Opinion dissidente de M. Padilla Nervo (traduction)

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056-19720817-ORD-01-02-EN
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056-19720817-ORD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. PADILLA NERVO

Je ne suis pas en mesure de souscrire à l'ordonnance de la Cour et
j'ai donc votécontre son adoption.
A mon avis, la Cour n'aurait pas dû indiquer de mesures conserva-

toires. Malgré l'opinion contraire, les traits particuliers de la présente
affaire n'autorisent pas de telles mesures contre un Etat qui nie lacompé-
tence de la Cour, qui n'est pas partie à l'instance et dont les droits d'Etat
souverain subissent ainsi une atteinte.
II n'est pas établi que la prétention de la République d'lslande k

étendre sa compétence en matière de pêcheriesjusqu'a 50 milles marins
autour de ses côtes soit contraire au droit international.
La question de la compétence de la Cour n'a pas été complètement
examinée. La Cour invoque surtout pour fonder sa compétence I'échange

de riotes du 19juillet 1961, accord qui, d'après la République d'lslande,
a entièrement atteint son but et son objet, dont elle considère que les
dispositions ne sont plus applicables et sont donc devenues caduques.

Le ministre des Affaires étrangères d'lslande a envoyé au Greffier, le
27juin 1972, une lettre au sujet du dépôt, intervenu le 5 juin 1972,d'une
requêtepar laquelle le Gouvernement de la République fédéraled'Alle-
magne introduisait une instance contre I'lslande.
A cette lettre, étaient joints plusieurs documents concernant l'origine

et l'extinction de l'accord du 19juillet 1961, ainsi que 1le changement de
circonstances résultant de l'exploitation toujours croissante des ressources
de la pêchedans les mers entourant I'lslande )).
La lettre mentionne le différend avec la République fédérale d'Alle-

magne, qui s'opposait à la limite de pêchede 12 milles établie par le
Goiivernement islandais en 1958,et se réfère B I'échangede notes de 1961.
L'Islande déclare que 1l'échangede notes de 1961 est intervenu dans
des circonstances extrêmement difficiles ».

Le paragraphe 5 de la requête introductive d'instance de la République
fédéraled'Allemagne mentionne:

1un certain nombre d'incidents où étaient impliqués, d'une part, des
navires garde-côtes islandais et, de l'autre, des navires de pêche
britanniques et des bâtiments de la marine royale chaigés de la
protection des pêcheries )).

IIressort des déclarations ci-dessus que de telles circonstances n'étaient
pas des plus favorables pour négocieret conclure l'accord de 1961. Le ministre des Affaires étrangères d'Islande indique en outre:

(L'accord réglant le différend dont il s'agissait et par conséquent
la possibilité d'une instance devant la Cour (à laquelle le Gouverne-
ment islandais s'est constamment opposé pour les différends con-
cernant l'étenduede sa compétenceexclusive en matière de pêcheries)

n'avaient pas Lin caractère permanent. En particulier on ne saurait
considérer comme permanent un engagement'de se soumettre au
règlement judiciaire. Rien dans cette situation ni dans toute règle
générale du droit international contemporain ne justifierait une

autre manière de voir ...
L'accord enregistré dans l'échangede notes de 1961ayant pris fin,
la Cour ne pouvait trouver dans son Statut le 5 juin 1972aucun fon-
dement pour l'exercice de sa compétence dans l'affaire viséepar la
République fédéraled'Allemagne.

Considérant que les intérêtsvitaux du peuple islandais sont en jeu,
le Gouvernement islandais porte respectueusement à la connaissance
de la Cour qu'il n'est pas disposéà lui attribuer compétence dans une
affaire qui concernerait l'étendue des pêcheries islandaises, enpar-
ticulier dans l'instance que le Gouvernement de la République fédé-

rale d'Allemagne a voulu introduire le 5 juin 1972. ))

Dans l'affaire de 1'Anglo-lranianOil Co., M. Winiarski et Badawi Pacha
ont justifié leur opinion dissidente par les motifs suivants, que je crois
applicables et valables en l'espèce:

(Le problème des mesures conservatoires est liépour la Cour à
celui de sa compétence; elle ne peut les indiquer que si elle admet,
ne fût-ce que provisoirement, sa compétence pour connaître du
fond de l'affaire. 1(C.I.J. Recueil 1951,p. 96.)

((En droit international, c'est le consentement des parties qui
confère juridiction à la Cour; la Cour n'a compétenceque dans la
mesure où sa juridiction a étéacceptée par les parties. Le pouvoir

donné à la Cour par I'aiticle 41 n'est pas inconditionnel; il lui est
donné aux fins du procès, dans les limites du procès. Pas de compé-
tence au fond, pas de compétence pour indiquer des mesures con-
servatoires. Ces mesures en droit international ont un caractère
exceptionnel à un plus haut degré encore qu'en droit interne; elles

sont facilement considéréescomme une ingérence à peine tolérable
dans les affaires d'un Etat souverain. )(Ibid p..97.)

1IInous est difficile d'admettre le point de vue d'après lequel si
prirna,facie l'incompétence totale n'est pas évidente, donc s'il existe

une possibilité, si faible soit-elle, de compétence pour la Cour, elle
peut indiquer des mesures conservatoires. Cette méthode qui com-
porte, elle aussi, un élémentd'appréciation et qui ne réservepas dans
une plus grande mesure la liberté de la Cour de statuer définitivement sur sa compétence, parait cependant partir de la présoniption en

faveur de la compétence de la Cour. ce q~iine s'accorde pas avec les
principes du droit international. Pour êtreen accord avec le droit
international, il faut renverser les positions: s'il existe de fortes
raisons en faveur de la compétence contestée,la Cour peut indiquer

des mesures conservatoires; s'ilexiste des doutes sérieuxou de fortes
raisons contre cettecompétence. elle ne peut pas lesaccorder. i)(lhid.)

A mon avis, ces doutes existent dans la présente affaire.
L.'échangede notes du 19juillet 1961 sur lequel la requête fonde la
compétence de la Cour mentionne la résolution du Parlement islandais
du 5 mai 1959,aux termes de laquelle l,il convient de s'efforcer d'obtenir 11

la reconnaissance des droits de pêchede l'Islande sur I'enseniblt~ hi
p/atcwu continentul.
[)ans la note du 19 juillet 1961, il est dit que: a Le Gouvernement
islandais continuera de s'eniployer à rnetrre en auire la résolution de
I'Althing en date du 5 mai 1959relative à I't;largissern<~nde la juridiction

sur les pêcheriesautour de I'lslande ... 11
Quand I'lslande affirme que son plateau continental doit être considéré
comme une partie du pays lui-mênie,elle peut s'appuyer sur la conven-
tion relative à cette question, signéeà Genève le 29 avril 1958.

Ilans son arrêtdu 20 février 1969, la Cour a énoncé:
1la plus fondamentale de toutes les règles de droit relatives au pla-

teau continental et qui est consacréepar l'article 2 de la Convention
de Genève de 1958 ... :les drcits de 1'Etat riverain concernant la
zone de plateau continental qui constitue un prolongement naturel
de son territoire sous la mer existent ipso,facto et ah initio en vertu

de la souveraineté de 1'Etat sur ce territoire et par une extension de
cette souveraineté sous la forme de l'exercice de droits souverains
aux fins de l'exploration du lit de la mer et de l'exploitation de ses
ressources naturelles. II y a là un droit inhérent. Point n'est besoin

pour l'exercer de suivre un processus juridique particulier ni d'ac-
complir des actes juridiques spéciaux. Son existencepeut êtrecons-
tatée,comme cela a étéfait par de nombreux Etats, mais elle ne
suppose aucun acte constitutif. Qui plus est, ce droit est indépen-
dant de son exercice effectif. Pour reprendre le terme de la Con-

vention de Genève, il est aexclusif ))en ce sens que, si un Etat rive-
rain choisit de ne pas explorer ou de ne pas exploiter les zones de
~lateau continental lui revenant. cela ne concerne aue lui et nul ne
peut le faire sans son consentement exprès. 1)(C.I.J. Recueil 1969,

F. 22, par. 19.)

IdeGouvernement islandais, dan'; les renseignements et les documents
envoyés à la Cour, donne des raisons et des explications bien motivées
de son droit souverain d'étendre sa compétence en matière de pêcheries
à la totalité de la zone du plateau continental. Depuis toujours les pêcheries côtières de l'Islande constituent le

fondement mêmede l'économiedu pays.
Les pêcheries côtières sont indispensables à I'écononiie islandaise;
sans elles. le pays n'aurait pas étéhabitable.
L'Islande est située sur une plate-forme ou plateau continental, dont
les contours sont concentriques à ceux du pays lui-même. Ces terrasses

sous-marines peu profonde: présentent des conditions idéales pour les
zories de frai et d'alevinage dont la préservation et l'utilisation sont in-
dispensables à la \ie du pays. II est de plus en plus généralementadmis
que les pêcheries côtièresdépendent des conditions particulières existant
dans les zones littorales, lesquelles fournissent l'environnement nécessaire

aux réserves de poisson. Cet environnement fait partie intégrante des
ressources naturelles du pays riverain.
Le plateau continental est en réalitél'assise sur laquelle le pays repose
et il doit êtreconsidérécomme une partie du pays lui-même.
Les intérêtsvitaux du peuple islandais sont donc en jeu. Ils doivent

être protégés.
La position prioritaire de I'Etat côtier a toujours été reconnue grâce
au système des limites de pêche. Dansle passé,ces limites ont étésouvent
établiessans que l'on tienne aucun compte des intérêtsde I'Etat riverain.
Elles doivent plutôt leur origine à l'influence prépondérante des nations
pratiquant la pfche lointaine, qui souhaitaient pêcher aussi près que

possible des côtes des autres nations et, souvent, ravageaient une zone
avant de passer à une autre.
Dans un système de développement progressif du droit international.
la question de la limite de pêcheexclusive doit êtreréexaminéedu point
de vue de la protection et de l'utilisation des ressources côtières, in-

dépendamment d'autres considérations qui portent sur l'étendue de la
mer territoriale. La communauté internationale reconnait de plus en plus
que les ressources de la pêchecôtière doivent êtreconsidéréescomme un
élémentdes ressources naturelles de 1'Etat riverain. La situation particu-
lière des pays qui sont tributaires avant tout des pêcheries côtièresa été

admise, d'une manière générale,lors des deux conférences de Genève de
1958 et 1960. Depuis lors cette idéea été maintes foisexprimée,que ce soit
dans la législation de divers pays ou dans d'importantes déclarations
politiques. L'évolution Lefait résolument dans cette direction.
Rappelant les raisons qui l'avaient amené à adopter une nouvelle

réglementation sur l'exclusivitéde sa compétence en matière de pêcheries
dans la zone du plateau continental, le Gouvernement islandais a déclaré
ce qui suit:

IrDans l'aide-mémoire du31 août 1971,il étaitindiqué: 11en vue de
renforcer les mesures de protection essentielles pour la préservation
des intérêtsvitaux du peuple islandais dans les mers qui entourent
ses côtes, le Gouvernement islandais considère comme essentiel

d'étendre sa zone de compétence exclusive sur les pêcheriesaiitour
des côtes de manière à inclure les espaces marins situés au-dessus du plateau continental 11IIétaitajouté que, de l'avis du Gouvernement
islandais, l'objet et le but des dispositions de l'échangede notes de

1961 visant le recours au règlement judiciaire dans certains cas
avaient été entièrenient atteints. En conséquence, le Gouvernement
islandais considère que les dispositions des notes échangéesne sont
plus applicables et sont donc devenues caduques. 11(Aide-mémoire

du Gouvernement islandais en da.te du 74 février 1972, annexe H à
la requêtede la République fédérale.)

((Au cours des dix annéesécoulées,le Gouvernement de la Répu-
blique fédérale d'Alleniagne a bénéficié de la politique du Gouverne-
ment islandais tendant à suspendre pour une dur& ruisot7nuble
équitable tout nouvel élargissement des limites de la juridiction
exclusive sur les zones de pêche.Etant donné l'évolution scientifique

et économique qui s'est produite (et notamment la menace toujours
plus grande d'une orientation des activités de pêcheintensives vers
la zone islandaise) la poursuite de cette politique du Gouvernement
islandais a des conséquences excessivenient lourdes et inacceptables

et elle porte préjudiceà la conservation des ressources de la mer dont
dépend la subsistance de la population islandaise. 1)(Aide-ménioire
du Gouvernement islandais en date du 31 août 1971, annexe D à
la requête dela République fédérale.)

La deniande en indication de mesures conservatoires présentéepar le
Gouvernement de la République fédérale est longuement motivée.

IIest indiqué parmi les motifi que, si la réglementation de I'lslande
tendant à étendre les limites de sa conipétence sur les pêcheries étaitniise
à exécution pendant une période d'une certaine durée, il en résulterait
un dommage immédiat et irrémédiable aux pêcheries dela République

fédérale d'Allemagneet aux industries connexes. Ce dommage ne saurait
Btre réparépar le versement d'une indemnité en espèces.
Autre motif: les navires de pêchelointaine de la République fédérale
d'Allemagne ne peuvent pas compenser la perte de leurs lieux de pêche

au large de l'Islande en reportant leurs activités sur d'autres régions; le
rayon d'action des chalutiers non frigorifiques est limitépar des facteurs
techniques et économiques.
On prétend en clutre que toute intensification de l'effort de pêchepar
des navires de la République fédérale qui seraient transférésde la

zone islandaise se solderait notamnient par une ldiminution des profits 11
de la pêche côtièretraditionnelle pratiquée sur les lieux de pêcheplus
proches par les bateaux de la République fédérale.
La demande eri indication de mesures conservatoires contient le
passage suivant (par. 13) :

.On peut donc en conclure que les chalutiers comme ceux qui
pratiquent traditionnellement la pêchehauturière autour de I'lslande.

équipéscomme ils le sont d'un matérielcoûteux et exploitésà grands frais, ne pourraient pas, si on leur interdisait cette zone, espérer
trouver d'autres fonds de pêchepour y poursuivre leurs activités

dans des conditions de rendement comparables. ))

Non seulement l'Islande mais encore bien d'autres pays riverains
connaissent par expérience les effets néfastes de la tnenace toujours plus
grande d'une intensification de la pêcheprèsde leur littoral que font peser
des flottilles étrangères de bateaux de pêche équipésc,omme les chalii-

tiers modernes de la République fédérale d'Allemagne, ad'un matériel
coûteux )).
L'argumentation développéedans la deniande en indication de mesures
conservatoires et dans la plaidoirie du 2 août 1972 me paraît avoir pour
but véritable la protection des intérêtsfinanciers ou économiques d'entre-

prises de pêche privées et nonla protection des droits )de la République
fédérale.
En outre on ne peut tenir pour acquise l'existence de ces droits. Le
problème relèvedu fond de I'affaireet c'est à ce stade que la Cour doit le

trancher.
Dire que l'indication de mesures conservatoires ((ne préjuge en rien ):
les droits que la Cour pourra estimer appartenir au demandeur ou au
défendeur, c'est une affirmation qui est contredite par cette constatation
évidente que le siniple fait d'indiquer des mesures destinées à protéger

des droits révèleune présomption quant à l'existence des droits contro-
versés.
L'indication des mesures contenues dans l'ordonnance a le caractère
d'une décisionpréliminaire sur le fond et la mise en Œuvrede ces mesures

équivaudra à l'application de cette décision. On ne saurait nier cela
simplement en affirmant que de telles mesures ne préjugent en rien le fond
de I'affaire.
Quand on prétend qu'un préjudice immédiatet irréparable sera causé,

on part de l'hypothèseque le différendsur le fond ou mêmesur la question
de compétence ne sera pas réglépar la Cour avant de nombreuses années.
C'est là une hypothèse erronée et c'est pourquoi l'argument tiré du
bouleversement de l'ensemble de l'industrie de la pêcheperd toute force
et toute valeur si la Cour, comme on doit I'esconipter, examine le pro-

blème de la compétence avant la fin de l'année.
Ayant invoqué l'article 53 du Statut, le demandeur prie la Cour de lui
adjuger ses conclusions.
D'après le paragraphe 2 de cet article, la Cour doit d'abord s'assurer

qu'elle a compétence.
La disposition figurant à l'article 61, paragraphe 1, du Règlement
intéresse la question de la compétence: (Une demande en indication de
mesures conservatoires peut êtreprésentée à tout moment au cours de la
procédure relative à I'affaire au sujet de laquelle elle est introduite. »

La condition objective ratione temporis mise à l'exercice de cette com-
pétence est que la demande soit présentée au cours de la procédure
relative à I'affaire. !!S'ilrésulte clairement de la pièce introductive d'instance que la
Cour ne peut avoir pleine compétence pour statuer sur l'affaire au

fond que si un autre acte est accompli par 1'Etat défendeur et si
celui-ci refuse de l'accomplir ..il n'y a pas d'instance et par consé-
quent pas de compétence intrinsèque qui permette d'indiquer des
mesures conservatoires, jusqu'à ce que l'on ait parfait la compétence
sur le fond. )1(Rosenne, The Law and Practice of the International

Court, chap. XII, !!Incidental Jurisdiction »,p. 424.)

Le Gouvernement islandais a accusé réceptionle 28juillet 1972 d'un
télégrammeémanant du Greffier de la Cour et relatif à la demande de la
République fédérale d'Allemagneen indication de mesures conservatoires
déposéele 21 juillet 1972. Le télégrammedu Gouvernement islandais dit

en particulier.
1la demande à laquelle votre télégrammese réfère estsans fondement.
De toute manière, la requêtedu 5 juin 1972 concerne la situation

juridique des deux Erats et non la situation économique de certaines
entreprises privéesou d'autres intérétsde l'un de ces Etats ...Sans
préjudice d'aucun des arguments qu'il a antérieurement formulés,
le Gouvernement islandais s'oppose tout particulièrement à I'indi-

cation par la Cour de mesures conservatoires en vertu de l'article 41
du Statut et de l'article 61 du Règlement en l'affaire viséepar la
République fédéraleet dans laquelle aucun fondement de compé-
tente n'est établi.1)(Les italiques sont de nous.)

L'accord que constitue l'échangede notes du 19juillet 1961 envisageait
déjà que la République d'Islande étendrait la limite de sa compétence sur

les pêcheriesau-delà de 12 milles.
S'il avait étécontraire au droit international d'envisager une telle
extension, la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni
n'auraient pas accepté l'insertion d'une déclaration de ce genre dans

l'échange denotes officiel.
Cet échange de notes contient la reconnaissance implicite du droit de
l'Islande d'étendre sa compétence en matière de pêcheries.
Ayant reconnu l'importance particulière que présente la pêche côtière
pour l'économie islandaise,la République fédéralea accepté les proposi-

tions formulées par le Gouvernement islandais et notamment celle qui
figure au paragraphe 5 où ilest dit: !Le Gouvernement islandais con-
tinuera de s'employer à mettre en auvre la résolution de 1'Althing en
date du 5 mai 1959 relative à l'élargissement de la juridiction sur les

pêcheriesautour de l'Islande ));d'après cette résolution l'Islande doit
s'efforcer d'obtenir la reconnaissance de ses droits sur toute l'étendue
du plateau continental, conformément à la loi de 1948 concernant la
conservation scientifique des pêcheries du plateau continental.
La République fédérale n'apas objecté que ces droits n'existaient pas;

elle a accepté la proposition dont la contrepartie était l'obligation pourI'lslande de notifier six mois à l'avance toute mesure tendant à étendresa
juridiction sur les pêcheries.

A supposer qu'uri différend survienne en la matière, cela ne concerne-
rait pas la reconnaissance dkjà admise implicitement du droit de I'lslande
à étendre sa compéi.enceen matière de pêcheries.
Pour les Etats riverains, les ressources biologiques de la mer au-dessus
de leur plateau continental et dans la zone de pêchecontiguë à leur mer

territoriale sont une richesse essentielle.
Le développenient progressif du droit international suppose la recon-
naissance de la notion de 1mer patrimoniale 11qui s'étenddepuis les eaux
territoriales jusqu'à une certaine distance, fixéepar I'Etat riverain inté-

ressé dans l'exercice de ses droits souverains, en vue de protéger les
ressources dont dépendent son développement économique et la sub-
sistance de sa population.
Cette notion n'esi.pas nouvelle. Elle a trouvé expression dans nombre
de déclarations par lesquelles les gouvernements ont proclamé, comme

des élémentsde leur politique maritime internationale. leur souveraineté
et leur compétence exclusive en matière de pêcheriessur les eaux adja-
centes à leurs côtes.
Neuf Etats ont fix é 200 milles marins à partir de leur littoral la zone
de leur compétence exclusive sur les pêcheries.II y a vingt ans que cer-

tains appliquent une réglementation en ce sens, depuis que la (1déclara-
tion de Santiago >>a été signéepar les Gouvernements du Chili, de
I'Equateur et du Pérou en août 1952.
Ma dernière remarque est la suivante. IIn'a pas étéprouvé,à mon avis,
que le préjudice infligéau demandeur serait irréparable. On a simple-

ment alléguéque les entreprises de pêchesubiraient des pertes financières
et les habitudes alimentaires de la population dans les pays intéressés
seraient troublées. J'estime que l'on ne saurait opposer un tel argument
aux droits souverairis de I'lslande relatifs à sa compétence exclusive et à
la protection des ressources biologiques de la mer au-dessusde son plateau

continental. L'ordonnance n'établit pas,me semble-t-il, .njuste équili-
bre entre les deux Parties, comme l'exige l'article applicable du Statut.
Lesrestrictions indiquéesdans I'ordonnance visent naturellement I'lslande
et portent atteinte à.son droit incontestable de légiférersur son propre

territoire de la manière qui lui parait indispensable (voir par. 1, d) du
dispositif). Dans leij mesures indiquées par I'ordonnance, la seule res-
triction importante imposéeau demandeur consiste à limiter le montant
de ses prises annuelles à 119000 tonnes métriques au lieu des 120000
tonnes métriques qu'il réclamait, soit 1000 tonnes métriques de moins

que le chiffre figurant dans sa demande en indication de mesures conser-
vatoires. Toutes les autres mesures conservatoires demandées ont été
acceptées par la Cour. Sur ce point égalementje ne saurais souscrire à
l'indication de mesures dans I'ordonnance.

(Signé) Luis PADILLA NERVO.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE PADILLA NERVO

1am unable to concur in the Order of the Court, and therefore I voted
against its adoption.
In my view, the Court should not have indicated measures of protec-
tion. Notwithstanding contrary opinion, the special features of this case

do not justify such measures against a State which denies the jurisdiction
of the Court. which is not a party to these proceedings and whose rights
as a sovereign State are thereby interfered with.
The claim of the Republic of lceland to extend its fisheries jurisdiction
to a zone of 50 nautical miles around Iceland, has not been proved to be
contrary to international law.
The question regarding the jurisdiction of the Court has not been fully

explored. It relies mainly as a source of itsjurisdiction on the Exchange of
Notes of 19July 1961,an agreement which the Republic of Iceland con-
tends has fully achieved its purpose and object, and the provisions of
which it considers no longer to be applicable and. consequently, terniina-
ted.
The Minister for Foreign Affairs of Iceland sent to the Registrar on

27 June 1972a letter regarding the filing on 5June 1972 of an Application
by the Government of the Federal Republic of Germany, instituting
proceedings against Iceland.
With that letter were sent several documents dealing with the back-
ground and termination of the Agreement of 19 July 1961, and "with
the changed circumstances resulting from the ever-increasing exploitation
of the fishery resources in the seas surrounding Iceland".

The letter refers to the dispute with the Federal Republic, which op-
posed the 12-mile fishery limit established by the lcelandic Government
in 1958,and to the 1961Exchange of Notes.
Iceland States that "the 1961 Exchange of Notes took place under
extremely difficult circumstances".
Paragraph 5 of the Application by the Federal Republic instituting

proceedings refers to
"incidents involving, on the one hand. Icelandic coastguard vessels
and, on the other hand, Britishfishing vessels and fisheries protection

vessels of the Royal Navy of the United Kingdom".

It appears frorn the above-quoted statements, that such circumstances
were not the most appropriate to negotiate and conclude the 1961Agree-
ment. OPINION DISSIDENTE DE M. PADILLA NERVO

Je ne suis pas en mesure de souscrire à l'ordonnance de la Cour et
j'ai donc votécontre son adoption.
A mon avis, la Cour n'aurait pas dû indiquer de mesures conserva-

toires. Malgré l'opinion contraire, les traits particuliers de la présente
affaire n'autorisent pas de telles mesures contre un Etat qui nie lacompé-
tence de la Cour, qui n'est pas partie à l'instance et dont les droits d'Etat
souverain subissent ainsi une atteinte.
II n'est pas établi que la prétention de la République d'lslande k

étendre sa compétence en matière de pêcheriesjusqu'a 50 milles marins
autour de ses côtes soit contraire au droit international.
La question de la compétence de la Cour n'a pas été complètement
examinée. La Cour invoque surtout pour fonder sa compétence I'échange

de riotes du 19juillet 1961, accord qui, d'après la République d'lslande,
a entièrement atteint son but et son objet, dont elle considère que les
dispositions ne sont plus applicables et sont donc devenues caduques.

Le ministre des Affaires étrangères d'lslande a envoyé au Greffier, le
27juin 1972, une lettre au sujet du dépôt, intervenu le 5 juin 1972,d'une
requêtepar laquelle le Gouvernement de la République fédéraled'Alle-
magne introduisait une instance contre I'lslande.
A cette lettre, étaient joints plusieurs documents concernant l'origine

et l'extinction de l'accord du 19juillet 1961, ainsi que 1le changement de
circonstances résultant de l'exploitation toujours croissante des ressources
de la pêchedans les mers entourant I'lslande )).
La lettre mentionne le différend avec la République fédérale d'Alle-

magne, qui s'opposait à la limite de pêchede 12 milles établie par le
Goiivernement islandais en 1958,et se réfère B I'échangede notes de 1961.
L'Islande déclare que 1l'échangede notes de 1961 est intervenu dans
des circonstances extrêmement difficiles ».

Le paragraphe 5 de la requête introductive d'instance de la République
fédéraled'Allemagne mentionne:

1un certain nombre d'incidents où étaient impliqués, d'une part, des
navires garde-côtes islandais et, de l'autre, des navires de pêche
britanniques et des bâtiments de la marine royale chaigés de la
protection des pêcheries )).

IIressort des déclarations ci-dessus que de telles circonstances n'étaient
pas des plus favorables pour négocieret conclure l'accord de 1961. The Foreign Minister of Iceland further indicates:
"The agreement by which that dispute was settled, and conse-
quently the possibility of such recourse to the Court (to which the

Government of Iceland was consistently opposed as far as concerns
disputes over the extrnt of its exclusive fisheries jurisdiction),
was not of a permanent nature. In particular, an undertaking for
judicial settlement cannot be considered to be of a permanent nature.
There is nothing in that situation, or in any general rule of contem-
porary international law, to justify any other view.

After the termination of the agreement recorded in the Exchange
of Notes of 1961,there was on 5 June 1972no basis under the Statute
for the Court to exercisejurisdiction in the case to which the Govern-
ment of the Federal Republic refers.
The Government of Iceland, considering that the vital interests of
the people of Iceland are involved. respectfully informs the Court

that it is not willing to confer jurisdiction on the Court in any case
involving the extent of the fishery limits of Iceland, and specifically
in the case sought to be instituted by the Government of the Federal
Republic of Germany on 5 June 1972."

In the Anglo-lraniun Oil Co. case, Judges Winiarski and Badawi Pasha
gave the following reasons for theirdissentingopinion which. in my view.
are applicable and valid in the present case:

"The question of interim measures of protection is linked, for the
Court, with the question of jurisdiction; the Court has power to
indicatesuch measures only if it holds. should it beonly provisionally,

that it is competent to hear the case on its merits." (I.C.J. Reports
1951, p. 96.)
"ln international law it is the consent of the parties which confers
jurisdiction on the Court; the Court has jurisdiction only in so far
as that jurisdiction has been accepted by the parties. The power
given to the Court by Article 41 is not unconditional; it is given for
the purposes of the proceedings and is limited to those proceedings.

If there is no jurisdiction as to the merits, therecan be no jurisdic-
tion to indicate interim measures of protection. Measures of this
kind in international law are exceptional in character to an even
greater extent than they are in municipal law; they may easily be
considered a scarcely tolerable interference in the affairs of a sover-
eign State." (Ibid., p. 97.)

"We find it difficult to accept the view that if-prima facie the total
lack of jurisdiction of the Court is not patent. that is, if there is a
possibility, however remote, that the Court niay be competent, then
it may indicate interim measures of protection. This approach, wh ich
also involves an element of judgment, and which does not reserve to
any greater extent the right of the Court to give a final decision as to Le ministre des Affaires étrangères d'Islande indique en outre:

(L'accord réglant le différend dont il s'agissait et par conséquent
la possibilité d'une instance devant la Cour (à laquelle le Gouverne-
ment islandais s'est constamment opposé pour les différends con-
cernant l'étenduede sa compétenceexclusive en matière de pêcheries)

n'avaient pas Lin caractère permanent. En particulier on ne saurait
considérer comme permanent un engagement'de se soumettre au
règlement judiciaire. Rien dans cette situation ni dans toute règle
générale du droit international contemporain ne justifierait une

autre manière de voir ...
L'accord enregistré dans l'échangede notes de 1961ayant pris fin,
la Cour ne pouvait trouver dans son Statut le 5 juin 1972aucun fon-
dement pour l'exercice de sa compétence dans l'affaire viséepar la
République fédéraled'Allemagne.

Considérant que les intérêtsvitaux du peuple islandais sont en jeu,
le Gouvernement islandais porte respectueusement à la connaissance
de la Cour qu'il n'est pas disposéà lui attribuer compétence dans une
affaire qui concernerait l'étendue des pêcheries islandaises, enpar-
ticulier dans l'instance que le Gouvernement de la République fédé-

rale d'Allemagne a voulu introduire le 5 juin 1972. ))

Dans l'affaire de 1'Anglo-lranianOil Co., M. Winiarski et Badawi Pacha
ont justifié leur opinion dissidente par les motifs suivants, que je crois
applicables et valables en l'espèce:

(Le problème des mesures conservatoires est liépour la Cour à
celui de sa compétence; elle ne peut les indiquer que si elle admet,
ne fût-ce que provisoirement, sa compétence pour connaître du
fond de l'affaire. 1(C.I.J. Recueil 1951,p. 96.)

((En droit international, c'est le consentement des parties qui
confère juridiction à la Cour; la Cour n'a compétenceque dans la
mesure où sa juridiction a étéacceptée par les parties. Le pouvoir

donné à la Cour par I'aiticle 41 n'est pas inconditionnel; il lui est
donné aux fins du procès, dans les limites du procès. Pas de compé-
tence au fond, pas de compétence pour indiquer des mesures con-
servatoires. Ces mesures en droit international ont un caractère
exceptionnel à un plus haut degré encore qu'en droit interne; elles

sont facilement considéréescomme une ingérence à peine tolérable
dans les affaires d'un Etat souverain. )(Ibid p..97.)

1IInous est difficile d'admettre le point de vue d'après lequel si
prirna,facie l'incompétence totale n'est pas évidente, donc s'il existe

une possibilité, si faible soit-elle, de compétence pour la Cour, elle
peut indiquer des mesures conservatoires. Cette méthode qui com-
porte, elle aussi, un élémentd'appréciation et qui ne réservepas dans
une plus grande mesure la liberté de la Cour de statuer définitivement3'9 I ISHEKIES JURISVIC'IION (DISS. OP. PAVIL1.A NEKVO)

its jiirisdiction. appears however to be based on a presuniption in
favour of the competence of the Court which is not in consonance
with the principles of international law. In order to accord with these
principles, the position should be reversed: if there exist weighty
arguments in favour of the challenged jurisdiction, the Court may

indicate interim nieasures of protection; if there exist serious doubts
or ~eighty argirnients against this jurisdiction such measures cannot
be indicated." (Ihicl., p. 97.)

In my opiniori siich doirbts do exist in the present case.
The Exchange of Notes on which the Application founds the jurisdic-

tion of the Court, dated 19July 1961. niakes reference to the Resolution
of the Parli~iment of Iceland of 5 May 1959, which declared that a recog-
nition of the rights of Icelaiid to fisheries limits ex-tcwditrgfo flic ~,holc
cotrtincntul slic1f'"should be sought".
In the Note of 19July 1961it isstated that: "The lcelandic Government
shall continue to work for the it~~plct~icnt~~tio ofnthe Althing Resolution

of 5 May 1959, regarding the r>stcnsionof the fishery jurisdiction of Ice-
land . .."
The claim of Iceland that its continental shelf niiist be considered to be
a part of the country itself, has support in the Convention on this suhject,
dotie at Geneva on 29 April 1958.
This Court, in its Jiidgment of 20 February 1969, stated:

". . . the most fundamental of al1the rules of law relating to the conti-
nental shelf. enshrined in Article2 of the 1958Geneva Convention, ...
namely that tlie rights of the coastal State in respect of the area of
continental shelf that constitutes a natural orolongation of its land
-
territory iritoand under the sea exist ipso,fictoand uh initio. by virt~ieof
its sovereignty over the land. and as an extension of it in an exercise
of sovereign rights for the purpose of exploring the seabed and
ex~loitin" its natural resources. In short. there is here an inherent
right. In order to exercise it, no special leial process has to be gone
through, nor have any special legal actsto be perfornied. ltsexistence

can be declared (and niany States have done this) but does not need
to be constituted. Furthermore the right does not depend on its being
exercised. To echo the language of the Geneva Convention, it is
'exclusive' in the sense that if the coastal State does not choose to
explore or exploit the areas of shelf appertaining to it. that is its
own afair. biit no one else niay do so without its express consent."

(I.C.J. Reports 1969, p. 22. para. 19.)

The Governmerit of lceland in its inforniatiori and docuinents seiit
to the Court, has given well-founded reasons and explanations of its
sovereign right to extend its fisheries jurisdiction to the entire continental
shelf area. sur sa compétence, parait cependant partir de la présoniption en

faveur de la compétence de la Cour. ce q~iine s'accorde pas avec les
principes du droit international. Pour êtreen accord avec le droit
international, il faut renverser les positions: s'il existe de fortes
raisons en faveur de la compétence contestée,la Cour peut indiquer

des mesures conservatoires; s'ilexiste des doutes sérieuxou de fortes
raisons contre cettecompétence. elle ne peut pas lesaccorder. i)(lhid.)

A mon avis, ces doutes existent dans la présente affaire.
L.'échangede notes du 19juillet 1961 sur lequel la requête fonde la
compétence de la Cour mentionne la résolution du Parlement islandais
du 5 mai 1959,aux termes de laquelle l,il convient de s'efforcer d'obtenir 11

la reconnaissance des droits de pêchede l'Islande sur I'enseniblt~ hi
p/atcwu continentul.
[)ans la note du 19 juillet 1961, il est dit que: a Le Gouvernement
islandais continuera de s'eniployer à rnetrre en auire la résolution de
I'Althing en date du 5 mai 1959relative à I't;largissern<~nde la juridiction

sur les pêcheriesautour de I'lslande ... 11
Quand I'lslande affirme que son plateau continental doit être considéré
comme une partie du pays lui-mênie,elle peut s'appuyer sur la conven-
tion relative à cette question, signéeà Genève le 29 avril 1958.

Ilans son arrêtdu 20 février 1969, la Cour a énoncé:
1la plus fondamentale de toutes les règles de droit relatives au pla-

teau continental et qui est consacréepar l'article 2 de la Convention
de Genève de 1958 ... :les drcits de 1'Etat riverain concernant la
zone de plateau continental qui constitue un prolongement naturel
de son territoire sous la mer existent ipso,facto et ah initio en vertu

de la souveraineté de 1'Etat sur ce territoire et par une extension de
cette souveraineté sous la forme de l'exercice de droits souverains
aux fins de l'exploration du lit de la mer et de l'exploitation de ses
ressources naturelles. II y a là un droit inhérent. Point n'est besoin

pour l'exercer de suivre un processus juridique particulier ni d'ac-
complir des actes juridiques spéciaux. Son existencepeut êtrecons-
tatée,comme cela a étéfait par de nombreux Etats, mais elle ne
suppose aucun acte constitutif. Qui plus est, ce droit est indépen-
dant de son exercice effectif. Pour reprendre le terme de la Con-

vention de Genève, il est aexclusif ))en ce sens que, si un Etat rive-
rain choisit de ne pas explorer ou de ne pas exploiter les zones de
~lateau continental lui revenant. cela ne concerne aue lui et nul ne
peut le faire sans son consentement exprès. 1)(C.I.J. Recueil 1969,

F. 22, par. 19.)

IdeGouvernement islandais, dan'; les renseignements et les documents
envoyés à la Cour, donne des raisons et des explications bien motivées
de son droit souverain d'étendre sa compétence en matière de pêcheries
à la totalité de la zone du plateau continental. The coastal fisheries in Iceland have always been the foundation of the
country's economy.
The coastal fisheries are the conditio sine qua non for the lcelandic

economy; without them the country would not have been habitable.
lceland rests on a platform or continental shelf whose outlines follow
those of the country itself. In these shallow underwater terraces, ideal
conditions are found for spawning areas and riursery grounds upon whose
preservation and utilization the livelihood of the nation depends. It is

increasingly being recognized that coastal fisheries are based on the special
conditions prevailing in the coastal areas which provide the necessary
environment for the fishstocks. Thisenvironment is an integral part of the
natural resources of the coastal State.

The continental shelf is really the platform of the country and must be

considered to be a part of the country itself.
The vital interests of the Icelandic people are therefore at stake. They
must be protected.
The priority position of the coastal State has then always been recog-
iiized through the system of fishery limits. In the past these limits have to
a great extent not been established with any regard to the interests of the

coastal State.They owe their origin rather to the preponderant influence
of distant water fishery nations, who wished to fish as close as possible to
the shores of other nations, frequently destroying one area and then pro-
ceeding to another.
In a system of progressive development of international law the ques-
tion of fishery limits has to be reconsidered in terms of the protection and

utilization of coastal resources regardless of other considerations which
apply to the extent of the territorial sea. The international community
has increasingly recognized that the coastal fishery resources are to be
considered as a part of the natural resources of the coastal State. The
special situation of countries who are overwhelmingly dependent on
coastal fisheries, was generally recognized at both Geneva Conferences in

1958 and 1960. Since then this view has found frequent expression both
in the legislation of various countries and in important political state-
ments. The course of events is decidedly progressing in this direction.

Reiterating the considerations which lead the Government of Iceland

to issue new regulations relating to exclusive fisheriesjurisdiction in the
continental shelf area, it stated the following:

"In the aide-mémoire of 31 August, 1971, it was intiniated that
in order to strengthen the measures of protection essential to safe-
guard the vital interests of the lcelandic People in the seas surroun-
ding its coasts, the Government of Iceland now finds it essential to
extend further the zone of exclusive fisheriesjurisdiction around its

coasts to include the areas of sea covering the continental shelf. Depuis toujours les pêcheries côtières de l'Islande constituent le

fondement mêmede l'économiedu pays.
Les pêcheries côtières sont indispensables à I'écononiie islandaise;
sans elles. le pays n'aurait pas étéhabitable.
L'Islande est située sur une plate-forme ou plateau continental, dont
les contours sont concentriques à ceux du pays lui-même. Ces terrasses

sous-marines peu profonde: présentent des conditions idéales pour les
zories de frai et d'alevinage dont la préservation et l'utilisation sont in-
dispensables à la \ie du pays. II est de plus en plus généralementadmis
que les pêcheries côtièresdépendent des conditions particulières existant
dans les zones littorales, lesquelles fournissent l'environnement nécessaire

aux réserves de poisson. Cet environnement fait partie intégrante des
ressources naturelles du pays riverain.
Le plateau continental est en réalitél'assise sur laquelle le pays repose
et il doit êtreconsidérécomme une partie du pays lui-même.
Les intérêtsvitaux du peuple islandais sont donc en jeu. Ils doivent

être protégés.
La position prioritaire de I'Etat côtier a toujours été reconnue grâce
au système des limites de pêche. Dansle passé,ces limites ont étésouvent
établiessans que l'on tienne aucun compte des intérêtsde I'Etat riverain.
Elles doivent plutôt leur origine à l'influence prépondérante des nations
pratiquant la pfche lointaine, qui souhaitaient pêcher aussi près que

possible des côtes des autres nations et, souvent, ravageaient une zone
avant de passer à une autre.
Dans un système de développement progressif du droit international.
la question de la limite de pêcheexclusive doit êtreréexaminéedu point
de vue de la protection et de l'utilisation des ressources côtières, in-

dépendamment d'autres considérations qui portent sur l'étendue de la
mer territoriale. La communauté internationale reconnait de plus en plus
que les ressources de la pêchecôtière doivent êtreconsidéréescomme un
élémentdes ressources naturelles de 1'Etat riverain. La situation particu-
lière des pays qui sont tributaires avant tout des pêcheries côtièresa été

admise, d'une manière générale,lors des deux conférences de Genève de
1958 et 1960. Depuis lors cette idéea été maintes foisexprimée,que ce soit
dans la législation de divers pays ou dans d'importantes déclarations
politiques. L'évolution Lefait résolument dans cette direction.
Rappelant les raisons qui l'avaient amené à adopter une nouvelle

réglementation sur l'exclusivitéde sa compétence en matière de pêcheries
dans la zone du plateau continental, le Gouvernement islandais a déclaré
ce qui suit:

IrDans l'aide-mémoire du31 août 1971,il étaitindiqué: 11en vue de
renforcer les mesures de protection essentielles pour la préservation
des intérêtsvitaux du peuple islandais dans les mers qui entourent
ses côtes, le Gouvernement islandais considère comme essentiel

d'étendre sa zone de compétence exclusive sur les pêcheriesaiitour
des côtes de manière à inclure les espaces marins situés au-dessus du It was further stated that in theopinion of the Icelandic Governrnent,
the object and purpose of the provisions in the 1961 Exchange of

Notes for recourse to judicial settlement in certain eventualities have
been fully achieved. The Governnient of Iceland, therefore, considers
the provisions of the Notes exchanged no longer to be applicable and
consequently terrninated." (Governrnent of Iceland's Aide-Mémoire
of 24 February 1972. Annex H to Application of the Federal Re-

public.)
". . . In the period of ten years which has elapsed, the Governrnent

of the Federal Republic enjoyed the benefit of the Icelandic Govern-
ment's policy to the effect that further extension of the limits of
exclusive fisheries jurisdiction would be placed in abeyance for a
rt~usonublr and equitable ppriod. Continuation of that policy by the
Icelandic Governrnent. in the light of intervening scientific and

economic evolution (including the ever greater thréat of increased
diversion of highly developed fishing effort to the Icelandic area) has
becorne excessively onerous and unacceptable, and is harrnful to the
maintenance of the resources of the sea on which the livelihood of
the Icelandic people depends." (Government of Iceland's Aide-
Mémoire of 31 August 1971. Annex D to Application of the Federal

Republic.)

In the request by the Government of the Federal Republic for the indi-
cation of interim measures of protection the grounds of the request are
stated at length.
It is stated therein that Iceland's regulations to extend the limits of its
fisheries jurisdiction.if carried into effect for any substantial period.

would result in an inimediate and irreparable darnage to the fisheries of
the Federal Republic of Gerrnany and the related industries.and that such
damage could not be remedied by the payrnent of an indemnization by
Iceland.
Another argument is that the distant water fishing vessels of the Federal
Republic of Gerrnany cannot compensate the loss of their fishing grounds

off Iceland by directing their activities to other areas; the range of wet
fish trawlersis limited by technical and eronomic factors.

It is clairned that any intensification of fishing effort by vessels of the
Federal Republic diverted from the Iceland area would (among other

things) depress the projts of the traditional coastal fisheries in the nearer
fishing grounds of the fleet of the Federal Republic.

The request for interim measures states (para. 13):

"It can be concluded therefore that trawlers such as have been
fishing traditionally in the high seas around Iceland which are
equipped with expensive technical gear and which operate on high plateau continental 11IIétaitajouté que, de l'avis du Gouvernement
islandais, l'objet et le but des dispositions de l'échangede notes de

1961 visant le recours au règlement judiciaire dans certains cas
avaient été entièrenient atteints. En conséquence, le Gouvernement
islandais considère que les dispositions des notes échangéesne sont
plus applicables et sont donc devenues caduques. 11(Aide-mémoire

du Gouvernement islandais en da.te du 74 février 1972, annexe H à
la requêtede la République fédérale.)

((Au cours des dix annéesécoulées,le Gouvernement de la Répu-
blique fédérale d'Alleniagne a bénéficié de la politique du Gouverne-
ment islandais tendant à suspendre pour une dur& ruisot7nuble
équitable tout nouvel élargissement des limites de la juridiction
exclusive sur les zones de pêche.Etant donné l'évolution scientifique

et économique qui s'est produite (et notamment la menace toujours
plus grande d'une orientation des activités de pêcheintensives vers
la zone islandaise) la poursuite de cette politique du Gouvernement
islandais a des conséquences excessivenient lourdes et inacceptables

et elle porte préjudiceà la conservation des ressources de la mer dont
dépend la subsistance de la population islandaise. 1)(Aide-ménioire
du Gouvernement islandais en date du 31 août 1971, annexe D à
la requête dela République fédérale.)

La deniande en indication de mesures conservatoires présentéepar le
Gouvernement de la République fédérale est longuement motivée.

IIest indiqué parmi les motifi que, si la réglementation de I'lslande
tendant à étendre les limites de sa conipétence sur les pêcheries étaitniise
à exécution pendant une période d'une certaine durée, il en résulterait
un dommage immédiat et irrémédiable aux pêcheries dela République

fédérale d'Allemagneet aux industries connexes. Ce dommage ne saurait
Btre réparépar le versement d'une indemnité en espèces.
Autre motif: les navires de pêchelointaine de la République fédérale
d'Allemagne ne peuvent pas compenser la perte de leurs lieux de pêche

au large de l'Islande en reportant leurs activités sur d'autres régions; le
rayon d'action des chalutiers non frigorifiques est limitépar des facteurs
techniques et économiques.
On prétend en clutre que toute intensification de l'effort de pêchepar
des navires de la République fédérale qui seraient transférésde la

zone islandaise se solderait notamnient par une ldiminution des profits 11
de la pêche côtièretraditionnelle pratiquée sur les lieux de pêcheplus
proches par les bateaux de la République fédérale.
La demande eri indication de mesures conservatoires contient le
passage suivant (par. 13) :

.On peut donc en conclure que les chalutiers comme ceux qui
pratiquent traditionnellement la pêchehauturière autour de I'lslande.

équipéscomme ils le sont d'un matérielcoûteux et exploitésà grands costs, could not, if excluded frorn the high seas around Iceland, hope
to find other fishing grounds where they could continue their activi-
ties under comparable and econornic conditions."

Not only Iceland but many coastal States in al1 regions of the world
know by experience the harmful effectsof the ever greater threat of highly
developed fishing effort near their shores, by foreign fishing fleetsequip-

ped-like the modern trawlers of the Federal Republic of Germany-with
expensive techniculgear.

The arguments developed in the request for measures of protection and
in the oral hearing of 2 August 1972,appear, in rny view, to have as their
real object the protection of the interests, financial or economic, of private

fishing enterprises rather than the "rights" of the Federal Republic.

Furtherrnore, the existence of those rights cannot be taken for granted.
This rnatter belongs to the rnerits of the case, to be decided when the Court
deals with thern.

The assertion that the indication or interirn rneasures of protection
in no wuyprejudges the rights which the Court rnay subsequently adjudge
to belong either to the Applicant or to the Respondent, is an assertion
contradicted by the obvious implication that questionable rights are
presumed to exist by the mere fact of indicating measures intended to
protect thern.

The measures indicated in the Order have the character of a prelirninary
decision on the nierits. The implernentation of those measures willamount
to execution of such a prelirninary decision. This fact cannot be denied
sirnply by asserting that such rneasures in no way prejudge the substance
of the case.

The clairn of irnrnediate and irreparable darnage is based on the
assumption that the dispute on the rnerits or even the jurisdictional issue,
will nbt be settled by the Court for many years.
That is a wrong assurnption and therefore the plea of a disruption of the
whole fishing industry will not have any force or weight if the Court,
as should be expected, does consider the rnatter of jurisdiction before the

end of this year.
The Applicant has invoked Article 53 of the Statute and calls upon the
Court to decide in favour of its claim.
According to paragraph 2 of that Article, the Court rnust,Jirst of 011,
satisfy itself that it has jurisdiction.
Relevant to the issue ofjurisdiction is the provision in Article61, para-

graph 1, of the Rules: "A request for the indication of interim rneasures
of protection rnay be filed at any tirne during the proceedings in the case
in connection with which it is made."
The objective requirement ratione temporis for the exercise of this juris-
diction is, that thé request is filed during the proceedings in the case. frais, ne pourraient pas, si on leur interdisait cette zone, espérer
trouver d'autres fonds de pêchepour y poursuivre leurs activités

dans des conditions de rendement comparables. ))

Non seulement l'Islande mais encore bien d'autres pays riverains
connaissent par expérience les effets néfastes de la tnenace toujours plus
grande d'une intensification de la pêcheprèsde leur littoral que font peser
des flottilles étrangères de bateaux de pêche équipésc,omme les chalii-

tiers modernes de la République fédérale d'Allemagne, ad'un matériel
coûteux )).
L'argumentation développéedans la deniande en indication de mesures
conservatoires et dans la plaidoirie du 2 août 1972 me paraît avoir pour
but véritable la protection des intérêtsfinanciers ou économiques d'entre-

prises de pêche privées et nonla protection des droits )de la République
fédérale.
En outre on ne peut tenir pour acquise l'existence de ces droits. Le
problème relèvedu fond de I'affaireet c'est à ce stade que la Cour doit le

trancher.
Dire que l'indication de mesures conservatoires ((ne préjuge en rien ):
les droits que la Cour pourra estimer appartenir au demandeur ou au
défendeur, c'est une affirmation qui est contredite par cette constatation
évidente que le siniple fait d'indiquer des mesures destinées à protéger

des droits révèleune présomption quant à l'existence des droits contro-
versés.
L'indication des mesures contenues dans l'ordonnance a le caractère
d'une décisionpréliminaire sur le fond et la mise en Œuvrede ces mesures

équivaudra à l'application de cette décision. On ne saurait nier cela
simplement en affirmant que de telles mesures ne préjugent en rien le fond
de I'affaire.
Quand on prétend qu'un préjudice immédiatet irréparable sera causé,

on part de l'hypothèseque le différendsur le fond ou mêmesur la question
de compétence ne sera pas réglépar la Cour avant de nombreuses années.
C'est là une hypothèse erronée et c'est pourquoi l'argument tiré du
bouleversement de l'ensemble de l'industrie de la pêcheperd toute force
et toute valeur si la Cour, comme on doit I'esconipter, examine le pro-

blème de la compétence avant la fin de l'année.
Ayant invoqué l'article 53 du Statut, le demandeur prie la Cour de lui
adjuger ses conclusions.
D'après le paragraphe 2 de cet article, la Cour doit d'abord s'assurer

qu'elle a compétence.
La disposition figurant à l'article 61, paragraphe 1, du Règlement
intéresse la question de la compétence: (Une demande en indication de
mesures conservatoires peut êtreprésentée à tout moment au cours de la
procédure relative à I'affaire au sujet de laquelle elle est introduite. »

La condition objective ratione temporis mise à l'exercice de cette com-
pétence est que la demande soit présentée au cours de la procédure
relative à I'affaire. "If it is clear on the face of the document instituting proceedings
that the jurisdiction of the Court to hear the case on its rnerits
reqliirc5 somc step on the part of the respondent State for its per-
fection. then, . . . there will be no 'proceedirigs' and consequently no
inhererit jurisdiction to indicate provisional measures,until that step
has been taken." (Rosenne. The Law und Practice of the International

Court. Chap. XII, Incidental Juriadiction, p. 424.)

The Governnient of Iceland, on 28 July 1972, acknowledged receipt
of a telegram from the Registrar of the Court concerning the request of
the Federal Repiiblic of Germany. for interim measures, filed 21 July
1972.The message from ttie Government of Iceland states in part:

". . . there is rio basis for the request to which your telegram refers.
In any event th<,Application cf5 Jut~e1972rcfers to the legalposition
of the t1c.oStates and not to the economic position of certain private
entrrprisvs or othcr intrrests in one of'those States . . . Without pre-

judice to ariy of its previous arguments the Governrnent of Iceland
objects specifically to the indication by the Court of provisional
measures under Article 41 of the Statute and Article 61 of the Rules
of the Co~irt in the case to which the Governrnent of the Federal
Republic refers, where no basis for jurisdiction is established."
(Ernphasis added.)

In the Exchange of Notes of 19 July 1961, the agreement already
envisageci the prospect that the Republic of Iceland would extend the

fisheries jurisdiction beyond the 12-mile limit.
If it is contrary to international law to envisage such extension, the
Federal Republic of Germany and the United Kingdom would not have
accepted the inclusion of such staternent in the forrnal exchange of notes.

There is in such exchange of notes an implicit recognition of the right
of Iceland to extend its fisheries jurisdiction.

The Federal Republic, in view of its recognition of the exceptional
importance of coastal fisheries to the Icelandic economy, accepted the
proposais put forward by the Governrnent of Iceland, among thern, the
proposal contained in paragraph 5, which states that "the Governrnent of
Iceland shall continue to work for the inlplementution of the Althing
Resolution of 5 May 1959regarding the extension of the fishery jurisdic-

tion of Iceland", which declares that a recognition of its rights to the
whole continental shelf should be sought, as provided in the Law con-
cerning the Scientific Conservation of the Continental Shelf Fisheries of
1948.
The Federal Republic did not object to the existence of such rights, it
accepted the proposal which contained as counterpart or consideration !!S'ilrésulte clairement de la pièce introductive d'instance que la
Cour ne peut avoir pleine compétence pour statuer sur l'affaire au

fond que si un autre acte est accompli par 1'Etat défendeur et si
celui-ci refuse de l'accomplir ..il n'y a pas d'instance et par consé-
quent pas de compétence intrinsèque qui permette d'indiquer des
mesures conservatoires, jusqu'à ce que l'on ait parfait la compétence
sur le fond. )1(Rosenne, The Law and Practice of the International

Court, chap. XII, !!Incidental Jurisdiction »,p. 424.)

Le Gouvernement islandais a accusé réceptionle 28juillet 1972 d'un
télégrammeémanant du Greffier de la Cour et relatif à la demande de la
République fédérale d'Allemagneen indication de mesures conservatoires
déposéele 21 juillet 1972. Le télégrammedu Gouvernement islandais dit

en particulier.
1la demande à laquelle votre télégrammese réfère estsans fondement.
De toute manière, la requêtedu 5 juin 1972 concerne la situation

juridique des deux Erats et non la situation économique de certaines
entreprises privéesou d'autres intérétsde l'un de ces Etats ...Sans
préjudice d'aucun des arguments qu'il a antérieurement formulés,
le Gouvernement islandais s'oppose tout particulièrement à I'indi-

cation par la Cour de mesures conservatoires en vertu de l'article 41
du Statut et de l'article 61 du Règlement en l'affaire viséepar la
République fédéraleet dans laquelle aucun fondement de compé-
tente n'est établi.1)(Les italiques sont de nous.)

L'accord que constitue l'échangede notes du 19juillet 1961 envisageait
déjà que la République d'Islande étendrait la limite de sa compétence sur

les pêcheriesau-delà de 12 milles.
S'il avait étécontraire au droit international d'envisager une telle
extension, la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni
n'auraient pas accepté l'insertion d'une déclaration de ce genre dans

l'échange denotes officiel.
Cet échange de notes contient la reconnaissance implicite du droit de
l'Islande d'étendre sa compétence en matière de pêcheries.
Ayant reconnu l'importance particulière que présente la pêche côtière
pour l'économie islandaise,la République fédéralea accepté les proposi-

tions formulées par le Gouvernement islandais et notamment celle qui
figure au paragraphe 5 où ilest dit: !Le Gouvernement islandais con-
tinuera de s'employer à mettre en auvre la résolution de 1'Althing en
date du 5 mai 1959 relative à l'élargissement de la juridiction sur les

pêcheriesautour de l'Islande ));d'après cette résolution l'Islande doit
s'efforcer d'obtenir la reconnaissance de ses droits sur toute l'étendue
du plateau continental, conformément à la loi de 1948 concernant la
conservation scientifique des pêcheries du plateau continental.
La République fédérale n'apas objecté que ces droits n'existaient pas;

elle a accepté la proposition dont la contrepartie était l'obligation pourthe obligation of Iceland togive six months' notice of any such extension.

If a dispute did arise in respect ofch extension, it would not affect the
previous implicit recognition of Iceland's right to extend its fisheries

jurisdiction.
Thé most essential asset of coastal States is to be found in the living
resources of the sea coveringtheir continental shelf and in the fishing zone
contiguous to their territorial sea.
The progressive development of international lawentails the recognition
of the concept of the patrimonial sea, which extends from the territorial

waters to a distance fixed by the coastal State concerned, in exercise of
its sovereign rights, for the purpose of protecting the resources on which
its economic development and the livelihood of its people depends.

This concept is not a new one. It has found expression in declarations

by many governments proclaiming as their international maritime policy,
their sovereignty and exclusive fisheries jurisdiction over the sea con-
tiguous to their shores.

There are nine States which have adopted a distance of 200 nautical
miles from their shores as their exclusive fisheries jurisdiction. Some

of them have enacted and enforced regulations to that effect since 20
years ago, when the "Santiago Declaration" was signed by the Govern-
ments of Chile, Ecuador and Peru in August 1952.
My last observation isthe following. The claim of irremediable damages
to the Applicant has not. in my opinion, been proved. They are only
allegations that the fishing enterprises would suffer financial losses and

also allegations that the eating habits of people in the countries concerned
will be disturbed. Such an argument cannot, in my opinion, be opposed
to the sovereign rights of lceland over its exclusive jurisdiction and the
protection of the living resources of the sea covering its continental shelf.
The Order does not strike, in my view, a fair balance between the two
sides as required by the relevant article of the Statute. The restrictions

indicated in the Order are obviously against Iceland, interfering with
its unlirnited right to legislate over its own territory as it considers it
essential (cf. para. 1, sub-para.(d),of the operative clause of the Court's
Qrder). In the measures indicated in that Order the only substantial
restriction to the Applicant consists in limiting the amount of its annual

catch to 119,000 metric tons instead of its claim to 120,000 metric tons,
1.000 metric tons less than the Applicant had asked for in its request for
measures of protection. Al1the other measures of protection requested in
the Application the Court had accepted. On this aspect also 1 am not
able to agree with the indication of measures in theorder of the Court.

(Signed) Luis PADILLN AERVO.I'lslande de notifier six mois à l'avance toute mesure tendant à étendresa
juridiction sur les pêcheries.

A supposer qu'uri différend survienne en la matière, cela ne concerne-
rait pas la reconnaissance dkjà admise implicitement du droit de I'lslande
à étendre sa compéi.enceen matière de pêcheries.
Pour les Etats riverains, les ressources biologiques de la mer au-dessus
de leur plateau continental et dans la zone de pêchecontiguë à leur mer

territoriale sont une richesse essentielle.
Le développenient progressif du droit international suppose la recon-
naissance de la notion de 1mer patrimoniale 11qui s'étenddepuis les eaux
territoriales jusqu'à une certaine distance, fixéepar I'Etat riverain inté-

ressé dans l'exercice de ses droits souverains, en vue de protéger les
ressources dont dépendent son développement économique et la sub-
sistance de sa population.
Cette notion n'esi.pas nouvelle. Elle a trouvé expression dans nombre
de déclarations par lesquelles les gouvernements ont proclamé, comme

des élémentsde leur politique maritime internationale. leur souveraineté
et leur compétence exclusive en matière de pêcheriessur les eaux adja-
centes à leurs côtes.
Neuf Etats ont fix é 200 milles marins à partir de leur littoral la zone
de leur compétence exclusive sur les pêcheries.II y a vingt ans que cer-

tains appliquent une réglementation en ce sens, depuis que la (1déclara-
tion de Santiago >>a été signéepar les Gouvernements du Chili, de
I'Equateur et du Pérou en août 1952.
Ma dernière remarque est la suivante. IIn'a pas étéprouvé,à mon avis,
que le préjudice infligéau demandeur serait irréparable. On a simple-

ment alléguéque les entreprises de pêchesubiraient des pertes financières
et les habitudes alimentaires de la population dans les pays intéressés
seraient troublées. J'estime que l'on ne saurait opposer un tel argument
aux droits souverairis de I'lslande relatifs à sa compétence exclusive et à
la protection des ressources biologiques de la mer au-dessusde son plateau

continental. L'ordonnance n'établit pas,me semble-t-il, .njuste équili-
bre entre les deux Parties, comme l'exige l'article applicable du Statut.
Lesrestrictions indiquéesdans I'ordonnance visent naturellement I'lslande
et portent atteinte à.son droit incontestable de légiférersur son propre

territoire de la manière qui lui parait indispensable (voir par. 1, d) du
dispositif). Dans leij mesures indiquées par I'ordonnance, la seule res-
triction importante imposéeau demandeur consiste à limiter le montant
de ses prises annuelles à 119000 tonnes métriques au lieu des 120000
tonnes métriques qu'il réclamait, soit 1000 tonnes métriques de moins

que le chiffre figurant dans sa demande en indication de mesures conser-
vatoires. Toutes les autres mesures conservatoires demandées ont été
acceptées par la Cour. Sur ce point égalementje ne saurais souscrire à
l'indication de mesures dans I'ordonnance.

(Signé) Luis PADILLA NERVO.

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Opinion dissidente de M. Padilla Nervo (traduction)

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