Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Daudet

Document Number
149-20130416-JUD-01-05-EN
Parent Document Number
149-20130416-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

156

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC DAUDET

J’ai voté en faveur de l’ensemble des points du dispositif de lb’arrêt sans
néanmoins partager dans sa totalité le raisonnement suivi par la Cbour et
je pense donc devoir développer ici ma propre opinion sur certains éblé -
ments de celui-ci.
Mes réserves portent sur la manière dont la Cour a traité de lab délimi -
tation de la frontière entre la borne astronomique de Tao et la rivièbre Sirba

à Bossébangou d’une part, et de la délimitation dans la rébgion de Bossé -
bangou en ce qui concerne la rivière Sirba d’autre part.

I. Le tracé de la frontièrbe entre la borne astrobnomique de Tao

et la rivière Sirba à Bossébangou

La Cour décide que, sur cette portion, le tracé de la frontièreb suit la
ligne qui figure sur la carte IGN de 1960. Si je suis en accord avec la déci -
sion de la Cour, je souscris à celle-ci au terme d’un raisonnementb compo-r

tant des différences.
Sur cette portion du tracé, la position du Niger est en partie écabrtée par
la Cour au motif que, sur un certain tronçon, elle n’est pas confobrme à
l’arrêté de 1927 ; ce point de vue est également le mien. Le Burkina Faso
a, quant à lui, défendu la thèse selon laquelle, en l’absence de toute préci -
sion sur le tracé entre la borne de Tao et la rivière Sirba à Bossébangou,

la ligne devait être droite. La Cour, dont je partage la position, rebjette la
prétention du Burkina Faso sur le fondement de trois arguments à l’égard
desquels j’ai quelques réserves: le premier est tiré de la formulation même
de l’arrêté ; le deuxième résulte du contexte du décret du président de bla
République française sur la base duquel l’arrêté est intervenu; le troisième

enfin découle de la localisation du village de Bangaré.
Le premier argument de la Cour, énoncé au paragraphe 88 de l’arrêt,
repose sur le raisonnement a contrario suivant: puisque, à deux reprises ail -
leurs dans l’arrêté de 1927, il est question de ligne droite» ou de «direction
rectiligne» concernant d’autres portions de la limite que celle qui nous

occupe présentement, pourquoi ne retrouve-t-on pas les mêmes formubles
s’agissant de la ligne allant de la borne astronomique de Tao jusqu’bà la
rivière Sirba à Bossébangou si celle-ci est également droit?eSi vraiment cette
ligne est telle, pourquoi ne pas l’avoir dit expressément ici comme c’est le cas
dans d’autres parties du texte? Selon la Cour, ne pas l’avoir fait affaiblit la
thèse du Burkina Faso en faveur de la configuration droite de la ligne.

L’argument est assurément sérieux, dans la limite toutefois de bla portée
des raisonnements a contrario. De manière générale, cependant, je pense

116

6 CIJ1042.indb 268 8/04/14 08:35 157 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

que la Cour aurait pu avoir à ce sujet une position plus nuancée. bL’effet de
l’argument de la Cour me semble quelque peu amoindri du fait tout d’babord

que le texte de l’arrêté est généralement mal rédigé, alternant laconisme
avec détails superflus, ajoutant maladresses de style aux obscurités de fond
en sorte qu’on ne peut être assuré de la pertinence d’une exbégèse de ses
termes. Il reste que, si de prime abord on peut être surpris qu’unb tracé por -
tant sur une aussi longue distance que celle de la borne de Tao à la

rivière Sirba à Bossébangou ne fasse l’objet d’aucun détail, il nb’est cepen -
dant pas infondé de penser que l’auteur de l’arrêté ait cbonsidéré que,
puisqu’on vient de tracer une ligne droite pour le premier tronçonb de Tong-
Tong à Tao, il soit logique de continuer de la même manière, dobnc toujours
en droite ligne, s’agissant du second tronçon jusqu’à la rivbière Sirba sans
avoir besoin de le préciser expressément, et ce, d’autant plus bque la ligne

droite est habituelle dans la pratique coloniale. Le fait que la Cour, à la
suite des Parties, examine ces deux tronçons de manière distincte a pour
effet que la lecture de l’arrêté se trouve morcelée: on lit d’abord le passage
relatif au tracé de Tong-Tong à Tao qui fait l’objet de détabils précis (c «ette
ligne s’infléchit, ensuite vers le sud-est pour couper la piste bautomobile de

Téra à Dori à la borne astronomique de Tao située à l’ouest de la mare
d’Ossolo») fournissant tous les éléments sur la base desquels on étbablit aisé -
ment un tracé. Puis on passe au tronçon allant de Tao à Bossébbangou pour
apprendre de l’arrêté, en tout et pour tout, que la ligne « atteint la rivière
Sirba à Bossébangou », ce qui apparaît alors par contraste parfaitement

insuffisant pour identifier un tracé. Mais s’il avait étéb fait abstraction de
cette césure à Tao et que l’arrêté était au contraire blu dans sa continuité, qui
est celle de la ligne elle-même, il apparaîtrait alors que le texte exprime un
déplacement ininterrompu depuis Tong-Tong jusqu’à Bossébangobu en pas -
sant par Tao. Le tracé qui est bien reconnu par la Cour comme étanbt
d’abord droit depuis Tong-Tong se poursuit ensuite après Tao de la même

manière, toujours en ligne droite comme précédemment et à débfaut d’indi -
cation contraire, jusqu’à «atteindre» la rivière Sirba à Bossébangou. Donc,
si l’arrêté est lu dans le continuum de sa description, la ligne droite devient
plus plausible. En revanche, la situation est différente et requierbt davantage
de précisions s’agissant des autres tronçons visés dans l’arrêté formellement

décrits comme étant «rectilignes» ou « en ligne droite». En effet, ces tron -
çons soit font suite à des passages sinueux lorsque a été prbécédemment
épousé le cours de la rivière Sirba, soit sont précédés de divers changements
de direction qui, en comparaison avec le tronçon entre Tong-Tong et lba
rivière Sirba à Bossébangou, ne sont pas marqués par une mêbme continuité

ou une similitude. Le besoin de préciser le caractère rectiligne du tracé s’im -
pose donc davantage dans ces cas.
Enfin, ce tracé rectiligne n’est nullement inconcevable puisqu’bil a été
adopté en 1988 en tant que « tracé consensuel » par la commission tech -
nique mixte d’abornement puis confirmé lors d’une rencontre tbenue les 14
et 15 mai 1991 par les ministres des deux Etats qui ont marqué leur accord

sur un tel tracé figurant sur un croquis annexé au communiquéb conjoint
qu’ils ont signé. Ce tracé sera remis en cause par le Niger en 1994. Cette

117

6 CIJ1042.indb 270 8/04/14 08:35 158 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

remise en cause n’a pas d’autre effet que de rendre l’accord bdésormais
inapplicable entre les Parties et d’exclure ainsi que, sur cette baseb seule -

ment, la ligne droite puisse être désormais retenue. Mais elle ne signifie
pas que, de ce fait et en soi, la ligne droite soit devenue objectivemenbt
impropre à joindre les deux points identifiés dans l’arrêtbé.

Néanmoins, si tant la lecture faite ci-dessus de l’arrêté qube la référence

au tracé consensuel qui en est l’illustration donnent au tracé brectiligne un
caractère plausible, la difficulté qui surgit est qu’aucun de ces éléments
n’exclut non plus une interprétation différente de l’arrêbté en l’absence de
toute précision figurant dans le texte de celui-ci quant à la forme du tracé
de la borne de Tao à la rivière Sirba à Bossébangou. Autrement dit, la
ligne droite apparaît plausible mais elle n’est pas avérée sbur la base du

texte de l’arrêté et de l’interprétation qu’on peut enb donner. L’arrêté est
donc insuffisant et on doit lui substituer la carte IGN de 1960. Non pas
parce que son tracé pourrait sembler meilleur ou plus approprié, mbais
seulement parce que l’arrêté ne permet pas de le déterminer.b Cette distinc -
tion fait clairement apparaître la notion d’« insuffisance» de l’arrêté pour

permettre de procéder à la délimitation de la frontière. On bse heurte à une
«insuffisance» de l’arrêté lorsque l’on ne trouve pas, dans les termesb de
celui-ci et dans l’interprétation qui en est faite, assez d’ébléments ou des
éléments assez établis pour permettre de dégager la solution recherchée. Il
doit être à cet égard bien observé que la première source à laquelle il

convient de se référer est l’arrêté de 1927 dont on explorera toutes les
possibilités avant d’éventuellement conclure à son insuffisbance, comman -
dant alors de recourir mécaniquement à la carte IGN de 1960. On aurait
pu imaginer que, sur d’autres bases offertes par le droit internatibonal, la
Cour recherche elle-même une délimitation plus appropriée mais, mal -
heureusement dans cette affaire, le compromis de saisine ne lui permetb pas

de le faire.
La Cour aurait pu s’arrêter à cette considération tirée dbe l’insuffisance
de l’arrêté lui-même et décider sur cette seule premièbre base de la nécessité
de retenir le tracé de la carte IGN de 1960. Elle a cependant souhaité
ajouter d’autres éléments justificatifs permettant d’approbfondir l’interpré -

tation du texte de l’arrêté.
Le deuxième argument de la Cour destiné à écarter la thèsbe du Bur -
kina Faso découle de l’importance donnée au décret du présidenbt de la
République française du 28 décembre 1926 décidant de l’attribution à la
colonie du Niger de certains territoires de la Haute-Volta. La Cour sou -

ligne que, ayant le décret pour « base légale» (par. 85), l’arrêté devait être
pris « en respectant les limites des circonscriptions préexistantes, pour
autant qu’elles pouvaient être déterminées » (par. 91). Autrement dit, aux
yeux de la Cour, le gouverneur général n’a qu’une compétebnce limitée
pour prendre un arrêté qui n’a donc qu’une valeur déclarabtive.
Je suis en désaccord avec cette analyse et je pense pour ma part que, si

bien entendu l’arrêté doit respecter le décret, cette exigenbce légale ne fait
pas obstacle à ce que l’arrêté ait au contraire par lui-mêbme non pas une

118

6 CIJ1042.indb 272 8/04/14 08:35 159 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

simple valeur déclarative, mais une valeur véritablement constitutbive résul -
tant de l’octroi au gouverneur général de compétences plus lbarges que

celles que lui reconnaît la Cour. En effet, l’arrêté dispobse que le gouver -
neur général « déterminera» le tracé. Il ne dit pas « précisera» le tracé, ce
qu’il aurait dû faire dans l’hypothèse où le gouverneur général aurait été
tenu par des limites existantes auxquelles le décret aurait d’aillbeurs pu
aussi bien faire lui-même référence si elles avaient existé.b Contrairement à

ce que dit la Cour au paragraphe 91, le gouverneur général ne doit pas
déterminer une «nouvelle» limite intercoloniale (ce qui voudrait dire qu’il
y en avait déjà eu une), mais il doit, conformément au texte dbu décret,
«détermin[er] le tracé de la limite » (ce qui montre bien qu’il n’en y avait
pas de connue). Cette vision me semble d’ailleurs correspondre à bcelle qui
est décrite par la Chambre de la Cour dans l’affaire du Différend fronta ­

lier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 569,
évoquant la compétence du gouverneur général à l’égard des circonscrip -
tions administratives de base qu’étaient les cercles dont « la création et la
suppression … relevaient exclusivement du gouverneur général qubi
en fixait l’étendue globale» (les italiques sont de moi). Au total, par consé -

quent, le fait que, sans être soumis à un simple et strict pouvoirb d’exécu -
tion, le gouverneur général ait eu soin de prêter attention aux limites
existantes s’il s’en trouvait me paraît aller de soi et releverb d’un compor -
tement administratif normal. Mais cela n’exclut nullement de sa part bla
recherche de limites plus précises à laquelle il s’est incontesbtablement

livré, ainsi que la Cour l’observe au paragraphe 92, dans un contexte juri -
dique qui me semble toutefois différent de celui que retient la Coubr.
Au plan des résultats concrets, la différence importe peu. Le fabit est
que, quelle que soit l’étendue de ses pouvoirs, le gouverneur général n’est
en effet pas parvenu à fixer des limites dont assurément rien bn’indique,
comme le dit la Cour, « qu’elles suivaient une ligne droite dans le secteur

considéré» (par. 93). Si tel avait été le cas, cette ligne droite aurait pu en
effet être rapidement déterminée sans nécessiter les nombreuses, com -
plexes et finalement infructueuses recherches auxquelles les administrba -
teurs coloniaux se sont livrés ou, ainsi que l’estime la Cour, «b il eût été
facile de [la] reporter sur une carte » (ibid.).

J’éprouve quelques réserves enfin à propos du troisièmeb argument tiré
de la localisation de Bangaré dont il est dit qu’il est situé abu Niger et qu’il
se retrouverait au Burkina Faso en cas de tracé droit de la limite. Je com -
prends bien le raisonnement suivi par la Cour qui consiste à dire queb ce
village est pris en considération « au titre de la pratique suivie par les

autorités coloniales pour l’application de l’arrêté » (par. 94) venant ainsi
maintenir l’argumentation strictement et exclusivement dans le cadre bde
la référence à l’arrêté et confirmer que celui-ci neb peut donc être interprété
comme ayant entendu établir une délimitation en ligne droite. Cependant,
pour ce village comme tous les autres situés de part et d’autre de la fron -
tière où se trouve également une population nomade ou semi-nomabde, les

appartenances ne sont pas toujours établies de manière indubitableb. Sans
doute aussi la période de disparition de la Haute-Volta au profit du Niger

119

6 CIJ1042.indb 274 8/04/14 08:35 160 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

a-t-elle pu être à l’origine de la création d’habitudes. bAu total par consé -
quent, si la Cour estime que le cas de Bangaré est distinct de celui bde

Petelkolé et Oussaltane, il me semble pour ma part que toutes ces sitbua -
tions (et pas seulement les deux dernières) comportent des incertitbudes
que l’on pourrait tenter de lever par le recours aux effectivitébs coloniales.
Or celles-ci doivent être exclues car, comme la Cour le rappelle : «l’accord
de 1987 impose à la Cour d’appliquer le tracé de la carte IGN de 1960, au

lieu de se référer aux effectivités » (par. 98). Pour cette raison, en considé -
rant, à la différence de la Cour, que Bangaré relève des ebffectivités je n’au-
rais pas invoqué ce troisième argument qui au demeurant me semble b
surabondant en vue de justifier le recours à la la carte IGN de 1960.

II. Le tracé de la frontièrbe dans la région de Bosbsébangou

J’ai voté en faveur du point 4 du dispositif en dépit de la position de la
Cour concernant le tracé de la limite dans la remontée du cours deb la

rivière Sirba qui me pose un certain nombre de problèmes que je sobuhaite
évoquer.

A. Quant au point d’aboutissement de la frontière
à la rivière Sirba à Bossébangou

Au paragraphe 101 de son arrêt, la Cour opte pour une frontière située
au milieu de la rivière Sirba, cette solution permettant de « mieux satis -
fai[re]» à « l’exigence en matière d’accès aux ressources en eau de l’ben -
semble des populations des villages riverains ». Ce choix est pleinement
justifié du point de vue de l’équité et correspond à unbe vision moderne du

droit international qui privilégie la coopération et le partage plbutôt qu’il
ne favorise l’appropriation privative et le bénéfice exclusifb, tel que celui
qui en matière fluviale résulterait d’une délimitation àb la rive.
Cependant, il n’est pas demandé à la Cour de tracer une frontièbre équi-
table mais une frontière fondée sur l’arrêté de 1927 ou, en cas d’insuffi -
sance de ce dernier, sur la carte IGN de 1960. Pour cette raison, tout en

conservant cette considération d’équité en quelque sorte en b« arrière-
plan», la Cour a tenté, mais sans totalement y parvenir, de maintenir bson
raisonnement dans le cadre de l’arrêté.
A cet égard, j’éprouve des réserves sur l’interprétatibon donnée par la
Cour des termes de celui-ci et sur la démarche qui la sous-tend.

1. L’interprétation des termes de l’arrêté de 1927

Alors que l’arrêté de 1927 dispose que la ligne se poursuit depuis la
borne de Tao pour « atteindre la rivière Sirba à Bossébangou », la Cour,
en considérant que « l’utilisation dans l’arrêté du terme « atteindre» n’in-

dique pas que la ligne frontière franchit complètement la Sirba etb atteint
sa rive droite » (par. 101), juge que le point terminal de la frontière se

120

6 CIJ1042.indb 276 8/04/14 08:35 161 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

trouve sur la ligne médiane de la rivière. Je ne vois à vrai dire rien qui per-
mette, dans ce contexte, de donner ce sens au verbe « atteindre» et je

pense que si l’auteur de l’arrêté l’avait voulu ainsi, il aurait dû le préciser.

En l’état du texte de l’arrêté de 1927, et en rappelant que la ligne ren -
contre d’abord la rive gauche de la rivière Sirba tandis que Bossébangou
est situé sur la rive droite, je ne puis partager l’interprétatbion de la Cour.

Le verbe « atteindre» signifie assurément que l’on parvient à un point
donné. Si le texte avait dit que la ligne « atteint la Sirba » sans autre pré -
cision, cela aurait signifié qu’elle s’arrêtait aussitôbt qu’elle parvenait à la
rivière, donc à sa rive gauche, sans aller au-delà, sans la traverser. Cette
hypothèse peut être écartée puisque, et la Cour le rappelle, le texte dit

plus loin que la ligne traverse «de nouveau» la Sirba. Pour ce faire, il faut
l’avoir précédemment traversée. La ligne peut-elle avoir trabversé la Sirba
à Bossébangou à moitié, comme le dit la Cour ? Non, car le texte précise
que la ligne « atteint la Sirba à Bossébangou » (pas la Sirba « tout court»,
pas la Sirba « à hauteur » de Bossébangou, ce qui eût été imprécis, mais
bien la Sirba « à Bossébangou »). Si la ligne atteint la Sirba à Bosséban -

gou, c’est donc qu’elle se poursuit jusqu’à la rive droite dbe la rivière où est
situé ce village. Pour atteindre cet emplacement, la ligne a donc nébcessai-
rement traversé la rivière (et la traversera de nouveau ultéribeurement)
dans sa totalité.

2. La démarche de la Cour

Dans la situation contrainte où elle est placée par le compromis, bla
Cour doit appliquer l’arrêté de 1927 ou la carte IGN de 1960 selon les
modalités que l’on sait. Dans le cas présent toutefois, la Courb a introduit
un élément supplémentaire dans sa démarche en observant que

«aucun élément n’a été présenté à la Cour attestabnt que la rivière
Sirba, dans la région de Bossébangou, aurait été entièrembent attri -

buée à l’une ou l’autre colonie. A cet égard, la Cour relbève que l’exi-
gence en matière d’accès aux ressources en eau de l’ensembleb des
populations des villages riverains est mieux satisfaite par une fron -
tière placée dans la rivière plutôt que sur l’une ou l’bautre rive. »
(Par. 101.)

Si l’on comprend sans peine la préoccupation de la Cour et si l’bon est
naturellement enclin à la partager, force est néanmoins de constater qu’en

avançant un tel motif tiré d’une considération d’équitbé afin de mieux jus-
tifier son choix de la ligne médiane de la Sirba la Cour ajoute àb ce qui
lui est demandé : appliquer l’arrêté ou, en cas d’insuffisance de ce derniebr,
la carte IGN de 1960. Rien d’autre ne peut être ajouté en vertub du com -
promis.
Or, la difficulté ici est que, à mes yeux, la Cour n’a pas adobpté une

position claire. En disant que « l’utilisation du terme « atteindre» n’in­
dique pas que la frontière franchit complètement la Sirba » (les italiques

121

6 CIJ1042.indb 278 8/04/14 08:35 162 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

sont de moi), elle laisse entendre qu’une forme d’incertitude dembeurait
quant aux termes de l’arrêté ou quant à l’interprétatibon qu’elle en don -

nait. Elle n’a cependant pas considéré que cette incertitude ébtait constitu-
tive d’une insuffisance de l’arrêté et elle a au contraire bestimé que, ainsi
compris, l’arrêté de 1927 pouvait fonder sa décision en faveur de la ligne
médiane qui, sans que ce soit dit expressément, était dès lors une limite
équitable.

La Cour aurait pu aussi tirer une conséquence différente de cettbe incer-
titude et considérer qu’elle rendait l’arrêté « insuffisant», nécessitant de
recourir à la carte IGN de 1960. Mais la solution aurait alors été toute
autre. La carte aurait en effet indiqué que la rivière est « complètement»,
et non pas partiellement, franchie puisque quatre croisillons figurant la

frontière en barrent le cours, de la rive gauche à la rive droite,b et placent
ainsi formellement le point d’arrivée de la ligne sur la rive droibte, à
quelques centaines de mètres de Bossébangou. L’interprétatiobn de l’arrêté
par la Cour semble donc différer de la lecture faite par les cartographes de
l’IGN.

B. Quant à la remontée du cours de la Sirba

Passé le point d’aboutissement de la ligne frontière à la Sibrba à Bossé -
bangou, le tracé va se poursuivre en remontant le cours de la rivièbre. Je
conviens bien volontiers que l’arrêté est avare de précisionbs sur le tracé de
cette longue portion qui s’étend des alentours de Bossébangou jusqu’à

l’intersection de la rive droite de la Sirba avec le parallèle de Say. Selon
l’arrêté, après avoir atteint la rivière Sirba à Bossébbangou, la ligne
«remonte presque aussitôt vers le nord-ouest laissant au Niger, sur la rive
gauche de cette rivière, un saillant comprenant les villages de Alfasbsi,
Kouro, Tokalan, Tankouro; puis, revenant au sud, elle coupe de nouveau

la Sirba à hauteur du parallèle de Say ».
En vue de conforter son choix d’un point d’aboutissement de la ligbne
permettant une remontée du cours de la Sirba selon une ligne médiabne, la
Cour observe que

«si le point d’aboutissement de la frontière était situé sur bla rive
droite de la Sirba près de Bossébangou, la ligne devrait « couper»
une deuxième fois la Sirba à un endroit intermédiaire pour passber,

cette fois, de la rive droite à la rive gauche avant de la « couper à
nouveau» dans l’autre sens. Or, rien de semblable n’est énoncé dans
l’arrêté.» (Par. 101.)

A vrai dire, ce qui selon la Cour vaut, en matière de silence du textbe,
pour une traversée depuis la ligne médiane de la rivière seulement
(par. 102), vaudrait tout autant à mon sens pour une traversée totale dbe
rive à rive. A cet égard, il est constant que, à un moment donnbé, la ligne
va devoir quitter la Sirba pour laisser au Niger le saillant des quatre vil -

lages (qui n’ont pas tous été identifiés). Même si, ebn effet, l’arrêté ne dit
pas expressément que la Sirba est traversée, le passage de la riveb droite à

122

6 CIJ1042.indb 280 8/04/14 08:35 163 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

la rive gauche est une conséquence logique et nécessaire de l’obbligation de
laisser les villages en question au Niger. Si la Sirba n’était pasb de nouveau

traversée, les villages deviendraient burkinabés.

Au total, certes l’arrêté ne dit rien, mais le fait même de bla traversée se
déduit de la question du saillant des quatre villages. Quant à la bnature de
la traversée (partielle ou totale), elle se déduit du point débterminé à Bos -

sébangou (milieu de la rivière ou rive droite de celle-ci). L’élément restant
inconnu est l’emplacement de cette traversée au sujet de laquelle bl’arrêté
est muet, donc insuffisant. Ce qui nécessite de recourir à la carbte IGN
de 1960. Celle-ci indique le point de traversée aux coordonnées
13° 20´ 01,8˝ de latitude nord ; 01° 07´ 29,3˝ de longitude est.

Il convient ici de remarquer que, sur la carte IGN de 1960, ce point est
marqué de trois croisillons qui traversent la totalité de la Sirba, d’une rive
à l’autre, exactement de la même manière qu’à Bossébbangou où, comme
il a été dit plus haut, quatre croisillons traversaient la rivièbre d’une rive à
l’autre.

Entre ces deux points de traversée de la rivière, la carte fait fibgurer les
croisillons sur la rive droite de la rivière Sirba, ce qui semble bien signifier
qu’elle retient une délimitation à la rive droite.
Telles sont les raisons pour lesquelles je considère pour ma part queb
mon interprétation de l’arrêté conduit à la délimitation à la rive droite de

la Sirba.
Cette position m’est exclusivement dictée par les termes de l’abrrêté tels
que, différemment de la Cour, je les interprète (et en étantb confirmé dans
mon interprétation par les indications figurant sur la carte) et pbar les exi -
gences du compromis obligeant à appliquer d’abord l’arrêtéb puis, en cas
d’insuffisance de celui-ci, la carte IGN de 1960 et rien d’autre. J’ai bien

conscience, comme je l’ai déjà laissé entendre, qu’en terbmes d’équité cette
solution n’est pas satisfaisante. Pour les raisons que j’ai données, je pense
qu’elle aurait pourtant dû être choisie et il aurait alors àb mon avis convenu
que, soit en complétant le texte figurant au paragraphe 112 de l’arrêt, soit
en rédigeant un paragraphe distinct y renvoyant, la Cour attirât lb’atten -

tion des Parties, et plus particulièrement du Burkina Faso, sur la nécessité
de prendre en compte les besoins des populations et d’organiser une coo -
pération, de façon à atténuer les éléments peu équibtables de sa décision.
En toute hypothèse et en se plaçant sur un plan très concret etb pratique,
si la délimitation à la rive avait ainsi été décidée, bon aurait mal imaginé

que le Burkina Faso établît une clôture le long de la rive droite de la Sirba b
empêchant les habitants nigériens de la région de continuer àb puiser l’eau
de la Sirba ou à y conduire leurs troupeaux comme ils l’ont certaibnement
toujours fait. Quant aux habitants de Bossébangou, probablement les
plus nombreux dans cette zone, en tout état de cause, ils auraient eub plein
accès à la rivière sur la partie droite (à l’est) du poteau frontière installé

sur la rive droite de la Sirba. Au total par conséquent, il est probabble que,
sur ces quelques dizaines de kilomètres, les populations nigériennbes n’au -

123

6 CIJ1042.indb 282 8/04/14 08:35 164 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

raient pas subi d’inconvénients significatifs si la Cour avait adopté une
délimitation à la rive plutôt que décidé en faveur de la bligne médiane.

Mais la Cour a opté pour la ligne médiane, et si, en dépit des bargu -
ments que je viens d’exposer, j’ai voté en faveur du dispositifb de la déci -
sion, c’est essentiellement parce que le dispositif porte égalemenbt sur
d’autres portions importantes de la frontière, sur la délimitatbion des -

quelles je tenais à marquer mon accord. C’est tout de même aussi parce
qu’il m’a semblé que, dans le cas de la rivière Sirba, la stricte application
de l’arrêté au sens où je l’ai compris, justifiée cobmme je l’ai dit sur la seule
base du compromis et sans aucune considération d’équité, abobutirait à un
résultat marqué d’un excessif formalisme. A mon avis, on touche ici du
doigt la limite de l’uti possidetis et le caractère « décalé» de son applica -

tion aux situations du monde actuel. Dans ce cas précis, l’objet qui était
le sien en 1927, puis l’effet stabilisateur qu’il recherchait, et qu’il ba pu
présenter au moment des indépendances il y a plus d’un demi-sièbcle, ne
sont plus ni l’un ni l’autre adaptés aux besoins d’aujourd’bhui, ni même,
s’agissant de cette délimitation fluviale, du moment de l’accbession à l’in -

dépendance. En effet, en 1927, les enjeux ne se présentaient pas dans les
mêmes termes entre deux territoires relevant de la même administrabtion
coloniale. La limite ainsi choisie visait avant tout à être commode (il est
plus facile de l’identifier à la rive qu’au milieu d’une rbivière dont le cours
est très variable selon les saisons) sans probablement avoir en vue de pos -

sibles difficultés d’accès aux ressources en eau. Je ne pense bpas en effet que
cet accès pouvait être affecté par une délimitation à lb’époque de caractère
strictement interne et qui devait laisser intacts des comportements et hbabi -
tudes d’ailleurs bien antérieurs à l’occupation coloniale cobnsistant à pui-
ser quelques seaux d’eau à la rivière pour les besoins domestiqbues, profiter
de l’humidité des sols à certaines saisons pour y développerb des cultures et

amener boire les troupeaux appartenant à des populations nomades et
semi-nomades allant naturellement et traditionnellement de part et
d’autre de la rivière. Exercés à l’époque actuelle, dans le cadre d’une fron -
tière internationale, ces mêmes droits nécessitent en revanche bune organi-
sation et des garanties d’exercice qui sont l’enjeu majeur de chaque part

d’une ligne qui n’est plus une simple limite administrative internbe au sein
d’un même ensemble colonial mais une frontière internationale ebntre deux
Etats indépendants et souverains. Certes, il n’existe pas de rèbgle établie à
ce sujet, mais il semble cependant que les traités établissant uneb délimita -
tion à la rive, d’ailleurs peu fréquents, aient été plutôbt conclus à des

époques éloignées et ne répondent plus guère à la pratbique actuelle qui
retient de préférence soit le thalweg soit la ligne médiane, selon le carac -
tère navigable ou non du cours d’eau.

(Signé) Yves Daudet.

124

6 CIJ1042.indb 284 8/04/14 08:35

Bilingual Content

156

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC DAUDET

J’ai voté en faveur de l’ensemble des points du dispositif de lb’arrêt sans
néanmoins partager dans sa totalité le raisonnement suivi par la Cbour et
je pense donc devoir développer ici ma propre opinion sur certains éblé -
ments de celui-ci.
Mes réserves portent sur la manière dont la Cour a traité de lab délimi -
tation de la frontière entre la borne astronomique de Tao et la rivièbre Sirba

à Bossébangou d’une part, et de la délimitation dans la rébgion de Bossé -
bangou en ce qui concerne la rivière Sirba d’autre part.

I. Le tracé de la frontièrbe entre la borne astrobnomique de Tao

et la rivière Sirba à Bossébangou

La Cour décide que, sur cette portion, le tracé de la frontièreb suit la
ligne qui figure sur la carte IGN de 1960. Si je suis en accord avec la déci -
sion de la Cour, je souscris à celle-ci au terme d’un raisonnementb compo-r

tant des différences.
Sur cette portion du tracé, la position du Niger est en partie écabrtée par
la Cour au motif que, sur un certain tronçon, elle n’est pas confobrme à
l’arrêté de 1927 ; ce point de vue est également le mien. Le Burkina Faso
a, quant à lui, défendu la thèse selon laquelle, en l’absence de toute préci -
sion sur le tracé entre la borne de Tao et la rivière Sirba à Bossébangou,

la ligne devait être droite. La Cour, dont je partage la position, rebjette la
prétention du Burkina Faso sur le fondement de trois arguments à l’égard
desquels j’ai quelques réserves: le premier est tiré de la formulation même
de l’arrêté ; le deuxième résulte du contexte du décret du président de bla
République française sur la base duquel l’arrêté est intervenu; le troisième

enfin découle de la localisation du village de Bangaré.
Le premier argument de la Cour, énoncé au paragraphe 88 de l’arrêt,
repose sur le raisonnement a contrario suivant: puisque, à deux reprises ail -
leurs dans l’arrêté de 1927, il est question de ligne droite» ou de «direction
rectiligne» concernant d’autres portions de la limite que celle qui nous

occupe présentement, pourquoi ne retrouve-t-on pas les mêmes formubles
s’agissant de la ligne allant de la borne astronomique de Tao jusqu’bà la
rivière Sirba à Bossébangou si celle-ci est également droit?eSi vraiment cette
ligne est telle, pourquoi ne pas l’avoir dit expressément ici comme c’est le cas
dans d’autres parties du texte? Selon la Cour, ne pas l’avoir fait affaiblit la
thèse du Burkina Faso en faveur de la configuration droite de la ligne.

L’argument est assurément sérieux, dans la limite toutefois de bla portée
des raisonnements a contrario. De manière générale, cependant, je pense

116

6 CIJ1042.indb 268 8/04/14 08:35 156

SEPARATE OPINION OF JUDGE AD HOC DAUDET

[Translation]

I voted in favour of all the points of the operative clause of the Judg -
ment without, however, subscribing to all of the Court’s reasoning, abnd I
consider it necessary, therefore, to set out here my own opinion on certbain
of its elements.
My reservations focus on the manner in which the Court has dealt with
the delimitation of the frontier between the Tao astronomic marker and

the River Sirba at Bossébangou, and the delimitation in the area of Bbossé-
bangou with respect to the River Sirba.

I. The Course of the Frontiber between the Tao Astrbonomic

Marker and the River Sirbba at Bossébangou

The Court decides that this portion of the frontier follows the line
shown on the 1960 IGN map. While I agree with the Court’s decision, I
do so on the basis of different reasoning.

In this portion of the frontier, Niger’s position is in part rejectedb by the
Court on the ground that, in a certain section, it is not consistent witbh the
1927 Arrêté; I agree with this view. Burkina Faso, for its part, argued
that, in the absence of any precise information regarding the course of bthe
line between the Tao marker and the River Sirba at Bossébangou, the lbine

should be straight. The Court, whose position I share, rejects Burkina
Faso’s claim on the basis of three arguments, in respect of which I hbave
some reservations: the first argument is based on the wording itself of the
Arrêté; the second arises from the context of the Decree of the President
of the French Republic, which formed the basis of the Arrêté; and, finally,

the third proceeds from the location of the village of Bangaré.
The first argument of the Court, set out in paragraph 88 of the Judg -
ment, relies on the following a contrario reasoning : since the 1927 Arrêté
twice uses the term “straight line” (“ligne droite” and “direction rectili­
gne”) to describe portions of the boundary other than that with which we

are at present concerned, why is the same wording not used for the line b
running from the Tao astronomic marker to the River Sirba at Bosséban -
gou, if this too is straight ? If this line is indeed straight, why was this not
made explicit here, as it is in other parts of the text ? According to the
Court, the fact that this was not done weakens Burkina Faso’s case inb
favour of a straight-line configuration.

The argument is assuredly sound, albeit within the limits of the a con ­
trario reasoning. In general, however, I think that the Court could have

116

6 CIJ1042.indb 269 8/04/14 08:35 157 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

que la Cour aurait pu avoir à ce sujet une position plus nuancée. bL’effet de
l’argument de la Cour me semble quelque peu amoindri du fait tout d’babord

que le texte de l’arrêté est généralement mal rédigé, alternant laconisme
avec détails superflus, ajoutant maladresses de style aux obscurités de fond
en sorte qu’on ne peut être assuré de la pertinence d’une exbégèse de ses
termes. Il reste que, si de prime abord on peut être surpris qu’unb tracé por -
tant sur une aussi longue distance que celle de la borne de Tao à la

rivière Sirba à Bossébangou ne fasse l’objet d’aucun détail, il nb’est cepen -
dant pas infondé de penser que l’auteur de l’arrêté ait cbonsidéré que,
puisqu’on vient de tracer une ligne droite pour le premier tronçonb de Tong-
Tong à Tao, il soit logique de continuer de la même manière, dobnc toujours
en droite ligne, s’agissant du second tronçon jusqu’à la rivbière Sirba sans
avoir besoin de le préciser expressément, et ce, d’autant plus bque la ligne

droite est habituelle dans la pratique coloniale. Le fait que la Cour, à la
suite des Parties, examine ces deux tronçons de manière distincte a pour
effet que la lecture de l’arrêté se trouve morcelée: on lit d’abord le passage
relatif au tracé de Tong-Tong à Tao qui fait l’objet de détabils précis (c «ette
ligne s’infléchit, ensuite vers le sud-est pour couper la piste bautomobile de

Téra à Dori à la borne astronomique de Tao située à l’ouest de la mare
d’Ossolo») fournissant tous les éléments sur la base desquels on étbablit aisé -
ment un tracé. Puis on passe au tronçon allant de Tao à Bossébbangou pour
apprendre de l’arrêté, en tout et pour tout, que la ligne « atteint la rivière
Sirba à Bossébangou », ce qui apparaît alors par contraste parfaitement

insuffisant pour identifier un tracé. Mais s’il avait étéb fait abstraction de
cette césure à Tao et que l’arrêté était au contraire blu dans sa continuité, qui
est celle de la ligne elle-même, il apparaîtrait alors que le texte exprime un
déplacement ininterrompu depuis Tong-Tong jusqu’à Bossébangobu en pas -
sant par Tao. Le tracé qui est bien reconnu par la Cour comme étanbt
d’abord droit depuis Tong-Tong se poursuit ensuite après Tao de la même

manière, toujours en ligne droite comme précédemment et à débfaut d’indi -
cation contraire, jusqu’à «atteindre» la rivière Sirba à Bossébangou. Donc,
si l’arrêté est lu dans le continuum de sa description, la ligne droite devient
plus plausible. En revanche, la situation est différente et requierbt davantage
de précisions s’agissant des autres tronçons visés dans l’arrêté formellement

décrits comme étant «rectilignes» ou « en ligne droite». En effet, ces tron -
çons soit font suite à des passages sinueux lorsque a été prbécédemment
épousé le cours de la rivière Sirba, soit sont précédés de divers changements
de direction qui, en comparaison avec le tronçon entre Tong-Tong et lba
rivière Sirba à Bossébangou, ne sont pas marqués par une mêbme continuité

ou une similitude. Le besoin de préciser le caractère rectiligne du tracé s’im -
pose donc davantage dans ces cas.
Enfin, ce tracé rectiligne n’est nullement inconcevable puisqu’bil a été
adopté en 1988 en tant que « tracé consensuel » par la commission tech -
nique mixte d’abornement puis confirmé lors d’une rencontre tbenue les 14
et 15 mai 1991 par les ministres des deux Etats qui ont marqué leur accord

sur un tel tracé figurant sur un croquis annexé au communiquéb conjoint
qu’ils ont signé. Ce tracé sera remis en cause par le Niger en 1994. Cette

117

6 CIJ1042.indb 270 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 157

adopted a more nuanced position on this subject. The strength of the
Court’s argument seems to me to be somewhat undermined, above all by b

the fact that the text of the Arrêté is by and large poorly drafted, alternat-
ing between a scarcity and an abundance of details, mixing clumsy style b
with unclear content so as to make it impossible to be certain of the pebr -
tinence of an analysis of its terms. The fact remains that, while at first
sight one might be surprised to find that a line stretching over a disbtance

as great as that between the Tao marker and the River Sirba at Bossé-
bangou is not described in any detail, it is not, however, inconceivableb
that the author of the Arrêté, having just drawn a straight line for the first
section from Tong-Tong to Tao, considered it logical that that line would
continue in the same way, i.e., in a straight line, in the second sectiobn as
far as the River Sirba, without having to state so expressly, especiallyb

since the use of the straight line was common in colonial practice. The b
fact that the Court, following the lead of the Parties, examines those tbwo
sections separately has the effect of breaking up the reading of the Arrêté :
one first reads the passage relating to the course of the line between
Tong-Tong and Tao, which is the subject of precise details (“this line thben

turns towards the south-east, cutting the Téra-Dori motor road at the
Tao astronomic marker located to the west of the Ossolo Pool”), provbid -
ing all the information on the basis of which a line is easily establishbed.
This is followed by the section running from Tao to Bossébangou, in
respect of which the Arrêté merely states that the line “reach[es] the River

Sirba at Bossébangou”, which, in contrast, does not therefore appebar to
be at all sufficient to identify its course. However, if the break at Tbao had
been disregarded and the Arrêté read as a continuous text instead, as the
line itself is continuous, it would appear then that the text is describbing an
uninterrupted movement between Tong-Tong and Bossébangou, via Tao.
The line, which the Court accepts as starting as a straight line at

Tong-Tong, then continues after Tao in the same way, i.e., in a straight
line as previously and in the absence of any indication to the contrary,b
until it “reach[es]” the Sirba at Bossébangou. Thus, if the Arrêté is read
as a continuous description, a straight line becomes more plausible. The
situation is different, however, and further precision is required for the

other sections which the Arrêté categorically describes as being “straight” or
“straight lines”. In effect, those sections are preceded either bby meander -
ing passages, where the course of the River Sirba is followed, or by
numerous changes of direction, and are not marked by the same continu -
ity or similarity such as exists in the section between Tong-Tong and the

River Sirba at Bossébangou. The need to make it clear that the line ibs
straight is thus more pressing in those instances.
Finally, this straight line is by no means inconceivable, since it was
adopted in 1988 as the “consensual line” by the Joint Technical Cobmmis -
sion on Demarcation and later confirmed at a meeting held on 14 and
15 May 1991 by the Ministers of the two States, who recorded their agree -

ment on such a course, shown on a sketch-map annexed to the joint com -
muniqué they signed. That line would be challenged by Niger in 1994. b

117

6 CIJ1042.indb 271 8/04/14 08:35 158 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

remise en cause n’a pas d’autre effet que de rendre l’accord bdésormais
inapplicable entre les Parties et d’exclure ainsi que, sur cette baseb seule -

ment, la ligne droite puisse être désormais retenue. Mais elle ne signifie
pas que, de ce fait et en soi, la ligne droite soit devenue objectivemenbt
impropre à joindre les deux points identifiés dans l’arrêtbé.

Néanmoins, si tant la lecture faite ci-dessus de l’arrêté qube la référence

au tracé consensuel qui en est l’illustration donnent au tracé brectiligne un
caractère plausible, la difficulté qui surgit est qu’aucun de ces éléments
n’exclut non plus une interprétation différente de l’arrêbté en l’absence de
toute précision figurant dans le texte de celui-ci quant à la forme du tracé
de la borne de Tao à la rivière Sirba à Bossébangou. Autrement dit, la
ligne droite apparaît plausible mais elle n’est pas avérée sbur la base du

texte de l’arrêté et de l’interprétation qu’on peut enb donner. L’arrêté est
donc insuffisant et on doit lui substituer la carte IGN de 1960. Non pas
parce que son tracé pourrait sembler meilleur ou plus approprié, mbais
seulement parce que l’arrêté ne permet pas de le déterminer.b Cette distinc -
tion fait clairement apparaître la notion d’« insuffisance» de l’arrêté pour

permettre de procéder à la délimitation de la frontière. On bse heurte à une
«insuffisance» de l’arrêté lorsque l’on ne trouve pas, dans les termesb de
celui-ci et dans l’interprétation qui en est faite, assez d’ébléments ou des
éléments assez établis pour permettre de dégager la solution recherchée. Il
doit être à cet égard bien observé que la première source à laquelle il

convient de se référer est l’arrêté de 1927 dont on explorera toutes les
possibilités avant d’éventuellement conclure à son insuffisbance, comman -
dant alors de recourir mécaniquement à la carte IGN de 1960. On aurait
pu imaginer que, sur d’autres bases offertes par le droit internatibonal, la
Cour recherche elle-même une délimitation plus appropriée mais, mal -
heureusement dans cette affaire, le compromis de saisine ne lui permetb pas

de le faire.
La Cour aurait pu s’arrêter à cette considération tirée dbe l’insuffisance
de l’arrêté lui-même et décider sur cette seule premièbre base de la nécessité
de retenir le tracé de la carte IGN de 1960. Elle a cependant souhaité
ajouter d’autres éléments justificatifs permettant d’approbfondir l’interpré -

tation du texte de l’arrêté.
Le deuxième argument de la Cour destiné à écarter la thèsbe du Bur -
kina Faso découle de l’importance donnée au décret du présidenbt de la
République française du 28 décembre 1926 décidant de l’attribution à la
colonie du Niger de certains territoires de la Haute-Volta. La Cour sou -

ligne que, ayant le décret pour « base légale» (par. 85), l’arrêté devait être
pris « en respectant les limites des circonscriptions préexistantes, pour
autant qu’elles pouvaient être déterminées » (par. 91). Autrement dit, aux
yeux de la Cour, le gouverneur général n’a qu’une compétebnce limitée
pour prendre un arrêté qui n’a donc qu’une valeur déclarabtive.
Je suis en désaccord avec cette analyse et je pense pour ma part que, si

bien entendu l’arrêté doit respecter le décret, cette exigenbce légale ne fait
pas obstacle à ce que l’arrêté ait au contraire par lui-mêbme non pas une

118

6 CIJ1042.indb 272 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 158

That challenge has no effect other than rendering the agreement hence -
forth inapplicable between the Parties and thus precluding, on that basibs

alone, the possibility of a straight line now being adopted. But that chbal -
lenge does not mean that, for that reason and in itself, a straight lineb is
now an objectively inappropriate means of joining the two points identi -
fied in the Arrêté.
Nevertheless, while both the above reading of the Arrêté and the refer -

ence to the consensual line, which is the illustration of that reading, bgive
plausibility to the straight-line course, the problem remains that neither
of these elements precludes a different interpretation of the Arrêté, in the
absence of any detail in the text regarding the course of the line from bthe
Tao marker to the River Sirba at Bossébangou. In other words, a
straight-line course appears plausible, but it is not established on the basis

of the text of the Arrêté or the interpretation which can be given of it.
Hence, the Arrêté does not suffice and must be replaced by the 1960 IGN
map. Not because the line shown on the map might appear better or more
appropriate, but simply because the Arrêté does not allow for the course
of the boundary to be determined. This distinction clearly brings to ligbht

the notion that the Arrêté does “not suffice” when it cannot be used to
carry out the delimitation of the frontier. The Arrêté does “not suffice”
when there is not enough information, or enough established informa -
tion, in its terms, or in the interpretation thereof, to enable the desibred
solution to be achieved. In this connection, it should be pointed out thbat

the 1927 Arrêté must be the first point of reference and all possibilities
contained therein must be explored before it can be concluded that it dobes
not suffice, which automatically calls for recourse to the 1960 IGN mapb.
One might have expected the Court to seek a more suitable delimitation
on other bases offered by international law ; but, in this case, unfortu -
nately, it is precluded from so doing by the Special Agreement.

The Court could have stopped there, with the observation that the
Arrêté does not suffice, and could have decided on that basis alone that it
was necessary to use the line shown on the 1960 IGN map. However, it
wished to add further supporting evidence, allowing for a more in-depth

interpretation of the text of the Arrêté.
The Court’s second argument for rejecting Burkina Faso’s position
derives from the importance accorded to the Decree of the President of
the French Republic of 28 December 1926, which attributed certain terri-
tories of Upper Volta to the Colony of Niger. The Court points out

that, since the Decree was the “legal basis” (para. 85) of the Arrêté, the
latter was supposed to “[respect] the pre-existing boundaries of the dis -
tricts, to the extent that they could be determined” (para. 91). In other
words, in the eyes of the Court, the Governor-General’s power was lim -
ited to issuing an Arrêté which therefore had only declaratory value.
I disagree with this analysis and for my part believe that, although theb

Arrêté must of course respect the Decree, this legal requirement does not,
however, prevent the Arrêté itself from having a true constitutive value,

118

6 CIJ1042.indb 273 8/04/14 08:35 159 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

simple valeur déclarative, mais une valeur véritablement constitutbive résul -
tant de l’octroi au gouverneur général de compétences plus lbarges que

celles que lui reconnaît la Cour. En effet, l’arrêté dispobse que le gouver -
neur général « déterminera» le tracé. Il ne dit pas « précisera» le tracé, ce
qu’il aurait dû faire dans l’hypothèse où le gouverneur général aurait été
tenu par des limites existantes auxquelles le décret aurait d’aillbeurs pu
aussi bien faire lui-même référence si elles avaient existé.b Contrairement à

ce que dit la Cour au paragraphe 91, le gouverneur général ne doit pas
déterminer une «nouvelle» limite intercoloniale (ce qui voudrait dire qu’il
y en avait déjà eu une), mais il doit, conformément au texte dbu décret,
«détermin[er] le tracé de la limite » (ce qui montre bien qu’il n’en y avait
pas de connue). Cette vision me semble d’ailleurs correspondre à bcelle qui
est décrite par la Chambre de la Cour dans l’affaire du Différend fronta ­

lier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 569,
évoquant la compétence du gouverneur général à l’égard des circonscrip -
tions administratives de base qu’étaient les cercles dont « la création et la
suppression … relevaient exclusivement du gouverneur général qubi
en fixait l’étendue globale» (les italiques sont de moi). Au total, par consé -

quent, le fait que, sans être soumis à un simple et strict pouvoirb d’exécu -
tion, le gouverneur général ait eu soin de prêter attention aux limites
existantes s’il s’en trouvait me paraît aller de soi et releverb d’un compor -
tement administratif normal. Mais cela n’exclut nullement de sa part bla
recherche de limites plus précises à laquelle il s’est incontesbtablement

livré, ainsi que la Cour l’observe au paragraphe 92, dans un contexte juri -
dique qui me semble toutefois différent de celui que retient la Coubr.
Au plan des résultats concrets, la différence importe peu. Le fabit est
que, quelle que soit l’étendue de ses pouvoirs, le gouverneur général n’est
en effet pas parvenu à fixer des limites dont assurément rien bn’indique,
comme le dit la Cour, « qu’elles suivaient une ligne droite dans le secteur

considéré» (par. 93). Si tel avait été le cas, cette ligne droite aurait pu en
effet être rapidement déterminée sans nécessiter les nombreuses, com -
plexes et finalement infructueuses recherches auxquelles les administrba -
teurs coloniaux se sont livrés ou, ainsi que l’estime la Cour, «b il eût été
facile de [la] reporter sur une carte » (ibid.).

J’éprouve quelques réserves enfin à propos du troisièmeb argument tiré
de la localisation de Bangaré dont il est dit qu’il est situé abu Niger et qu’il
se retrouverait au Burkina Faso en cas de tracé droit de la limite. Je com -
prends bien le raisonnement suivi par la Cour qui consiste à dire queb ce
village est pris en considération « au titre de la pratique suivie par les

autorités coloniales pour l’application de l’arrêté » (par. 94) venant ainsi
maintenir l’argumentation strictement et exclusivement dans le cadre bde
la référence à l’arrêté et confirmer que celui-ci neb peut donc être interprété
comme ayant entendu établir une délimitation en ligne droite. Cependant,
pour ce village comme tous les autres situés de part et d’autre de la fron -
tière où se trouve également une population nomade ou semi-nomabde, les

appartenances ne sont pas toujours établies de manière indubitableb. Sans
doute aussi la période de disparition de la Haute-Volta au profit du Niger

119

6 CIJ1042.indb 274 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 159

not simply a declaratory value, resulting from the Governor-General
being granted broader powers than those which are recognized by the

Court. In effect, the Arrêté provides that the Governor-General “shall
determine” the course of the boundary. It does not say “shall statbe” the
course, which it should have done had the Governor-General been con -
strained by existing boundaries, which, moreover, could have been
referred to in the Decree had they existed. Contrary to what is noted byb

the Court in paragraph 91, the Governor-General’s task is not to deter -
mine a “new” inter-colonial boundary (which would mean that there had
already been one), but, according to the text of the Decree, to “detbermine
the course of the boundary” (thus demonstrating that there was no knbown
boundary). This view also seems to me to correspond to that described bby
the Chamber of the Court in the case concerning the Frontier Dispute

(Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 569,
with respect to the Governor-General’s power over the basic administra -
tive divisions, the cercles, “the creation and abolition [of which] were the
sole prerogative of the governor-general, who decided their overall extent”
(emphasis added). In conclusion, therefore, the fact that, without beibng

restricted simply to an implementing power, the Governor-General was
careful to pay attention to any existing boundaries he found is, in my
view, a matter of course and of normal administrative conduct. Neverthe -
less, that in no way prevents him from looking for more accurate bound -
aries, which he clearly did, as the Court observes in paragraph 92, but in

a legal context which seems to me to be different to that set out by tbhe
Court.
In practical terms, the difference is of little importance. The fact ibs that,
whatever the scope of his powers, the Governor-General did not succeed
in fixing the boundaries, for which there is clearly no indication, asb the
Court states, “that they followed a straight line in the sector in qubestion”

(para. 93). If such had been the case, that straight line could have been
quickly determined, without the need for the numerous, complex and ulti -
mately fruitless inquiries carried out by the colonial administrators anbd,
as the Court notes, “it would have been easy to plot [that] line on ab map”
(ibid.).

Finally, I have some reservations about the third argument, based on
the location of Bangaré, which is said to be situated in Niger, but wbhich
would be located in Burkina Faso if the boundary line were straight. I
understand the reasoning of the Court, which states that, in respect of b
this village, “account should be taken of the practice followed by thbe

colonial authorities concerning the implementation of the Arrêté”
(para. 94), thus keeping its argument firmly and exclusively within the
framework of the Arrêté and confirming that the Arrêté cannot therefore
be interpreted as having intended to establish a straight-line delimitation.
However, in the case of this village, as in the case of all the other vibllages
situated on either side of the frontier with nomadic or semi-nomadic popu-

lations, it is not always clearly established on which side of the frontbier
these populations belong. It is also clear that the period during which b

119

6 CIJ1042.indb 275 8/04/14 08:35 160 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

a-t-elle pu être à l’origine de la création d’habitudes. bAu total par consé -
quent, si la Cour estime que le cas de Bangaré est distinct de celui bde

Petelkolé et Oussaltane, il me semble pour ma part que toutes ces sitbua -
tions (et pas seulement les deux dernières) comportent des incertitbudes
que l’on pourrait tenter de lever par le recours aux effectivitébs coloniales.
Or celles-ci doivent être exclues car, comme la Cour le rappelle : «l’accord
de 1987 impose à la Cour d’appliquer le tracé de la carte IGN de 1960, au

lieu de se référer aux effectivités » (par. 98). Pour cette raison, en considé -
rant, à la différence de la Cour, que Bangaré relève des ebffectivités je n’au-
rais pas invoqué ce troisième argument qui au demeurant me semble b
surabondant en vue de justifier le recours à la la carte IGN de 1960.

II. Le tracé de la frontièrbe dans la région de Bosbsébangou

J’ai voté en faveur du point 4 du dispositif en dépit de la position de la
Cour concernant le tracé de la limite dans la remontée du cours deb la

rivière Sirba qui me pose un certain nombre de problèmes que je sobuhaite
évoquer.

A. Quant au point d’aboutissement de la frontière
à la rivière Sirba à Bossébangou

Au paragraphe 101 de son arrêt, la Cour opte pour une frontière située
au milieu de la rivière Sirba, cette solution permettant de « mieux satis -
fai[re]» à « l’exigence en matière d’accès aux ressources en eau de l’ben -
semble des populations des villages riverains ». Ce choix est pleinement
justifié du point de vue de l’équité et correspond à unbe vision moderne du

droit international qui privilégie la coopération et le partage plbutôt qu’il
ne favorise l’appropriation privative et le bénéfice exclusifb, tel que celui
qui en matière fluviale résulterait d’une délimitation àb la rive.
Cependant, il n’est pas demandé à la Cour de tracer une frontièbre équi-
table mais une frontière fondée sur l’arrêté de 1927 ou, en cas d’insuffi -
sance de ce dernier, sur la carte IGN de 1960. Pour cette raison, tout en

conservant cette considération d’équité en quelque sorte en b« arrière-
plan», la Cour a tenté, mais sans totalement y parvenir, de maintenir bson
raisonnement dans le cadre de l’arrêté.
A cet égard, j’éprouve des réserves sur l’interprétatibon donnée par la
Cour des termes de celui-ci et sur la démarche qui la sous-tend.

1. L’interprétation des termes de l’arrêté de 1927

Alors que l’arrêté de 1927 dispose que la ligne se poursuit depuis la
borne de Tao pour « atteindre la rivière Sirba à Bossébangou », la Cour,
en considérant que « l’utilisation dans l’arrêté du terme « atteindre» n’in-

dique pas que la ligne frontière franchit complètement la Sirba etb atteint
sa rive droite » (par. 101), juge que le point terminal de la frontière se

120

6 CIJ1042.indb 276 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 160

Upper Volta was dissolved in favour of Niger could have caused habits tob

form. In conclusion, therefore, while the Court is of the view that the case
of Bangaré is different from that of Petelkolé or Oussaltane, tob my mind,
they all (and not simply the last two) entail uncertainties that one cbould
try to eliminate by recourse to the colonial effectivités. However, they
must be excluded since, as the Court recalls, “the 1987 Agreement requires

the Court to apply the line shown on the 1960 IGN map, instead of refer -
ring to the effectivités” (para. 98). For that reason, since, unlike the
Court, I believe that the case of Bangaré requires recourse to effectivités,
I would not have invoked this third argument, which, moreover, I do not b
think is necessary to justify the recourse to the 1960 IGN map.

II. The Course of the Frontiber in the Area of Bossébangou

I voted in favour of point 4 of the operative clause, despite the Court’s
position on the course of the boundary as it turns back up along the
River Sirba, which, to my mind, raises a number of problems that I wouldb
like to set out.

A. The Endpoint of the Frontier
at the River Sirba at Bossébangou

In paragraph 101 of its Judgment, the Court opts for a frontier situated
in the middle of the River Sirba, as that solution “better me[ets]”b “the
requirement concerning access to water resources of all the people livinbg

in the riparian villages”. That choice is fully justified from the bpoint of
view of equity and corresponds to a modern vision of international law, b
which favours co-operation and sharing over private appropriation and
exclusive benefit, such as that which would arise in respect of the ribver
from delimitation along the river bank.

However, the Court is not called upon to draw an equitable frontier,
but a frontier based on the 1927 Arrêté or, should the latter not suffice,
the 1960 IGN map. Consequently, without completely dismissing such
considerations of equity, the Court has tried, although not entirely sucb -

cessfully, to keep its reasoning within the framework of the Arrêté.

In this respect, I have some reservations regarding the Court’s interbpre -
tation of the terms of the Arrêté and the approach underpinning it.

1. The interpretation of the terms of the 1927 Arrêté

Whereas the 1927 Arrêté provides that the line continues from the Tao
marker to “[reach] the River Sirba at Bossébangou”, the Court, consider -
ing that “[t]he use of the verb ‘reach’ (‘atteindre’) in the Arrêté does not
suggest that the frontier line crosses the Sirba completely, meeting itsb

right bank” (para. 101), decides that the endpoint of the frontier is situ -

120

6 CIJ1042.indb 277 8/04/14 08:35 161 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

trouve sur la ligne médiane de la rivière. Je ne vois à vrai dire rien qui per-
mette, dans ce contexte, de donner ce sens au verbe « atteindre» et je

pense que si l’auteur de l’arrêté l’avait voulu ainsi, il aurait dû le préciser.

En l’état du texte de l’arrêté de 1927, et en rappelant que la ligne ren -
contre d’abord la rive gauche de la rivière Sirba tandis que Bossébangou
est situé sur la rive droite, je ne puis partager l’interprétatbion de la Cour.

Le verbe « atteindre» signifie assurément que l’on parvient à un point
donné. Si le texte avait dit que la ligne « atteint la Sirba » sans autre pré -
cision, cela aurait signifié qu’elle s’arrêtait aussitôbt qu’elle parvenait à la
rivière, donc à sa rive gauche, sans aller au-delà, sans la traverser. Cette
hypothèse peut être écartée puisque, et la Cour le rappelle, le texte dit

plus loin que la ligne traverse «de nouveau» la Sirba. Pour ce faire, il faut
l’avoir précédemment traversée. La ligne peut-elle avoir trabversé la Sirba
à Bossébangou à moitié, comme le dit la Cour ? Non, car le texte précise
que la ligne « atteint la Sirba à Bossébangou » (pas la Sirba « tout court»,
pas la Sirba « à hauteur » de Bossébangou, ce qui eût été imprécis, mais
bien la Sirba « à Bossébangou »). Si la ligne atteint la Sirba à Bosséban -

gou, c’est donc qu’elle se poursuit jusqu’à la rive droite dbe la rivière où est
situé ce village. Pour atteindre cet emplacement, la ligne a donc nébcessai-
rement traversé la rivière (et la traversera de nouveau ultéribeurement)
dans sa totalité.

2. La démarche de la Cour

Dans la situation contrainte où elle est placée par le compromis, bla
Cour doit appliquer l’arrêté de 1927 ou la carte IGN de 1960 selon les
modalités que l’on sait. Dans le cas présent toutefois, la Courb a introduit
un élément supplémentaire dans sa démarche en observant que

«aucun élément n’a été présenté à la Cour attestabnt que la rivière
Sirba, dans la région de Bossébangou, aurait été entièrembent attri -

buée à l’une ou l’autre colonie. A cet égard, la Cour relbève que l’exi-
gence en matière d’accès aux ressources en eau de l’ensembleb des
populations des villages riverains est mieux satisfaite par une fron -
tière placée dans la rivière plutôt que sur l’une ou l’bautre rive. »
(Par. 101.)

Si l’on comprend sans peine la préoccupation de la Cour et si l’bon est
naturellement enclin à la partager, force est néanmoins de constater qu’en

avançant un tel motif tiré d’une considération d’équitbé afin de mieux jus-
tifier son choix de la ligne médiane de la Sirba la Cour ajoute àb ce qui
lui est demandé : appliquer l’arrêté ou, en cas d’insuffisance de ce derniebr,
la carte IGN de 1960. Rien d’autre ne peut être ajouté en vertub du com -
promis.
Or, la difficulté ici est que, à mes yeux, la Cour n’a pas adobpté une

position claire. En disant que « l’utilisation du terme « atteindre» n’in­
dique pas que la frontière franchit complètement la Sirba » (les italiques

121

6 CIJ1042.indb 278 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 161

ated on the median line of the river. In fact, I do not see any reason wbhy
that meaning should be attributed to the verb “reach” in this context and

I think that, if this was what the author of the Arrêté had intended, he
would have made this clear.
Given the wording of the text of the 1927 Arrêté, and recalling that the
line first meets the left bank of the Sirba whereas Bossébangou is bsituated
on the right bank, I cannot share the Court’s interpretation. The verbb

“reach” clearly signifies that one arrives at a given point. If the text had
said that the line “reaches the Sirba”, without any further informbation,
this would have meant that the line stopped as soon as it arrived at theb
river, thus on its left bank, without going any further and without crosbs -
ing the river. This theory can be dismissed since, as the Court recalls,b the

text later states that the line cuts the Sirba “again”. In order to do so, it
must have cut it previously. Can the line have cut halfway across the
Sirba at Bossébangou, as the Court contends ? No, because the text states
that the line “reach[es] the River Sirba at Bossébangou” (not b“simply” the
Sirba, not the Sirba “at the level of ” Bossébangou, which would have
been imprecise, but the Sirba “at Bossébangou”). For the line bto reach the

Sirba at Bossébangou, it must, therefore, continue as far as the righbt bank
of the river, where that village is located. Thus, in order to reach thabt
location, the line must have crossed (and will cross again later) the briver
completely.

2. The Court’s approach

Under the strict terms of the Special Agreement, the Court must apply
the 1927 Arrêté and the 1960 IGN map in accordance with the established
procedures. In the present case, however, the Court has introduced an
additional element in its approach, observing that

“there is no evidence before the Court that the River Sirba in the area
of Bossébangou was attributed entirely to one of the two colonies. Inb

this regard, the Court notes that the requirement concerning access
to water resources of all the people living in the riparian villages is b
better met by a frontier situated in the river than on one bank or the
other.” (Para. 101.)

While the Court’s concern is easy to understand and the inclination tbo
share it natural, there is, however, no avoiding the fact that, by advancing

such a ground based on considerations of equity, in order better to justbify
its choice of the median line of the Sirba, the Court goes beyond what ibs
asked of it, which is to apply the Arrêté or, should the latter not suffice,
the 1960 IGN map. This is all that is allowed under the terms of the Spe -
cial Agreement.
However, the difficulty here is that, in my eyes, the Court has not setb

out its position clearly. By stating that “[t]he use of the verb ‘breach’
(‘atteindre’) . . . does not suggest that the frontier line crosses the Sirba

121

6 CIJ1042.indb 279 8/04/14 08:35 162 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

sont de moi), elle laisse entendre qu’une forme d’incertitude dembeurait
quant aux termes de l’arrêté ou quant à l’interprétatibon qu’elle en don -

nait. Elle n’a cependant pas considéré que cette incertitude ébtait constitu-
tive d’une insuffisance de l’arrêté et elle a au contraire bestimé que, ainsi
compris, l’arrêté de 1927 pouvait fonder sa décision en faveur de la ligne
médiane qui, sans que ce soit dit expressément, était dès lors une limite
équitable.

La Cour aurait pu aussi tirer une conséquence différente de cettbe incer-
titude et considérer qu’elle rendait l’arrêté « insuffisant», nécessitant de
recourir à la carte IGN de 1960. Mais la solution aurait alors été toute
autre. La carte aurait en effet indiqué que la rivière est « complètement»,
et non pas partiellement, franchie puisque quatre croisillons figurant la

frontière en barrent le cours, de la rive gauche à la rive droite,b et placent
ainsi formellement le point d’arrivée de la ligne sur la rive droibte, à
quelques centaines de mètres de Bossébangou. L’interprétatiobn de l’arrêté
par la Cour semble donc différer de la lecture faite par les cartographes de
l’IGN.

B. Quant à la remontée du cours de la Sirba

Passé le point d’aboutissement de la ligne frontière à la Sibrba à Bossé -
bangou, le tracé va se poursuivre en remontant le cours de la rivièbre. Je
conviens bien volontiers que l’arrêté est avare de précisionbs sur le tracé de
cette longue portion qui s’étend des alentours de Bossébangou jusqu’à

l’intersection de la rive droite de la Sirba avec le parallèle de Say. Selon
l’arrêté, après avoir atteint la rivière Sirba à Bossébbangou, la ligne
«remonte presque aussitôt vers le nord-ouest laissant au Niger, sur la rive
gauche de cette rivière, un saillant comprenant les villages de Alfasbsi,
Kouro, Tokalan, Tankouro; puis, revenant au sud, elle coupe de nouveau

la Sirba à hauteur du parallèle de Say ».
En vue de conforter son choix d’un point d’aboutissement de la ligbne
permettant une remontée du cours de la Sirba selon une ligne médiabne, la
Cour observe que

«si le point d’aboutissement de la frontière était situé sur bla rive
droite de la Sirba près de Bossébangou, la ligne devrait « couper»
une deuxième fois la Sirba à un endroit intermédiaire pour passber,

cette fois, de la rive droite à la rive gauche avant de la « couper à
nouveau» dans l’autre sens. Or, rien de semblable n’est énoncé dans
l’arrêté.» (Par. 101.)

A vrai dire, ce qui selon la Cour vaut, en matière de silence du textbe,
pour une traversée depuis la ligne médiane de la rivière seulement
(par. 102), vaudrait tout autant à mon sens pour une traversée totale dbe
rive à rive. A cet égard, il est constant que, à un moment donnbé, la ligne
va devoir quitter la Sirba pour laisser au Niger le saillant des quatre vil -

lages (qui n’ont pas tous été identifiés). Même si, ebn effet, l’arrêté ne dit
pas expressément que la Sirba est traversée, le passage de la riveb droite à

122

6 CIJ1042.indb 280 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 162

completely” (emphasis added), it implies that some uncertainty remabined
as to the terms of the Arrêté and the Court’s interpretation of those terms.

However, the Court did not consider that that uncertainty constituted a b
situation in which the Arrêté did not suffice and, in fact, it was of the
opinion that, understood in that way, the 1927 Arrêté could form the
basis of its decision in favour of the median line, which was thus, althbough
not expressly stated, an equitable boundary.

The Court could also have drawn a different conclusion from that
uncertainty and considered that it amounted to the Arrêté “not sufficing”
and that recourse to the 1960 IGN map was necessary. However, the
solution would then have been completely different. The map would in
fact have indicated that the river is crossed “completely”, and nobt par -

tially, since four crosses representing the frontier cut across it from bthe
left bank to the right bank and thus categorically place the point of arbrival
of the line on the right bank, a few hundred metres from Bossébangou.b
The Court’s interpretation of the Arrêté therefore seems to differ from
that of the IGN cartographers.

B. Turning Back up the Sirba

From the endpoint of the frontier line at the Sirba at Bossébangou, tbhe
line continues upstream, following the course of the river. I readily
acknowledge that the Arrêté lacks any detail about this lengthy portion of
the line, which stretches from the vicinity of Bossébangou as far as bthe

point where the right bank of the Sirba intersects the Say parallel. Accbord -
ing to the Arrêté, having reached the River Sirba at Bossébangou, the line
“almost immediately turns back up towards the north-west, leaving to
Niger, on the left bank of that river, a salient which includes the villbages
of Alfassi, Kouro, Tokalan, and Tankouro ; then, turning back to the

south, it again cuts the Sirba at the level of the Say parallel”.
With a view to reinforcing its choice of endpoint, which sees the fron -
tier line turn back up along the median line of the Sirba, the Court
observes that

“if the endpoint of the frontier were situated on the right bank of tbhe
Sirba close to Bossébangou, the line would have to ‘cut’ the Sibrba a
second time at an intermediate location in order, this time, to cross

from the right bank to the left bank before ‘cutting it again’ in the
other direction. But nothing of that nature is mentioned in the Arrêté.”
(Para. 101.)

In fact, with respect to the silence of the text, what the Court sees as
justification for the frontier crossing only as far as the median lineb of the
river (para. 102) could, in my opinion, just as easily be used to justify a
complete crossing from one bank to the other. In this connection, it is b
established that, at a given point, the line must leave the Sirba, in orbder

to leave to Niger the salient which includes the four villages (which have
not all been identified). Even though the Arrêté does not in fact explicitly

122

6 CIJ1042.indb 281 8/04/14 08:35 163 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

la rive gauche est une conséquence logique et nécessaire de l’obbligation de
laisser les villages en question au Niger. Si la Sirba n’était pasb de nouveau

traversée, les villages deviendraient burkinabés.

Au total, certes l’arrêté ne dit rien, mais le fait même de bla traversée se
déduit de la question du saillant des quatre villages. Quant à la bnature de
la traversée (partielle ou totale), elle se déduit du point débterminé à Bos -

sébangou (milieu de la rivière ou rive droite de celle-ci). L’élément restant
inconnu est l’emplacement de cette traversée au sujet de laquelle bl’arrêté
est muet, donc insuffisant. Ce qui nécessite de recourir à la carbte IGN
de 1960. Celle-ci indique le point de traversée aux coordonnées
13° 20´ 01,8˝ de latitude nord ; 01° 07´ 29,3˝ de longitude est.

Il convient ici de remarquer que, sur la carte IGN de 1960, ce point est
marqué de trois croisillons qui traversent la totalité de la Sirba, d’une rive
à l’autre, exactement de la même manière qu’à Bossébbangou où, comme
il a été dit plus haut, quatre croisillons traversaient la rivièbre d’une rive à
l’autre.

Entre ces deux points de traversée de la rivière, la carte fait fibgurer les
croisillons sur la rive droite de la rivière Sirba, ce qui semble bien signifier
qu’elle retient une délimitation à la rive droite.
Telles sont les raisons pour lesquelles je considère pour ma part queb
mon interprétation de l’arrêté conduit à la délimitation à la rive droite de

la Sirba.
Cette position m’est exclusivement dictée par les termes de l’abrrêté tels
que, différemment de la Cour, je les interprète (et en étantb confirmé dans
mon interprétation par les indications figurant sur la carte) et pbar les exi -
gences du compromis obligeant à appliquer d’abord l’arrêtéb puis, en cas
d’insuffisance de celui-ci, la carte IGN de 1960 et rien d’autre. J’ai bien

conscience, comme je l’ai déjà laissé entendre, qu’en terbmes d’équité cette
solution n’est pas satisfaisante. Pour les raisons que j’ai données, je pense
qu’elle aurait pourtant dû être choisie et il aurait alors àb mon avis convenu
que, soit en complétant le texte figurant au paragraphe 112 de l’arrêt, soit
en rédigeant un paragraphe distinct y renvoyant, la Cour attirât lb’atten -

tion des Parties, et plus particulièrement du Burkina Faso, sur la nécessité
de prendre en compte les besoins des populations et d’organiser une coo -
pération, de façon à atténuer les éléments peu équibtables de sa décision.
En toute hypothèse et en se plaçant sur un plan très concret etb pratique,
si la délimitation à la rive avait ainsi été décidée, bon aurait mal imaginé

que le Burkina Faso établît une clôture le long de la rive droite de la Sirba b
empêchant les habitants nigériens de la région de continuer àb puiser l’eau
de la Sirba ou à y conduire leurs troupeaux comme ils l’ont certaibnement
toujours fait. Quant aux habitants de Bossébangou, probablement les
plus nombreux dans cette zone, en tout état de cause, ils auraient eub plein
accès à la rivière sur la partie droite (à l’est) du poteau frontière installé

sur la rive droite de la Sirba. Au total par conséquent, il est probabble que,
sur ces quelques dizaines de kilomètres, les populations nigériennbes n’au -

123

6 CIJ1042.indb 282 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 163

state that the Sirba is crossed, the crossing from the right bank to theb left
bank is a logical and necessary consequence of the obligation to leave tbhe

four villages in question to Niger. If the Sirba was not crossed again, bthe
villages would belong to Burkina Faso.
In conclusion, although the Arrêté admittedly remains silent, it is pos -
sible to deduce from the question of the salient and the four villages that
the line crosses the river. As for the nature of that crossing (partial or b

complete), this can be deduced from the point determined at Bossébanb -
gou (middle of the river or its right bank). What remains unknown is tbhe
location of that crossing, on which subject the Arrêté is silent and thus
does not suffice. This calls for recourse to the 1960 IGN map. That mapb
indicates that the line crosses the river at co-ordinates 13° 20´ 01.8˝ N and
01° 07´ 29.3˝ E.

It should be noted here that, on the 1960 IGN map, that crossing is
marked by three crosses, which cut across the Sirba completely, from one
bank to the other, in exactly the same way as at Bossébangou, where, bas
stated above, four crosses cut the river from one bank to the other.

Between those two crossing points, the map shows a series of crosses
along the right bank of the River Sirba, which seems to suggest that
delimitation occurs along the right bank.
Such are the reasons why I believe that my interpretation of the Arrêté
calls for delimitation along the right bank of the Sirba.

My position is based solely on the terms of the Arrêté as I interpret
them (and my interpretation is confirmed by the indications on the
map) — an interpretation which is different from that of the Court — and
on the provisions of the Special Agreement, which require that the Arrêté
be applied first, and then, should this not suffice, the 1960 IGN mapb, and

nothing more. I am aware — as I have already indicated — that in terms
of equity this solution is not satisfactory. However, for the reasons gibven,
I think that it should have been the solution chosen by the Court, whichb
should, in my opinion, either by adding to the text of paragraph 112 of
the Judgment, or by drafting a separate paragraph on that subject, have b

drawn the attention of the Parties — and the attention of Burkina Faso,
in particular — to the obligation to take account of the needs of the pop -
ulations and to co-operate in order to mitigate the less equitable elements
of its decision. In any event and considering the situation in very concrete
and practical terms, had it been decided to delimit along the river bankb in

this way, it is difficult to imagine Burkina Faso establishing a fence balong
the right bank of the Sirba, preventing Niger inhabitants in the area frbom
continuing to draw water from the Sirba and from watering their herds atb
the river, as doubtless they always have done. With respect to the inhabit -
ants of Bossébangou, probably the largest population in that area, thbey
would in any event have had full access to the river on the right (to the

east) of the frontier post installed on the right bank of the Sirba. Inb con -
clusion, therefore, it is likely that over these few dozen kilometres, tbhe

123

6 CIJ1042.indb 283 8/04/14 08:35 164 différend frontaliebr (op. ind. daudet)

raient pas subi d’inconvénients significatifs si la Cour avait adopté une
délimitation à la rive plutôt que décidé en faveur de la bligne médiane.

Mais la Cour a opté pour la ligne médiane, et si, en dépit des bargu -
ments que je viens d’exposer, j’ai voté en faveur du dispositifb de la déci -
sion, c’est essentiellement parce que le dispositif porte égalemenbt sur
d’autres portions importantes de la frontière, sur la délimitatbion des -

quelles je tenais à marquer mon accord. C’est tout de même aussi parce
qu’il m’a semblé que, dans le cas de la rivière Sirba, la stricte application
de l’arrêté au sens où je l’ai compris, justifiée cobmme je l’ai dit sur la seule
base du compromis et sans aucune considération d’équité, abobutirait à un
résultat marqué d’un excessif formalisme. A mon avis, on touche ici du
doigt la limite de l’uti possidetis et le caractère « décalé» de son applica -

tion aux situations du monde actuel. Dans ce cas précis, l’objet qui était
le sien en 1927, puis l’effet stabilisateur qu’il recherchait, et qu’il ba pu
présenter au moment des indépendances il y a plus d’un demi-sièbcle, ne
sont plus ni l’un ni l’autre adaptés aux besoins d’aujourd’bhui, ni même,
s’agissant de cette délimitation fluviale, du moment de l’accbession à l’in -

dépendance. En effet, en 1927, les enjeux ne se présentaient pas dans les
mêmes termes entre deux territoires relevant de la même administrabtion
coloniale. La limite ainsi choisie visait avant tout à être commode (il est
plus facile de l’identifier à la rive qu’au milieu d’une rbivière dont le cours
est très variable selon les saisons) sans probablement avoir en vue de pos -

sibles difficultés d’accès aux ressources en eau. Je ne pense bpas en effet que
cet accès pouvait être affecté par une délimitation à lb’époque de caractère
strictement interne et qui devait laisser intacts des comportements et hbabi -
tudes d’ailleurs bien antérieurs à l’occupation coloniale cobnsistant à pui-
ser quelques seaux d’eau à la rivière pour les besoins domestiqbues, profiter
de l’humidité des sols à certaines saisons pour y développerb des cultures et

amener boire les troupeaux appartenant à des populations nomades et
semi-nomades allant naturellement et traditionnellement de part et
d’autre de la rivière. Exercés à l’époque actuelle, dans le cadre d’une fron -
tière internationale, ces mêmes droits nécessitent en revanche bune organi-
sation et des garanties d’exercice qui sont l’enjeu majeur de chaque part

d’une ligne qui n’est plus une simple limite administrative internbe au sein
d’un même ensemble colonial mais une frontière internationale ebntre deux
Etats indépendants et souverains. Certes, il n’existe pas de rèbgle établie à
ce sujet, mais il semble cependant que les traités établissant uneb délimita -
tion à la rive, d’ailleurs peu fréquents, aient été plutôbt conclus à des

époques éloignées et ne répondent plus guère à la pratbique actuelle qui
retient de préférence soit le thalweg soit la ligne médiane, selon le carac -
tère navigable ou non du cours d’eau.

(Signé) Yves Daudet.

124

6 CIJ1042.indb 284 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. daudet) 164

Niger populations would not have encountered any significant problems b
had the Court opted for delimitation along the river bank rather than

deciding in favour of the median line.
The Court, however, did opt for the median line, and although I voted
in favour of this part of the operative clause — in spite of the arguments
which I have just set out — I did so mainly because the clause also covers
other important portions of the frontier, in respect of which I wished tbo

record my agreement. I did so as well because it seemed to me that, in tbhe
case of the River Sirba, a strict application of the Arrêté, in accordance
with my understanding thereof, which, I have said, is based solely on thbe
Special Agreement and without any considerations of equity, would cre -
ate an unduly formalistic result. In my opinion, this demonstrates the
limits of uti possidetis, the application of which is not always in keeping

with present-day situations. In this particular case, neither its object in
1927, nor the later stabilizing effect which it sought and was able tob pro -
vide at the time of the two States’ accession to independence more thban
half a century ago, is suited to today’s needs, nor were they, as farb as the
river delimitation is concerned, at the time of independence. In effecbt, in

1927, the challenges posed by a boundary between two territories within b
the same administrative colony were not the same. The boundary chosen
at that time was aimed above all at convenience (it is easier to identibfy a
boundary along the bank of a river than in the middle of a river, which
varies significantly according to the season) and, in all likelihood,b the pos-

sibility of difficulties of access to the water resources was not even consid -
ered. Indeed, I do not think that such access could be affected by
delimitation at that time, since delimitation was strictly internal and bnot
intended to interfere with behaviour and customs which, moreover, dated b
back to well before the colonial occupation, including drawing water
from the river for domestic purposes, taking advantage of the moisture ibn

the soil in certain seasons to grow crops and using the river to water the
herds of the nomadic and semi-nomadic populations who have tradition -
ally roamed freely on either side of the river. On the other hand, thoseb
same rights exercised today, in the context of an international frontierb,
must be articulated and safeguarded, and pose the biggest challenge alonbg

every part of the line, which is no longer a mere administrative and intber -
nal boundary within a single colonial territory, but an international frbon-
tier between two independent and sovereign States. While there is no
established rule on this subject, it would seem, however, that those treba -
ties which establish delimitation along the bank, of which, moreover,

there are very few, were concluded a long time ago and no longer reflebct
current practice, in which the use of either the thalweg or the median lbine
is preferred, depending on whether or not the water course is navigable.b

(Signed) Yves Daudet.

124

6 CIJ1042.indb 285 8/04/14 08:35

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Daudet

Links