Opinion individuelle de M. le juge Keith

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135-20100420-JUD-01-02-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Dans la présente opinion,
a) j’examine certains aspects de l’établissement des faits auquel la Cour
a procédé pour parvenir à sa conclusion selon laquelle l’Uruguay
n’avait pas manqué aux obligations de fond lui incombant en vertu

du statut (paragraphe 2 du dispositif); je fais cela pour appuyer le
raisonnement et la conclusion de la Cour;
b) je donne mon appréciation de l’étendue des manquements de l’Uru-
guay aux obligations de nature procédurale lui incombant en vertu
du statut (paragraphe 1 du dispositif); je le fais pour indiquer que, si

je souscris à la conclusion à laquelle la Cour aboutit dans le disposi-
tif, je suis en désaccord avec une partie de son raisonnement et avec
une des conclusions qu’elle tire dans le cadre de ce raisonnement.

L E PROCESSUS D ’ÉTABLISSEMENT DES FAITS

2. Une fonction essentielle des tribunaux est de trancher les contesta-
tions de fait sur lesquelles ils doivent se prononcer pour décider si une
partie a manqué à ses obligations juridiques. Les faits en litige peuvent
être techniques ou scientifiques, comme dans la présente affaire. Selon un
principe fondamental et selon la pratique et la procédure de la Cour éta-

blies de longue date, chaque partie a toute possibilité de produire des élé-
ments de preuve et des conclusions, par écrit ou oralement, à l’appui de
sa position sur les questions de fait qu’elle considère comme étant en
litige.
3. Dans la présente affaire, outre les éléments présentés durant les

deux tours de procédure écrite et ceux présentés en 2006 lors de l’examen
des deux demandes en indication de mesures conservatoires, les Parties,
avec l’autorisation de la Cour, ont soumis d’autres informations scienti-
fiques, techniques et autres le 30 juin 2009; deux semaines plus tard, elles
ont déposé des observations, accompagnées de documents, sur les infor-
mations produites par l’autre Partie; et elles ont présenté des données

scientifiques et techniques supplémentaires durant les audiences en sep-
tembre 2009. L’initiative prise par les Parties de fournir ces nouveaux élé-
ments était louable: l’Argentine avait déposé sa réplique moins de trois
mois après que l’usine Botnia eut commencé à fonctionner, et il est com-
préhensible qu’à ce stade elle ne pouvait faire guère plus que des conjec-

tures quant à l’impact possible de l’usine sur le fleuve Uruguay. Lorsque
l’Uruguay a déposé sa réplique le 29 juillet 2008, il était en meilleure posi-
tion, et il a produit les résultats du monitoring pour les six premiers mois

111d’exploitation de l’usine (p. 231 à 265 et longues annexes), mais, lorsque
les audiences ont eu lieu, l’usine était en service depuis presque deux ans.

4. Le rapport scientifique et technique produit par l’Argentine le 30 juin
2009 résumait, en plus de 400 pages, les résultats des recherches effectuées
par l’équipe scientifique de l’Université nationale de La Plata et l’Univer-
sité nationale de Buenos Aires. Le programme de recherche était un
programme interdisciplinaire, auquel plusieurs laboratoires avaient parti-

cipé, qui avait pour objet de définir les caractéristiques du fonctionne-
ment naturel de l’écosystème du fleuve Uruguay ainsi que les effets de
l’usine Botnia sur cet écosystème. Il a nécessité un personnel scientifique
et technique nombreux. (Le CV de dizaines de scientifiques figure dans le

rapport; l’un des groupes, celui qui était chargé de la surveillance du
fleuve, comprenait onze personnes.) Le rapport porte sur les dix-huit pre-
miers mois d’exploitation de l’usine. Il expose en détail les activités de
surveillance, en particulier de la qualité de l’eau, le long d’un segment du
fleuve long de 26 kilomètres. Ce rapport, qui contient des informations

sur les effets de l’usine sur le fleuve après sa mise en service, était au cŒur
de l’argumentaire de l’Argentine en ce qui concerne les manquements aux
obligations de fond. L’Uruguay, dans les nouveaux documents présentés
le 30 juin 2009, produit aussi des rapports détaillés de la DINAMA sur la
première année d’exploitation de l’usine et la qualité environnementale

dans la zone d’influence, et d’EcoMetrix sur le monitoring indépendant
de la performance environnementale pour 2008 établi à la demande de la
SFI. Lors des audiences, le 15 septembre 2009, l’Uruguay, citant le para-
graphe 4 de l’article 56 du Règlement de la Cour et l’Instruction de pro-
cédure IX bis, a produit de nouveaux documents dont il a dit qu’ils

étaient récents et faciles à se procurer. L’Argentine n’a pas formulé
d’objection à leur production. Ils comprenaient cinq autres rapports de la
DINAMA couvrant des périodes allant jusqu’au 30 juin 2009. Comme il
ressort des paragraphes 228 à 262 de l’arrêt, les documents produits
en juin et en septembre ont eu une influence décisive sur les conclusions

auxquelles aboutit la Cour.
5. Ce n’est pas seulement le moment où les informations ont été four-
nies qui est critique. C’est aussi la quantité, la qualité et la cohérence de
celles-ci. Du point de vue de la quantité, l’Argentine (dix), la DINAMA
(seize) et Botnia (quatre) avaient ensemble trente stations de monitoring,

en amont et en aval de l’usine Botnia, où était mesurée la qualité de l’eau.
Botnia en avait une autre à l’usine, pour tester les effluents. Les stations
de monitoring s’étendaient sur plus de 30 kilomètres en amont et 20 kilo-
mètres en aval de l’usine. Trois des stations argentines étaient dans la
baie de Nandubaysal et la lagune Inés. Ce sont d’elles qu’émanent les

données qui, selon l’équipe scientifique de l’Argentine, ont permis les
comparaisons du fait que la baie «se comporte comme un écosystème
relativement autonome par rapport au fleuve Uruguay» (rapport scienti-
fique et technique du 30 juin 2009, chap. III, annexe intitulée «Back-

ground BiogeochemicaloStudies», par. 4.1.2; voir aussi par. 4.3.1.2.;
voir aussi croquis n 2, p. 35). L’Uruguay a, par l’intermédiaire de la

112DINAMA, mené son programme de surveillance depuis mars 2006 (contre-
mémoire de l’Uruguay, par. 7.10). Cette surveillance, selon un plan adopté

en mai 2007 et révisé en octobre 2007 sur la base des données dumonitoring
préopérationnel, et de nouveau en juin 2008 compte tenu des six premiers
mois d’exploitation, porte, à une exception près, sur toutes les substances
envisagées dans l’arrêt et sur beaucoup d’autres (contre-mémoire de l’Uru-
guay, vol. II, annexe 39; duplique de l’Uruguay, vol. IV, annexes R86 et

R89). Les nonylphénols, dont la Cour traite aux paragraphes 255 à 257, sont
l’exception. Alors que l’usine était en exploitation, la DINAMA a entrepris
d’effectuer des contrôles périodiques des diverses substances et autres matiè-
res, et de mener tous les six mois une inspection de la gestion et de la per-

formance environnementale (contre-mémoire de l’Uruguay, par. 7.20 à 7.27;
duplique de l’Uruguay, par. 4.63). Les données les plus récentes soumises
par l’Uruguay à la Cour sont à ce jour au 30 juin 2009.
6. La résolution de la DINAMA portant approbation du système de
traitement des eaux usées pour l’usine Botnia du 4 juillet 2007 exige de

l’usine qu’elle rende compte tous les deux mois à la DINAMA de sa per-
formance en matière de traitement des effluents (contre-mémoire de l’Uru-
guay, vol. X, annexe 225). Ce plan comprend un contrôle continu dispo-
nible dans les bureaux de la DINAMA et transmis toutes les dix minutes
et la communication des résultats de l’analyse par échantillonnage (docu-

ments nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S2, appen-
dice IV, p. 2/33). La SFI exigeant des évaluations de la performance envi-
ronnementale de l’usine, des experts indépendants nommés par elle
procédèrent à ces évaluations sur la base de données collectées par l’OSE,
la DINAMA et Botnia, ainsi que par des laboratoires indépendants

(documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S7,
p. ES.ii). Trois rapports furent établis pour la SFI et ils ont été commu-
niqués à la Cour, le premier ayant été achevé avant la mise en service de
l’usine pour garantir le respect des dispositions du plan d’action environ-
nemental et social qui avait été établi, le deuxième après les six premiers

mois d’exploitation et le troisième à l’issue d’une année d’exploitation. Le
quatrième et dernier devait être établi à l’issue de la campagne de sur-
veillance de 2009 et de la deuxième année d’exploitation. L’OSE, l’office
sanitaire national de l’Uruguay, dans le cadre de sa responsabilité d’ensem-
ble de la qualité de l’eau en Uruguay, a collecté les informations voulues

pendant toute la période pertinente au point de prélèvement d’eau de
Fray Bentos. Et la CARU a collecté des données en treize points le long
du fleuve du milieu des années 1980 jusqu’à février 2006.
7. S’agissant de la qualité des informations communiquées par les
deux Parties, aucune d’elles n’a contesté le détail des données, soit plu-

sieurs milliers d’éléments, recueillies par les stations de surveillance en
amont et en aval du fleuve et dans la zone de rejet des effluents de l’usine,
et consignées dans les nombreux tableaux figurant dans les documents
dont la Cour est saisie. Leur désaccord porte plutôt sur la manière dont

ces données doivent être interprétées. J’y reviendrai. L’exactitude des
données collectées est étayée par leur cohérence dans le temps et sur

113l’ensemble du segment du fleuve en cause. Il ressort de l’arrêt que les don-
nées collectées avant et après la mise en service de l’usine, et dans le cadre

des plans de surveillance de l’Argentine et de l’Uruguay, sont également
cohérentes. Il y a bien quelques divergences, par exemple du fait des
variations de température, mais, comme le montre l’arrêt, elles ne sont
pas significatives du point de vue de l’évaluation de l’impact de l’exploita-

tion de l’usine sur la qualité de l’eau du fleuve (par exemple par. 228, 239,
240, 247 et 252).
8. Il incombe à la Cour, je le répète, de trancher les contestations de
fait qui doivent l’être pour déterminer si une partie à l’instance a manqué
à ses obligations juridiques. Le différend en l’espèce concerne l’interpréta-

tion ou l’évaluation de données brutes, non la qualité de ces données ni,
pour l’essentiel, leur contenu. Comme la Cour (arrêt, par. 236), je consi-
dère que la tâche consiste en l’espèce à évaluer, à l’aide des données bru-
tes, l’impact de l’exploitation de l’usine sur la qualité de l’eau. Comme le

montre l’arrêt, l’Argentine n’a pas démontré, à partir de cette profusion
de données, que jusqu’à présent l’exploitation de l’usine avait altéré la
qualité de l’eau au point que l’Uruguay aurait manqué à ses obligations
de fond en ce qui concerne ces éléments.
9. Je n’ignore pas bien entendu que la Cour, en vertu de l’article 50 de

son Statut, a le pouvoir de diligenter une enquête ou une expertise, et
qu’elle aurait pu exercer ce pouvoir en l’espèce. Ce pouvoir doit être
exercé selon les modalités, qui visent à assurer l’indépendance et la qua-
lité des rapports d’enquête et d’expertise et à protéger les droits des

parties, définies aux articles 67 et 68 du Règlement. Comme nul ne
l’ignore, la Cour et sa devancière ont rendu des ordonnances en vertu de
l’article 50 dans quatre affaires:

— Deux concernaient le calcul d’une indemnisation (Usine de Chorzów,
o o
fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n 17, p. 99, et Détroit de
Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fixation du montant des répara-
tions, ordonnance du 19 novembre 1949, C.I.J. Recueil 1949 , p. 237);
dans la deuxième de ces affaires, une raison pour laquelle la Cour a

rendu l’ordonnance était que le défendeur ne participait pas à cette
phase de l’instance, et la Cour a, par conséquent, invoqué l’article 53
en même temps que l’article 50.
— Dans la troisième affaire, la Cour semble avoir jugé, dès la fin du pre-
mier échange d’écritures, que la solution de questions de fait critiques

pourrait nécessiter l’assistance de spécialistes des questions navales;
les rapports de ceux-ci sur des questions navales et techniques préci-
sément formulées, dont la Cour ordonna l’établissement durant la
procédure orale et qui avaient nécessité une visite sur les lieux, ont

fait l’objet d’observations des Parties (qui avaient eu la possibilité de
proposer des questions à examiner) et de questions des juges avant la
fin de l’instance (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 142-169; pour l’usage que la Cour a fait
de ces rapports, voir p. 13, 14, 16 et 20 à 22).

114— Dans la quatrième affaire, les Parties au compromis par lequel elles
soumettaient un différend frontalier maritime à la Cour ont demandé

à la chambre qui devait juger l’affaire de nommer un expert tech-
nique, sur le nom duquel elles s’étaient mises d’accord, pour l’assister
en ce qui concernait les questions techniques et, en particulier, l’aider
à établir une description de la frontière maritime et les cartes visées

dans le compromis. L’expert devait être présent lors de la procédure
orale et être à la disposition de la chambre au cas où celle-ci aurait
jugé nécessaire de le consulter (Délimitation de la frontière maritime
dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis d’Amérique),
nomination d’expert, ordonnance du 30 mars 1984, C.I.J. Recueil

1984, p. 165).

(Voir aussi l’ordonnance nommant des experts dans une autre affaire de
différend frontalier, là encore à la demande des deux Parties, mais en
vertu de l’article 48 et non de l’article 50: Différend frontalier (Burkina
Faso/République du Mali), désignation d’experts, ordonnance du 9 avril
1987, C.I.J. Recueil 1987 ,p.7.)

10. Dans un certain nombre d’autres affaires, la Cour a rejeté les pro-
positions d’une partie tendant à ce qu’elle rende de telles ordonnances:

Zones franches de la oaute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932,
C.P.J.I. série A/B n 46, p. 162-163; Oscar Chinn, arrêt, 1934, C.P.J.I.
série A/B n 63, p. 88, demande d’une partie à laquelle l’autre ne s’oppo-
sait pas; et Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du

24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J.
Recueil 1985, p. 192 et 227 à 229, par. 64 à 67). Dans au moins deux
autres affaires, des propositions émanant de membres de la Cour de dili-
genter une enquête n’ont pas eu de suite: Temple de Préah Vihéar (Cam-

bodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962 , p. 100; Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 40, par. 61,
et opinion dissidente de M. Schwebel, ibid., p. 321 à 323, par. 132 à 134.

11. En l’espèce, je ne vois pas comment le recours à une enquête ou à
une expertise, que de plus les Parties n’ont pas proposée, aurait pu aider
réellement la Cour. Une enquête n’aurait pratiquement rien pu ajouter
aux milliers d’éléments dont elle dispose déjà; certaines de ces informa-
tions ont été collectées et consignées des années avant que l’affaire ne

commence. Et une expertise aurait porté exactement sur les mêmes ques-
tions d’évaluation qui sont déjà débattues devant la Cour par les Parties,
assistées de leurs experts. Au final, c’est aux membres de la Cour qu’il
appartient de trancher ces questions, en l’espèce essentiellement sur la

base des données présentées à la Cour par les Parties. Je souligne qu’il
n’incombe à la Cour de trancher les différends portant sur des questions
scientifiques que si elle doit le faire pour déterminer si l’Argentine a ou
non prouvé ce qu’elle avance. Un certain nombre de questions débattues
devant la Cour, comme le débit du fleuve et la meilleure manière de le

115mesurer, n’ont pas eu à être tranchées pour procéder à cette détermina-
tion. Je pense pour ma part que la réponse aux questions que la Cour

devait effectivement trancher sur la base des données brutes est relative-
ment simple.

12. J’invoque néanmoins une importante interprétation générale des
données formulée par l’Argentine et quatre de ses observations sur cer-

tains points. Cette interprétation et ces observations peuvent être consi-
dérées, au moins en partie, comme allant à l’encontre des intérêts de leur
auteur. Elles émanent de la Partie qui était tenue d’établir les faits sur
lesquels elle se fondait pour affirmer que ses droits avaient été violés.

13. Selon le résumé du rapport scientifique et technique déposé par
l’Argentine le 30 juin 2009, un rapport fondé sur presque deux ans
d’étude continue du fleuve:

«Le principal résultat de cette étude est la détection de variations
résultant des activités de l’usine de pâte à papier qui pourraient ser-
vir de cadre de pré-alerte pour anticiper des altérations futures de
l’écosystème importantes et plus irréversibles.» (Les italiques sont

dans l’original.)
Sur des points plus précis, l’Argentine indique dans ce rapport que les

paramètres de qualité de l’eau relevés lors des campagnes d’échan-
tillonnage présentaient des valeurs «normales, avec des variations sai-
sonnières de la température et des concentrations correspondantes en
oxygène dissous» (chap. III, p. 2). Par la voix de son conseil, elle déclare
que les taux de dioxines et de furanes étaient peu élevés dans la zone

d’étude, en dessous du seuil fixé dans les normes de qualité environne-
mentales, avec une tendance à la hausse. Dans le rapport du 30 juin
2009, elle indique que «les taux de sodium observés ne présentent aucun
risque» et sont moins élevés que dans la baie argentine; et, bien que les
concentrations d’AOX fussent plus élevées que celles indiquées par

l’Uruguay, elles restaient en deçà du seuil réglementaire allemand (en
l’absence de normes de la CARU ou de l’Uruguay) (chap. III, p. 22,
figure 7, p. 23; p. 27; figures 11 et 12, p. 27 et 29).
14. Je reviens à la notion de «pré-alerte» dans le rapport argentin.
Cette expression peut renvoyer aux obligations existantes de l’Uruguay

en vertu du statut de 1975 s’agissant de l’exploitation de l’usine. Il s’agit
d’obligations de fond et d’obligations de nature procédurale, et elles exis-
tent aussi longtemps que l’usine est en service. Je conclus la présente par-
tie de mon opinion en soulignant l’obligation de l’Uruguay de continuer
à surveiller l’exploitation de l’usine et, le cas échéant, d’exiger des me-

sures correctives. Dans le cas de l’autorisation accordée à Botnia, la
DINAMA continuera dans ses seize stations à surveiller sur une base
périodique les composants, éléments et autres paramètres identifiés. Selon
le droit uruguayen et conformément à son autorisation, Botnia demeure

tenue de maîtriser et de contrôler les émissions. De plus, elle doit deman-
der le renouvellement de son autorisation d’exploitation tous les trois ans.

116Elle demeure soumise aux pouvoirs de la DINAMA. La nature et la réa-
lité de certains de ces pouvoirs ont été démontrées par la réaction de

celle-ci à une erreur survenue durant des opérations de maintenance le
26 janvier 2009. Les mesures voulues furent prises à l’usine, et la
DINAMA inspecta celle-ci le lendemain pour contrôler la situation et les
mesures adoptées par Botnia. L’incident, selon la DINAMA, faisait par-

tie des aléas d’une telle exploitation industrielle et la société avait mis en
Œuvre tous les aspects du plan d’intervention d’urgence approuvé par la
DINAMA (rapport semestriel sur les émissions, juillet 2009, p. 23-24). Le
23 mars 2009, en raison de cet incident, la DINAMA a adopté une réso-
lution prévoyant des mesures de surveillance supplémentaires (annexe C6

des observations de l’Uruguay en date du 15 juillet 2009).
15. Les obligations de l’Uruguay, dont la mise en Œuvre, en pratique,
réside essentiellement dans l’exercice par la DINAMA de ses pouvoirs de
surveillance et connexes, subsistent en tant qu’obligation juridique inter-

nationale. Cette obligation a deux sources: 1) l’obligation de prévenir la
pollution, telle qu’interprétée et appliquée par la Cour (par. 204-205), que
l’alinéa a) de l’article 41 du statut impose à l’Uruguay, et 2) l’obligation
de l’Uruguay, en vertu de l’alinéa b) de l’article 41, de ne pas affaiblir les
prescriptions techniques imposées par son droit interne ni les conditions

de l’autorisation de Botnia s’agissant de prévenir la pollution de l’eau. De
plus, la CARU peut très bien, comme cela a par exemple été envisagé
en 2004, exercer sa fonction de supervision à l’appui du même objectif.
L’obligation continue de l’Uruguay ne dépend pas de cette possibilité.

M ANQUEMENTS DE L ’URUGUAY À SES OBLIGATIONS DE NATURE PROCÉDURALE

16. Je considère comme la Cour que l’Uruguay a manqué à l’obliga-

tion que lui imposait l’article 7 du statut de notifier en temps voulu les
projets de construction des deux usines. Je considère également avec la
Cour que, lorsque la période de négociation de cent quatre-vingts jours a
pris fin le 30 janvier 2006, l’Uruguay n’était pas empêché d’autoriser

l’achèvement de la construction des usines et leur mise en service. Mon
désaccord porte sur l’étape intermédiaire du processus et la conclusion de
la Cour selon laquelle, en prenant les mesures qu’il a prises en ce qui
concerne chaque usine au cours de cette période de cent quatre-vingts
jours, l’Uruguay a manqué à ses obligations de nature procédurale.

17. Je pars du principe incontesté que les deux Parties étaient tenues
d’exécuter leurs obligations conventionnelles de négocier de bonne foi,
comme le stipule l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des
traités. Cette obligation comprend, comme la Commission du droit inter-

national l’indique dans son commentaire de ce qui allait devenir l’ar-
ticle 26, l’obligation de s’abstenir de tout acte visant à réduire à néant
l’objet et le but du traité (Annuaire de la Commission du droit internatio-
nal, 1966, vol. II, p. 230, par. 4). Les procédures définies aux articles 7 à
12 du statut sont, vu sous l’angle de l’article premier, un élément essentiel

117du dispositif commun nécessaire pour l’utilisation optimale et rationnelle
du fleuve; c’est pourquoi tout acte visant à faire échec à ce mécanisme

constituerait un manquement à l’obligation de bonne foi.
18. Pour décider si l’Uruguay a commis un tel manquement, il est néces-
saire d’examiner tant le déroulement des négociations entre l’Argentine et
l’Uruguay durant la période de cent quatre-vingts jours que ce qu’a fait
l’Uruguay en ce qui concerne les deux usines durant cette période.

19. Comme la Cour le reconnaît, les négociations prévues dans le sta-
tut devaient en l’occurrence se dérouler au sein du Groupe technique de
haut niveau (GTAN). Aux termes de l’article 11, ces négociations, qui
visent à aboutir à un accord, doivent suivre une communication de la

partie notifiée indiquant quels sont les aspects du projet susceptibles
d’être dommageables pour elle, les raisons qui lui permettent d’arriver à
cette conclusion et les modifications qu’elle suggère. Les négociations, en
application du principe général, doivent être sérieuses mais, dans ce
contexte particulier, elles se déroulent étant entendu que, si elles s’achè-

vent sans aboutir à un accord, l’exécution du projet peut se poursuivre.
20. Le GTAN a été créé en mai 2005, mais il n’a tenu sa première réu-
nion que le 3 août. Il a tenu au total douze réunions — plus que l’Argen-
tine avait proposé lors de la première — mais n’a pu parvenir à un
accord. Durant les réunions, l’Uruguay a produit un grand nombre de

documents à la demande de l’Argentine. Ces documents comprenaient la
copie intégrale des dossiers relatifs aux autorisations environnementales
pour les deux usines. Dans son rapport du 31 janvier 2006 établi à l’issue
des négociations, la délégation uruguayenne déclare qu’elle a fourni à la
délégation argentine toutes les informations demandées par celle-ci dont

elle disposait. Quant aux informations dont elle ne disposait pas, l’Uru-
guay a demandé à chacune des sociétés concernées de fournir les infor-
mations dont elles disposaient, en fonction de l’état d’avancement de
leurs projets respectifs. Dans son rapport du 3 février 2006, la délégation
argentine réitérait que l’Uruguay avait manqué à ses obligations décou-

lant du statut, relevait des insuffisances dans les études d’impact sur
l’environnement, et critiquait les sites choisis, la méthode de production
envisagée, les études d’impact des effluents, des émissions gazeuses et des
déchets solides, l’absence de mesures de prévention et d’atténuation et
l’impact socio-économique des usines (mémoire de l’Argentine, par. 2.69

et annexes, vol. IV, annexe 1).
21. Aucune des deux Parties n’a fourni à la Cour les minutes des réu-
nions qui ont suivi la première. L’Uruguay, dans le rapport qu’il a établi
à la fin des négociations du GTAN, donnait la liste de trente-six docu-
ments qu’il avait fournis à l’Argentine durant les négociations et en a

communiqué vingt-six à la Cour dans le cadre du gros volume d’annexes
concernant le GTAN; d’autres, comme les diverses autorisations relatives
aux usines, figurent ailleurs dans le dossier. L’Argentine n’a pas donné
autant de détails. Son mince volume d’annexes relatives au GTAN ne

contient que le communiqué conjoint par lequel le groupe a été créé, les
minutes de la première réunion et le rapport (final) des deux délégations.

118Si ces minutes et le rapport de l’Argentine indiquent bien, pour revenir
aux termes de l’article 11, pourquoi l’Argentine considérait que les usines

risquaient de causer des dommages, ils ne semblent pas, s’agissant de
l’autre prescription de l’article 11, indiquer que l’Argentine ait proposé
d’apporter aux projets des modifications susceptibles d’éviter ces dom-
mages, si ce n’est de construire les usines ailleurs.
22. C’est dans le contexte de ces négociations que les actes accomplis

par l’Uruguay en ce qui concerne les usines durant la période de négo-
ciation doivent être appréciés. Il y en a trois au total:
ENCE

— 28 novembre 2005: approbation du plan de gestion de l’environne-
ment relatif aux travaux de défrichage du site.

BOTNIA
— 22 août 2005: approbation du plan de gestion de l’environne-
ment relatif à la construction des fondations en

béton de l’usine et d’une cheminée;

— 18 janvier 2006: approbation du plan de gestion de l’environne-
ment relatif à la construction de l’usine.

Le 3 novembre 2005, une autorisation environnementale préalable a éga-
lement été accordée en ce qui concerne le terminal portuaire de Nueva
Palmira, mais la Cour a jugé (par. 45) que ces installations ne relevaient
pas de la présente instance.
23. Les trois autorisations doivent être envisagées dans leur contexte.

L’usine ENCE a reçu son autorisation environnementale préalable le 9 oc-
tobre 2003 et n’a reçu aucune autre autorisation. L’autorisation préalable
de Botnia est datée du 14 février 2005, et a été suivie de trois autres auto-
risations avant que les négociations commencent dans le cadre du GTAN:

— 12 avril 2005: plan de gestion de l’environnement — autorisa-
tion des opérations de défrichage et des travaux
de terrassement;
— 5 juillet 2005: résolution relative à un terminal portuaire pour

l’usine octroyant une concession sur le lit du
fleuve;
—1 eraoût 2005: autorisation d’un plan de gestion de l’environ-
nement datée du 27 juillet 2005.

A l’issue de la période de négociation, sept autres autorisations, néces-
saires pour que l’usine puisse être mise en service, furent accordées:
— 22 mars 2006: autorisation des travaux de terrassement;

— 10 mai 2006: autorisation de la construction d’une station
d’épuration;
— 9 avril 2007: autorisation de la construction de sites
d’enfouissement de déchets industriels solides

(deux autorisations);
— 24 septembre 2007: autorisation d’une zone de conservation;

119— 31 octobre 2007: approbation d’un plan de gestion de l’environ-
nement pour l’exploitation;

— 8 novembre 2007: autorisation de mise en service.

24. L’Uruguay a-t-il, en accordant ces trois autorisations durant les
négociations, manqué à son obligation de négocier de bonne foi? Ces
mesures ont-elles pu faire échec aux négociations? Signifiaient-elles que
les négociations n’étaient pas sérieuses?
Les réponses à ces questions dépendent en partie, comme je l’ai déjà

indiqué, du déroulement des négociations au sein du GTAN et des
contributions des Parties à ces négociations, dans la mesure où elles sont
consignées dans le dossier de la Cour (par. 19 à 21 ci-dessus). Ces répon-
ses dépendent aussi de la nature des actes accomplis par l’Uruguay en ce
qui concerne les deux projets.

25. Je vais commencer par le projet ENCE. L’autorisation pertinente
constituait un aspect mineur de l’ensemble du projet. Si le projet était
abandonné — comme cela s’est effectivement produit —, il n’est pas dou-
teux qu’il était facile si nécessaire de remédier au défrichement éventuel-
lement entrepris en vertu de l’autorisation. Le cas de Botnia n’est pas

simple, mais là encore je ne considère pas que les autorisations aient fait
échec aux négociations ou leur aient ôté leur sens. Il est exact que les fon-
dations et la cheminée sont des éléments importants de l’usine, mais il
restait encore beaucoup à évaluer et à approuver par les autorités uru-
guayennes et à faire sur le terrain, comme l’atteste le fait que l’usine n’a

été achevée et mise en service que deux ans plus tard. Le permis de cons-
truire accordé pour l’usine le 18 janvier 2006, douze jours avant la fin de
la période officielle de négociation, pourrait par contre être considéré dif-
féremment, si ce n’est pour deux raisons. La première est que sept autres
autorisations et presque deux années supplémentaires de travaux de

construction et d’installation de l’usine ont encore été nécessaires. Plus
important, plus d’un mois auparavant, le 14 décembre 2005, le
secrétaire aux affaires étrangères de l’Argentine avait déjà adressé à
l’ambassadeur de l’Uruguay une note dans laquelle il déclarait:

«Le Gouvernement de la République argentine conclut que, du
fait que les Parties n’ont pas abouti à un accord conformément aux
termes de l’article 12 du statut du fleuve Uruguay, la procédure pré-
vue au chapitre XV dudit statut est applicable.
Par conséquent, le Gouvernement de la République argentine

notifie par les présentes au Gouvernement uruguayen que:
a) une controverse concernant l’application et l’interprétation du

statut du fleuve Uruguay est née; et
b) les négociations directes entre les deux gouvernements, visées à
l’article 60 du statut, sont en cours depuis le 3 août 2005 — date
de la première réunion du GTAN — concernant la controverse

[découlant] des autorisations unilatérales pour la construction
desdites usines industrielles...»

120Aucun acte accompli par l’Uruguay après le 14 décembre 2005 ne peut

être considéré comme faisant échec aux négociations. Celles-ci étaient en
fait déjà terminées.
26. C’est pourquoi je conclus que l’Uruguay, en accordant trois auto-
risations relatives aux projets durant la période de négociation, n’a pas

manqué à son obligation de négocier de bonne foi.

(Signé) Kenneth K EITH.

121

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE KEITH

1. In this opinion
(a) I address certain aspects of the fact-finding process in which the
Court engaged in reaching its conclusion that Uruguay was not in

breach of its substantive obligations under the Statute (para. (2) of
the dispositif ); I do that in support of the Court’s reasoning and
conclusion.
(b) I provide my understanding of the extent of the breaches by
Uruguay of its procedural obligations under the Statute (para. (1) of

the dispositif ); I do that to indicate that, while I agree with the
Court’s conclusion in the dispositif, I disagree with part of its rea-
soning and with one finding within that reasoning.

THE F ACT-FINDING PROCESS

2. A central function of courts is to decide those disputes of facts
which the court must decide as it determines whether a party before it is
in breach of its legal obligations. The disputes of fact may be about tech-

nical or scientific matters, as in this case. In terms of basic principle and
this Court’s long-established procedure and practice, each party will have
full opportunity to present documentary and oral evidence and submis-
sions in support of its positions on the matters of fact which it sees as
being in dispute.

3. In this case, in addition to the evidence presented in the two
rounds of written pleadings and that presented in 2006 in the course of
the two requests for provisional measures, the Parties, with the authori-
zation of the Court, submitted further scientific and technical and other

information on 30 June 2009; two weeks later they filed comments,
with documents in support, on the information provided by the other
Party; and they submitted further scientific and technical data during
the hearings in September 2009. The initiative the Parties took to pro-
vide that new material was a commendable one: Argentina had filed its

Reply less than three months after the Botnia plant began operating
andunderstandably,atthatstage,coulddolittlemorethanmakesugges-
tions about the possible impact of the plant on the River Uruguay.
When Uruguay came to file its Rejoinder on 29 July 2008, it was in a

better position, and it provided monitoring results on the first six
months of operation of the plant (pp. 231-265 and extensive annexes)

111 OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Dans la présente opinion,
a) j’examine certains aspects de l’établissement des faits auquel la Cour
a procédé pour parvenir à sa conclusion selon laquelle l’Uruguay
n’avait pas manqué aux obligations de fond lui incombant en vertu

du statut (paragraphe 2 du dispositif); je fais cela pour appuyer le
raisonnement et la conclusion de la Cour;
b) je donne mon appréciation de l’étendue des manquements de l’Uru-
guay aux obligations de nature procédurale lui incombant en vertu
du statut (paragraphe 1 du dispositif); je le fais pour indiquer que, si

je souscris à la conclusion à laquelle la Cour aboutit dans le disposi-
tif, je suis en désaccord avec une partie de son raisonnement et avec
une des conclusions qu’elle tire dans le cadre de ce raisonnement.

L E PROCESSUS D ’ÉTABLISSEMENT DES FAITS

2. Une fonction essentielle des tribunaux est de trancher les contesta-
tions de fait sur lesquelles ils doivent se prononcer pour décider si une
partie a manqué à ses obligations juridiques. Les faits en litige peuvent
être techniques ou scientifiques, comme dans la présente affaire. Selon un
principe fondamental et selon la pratique et la procédure de la Cour éta-

blies de longue date, chaque partie a toute possibilité de produire des élé-
ments de preuve et des conclusions, par écrit ou oralement, à l’appui de
sa position sur les questions de fait qu’elle considère comme étant en
litige.
3. Dans la présente affaire, outre les éléments présentés durant les

deux tours de procédure écrite et ceux présentés en 2006 lors de l’examen
des deux demandes en indication de mesures conservatoires, les Parties,
avec l’autorisation de la Cour, ont soumis d’autres informations scienti-
fiques, techniques et autres le 30 juin 2009; deux semaines plus tard, elles
ont déposé des observations, accompagnées de documents, sur les infor-
mations produites par l’autre Partie; et elles ont présenté des données

scientifiques et techniques supplémentaires durant les audiences en sep-
tembre 2009. L’initiative prise par les Parties de fournir ces nouveaux élé-
ments était louable: l’Argentine avait déposé sa réplique moins de trois
mois après que l’usine Botnia eut commencé à fonctionner, et il est com-
préhensible qu’à ce stade elle ne pouvait faire guère plus que des conjec-

tures quant à l’impact possible de l’usine sur le fleuve Uruguay. Lorsque
l’Uruguay a déposé sa réplique le 29 juillet 2008, il était en meilleure posi-
tion, et il a produit les résultats du monitoring pour les six premiers mois

111but, by the time of the hearings, the plant had been operating for almost
two years.

4. The Scientific and Technical Report filed by Argentina on 30 June
2009 summarized in over 400 pages the results of the research of the sci-
entific team from the National University of La Plata and the National
University of Buenos Aires. The Research Program was an interdiscipli-
nary, multi-laboratory effort intended to characterize the natural func-

tioning of the Uruguay River ecosystem and the impact of the Botnia
mill on it. It involved a significant number of scientific and technical per-
sonnel. (The CVs of ten of the scientists are included in the report;
11 names are listed as comprising one of the groups: that monitoring the

river.) The Report covered the first 18 months operation of the plant. It
sets out the details of the monitoring, particularly of water quality, along
a 26-km stretch of the river. That Report, with its information about the
impact of the plant on the river, once it became operational, was central
to Argentina’s case on substantive breach. Uruguay, in its 30 June 2009

new documents, also provided detailed reports, by DINAMA, on the
first year of operation of the plant and the environmental quality of the
area of influence, and by EcoMetrix in its Independent Performance
Monitoring as required by the IFC, for 2008. In the course of the hear-
ings, on 15 September 2009, Uruguay, citing Article 56 (4) of the Rules of

Court and Practice Direction IX bis, submitted further documents which
it said were recent and readily available. Argentina did not object to their
submission. They included another five DINAMA Reports covering
periods up to 30 June 2009. As appears from paragraphs 228 to 262
of the Judgment, the documents submitted in June and September are

central to the conclusions the Court reaches.

5. It is not only the timeliness of the information which is critical. It is
also its quantity, quality and consistency. In terms of quantity, Argen-
tina (10), DINAMA (16) and Botnia (4) between them had 30 monitoring
sites, up and downstream from the Botnia plant, measuring water qual-

ity. Botnia had another at the plant, testing the effluent. The monitoring
stations extended from more than 30 kilometres upstream of the plant to
20 kilometres downstream. Three of the Argentine stations were in Nan-
dubaysal Bay and Inés Lagoon, the data from which, according to the
Argentine scientific team, provided a comparator since the bay “acts as

an ecosystem that is relatively detached from the Uruguay river” (Scien-
tific and Technical Report of 30 June 2009, Chap. III, appendix Back-
ground Biogeochemical Studies, para. 4.1.2; see also para. 4.3.1.2; see
also sketch-map No. 2 on page 35). Uruguay through DINAMA, has

been carrying out its monitoring since March 2006 (Counter-Memorial
of Uruguay, para. 7.10). The monitoring, under a plan adopted in May

112d’exploitation de l’usine (p. 231 à 265 et longues annexes), mais, lorsque
les audiences ont eu lieu, l’usine était en service depuis presque deux ans.

4. Le rapport scientifique et technique produit par l’Argentine le 30 juin
2009 résumait, en plus de 400 pages, les résultats des recherches effectuées
par l’équipe scientifique de l’Université nationale de La Plata et l’Univer-
sité nationale de Buenos Aires. Le programme de recherche était un
programme interdisciplinaire, auquel plusieurs laboratoires avaient parti-

cipé, qui avait pour objet de définir les caractéristiques du fonctionne-
ment naturel de l’écosystème du fleuve Uruguay ainsi que les effets de
l’usine Botnia sur cet écosystème. Il a nécessité un personnel scientifique
et technique nombreux. (Le CV de dizaines de scientifiques figure dans le

rapport; l’un des groupes, celui qui était chargé de la surveillance du
fleuve, comprenait onze personnes.) Le rapport porte sur les dix-huit pre-
miers mois d’exploitation de l’usine. Il expose en détail les activités de
surveillance, en particulier de la qualité de l’eau, le long d’un segment du
fleuve long de 26 kilomètres. Ce rapport, qui contient des informations

sur les effets de l’usine sur le fleuve après sa mise en service, était au cŒur
de l’argumentaire de l’Argentine en ce qui concerne les manquements aux
obligations de fond. L’Uruguay, dans les nouveaux documents présentés
le 30 juin 2009, produit aussi des rapports détaillés de la DINAMA sur la
première année d’exploitation de l’usine et la qualité environnementale

dans la zone d’influence, et d’EcoMetrix sur le monitoring indépendant
de la performance environnementale pour 2008 établi à la demande de la
SFI. Lors des audiences, le 15 septembre 2009, l’Uruguay, citant le para-
graphe 4 de l’article 56 du Règlement de la Cour et l’Instruction de pro-
cédure IX bis, a produit de nouveaux documents dont il a dit qu’ils

étaient récents et faciles à se procurer. L’Argentine n’a pas formulé
d’objection à leur production. Ils comprenaient cinq autres rapports de la
DINAMA couvrant des périodes allant jusqu’au 30 juin 2009. Comme il
ressort des paragraphes 228 à 262 de l’arrêt, les documents produits
en juin et en septembre ont eu une influence décisive sur les conclusions

auxquelles aboutit la Cour.
5. Ce n’est pas seulement le moment où les informations ont été four-
nies qui est critique. C’est aussi la quantité, la qualité et la cohérence de
celles-ci. Du point de vue de la quantité, l’Argentine (dix), la DINAMA
(seize) et Botnia (quatre) avaient ensemble trente stations de monitoring,

en amont et en aval de l’usine Botnia, où était mesurée la qualité de l’eau.
Botnia en avait une autre à l’usine, pour tester les effluents. Les stations
de monitoring s’étendaient sur plus de 30 kilomètres en amont et 20 kilo-
mètres en aval de l’usine. Trois des stations argentines étaient dans la
baie de Nandubaysal et la lagune Inés. Ce sont d’elles qu’émanent les

données qui, selon l’équipe scientifique de l’Argentine, ont permis les
comparaisons du fait que la baie «se comporte comme un écosystème
relativement autonome par rapport au fleuve Uruguay» (rapport scienti-
fique et technique du 30 juin 2009, chap. III, annexe intitulée «Back-

ground BiogeochemicaloStudies», par. 4.1.2; voir aussi par. 4.3.1.2.;
voir aussi croquis n 2, p. 35). L’Uruguay a, par l’intermédiaire de la

1122007 and amended in October 2007, based on pre-operational monitor-
ing, and again in June 2008, based on the first six months of operations,

includes, with one exception, all the substances considered in the Judg-
ment and many others (Counter-Memorial of Uruguay, Vol. II, Annex 39;
Rejoinder of Uruguay, Vol. IV, Annexes R86 and R89). The exception
was nonylphenols discussed by the Court in paragraphs 255-257. While
the plant is operating, DINAMA has undertaken to carry out periodic

monitoring for the various substances and other matters, and every six
months to carry out an inspection of environmental management and
performance (Counter-Memorial of Uruguay, paras. 7.20-7.27; Rejoin-
der of Uruguay, para. 4.63). Its most recent data before the Court cover

the period up to 30 June 2009.

6. Botnia’s Waterworks Treatment System Approval of 4 July 2007
requires it to report to DINAMA every two months on its effluent treat-

ment performance (Counter-Memorial of Uruguay, Vol. X, Ann. 225).
The plan includes continuous monitoring available in DINAMA offices,
transmitted every ten minutes and the provision of the results of sampling
analysis (new documents submitted by Uruguay, 30 June 2009, Annex S2,
Appendix IV, p. 2/33). The IFC required reviews of the environmental

performance of the plant. The independent experts appointed by the IFC
undertook those reviews on the basis of the data collected by OSE,
DINAMA and Botnia, as well as certain independent laboratories (new
documents submitted by Uruguay, 30 June 2009, Annex S7, p. ES.ii).
Three such reports have been prepared for the IFC and are before the

Court, the first completed before the mill was commissioned to ensure
compliance with the Environmental and Social Action Plan which had
been established, the second following the first six months of operation,
and the third on the first year of operation. The fourth and last was to be
prepared following the 2009 monitoring year and the second year of

operation. OSE, Uruguay’s State Water Works, in terms of its overall
responsibility for Uruguayan water quality, has been gathering relevant
information throughout the relevant period at the Fray Bentos water
intake. And CARU had gathered data from 13 points along the river
from the mid-1980s until February 2006.

7. So far as the quality of the information provided by the two Parties
is concerned, neither Party challenged any of the details of the data,

many thousands of items, gathered by the monitoring stations, up and
down the river and at the effluent point at the plant, and recorded in the
many tables included in the documents before the Court. Rather, they
disagreed about how those data were to be interpreted. I return to that

issue later. The accuracy of the data collected is supported as well by
their consistency over time and throughout the whole stretch of river in

113DINAMA, mené son programme de surveillance depuis mars 2006 (contre-
mémoire de l’Uruguay, par. 7.10). Cette surveillance, selon un plan adopté

en mai 2007 et révisé en octobre 2007 sur la base des données dumonitoring
préopérationnel, et de nouveau en juin 2008 compte tenu des six premiers
mois d’exploitation, porte, à une exception près, sur toutes les substances
envisagées dans l’arrêt et sur beaucoup d’autres (contre-mémoire de l’Uru-
guay, vol. II, annexe 39; duplique de l’Uruguay, vol. IV, annexes R86 et

R89). Les nonylphénols, dont la Cour traite aux paragraphes 255 à 257, sont
l’exception. Alors que l’usine était en exploitation, la DINAMA a entrepris
d’effectuer des contrôles périodiques des diverses substances et autres matiè-
res, et de mener tous les six mois une inspection de la gestion et de la per-

formance environnementale (contre-mémoire de l’Uruguay, par. 7.20 à 7.27;
duplique de l’Uruguay, par. 4.63). Les données les plus récentes soumises
par l’Uruguay à la Cour sont à ce jour au 30 juin 2009.
6. La résolution de la DINAMA portant approbation du système de
traitement des eaux usées pour l’usine Botnia du 4 juillet 2007 exige de

l’usine qu’elle rende compte tous les deux mois à la DINAMA de sa per-
formance en matière de traitement des effluents (contre-mémoire de l’Uru-
guay, vol. X, annexe 225). Ce plan comprend un contrôle continu dispo-
nible dans les bureaux de la DINAMA et transmis toutes les dix minutes
et la communication des résultats de l’analyse par échantillonnage (docu-

ments nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S2, appen-
dice IV, p. 2/33). La SFI exigeant des évaluations de la performance envi-
ronnementale de l’usine, des experts indépendants nommés par elle
procédèrent à ces évaluations sur la base de données collectées par l’OSE,
la DINAMA et Botnia, ainsi que par des laboratoires indépendants

(documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S7,
p. ES.ii). Trois rapports furent établis pour la SFI et ils ont été commu-
niqués à la Cour, le premier ayant été achevé avant la mise en service de
l’usine pour garantir le respect des dispositions du plan d’action environ-
nemental et social qui avait été établi, le deuxième après les six premiers

mois d’exploitation et le troisième à l’issue d’une année d’exploitation. Le
quatrième et dernier devait être établi à l’issue de la campagne de sur-
veillance de 2009 et de la deuxième année d’exploitation. L’OSE, l’office
sanitaire national de l’Uruguay, dans le cadre de sa responsabilité d’ensem-
ble de la qualité de l’eau en Uruguay, a collecté les informations voulues

pendant toute la période pertinente au point de prélèvement d’eau de
Fray Bentos. Et la CARU a collecté des données en treize points le long
du fleuve du milieu des années 1980 jusqu’à février 2006.
7. S’agissant de la qualité des informations communiquées par les
deux Parties, aucune d’elles n’a contesté le détail des données, soit plu-

sieurs milliers d’éléments, recueillies par les stations de surveillance en
amont et en aval du fleuve et dans la zone de rejet des effluents de l’usine,
et consignées dans les nombreux tableaux figurant dans les documents
dont la Cour est saisie. Leur désaccord porte plutôt sur la manière dont

ces données doivent être interprétées. J’y reviendrai. L’exactitude des
données collectées est étayée par leur cohérence dans le temps et sur

113issue. As appears from the Judgment, that consistency is in general also
to be found in the data collected before and after the plant began oper-

ating, and by the Argentinian as well as the Uruguayan monitoring.
Some differences do appear, for instance, as a result of temperature vari-
ations but, as the Judgment shows, they are not significant in terms of the
assessment of the impact of the operation of the plant on the water qual-
ity in the river (e.g., paras. 228, 239, 240, 247 and 252).

8. The task of the Court, to repeat, is to decide disputes of fact which
have to be resolved in determining whether a party to the proceeding has
breached its legal obligations. The dispute in this case is about the inter-

pretation or evaluation of the raw data, not about the quality of the data
nor, for the most part, their content. Like the Court (Judgment, para. 236),
I see the task in this case as assessing, by reference to the raw data, the
impact of the operation of the plant on the water quality. As the Judg-
ment shows, Argentina has failed to demonstrate by reference to that

wealth of information that the operation of the plant to the present time
has led to changes in water quality which breach Uruguay’s substantive
obligations in respect of those components.
9. I do of course appreciate that the Court, under Article 50 of the
Statute, has powers to set up an enquiry and to seek an expert opinion,

and that it could have exercised those powers in this case. The powers are
to be exercised in accordance with the processes, designed to ensure the
independence and quality of the resulting reports and to protect the
rights of the parties, laid down in Articles 67 and 68 of the Rules. As is
well known, the Court and its predecessor have made Orders under Arti-

cle 50 in four cases:

— Two concerned the calculation of compensation (Factory at Chorzów,
Merits, Judgment No. 13, 1928, P.C.I.J., Series A, No. 17 ,p.99and
Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Assessment of Amount

of Compensation, Order of 19 November 1949, I.C.J. Reports 1949 ,
p. 237); in the second, a factor in the Court making the Order was
that the respondent was not participating in that phase of the pro-
ceeding and the Court accordingly invoked Article 53 as well as Arti-
cle 50.

— In the third, the Court appears to have identified as early as the end
of the first round of written argument that the resolution of critical
issues of fact might require the assistance of naval experts; their
reports on precisely formulated naval and technical issues, ordered in
the course of the oral proceedings, and including a site visit, were

subject to submissions by the Parties (which had had the opportunity
to suggest issues to be enquired into) and to questions from judges
before the end of the proceedings (Corfu Channel (United King-
dom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949 , pp. 142-

169; for the Court’s use of the reports see pp. 13, 14, 16 and
20-22).

114l’ensemble du segment du fleuve en cause. Il ressort de l’arrêt que les don-
nées collectées avant et après la mise en service de l’usine, et dans le cadre

des plans de surveillance de l’Argentine et de l’Uruguay, sont également
cohérentes. Il y a bien quelques divergences, par exemple du fait des
variations de température, mais, comme le montre l’arrêt, elles ne sont
pas significatives du point de vue de l’évaluation de l’impact de l’exploita-

tion de l’usine sur la qualité de l’eau du fleuve (par exemple par. 228, 239,
240, 247 et 252).
8. Il incombe à la Cour, je le répète, de trancher les contestations de
fait qui doivent l’être pour déterminer si une partie à l’instance a manqué
à ses obligations juridiques. Le différend en l’espèce concerne l’interpréta-

tion ou l’évaluation de données brutes, non la qualité de ces données ni,
pour l’essentiel, leur contenu. Comme la Cour (arrêt, par. 236), je consi-
dère que la tâche consiste en l’espèce à évaluer, à l’aide des données bru-
tes, l’impact de l’exploitation de l’usine sur la qualité de l’eau. Comme le

montre l’arrêt, l’Argentine n’a pas démontré, à partir de cette profusion
de données, que jusqu’à présent l’exploitation de l’usine avait altéré la
qualité de l’eau au point que l’Uruguay aurait manqué à ses obligations
de fond en ce qui concerne ces éléments.
9. Je n’ignore pas bien entendu que la Cour, en vertu de l’article 50 de

son Statut, a le pouvoir de diligenter une enquête ou une expertise, et
qu’elle aurait pu exercer ce pouvoir en l’espèce. Ce pouvoir doit être
exercé selon les modalités, qui visent à assurer l’indépendance et la qua-
lité des rapports d’enquête et d’expertise et à protéger les droits des

parties, définies aux articles 67 et 68 du Règlement. Comme nul ne
l’ignore, la Cour et sa devancière ont rendu des ordonnances en vertu de
l’article 50 dans quatre affaires:

— Deux concernaient le calcul d’une indemnisation (Usine de Chorzów,
o o
fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n 17, p. 99, et Détroit de
Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fixation du montant des répara-
tions, ordonnance du 19 novembre 1949, C.I.J. Recueil 1949 , p. 237);
dans la deuxième de ces affaires, une raison pour laquelle la Cour a

rendu l’ordonnance était que le défendeur ne participait pas à cette
phase de l’instance, et la Cour a, par conséquent, invoqué l’article 53
en même temps que l’article 50.
— Dans la troisième affaire, la Cour semble avoir jugé, dès la fin du pre-
mier échange d’écritures, que la solution de questions de fait critiques

pourrait nécessiter l’assistance de spécialistes des questions navales;
les rapports de ceux-ci sur des questions navales et techniques préci-
sément formulées, dont la Cour ordonna l’établissement durant la
procédure orale et qui avaient nécessité une visite sur les lieux, ont

fait l’objet d’observations des Parties (qui avaient eu la possibilité de
proposer des questions à examiner) et de questions des juges avant la
fin de l’instance (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 142-169; pour l’usage que la Cour a fait
de ces rapports, voir p. 13, 14, 16 et 20 à 22).

114— In the fourth, the Parties in the Special Agreement submitting a
maritime boundary dispute to the Court undertook to request the

Chamber which was to decide the case to appoint a technical expert,
nominated jointly by the Parties, to assist it in respect of technical
matters and, in particular, in preparing the description of the mari-
time boundary and the charts referred to in the Special Agreement.
The expert was to be present at the oral proceedings and to be avail-

able for such consultations with the Chamber as it might deem nec-
essary (Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine
Area (Canada/United States of America), Appointment of Expert,
Order of 30 March 1984, I.C.J. Reports 1984 , p. 165).

(See also the Order appointing experts in another boundary dispute,

again made at the request of both Parties, in Frontier Dispute (Burkina
Faso/Republic of Mali), Nomination of Experts, Order of 9 April 1987,
I.C.J. Reports 1987, p. 7, but under Article 48, not Article 50.)

10. In a number of other cases proposals by a party to make such
orders have not been accepted: Free Zones of Upper Savoy and the Dis-
trict of Gex, Judgment, 1932, P.C.I.J., Series A/B, No. 46 , pp. 162-163;

Oscar Chinn, Judgment, 1934, P.C.I.J., Series A/B, No. 63, p. 88, a
request by one not opposed by the other; and Application for Revision
and Interpretation of the Judgment of 24 February 1982 in the Case con-
cerning the Continental Shelf (Tunisia v. Libyan Arab Jamahiriya) (Tuni-
sia v. Libyan Arab Jamahiriya), Judgment, I.C.J. Reports 1985 , pp. 192,

227-229, paras. 64-67). In at least two other cases, proposals from within
the Court to set up an inquiry were not acted on: Temple of Preah Vihear
(Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962 , p. 100;
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicara-
gua v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports

1986, p. 40, para. 61, and dissenting opinion of Judge Schwebel, ibid.,
pp. 321-323, paras. 132-134).
11. In the context of the present case, I am unable to see that the
Court could have obtained any real assistance from employing those pro-
cedures of enquiry or expert opinion, a course which the Parties, more-

over, did not propose. Any enquiry could not have begun to add in any
significant way to the many thousands of items of data already before the
Court; for one thing, some of that information was being collected and
recorded years before the case was launched. And any expert opinion
would have covered exactly the same issues of evaluation as were already

being argued before the Court by the Parties, assisted by their experts. In
the end those issues are for the Members of the Court to decide, in this
case essentially on the basis of the data put before the Court by the
Parties. I would stress that that responsibility of making decisions on the

matters of scientific dispute arises only if the matters require decision in
the course of the Court determining whether or not Argentina had made

115— Dans la quatrième affaire, les Parties au compromis par lequel elles
soumettaient un différend frontalier maritime à la Cour ont demandé

à la chambre qui devait juger l’affaire de nommer un expert tech-
nique, sur le nom duquel elles s’étaient mises d’accord, pour l’assister
en ce qui concernait les questions techniques et, en particulier, l’aider
à établir une description de la frontière maritime et les cartes visées

dans le compromis. L’expert devait être présent lors de la procédure
orale et être à la disposition de la chambre au cas où celle-ci aurait
jugé nécessaire de le consulter (Délimitation de la frontière maritime
dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis d’Amérique),
nomination d’expert, ordonnance du 30 mars 1984, C.I.J. Recueil

1984, p. 165).

(Voir aussi l’ordonnance nommant des experts dans une autre affaire de
différend frontalier, là encore à la demande des deux Parties, mais en
vertu de l’article 48 et non de l’article 50: Différend frontalier (Burkina
Faso/République du Mali), désignation d’experts, ordonnance du 9 avril
1987, C.I.J. Recueil 1987 ,p.7.)

10. Dans un certain nombre d’autres affaires, la Cour a rejeté les pro-
positions d’une partie tendant à ce qu’elle rende de telles ordonnances:

Zones franches de la oaute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932,
C.P.J.I. série A/B n 46, p. 162-163; Oscar Chinn, arrêt, 1934, C.P.J.I.
série A/B n 63, p. 88, demande d’une partie à laquelle l’autre ne s’oppo-
sait pas; et Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du

24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J.
Recueil 1985, p. 192 et 227 à 229, par. 64 à 67). Dans au moins deux
autres affaires, des propositions émanant de membres de la Cour de dili-
genter une enquête n’ont pas eu de suite: Temple de Préah Vihéar (Cam-

bodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962 , p. 100; Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 40, par. 61,
et opinion dissidente de M. Schwebel, ibid., p. 321 à 323, par. 132 à 134.

11. En l’espèce, je ne vois pas comment le recours à une enquête ou à
une expertise, que de plus les Parties n’ont pas proposée, aurait pu aider
réellement la Cour. Une enquête n’aurait pratiquement rien pu ajouter
aux milliers d’éléments dont elle dispose déjà; certaines de ces informa-
tions ont été collectées et consignées des années avant que l’affaire ne

commence. Et une expertise aurait porté exactement sur les mêmes ques-
tions d’évaluation qui sont déjà débattues devant la Cour par les Parties,
assistées de leurs experts. Au final, c’est aux membres de la Cour qu’il
appartient de trancher ces questions, en l’espèce essentiellement sur la

base des données présentées à la Cour par les Parties. Je souligne qu’il
n’incombe à la Cour de trancher les différends portant sur des questions
scientifiques que si elle doit le faire pour déterminer si l’Argentine a ou
non prouvé ce qu’elle avance. Un certain nombre de questions débattues
devant la Cour, comme le débit du fleuve et la meilleure manière de le

115out its claim. A number of the issues debated before the Court, such as
the river flow and the best ways of measuring it, did not have to be

decided in the course of making that determination. For my part, I think
that the resolution of those matters which the Court did have to decide,
based on the raw data, is relatively straightforward.
12. I do however draw on one important general interpretation given
by Argentina to the data and four of its more specific evaluations. That

interpretation and those evaluations may be seen, in part at least, as decla-
rations against interest. They were given by the Party which was obliged
to establish the facts it asserted in support of its claim that its rights had
been breached.

13. According to the Executive Summary of Argentina’s Scientific and
Technical Report provided to the Court on 30 June 2009, a report based
on almost two years of continuous study of the river:

“The main outcome of this study is the detection of changes asso-
ciated to the pulp mill activities that could act as an early warning
framework to anticipate future major and more irreversible eco-
system damages.” (Original emphasis.)

On more specific matters, Argentina in that Report states that the

records of water quality parameters during the sampling campaigns were
“normal for the river with typical seasonal patterns of temperature and
associated dissolved oxygen concentrations” (Chap. III, p. 2). Through
its counsel, it says that the dioxin and furan levels were low in the study
area, below environmental quality guidelines, with some increasing trend.

In the 30 June 2009 report, it comments that “the observed sodium levels
do not imply any risk” and were lower than those in the Argentine Bay;
and that although the AOX levels were higher than the baseline figures
reported by Uruguay, they were lower than the German standard (there
being no CARU or Uruguay standard) (Chap. III, p. 22, Figure 7, p. 23;

p. 27; Figures 11 and 12, pp. 27 and 29).

14. I return to the reference to “early warning” in Argentina’s report.
That may be related to the ongoing obligations of Uruguay under the

1975 Statute in respect of the operation of the plant. Those obligations
are both substantive and procedural, and last so long as the plant
continues to operate. I conclude this part of my opinion by highlighting
Uruguay’s obligation to continue to monitor the operation of the plant and,
as appropriate, to require remedial action. Under Botnia’s authorization,

DINAMA will continue to monitor at its 16 stations, on a periodic basis,
the identified compounds, elements and other parameters. Under
Uruguayan law and its authorization, Botnia remains under the obligation
to control and to monitor emissions. Further, it has to apply for the renewal

of its authorization to operate every three years. It remains subject to
DINAMA’s powers. The nature and reality of some of DINAMA’s

116mesurer, n’ont pas eu à être tranchées pour procéder à cette détermina-
tion. Je pense pour ma part que la réponse aux questions que la Cour

devait effectivement trancher sur la base des données brutes est relative-
ment simple.

12. J’invoque néanmoins une importante interprétation générale des
données formulée par l’Argentine et quatre de ses observations sur cer-

tains points. Cette interprétation et ces observations peuvent être consi-
dérées, au moins en partie, comme allant à l’encontre des intérêts de leur
auteur. Elles émanent de la Partie qui était tenue d’établir les faits sur
lesquels elle se fondait pour affirmer que ses droits avaient été violés.

13. Selon le résumé du rapport scientifique et technique déposé par
l’Argentine le 30 juin 2009, un rapport fondé sur presque deux ans
d’étude continue du fleuve:

«Le principal résultat de cette étude est la détection de variations
résultant des activités de l’usine de pâte à papier qui pourraient ser-
vir de cadre de pré-alerte pour anticiper des altérations futures de
l’écosystème importantes et plus irréversibles.» (Les italiques sont

dans l’original.)
Sur des points plus précis, l’Argentine indique dans ce rapport que les

paramètres de qualité de l’eau relevés lors des campagnes d’échan-
tillonnage présentaient des valeurs «normales, avec des variations sai-
sonnières de la température et des concentrations correspondantes en
oxygène dissous» (chap. III, p. 2). Par la voix de son conseil, elle déclare
que les taux de dioxines et de furanes étaient peu élevés dans la zone

d’étude, en dessous du seuil fixé dans les normes de qualité environne-
mentales, avec une tendance à la hausse. Dans le rapport du 30 juin
2009, elle indique que «les taux de sodium observés ne présentent aucun
risque» et sont moins élevés que dans la baie argentine; et, bien que les
concentrations d’AOX fussent plus élevées que celles indiquées par

l’Uruguay, elles restaient en deçà du seuil réglementaire allemand (en
l’absence de normes de la CARU ou de l’Uruguay) (chap. III, p. 22,
figure 7, p. 23; p. 27; figures 11 et 12, p. 27 et 29).
14. Je reviens à la notion de «pré-alerte» dans le rapport argentin.
Cette expression peut renvoyer aux obligations existantes de l’Uruguay

en vertu du statut de 1975 s’agissant de l’exploitation de l’usine. Il s’agit
d’obligations de fond et d’obligations de nature procédurale, et elles exis-
tent aussi longtemps que l’usine est en service. Je conclus la présente par-
tie de mon opinion en soulignant l’obligation de l’Uruguay de continuer
à surveiller l’exploitation de l’usine et, le cas échéant, d’exiger des me-

sures correctives. Dans le cas de l’autorisation accordée à Botnia, la
DINAMA continuera dans ses seize stations à surveiller sur une base
périodique les composants, éléments et autres paramètres identifiés. Selon
le droit uruguayen et conformément à son autorisation, Botnia demeure

tenue de maîtriser et de contrôler les émissions. De plus, elle doit deman-
der le renouvellement de son autorisation d’exploitation tous les trois ans.

116powers were demonstrated by its response to an operational error which

occurred during maintenance work on 26 January 2009. Following an
effective response at the plant, DINAMA inspected the plant the next
day to check directly on the situation and the measures taken. The
incident, said DINAMA, was one within the eventualities of such an
industrial operation and the company had complied in all aspects

with the emergency responses plan approved by DINAMA (Six
Months Emissions Report July 2009, pp. 23-24). On 23 March 2009, in
response to this incident, DINAMA enacted a resolution providing
for additional monitoring (Annex C6 to Uruguay’s Comments of

15 July 2009).

15. Uruguay’s obligations, which in practice are primarily to be met
through the exercise by DINAMA of its monitoring and related powers,

continue as a matter of international legal obligation. That obligation has
two sources — (1) its obligation under Article 41 (a) of the Statute to
prevent pollution as interpreted and applied by the Court (paras. 204-
205), and (2) its obligation under Article 41 (b) not to reduce in its legal

system the technical requirements in force under its law and the condi-
tions in the Botnia authorization, for preventing water pollution. CARU
might well, in addition, as was contemplated for instance in 2004, take up
its monitoring role in support of the same purpose. Uruguay’s continuing

obligation is independent of that possibility.

U RUGUAY ’SB REACHES OF ITSP ROCEDURAL OBLIGATIONS

16. I agree with the Court that Uruguay breached its obligation under
Article 7 of the Statute to notify in proper time the plans for the two
plants. I also agree that, when the negotiating period of 180 days ended

on 30 January 2006, Uruguay was not barred from authorizing the com-
pletion and operation of the plants. My disagreement relates to the inter-
mediate step in the process and to the Court’s finding that the actions
taken by Uruguay in respect of each plant in the course of that 180 days

breached its procedural obligations.

17. I begin with the undoubted principle that both Parties were obliged

to perform their treaty obligation to negotiate in good faith, as Article 26
of the Vienna Convention on the Law of Treaties declares. That obliga-
tion includes, as the International Law Commission said in its commen-
tary to what became Article 26, an obligation to abstain from acts
calculated to frustrate the object and purpose of the treatyY(earbook of the

International Law Commission , 1966, Vol. II, p. 211, para. 4). The pro-
cedures laid down in Articles 7 to 12 of the Statute are, in terms of Arti-
cle 1, a central part of the joint machinery necessary for the optimal and

117Elle demeure soumise aux pouvoirs de la DINAMA. La nature et la réa-
lité de certains de ces pouvoirs ont été démontrées par la réaction de

celle-ci à une erreur survenue durant des opérations de maintenance le
26 janvier 2009. Les mesures voulues furent prises à l’usine, et la
DINAMA inspecta celle-ci le lendemain pour contrôler la situation et les
mesures adoptées par Botnia. L’incident, selon la DINAMA, faisait par-

tie des aléas d’une telle exploitation industrielle et la société avait mis en
Œuvre tous les aspects du plan d’intervention d’urgence approuvé par la
DINAMA (rapport semestriel sur les émissions, juillet 2009, p. 23-24). Le
23 mars 2009, en raison de cet incident, la DINAMA a adopté une réso-
lution prévoyant des mesures de surveillance supplémentaires (annexe C6

des observations de l’Uruguay en date du 15 juillet 2009).
15. Les obligations de l’Uruguay, dont la mise en Œuvre, en pratique,
réside essentiellement dans l’exercice par la DINAMA de ses pouvoirs de
surveillance et connexes, subsistent en tant qu’obligation juridique inter-

nationale. Cette obligation a deux sources: 1) l’obligation de prévenir la
pollution, telle qu’interprétée et appliquée par la Cour (par. 204-205), que
l’alinéa a) de l’article 41 du statut impose à l’Uruguay, et 2) l’obligation
de l’Uruguay, en vertu de l’alinéa b) de l’article 41, de ne pas affaiblir les
prescriptions techniques imposées par son droit interne ni les conditions

de l’autorisation de Botnia s’agissant de prévenir la pollution de l’eau. De
plus, la CARU peut très bien, comme cela a par exemple été envisagé
en 2004, exercer sa fonction de supervision à l’appui du même objectif.
L’obligation continue de l’Uruguay ne dépend pas de cette possibilité.

M ANQUEMENTS DE L ’URUGUAY À SES OBLIGATIONS DE NATURE PROCÉDURALE

16. Je considère comme la Cour que l’Uruguay a manqué à l’obliga-

tion que lui imposait l’article 7 du statut de notifier en temps voulu les
projets de construction des deux usines. Je considère également avec la
Cour que, lorsque la période de négociation de cent quatre-vingts jours a
pris fin le 30 janvier 2006, l’Uruguay n’était pas empêché d’autoriser

l’achèvement de la construction des usines et leur mise en service. Mon
désaccord porte sur l’étape intermédiaire du processus et la conclusion de
la Cour selon laquelle, en prenant les mesures qu’il a prises en ce qui
concerne chaque usine au cours de cette période de cent quatre-vingts
jours, l’Uruguay a manqué à ses obligations de nature procédurale.

17. Je pars du principe incontesté que les deux Parties étaient tenues
d’exécuter leurs obligations conventionnelles de négocier de bonne foi,
comme le stipule l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des
traités. Cette obligation comprend, comme la Commission du droit inter-

national l’indique dans son commentaire de ce qui allait devenir l’ar-
ticle 26, l’obligation de s’abstenir de tout acte visant à réduire à néant
l’objet et le but du traité (Annuaire de la Commission du droit internatio-
nal, 1966, vol. II, p. 230, par. 4). Les procédures définies aux articles 7 à
12 du statut sont, vu sous l’angle de l’article premier, un élément essentiel

117rational utilization of the river; accordingly, actions calculated to frus-
trate that machinery would be a breach of the duty of good faith.

18. To determine whether Uruguay did commit such a breach requires
an examination both of the course of the negotiations between Argentina
and Uruguay during the 180-day period and of Uruguay’s actions in rela-
tion to the two mills during that period.

19. As the Court recognizes, the negotiations provided for in the Stat-
ute were in this case to take place in the GTAN. In terms of Article 11,
the negotiations, undertaken with a view to reaching an agreement, are to
follow a communication from the notified party specifying the aspect of

the project that might be harmful, the reasons for that conclusion and the
changes it proposes. The negotiations, in terms of general principle, are
to be meaningful but, in terms of the particular context, they are to be
undertaken against the background that, if no agreement is reached by
their end, the project may continue.

20. While GTAN was set up in May 2005, it did not hold its first meet-
ing until 3 August. It held 12 meetings in all — more than Argentina pro-
posed at the first meeting — but was unable to reach agreement. In the
course of the meetings, Uruguay produced a large number of documents

in response to Argentina’s requests. They included the full copy of the
files relating to the environmental authorizations for both mills. The
Uruguayan delegation in its report of 31 January 2006 prepared at the
end of the process says that it provided all the information requested by
the Argentine delegation which was available to it. As to information not

available to it, Uruguay had requested each of the companies to provide
that information which the companies had, according to the progress of
their respective projects. The report of the Argentine delegation of 3 Feb-
ruary 2006 reiterated that Uruguay had breached its obligations under
the Statute, noted problems with the EIA, and criticized the choices of

site, the planned production method, the studies of the impact of efflu-
ents, gas emissions and solid waste, the lack of preventive and mitigating
measures and the mills’ socio-economic impact (Memorial of Argentina,
para. 2.69 and Anns., Vol. IV, Ann 1).

21. Neither Party provided the Court with the minutes of the meetings
beyond the first. Uruguay, in its report prepared at the end of the GTAN
process, listed the 36 documents it provided to Argentina over the period
of the negotiation and provided 26 of them to the Court as part of the

bulky volume of annexes relating to GTAN; others, such as the various
authorizations relating to the plants, appear elsewhere in the record.
Argentina provided no such detail. Its slender volume of annexes relating
to GTAN comprises no more than the joint communiqué under which

the group was set up, the minutes of the first meeting and the (final)
reports of the two delegations. While those minutes and the Argentine

118du dispositif commun nécessaire pour l’utilisation optimale et rationnelle
du fleuve; c’est pourquoi tout acte visant à faire échec à ce mécanisme

constituerait un manquement à l’obligation de bonne foi.
18. Pour décider si l’Uruguay a commis un tel manquement, il est néces-
saire d’examiner tant le déroulement des négociations entre l’Argentine et
l’Uruguay durant la période de cent quatre-vingts jours que ce qu’a fait
l’Uruguay en ce qui concerne les deux usines durant cette période.

19. Comme la Cour le reconnaît, les négociations prévues dans le sta-
tut devaient en l’occurrence se dérouler au sein du Groupe technique de
haut niveau (GTAN). Aux termes de l’article 11, ces négociations, qui
visent à aboutir à un accord, doivent suivre une communication de la

partie notifiée indiquant quels sont les aspects du projet susceptibles
d’être dommageables pour elle, les raisons qui lui permettent d’arriver à
cette conclusion et les modifications qu’elle suggère. Les négociations, en
application du principe général, doivent être sérieuses mais, dans ce
contexte particulier, elles se déroulent étant entendu que, si elles s’achè-

vent sans aboutir à un accord, l’exécution du projet peut se poursuivre.
20. Le GTAN a été créé en mai 2005, mais il n’a tenu sa première réu-
nion que le 3 août. Il a tenu au total douze réunions — plus que l’Argen-
tine avait proposé lors de la première — mais n’a pu parvenir à un
accord. Durant les réunions, l’Uruguay a produit un grand nombre de

documents à la demande de l’Argentine. Ces documents comprenaient la
copie intégrale des dossiers relatifs aux autorisations environnementales
pour les deux usines. Dans son rapport du 31 janvier 2006 établi à l’issue
des négociations, la délégation uruguayenne déclare qu’elle a fourni à la
délégation argentine toutes les informations demandées par celle-ci dont

elle disposait. Quant aux informations dont elle ne disposait pas, l’Uru-
guay a demandé à chacune des sociétés concernées de fournir les infor-
mations dont elles disposaient, en fonction de l’état d’avancement de
leurs projets respectifs. Dans son rapport du 3 février 2006, la délégation
argentine réitérait que l’Uruguay avait manqué à ses obligations décou-

lant du statut, relevait des insuffisances dans les études d’impact sur
l’environnement, et critiquait les sites choisis, la méthode de production
envisagée, les études d’impact des effluents, des émissions gazeuses et des
déchets solides, l’absence de mesures de prévention et d’atténuation et
l’impact socio-économique des usines (mémoire de l’Argentine, par. 2.69

et annexes, vol. IV, annexe 1).
21. Aucune des deux Parties n’a fourni à la Cour les minutes des réu-
nions qui ont suivi la première. L’Uruguay, dans le rapport qu’il a établi
à la fin des négociations du GTAN, donnait la liste de trente-six docu-
ments qu’il avait fournis à l’Argentine durant les négociations et en a

communiqué vingt-six à la Cour dans le cadre du gros volume d’annexes
concernant le GTAN; d’autres, comme les diverses autorisations relatives
aux usines, figurent ailleurs dans le dossier. L’Argentine n’a pas donné
autant de détails. Son mince volume d’annexes relatives au GTAN ne

contient que le communiqué conjoint par lequel le groupe a été créé, les
minutes de la première réunion et le rapport (final) des deux délégations.

118report do indicate, to return to the terms of Article 11, why Argentina
considered harm might be caused by the plants, they do not, to turn to

the other requirement of Article 11, appear to suggest changes to the
projects which might meet the likely harm, apart from the proposal to
have the plants moved to other sites.

22. It is against the background of those negotiations that the Uru-

guayan actions relating to the plants taken during the negotiating period
are to be assessed. They are three in total:
ENCE

— 28 November 2005: Environmental Management Plan Approval
for the construction stage — land movement.

BOTNIA
— 22 August 2005: Environmental Management Plan Approval
for the construction of the concrete plant,

foundation and construction of a chimney
and foundation for construction works;
— 18 January 2006: Environmental Management Project Approval
for the construction of the plant.

On 3 November 2005 an Initial Environmental Authorization was also
given in respect of the Port at Nueva Palmira, but, as the Court rules
(para. 45), that facility does not fall within the scope of this proceeding.

23. The three approvals are to be seen in context. The ENCE plant

had received its initial environmental authorization on 9 October 2003
and received no other authorization. Botnia’s initial authorization was
on 14 February 2005, and was followed by three further authorizations
before the GTAN negotiations began:

— 12 April 2005: environmental management plan — approval of
removal of vegetation and earth movement;

— 5 July 2005: resolution relating to a port terminal for the mill

granting a riverbed concession;

— 1 August 2005: approval of environmental management plan
dated 27 July 2005.

Following the end of the negotiating period, another seven approvals
that were required were granted before the plant could begin operating:
— 22 March 2006: land movement approval;

— 10 May 2006: approval of construction of waste water treat-
ment plant;
— 9 April 2007: approval of construction of solid industrial land
fills (two approvals);

— 24 September 2007: approval of conservation area;

119Si ces minutes et le rapport de l’Argentine indiquent bien, pour revenir
aux termes de l’article 11, pourquoi l’Argentine considérait que les usines

risquaient de causer des dommages, ils ne semblent pas, s’agissant de
l’autre prescription de l’article 11, indiquer que l’Argentine ait proposé
d’apporter aux projets des modifications susceptibles d’éviter ces dom-
mages, si ce n’est de construire les usines ailleurs.
22. C’est dans le contexte de ces négociations que les actes accomplis

par l’Uruguay en ce qui concerne les usines durant la période de négo-
ciation doivent être appréciés. Il y en a trois au total:
ENCE

— 28 novembre 2005: approbation du plan de gestion de l’environne-
ment relatif aux travaux de défrichage du site.

BOTNIA
— 22 août 2005: approbation du plan de gestion de l’environne-
ment relatif à la construction des fondations en

béton de l’usine et d’une cheminée;

— 18 janvier 2006: approbation du plan de gestion de l’environne-
ment relatif à la construction de l’usine.

Le 3 novembre 2005, une autorisation environnementale préalable a éga-
lement été accordée en ce qui concerne le terminal portuaire de Nueva
Palmira, mais la Cour a jugé (par. 45) que ces installations ne relevaient
pas de la présente instance.
23. Les trois autorisations doivent être envisagées dans leur contexte.

L’usine ENCE a reçu son autorisation environnementale préalable le 9 oc-
tobre 2003 et n’a reçu aucune autre autorisation. L’autorisation préalable
de Botnia est datée du 14 février 2005, et a été suivie de trois autres auto-
risations avant que les négociations commencent dans le cadre du GTAN:

— 12 avril 2005: plan de gestion de l’environnement — autorisa-
tion des opérations de défrichage et des travaux
de terrassement;
— 5 juillet 2005: résolution relative à un terminal portuaire pour

l’usine octroyant une concession sur le lit du
fleuve;
—1 eraoût 2005: autorisation d’un plan de gestion de l’environ-
nement datée du 27 juillet 2005.

A l’issue de la période de négociation, sept autres autorisations, néces-
saires pour que l’usine puisse être mise en service, furent accordées:
— 22 mars 2006: autorisation des travaux de terrassement;

— 10 mai 2006: autorisation de la construction d’une station
d’épuration;
— 9 avril 2007: autorisation de la construction de sites
d’enfouissement de déchets industriels solides

(deux autorisations);
— 24 septembre 2007: autorisation d’une zone de conservation;

119— 31 October 2007: approval of environmental management plan for
operations;

— 8 November 2007: authorization to operate.

24. Did Uruguay by giving the three approvals during the negotiating
period breach its obligation to negotiate in good faith? Were those
actions such as to frustrate the negotiations? Did they mean that the
negotiations were not meaningful?
The answers to the questions depend in part, as I have already indi-

cated, on the course of the negotiations in GTAN, and the contributions
the Parties made to those negotiations, so far as they appear in the record
before the Court (paras. 19 to 21 above). The answers also depend on the
nature of the actions of Uruguay relating to the two projects.

25. I begin with the ENCE project. The relevant approval was for a
minor aspect of the whole project. If the project was abandoned, as in
fact happened, no doubt any land clearing undertaken in accordance
with the authorization could be easily remedied, were that necessary. The
Botnia case is not as straightforward, but again I do not see the approv-

als as frustrating the negotiations or causing them not to be meaningful.
It is true that the foundations and emissions stack are a significant part of
the plant, but much more remained to be assessed and approved or not
by the Uruguayan authorities and to be done on the ground, as appears
from the fact that the plant was not complete and did not begin operating

until another two years had passed. The approval of the construction of
the plant on 18 January 2006, twelve days before the formal period for
negotiation came to an end, might have been seen as a different matter,
but for two points. The first is that another seven authorizations and
almost two years of construction and installation of the plant remained

ahead. More significantly, more than a month earlier, on 14 Decem-
ber 2005, the Argentine Foreign Secretary had already written to the
Uruguayan Ambassador stating that

“The Government of the Argentine Republic concludes that, upon
the Parties having failed to reach agreement, as specified by Arti-
cle 12 of the River Uruguay Statute, this paves the way for the pro-
cedure provided for in Chapter XV of the said Statute.
Consequently, the Government of the Argentine Republic hereby

notifies the Uruguayan Government of the following:
(a) a dispute has arisen in connection with the application and

interpretation of the Statute of the River Uruguay; and
(b) the direct negotiations between both Governments, referred to
by Article 60 of the Statute, have been taking place since
3 August 2005 (the date of the first GTAN meeting) in respect

of the dispute arising out of the unilateral authorizations for
construction of the said industrial plants . . .”

120— 31 octobre 2007: approbation d’un plan de gestion de l’environ-
nement pour l’exploitation;

— 8 novembre 2007: autorisation de mise en service.

24. L’Uruguay a-t-il, en accordant ces trois autorisations durant les
négociations, manqué à son obligation de négocier de bonne foi? Ces
mesures ont-elles pu faire échec aux négociations? Signifiaient-elles que
les négociations n’étaient pas sérieuses?
Les réponses à ces questions dépendent en partie, comme je l’ai déjà

indiqué, du déroulement des négociations au sein du GTAN et des
contributions des Parties à ces négociations, dans la mesure où elles sont
consignées dans le dossier de la Cour (par. 19 à 21 ci-dessus). Ces répon-
ses dépendent aussi de la nature des actes accomplis par l’Uruguay en ce
qui concerne les deux projets.

25. Je vais commencer par le projet ENCE. L’autorisation pertinente
constituait un aspect mineur de l’ensemble du projet. Si le projet était
abandonné — comme cela s’est effectivement produit —, il n’est pas dou-
teux qu’il était facile si nécessaire de remédier au défrichement éventuel-
lement entrepris en vertu de l’autorisation. Le cas de Botnia n’est pas

simple, mais là encore je ne considère pas que les autorisations aient fait
échec aux négociations ou leur aient ôté leur sens. Il est exact que les fon-
dations et la cheminée sont des éléments importants de l’usine, mais il
restait encore beaucoup à évaluer et à approuver par les autorités uru-
guayennes et à faire sur le terrain, comme l’atteste le fait que l’usine n’a

été achevée et mise en service que deux ans plus tard. Le permis de cons-
truire accordé pour l’usine le 18 janvier 2006, douze jours avant la fin de
la période officielle de négociation, pourrait par contre être considéré dif-
féremment, si ce n’est pour deux raisons. La première est que sept autres
autorisations et presque deux années supplémentaires de travaux de

construction et d’installation de l’usine ont encore été nécessaires. Plus
important, plus d’un mois auparavant, le 14 décembre 2005, le
secrétaire aux affaires étrangères de l’Argentine avait déjà adressé à
l’ambassadeur de l’Uruguay une note dans laquelle il déclarait:

«Le Gouvernement de la République argentine conclut que, du
fait que les Parties n’ont pas abouti à un accord conformément aux
termes de l’article 12 du statut du fleuve Uruguay, la procédure pré-
vue au chapitre XV dudit statut est applicable.
Par conséquent, le Gouvernement de la République argentine

notifie par les présentes au Gouvernement uruguayen que:
a) une controverse concernant l’application et l’interprétation du

statut du fleuve Uruguay est née; et
b) les négociations directes entre les deux gouvernements, visées à
l’article 60 du statut, sont en cours depuis le 3 août 2005 — date
de la première réunion du GTAN — concernant la controverse

[découlant] des autorisations unilatérales pour la construction
desdites usines industrielles...»

120Any action taken by Uruguay after 14 December 2005 cannot be seen as

frustrating the negotiating process. That process was already effectively
at an end.
26. Accordingly, I conclude that Uruguay, by granting the three approv-
als in respect of the projects during the period of negotiation, did not act

in breach of its obligation to negotiate in good faith.

(Signed) Kenneth K EITH.

121Aucun acte accompli par l’Uruguay après le 14 décembre 2005 ne peut

être considéré comme faisant échec aux négociations. Celles-ci étaient en
fait déjà terminées.
26. C’est pourquoi je conclus que l’Uruguay, en accordant trois auto-
risations relatives aux projets durant la période de négociation, n’a pas

manqué à son obligation de négocier de bonne foi.

(Signé) Kenneth K EITH.

121

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Opinion individuelle de M. le juge Keith

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