Déclaration de M. Jiménez de Aréchaga, juge (traduction, telle que reproduite immédiatement après l'ordonnance)

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059-19741220-ORD-01-04-EN
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059-19741220-ORD-01-00-EN
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ESSAISNUCLÉAIRES (ORDONNAN2 C0EXII 74)

tence de la Cour, et il n'a pas non plus invoqué un titre quelconque de
juridiction vis-à-visde la France dans sa requêtein d'intervention.
La Cour aurait dû statuer sur cette requête elle-mêmecomme le lui
prescrit l'article 62 de son Statut et aurait dû,avis, la rejeter pour
lemotif quela condition deréciprociquiaccompagnel'acceptationdela
juridiction obligatoirede la Cour n'étaitnullement remplie entre Fidji et
la France.

M. DILLARD et sir Humphrey WALDOCKj,uges, font la déclaration
commune suivante :

[Traduction]

L'ordonnance dit que la Cour, ayant considéréla demande de la
Nouvelle-Zélande commedésormais sans objet, n'a plus aucune suite à
donner à cette demande et qu'en conséquence iln'existe désormaisplus
d'instancesur laquelleune intervention puissesegreffer.De cefait,d'après
la Cour, la requête du Gouvernementfidjien tombe.
La conclusion découlelogiquement de la prémisse.En tant que mem-
bres dela Cour, liéspar la décisionrendue enl'affairedesEssais nucléaires,
nous sommes donc tenus de voter pour l'ordonnance. Il n'est manifeste-
ment pas possible quele Gouvernement fidjieninterviennà l'instance dès
lors que, en vertu de l'arrêt de la Cour, aucune instancen'existe.
Cela dit, nous nous sentons l'obligation de dire que nous n'acceptons

pas la prémissesur laquelle repose la conclusion de la Cour. Comme
l'indique de façon détailll'opinion dissidente que nous présentons avec
nos collègues,nous ne souscrivons pas à la décisionde la Cour selon
laquelle il n'y a aucune suite donner à la demande formulée par la
Nouvelle-Zélandecontre la France.
Si les vues de la minorité l'avaient emporté dans l'affairevelle-
Zélandec. France, il aurait fallu examiner la question de l'intervention de
Fidji afin de déterminer s'il existait un lien juridictionnel suffisant entre
Fidji et la France pour justifier l'intervention de Fidji en vertu de l'ar-
ticle 62 du Statut de la Cour. De plus, on aurait dû selon nous donner
Fidji la possibilitéde se faire entendre sur la question avant de prendre

une décision.
Il résultede ce qui précèdeque, tout en nous estimant tenus de voter
pour l'ordonnance que rend la Cour, nous avons pour ce faire des motifs
qui diffèrent certains égards de ceux que la Cour a avancés.

M. JIMÉNE ZE ARÉCHAGA ju,ge, fait la déclaration suivante:
[Traduction]

J'ai votépour le rejet de la requêtepar laquelle Fidji demandait à
intervenir envertu del'article 62 du Statut, mais pour un autre motif que ESSAISNUCLÉAIRES (ORDONNAN2 C0EXII 74) 538

celui sur lequel se fonde I'ordonnance,à savoir que Fidji, qui n'est pas
partieà l'Actede 1928,ni au systèmede laclause facultative,n'ainvoqué,
dans sa requête, aucunlien dejuridiction avec la France.
Pour pouvoir intervenir en application de l'article 62 du Statut en vue
de faire valoir un droit contre le défendeur,un Etat doit se trouver dans
une situation qui lui permettrait d'attraire lui-mêmele défendeurdevant
la Cour.
Les rédacteurs de l'article 62 du Statut sont partis du principe que

1'Etatintervenant aurait son propre titre dejuridiction vis-à-visdu défen-
deur, carà l'époque leprojet de Statut envisageait unejuridiction obliga-
toire pour tous. Quand ce systèmea été remplacé par celui de la clause
facultative, aucun changement n'a étéapporté à l'article 62, mais, aux
finsde son interprétation et de son application, celui-cidoit êtreconsidéré
comme restant soumis à la mêmecondition. S'ilenallait autrement, il en
résulterait des conséquencesfâcheuses et incompatibles avec des prin-
cipes fondamentaux tels que ceux de l'égalitédes parties devant la Cour
ou de la réciprocitérigoureusedes droits et des obligationsentre lesEtats
qui acceptent sa compétence. Un Etat qu'un autre Etat ne peut pas
assigner comme défendeur devant la Cour ne peut pas non plus se pré-
senter comme demandeur ni comme partie intervenante contre ce même

Etat, avec la faculté de soumettre des conclusions indépendantes à
l'appui d'un intérêt propre.A mon avis, la disposition de l'article 69,
paragraphe 2, du Règlementde la Cour qui exigeque soient zxposéesles
((raisons de droit et de fait justifiant l'interve»tdoit s'entendre, en
des circonstances comme celles de la présenteespèce,comme imposant
aussil'obligation d'établirun lienjuridictionnelindépendantentrel'inter-
venant et le défendeur.

Sir Garfield BARWICK j,ge ad hoc, fait la déclaration suivante:

[Traduction]

J'ai votépour l'ordonnance relative àla requête de Fidjià fin d'inter-
vention dans la présenteinstance non pas en raison des arrêts rendus par
la Cour dans les affairesustralie c. Franceet Nouvelle-Zélandc. France
mais uniquement pour les motifs exposéspar MM. Jiménezde Aréchaga
et Onyeama dans leurs déclarations concernant l'ordonnance relative à
Fidji, quej'approuve entièrement.

(Paraphé)M.L.

(Paraphé) S.A.

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537 NUCLEAR TESTS (ORDER 20 XII 74)

has sheinvoked any basis ofjurisdiction vis-à-visFrance in her request to
intervene.

The Court should have decided upon this request itself as required by
Article62ofthe Statute ofthe Court and should, in my view,have rejected
iton the ground that the condition ofreciprocity ofan obligation to accept
the Court's jurisdiction was wholly absent between Fiji and France.

Judges DILLARD and Sir Humphrey WALDOCm Kake the following
joint declaration:

The Order states that, the Court having found that the claim of New
Zealand no longer has any object, the Court is not called upon to give a
decisionthereon and consequentlythere willno longer be anyproceedings
to which intervention can relate. The Application of the Government of
Fiji has, according to theOrder, therefore lapsed.
The conclusion flows logically from the premise. As Members of the
Court, bound by its decision in the Nuclear Tests case, we are therefore
impelled to vote in favour of the Order. It is clearly not possible for the
Government of Fiji to intervene in proceedings, when, by the Judgment of

the Court, no proceedings exist.
Having said this wefeelit incumbent on us to state that wedo not agree
with the premise which furnishes the ground on which the Court's con-
clusionrests. As indicated indetail in the dissentingopinion of ourselves
and some of oirr colleagues, we do not agree that the Court should have
decided that no further action is called for on the claim of New Zealand
against France.
If, in the case of New Zealand v. France, the views ofthe minority had
prevailed,the issueof Fiji'sintervention would have requiredexamination
in order to determine whether or not there existed a sufficient jurisdic-
tional link between Fiji and France to justify the former's intervention
under Article 62 of the Court's Statute. Furthermore, in Our view an
opportunity shouldhavebeen givento Fiji to be heard on the issue before
this determination was made.

It followsfroin what wehave said above that, whilewefeelimpelled to
votefor the Order of the Court, our reasoils for doing so differ in certain
respects from those advanced by the Court.

Judge JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA makes the following declaration:

1 have concurred in voting for the dismissal of Fiji's application to
intervene under Article 62 of the Statute for a reason other than that on
6 ESSAISNUCLÉAIRES (ORDONNAN2 C0EXII 74)

tence de la Cour, et il n'a pas non plus invoqué un titre quelconque de
juridiction vis-à-visde la France dans sa requêtein d'intervention.
La Cour aurait dû statuer sur cette requête elle-mêmecomme le lui
prescrit l'article 62 de son Statut et aurait dû,avis, la rejeter pour
lemotif quela condition deréciprociquiaccompagnel'acceptationdela
juridiction obligatoirede la Cour n'étaitnullement remplie entre Fidji et
la France.

M. DILLARD et sir Humphrey WALDOCKj,uges, font la déclaration
commune suivante :

[Traduction]

L'ordonnance dit que la Cour, ayant considéréla demande de la
Nouvelle-Zélande commedésormais sans objet, n'a plus aucune suite à
donner à cette demande et qu'en conséquence iln'existe désormaisplus
d'instancesur laquelleune intervention puissesegreffer.De cefait,d'après
la Cour, la requête du Gouvernementfidjien tombe.
La conclusion découlelogiquement de la prémisse.En tant que mem-
bres dela Cour, liéspar la décisionrendue enl'affairedesEssais nucléaires,
nous sommes donc tenus de voter pour l'ordonnance. Il n'est manifeste-
ment pas possible quele Gouvernement fidjieninterviennà l'instance dès
lors que, en vertu de l'arrêt de la Cour, aucune instancen'existe.
Cela dit, nous nous sentons l'obligation de dire que nous n'acceptons

pas la prémissesur laquelle repose la conclusion de la Cour. Comme
l'indique de façon détailll'opinion dissidente que nous présentons avec
nos collègues,nous ne souscrivons pas à la décisionde la Cour selon
laquelle il n'y a aucune suite donner à la demande formulée par la
Nouvelle-Zélandecontre la France.
Si les vues de la minorité l'avaient emporté dans l'affairevelle-
Zélandec. France, il aurait fallu examiner la question de l'intervention de
Fidji afin de déterminer s'il existait un lien juridictionnel suffisant entre
Fidji et la France pour justifier l'intervention de Fidji en vertu de l'ar-
ticle 62 du Statut de la Cour. De plus, on aurait dû selon nous donner
Fidji la possibilitéde se faire entendre sur la question avant de prendre

une décision.
Il résultede ce qui précèdeque, tout en nous estimant tenus de voter
pour l'ordonnance que rend la Cour, nous avons pour ce faire des motifs
qui diffèrent certains égards de ceux que la Cour a avancés.

M. JIMÉNE ZE ARÉCHAGA ju,ge, fait la déclaration suivante:
[Traduction]

J'ai votépour le rejet de la requêtepar laquelle Fidji demandait à
intervenir envertu del'article 62 du Statut, mais pour un autre motif que538 NUCLEAR TESTS (ORDER 20 XII 74)

which the Order is based: because Fiji, which is not a party to the 1928
Act and to the optional clause system, has failed to invokein its applica-
tion any title ofjurisdiction in relation to France.
In my view, in order to be entitled to intervene under Article 62 of the

Statute for the purpose of asserting a right as against the respondent a
State must be in a position in which it could itself bring the respondent
before the Court.
WhenArticle 62ofthe Statute wasdrafted,its authors were proceeding
on the assumption that the intervening State would have its own title of
jurisdiction in relation to the respondent, since the draft Statute then
provided for general compulsory jurisdiction. When that system was
replaced by the optional clause, Article 62 remained untouched, but it
must be interpreted and applied as still subject to that condition. Other-
wise, unreasonable conçequences would result, in conflict with basic
principles such as those of the equality of parties before the Court and
the strict reciprocity of rights and obligations among the States which
accept itsjurisdiction. A State which cannot be brought before the Court

as a respondent by another State can neither become an applicant vis-à-
visthat State nor an interveneragainst that same State, entitled to make
independent submissions in support of an interest of its own. In my view
the provision in Article 69, paragraph 2, of theRules of Court requiring
"a statement of law and of fact justifying intervention" must in circum-
stances like those in the present case be interpreted as including the
requirement of establishing an independent jurisdictional link between
intervener and respondent.

Judge ad IzocSir Garfield BARWICK makes the following declaration:

1have voted in favour of the Order made in respect of the Application
by Fiji to intervene in these proceedings not because ofthe Order made by
the Court in the cases Australia v. France and New Zealand v. France
but solely for the reasons expressed by Judge Jiménezde Aréchagaand
Judge Onyeama in their declarations concerning the Fiji Order, with
which 1entirely agree.

(Initialled) M.L.
(Initialled) S.A. ESSAISNUCLÉAIRES (ORDONNAN2 C0EXII 74) 538

celui sur lequel se fonde I'ordonnance,à savoir que Fidji, qui n'est pas
partieà l'Actede 1928,ni au systèmede laclause facultative,n'ainvoqué,
dans sa requête, aucunlien dejuridiction avec la France.
Pour pouvoir intervenir en application de l'article 62 du Statut en vue
de faire valoir un droit contre le défendeur,un Etat doit se trouver dans
une situation qui lui permettrait d'attraire lui-mêmele défendeurdevant
la Cour.
Les rédacteurs de l'article 62 du Statut sont partis du principe que

1'Etatintervenant aurait son propre titre dejuridiction vis-à-visdu défen-
deur, carà l'époque leprojet de Statut envisageait unejuridiction obliga-
toire pour tous. Quand ce systèmea été remplacé par celui de la clause
facultative, aucun changement n'a étéapporté à l'article 62, mais, aux
finsde son interprétation et de son application, celui-cidoit êtreconsidéré
comme restant soumis à la mêmecondition. S'ilenallait autrement, il en
résulterait des conséquencesfâcheuses et incompatibles avec des prin-
cipes fondamentaux tels que ceux de l'égalitédes parties devant la Cour
ou de la réciprocitérigoureusedes droits et des obligationsentre lesEtats
qui acceptent sa compétence. Un Etat qu'un autre Etat ne peut pas
assigner comme défendeur devant la Cour ne peut pas non plus se pré-
senter comme demandeur ni comme partie intervenante contre ce même

Etat, avec la faculté de soumettre des conclusions indépendantes à
l'appui d'un intérêt propre.A mon avis, la disposition de l'article 69,
paragraphe 2, du Règlementde la Cour qui exigeque soient zxposéesles
((raisons de droit et de fait justifiant l'interve»tdoit s'entendre, en
des circonstances comme celles de la présenteespèce,comme imposant
aussil'obligation d'établirun lienjuridictionnelindépendantentrel'inter-
venant et le défendeur.

Sir Garfield BARWICK j,ge ad hoc, fait la déclaration suivante:

[Traduction]

J'ai votépour l'ordonnance relative àla requête de Fidjià fin d'inter-
vention dans la présenteinstance non pas en raison des arrêts rendus par
la Cour dans les affairesustralie c. Franceet Nouvelle-Zélandc. France
mais uniquement pour les motifs exposéspar MM. Jiménezde Aréchaga
et Onyeama dans leurs déclarations concernant l'ordonnance relative à
Fidji, quej'approuve entièrement.

(Paraphé)M.L.

(Paraphé) S.A.

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Déclaration de M. Jiménez de Aréchaga, juge (traduction, telle que reproduite immédiatement après l'ordonnance)

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