Déclaration de M. le juge Bennouna

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118-20081118-JUD-01-07-EN
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118-20081118-JUD-01-00-EN
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543

DÉCLARATION DE M. LE JUGE BENNOUNA

J’ai voté en faveur du dispositif de l’arrêt et je considère, sous réserve

des limitations qu’il prévoit, que la Cour est compétente pour examiner,
au fond, la requête de la Croatie. Cependant, je ne suis pas d’accord avec
l’ensemble du raisonnement qui sous-tend la décision de la Cour en
faveur de sa compétence ratione personae en cette affaire. Il s’agit, en
particulier, de toute la partie de l’arrêt qui fait appel à la jurisprudence

amorcée par la Cour permanente de Justice internationaleodans l’affaire
des Concessions Mavrommatis en Palestine (arrêt n 2, 1924, C.P.J.I.
série A n 2, p. 34) pour fonder la capacité d’un Etat d’être partie à l’ins-
tance aux termes du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut (soit les para-

graphes 81 à 92 de l’arrêt).
En effet, la Cour, après avoir rappelé (arrêt, par. 79) qu’en règle géné-
rale sa compétence doit s’apprécier au moment de l’introduction de l’ins-
tance, la date critique étant dès lors le 2 juillet 1999, souligne néanmoins
qu’elle-même, comme sa devancière, a

«fait preuve de réalisme et de souplesse dans certaines hypothèses où
les conditions de la compétence de la Cour n’étaient pas toutes rem-

plies à la date de l’introduction de l’instance mais l’avaient été pos-
térieurement, et avant que la Cour décide sur sa compétence» (ibid.,
par. 81).

Or, la Cour a choisi de prendre en compte les conclusions auxquelles
elle est parvenue dans ses arrêts de 2004 sur la Licéité de l’emploi de la
force, à savoir que la RFY n’était pas membre des Nations Unies, ni par-
tie au Statut de la Cour, entre la dissolution de la RFSY, en 1992, et son
er
admission aux Nations Unies le 1 novembre 2000. Il en découle ainsi
que la Cour, en la présente affaire, n’était pas compétente à la date de
l’introduction de l’instance par la Croatie, le 2 juillet 1999, mais qu’elle
pourrait cependant le devenir si la condition manquante, soit la qualité

de partie au Statut de la RFY, venait à être remplie avant qu’elle ne
décide sur sa compétence. En effet, toute la rationalité de la jurisprudence
Mavrommatis est fondée sur la possibilité qu’aurait le demandeur, après
le dépôt de la requête, de la réintroduire à tout moment, avant que la
compétence ne soit tranchée définitivement. Ainsi, du point de vue d’une

bonne administration de la justice, la Cour serait à même de passer outre
au vice initial qui frappait sa compétence. Telle est la logique qui fonde le
raisonnement de la Cour, encore faut-il que celui-ci soit mené à son
terme, car autrement il s’agirait d’un raisonnement boiteux qui ne peut
emporter la conviction. Il n’est pas concevable, en effet, afin de contour-

ner certains obstacles et d’éviter des difficultés, de ne pas aller au bout de

135544 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL .BENNOUNA )

la logique empruntée, sachant que la soi-disant conduite prudente de la
Cour risque de se révéler inconciliable avec la rigueur juridique.

Je crains que la Cour ne se soit engagée dans une voie sans issue, en
refusant de tirer toutes les conséquences de la construction juridique ins-
pirée de la jurisprudence Mavrommatis. Elle se contente, en effet, de
constater que la Serbie est redevenue Membre des Nations Unies et partie
au Statut à compter du 1 ernovembre 2000, et que dès lors elle a la capa-

cité d’être partie à la procédure devant la Cour.
Dans cette affaire, cependant, il reste à se demander quel est le sort de
la notification par la RFY, une fois qu’elle est devenue Membre des
Nations Unies le 1 ernovembre, de son adhésion à la convention sur le

génocide, contenant une réserve à l’article IX sur la compétence ratione
materiae de la Cour (adhésion en date du 6 mars 2001, devenue effective
le 10 juin suivant).
La Cour peut-elle s’appuyer sur la jurisprudence Mavrommatis et se
déclarer compétente sans s’inquiéter de l’impact de cette adhésion assor-

tie d’une réserve? Peut-elle se contenter de constater que la condition
manquante, de l’article 35, paragraphe 1, du Statut, a été satisfaite à par-
tir du 1 novembre et que, dès lors, la compétence de la Cour est acquise,
dans la mesure où la première condition, celle de la qualité de la RFY en

tant que partie à la convention sur le génocide, était avérée dès l’intro-
duction de l’instance par la Croatie le 2 juillet 1999?

Je ne pense pas que la Cour puisse faire l’économie de l’examen de
l’adhésion du 6 mars 2001 assortie d’une réserve à l’article IX, pour la

simple raison que toute la rationalité de la jurisprudence Mavrommatis
risque de s’écrouler puisqu’elle est fondée sur la possibilité pour le deman-
deur de la saisir de nouveau et à tout moment. C’est bien la terminologie
que la Cour a utilisée dans son arrêt de 1996 dans l’affaire relative à

l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions prélimi-
naires: «la Bosnie-Herzégovine pourrait à tout moment déposer une
nouvelle requête, identique à la présente, qui serait de ce point de vue

inattaquable» (C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 614, par. 26).
Il convient donc de se demander, dans le cas où la requête de la Croatie
serait présentée de nouveau après le 10 juin 2001 (soit au lendemain de
l’entrée en vigueur de l’adhésion de la RFY), si elle serait «inattaquable».
Et la réponse à une telle question n’est possible qu’à l’issue de l’examen

de l’adhésion en question.
Or une telle réponse, à notre avis, tombe sous le sens et elle devrait être
relativement simple. En effet, dans la mesure où la Cour a estimé que la
RFY était partie depuis le 27 avril 1992, sans discontinuité, à la conven-

tion sur le génocide, y compris son article IX, elle devrait en conclure que
l’adhésion du 6 mars 2001, assortie d’une réserve, ne peut produire aucun
effet juridique dans les relations entre les deux Parties.
Il est établi, en effet, qu’on ne peut adhérer à un traité auquel on est
déjà partie. D’ailleurs, la Croatie a formulé une objection le 18 mai 2001

136545 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE DÉCL . BENNOUNA )

contre le dépôt de l’instrument d’adhésion de la RFY à la convention sur
le génocide, au motif que celle-ci était «déjà liée par la convention». On

ne voit pas, dès lors, quel pourrait être le sens de l’adhésion de la RFY le
6 mars 2001, si ce n’est la volonté d’échapper partiellement à son enga-
gement préalable en excluant l’article IX relatif à la compétence de la
Cour. Cela est d’autant plus probant que ce pays n’a pas recouru à une
telle procédure pour ses autres engagements conventionnels. C’est ainsi

que la RFY a notifié, par lettre en date du 6 mars 2001 au Secrétaire
général des Nations Unies, son intention de succéder à plusieurs traités
multilatéraux dont il est le dépositaire, en soulignant qu’elle «s’engage
formellement à en remplir les conditions y stipulées à partir du 27 avril

1992, date à laquelle [elle] a assumé la responsabilité de ses relations
internationales». (Il s’agit d’une liste de traités jointe en annexe auxquels
la République socialiste fédérative de Yougoslavie était partie.)

Il était, à mon avis, du devoir de la Cour de procéder à ce constat pour
lever toute ambiguïté quant à l’application de la jurisprudence Mavrom-
matis, dans la présente affaire, comme base de compétence. On peut
regretter qu’elle ne l’ait pas fait, probablement par excès de prudence. Or,

celle-ci n’était pas justifiée, en l’occurrence, dans la mesure où la Cour
statue avec la force relative de la chose jugée, ne valant ainsi que dans les
relations entre les deux Parties. Il en découle, finalement, que le raison-
nement sur ce point est lacunaire et donc insatisfaisant, ce qui est suscep-
tible d’affaiblir les conclusions finales de la Cour, qui sont pourtant, à

mon avis, parfaitement fondées. On s’attend de la part de l’organe judi-
ciaire principal des Nations Unies qu’il aide à clarifier les situations juri-
diques confuses, et il ne peut le faire qu’en allant au bout de la logique
inhérente au cheminement qu’il a décidé d’emprunter.

(Signé) Mohamed B ENNOUNA .

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DÉCLARATION DE M. LE JUGE BENNOUNA

J’ai voté en faveur du dispositif de l’arrêt et je considère, sous réserve

des limitations qu’il prévoit, que la Cour est compétente pour examiner,
au fond, la requête de la Croatie. Cependant, je ne suis pas d’accord avec
l’ensemble du raisonnement qui sous-tend la décision de la Cour en
faveur de sa compétence ratione personae en cette affaire. Il s’agit, en
particulier, de toute la partie de l’arrêt qui fait appel à la jurisprudence

amorcée par la Cour permanente de Justice internationaleodans l’affaire
des Concessions Mavrommatis en Palestine (arrêt n 2, 1924, C.P.J.I.
série A n 2, p. 34) pour fonder la capacité d’un Etat d’être partie à l’ins-
tance aux termes du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut (soit les para-

graphes 81 à 92 de l’arrêt).
En effet, la Cour, après avoir rappelé (arrêt, par. 79) qu’en règle géné-
rale sa compétence doit s’apprécier au moment de l’introduction de l’ins-
tance, la date critique étant dès lors le 2 juillet 1999, souligne néanmoins
qu’elle-même, comme sa devancière, a

«fait preuve de réalisme et de souplesse dans certaines hypothèses où
les conditions de la compétence de la Cour n’étaient pas toutes rem-

plies à la date de l’introduction de l’instance mais l’avaient été pos-
térieurement, et avant que la Cour décide sur sa compétence» (ibid.,
par. 81).

Or, la Cour a choisi de prendre en compte les conclusions auxquelles
elle est parvenue dans ses arrêts de 2004 sur la Licéité de l’emploi de la
force, à savoir que la RFY n’était pas membre des Nations Unies, ni par-
tie au Statut de la Cour, entre la dissolution de la RFSY, en 1992, et son
er
admission aux Nations Unies le 1 novembre 2000. Il en découle ainsi
que la Cour, en la présente affaire, n’était pas compétente à la date de
l’introduction de l’instance par la Croatie, le 2 juillet 1999, mais qu’elle
pourrait cependant le devenir si la condition manquante, soit la qualité

de partie au Statut de la RFY, venait à être remplie avant qu’elle ne
décide sur sa compétence. En effet, toute la rationalité de la jurisprudence
Mavrommatis est fondée sur la possibilité qu’aurait le demandeur, après
le dépôt de la requête, de la réintroduire à tout moment, avant que la
compétence ne soit tranchée définitivement. Ainsi, du point de vue d’une

bonne administration de la justice, la Cour serait à même de passer outre
au vice initial qui frappait sa compétence. Telle est la logique qui fonde le
raisonnement de la Cour, encore faut-il que celui-ci soit mené à son
terme, car autrement il s’agirait d’un raisonnement boiteux qui ne peut
emporter la conviction. Il n’est pas concevable, en effet, afin de contour-

ner certains obstacles et d’éviter des difficultés, de ne pas aller au bout de

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DECLARATION OF JUDGE BENNOUNA

[Translation]

I have voted in favour of the operative part of the Judgment and, sub-
ject to the limits expressed therein, I am of the opinion that the Court has
jurisdiction to entertain Croatia’s Application on the merits. However, I
do not agree with all of the reasoning on which the Court bases its deci-

sion upholding its jurisdiction ratione personae in this case. This is par-
ticularly true of the whole part of the Judgment which draws on the
jurisprudence initiated by the Permanent Court of International Justice
in the Mavrommatis Palestine Concessions (Judgment No. 2, 1924,
P.C.I.J., Series A, No. 2 , p. 34) case in order to establish the standing of

a State to take part in proceedings under Article 35, paragraph 1, of the
Statute (i.e., paragraphs 81 to 92 of the Judgment).
Indeed, having recalled that as a general rule its jurisdiction must be
assessed at the time when the proceedings are instituted (Judgment,
para. 79), the critical date thus being 2 July 1999, the Court emphasizes
nonetheless that, like its predecessor, it has

“shown realism and flexibility in certain situations in which the con-
ditions governing the Court’s jurisdiction were not fully satisfied

when proceedings were initiated but were subsequently satisfied,
before the Court ruled on its jurisdiction” (ibid., para. 81).

And yet the Court has chosen to take account of the findings which it
made in its Judgments of 2004 in the Legality of Use of Force cases,
namely that the FRY was not a Member of the United Nations, nor a
party to the Statute, between the break-up of the SFRY in 1992 and its

admission to the United Nations on 1 November 2000. It thus follows
from this, in the present case, that the Court did not have jurisdiction on
the date of the filing of the Application by Croatia — 2 July 1999 — but
that it could have jurisdiction if the missing condition, that is, the status
of the FRY as a party to the Statute, were to be fulfilled before it had
ruled on its jurisdiction. Indeed, the whole logic of the jurisprudence of

the Mavrommatis case is built upon the possibility available to the Appli-
cant, after the Application has been filed, of filing it again before a final
decision on jurisdiction has been made. Thus, from the perspective of the
sound administration of justice, the Court would be entitled to disregard
the initial defect which affected its jurisdiction. That is the logic under-

lying the reasoning of the Court but it needs to be pursued to its conclu-
sion, for otherwise it remains a shaky and unconvincing argument. One
can hardly decide not to pursue the argument thus chosen through to its
conclusion in order to skirt certain obstacles and avoid difficulties, know-

135544 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL .BENNOUNA )

la logique empruntée, sachant que la soi-disant conduite prudente de la
Cour risque de se révéler inconciliable avec la rigueur juridique.

Je crains que la Cour ne se soit engagée dans une voie sans issue, en
refusant de tirer toutes les conséquences de la construction juridique ins-
pirée de la jurisprudence Mavrommatis. Elle se contente, en effet, de
constater que la Serbie est redevenue Membre des Nations Unies et partie
au Statut à compter du 1 ernovembre 2000, et que dès lors elle a la capa-

cité d’être partie à la procédure devant la Cour.
Dans cette affaire, cependant, il reste à se demander quel est le sort de
la notification par la RFY, une fois qu’elle est devenue Membre des
Nations Unies le 1 ernovembre, de son adhésion à la convention sur le

génocide, contenant une réserve à l’article IX sur la compétence ratione
materiae de la Cour (adhésion en date du 6 mars 2001, devenue effective
le 10 juin suivant).
La Cour peut-elle s’appuyer sur la jurisprudence Mavrommatis et se
déclarer compétente sans s’inquiéter de l’impact de cette adhésion assor-

tie d’une réserve? Peut-elle se contenter de constater que la condition
manquante, de l’article 35, paragraphe 1, du Statut, a été satisfaite à par-
tir du 1 novembre et que, dès lors, la compétence de la Cour est acquise,
dans la mesure où la première condition, celle de la qualité de la RFY en

tant que partie à la convention sur le génocide, était avérée dès l’intro-
duction de l’instance par la Croatie le 2 juillet 1999?

Je ne pense pas que la Cour puisse faire l’économie de l’examen de
l’adhésion du 6 mars 2001 assortie d’une réserve à l’article IX, pour la

simple raison que toute la rationalité de la jurisprudence Mavrommatis
risque de s’écrouler puisqu’elle est fondée sur la possibilité pour le deman-
deur de la saisir de nouveau et à tout moment. C’est bien la terminologie
que la Cour a utilisée dans son arrêt de 1996 dans l’affaire relative à

l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions prélimi-
naires: «la Bosnie-Herzégovine pourrait à tout moment déposer une
nouvelle requête, identique à la présente, qui serait de ce point de vue

inattaquable» (C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 614, par. 26).
Il convient donc de se demander, dans le cas où la requête de la Croatie
serait présentée de nouveau après le 10 juin 2001 (soit au lendemain de
l’entrée en vigueur de l’adhésion de la RFY), si elle serait «inattaquable».
Et la réponse à une telle question n’est possible qu’à l’issue de l’examen

de l’adhésion en question.
Or une telle réponse, à notre avis, tombe sous le sens et elle devrait être
relativement simple. En effet, dans la mesure où la Cour a estimé que la
RFY était partie depuis le 27 avril 1992, sans discontinuité, à la conven-

tion sur le génocide, y compris son article IX, elle devrait en conclure que
l’adhésion du 6 mars 2001, assortie d’une réserve, ne peut produire aucun
effet juridique dans les relations entre les deux Parties.
Il est établi, en effet, qu’on ne peut adhérer à un traité auquel on est
déjà partie. D’ailleurs, la Croatie a formulé une objection le 18 mai 2001

136 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL .BENNOUNA ) 544

ing that the Court’s so-called cautious approach may well prove incom-
patible with legal precision.
I fear that the Court may have manoeuvred itself into a dead end by
refusing to draw all the consequences from the legal construct inspired by

the jurisprudence of the Mavrommatis case. It contents itself with finding
that Serbia became a Member of the United Nations again, and a party
to the Statute, as from 1 November 2000, and that it thenceforth had the
standing to take part in proceedings before the Court.
However, in the present case, the question remains of what account is

to be taken of the notification by the FRY, once it had become a Mem-
ber of the United Nations on 1 November, of its accession to the Geno-
cide Convention accompanied by a reservation to Article IX on the
ratione materiae jurisdiction of the Court (accession dated 6 March 2001,
effective from 10 June of the same year).

Can the Court base itself on the jurisprudence of the Mavrommatis
case and find that it has jurisdiction without giving any consideration to
the impact of that accession accompanied by a reservation? Can it be sat-
isfied with the finding that the missing condition, under Article 35, para-
graph 1, of the Statute was fulfilled as from 1 November and that the

jurisdiction of the Court was established from that date inasmuch as the
first condition, that of the FRY’s status as a party to the Genocide Con-
vention, had been proven at the moment when the proceedings were insti-
tuted by Croatia on 2 July 1999?
I do not think that the Court can spare itself an examination of the

accession of 6 March 2001 accompanied by a reservation to Article IX
for the simple reason that the whole logic of the jurisprudence of the
Mavrommatis case might collapse, since it is built upon the possibility for
the Applicant to put the case before the Court again at any time. That
was indeed the wording which the Court used in its 1996 Judgment in the

case concerning Application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugo-
slavia), Preliminary Objections : “Bosnia and Herzegovina might at any
time file a new application, identical to the present one, which would be
unassailable in this respect” (I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 614, para. 26).

We should therefore enquire, in the event that Croatia’s Application
had been filed again after 10 June 2001 (that is, the day after the acces-
sion of the FRY came into force), whether it would have been “unassail-
able”. And it is only possible to answer such a question after an examina-
tion of the accession concerned.
And the answer, in our view, is self-evident and should be relatively

simple. Inasmuch as the Court has held that the FRY was a party to the
Genocide Convention, including Article IX thereof, from 27 April 1992,
without a break in continuity, it should find that the accession of 6 March
2001, accompanied by a reservation, cannot give rise to any legal effect
on relations between the two Parties.

Indeed, it is well established that a State cannot accede to a treaty to
which it is already a party. In addition, on 18 May 2001 Croatia submit-

136545 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE DÉCL . BENNOUNA )

contre le dépôt de l’instrument d’adhésion de la RFY à la convention sur
le génocide, au motif que celle-ci était «déjà liée par la convention». On

ne voit pas, dès lors, quel pourrait être le sens de l’adhésion de la RFY le
6 mars 2001, si ce n’est la volonté d’échapper partiellement à son enga-
gement préalable en excluant l’article IX relatif à la compétence de la
Cour. Cela est d’autant plus probant que ce pays n’a pas recouru à une
telle procédure pour ses autres engagements conventionnels. C’est ainsi

que la RFY a notifié, par lettre en date du 6 mars 2001 au Secrétaire
général des Nations Unies, son intention de succéder à plusieurs traités
multilatéraux dont il est le dépositaire, en soulignant qu’elle «s’engage
formellement à en remplir les conditions y stipulées à partir du 27 avril

1992, date à laquelle [elle] a assumé la responsabilité de ses relations
internationales». (Il s’agit d’une liste de traités jointe en annexe auxquels
la République socialiste fédérative de Yougoslavie était partie.)

Il était, à mon avis, du devoir de la Cour de procéder à ce constat pour
lever toute ambiguïté quant à l’application de la jurisprudence Mavrom-
matis, dans la présente affaire, comme base de compétence. On peut
regretter qu’elle ne l’ait pas fait, probablement par excès de prudence. Or,

celle-ci n’était pas justifiée, en l’occurrence, dans la mesure où la Cour
statue avec la force relative de la chose jugée, ne valant ainsi que dans les
relations entre les deux Parties. Il en découle, finalement, que le raison-
nement sur ce point est lacunaire et donc insatisfaisant, ce qui est suscep-
tible d’affaiblir les conclusions finales de la Cour, qui sont pourtant, à

mon avis, parfaitement fondées. On s’attend de la part de l’organe judi-
ciaire principal des Nations Unies qu’il aide à clarifier les situations juri-
diques confuses, et il ne peut le faire qu’en allant au bout de la logique
inhérente au cheminement qu’il a décidé d’emprunter.

(Signé) Mohamed B ENNOUNA .

137 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL .BENNOUNA ) 545

ted an objection to the filing of an instrument of accession to the Geno-
cide Convention by the FRY on the ground that the latter was “already

bound by the Convention”. The purpose of the FRY’s accession of
6 March 2001 is consequently difficult to understand, unless it was
intended to avoid the FRY’s prior undertaking in part by excluding the
application of Article IX concerning the jurisdiction of the Court. The
fact that the FRY has not made use of such a procedure for any of its

other treaty obligations makes this explanation even more likely. It was
thus that the FRY notified the United Nations Secretary-General by a
letter dated 6 March 2001 of its intention to succeed to a number of multi-
lateral treaties of which he is the depositary, emphasizing that it “under-

takes faithfully to perform and carry out the stipulations therein con-
tained as from April 27, 1992, the date upon which the Federal Republic
of Yugoslavia assumed responsibility for its international relations” (in
reference to an appended list of treaties to which the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia was a party).

It was, in my opinion, the Court’s duty to arrive at this conclusion in
order to dispel any ambiguity as to the application of the jurisprudence
of the Mavrommatis case as a basis of jurisdiction in the present proceed-
ings. It is regrettable that it did not do so, probably out of excessive cau-

tion. Such caution was not, however, justified in the present instance,
since the res judicata of the Court’s decision is relative and therefore
applies only to relations between the two Parties. Finally, it follows from
this that the reasoning on this point is incomplete and therefore unsatis-
factory, and is likely to weaken the Court’s findings, although they are to

my mind perfectly well grounded. The principal judicial organ of the
United Nations is expected to work to clarify complex legal situations,
and it can only do so by pursuing the inherent logic of the approach it
has decided to take through to the end.

(Signed) Mohamed B ENNOUNA .

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Déclaration de M. le juge Bennouna

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