Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Mahiou

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149-20130416-JUD-01-04-EN
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149

OPINION INDIVIDUELLE
DE M. LE JUGE AD HOC MAHIOU

Sources du droit applicable — Sources internationales : article 38 du Statut de
la Cour, compromis du 24 février 2009, principes de l’intangibilité des frontières et
de l’uti possidetis juris — Sources internes: décret du 28 décembre 1926, arrêté du
31 août 1927 et son erratum, autres textes de la période coloniale — Autres
sources: documents acceptés d’accord Parties, carte IGN 1960, documents

préparatoires de la période coloniale.
Place et rôle des effectivités coloniales — Relations avec l’arrêté et son
erratum — Relations entre la carte IGN 1960 et les effectivités — Délimitation de
la frontière: tracé de la borne astronomique de Tao à la ligne médiane de la rivière
Sirba — Problèmes des localités de Petelkolé et Oussaltane — Liens effectifs des
populations avec le Niger.

1. Tout en souscrivant globalement à la démarche d’ensemble de la b
Cour et à la plupart des conclusions auxquelles elle est parvenue danbs la
présente affaire, je voudrais dans cette opinion individuelle faireb état de
quelques observations sur certains points à propos desquels la positibon de

la Cour appelle, de mon point de vue, des nuances ou précisions complbé -
mentaires. Il s’agit des points relatifs, d’une part, au statut debs différents
documents invoqués au cours de l’instance et, d’autre part, au bstatut des
effectivités ou plus précisément leur place et rôle pour lba détermination

des différents tronçons de la frontière.

I. Le statut des documentbs

2. Il ressort des écrits et plaidoiries que l’on est en présence dbe trois
séries de documents auxquels les Parties se réfèrent : d’une part, les textes

acceptés expressément par les Parties pour servir de référenbce et donc de
titre juridique pour délimiter la frontière; d’autre part, les documents plus
ou moins acceptés d’accord Parties, mais dont le statut reste contbesté sur
le point de savoir s’ils sont applicables dans le présent litige ; et, enfin, les

documents invoqués par l’une des Parties et récusés par l’bautre.

3. C’est donc en ayant présente à l’esprit cette classificatibon indicative
entre les différents textes et documents que j’essaie de comprenbdre leur

place dans la solution du présent litige. Mon énumération étbablit en même
temps une hiérarchie, puisque je cite les textes dans l’ordre de pbriorité
qu’il convient de leur accorder en vue de parvenir à la délimitbation de la
frontière entre le Burkina Faso et le Niger.

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6 CIJ1042.indb 254 8/04/14 08:35 150 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

i) Les textes acceptés expressément sont les suivants :

— le compromis du 24 février 2009, dont l’article 6 renvoie à l’article 38
du Statut de la Cour internationale de Justice et aux règles et princbipes

du droit international qui s’appliquent au règlement des diffébrends, ce
qui indique, de manière incontestable, que d’autres règles du dbroit
international ont un rôle à jouer, notamment lorsque les textes
applicables s’avèrent lacunaires ou insuffisants ;
— le décret du 28 décembre 1926 fixant le chef-lieu du Niger à Niamey et

opérant certains transferts de cercles et de cantons entre les colonies
de la Haute-Volta et du Niger. On sait que les Parties ne sont pas
d’accord sur le point de savoir si ce texte a une portée constitutbive ou
déclarative. Dans la mesure où il détermine déjà lui-même certaines
frontières, il est nécessairement constitutif. Au surplus, comme cb’est

lui qui autorise le gouverneur de l’Afrique occidentale française bà
prendre l’arrêté du 31 août 1927 et l’erratum du 5 octobre 1927 fixant
les limites des colonies, il revêt également une portée constitbutive;
— l’arrêté du 31 août 1927 et son erratum du 5 octobre 1927 (ci-dessous
l’«arrêté») fixant les limites des colonies de la Haute-Volta et du Niger;
— ce sont donc les textes de base ou de référence qui sont au cœubr du

litige et les Parties en conviennent même si elles leur donnent une
portée différente, notamment sur le point de savoir s’ils sonbt seuls à
s’appliquer et s’ils sont suffisants ou non pour délimiter l’bensemble de
la frontière.

ii) S’agissant des documents, le principal d’entre eux est la carte IGbN 1960
au 1/200 000, qui bénéficie d’un statut particulier dans la mesure où ceb
document géographique — qui n’avait jusque-là aucun statut offi -
ciel — est consacré dans l’accord du 28 mars 1987 (art. 2) ainsi que

dans le compromis de saisine de la Cour du 24 février 2009.

S’il y a accord des Parties pour recourir à cette carte pour la déblimita -
tion de la frontière, elles divergent profondément sur les conditibons devant
présider à ce recours et elles ont réitéré à maintes reprises ces divergences.
Pour le Burkina Faso, « on ne peut avoir recours à la carte qu’en cas d’in -
suffisance de l’arrêté précisé par son erratum », qu’exceptionnellement et

dans cette hypothèse seulement, et, « faute d’un quelconque autre docu -
ment accepté d’accord Parties …, on doit y avoir recours et on ne peut
avoir recours qu’à elle ». Pour le Niger, la carte de 1960 bénéficie d’un
statut de « source subsidiaire », ce qui permet d’y recourir chaque fois
qu’il y a des imperfections, lacunes, difficultés ou erreurs provbenant de
l’arrêté. Il ajoute que, « sauf à découvrir des déviations anormales par

rapport aux textes, des failles évidentes dans l’information sur lbes limites
des cantons …, c’est la limite tracée par la carte IGN qui doit être retbenue
comme ligne frontalière»; dans ces derniers cas, il « estimait qu’il fallait y
apporter des modifications et qu’elles étaient justifiées ».

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6 CIJ1042.indb 256 8/04/14 08:35 151 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

iii) Les documents acceptés d’accord Parties :

Il va de soi que les documents acceptés d’accord Parties sont applbi -

cables dans le présent litige, même s’il n’est pas toujours baisé de savoir
dans quelle mesure il existe de tels documents, puisque chacune des Par -
ties récuse, pour diverses raisons, ceux invoqués par l’autre. bDoit-on,
pour autant, les écarter entièrement dès lors qu’ils sont rébcusés par l’une
des Parties? Je ne le crois pas, car, à défaut d’être une preuve, ils peuvent

à tout le moins constituer une présomption et orienter l’interprétation que
l’on peut donner d’un texte ou d’une situation (à titre d’bexemple, on peut
citer les travaux préparatoires des textes de référence qui ontb d’ailleurs été
cités par l’une ou l’autre des Parties ou par les deux). Dans bcette perspec -
tive, je ne vois pas pourquoi ils seraient récusés a priori, surtout que les

travaux préparatoires font traditionnellement partie des élémenbts suscep -
tibles sinon de constituer des preuves, du moins d’étayer celles-ci.

iv) Les autres documents et les effectivités coloniales :

Tout autre document qui n’est pas accepté d’accord Parties ne pbeut pas
servir en tant que tel de base pour la délimitation. Là également, faut-il,
pour autant, l’écarter complètement ? Je ne le crois pas, car il peut consti -
tuer une source d’information non négligeable. Là encore, même s’ils ne
peuvent pas constituer des preuves irréfragables d’une frontièrbe, on ne

saurait exclure a priori que des cartes, études ou autres documents, qu’ils
soient antérieurs ou postérieurs à la date de l’indépendance, ainsi que les
effectivités, puissent être pertinents pour établir, en applibcation de l’intan -
gibilité des frontières ou de l’uti possidetis, la situation qui existait alors
(affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt,

C.I.J. Recueil 1986, p. 568, par. 29 ; affaire du Différend frontalier ter ­
restre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ; Nicaragua (interve ­
nant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 399, par. 62 ; affaire du Différend
frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 109, par. 26).

4. Finalement et pour conclure sur ce problème des textes et docu -
ments, il apparaît clairement que :

— d’une part, l’arrêté et son erratum constituent effectivembent le principal
texte de base pour déterminer la frontière à la lumière des bautres textes
et de la pratique coloniale concernant la délimitation des frontièbres;

— d’autre part, il faut des raisons suffisamment solides pour s’en bécarter;
mais, si l’erratums’avère effectivement imprécis, insuffisant et a fortiori
erroné sur un point ou un autre, il est alors normal de recourir àb
d’autres éléments complémentaires, notamment la carte de 1960, en
vue de parvenir à une solution ;

— enfin, si la carte de 1960 s’avère à son tour insuffisante, bil est alors
possible de recourir aux effectivités ou à d’autres documents ou

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6 CIJ1042.indb 258 8/04/14 08:35 152 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

éléments de nature à éclairer la Cour. C’est sur ce derniber point que
l’argumentation de la Cour m’apparaît parfois trop tranchée bet rigide

lorsqu’elle donne une primauté excessive et formelle au texte et ébcarte
les effectivités et autres éléments pour parvenir à une soblution.

II. Le tracé de la frontièrbe

5. Pour tracer la frontière, la Cour l’a subdivisée en quatre tronbçons
concernant, respectivement, les tracés de Tong-Tong à Tao, de Tao à la
ligne médiane de la rivière Sirba, de ce dernier point jusqu’àb l’intersection
de la rivière Sirba avec le parallèle de Say en passant par la ligbne IGN et

certains points géographiques, enfin du dernier point au début dbe la
boucle de Botou.
6. Je voudrais faire quelques observations portant sur le troisième
tronçon, dans la mesure où le tracé retenu par la Cour soulèbve quelques
difficultés liées au problème des effectivités.

1. De la borne astronomique de Tao à la ligne
médiane de la rivière Sirba

7. Le texte de l’erratum indique que de la borne astronomique de Tao
la ligne atteint « la rivière Sirba à Bossébangou ».
8. Pour cette partie de la frontière, le Burkina Faso propose une ligne b

fondée sur une interprétation particulière du texte de l’erratum. Le tracé
du Burkina épouse en réalité celui de la commission mixte de 19b88. Ainsi,
de la borne astronomique de Tao jusqu’à la rivière Sirba à Bbossébangou,
la frontière suit une ligne droite. Le Burkina Faso réitère sa position selon
laquelle, « en jurisprudence, un acte de délimitation indiquant, à défaut

d’indication contraire, qu’une ligne passe par deux points est intberprété
comme adoptant une frontière sous forme d’un segment de droite relbiant
ces deux points ».
9. Quant au Niger, il opte pour une ligne qui consiste à suivre les
limites des cantons, position reflétée en grande partie par la cbarte IGN de

1960. Il divise cette partie de la frontière en deux : de la borne astrono -
mique de Tao à Bangaré et de Bangaré à la limite du cercle de Say. Le
Niger fonde son approche sur le fait que le décret du président deb la
République française du 28 décembre 1926 s’exprime en termes de can -
tons, ce qui « ne va pas dans le sens d’une volonté d’établir une ligne

arbitraire et artificielle », et sur un certain nombre de documents, notam -
ment trois procès-verbaux qui furent conclus pour les deux cercles concer-
nés — Tillabéry et Say — entre les représentants des deux colonies en vue
de la préparation de l’arrêté d’exécution par le gouvebrneur général.
10. Au-delà de la borne de Tao, une première approche théorique pos -
sible consiste à opter pour un tracé en ligne droite, comme pour lba frontière

entre Tong-Tong et Tao. Or, il s’agit là d’un tronçon de la frontièrbe relati -
vement important, le long duquel plusieurs villages s’échelonnent bet sont

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6 CIJ1042.indb 260 8/04/14 08:35 153 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

revendiqués par les deux Parties. Un tracé en ligne droite aurait bun résultat
aléatoire et non souhaitable sur le terrain, notamment en divisant arbtificiel -

lement des villages frontaliers ou des communautés entre les deux Etabts.
11. Si l’arrêté voulait tracer une ligne droite, il l’aurait ditb expressément,
comme pour le tracé précédent de Tong-Tong à Tao et comme il le dira
pour la dernière portion de la frontière, du point où le parallbèle de Say
coupe la rivière Sirba à la boucle de Botou. Or, le texte de l’berratums’abs -

tient de le faire et il ne peut s’agir là que d’une abstention bintentionnelle et
donc d’une volonté tout aussi claire de renoncer à un tel tracéb. Par consé -
quent, il n’y a aucune base logique et convaincante pour soutenir que la
frontière atteint en ligne droite la rivière Sirba à Bossébabngou, surtout que
Bossébangou est un village nigérien qui n’est pas sur la rive dbe la Sirba. De
ce fait, il en résulte que, dans le silence de l’erratum sur le trbacé de la ligne

dans cette partie, on est nécessairement renvoyé à la source subbsidiaire, la
carte IGN de 1960. C’est donc sur cette base que la Cour retient le tbracé de
la carte, non seulement sur ce point mais pour l’ensemble de la frontbière
allant de la borne astronomique de Tao à la rivière Sirba.
12. Comme nous l’avons noté précédemment, le tracé passe àb proximité

d’un certain nombre de villages, et plus précisément trois d’bentre eux (Petel -
kolé, Oussaltane et Bangaré) pour lesquels il y avait des revendications d’a -p
propriation opposées des Parties. Certes, contrairement à ce qu’ba soutenu le
Burkina Faso, la Cour a tenu, à juste titre, à faire entrer en ligbne de compte
les effectivités, mais c’est pour les écarter pour deux d’bentre eux (Petelkolé et

Oussaltane) et les retenir seulement pour l’un d’entre eux (Bangbaré).
13. C’est sur ce point que la solution ne m’apparaît pas entièrement
satisfaisante, parce que la Cour a écarté les preuves d’effecbtivité présen -
tées par le Niger alors qu’elles m’apparaissent beaucoup plus cbonvain -
cantes que celles présentées par le Burkina Faso.
14. S’agissant de l’emplacement de Petelkolé, le Niger relève unbe

contradiction des données de la carte IGN de 1960 (sur la feuille Sebbba,
Petelkolé se trouve sur la ligne frontière, alors que sur la feuilble Téra cette
localité se trouve légèrement à l’ouest de cette ligne) ; puis il se fonde sur
des informations administratives de l’époque coloniale pour prouvebr que
ce village était nigérien, et il « est resté sous autorité nigérienne depuis

l’indépendance; il est administrativement rattaché à la commune rurale
de Bankilaré et compte 2654 habitants ». Il ajoute que, aux abords de
Petelkolé, la ligne frontière doit s’écarter légèremenbt de la ligne IGN vers
l’ouest afin d’englober le poste frontalier juxtaposé entre lbe Niger et le
Burkina Faso, situé entièrement en territoire nigérien et choisbi par le

comité bilatéral (Burkina-Niger) d’identification du site d’implantation
des postes de contrôle juxtaposés entre les deux pays.
15. Le Burkina Faso conteste la position du Niger et dit que ni l’erra -
tum ni le tracé de la carte de 1960 n’attribuent Petelkolé au Nbiger. S’agis-
sant des documents invoqués par le Niger, ils ne sont pas opposables bau
Burkina, parce qu’ils n’ont pas été entérinés soit parb les autorités compé -

tentes (documents de la période coloniale), soit par les autorités burki -
nabés (documents d’après l’indépendance).

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6 CIJ1042.indb 262 8/04/14 08:35 154 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

16. L’examen de la carte de 1960 montre que la carte IGN de 1960
place le toponyme Petelkolé presque sur la frontière, avec un débcalage à

l’ouest vers le Burkina Faso. Toutefois, le fait que les deux Etats aient
créé des postes de contrôle juxtaposés à Petelkolé et bqu’ils aient considéré
ou « croyaient que la frontière laissait Petelkolé au Niger » (contre-
mémoire du Niger, p. 66, par. 2.1.7) constitue un indice non négligeable
pour se prononcer sur la situation du village, même si cet accord de 2006

n’est pas entré en vigueur. Par ailleurs, les informations adminisbtratives
de 1933 et 1953-1954 invoquées par le Niger, faisant référence aux popu -
lations Rimaibés ayant créé deux hameaux, l’un (Seynotyondib) situé
en Haute-Volta et l’autre (Petelkolé) au Niger, entre lesquels passe
la frontière, ajoutent un élément supplémentaire à prendre ebn considéra -
tion. Il me semble que la Cour aurait dû accorder une attention beaucboup

plus grande aux éléments de preuve avant de statuer sur le sort dub village
qui semble, eu égard aux effectivités, relever de l’administration
nigérienne.
17. S’agissant du village d’Oussaltane, le Niger soutient que ce villabge
est nigérien, en se fondant là également sur des documents colobniaux

(croquis Delbos de juin 1927, accord Roser/Boyer d’avril 1932 selon
lequel la limite passe « à Houssaltane qu’elle laisse à l’Est, à Petelkarkalé
qu’elle laisse à l’Ouest, à Petelkolé qu’elle laisse àb l’t). Il fait valoir que
cette région, administrée par le Niger, correspond à un groupe bde campe -
ments de la tribu Kel Tamajirt, du groupement Tinguéréguédesch de la

commune rurale de Bankilaré, à laquelle ils versent régulièrbement leurs
impôts.
18. Le Burkina Faso se contente de dire que le tracé de 1960 place
Oussaltane du côté voltaïque du tracé (contre-mémoire du Burkina Faso,
par. 3.71), et que le fait que le campement ait été placé à l’best de la limite
proposée par l’accord Roser/Boyer d’avril 1932 est sans pertinebnce, parce

que « la localisation d’un lieu par rapport à une délimitation qui n’ba pas
été consacrée ne peut venir remettre en cause celle qui l’a été ». Il reproche
au Niger une déviation importante et injustifiée par rapport àb la carte
IGN dans le seul souci d’enclaver et de soustraire Oussaltane du territoire
voltaïque, sans apporter d’élément quelconque d’effectibvité pour appuyer

sa réclamation.
19. Notons que la carte IGN de 1960 place le toponyme Oussaltane
vers l’ouest, du côté de la Haute-Volta, mais la ligne frontière est inter -
rompue à ce niveau. La carte apparaissant ainsi insuffisante pour détermi-
ner avec précision le tracé de la frontière au niveau de ce village, il

convient alors de se référer à d’autres éléments pour bse prononcer sur
cette portion. Les différents documents invoqués par le Niger plbaident, à
mon avis, en faveur d’un rattachement du village au Niger, dans la mebsure
où la tribu Kel Tamajirt serait majoritairement nigérienne et versberait
les impôts à la commune nigérienne de Bankilaré. Il y a là unb élément
objectif d’effectivité pour une telle solution plutôt que poubr un rattache -

ment au Burkina Faso qui n’est appuyé par aucun élément pertbinent d’ef-
fectivité.

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6 CIJ1042.indb 264 8/04/14 08:35 155 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

2. Le point d’arrivée de la ligne qui part de Tao

pour arriver à la rivière Sirba

20. Concernant le point d’arrivée de la ligne qui part de Tao, le textbe
de l’erratum de 1927 indique que la ligne « atteint la rivière Sirba à Bossé -
bangou». La formule est pour le moins ambiguë, surtout que le village deb
Bossébangou est nigérien et, qui plus est, il ne se situe pas sur bla rive de la
Sirba, mais à quelques centaines de mètres.

21. Pourtant, le Burkina Faso soutient que le point d’arrivée doit se b
situer sur la rive droite de la Sirba, en se fondant sur le syllogisme sui -
vant: l’erratum mentionne Bossébangou; mais, Bossébangou étant en ter-
ritoire nigérien et loin de la rivière, il ne peut être le point à atteindre ;

donc cela signifie que la ligne coupe la rivière pour atteindre la brive droite.
22. Il m’apparaît clairement que c’est un faux syllogisme et c’ebst à juste
titre que la Cour écarte cette allégation. D’une part, la mentibon de Bossé -
bangou par l’erratum ne fait qu’indiquer une direction et un point d’arri-
vée, la rivière Sirba, mais sans autre précision pour savoir nobtamment s’il

s’agit de la rive droite ou gauche ou encore de la ligne médiane. bD’autre
part, le verbe atteindre une rivière ne signifie pas en soi qu’ibl faut la cou -
per. Enfin, et c’est là le point clef qui doit guider la solution : le fait de
retenir la rive droite est d’une telle importance pour la suite du trbacé, à
partir de Bossébangou, que, si l’erratum voulait situer toute la rbivière

dans une seule colonie, il l’aurait dit clairement ; cela est bien trop impor -
tant et grave pour être passé sous silence. Par conséquent, en bl’absence
d’une telle précision, le fait d’atteindre la rivière n’ab pas d’autre significa -
tion que la frontière doit suivre la ligne médiane, solution habitbuelle des
délimitations fluviales qui partagent l’espace entre les pays ribverains et

leur assurent un égal accès à ses ressources, notamment l’eabu. C’est une
solution de bon sens, fondée juridiquement et en équité.

(Signé) Ahmed Mahiou.

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6 CIJ1042.indb 266 8/04/14 08:35

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OPINION INDIVIDUELLE
DE M. LE JUGE AD HOC MAHIOU

Sources du droit applicable — Sources internationales : article 38 du Statut de
la Cour, compromis du 24 février 2009, principes de l’intangibilité des frontières et
de l’uti possidetis juris — Sources internes: décret du 28 décembre 1926, arrêté du
31 août 1927 et son erratum, autres textes de la période coloniale — Autres
sources: documents acceptés d’accord Parties, carte IGN 1960, documents

préparatoires de la période coloniale.
Place et rôle des effectivités coloniales — Relations avec l’arrêté et son
erratum — Relations entre la carte IGN 1960 et les effectivités — Délimitation de
la frontière: tracé de la borne astronomique de Tao à la ligne médiane de la rivière
Sirba — Problèmes des localités de Petelkolé et Oussaltane — Liens effectifs des
populations avec le Niger.

1. Tout en souscrivant globalement à la démarche d’ensemble de la b
Cour et à la plupart des conclusions auxquelles elle est parvenue danbs la
présente affaire, je voudrais dans cette opinion individuelle faireb état de
quelques observations sur certains points à propos desquels la positibon de

la Cour appelle, de mon point de vue, des nuances ou précisions complbé -
mentaires. Il s’agit des points relatifs, d’une part, au statut debs différents
documents invoqués au cours de l’instance et, d’autre part, au bstatut des
effectivités ou plus précisément leur place et rôle pour lba détermination

des différents tronçons de la frontière.

I. Le statut des documentbs

2. Il ressort des écrits et plaidoiries que l’on est en présence dbe trois
séries de documents auxquels les Parties se réfèrent : d’une part, les textes

acceptés expressément par les Parties pour servir de référenbce et donc de
titre juridique pour délimiter la frontière; d’autre part, les documents plus
ou moins acceptés d’accord Parties, mais dont le statut reste contbesté sur
le point de savoir s’ils sont applicables dans le présent litige ; et, enfin, les

documents invoqués par l’une des Parties et récusés par l’bautre.

3. C’est donc en ayant présente à l’esprit cette classificatibon indicative
entre les différents textes et documents que j’essaie de comprenbdre leur

place dans la solution du présent litige. Mon énumération étbablit en même
temps une hiérarchie, puisque je cite les textes dans l’ordre de pbriorité
qu’il convient de leur accorder en vue de parvenir à la délimitbation de la
frontière entre le Burkina Faso et le Niger.

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6 CIJ1042.indb 254 8/04/14 08:35 149

SEPARATE OPINION
OF JUDGE AD HOC MAHIOU

[Translation]

Sources of the applicable law — International sources : Article 38 of the Statute
of the Court, Special Agreement of 24 February 2009, principles of the intangibility
of frontiers and of uti possidetis — Internal sources: Decree of 28 December
1926, Arrêté of 31 August 1927 and its Erratum, other texts from the colonial
period — Other sources : documents accepted by joint agreement of the Parties,

1960 IGN map, preparatory documents from the colonial period.
Place and role of the colonial effectivités — Relationship between the Arrêté
and its Erratum —Relationship between the 1960 IGN map and the effectivités —
Delimitation of the frontier: course from the Tao astronomic marker to the median
line of the River Sirba — Problems of the localities of Petelkolé and Oussaltane —
Actual links of the populations with Niger.

1. While broadly subscribing to the Court’s overall approach and to
most of the findings reached by it in the present case, in this separabte
opinion I should like to set out a number of observations on certain
points regarding which, in my view, the Court’s position calls for fubrther

refinements and clarifications. These points relate, on the one handb, to the
status of the various documents invoked in the course of the proceedingsb
and, on the other, to the status of the effectivités or, more precisely, their
place and role in determining the different sections of the frontier.

I. The Status of the Documebnts

2. It is apparent from the written and oral pleadings that there are
three sets of documents to which the Parties refer : first, texts expressly

accepted by the Parties for use as a reference, and thus as legal title, for
delimiting the boundary ; secondly, documents which are more or less
accepted by joint agreement of the Parties, but whose status remains at b
issue when it comes to establishing whether they are applicable in the

present dispute; and, lastly, documents relied upon by one of the Parties
and objected to by the other.
3. It is therefore with this indicative classification of the various texts
and documents in mind that I shall seek to understand their place in theb

resolution of this dispute. At the same time my list establishes a hierabr -
chy, since I cite the texts in the order of priority to be given to themb with
a view to achieving the delimitation of the frontier between Burkina Faso
and Niger.

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6 CIJ1042.indb 255 8/04/14 08:35 150 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

i) Les textes acceptés expressément sont les suivants :

— le compromis du 24 février 2009, dont l’article 6 renvoie à l’article 38
du Statut de la Cour internationale de Justice et aux règles et princbipes

du droit international qui s’appliquent au règlement des diffébrends, ce
qui indique, de manière incontestable, que d’autres règles du dbroit
international ont un rôle à jouer, notamment lorsque les textes
applicables s’avèrent lacunaires ou insuffisants ;
— le décret du 28 décembre 1926 fixant le chef-lieu du Niger à Niamey et

opérant certains transferts de cercles et de cantons entre les colonies
de la Haute-Volta et du Niger. On sait que les Parties ne sont pas
d’accord sur le point de savoir si ce texte a une portée constitutbive ou
déclarative. Dans la mesure où il détermine déjà lui-même certaines
frontières, il est nécessairement constitutif. Au surplus, comme cb’est

lui qui autorise le gouverneur de l’Afrique occidentale française bà
prendre l’arrêté du 31 août 1927 et l’erratum du 5 octobre 1927 fixant
les limites des colonies, il revêt également une portée constitbutive;
— l’arrêté du 31 août 1927 et son erratum du 5 octobre 1927 (ci-dessous
l’«arrêté») fixant les limites des colonies de la Haute-Volta et du Niger;
— ce sont donc les textes de base ou de référence qui sont au cœubr du

litige et les Parties en conviennent même si elles leur donnent une
portée différente, notamment sur le point de savoir s’ils sonbt seuls à
s’appliquer et s’ils sont suffisants ou non pour délimiter l’bensemble de
la frontière.

ii) S’agissant des documents, le principal d’entre eux est la carte IGbN 1960
au 1/200 000, qui bénéficie d’un statut particulier dans la mesure où ceb
document géographique — qui n’avait jusque-là aucun statut offi -
ciel — est consacré dans l’accord du 28 mars 1987 (art. 2) ainsi que

dans le compromis de saisine de la Cour du 24 février 2009.

S’il y a accord des Parties pour recourir à cette carte pour la déblimita -
tion de la frontière, elles divergent profondément sur les conditibons devant
présider à ce recours et elles ont réitéré à maintes reprises ces divergences.
Pour le Burkina Faso, « on ne peut avoir recours à la carte qu’en cas d’in -
suffisance de l’arrêté précisé par son erratum », qu’exceptionnellement et

dans cette hypothèse seulement, et, « faute d’un quelconque autre docu -
ment accepté d’accord Parties …, on doit y avoir recours et on ne peut
avoir recours qu’à elle ». Pour le Niger, la carte de 1960 bénéficie d’un
statut de « source subsidiaire », ce qui permet d’y recourir chaque fois
qu’il y a des imperfections, lacunes, difficultés ou erreurs provbenant de
l’arrêté. Il ajoute que, « sauf à découvrir des déviations anormales par

rapport aux textes, des failles évidentes dans l’information sur lbes limites
des cantons …, c’est la limite tracée par la carte IGN qui doit être retbenue
comme ligne frontalière»; dans ces derniers cas, il « estimait qu’il fallait y
apporter des modifications et qu’elles étaient justifiées ».

110

6 CIJ1042.indb 256 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. mahiou) 150

(i) The texts that have been expressly accepted are as follows :

— the Special Agreement of 24 February 2009, Article 6 of which refers

to Article 38 of the Statute of the International Court of Justice and
to the rules and principles of international law applicable to the settle-
ment of disputes, which shows indisputably that other rules of inter -
national law have a role to play, in particular when the applicable
texts prove to be incomplete or insufficient ;

— the Decree of 28 December 1926 establishing the administrative centre
of Niger at Niamey and transferring certain cercles and cantons
between the Colonies of Upper Volta and Niger. We know that the
Parties do not agree as to whether this text has a constitutive or
declaratory scope. In so far as it already determines certain boundar -

ies, it is necessarily constitutive. Furthermore, since it is this text bthat
authorizes the Governor-General of French West Africa to issue the
Arrêté of 31 August 1927 and the Erratum of 5 October 1927 fixing
the boundaries of the colonies, it likewise has constitutive effect ;
— the Arrêté of 31 August 1927 and its Erratum of 5 October 1927 fixing
the boundaries of the colonies of Upper Volta and Niger ;

— consequently, these are the basic or reference texts which are at the
heart of the dispute and the Parties are agreed on this point even
though they ascribe a different effect to those texts, in particular as to
whether they are the only texts to apply and whether or not they suf -
fice to delimit the entire boundary.

(ii) As regards the documents, the main one is the 1:200,000-scale IGN
map of 1960, which enjoys a particular status in so far as this geo -
graphical document — which hitherto had no official status — is rec -

ognized in both the Agreement of 28 March 1987 (Art. 2) and the
Special Agreement seising the Court of 24 February 2009

While the Parties agree on referring to that map in order to delimit the
boundary, they disagree profoundly about the conditions which would
have to apply and have reiterated those disagreements on many occa -
sions. According to Burkina Faso, “reference may only be made to the

map if the Arrêté, as clarified by its Erratum, does not suffice” exception -
ally and only on that hypothesis, and, “in the absence of any other dbocu-
ment accepted by joint agreement of the Parties, first, reference mustb be
made to it and, second, reference may be made to it alone”. Accordingb to
Niger, the 1960 map enjoys the status of a “subsidiary source”, whbich

enables reference to be made to it whenever there are deficiencies, labcu -
nae, difficulties or errors in the Arrêté. Niger adds that “[u]nless abnormal
deviations in relation to the texts or manifest lacunae in the informatibon
on the canton boundaries are discovered . . . it is the boundary drawn on
the IGN map which should be adopted as the frontier line”; in such cases,

it “believed that it was necessary to make modifications to it and bthat
those modifications were justified”.

110

6 CIJ1042.indb 257 8/04/14 08:35 151 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

iii) Les documents acceptés d’accord Parties :

Il va de soi que les documents acceptés d’accord Parties sont applbi -

cables dans le présent litige, même s’il n’est pas toujours baisé de savoir
dans quelle mesure il existe de tels documents, puisque chacune des Par -
ties récuse, pour diverses raisons, ceux invoqués par l’autre. bDoit-on,
pour autant, les écarter entièrement dès lors qu’ils sont rébcusés par l’une
des Parties? Je ne le crois pas, car, à défaut d’être une preuve, ils peuvent

à tout le moins constituer une présomption et orienter l’interprétation que
l’on peut donner d’un texte ou d’une situation (à titre d’bexemple, on peut
citer les travaux préparatoires des textes de référence qui ontb d’ailleurs été
cités par l’une ou l’autre des Parties ou par les deux). Dans bcette perspec -
tive, je ne vois pas pourquoi ils seraient récusés a priori, surtout que les

travaux préparatoires font traditionnellement partie des élémenbts suscep -
tibles sinon de constituer des preuves, du moins d’étayer celles-ci.

iv) Les autres documents et les effectivités coloniales :

Tout autre document qui n’est pas accepté d’accord Parties ne pbeut pas
servir en tant que tel de base pour la délimitation. Là également, faut-il,
pour autant, l’écarter complètement ? Je ne le crois pas, car il peut consti -
tuer une source d’information non négligeable. Là encore, même s’ils ne
peuvent pas constituer des preuves irréfragables d’une frontièrbe, on ne

saurait exclure a priori que des cartes, études ou autres documents, qu’ils
soient antérieurs ou postérieurs à la date de l’indépendance, ainsi que les
effectivités, puissent être pertinents pour établir, en applibcation de l’intan -
gibilité des frontières ou de l’uti possidetis, la situation qui existait alors
(affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt,

C.I.J. Recueil 1986, p. 568, par. 29 ; affaire du Différend frontalier ter ­
restre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ; Nicaragua (interve ­
nant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 399, par. 62 ; affaire du Différend
frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 109, par. 26).

4. Finalement et pour conclure sur ce problème des textes et docu -
ments, il apparaît clairement que :

— d’une part, l’arrêté et son erratum constituent effectivembent le principal
texte de base pour déterminer la frontière à la lumière des bautres textes
et de la pratique coloniale concernant la délimitation des frontièbres;

— d’autre part, il faut des raisons suffisamment solides pour s’en bécarter;
mais, si l’erratums’avère effectivement imprécis, insuffisant et a fortiori
erroné sur un point ou un autre, il est alors normal de recourir àb
d’autres éléments complémentaires, notamment la carte de 1960, en
vue de parvenir à une solution ;

— enfin, si la carte de 1960 s’avère à son tour insuffisante, bil est alors
possible de recourir aux effectivités ou à d’autres documents ou

111

6 CIJ1042.indb 258 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. mahiou) 151

(iii) The documents accepted by joint agreement of the Parties

It goes without saying that the documents that have been accepted by

joint agreement of the Parties are applicable in the present dispute, evben
though it is not always easy to ascertain to what extent such documents
exist, since each Party, for various reasons, objects to those relied upbon
by the other. But should we disregard them entirely if they have been
objected to by one of the Parties ? I do not believe so, because, although

they do not constitute evidence, they may, at the very least, constituteb a
presumption and guide the interpretation which may be given of a text or
of a situation (by way of example, mention may be made of the travaux
préparatoires for the reference texts, which moreover have been cited by
one or other of the Parties or by both of them). In that light, I do nobt see

why there would, a priori, be objections to them especially since the
travaux préparatoires traditionally form part of the elements that may at
least support evidence, if not constitute it.

(iv) The other documents and the colonial effectivités

Any other documents not accepted by joint agreement of the Parties
may not be used as such as a basis for the delimitation. But here too,
must they be disregarded completely ? I do not believe so, because they
may constitute a significant source of information. Once again, even
though they cannot constitute irrefutable evidence of a frontier, it canbnot

be ruled out a priori that maps, research or other documents, whether
they date from before or after independence, as well as the effectivités,
may be relevant in establishing the situation existing at the time, whenb
applying the principles of the intangibility of frontiers or of uti possidetis
(case concerning the Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali),

Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 568, para. 29; case concerning the Land,
Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras : Nicaragua
intervening), Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 399, para. 62 ; case con-
cerning the Frontier Dispute (Benin/Niger), Judgment, I.C.J. Reports

2005, p. 109, para. 26).
4. Lastly, and to conclude on this issue of the texts and documents, it
is clear that :

— first, the Arrêté and its Erratum indeed constitute the main basic text
for determining the frontier in the light of the other texts and coloniabl
practice concerning the delimitation of boundaries ;

— secondly, there need to be sufficiently sound reasons for disregarding
it; but if the Erratum does indeed prove to be imprecise, not to suffice b
and a fortiori to be erroneous on any point, then it is normal to refer
to other supplementary elements, in particular the 1960 map, in order
to reach a solution ;

— lastly, if the 1960 map should in turn prove not to suffice, then it isb
possible to refer to the effectivités and to other documents or elements

111

6 CIJ1042.indb 259 8/04/14 08:35 152 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

éléments de nature à éclairer la Cour. C’est sur ce derniber point que
l’argumentation de la Cour m’apparaît parfois trop tranchée bet rigide

lorsqu’elle donne une primauté excessive et formelle au texte et ébcarte
les effectivités et autres éléments pour parvenir à une soblution.

II. Le tracé de la frontièrbe

5. Pour tracer la frontière, la Cour l’a subdivisée en quatre tronbçons
concernant, respectivement, les tracés de Tong-Tong à Tao, de Tao à la
ligne médiane de la rivière Sirba, de ce dernier point jusqu’àb l’intersection
de la rivière Sirba avec le parallèle de Say en passant par la ligbne IGN et

certains points géographiques, enfin du dernier point au début dbe la
boucle de Botou.
6. Je voudrais faire quelques observations portant sur le troisième
tronçon, dans la mesure où le tracé retenu par la Cour soulèbve quelques
difficultés liées au problème des effectivités.

1. De la borne astronomique de Tao à la ligne
médiane de la rivière Sirba

7. Le texte de l’erratum indique que de la borne astronomique de Tao
la ligne atteint « la rivière Sirba à Bossébangou ».
8. Pour cette partie de la frontière, le Burkina Faso propose une ligne b

fondée sur une interprétation particulière du texte de l’erratum. Le tracé
du Burkina épouse en réalité celui de la commission mixte de 19b88. Ainsi,
de la borne astronomique de Tao jusqu’à la rivière Sirba à Bbossébangou,
la frontière suit une ligne droite. Le Burkina Faso réitère sa position selon
laquelle, « en jurisprudence, un acte de délimitation indiquant, à défaut

d’indication contraire, qu’une ligne passe par deux points est intberprété
comme adoptant une frontière sous forme d’un segment de droite relbiant
ces deux points ».
9. Quant au Niger, il opte pour une ligne qui consiste à suivre les
limites des cantons, position reflétée en grande partie par la cbarte IGN de

1960. Il divise cette partie de la frontière en deux : de la borne astrono -
mique de Tao à Bangaré et de Bangaré à la limite du cercle de Say. Le
Niger fonde son approche sur le fait que le décret du président deb la
République française du 28 décembre 1926 s’exprime en termes de can -
tons, ce qui « ne va pas dans le sens d’une volonté d’établir une ligne

arbitraire et artificielle », et sur un certain nombre de documents, notam -
ment trois procès-verbaux qui furent conclus pour les deux cercles concer-
nés — Tillabéry et Say — entre les représentants des deux colonies en vue
de la préparation de l’arrêté d’exécution par le gouvebrneur général.
10. Au-delà de la borne de Tao, une première approche théorique pos -
sible consiste à opter pour un tracé en ligne droite, comme pour lba frontière

entre Tong-Tong et Tao. Or, il s’agit là d’un tronçon de la frontièrbe relati -
vement important, le long duquel plusieurs villages s’échelonnent bet sont

112

6 CIJ1042.indb 260 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. mahiou) 152

which are likely to enlighten the Court. It is on this last point that tbhe
Court’s reasoning seems to me to be too strict and rigid when it givebs

excessive and formal primacy to the text and excludes the effectivités
and other elements in order to arrive at a solution.

II. The Course of the Frontiber

5. In order to draw the frontier, the Court subdivided it into four sec -
tions concerning, respectively, the section from Tong-Tong to Tao, from
Tao to the median line of the River Sirba, from this last point to the
intersection of the River Sirba with the Say parallel, passing via the IbGN

line and certain geographical points, and lastly from the last point to bthe
beginning of the Botou bend.
6. I should like to make a few comments on the second section, since
the line adopted by the Court gives rise to some difficulties related tbo the
problem of the effectivités.

1. From the Tao Astronomic Marker to the Median Line
of the River Sirba

7. The text of the Erratum states that, from the Tao astronomic
marker, the line reaches “the River Sirba at Bossébangou”.
8. For this part of the frontier, Burkina Faso proposes a line based on

a particular interpretation of the text of the Erratum. In fact, the course
of Burkina’s line follows that of the Joint Commission of 1988. Thus,b
from the Tao astronomic marker as far as the River Sirba at Bosséban -
gou, the frontier follows a straight line. Burkina Faso reiterates its posi -
tion that “in jurisprudence a delimitation text indicating, without abny

indication to the contrary, that a line passes through two points is intber -
preted as specifying a boundary in the form of a straight line connectinbg
those two points”.
9. For its part, Niger opts for a line which follows the boundaries of
the cantons, a position which is largely reflected by the 1960 IGN map. It

divides this part of the frontier into two sections : from the Tao astro -
nomic marker to Bangaré, and from Bangaré to the boundary of the Sbay
cercle. Niger bases its approach on the fact that the Decree of the Presi -
dent of the French Republic of 28 December 1926 expresses itself in terms
of cantons, which “does not imply any wish to establish a line of an arbi -

trary and artificial nature” and on a number of documents, in partibcular
three records of agreement which were concluded for the two cercles con -
cerned — Tillabéry and Say — between the representatives of the two
colonies in preparation for the Governor-General’s implementing Arrêté.
10. Beyond the Tao marker, a first possible theoretical approach is to
opt for a straight frontier line, as in the sector between Tong-Tong and

Tao. However, this is a relatively important section of the frontier, albong
which lie a number of villages claimed by both Parties. A straight line

112

6 CIJ1042.indb 261 8/04/14 08:35 153 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

revendiqués par les deux Parties. Un tracé en ligne droite aurait bun résultat
aléatoire et non souhaitable sur le terrain, notamment en divisant arbtificiel -

lement des villages frontaliers ou des communautés entre les deux Etabts.
11. Si l’arrêté voulait tracer une ligne droite, il l’aurait ditb expressément,
comme pour le tracé précédent de Tong-Tong à Tao et comme il le dira
pour la dernière portion de la frontière, du point où le parallbèle de Say
coupe la rivière Sirba à la boucle de Botou. Or, le texte de l’berratums’abs -

tient de le faire et il ne peut s’agir là que d’une abstention bintentionnelle et
donc d’une volonté tout aussi claire de renoncer à un tel tracéb. Par consé -
quent, il n’y a aucune base logique et convaincante pour soutenir que la
frontière atteint en ligne droite la rivière Sirba à Bossébabngou, surtout que
Bossébangou est un village nigérien qui n’est pas sur la rive dbe la Sirba. De
ce fait, il en résulte que, dans le silence de l’erratum sur le trbacé de la ligne

dans cette partie, on est nécessairement renvoyé à la source subbsidiaire, la
carte IGN de 1960. C’est donc sur cette base que la Cour retient le tbracé de
la carte, non seulement sur ce point mais pour l’ensemble de la frontbière
allant de la borne astronomique de Tao à la rivière Sirba.
12. Comme nous l’avons noté précédemment, le tracé passe àb proximité

d’un certain nombre de villages, et plus précisément trois d’bentre eux (Petel -
kolé, Oussaltane et Bangaré) pour lesquels il y avait des revendications d’a -p
propriation opposées des Parties. Certes, contrairement à ce qu’ba soutenu le
Burkina Faso, la Cour a tenu, à juste titre, à faire entrer en ligbne de compte
les effectivités, mais c’est pour les écarter pour deux d’bentre eux (Petelkolé et

Oussaltane) et les retenir seulement pour l’un d’entre eux (Bangbaré).
13. C’est sur ce point que la solution ne m’apparaît pas entièrement
satisfaisante, parce que la Cour a écarté les preuves d’effecbtivité présen -
tées par le Niger alors qu’elles m’apparaissent beaucoup plus cbonvain -
cantes que celles présentées par le Burkina Faso.
14. S’agissant de l’emplacement de Petelkolé, le Niger relève unbe

contradiction des données de la carte IGN de 1960 (sur la feuille Sebbba,
Petelkolé se trouve sur la ligne frontière, alors que sur la feuilble Téra cette
localité se trouve légèrement à l’ouest de cette ligne) ; puis il se fonde sur
des informations administratives de l’époque coloniale pour prouvebr que
ce village était nigérien, et il « est resté sous autorité nigérienne depuis

l’indépendance; il est administrativement rattaché à la commune rurale
de Bankilaré et compte 2654 habitants ». Il ajoute que, aux abords de
Petelkolé, la ligne frontière doit s’écarter légèremenbt de la ligne IGN vers
l’ouest afin d’englober le poste frontalier juxtaposé entre lbe Niger et le
Burkina Faso, situé entièrement en territoire nigérien et choisbi par le

comité bilatéral (Burkina-Niger) d’identification du site d’implantation
des postes de contrôle juxtaposés entre les deux pays.
15. Le Burkina Faso conteste la position du Niger et dit que ni l’erra -
tum ni le tracé de la carte de 1960 n’attribuent Petelkolé au Nbiger. S’agis-
sant des documents invoqués par le Niger, ils ne sont pas opposables bau
Burkina, parce qu’ils n’ont pas été entérinés soit parb les autorités compé -

tentes (documents de la période coloniale), soit par les autorités burki -
nabés (documents d’après l’indépendance).

113

6 CIJ1042.indb 262 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. mahiou) 153

would have uncertain and undesirable results on the ground, in particulabr
by artificially dividing between the two States’ frontier villages band com-

munities.
11. If the Arrêté had intended to draw a straight line, it would have
expressly said so as it had for the previous section from Tong-Tong to Tao
and as it would for the last section of the frontier from the point wherbe the
Say parallel cuts the River Sirba to the Botou bend. However, the text obf

the Erratum does not do so and this can only be regarded as a deliberateb
omission and an equally clear will to reject such a line. Consequently, there
is no logical and convincing basis for maintaining that the frontier runbs in
a straight line to reach the River Sirba at Bossébangou, above all bebcause
Bossébangou is a Niger village which is not on the bank of the Sirba. Con -
sequently, it follows that, in view of the Erratum’s silence on the cbourse of

the line in this sector, reference must necessarily be made to the subsibdiary
source, the 1960 IGN map. It is thus on this basis that the Court adoptsb the
line on the map, not only in respect of this point but for the whole frobntier
line running from the Tao astronomic marker to the River Sirba.
12. As was noted earlier, the line passes close to a number of villages

and, more specifically three of them (Petelkolé, Oussaltane and Babngaré)
which were the subject of opposing appropriation claims by the Parties.
Admittedly, contrary to what Burkina Faso maintained, the Court quite
rightly took into account the effectivités, but it disregarded them in the
case of two of the villages (Petelkolé and Oussaltane) and adopted them

in the case of only one of them (Bangaré).
13. It is on this point that the solution does not seem to me to be
entirely satisfactory because the Court has disregarded the evidence of
effectivités presented by Niger, whereas that evidence appears to be much
more convincing than that submitted by Burkina Faso.
14. With regard to the location of Petelkolé, Niger notes that the data

on the 1960 IGN map are contradictory (on the Sebba sheet, Petelkoléb
lies on the frontier, whereas on the Téra sheet it lies slightly to tbhe west of
that line) ; then it relies on administrative information from the colonial
period to prove that this village belonged to Niger, and that it “has
remained under Niger authority since independence, is administratively

attached to the rural municipality of Bankilaré and numbers 2654 inhab -
itants”. It adds that, in the vicinity of Petelkolé, the frontier bline has to
deviate slightly from the IGN line towards the west in order to take in bthe
juxtaposed frontier post between Niger and Burkina Faso, which is situ -
ated entirely within Niger territory and was chosen by the Bilateral

(Burkina-Niger) Committee on the identification of sites for the installa -
tion of juxtaposed control posts between the two countries.
15. Burkina Faso disputes Niger’s position and states that neither the
Erratum nor the line on the 1960 map attributes Petelkolé to Niger. Wbith
respect to the documents relied on by Niger, it contends that they are nbot
opposable to Burkina because they were not ratified either by the compbe -

tent authorities (documents from the colonial period) or by the Burkinba
authorities (post-independence documents).

113

6 CIJ1042.indb 263 8/04/14 08:35 154 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

16. L’examen de la carte de 1960 montre que la carte IGN de 1960
place le toponyme Petelkolé presque sur la frontière, avec un débcalage à

l’ouest vers le Burkina Faso. Toutefois, le fait que les deux Etats aient
créé des postes de contrôle juxtaposés à Petelkolé et bqu’ils aient considéré
ou « croyaient que la frontière laissait Petelkolé au Niger » (contre-
mémoire du Niger, p. 66, par. 2.1.7) constitue un indice non négligeable
pour se prononcer sur la situation du village, même si cet accord de 2006

n’est pas entré en vigueur. Par ailleurs, les informations adminisbtratives
de 1933 et 1953-1954 invoquées par le Niger, faisant référence aux popu -
lations Rimaibés ayant créé deux hameaux, l’un (Seynotyondib) situé
en Haute-Volta et l’autre (Petelkolé) au Niger, entre lesquels passe
la frontière, ajoutent un élément supplémentaire à prendre ebn considéra -
tion. Il me semble que la Cour aurait dû accorder une attention beaucboup

plus grande aux éléments de preuve avant de statuer sur le sort dub village
qui semble, eu égard aux effectivités, relever de l’administration
nigérienne.
17. S’agissant du village d’Oussaltane, le Niger soutient que ce villabge
est nigérien, en se fondant là également sur des documents colobniaux

(croquis Delbos de juin 1927, accord Roser/Boyer d’avril 1932 selon
lequel la limite passe « à Houssaltane qu’elle laisse à l’Est, à Petelkarkalé
qu’elle laisse à l’Ouest, à Petelkolé qu’elle laisse àb l’t). Il fait valoir que
cette région, administrée par le Niger, correspond à un groupe bde campe -
ments de la tribu Kel Tamajirt, du groupement Tinguéréguédesch de la

commune rurale de Bankilaré, à laquelle ils versent régulièrbement leurs
impôts.
18. Le Burkina Faso se contente de dire que le tracé de 1960 place
Oussaltane du côté voltaïque du tracé (contre-mémoire du Burkina Faso,
par. 3.71), et que le fait que le campement ait été placé à l’best de la limite
proposée par l’accord Roser/Boyer d’avril 1932 est sans pertinebnce, parce

que « la localisation d’un lieu par rapport à une délimitation qui n’ba pas
été consacrée ne peut venir remettre en cause celle qui l’a été ». Il reproche
au Niger une déviation importante et injustifiée par rapport àb la carte
IGN dans le seul souci d’enclaver et de soustraire Oussaltane du territoire
voltaïque, sans apporter d’élément quelconque d’effectibvité pour appuyer

sa réclamation.
19. Notons que la carte IGN de 1960 place le toponyme Oussaltane
vers l’ouest, du côté de la Haute-Volta, mais la ligne frontière est inter -
rompue à ce niveau. La carte apparaissant ainsi insuffisante pour détermi-
ner avec précision le tracé de la frontière au niveau de ce village, il

convient alors de se référer à d’autres éléments pour bse prononcer sur
cette portion. Les différents documents invoqués par le Niger plbaident, à
mon avis, en faveur d’un rattachement du village au Niger, dans la mebsure
où la tribu Kel Tamajirt serait majoritairement nigérienne et versberait
les impôts à la commune nigérienne de Bankilaré. Il y a là unb élément
objectif d’effectivité pour une telle solution plutôt que poubr un rattache -

ment au Burkina Faso qui n’est appuyé par aucun élément pertbinent d’ef-
fectivité.

114

6 CIJ1042.indb 264 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. mahiou) 154

16. An examination of the 1960 map shows that the 1960 IGN map
places Petelkolé almost on the frontier, slightly to the west of it, btowards

Burkina Faso. Nevertheless, the fact that the two States established jux -
taposed control posts at Petelkolé and that they considered or “believed
that the frontier left Petelkolé to Niger” (Counter-Memorial of Niger,
p. 66, para. 2.1.7) cannot be ignored when determining the situation of
the village, even if that 2006 Agreement did not enter into force. Furthber -

more, the administrative information from 1933 and from 1953-1954
invoked by Niger, which referred to the Rimaibé as having establishedb
two hamlets, one (Seynotyondi) situated in Upper Volta and the other
(Petelkolé) in Niger, between which the frontier passes, is an addibtional
element to be taken into consideration. In my view, the Court should
have given much greater attention to the evidence before ruling on the

fate of the village, which, in view of the effectivités, appears to come
under the administration of Niger.

17. With regard to the village of Oussaltane, Niger maintains that this
village belongs to Niger, again relying on the basis of colonial documenbts

(the Delbos sketch-map of June 1927, the Roser/Boyer Agreement of
April 1932, according to which the boundary runs “to Houssaltane, which
it leaves to the east, to Petelkarkalé, which it leaves to the west, bto Petel-
kolé which it leaves to the east”). Niger contends that this regibon, which
is administered by Niger, corresponds to a group of encampments of the

Kel Tamajirt tribe, of the Tinguéréguédesch groupement of the rural
municipality of Bankilaré, to which they regularly pay their taxes.
18. Burkina Faso merely says that the 1960 line places Oussaltane on
the Upper Volta side of the line (Counter-Memorial of Burkina-Faso,
para. 3.71), and the fact that the encampment was placed east of the
boundary proposed by the Roser/Boyer Agreement of April 1932 is with -

out relevance, because “[t]he situation of a place in terms of a delibmita -
tion which has not been confirmed cannot be used to call into questionb
the confirmed delimitation”. It reproaches Niger with making a signbifi -
cant and unjustified departure from the IGN map for the sole purpose of
enclaving Oussaltane and removing it from the territory of Upper Volta,

without providing evidence of any effectivité in support of its claim.
19. It should be noted that the 1960 IGN map places the locality of
Oussaltane towards the west, on the Upper Volta side, but the frontier
line is broken in this area. Since the map thus appears to be insufficibent to
determine the exact course of the frontier in the vicinity of this villabge,

reference should be made to other evidence in order to reach a decision b
on this section. In my opinion, the various documents invoked by Niger
support the argument that the village is part of Niger, since the majoribty
of the Kel Tamajirt tribe are said to be of Niger nationality and to payb
their taxes in the Niger municipality of Bankilaré. This constitutes bobjec -
tive evidence of an effectivité in support of such a solution rather than in

support of the village being part of Burkina Faso, for which no relevant
evidence of an effectivité is provided.

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6 CIJ1042.indb 265 8/04/14 08:35 155 différend frontaliebr (op. ind. mahiou)

2. Le point d’arrivée de la ligne qui part de Tao

pour arriver à la rivière Sirba

20. Concernant le point d’arrivée de la ligne qui part de Tao, le textbe
de l’erratum de 1927 indique que la ligne « atteint la rivière Sirba à Bossé -
bangou». La formule est pour le moins ambiguë, surtout que le village deb
Bossébangou est nigérien et, qui plus est, il ne se situe pas sur bla rive de la
Sirba, mais à quelques centaines de mètres.

21. Pourtant, le Burkina Faso soutient que le point d’arrivée doit se b
situer sur la rive droite de la Sirba, en se fondant sur le syllogisme sui -
vant: l’erratum mentionne Bossébangou; mais, Bossébangou étant en ter-
ritoire nigérien et loin de la rivière, il ne peut être le point à atteindre ;

donc cela signifie que la ligne coupe la rivière pour atteindre la brive droite.
22. Il m’apparaît clairement que c’est un faux syllogisme et c’ebst à juste
titre que la Cour écarte cette allégation. D’une part, la mentibon de Bossé -
bangou par l’erratum ne fait qu’indiquer une direction et un point d’arri-
vée, la rivière Sirba, mais sans autre précision pour savoir nobtamment s’il

s’agit de la rive droite ou gauche ou encore de la ligne médiane. bD’autre
part, le verbe atteindre une rivière ne signifie pas en soi qu’ibl faut la cou -
per. Enfin, et c’est là le point clef qui doit guider la solution : le fait de
retenir la rive droite est d’une telle importance pour la suite du trbacé, à
partir de Bossébangou, que, si l’erratum voulait situer toute la rbivière

dans une seule colonie, il l’aurait dit clairement ; cela est bien trop impor -
tant et grave pour être passé sous silence. Par conséquent, en bl’absence
d’une telle précision, le fait d’atteindre la rivière n’ab pas d’autre significa -
tion que la frontière doit suivre la ligne médiane, solution habitbuelle des
délimitations fluviales qui partagent l’espace entre les pays ribverains et

leur assurent un égal accès à ses ressources, notamment l’eabu. C’est une
solution de bon sens, fondée juridiquement et en équité.

(Signé) Ahmed Mahiou.

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6 CIJ1042.indb 266 8/04/14 08:35 frontier dispute (sebp. op. mahiou) 155

2. The Arrival Point of the Line that Leaves Tao

and Arrives at the River Sirba

20. With regard to the arrival point of the line that leaves Tao, the text
of the 1927 Erratum indicates that it “reach[es] the River Sirba at Bossé-
bangou”. The wording is at the very least ambiguous, especially sinceb the
village of Bossébangou belongs to Niger and, furthermore, it is not
located on the bank of the Sirba but a few hundred metres away.

21. However, Burkina Faso contends that the arrival point must be
situated on the right bank of the Sirba on the basis of the following sybl -
logism: the Erratum refers to Bossébangou ; but since Bossébangou is in
Niger territory and far from the river, it cannot be the point to be reabche;d

therefore, that means that the line cuts the river to reach the right babnk.
22. It is clear to me that this is a false syllogism and the Court, quite
rightly, rejects this assertion. On the one hand, the Erratum’s referbence to
Bossébangou only indicates a direction and arrival point, the River Sbirba,
but without providing any further details as to whether the right bank, b

the left bank or the median line is intended. On the other hand, the verbb
“to reach” a river does not in itself mean that the river must be bcut.
Lastly, and this is the key point which must guide the search for a solub -
tion: the fact of adopting the right bank is so crucial for the continuationb
of the line, from Bossébangou, that if the Erratum had intended to lobcate

the entire river in a single colony, it would have clearly said so ; it is far
too important and serious a matter to be overlooked. Consequently, in
the absence of such an indication, the fact of reaching the river has no
other meaning than that the frontier must follow the median line, which b
is the usual solution for river boundaries which delimit the area betweebn

the riparian countries and for ensuring that those countries have equal
access to its resources, in particular water. It is a common-sense solution,
which is founded in law and equitable.

(Signed) Ahmed Mahiou.

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6 CIJ1042.indb 267 8/04/14 08:35

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Mahiou

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