ou bien écarter la demandede la
Républiqueislamique d'Iran.
La seconde branche de l'alternative n'implique pas que la Cour donne
une réponse affirmative (il y a apparence de connexité), maisque la
question soit jointe au fond. C'est aussi la position américainedans les
remarques finales de l'exposédu 18décembre1997 :

«Dans son orientation généralel,'argumentation de l'Iran ne porte
pas sur le point de savoir si la demande reconventionnelle desats- DISSENTING OPINION OF JUDGE RIGAUX

[Translation]

A. DELIMITATION OF THE QUESTION SUBMITTED TO THE COURT

On 23 June 1997, the United States of America filed its Counter-
Memorial in the main action and appended to it a counter-claim.
On 18 November 1997, the Islamic Republic of Iran filed a "Request
for Hearing in Relation to the United States Counter-Claim Pursuant
to Article 80 (3) of the Rules of Court". On 18 December 1997, the
United States submitted a statement on that request to the Court.

While maintaining that the Court has jurisdiction to entertain the
counter-claimput forward in the Counter-Memorial of 23 June 1997,al1
that the statement seeks is that the Court should rule on the request for
an adversarial hearing. In the words of the statement:

"Under the Rules of Court, the only legally relevant issue now is
whether there is 'doubt' as to whether the US counter-claim is

'directlyconnected to the subjectmatter' of Iran's claim. Here, there
can be no such doubt. There is therefore no basis for Iran's demand
for a hearing or for its insistencethat the counter-claim not bejoined
to the original proceedings." (Para. 3.)

Although this passage in the statement by the United States is included
in the Order (para. 22), the Court does not infer from it the consequences

which the passage should have implied, namely that the Court is not
asked to consider whether a direct connection exists between the original
claim and the counter-claim, nor even whether such a connection is not
in doubt. The Court's sole choice is between the two limbs of the follow-
ing alternative: either, if it considers that the connection is in doubt, to
proceed to an adversarial oral hearing on that point, orelseto dismissthe
request of the Islamic Republic of Iran.
The second limb of the alternative does not imply that the Court
should reply in the affirmative (the connection is not in doubt), but that
the issue should be joined to the merits. That is also the position of the
United States in the concluding observations of the statement of
18 December 1997 :

"The thrust of Iran's position is not whether the US counter-claim
is connected to the subjectmatter of Iran's claim, but whether there Unis est en rapport de connexitéavec l'objet de la demande de
l'Iran, mais sur celui de savoir si les Etats-Unis ont présentéune
demande reconventionnellevalable. La Cour ne saurait seprononcer
sur ce point à ce stade de la procédure.Elle ne saurait certainement
pas permettre à l'Iran d'éviterde répondre au fond à la demande
reconventionnelle des Etats-Unis. » (Par. 43.)

Le paragraphe 1 de l'article 80 soumet la recevabilitéd'une demande
reconventionnelle à deux conditions de fond:

- une connexité directeavec l'objet de la demande originaire,

- que la demande reconventionnelle relève de la compétence de la
Cour.

Le paragraphe 2 de l'article 80 contient une condition de forme.
Le paragraphe 3 de l'article 80 suscite deux problèmes:

- le caractère non apparent du rapport de connexité,
- la Cour décide((aprèsavoir entendu les parties)).

Ainsi, dans la présenteespèce,la Cour devra répondre à quatre ques-
tions:
1. Existe-t-il une connexité directeentre les deux actions?

2. La demande reconventionnelle relève-t-elle dela compétencede la
Cour ?
3. A propos de la première question, le rapport de connexitéallégué
n'est-ilpas apparent?
4. Si ce rapport n'est pas apparent, la Cour doit entendre les Parties.

Il y va de trois notions non définiespar le Règlement et sur lesquelles
la jurisprudence offre peu d'indication :
1. Qu'est-ce qu'une connexitédirecte?
2. Le rapport est-il ou non apparent?

3. S'ilne l'estpas, l'expression((aprèsavoirentendu lesparties))requiert-
elle une procédureorale?
Comme il a étédit dans le point A ci-dessus,la seule question actuel-
lement soumise à la Cour est celle de savoir si le rapport de connexité

n'est pas apparent. S'ilest donnéune réponsenégative à cette question
négative,cela n'entraîne pas que le rapport de connexitésoit établini,
même,qu'il soit déclaréapparent mais que toutes les autres questions
doivent êtrejointes au fond. C'est sous laréservedu caractèreprématuré
du présent examen que ces différentesquestions seront succinctement
considérées. is a valid US counter-claim at all. The Court cannot make such a
determination at this stage of the proceedings. It certainly should
not allow Iran to avoid responding to the merits of the US counter-

claim." (Para. 43.)

B. THE INTERPRETATION OF ARTICLE 80 OF THE RULES OF COURT

Paragraph 1 of Article 80 makes the admissibility of a counter-claim
subject to two substantive conditions:

- the counter-claim must have a direct connection with the subject-
matter of the original claim,
- it must come within the jurisdiction of the Court.

Paragraph 2 of Article 80 contains a condition of form.
Paragraph 3 of Article 80 raises two issues:

- doubt as to the connection,
- the decision by the Court "after hearing the parties"

Acqordingly, in the present case, the Court will have to answer four
questions :
1. 1sthere a direct connection between the two actions?

2. Does the counter-claim come within the jurisdiction of the Court?

3. In regard to the first question, is there doubt about the connection
alleged?
4. If there is doubt, the Court must hear the Parties.

The answers turn upon three notions which are neither defined by the
Rules of Court nor treated to any great extent in the jurisprudence:

1. What is a direct connection?
2. 1sthere or is there not doubt about the connection?
3. If there is, does the phrase "after hearing the parties" require oral pro-
ceedings ?

As stated in point A above, the only question at present before the
Court is whether there is doubt about the connection. If the answer to
this question, itselfformulated negatively,isin the negative, that does not
mean that the connection is established, nor even that it is held not to be
in doubt, but that the various other questions should be joined to the
merits. Subject to the premature nature of this discussion, these different
questions will now receive a concise treatment.226 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. DISS. RIGAUX)

Depuis la mention succincte du Règlement de 1922, les modifications
apportéesen 1936,en 1976et en 1978ont eu pour effet de préciseren les
restreignant les conditions d'exerciced'une action reconventionnelle.

C'est en 1936qu'apparaît la double exigencede ((connexitédirecte))et
de compétence. Le règlementadopté par la présente Cour en 1946 y

ajoute une règle de procédure: «Si le rapport de connexité entre la
demande reconventionnelle et l'objet de la requêten'est pas apparent, la
Cour, après examen, décide ..»
En 1978,cette phrase est déplacéedans le paragraphe 3 de l'article 80,
moyennant la substitution des mots «aprèsavoir entendu lesparties))aux
mots ((après examen)).
L'une des principales modifications, cellede 1936,a manifestement été
inspiréepar Anzilotti, qui avait présidé laCour permanente quand celle-

ci avait prononcé en 1928 l'arrêt surle fond en l'affaire de l'Usine de
Chorzbw. L'article publiépar l'éminentjuge, en italien dès 1929,en tra-
duction française l'annéesuivante1, porte la trace de cette expérienceet
peut êtretenupour une manière d'exposé desmotifs de l'article63 adopté
en 1936.
Aprèsavoir rappelé que l'affairede 1'Usinede Chorzbwest la première
dans laquelle la Cour permanente ait dû se prononcer sur la recevabilité
d'une demande reconventionnelle, Anzilotti vérified'abord si l'article 40
du Règlement de 1922 est en conformité avecle Statut de la Cour, qui

n'avait pas prévu l'introduction d'unedemande reconventionnelle, ques-
tion qu'il résoutpar l'affirmative, ce qui n'est plus contestéaujourd'hui.
Il insiste sur le caractère exceptionnel des demandes reconventionnelles
qui ne peuvent être que((certaines demandes qui ont une certaine con-
nexion avec celle du demandeur » 2.
Quant à la condition de compétencequ'Anzilotti tient pour nécessaire,
elle implique qu'à la différence dela solution de certaines législations
internes la connexité nejustifie pas, selon l'article 40 du Règlement de

1922,une prorogation de compétence de laCour (Clunet, 1930,p. 869).
La seconde condition que le Règlement de 1936fera sienne, à savoir
l'existence d'une connexitéqualifiée,apparaît elle aussi dans l'article
d'Anzilotti. Les trois expressions qu'il utilise à cette fin méritent d'être
rappelées :

«La demande reconventionnellene peut êtreadmise qu'exception-
nellement dans le cas où cette demande se trouve en rapport spécial
avec la demande principale.» (P. 870.)

lD. Anzilotti, «La riconvenzione nella procedura internazionale)), VIII, Rivista di di-
ritto internazionale, 1929,p. 309-327; «La demande reconventionnelle en procédureinter-
nationale)),urnal du droit international (Clunet), 1930,vol. 57, p. 857-877.
Clunet, 1930,p. 866.Il est permis de penser que ((connexioncertaine)) aurait été une
traduction plus correcte de l'original italienonnessione)). Following the succinct reference in the 1922 Rules of Court, the
changes made in 1936, 1976and 1978had the effect of stating explicitly

the conditions for a counter-claim to be brought, and of doing so restric-
tively.
The dual requirement of "direct connection" and competence emerged
in 1936.The Rules adopted by the present Court in 1946added a pro-
cedural rule: "In the event of doubt as to the connection between the
question presented by way of counter-claim and the subject-matter
of the application the Court shall, after due examination, direct . . ."
In 1978,this wording was moved to paragraph 3 of Article 80,with the
words "after hearing the parties" substituted for the words "after due
examination".
One of the main changes, that of 1936, was clearly inspired by Judge
Anzilotti, who had presided over the Permanent Court when it pro-
nounced judgment on the merits in the Factory ut Chorzbw case in 1928.

The article published by the eminentjudge, in Italian in 1929,and trans-
lated into French the following yearl bears the imprint of that determi-
nation and can, in a way, be seen as a statement of the reasons for
Article 63 as adopted in 1936.
After pointing out that the Factory ut Chorzbw case was the first in
which the Permanent Court had had to rule on the admissibility of a
counter-claim, Judge Anzilotti examined first whether Article 40 of the
1922 Rules of Court was in conformity with the Court's Statute, which
had made no provision for a counter-claim being brought; he decided
that it was, and today this is no longer disputed. He emphasized the
exceptional nature of counter-claims, which could only be "certain claims
which have some connection with that of the appli~ant"~.

As regards the condition ofjurisdiction whichJudge Anzilotti held to be

necessary,it implies that, unlike the solution adopted in some municipal
systemsof law, a connection does not, by virtue of Article 40 of the 1922
Rules,justify an extensionof the Court's jurisdiction(Clunet, 1930,p. 869).
The second condition which the 1936 Rules was to include, namely the
existence ofa qualifiedconnection, appears in Judge Anzilotti's articleas
well.The three statements which he makes in this connection are worthy
of notice:

"The counter-claim can only be allowed in exceptional cases,
where it has a specialconnection with the principal claim." (P. 870.)

itto internazionale,1929,pp. 309-327; "La demande reconventionnelle enprocédureinter-r-
nationale",ournal du droit international (Clunet), 1930,Vol. 57, pp. 857-877.
Clunet, 1930, p. 866. It may be thought that "a connection which is certain" would
have been a more accurate translation of the original Italian "certa connessione". «Il y a ... des cas dans lesquels la demande du défendeur est tel-
lement connexe avec celle du demandeur principal..>>(P. 870.)

((11est laisséaux soins de la Cour de déterminer dans quels cas la
demandereconventionnelle setrouve liéejuridiquement à la demande
principale. (Ibid.)

Ce faisant, Anzilotti paraît convaincu d'exprimer avecles amplifica-
tions nécessairesla doctrine de l'arrêt de1928.
De ces observations de la Cour permanente apparaît clairement la
notion d'une connexité entre les deux demandes, de telle nature qu'il
n'aurait éténi opportun ni équitable de statuer sur la demande de'Alle-

magne sans statuer en mêmetemps sur celle de la Pologne: la décision
semble donc répondre aux critères généraux exposésplus haut (p. 872).
Telle est aussi la position défenduepar Anzilotti au cours des séances
consacréespar la Cour en 1934 à ce qui allait devenir l'article 63 du
Règlement de la Cour permanente (C.P.J.Z. série D, 1936, troisième
addendum au no2, p. 104-117).Les vues de M. Negulesco concordent et
il donne un exemple très restrictif de la notion de ((connexitédirecte))
(ibid., p. 111). Selon. Fromageot (ibid., p. 112) et M. Wang (ibid.,
p. 114) il faut que la demande reconventionnellerepose sur les mêmes
faits que la demande principale,mais cette définitiontrès restrictivede la
connexité directe n'a pas étésuivie par tous les membres du groupe de
travail (voir notamment l'opinion deM. Schücking,ibid.,p. 112).

II. LA JURISPRUDENCE DE LA COUR PERMANENTE
ET DE LA PRÉSENTE COUR

Quelques arrêtsprocurent des indications sur le caractère «direct» ou
étroitde la connexité.
Un seul arrêtest antérieur à l'introduction de cette notion dans le
Règlement, mais il a été rendu sous laprésidence d'Anzilotti et paraît
conforme à la conception restrictive de la connexitéqu'ildéveloppedans
l'étude doctrinalepubliéeun an plus tard. Tendant à obtenir que du

montant de l'indemnitéréclaméeau principal fût déduite la valeur de
droits et intérêtsdont 1'Etat défendeur (demandeur sur reconvention)
serait devenu propriétaireen vertu de l'article 256 du traitéde Versailles,
la demande reconventionnelle se trouvait«en rapport de connexitéjuri-
dique avec la demande principale))(affaire del'Usinede Chorzbw,fond,
arrêtno 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 38).
Dans l'affaire des Prises d'eauà la Meuse (C.P.J.Z. sérieAIB no 70,
arrêt,1937), la demande reconventionnelle de 1'Etatdéfendeurau prin-
cipal tendaità faire déciderpar la Cour que la violation du traitébelgo-
néerlandaisdu 12 mai 1863alléguée contre lui avait étéprécédéd e'une
violation analogue dont il accusait1'Etat demandeur. La Cour perma-
nente a constaté que cette demande était «en connexité directe avec la

demande principale)) (ibid., p. 28). Le rejetquant au fond de la demande "There are . . cases in which the respondent's claim has such a
strong connection with that of the applicant in the main actio.. ."
(P. 870.)
"It is left to the Court to determine the casesin which the counter-
claim has a juridical nexus with the principal claim." (Ibid.)

In so doing, Judge Anzilotti seems certain to have spelt out, with al1
due amplification, the thinking behind the 1928Judgment.
These observations by the Permanent Court reveal clearly the notion
of a connection between the two claims, of such a kind that it would have
been neither appropriate nor equitable to rule on the claim by Germany
without at the same time ruling on the claim by Poland: the decision
seems therefore to fulfil the general criteria set forth earlier (p. 872).
This was also the position maintained by Judge Anzilotti at the meetings
of the Court in 1934concerning what was to become Article 63 of the
Rules of the Permanent Court (P.C.I.J., Series D, 1936, Third Addendum
to No. 2, pp. 104-117).The views of Judge Negulesco are in agreement

here and he gives a very restrictivexample of the notion of "direct con-
nections (ibid., p. 111).In the opinion of Judge Fromageot (ibid., p. 112)
and Judge Wang (ibid., p. 114)the counter-claim should be based on the
same facts as the main action; however, that very restrictivedefinition of a
"direct connection" was not followed by al1the members of the working
group (see inter aliathe opinion of Judge Schücking, ibid., p. 112).

II. THEJURISPRUDENCE OF THE PERMANEN CTOURT
AND OF THE PRESENC TOURT

A number of judgments provide indications of the "direct" or close
character of a connection.
Just one judgment predates the introduction of this notion into the
Rules of Court, but it was given under the presidency of Judge Anzilotti
and appears to be in keeping with the restrictive conception of connec-

tion that he developed in the doctrinal study published a year later. Seek-
ing to securea ruling that the value of rights and interests allegedlypassing
into the ownership of the respondent State (applicant in the counter-
claim) under Article 256 of the Treaty of Versailles should be deducted
from the indemnity claimed in the main action, the counter-claim was
"juridically connected with the principal claim" (case concerningactory
ut Chorzbw, Merits, Judgment No. 13, P.C.I.J., Series A, No. 17, p. 38).
In the case concerning Diversion of Waterfrom the Meuse (Judgment,
1937, P. C.I.J., Sevies AIB, No. 70), the counter-claim of the respondent
State in the main action was for a ruling by the Court that the violation
of the Belgian-Dutch Treaty of 12May 1863alleged against it had been
preceded by a similar violation of which it accused the applicant State.
The Permanent Court found that the claim was "directly connected with
the principal claim" (ibid., p. 28). The dismissal of the counter-claimreconventionnelle a fait l'objet de plusieurs opinions dissidentes. La plus
notable est celle'Anzilotti qui voit dans la demande reconventionnelle
une application del'exceptionon adimpleti contractusjustifiant le rejet de
la demande principale sur ce point (ibid., p. 49-52). Selon l'opinion de
M. Hudson, cette exception est un principe d'équité que laCour aurait
dû appliquer (ibid p..,5-78).
L'affaire du Chemin defer Panevezys-Saldutiskis (C.P. J.Z érieAIB
no76,arrêt,1939,p. 4) ne contient aucun enseignementsur la position de
la Cour permanente àl'égard des demandes reconventionnellespuisquela
Cour a fait droit une fin de non-recevoir déduitedunon-épuisementdes
recours internes.
Les deux arrêtsles plus significatifsémanent de laprésenteCour.
Dans l'affaire du Droit d'asile (C.I.J. Recueil 1950, p. 265), commu-
nément appelée aussiaffaire Haya de la Torre, à la demande principale
tendant à faire déciderque le Gouvernement du Pérou étaiten défaut
d'avoir délivréle sauf-conduit auquel Raul Haya de la Torre aurait eu
droit en vertu de la doctrine de l'asile diplomatique faisait écho la
demande reconventionnelle de ce gouvernementtendant à faire constater

que l'asile avait été accoren violation des règlesde droit international
en vigueur entre les deux pays. Selon la Cour:
((11ressort clairement de l'argumentation des Parties que la
deuxièmeconclusion du Gouvernement de la Colombie, relative à
l'exigence d'un sauf-conduit, s'appuie largement sur la régularité
prétendue de l'asile, régularité quiprécisément estcontestéepar la
demande reconventionnelle.La connexitéest si directe que certaines
conditions requises pour l'exigenced'un sauf-conduit dépendentpré-
cisément defaits qui sont mis en jeu par la demande reconvention-

nelle. La connexitéétant ainsi clairement établie.(C.I.J. Recueil
1950, p. 280-281.)
Dans l'affaire relative aux Droits des ressortissants des Etats-Unis
d'Amériqueau Maroc (C.1J. Recueil 1952, p. 176),1'Etatdemandeur au
principal ne semble pas avoir soulevéd'objection contre la demande
reconventionnelle dirigéecontre lui (en tout cas la motivation de l'arrêt
n'en porte pas trace) mais la connexitédes deux demandes ne paraît
guèredouteuse: l'une et l'autre portaient sur les droits dont pouvaient se
prévaloirles ressortissants américainsau Maroc.

Un passage de l'ordonnance du 15décembre1979 (Personnel diploma-
tique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, mesuresconservatoires,
C.I.J. Recueil 1979, p. 15,par. 24) souligne le caractère hypothétiquede
la notion d'«étroite connexité))(«si le gouvernement de l'Iran estime
que...») et ne procure dèslors aucune indication sur la solution des di-
verses questions qui devront ultérieurement êtresoumises à la Cour en
la présenteespèce:que faut-il entendre par ((connexitédirecte))?Quand
une telle connexitéest-elle apparente? Que signifient les motsles par-
ties entendues»?on the merits was the subject of several dissenting opinions. The most
notable was that of Judge Anzilotti, who saw in the counter-claim an
application of exceptio non adimpleti contractus justifying dismissal of
the principal claim on that point (ibid., pp. 49-52). As Judge Hudson
saw it, this exception was an equitable principle that the Court ought to
have applied (ibid., pp. 75-78).
The Panevezys-Saldutiskis Railway case (Judgment, 1939, P.C.I.J.,

Series AIB, No. 76, p. 4) tells us nothing about the position of the Per-
manent Court regarding counter-claims, since the Court upheld a plea of
non-admissibility inferred from the non-exhaustion of local remedies.

The two most significantjudgments come from the present Court.
In the Asylum case (I.C.J. Reports 1950,p. 265), often also called the
Haya de la Torre case, the principal claim - seeking a ruling that the
Government of Peru was at fault for having deliveredthe safe-conduct to
which Raul Haya de la Torre was allegedlyentitled under the doctrine of
diplomatic asylum - was echoed by the counter-claim of that Govern-
ment asking the Court to find that the asylum had been granted in breach
of the rules of international law obtaining between the two countries.
According to the Court:

"It emergesclearly from the arguments of the Parties that the sec-
ond submission of the Government of Colombia, which concernsthe
demand for a safe-conduct, rests largely on the alleged regularity of
the asylum, which is preciselywhat is disputed by the counter-claim.
The connexion is so direct that certain conditions which are required
to exist before a safe-conduct can be demanded depend preciselyon
facts which are raised by the counter-claim. The direct connexion
being thus clearly established . . ."(1.C.J. Reports 1950, pp. 280-

281).
In the case concerning Rights of Nationals of the United States of
America in Morocco (I.C.J. Reports 1952, p. 176), the applicant State
in the main action does not seem to have raised any objection to the
counter-claim brought against it (at least there is no trace of any in the
statement of reasons to the Judgment), but the connection between
the two claims appears to be indisputable, since they both concerned

the rights of which United Statesnationals in Morocco could avail them-
selves.
A passage from the Order of 15December 1979(UnitedStates Diplo-
matic and ConsularStaff in Tehran,Provisional Measures, I.C.J. Reports
1979,p. 15,para. 24)emphasizesthe hypothetical nature of the notion of
"close connection" ("if the Iranian Government considers . ..") and so
provides no indication as to a solution of the various questions which will
subsequently have to be submitted to the Court in the present case: what
is to be understood by "direct connection"? When is such a connection
not in doubt? What do the words "hearing the parties" mean? Le paragraphe 33 de l'ordonnance du 17 décembre1997(Application
de la conventionpour lapréventionet la répressiondu crime degénocide,
C.I.J. Recueil 1997, p. 258) rappelle le pouvoir souverain de la Cour
d'appréciersile lienentre lesdeux demandes est suffisant, compte tenu de
l'absencede définitiondu concept de ((connexitédirecte)).
Les commentairesdoctrinaux relatifs au Règlementde la Cour se bor-
nent le plus souvent à paraphraser les extraits de la jurisprudence qui
viennent d'êtreévoqués.Un juriste éminent, qui fut membre des deux
Cours, paraît très proche de l'attitude réservéed'Anzilotti:

((11va de soi cependant que le demandeur principal ne peut sevoir
imposer par cette voie, qui n'est nicelledu compromis, ni cellede la
requête, n'importequelle demande. La demande reconventionnelle
introduit, en effet, dans l'instance des éléments nouveaux.Autoriser
le défendeur à profiter de sa position pour formuler, par simples
conclusions et sans autre condition, une demande nouvelle dont la
Cour serait seule à connaître iraità l'encontre des dispositions sta-
tutaires fondamentales énoncées à l'article 63, qui tenà préserver,
sous le contrôle de la Cour, l'équilibreentre les parties:.La ques-

tion de la connexité directe n'étant pas parfaitement clairepar elle-
même,l'article ajoute: «si le rapport de connexitéentre la demande
présentée comme demande reconventionnelleet l'objet de la requête
n'est pas apparent,la Cour, aprèsexamen, décides'ily a lieu ou non
de joindre cette demande à l'instance principale.))(Charles De Vis-
scher, Aspects récents du droitprocédural de laCour internationale
de Justice,1966,p. 114-115.)

La conclusion de Charles De Visscher qui sera reprise par d'autres
commentateurs est la suivante :
«Elle [l'application du systèmedes demandes reconventionnelles]
requiert le contrôle attentif de la Cour et dépend largementdes par-
ticularités du casd'espèce. (Op. cit., p. 116.)

Le commentaire détaillé de la jurisprudence des deux Cours dans
l'ouvrage de MmeGenevièveGuyomar (Commentaire du Règlement de la
Cour internationale de Justice adopté le4avril 1978. Interprétation etpra-
tique, 1983,p. 518-525)contient un exposé objectif dela jurisprudence
des deux Cours et des ((travaux préparatoires))des modifications appor-
téesau Règlement.
Le commentaire de l'ambassadeur Shabtai Rosenne (Procedure in the
International Court. A Commentary on the 1978 Rules of the Internatio-
nal Court of Justice, 1983,p. 171)contient une précisionintéressante sur
la portéedu paragraphe 3 de l'article 80:

«Le paragraphe 3 correspond à la dernière phrase du Règlement
antérieur, dans laquellel'expression((aprèsexamen»a été remplacée
par ((aprèsavoir entendu lesparties)).Cela signifieque dans l'avenir
il y aura toujours une certaine procédure orale en cas de doute- il Paragraph 33 of the Order of 17 December 1997 (Application of the
Convention onthe Prevention and Punishment of the Crime of Genocide,
I.C.J. Reports 1997,p. 258)refers to the sovereignpower of the Court to
appreciate whether the link between the two claims is sufficient, seeing
that no definition exists of the concept of "direct connection".
Doctrinal comment on the Rules of Court is usually confined to para-
phrasing excerpts from the jurisprudence just mentioned. An eminent
jurist who was a Member of both Courts appears to come very close to
the reserved attitude of Judge Anzilotti:

"It goes without saying, however, that the applicant State in the
main action cannot have imposed upon it in this way, which is
neither that of the SpecialAgreement nor that of the Application, no
matter what claim. The counter-claim introduces fresh elements into
the proceedings. To permit the respondent State to take advantage
of its position to formulate, by mere submissions and without any
other condition, a fresh claim with which the Court would be alone
in dealing would contravene the fundamental statutory provisions
setforth in Article 63,which seeksto preserve,under the supervision

of the Court, a balance between the parties: . . .The question of
direct connection not being perfectly clear in itself, the article adds:
'Inthe event of doubt as to the connection between the question pre-
sented by way of counter-claim and the subject-matter of the appli-
cation the Court shall, after due examination, direct whether or not
the question thus presented shall be joined to the original proceed-
ings."' (Charles De Visscher, Aspects récents du droitprocédural de
la Courinternationalede Justice, 1966,pp. 114-115.)

Charles De Visscher's conclusion, which was to be echoed by other
commentators, was the following:
"It [theapplication of the counter-claim system]requires the atten-
tive supervision of the Court and depends to a great extent on the
special features of the case in question."(Op. cit., p. 116.)

The detailed commentary on the jurisprudence of both Courts in the
work of Mrs. GenevièveGuyomar (Commentaire du Règlement dela
Cour internationale de Justice adoptéle 14 avril 1978, Interprétationet
pratique, 1983,pp. 518-525)contains an objective account of the juris-
prudence of both Courts and of the "travaux préparatoires" for the
changes made to the Rules of Court.
The commentary of Ambassador Shabtai Rosenne (Procedure in the
International Court. A Commentary on the 1978 Rules of the Interna-
tional Courtof Justice, 1983,p. 171)contains an interesting clarification
of the scope of paragraph 3 of Article 80:

"Paragraph 3 corresponds to the last sentence of the previous
Rules. Here the expression 'after hearing the parties7 replaces the
former 'after due examination'. This means that in future there will
always be some oral proceedings in the event of doubt - by whom n'est pas préciséaux yeux de qui - sur l'existenced'un rapport de
connexité entre la demande présentée commedemande reconven-
tionnelleet l'objet de la demande de la partie adverse.Traduction
du Greffe.]

Le commentaire de M. Rosenne propose deux grilles de lecture du
texte du Règlement:lesmots «aprèsavoir entendu lesparties)) seréfèrent
à une procédure orale et la condition de celle-ci est que le lien de
connexitédirectesoit douteux (interprétation des mots «non apparent))).
La mêmesolution est réitéréd eans la troisièmeéditionde The Law and
Practice of the International Court (t. III, 1997,p. 1272-1273).
Aucun des précédentsn'apporte de réponse aux questions que la Cour
devra trancher dans l'affaire actuellementpendante. Aucune des affaires
précédemmenjtugées ne révèld ee contestation sérieusesur la recevabilité
de la demande reconventionnelle. Dans tous les cas les deux demandes
portaient sur les mêmesfaits et pour seprononcer sur la demande recon-
ventionnelle la Cour n'avait pas besoin de procéder à l'examen de faits
nouveaux. Le problème suscitépar l'article 80, paragraphe 3, était,lui

aussi, inédit,comme l'a relevé M. Rosenne (ibid., p. 1273-1274)jusqu'à
l'ordonnance du 17décembre1997 (Application de la conventionpour la
préventionet la répressiondu crime de génocide, C.I.J.Recueil 1997,
p. 243).
Dans cetteordonnance, la Cour a exercé lepouvoir discrétionnaireque
lui confèrele paragraphe 3 de l'article 80 de son Règlementet elle s'est
estimée suffisamment informée despositions respectives présentéespar
écritpour se prononcer sur la recevabilité desdemandes reconvention-
nelles. Cela n'exclut toutefois pas que, dans une affaire subséquente, la
Cour exerce d'une autre manièrele mêmepouvoir discrétionnaire.

III. LESPRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT

Les notions de demande reconventionnelleet de connexité utiliséespar
l'article 80 du Règlementde la Cour sont empruntéesau vocabulaire du
droit procédural interne.Il faut dès lorsse demander si la Cour pourrait
s'appuyer surles principes généraux du droit dégagédsepratiques conver-
gentes au for interne. Cela aurait méritéune recherche plus approfondie.
Voici quelques observations empruntées au droit français, au droit belge
et au droit des Communautés européennes.

a) Les demandes reconventionneIles

Le nouveau code de procédurecivilefrançais classela demande recon-
ventionnelle parmi les demandes incidentes. La recevabilitéd'une telle
demande peut être subordonnée à la compétenced'attribution du juge
qui en est saisi (art.).
L'article 64 du mêmecode donne la définitionsuivante: is not stated- as to the connection between the question presented
by way of counter-claim and the subject matter of the claim of the
other party."

Mr. Rosenne's commentary offers a dual interpretation of the Rules:
the expression "after hearing the parties" refers to oral proceedings and
their precondition is that the direct connection should be in doubt. The
same solution isreiterated in the third edition of TheLaw and Practiceof
the International Court, Vol. III, 1997,pp. 1272-1273).

None of the precedents provides any answer to the questions the Court
willhave to decidein the case now pending. None of the casespreviously
judged reveals any serious questioning of the admissibilityof the counter-
claim. In al1instances both claims concerned the same facts, and to rule

on the counter-claim the Court had no need to examine new facts. The
issueraised by Article 80,paragraph 3, was also a novel one, as observed
by Mr. Rosenne (ibid., pp. 1273-1274),until the Order of 17 December
1997 (Applicationof the Convention on the Preventionand Punishment of
the Crime of Genocide, 1.C.J. Reports 1997, p. 243).

In that Order the Court exercised the discretion allowed it by Ar-
ticle 80,paragraph 3, of itsules, and it considered itself sufficientlywell
informed about the respectivepositions put forward in writing to be able
to rule on the admissibilityof the counter-claims. This would nevertheless
not prevent the Court, in any subsequent case, from exercisingthe same
discretion differently.

III. THEGENERAP LRINCIPLES OF LAW

The notions of counter-claim and connection used in Article 80 of the
Rules of Court are borrowed from the vocabulary of the municipal law
of procedure. This raises the question whether the Court could rely on
general principles of law developed from convergent practice in muni-
cipal systems. That would appear to have deserved more painstaking
examination. Here are a few examples taken from French law, Belgian
law and the law of the European Communities.

(a) Counter-claims

France's New Code of CivilProcedure ranks the counter-claim among
incidental claims. The admissibility ofsuch a claim may depend on the
jurisdiction assigned to the Court in which it is pending (Art. 38).

Article 64 of that Code gives the following definition: ((Constitue une demande reconventionnelle la demande par
laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre
que le simple rejet de la prétention de son adversaire. ))

Outre la condition de compétenced'attribution déjàévoquée,la rece-
vabilitéd'une demande reconventionnelle est limitéepar l'article 70 du
mêmecode:

«Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont rece-
vables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un
lien suffisant.
Toutefois, la demande en compensation est recevable même en
l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de
retarder à l'excèslejugement sur le tout. ))

Le «lien suffisant)) entre les deux demandes (art. 70, al. 1) est un
concept indéterminé, nondéfinipar le législateur.La Cour de cassation

en a déduit quelesjuges du fond appréciaient souverainement le carac-
tère «suffisant» du lien alléguéentre les deux demandes (voir notamment
Civ. Ire, 6juin 1978,Bull. civ.,1, p. 171 ; Civ. 3",21 mai 1979,D., 1979,
IR 509; Civ. 2", 14janvier 1987,Bull. civ., II, p. 7).
L'article 14 du code judiciaire belge contient une définitionproche de
celle de l'article 64 du nouveau code de procédurecivile français:

«La demande reconventionnelle est la demande incidente formée
par le défendeur et qui tend à faire prononcer une condamnation à
charge du demandeur. ))

Pour le règlement de la compétence d'attribution, l'article 563 du
mêmecode distingue le tribunal de premièreinstance,juridiction de droit
commun, des juridictions d'exception :

«Le tribunal de première instance connaît des demandes recon-
ventionnelles quels qu'en soient la nature et le montant.
Le tribunal du travail, le tribunal de commerce et le juge de paix
connaissent des demandes reconventionnelles qui, quel que soit leur
montant, entrent dans leur compétenced'attribution ou dériventsoit
du contrat, soit du fait qui sert de fondement à la demande origi-

naire.)) Woir G. Closset-Marchal, «Les demandes reconvention-
nellesdepuisl'entréeen vigueur du codejudiciaire »,Annales de droit
de Louvain, 1992,p. 3-32.)

En dépit de son grand libéralisme à l'égard des demandesreconven-
tionnelles, et sans doute pour corriger celui-ci, le code judiciaire belge
contient un caveat inscrit dans l'article 810:
«Si la demande reconventionnelle est de nature à faire subir un

trop long retard au jugement de la demande principale, les deux
demandes sont jugéesséparément. )) "A counter-claim shall be a claim whereby the original defendant
seeks an advantage other than the mere dismissal of his opponent's
claim."

Apart from the condition of assignedjurisdiction just referred to, the
admissibility of a counter-claim is restricted by Article 70 of the same
Code :

"Counter-claims or additional claimsshallnot be admissibleunless
there is a sufficient link between them and the original claims.

A claim for compensation shall neverthelessbe admissible even in
the absence of such a link, subject to the proviso that the court may

sever it should it be liable excessivelyto delay trial of the case as a
whole."
The "sufficient link" between the two claims (Art. 70, para. 1) is an
indeterminate concept not spelled out by the lawmakers. The Court of

Cassation has inferredfrom this that the court trying the main action had
discretion to determine the alleged link between the two claims (see, in
particular, Civ. Ire, 6 June 1978, Bull. civ., 1, p. 171; Civ. 3", 21 May
1979, D. 1979,IR 509; Civ. 2", 14January 1987,Bull. civ.,II, p. 7).
Article 14 of the Belgian Judicial Code contains a definition close to
that of Article 64 of the New French Code of Civil Procedure:

"A counter-claim is an incidental claim brought by the defendant
for the purpose of securingjudgrnent against the plaintiff."

In dealing with assignedjurisdiction, Article 563 of the Belgian Code
distinguishesthe court of firstinstance - a court of generaljurisdiction -
from the courts of specialjurisdiction:

"The court of first instance shall hear counter-claims whatever
their nature and amount.
The labour court, the commercial court and the justice of the
peace shall hear counter-claims which, whatever their amount, come
within the jurisdiction assigned to them or derive either from the
contract or from the fact serving as a basis for the original claim."
(See G. Closset-Marchal, "Les demandes reconventionnelles depuis
l'entréeen vigueur du code judiciaire", Annales de droit de Louvain,
1992,pp. 3-32.)

Despite its highly liberal approach to counter-claims, and perhaps
as a corrective to it, the Belgian Judicial Code contains a caveat in
Article 810 :

"If the counter-claim is likely to cause excessivedelay in the trial
of the principal claim, the two claims shall be tried separately."b) La connexité

En droit procédural interne la connexité(souvent jointe à la litispen-
dance) justifie la jonction de causes introduites séparément et,le cas
échéant,motive une prorogation de compétencedu juge premier saisi.
L'hypothèse laplus simpleest l'introduction de deux demandes connexes
devant différenteschambres de la mêmejuridiction. En pareil cas il suf-
fira d'une ordonnance du président du tribunal, simple mesure d'ordre
intérieur,pour joindre les causes (voir l'article 107 du nouveau code de
procédurecivilefrançais).
L'article 101du mêmecode est rédigé commesuit:

((S'ilexiste entre deux affaires portées devant deux juridictions
distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonnustice de les
faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé àl'une de ces
juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissancede
l'affaireà l'autre juridictio))

La rédaction tautologique de ce texte dissimule l'absence de définition
de la connexité:sont connexes les affaires unies par un lien tel qu'elles
doivent êtrejointes, selon un critère aussi indéterminé que ((l'intérêt
d'une bonnejustice)).Aussi la Cour de cassation a-t-elle décidé que la loi
laissant aux juges du fond l'appréciationdes circonstancesqui établissent
la connexité,c'est dans l'exercicede son pouvoir souverain qu'une cour
d'appel ordonne la jonction au fond (Civ. Ire,9 octobre 1974,Bull. civ.,
1,p. 223).
La constatation par le juge du fond du fait de la connexité a deux
conséquencesjuridiques: le dessaisissement du juge second saisi et, en
certains cas, la prorogation de la compétencedu premier saisi. Pareille
prorogation ne peut pas toujours avoir lieu en cas de compétence exclu-
sive. (Dans la doctrine: Loïc Cadet, Droitjudiciaire privé,1992,nos632-
633; Jean Vincent et Serge Guinchard, Procédurecivile, 23" éd., 1994,

p. 334-338;Jacques Héron, Droit judiciaire privé, 1991,p. 636-641.)
L'article 30 du code judiciaire belge donne de la connexitéune défini-
tion tautologique analogue à celles du droit français. L'existence du
((rapport si étroit qu'il y a intérêtes instruire et juger en mêmetemps))
y est aussi souverainement appréciéepar le juge du fond (Cass., 6 juin
1961, Pas., 1961,1, 1082; 4 septembre 1987,Pas., 1988,1,4, et note 3).

c) Demandes reconventionnelleset connexité dans les relations entre tri-
bunaux d'Etats diffërents

Déjàlaconventionfranco-belgedu 8juillet 1899surla compétencejudi-
ciaire, sur l'autorité etl'exécution des décisionsjudiciaires des sentences
arbitrales et des actes authentiques réglait dans deux paragraphes du
mêmearticle le renvoi pour cause de connexité(art. 4, par. 1)et la com-
pétencedu juge saisisur les demandes reconventionnelles (art. 4, par. 2).(b) Connection

In the municipal law of procedure, connection (often joined to litis
pendens) justifies the joinder of cases bïought separately and, as the case
may be, is a ground for extending thejurisdiction of the court first seised.
The simplest case is the submission of two connected claims to different
chambers of the same court. In that event, an order of the presiding
judge, a purely interna1 measure, will suffice to join the cases (see
Article 107of the New French Code of Civil Procedure).

Article 101of that Code reads as follows:

"Should two cases brought before two separate courts be con-
nected in such a way that it is in the best interests ofjustice to hear
and determine them together, one of these courts may be asked to
relinquish jurisdiction and transfer the case as it stands to the other
court."
The tautological wording of this text conceals the absence of any defi-
nition of connection: cases linked in such a way that they should be
joined are deemed to be connected, according to so vague a criterion as
"the best interests ofjustice". Hence the Court of Cassation decided that,
since the law leaves it to the court seised of the merits to assess the cir-

cumstances establishing a connection, a court of appeal is exercisingits
unfettered discretion in ordering ajoinder to the merits (Civ. Ire,9 Octo-
ber 1974,Bull. civ., 1,p. 223).
Wherethe court seisedof the merits findsthat there is a connection, two
legal consequencesarise: relinquishment of the case by the second court
seisedand, in certaininstances, extensionof thejurisdiction ofthe firstcourt
seised.Such extensionis not always possible wherethere is exclusivejuris-
diction. (In doctrinal writing: Loïc Cadet, Droit judiciaire privé, 1992,
Nos. 632-633 ; Jean Vincentand SergeGuinchard,Procédure civile,23rded.,
1994,pp. 334-338;JacquesHéron, Droitjudiciaireprivé,1991,pp. 636-641).
Article 30 of the Belgian Judicial Code gives a similarly tautological
definition of connection to that found in French law. Here too, appraisal
of the existenceof "such a close link that they can usefully beheard and
determined at the same time" is also at the sole discretion of the court
seisedof the merits (Cass., 6 June 1961, Pas., 1961,1, 1082;4 September
1987, Pas., 1988,1,4, and note 3).

(c) ferent Statess and connection in relations between courts of dif-

The Franco-Belgian Convention of 8 July 1899 on jurisdiction and
the authority and enforcement of judicial decisions, arbitral awards and
authentic instruments dealt, in two paragraphs of a single article, with
transfer of proceedings on the ground of connection (Art. 4, para. 1)and
the jurisdiction with respect to counter-claims of the court seised(Art. 4,

para. 2). La seconde phrase du paragraphe 1 de l'article 4 contient une défini-
tion restrictive de la connexité: «Ne peuvent êtreconsidérées comme
connexes que les contestations qui procèdent de lamêmecause ou por-
tent sur le mêmeobjet.))
Quant aux demandes reconventionnelles, le paragraphe 2 de l'article 4
n'en subordonnait la recevabilité à aucune condition autre que la com-
pétencedu juge saisi «à raison de la matière)).
Les conventions de Bruxelles et de Lugano concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matièreivileet commerciale, la

première en vigueur entre les Etats de l'Union européenne, la seconde
entre les mêmesEtats et certains Etats de l'Association européennede
libre-échange, contiennent aussi desrèglessur la demande reconvention-
nelle et sur la connexité.
Aux termes de l'article 6, alinéa3, de chacune des deux conventions:
«Ce mêmedéfendeur peut aussiêtreattrait:
.............................

3. S'il s'agit d'une demande reconventionnelle qui dérive du
contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire,
devant le tribunal saisi de celle-ci.
En ce qui concerne la connexité, l'article22, alinéa3, de chacune des
deux conventions en donne une définitiontautologique qui paraît ins-
piréedu droit belge ou du droit français:

«Sont connexes, au sens du présent article,les demandes liées
entre ellespar un rapport si étroitqu'il a intérê t lesinstruire eà
juger en mêmetemps afin d'éviter des solutionsqui pourraient être
inconciliables si les causes étaientjugéesséparément.

Toutefois, à la différencede ce qui est prévu en droit interne, la
connexité n'estpas un chef attributif de compétence (Hélène Gaudemet-
Tallon, Les conventionsde Bruxelles et de Lugano, 1993,no 297).
La mêmecommentatrice autorisée des deux conventionsa relevéla
sévérité de la condition à laquelle est soumise la recevabilitéd'une
demande reconventionnelle et elle avance une interprétation qui corres-
pondrait mieux aux intentions des rédacteurs de la convention, à savoir
«que la notion viséeétait plutôtcelle,plus souple, de connexité))(op. cit.,
no 229).

Comparé aux dispositions du droit procédural régissantles litiges de
droit privé, l'articledu Règlementde la Cour s'endistingue par le lien
qui y est établi entrela recevabilitéd'une demandereconventionnelleetla
((connexité directe)) entre les deux demandes. Pareille comparaison

appelle trois observations:
1. Alors qu'en droit procédural interne la recevabilité des demandes
reconventionnelles et la jonction de demandes connexes sont deux insti- The second sentence in Article 4, paragraph 1, contains a restrictive
definition of connection: "Only disputes arising from the same cause or
relating to thesame subject-matter may be regarded as connected."

As regards counter-claims, Article 4, paragraph 2, did not make their

admissibility subject to any other condition than the jurisdiction of the
court seised "by virtue of the matter concerned".
The Brusselsand Lugano Conventions onjurisdiction and the enforce-
ment of judgments in civil and commercial matters, the former of which
is in force between the States of the European Union, and the latter
between the same States and certain States of the European Free Trade
Association, also contain rules on counter-claims and connection.

Under Article 6, paragraph 3, of each of these two Conventions:
"A person domiciled in a Contracting State may also be sued:
.............................

3. On a counterclaim arising from the same contract or facts on
which the original claimwas based, in the court in which the original
claim is pending."
Where connection is concerned, Article 22, paragraph 3, of each of the
two Conventions givesa tautological definitionwhich seemsto be inspired
by Belgian or French law:

"For the purposes of this Article, actions are deemed to be related
where they are so closely connected that it is expedient to hear and
determine them together to avoid the risk of irreconcilable judg-
ments resulting from sèparateproceedings."

However, unlike the situation obtaining in municipal law, connection
is not a source ofjurisdiction (HélèneGaudemet-Tallon, Les conventions
de Bruxelles et de Lugano, 1993,No. 297).
The same authoritative commentator on the two Conventions notes
how strict the condition is for the admissibility of a counter-claim, and
she proposes an interpretation which would seembetter to suit the inten-
tions of theauthors of the Convention, namely, "that the notion contem-
plated was rather the more flexible one of a connection" (op. cit.,
No. 229).

By comparison with the provisions of procedural law which govern
private-law disputes, Article 80 of the Rules of Court is distinguished by
the link it establishesbetweenthe admissibilityof a counter-claim and the
two claims being "directly connected". This comparison calls for three
remarks :

1. Whereas in municipal procedural law the admissibility of counter-
claims and the joinder of related claims are two separate institutions, thetutions distinctes, le Règlement de la Cour subordonne la première à la
vérificationd'un lien direct de connexité.
2. Le Règlement ne prévoit aucune prorogation de compétence en
faveur dela recevabilitéde lademande reconventionnelle :pour êtrerece-

vable celle-cidoit entrer dans la compétencedu juge saisi de la demande
originaire. En droit interne, la compétenced'attribution de ce juge est
parfois mais non toujours prorogée pour qu'il puisse connaître d'une
demande reconventionnelle qui, autrement, excéderait sa compétence.
3. L'autonomie des deux institutions en droit procédural interne est
écartéepar les dispositions qui, tels l'article 70 du nouveau code de pro-
cédurecivile français et l'article 6, alinéa 3, des conventions deBruxelles
et de Lugano, requièrentl'existenced'un «lien suffisant))(art. 70),désigné
de manière plus précisepar l'article 6, alinéa3, précité.Ce lien peut être
jugéanalogue à celui qui est prévupour la jonction de demandes con-
nexes. L'originalitéde l'article 80 du Règlement de la Cour est qu'il ne

définitpas - mêmede manièretautologique - la connexité mais qu'il la
qualifieà l'aide d'une épithète (((connexitédirecte))) dont on ne trouve
aucun équivalentdans les modèlesde droit procédural interne précédem-
ment analysés.
La Cour pourrait retirer un enseignement de trois solutions du droit
interne (limitédans l'analyse qui précèdeà deux systèmesproches l'un de

l'autre),à savoir que la connexité présenteun lien particulièrement étroit
quand lesdeux demandes sont fondéessur lemêmefait (voir l'article 563,
alinéa 2, du code judiciaire belge et Gérard Couchez, Procédure civile,
8"éd.,1994,no 376)ou que la demande reconventionnelle n'est recevable
que si « elledérivedu contrat ou du fait sur lequelest fondée la demande
originaire)) (conventions de Bruxelles et de Lugano, art. 6, al. 3); que
l'évaluationdu lien de connexité est un jugement d'espèceauquel la Cour
de cassation n'étendpas son contrôle, idéequi, transposée à la fonction
propre de la Cour internationale de Justice, pourrait également inspirer
des décisionspropres aux circonstances particulières du cas; qu'un élé-
ment à prendre en considération pour une telle évaluation estle retard

que lajonction desdeux demandes ferait subir aujugement dela demande
principale (code judiciaire belge, art.810 ;nouveau code de procédure
civile français, art. 70, al. 2).

La motivation de l'ordonnance au principal dispositifde laquelle je n'ai
pas estimépouvoir adhérer est directement inspirée de l'ordonnance du
17 décembre1997dans l'affaire relative à l'Applicationde la convention
pour lapréventionet la répression ducrime de génocide. De nombreux
considérants de la présenteordonnance reproduisent mot pour mot les
termes de l'ordonnance du 17décembre1997. Ce n'estpas porter atteinte
à l'autorité dela chose jugéequi ne saurait êtrecontestée nimême à la
force relative d'un cas précédemmentjugéentre d'autres parties que deRules of Court make the former subject to the establishment of a direct
connection.
2. The Rules do not contemplate any extension of jurisdiction in
favour of the admissibility of the counter-claim: to be admissible, the

counter-claim must fa11within the jurisdiction of the court before which
the original claim is pending. In municipal law, the assignedjurisdiction
of that court is sometimes,but not always, extended to enable it to enter-
tain a counter-claim which, otherwise, would lie outside its jurisdiction.
3. The independent nature of the two institutions in municipal pro-
cedural law is brushed aside by provisions which, like Article 70 of the
New French Code of Civil Procedure and Article 6, paragraph 3, of the
Brusselsand LuganoConventions,requirethe existenceof a "sufficientlink"
(Art. 70),definedmore preciselyin Article 6, paragraph 3, quoted above.
This link may be regarded as analogous to what is required for the join-
der of connected claims. The originality of Article 80 of the Rules of
Court is that itdoes not - even tautologically - defineconnection, but
qualifies it with an epithet ("directly connected"), of which there is no
equivalent in the models of municipal procedural law discussed earlier.

The Court could learn from three municipal law solutions (which are
confined to two similar systemsin the foregoing discussion), namely that
the connection is particularly close whenthe two claims are based on the
same fact (seeArticle 563,paragraph 2, of the BelgianJudicial Code and
Gérard Couchez, Procédure civile,8th ed., 1994, No. 376) or that the
counter-claim is only admissible if "arising from the same contract or
facts on which the original claim was based" (Brusselsand Lugano Con-

ventions, Art. 6, para. 3); that the assessment of the connection is a spe-
cific determination lying outside supervision by the Court of Cassation,
an idea which, transposed to the particular function of the International
Court of Justice, might also inspire decisions appropriate to the particu-
lar circumstances of the case; and that one element for consideration in
such an assessmentis the delay which thejoinder of the two claimswould
mean for the determination of the principal claim (BelgianJudicial Code,
Art. 810; New French Code of CivilProcedure, Art. 70, para. 2).

The reasoning at the basis of the Order, whose main operative provi-
sion 1found myselfunable to support, is directly inspired by the Order of
17December 1997in the case concerning Application of the Convention
on the Preventionand Punishment of the Crime of Genocide. Many of the
recitals in the presentrder reproduce verbatim the terms of the Order of
17December 1997.The force of resjudicata, which isbeyond dispute, or
even the relative force of a case already adjudicated between other

parties, is not undermined by the observation that the doctrine of pre-235 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISSR . IGAUX)

rappeler que la doctrine du précédent inclutl'art de distinguer l'une de
l'autre les affaires successivement soumiseàla mêmejuridiction. Ce que
la présente ordonnance affirme à propos de la ((connexité directe)),à

savoir ((qu'il appartientà la Cour d'apprécier souverainement, compte
tenu des particularités de chaque espèce)), l'existence d'unlien suffisant
entre les deux demandes ne vaut pas moins pour l'application de l'ar-
ticle 80, paragraphe3, du Règlement: un tel lien n'est-ilpas apparent? Il
aurait donc appartenu àla Cour de vérifierdans quelle mesure «les parti-
cularités))dela présenteespèceauraient justifiéque la Cour s'écartâtde la
décisionantérieure sansporter atteinte, le moins du monde, à la force de
précédentde celle-ci.Dans l'affaire relative l'Application de la conven-
tionpour lapréventionet la répressiondu crime de génocide,les faits fai-
sant l'objet desdemandes respectives des deux Parties étaient demême
nature (l'accusation du crime de génocide)et ils avaient eu lieu sur le

mêmeterritoire durant la même périodeE . n la présente espèce,il y a
aussi, mais dans une moindre mesure, unité detemps et de lieu mais non
unité d'action:la destruction délibérédee plates-formes pétrolièresi,mmo-
biliséesau milieu du golfe Persique, est très différentedu mouillage de
mines et de l'attaque de navires en mouvement en d'autres lieux du même
golfe. Il aurait dèslors de sérieusesraisons de douter du caractèreappa-
rent du lien de connexitéentre ces deux sériesde faits. La Cour aurait dès
lors pu donner satisfaction à la demande de l'Iran tendant à ce que la
réponse à cette question fit l'objet dedébats contradictoiresoraux.
Mêmesi,comme l'a décidé la Cour, elleétaitsuffisamment informéepar
lesécritures échangée esntre les Parties, ellen'étaitpas immédiatement sai-

sie du point de savoir ni si le liende connexité directeétait établi nisi les
demandes très variéesintroduites dans le contre-mémoire desEtats-Unis
satisfaisaientoutesà cette condition eà cellede sa compétence.Il est vrai
que les termes dans lesquelsla Cour a affirmé sa compétencedans le para-
graphe 36laissent en réalité cette question ouvertel,'examencirconstancié
de chacune des demandes formuléespar les Etats-Unis étant seul en
mesure de répondre à cette question de mêmequ'au caractèresuffisant du
lien de connexitéque chacune de cesdemandes entretient avecla demande
principale. L'examen sommaire auquel la Cour a procédédurant une ins-
tance purement procédurale, alors qu'elle s'étaitprivéed'un débat oral
contradictoire entre les Parties, ne permet pas de se prononcer avec certi-
tude sur la conformité de toutes les demandes reconventionnelles aux

conditions de fond du paragraphe 1 de l'article 80,alors qu'ellessatisfont
indubitablement à la condition de forme du paragraphe 2.
Tels sont les motifs pour lesquelsje n'ai pu joindre ma voixà celle de
la totalitédes autres membres de la Cour en ce qui concerne le premier
point du dispositif.

(Signé) François RIGAUX.cedent includes the art of distinguishing between one case and another
submitted to the same court in turn. What the present Order asserts in
relation to "direct connection", namely "whereas it is for the Court, in its
sole discretion, to assess. . .taking account of the particular aspects of
each case" the existence of a sufficient link between the two claims,
applies equally to the application of Article 80, paragraph 3, of the
Rules: is there doubt about such a link? It would therefore have been
appropriate for the Court to ascertain how far "the particular aspects" of
the present case would have warranted a departure by it from the previ-
ous decision without in any way undermining the force of the decision as
a precedent. In the case concerning Application of the Convention on the

Pvevention andPunishment of the Cvime of Genocide the facts forming
the subject-matter of the respective claims of the two Parties were of the
same kind (accusation of the crime of genocide) and had occurred in the
same territory during the same period: In the present case too, but to a
lesser extent, there is unity of time and place but not unity of action: the
deliberate destruction of oil platforms, immobilized in the middle of the
Persian Gulf, is quite different from the laying of mines and attacks on
ships sailing in other parts of the Gulf. Hence, there are serious reasons
for doubting the apparent connection between these two series of facts.
The Court could therefore have accommodated Iran's claim that the
reply to this question should form the subject-matter of adversarial oral
proceedings.
Although, as the Court decided, it was sufficientlywellinformed by the
written observations exchanged between the Parties, it was not imme-
diately seised either of the question whether the direct connection was
established, or whether the very varied claims made in the Counter-
Memorial of the United States al1met this condition and the condition of
itsjurisdiction. Admittedly,the terms in whichthe Court affirmedits juris-
diction .inparagraph 36 in reality leave this question open, since only a

detailed examination of each of the claims formulated by the United
States is able to provide a reply to this question, as wellasto the question
of the sufficiency of the connection between each of these claims and the
principal one. The summary examination undertaken by the Court dur-
ing a purely procedural phase, when it had dispensed with an adversarial
oral hearing of the Parties, does not make it possible to rule with cer-
tainty on whether al1the counter-claims meet the substantive conditions
in Article 80, paragraph 1,even though there is no doubt that they meet
the forma1condition in paragraph 2.
These are the reasons why 1 could not associate myself with al1the
other Members of the Court in regard to the first subparagraph of the
operative part of the Order.

(Signed) François RIGAUX.

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Opinion dissidente de M. Rigaux, juge ad hoc

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