Opinion individuelle de M. le juge Keith

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118-20150203-JUD-01-03-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Ainsi que cela ressort de mon vote, je souscris aux conclusions aux -
quelles la Cour est parvenue dans son arrêt. La présente opinion ah pour
but d’exposer des raisons supplémentaires à l’appui de cellehs qu’a données
la Cour pour rejeter la demande de la Croatie et la demande reconven -

tionnelle de la Serbie. Je m’y attacherai au fait qu’aucune des Pahrties n’est
parvenue à établir l’existence de l’intention spécifiquhe, élément essentiel
du génocide, c’est-à-dire l’intention de détruire en touth ou en partie le
groupe protégé. En revanche, et bien que j’aie examiné en déhtail le dossier
de l’affaire se rapportant aux demandes des Parties relatives à l’h actus

reus et que je sois parvenu à mes conclusions sur ce point, j’estime quh’il
n’est pas nécessaire de les exposer dans la présente opinion. Lha Cour,
elle, s’est bien évidemment prononcée à cet égard ; si j’ai choisi, pour ma
part, de ne pas le faire, c’est parce que je garde à l’esprit lha sage recom -
mandation formulée par le roi Salomon il y a 3000 ans: ne pas dire tout
ce que l’on pense, ne pas écrire tout ce que l’on dit et, plus important

encore, ne pas publier tout ce que l’on a écrit.

La demande de la Croatieh: l’intention spécifihque

2. Ainsi que la Cour l’a indiqué, la Croatie a avancé que l’inthention
génocidaire pouvait être déduite de 17 critères (arrêt, par. 408), l’un
d’entre eux (le critère n o 5 dans la liste établie par la Cour) ayant été
ajouté à l’audience à la liste initiale de 16 critères fihgurant dans ses écri -

tures, liste qu’elle a répétée. Dans son mémoire, dépohsé en 2001, la Croa-
tie a affirmé que chacun de ces critères suffisait à démonhtrer l’intention
génocidaire et que, pris ensemble, ils en apportaient la preuve irréfutable
(mémoire de la Croatie (ci-après, « MC»), par. 8.16-8.17).
3. Dans sa réplique, déposée en 2010 — c’est-à-dire après que la Cour

eut rendu son arrêt de 2007 en l’affaire de la Bosnie (ci-après, « arrêt de
2007 ») —, la Croatie a cité le paragraphe suivant dudit arrêt (C.I.J.
Recueil 2007 (I), p. 196-197, par. 373), lequel est repris au paragraphe 145
du présent arrêt :

«[L]e dolus specialis, l’intention spécifique de détruire le groupe en
tout ou en partie, doit être établi en référence à des cihrconstances
précises, à moins que l’existence d’un plan général tehndant à cette fin

puisse être démontrée de manière convaincante; pour qu’une ligne de
conduite puisse être admise en tant que preuve d’une telle intentihon,
elle devrait être telle qu’elle ne puisse qu’en dénoter l’hexistence.

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7 CIJ1077.indb 355 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 179

Dans un premier temps, la Croatie n’a soulevé aucune question au shujet
de l’exigence ainsi énoncée, soutenant que les éléments dhe preuve qu’elle
avait présentés dans son mémoire, tels que complétés dans sa réplique,
« n’indiqu[ai]ent rien d’autre que l’existence d’une intentionh spécifique de

détruire cette partie de la population croate qui résidait dans lehs zones
revendiquées comme faisant partie de la Grande Serbie » (réplique de la
Croatie (ci-après, « RC»), par. 2.14). Dans sa réplique, elle a réaffirmé
que les critères qu’elle avait énumérés « conduis[aie]nt inévitablement à la
conclusion qu’il existait une politique systématique consistant àh prendre

les Croates pour cible, en vue de les éliminer des régions concernées »
(ibid., par.9.23, citant le paragraphe 8.16 du mémoire it;liques ajoutés
dans la réplique). Ce n’est qu’au second tour de plaidoiries que la Croatie
a fait valoir que la Cour devait réexaminer l’exigence qu’elle havait définie
en 2007, au motif que celle-ci était exagérément restrictive et neh reposait

sur aucun précédent (CR 2014/20, p. 19).
4. Tout comme la Cour (arrêt, par. 148), je considère que la notion de
« raisonnable» est implicitement contenue dans le prononcé de 2007. Il
convient de rappeler que cette exigence à laquelle il doit être sahtisfait pour
déduire l’intention a été énoncée alors que la Cour avhait précisé que des

allégations formulées contre un Etat comprenant des accusations d’hune
exceptionnelle gravité, telles que le génocide, devaient être éhtayées par des
éléments ayant pleine force probante, et qu’elle devait êtreh pleinement
convaincue (arrêt de 2007, par. 209 ; voir également par. 277 et 422). J’ob-
serverai à cet égard que le fait d’extraire une phrase ou un sihmple membre

de phrase d’un arrêt en l’isolant de son contexte, y compris factuel, n’est
pas sans risque.
5. A l’appui de ses 16 critères initiaux, la Croatie s’est non seulement
référée aux éléments de preuve examinés ci-après, mais a affirmé que tous
ces critères, à l’exception d’un seul (le fait de ne pas pohursuivre les auteurs

des crimes dont elle soutient qu’ils relèvent du génocide), avhaient été abo-
damment confirmés par des décisions judiciaires du TPIY dans le hcadre
de procédures engagées contre de hauts responsables serbes, décisions
auxquelles elle n’a toutefois pas renvoyé expressément. Cette affirmation,
ainsi que la liste desritères — désormais au nombre de 17 —, a été répéh -
tée à l’audience (CR 2014/12, p. 19-21, par. 26-28).

6. Bien qu’elles puissent aider à établir les faits relevant des dhisposi -
tions de l’article II de la Convention, je ne vois pas, étant donné l’absence
d’accusations de génocide et, encore moins, de condamnations, commhent
ces conclusions non spécifiées du TPIY pourraient, d’une manihère géné -
rale, contribuer à établir l’intention spécifique. A l’haudience, le Conseil de

la Croatie a ajouté ce qui suit:
« Je prie la Cour d’excuser la présentation de ces facteurs sous

forme de liste; toutefois, cette liste est importante, puisque la conclu-
sion du demandeur est simple. Bien que certains actes commis au
cours de la campagne pourraient — pris isolément — être interprétés
comme des « crimes ordinaires » ou des « excès» commis en temps de

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7 CIJ1077.indb 357 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 180

conflit, tous les facteurs sur lesquels se fonde le demandeur, pris dans
leur ensemble, démontrent immanquablement et de manière acca -
blante qu’il existait une politique systématique consistant à phrendre
des Croates pour cible en vue d’éliminer tout (ou partie de) leuhr

groupe, en tant que communauté, dans les régions concernées. Cehla
démontre très clairement l’existence de l’élément requhis, à savoir une
intention spécifique de détruire un groupe protégé, en touht ou en par -
tie, et/ou la complicité en vue de commettre, ou le manquement à
l’obligation de prévenir, pareils actes de destruction. » (CR 2014/12,

p. 21, par. 29, les italiques sont dans l’original.)
Une autre interprétation raisonnable de ces différents élémenhts, pris isolé -

ment ou ensemble, pourrait être la suivante : la politique ou l’intention
n’était pas de détruire en tout ou en partie le groupe des Croahtes, mais
d’expulser ceux -ci de la «Grande Serbie». Or, ainsi que la Cour l’a conclu
en 2007 (arrêt de 2007, par.190), et rappelé dans le présent arrêt (par.162),
l’intention de mettre en œuvre une politique de « nettoyage ethnique » et

les opérations susceptibles d’être menées à cette fin nhe peuvent, en tant
que telles, démontrer l’intention nécessaire. La Croatie ne l’ha pas contesté
(voir, par exemple, CR 2014/12, p. 15-18, par. 10-18). J’examinerai à pré -
sent chacun des critères qui ont été définis.
7. Comme cela est indiqué dans le présent arrêt (par. 420), le premier

critère — « la doctrine politique de l’expansionnisme serbe » — repose
essentiellement sur un mémorandum établi en 1986 par l’Acadéhmie serbe
des sciences et des arts (SANU) (voir MC, annexe 14) qui, selon la Croa -
tie, aurait contribué à la renaissance de l’idée d’une «h Grande Serbie»
englobant des parties de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine existantes

dans lesquelles vivaient d’importantes populations serbes. Dans son
mémoire, la Croatie affirme que Slobodan Milošević a pu « attiser et déve-
lopper le sentiment nationaliste dont le mémorandum était une exprhes -
sion» (ibid., par. 2.43-2.50, citation tirée du paragraphe 2.49). Dans son
contre-mémoire, la Serbie répond que « ni le mémorandum de la SANU,
ni les propositions de modification de frontières de la RFSY ne préhsen -

taient un caractère illégal et ne comportaient, en tout état deh cause, la
moindre indication d’une intention de détruire les Croates » (contre-
mémoire de la Serbie (ci-après, « CMS»), par. 949). Elle soutient égale -
ment que les éléments de preuve étayant le lien allégué ehntre le
mémorandum et la guerre en Croatie sont fragiles ( ibid., par. 950).

8. Le mémorandum en question se présente lui-même comme un
« []o cument de 1986, rédigé par un groupe de membres de l’Académie
des sciences et des arts de Serbie, traitant de thèmes sociaux d’ahctualité de
la Yougoslavie». Ainsi que la Cour l’a précisé, il n’a aucun statut offihciel.
Quoique la Croatie ait, semble -t-il, tenté d’établir un lien entre la décl-ra

tion d’un homme politique serbe pendant la guerre et le mémorandumh et
les propositions qui y sont formulées (RC, par. 3.34-3.40 ; CR 2014/10,
p. 48, par. 38 ; voir CR 2014/16, p. 24-28, par. 1-12), je ne vois pas com -
ment des propos tenus des années plus tard par un éminent parlemenhtaire

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7 CIJ1077.indb 359 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 181

serbe (de l’opposition) pourraient être considérés comme chonstituant une
approbation officielle. Je ne vois en outre, dans les 35 pages que compte
ce document, aucun passage où soient proposés des mesures illicitehs et,
moins encore, des actes de génocide ; la Croatie n’en a d’ailleurs signalé

aucun (voir RC, par. 3.9-3.13). Le mémorandum et les éléments de preuve
qui s’y rapportent n’étayent donc pas la thèse croate. Selonh moi, ce docu-
ment ne revêt pas, loin s’en faut, la force et le caractère offihciel de la déci-
sion sur les « Objectifs stratégiques» qui était en cause dans l’affaire de la
Bosnie, la Cour ayant estimé en 2007 que même ce document n’établihssait

pas l’intention spécifique et que les objectifs qui y étaienth énoncés pou -
vaient être atteints par le déplacement de populations et l’acqhuisition de
territoires (arrêt de2007, par. 371-372). De même, les déclarations de l’ex-
pert de la Croatie qui a exposé le « programme national serbe» ne donnent
nullement à penser que l’extermination des Croates y était exighée, ou sim -
plement envisagée (CrY 2013/8, EW2 (Biserko)).

9. Au titre de son deuxième critère, la Croatie se réfère à hdes déclara -
tions faites par des personnalités publiques, notamment dans des méhdias
sous contrôle de l’Etat. Ainsi que cela a été indiqué àh l’audience, cet argu -
ment est étayé par des passages du contre -mémoire de la Serbie, dont il
ressort que le nationalisme serbe était, avant l’année 2000, l’hidée politique

dominante et que les discours de haine abondaient dans les médias serhbes
à la fin des années 1980 et dans les années 1990 (CR 2014/5, p. 32, par. 5,
renvoyant au CMS, par. 423 et 434 ; voir également par. 420 et, de
manière plus générale concernant la Croatie, CR 2014/5, p. 32-42,
par. 4-37, et CR 2014/6, p. 57-60, par. 14-23 ; voir également le point 11
ci-après, par. 17). La Croatie a établi que les autorités serbes avaient tenu

de terribles discours de haine et que la diabolisation était extrême. L’in -
tention de détruire en tout ou en partie les groupes croates ainsi visés
n’est cependant pas la seule conclusion qui puisse raisonnablement êhtre
tirée de pareils propos ; ceux-ci peuvent également manifester l’intention
d’entraîner des déplacements massifs, ce qui s’est effectivemhent produit.
10. Troisièmement, la Croatie s’appuie sur l’attaque contre Vukovarh.

Le déséquilibre considérable des forces et des moyens en préhsence révèle,
selon elle, le véritable but de cette attaque (CR 2014/8, p. 34, par. 20). La
Croatie soutient que 1100 à 1700 Croates de Vukovar ont trouvé la mort
au cours des bombardements et que seulement 7500 des 21 500 Croates
habitant Vukovar à l’origine y sont revenus. « Pour les autres survivants,

le déplacement a été définitif » (ibid., p. 47, par. 84-85 ; CR 2014/12,
p. 11-12 ; cf.CR 2014/24, p. 43, par. 23-25). La Serbie réplique que, bien
que l’emploi de la force par les assaillants ait pu dépasser les nhécessités
d’une opération militaire normale et que de graves souffrances aienht été
infligées à la population civile (y compris serbe), « rien ne permet d’affir -
mer que l’attaque … a été menée avec l’intention [spécifique nécessaire]h»

(CMS, par. 955 ; voir également CR 2014/15, p. 22, par. 32-33). Là encore,
malgré le bien-fondé de l’argument croate relatif à l’emploi d’une force
excessive, et effectivement illicite — ce que la Serbie reconnaît dh’ailleurs
elle-même en partie et qui a été constaté par le TPIY (Le Procureur

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7 CIJ1077.indb 361 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 182

c.Mile Mrkšić, IT-95-13/1-T, chambre de première instance, jugement du
27 septembre 2007, par. 470-472) —, cela ne suffit pas en soi à établir
l’intention génocidaire.

11. Quatrièmerent, la Croatie se réfère à un enregistrement vidéo
d’Arkan du 1 novembre 1991 en tant qu’élément attestant l’intention
génocidaire des auteurs d’une attaque. Je suis d’accord avec lah Cour
(arrêt, par. 438) pour considérer que cela ne permet pas d’établir l’inthen-
tion spécifique.

12. Cinquièmement, la Croatie invoque le lien entre la JNA et certains
groupes paramilitaires serbes. Le fait qu’il ait existé une intenthion spéci -
fique de détruire en tout ou en partie le groupe protégé n’hest cependant
pas, selon moi, la seule conclusion raisonnable que l’on puisse tirerh de ces
relations, si elles étaient établies. Celles-ci pourraient tout aussi bien

démontrer l’intention d’expulser des Croates des zones attaquéhes.
13. Sixièmement, la Croatie s’appuie sur la nature et l’ampleur desh
attaques menées contre les civils croates, aspect qui a également hété souli -
gné dans le cadre de l’examen de la ligne de conduite (ibid., par. 413). Il ne
fait aucun doute, comme l’attestent les décisions du TPIY, que desh attaques

à grande échelle ont eu lieu de manière systématique (voir,h par exemple,
CR 2014/12, p. 27, par. 54). Outre l’affaire Mrkšić, le conseil a renvoyé à
l’affaireartić , dans laquelle la chambre de première instance avait conclu
à l’existence d’une entreprise criminelle commune ayant pour buht d’établir
un « territoire ethnique serbe » par l’expulsion de la population croate et

non serbe du territoire de la « SAO Krajina»/«RSK» (CR 2014/20, p. 47,
par. 8; Le Procureur c. Milan Martić, IT-95-II-T, chambre de première
instance, jugement du 12 juin 2007, par. 445-446). Cependant, là encore, le
but était de déplacer le groupe ou une grande partie de celui-ci ; cela n’éta-
blissait pas une intention de détruire le groupe en tout ou en partieh.

14. A n’en pas douter, ainsi que la Croatie le soutient en septième liheu,
les membres du groupe ethnique croate ont toujours été spécifihquement
visés par les attaques (voir, à cet égard, CR 2014/6, p. 60-62, par. 22 -29).
Toutefois, comme la Cour l’a précisé dans son arrêt de 2007 h(par.187), il
ne suffit pas d’établir que des membres du groupe ont été dhélibérément et
illicitement tués. De plus, comme la Serbie le fait valoir, dans le cas d’un

conflit armé entre deux groupes ethniques, la plupart des victimes appar -
tiennent nécessairement à l’autre groupe (CMS, par. 960).
15. Il en va de même de l’obligation de porter un « ruban blanc », qui
constitue le huitième point avancé par la Croatie. Ainsi que cela ha déjà été
indiqué, les autorités serbes ont bel et bien diabolisé les Crohates et tenu à

leur endroit de terribles discours de haine. A l’audience, la Croatie a déve -
loppé cet argument en se référant à certaines déclarations annexées à son
mémoire et à sa réplique (CR 2014/6, p. 57-58, par. 15-16). Nombre
d’entre elles soulèvent cependant certaines difficultés mentiohnnées dans
l’arrêt car elles n’ont pas été signées ou ont étéh établies par la police (arrêt,

par. 192-199). Quant aux autres déclarations, elles peuvent également h
relever d’une politique d’expulsion des Croates des différentes régions
visées.

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7 CIJ1077.indb 363 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 183

16. Les neuvième et dixième points ont trait au nombre de Croates
tués, portés disparus ou blessés, ces conséquences des actiohns de la Serbie
étant considérées comme autant d’éléments attestant l’hintention dans
laquelle lesdites actions ont été planifiées et menées. Aihnsi que la Croatie

l’a reconnu en répondant à une question qui lui était poséhe par un juge, il
n’existe pas de chiffres bien établis en ce qui concerne le nombre hdes vic -
times (MC, p. 384; RC, par. 9.7; voir CMS, par. 963-969). Cela étant,
même en retenant les chiffres de 10 000 à 12 000 morts et de 1000 dispa-
rus, cela ne représente qu’un faible pourcentage de la population croate

totale de Krajina et de Slavonie orientale. S’agissant de cette dernihère
région, le recensement de 1991 indique que plus de 400 000 Croates y
vivaient avant le conflit; par ailleurs, Tenja, un village de Krajina, où la
Croatie affirme que 37 hommes ont été tués, le recensement fait état d’une
population de 2813 Croates (MC, par. 4.20, 4.28 -4.29, et CMS,
par. 967-968). Même sur la base des chiffres fournis par la Croatie, la

totalité des personnes tuées représente donc moins de 1% de la hpopulation
totale du groupe qui aurait été pris pour cible (12 000 sur 1,7 à 1,8 mil -
lion). Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas pour moi d’hune simple ques -
tion de chiffres. De nombreux meurtres ont été commis au cours de chette
guerre, et ce, dans de terribles circonstances. Il n’en demeure pas mhoins

que les questions de proportions sont importantes aux fins d’étahblir l’in -
tention génocidaire (voir, par exemple, l’affaire Kayishema, TPIR-95-I-T,
chambre de première instance, jugement du 21 mai 1999, par. 93). Selon
moi, ces éléments ne sont donc guère utiles à la Croatie. Ilhs touchent éga-
lement à la question de l’opportunité, sur laquelle la Cour s’hest penchée
en examinant l’argument subsidiaire de la Croatie concernant l’inthention

spécifique (arrêt, par.431-440).
17. Le onzième élément est la profération d’insultes à caractère eth -
nique lors des meurtres et des actes de torture ou de viol. A l’appui de cet
argument, la Croatie s’est référée à plusieurs déclarahtions annexées à ses
écritures, dans lesquelles le sentiment anti-croate était expriméh par l’utili-
sation, à l’endroit des Croates, de l’appellation Oustachi (vohir les notes se

rapportant au CR 2014/6, p. 57-60). Même si ces déclarations sont
accueillies, elles ne font tout au plus que confirmer qu’un grand nhombre
de Serbes en position d’autorité ont tenu des discours de haine tohut à fait
déplorables. Selon moi, elles ne satisfont cependant pas au critère requis
aux fins de démontrer l’existence d’une intention génocidahire.

18. La Serbie ne conteste pas le douzième point, à savoir qu’une grande
partie de la population croate a été chassée de la RSK (CMS, phar. 975).
Cependant, ainsi que cela a déjà été rappelé, le « nettoyage ethnique » en
lui-même ne prouve pas l’intention génocidaire. A l’appui de sonh argu -
ment à cet égard, la Croatie invoque la décision rendue par le hTPIY en
l’affaire Martić (RC, par. 9.2, 9.7, 9.30 et 9.29-9.43), dans laquelle le Tri -

bunal aurait jugé qu’il y avait eu une entreprise criminelle commuhne entre
les dirigeants politiques et militaires serbes dont le but était d’h«iminer»,
par le meurtre et la déportation, la population civile croate d’enhviron un
tiers du territoire de la Croatie, afin de transformer ce territoire ehn un

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Etat ethniquement homogène dominé par les Serbes (RC, par. 9.2 ; voir
également par. 9.34). Or le Tribunal n’emploie pas le terme « éliminer»
dans les paragraphes de son arrêt cités par la Croatie ; il précise que cer -
taines attaques « suivaient généralement le même scénario, à savoir que

les Croates étaient tués ou chassés » (les italiques sont de moi), mention -
nant ensuite la violence généralisée, l’intimidation et les hatteintes à la pr-
priété privée et publique perpétrées contre la populationh croate. Tous ces
actes ont créé un climat de peur qui a rendu impossible la poursuihte de la
présence des Croates et autres populations non serbes dans ces territhoires.

«A cet égard, la Chambre a conclu que le déplacement de la populatihon
non serbe était l’objectif principal des attaques, et non un effet hsecondaire
de cellesci.» (Le Procureur c. Milan Martić, IT-95-II-T, chambre de pre -
mière instance, jugement du 12 juin 2007, par. 443.)
La Cour (arrêt, par. 424) cite le paragraphe de conclusion de cette déci-
sion, qui s’achève par la phrase suivante :

« En conséquence, la Chambre conclut au -delà de tout doute rai -
sonnable que l’objectif de l’entreprise criminelle commune était de

créer un territoire ethniquement serbe en en chassant la population
croate et non serbe, crime reproché aux chefs 10 [expulsion] et 11
[transfert forcé] de l’Acte d’accusation. » (Ibid.)

Selon moi, cette conclusion confirme tout à fait l’existence d’hune intention
générale de la Serbie de créer une « Grande Serbie », non par le meurtre
mais, avant tout, par l’expulsion. En revanche, elle n’étaye pahs l’affirma -
tion de la Croatie selon laquelle il aurait existé une intention géhnocidaire.
19. Les treizième et quatorzième critères sont le pillage et la deshtruction

systématiques de monuments culturels et religieux croates, et les enthraves
faites à cette culture et aux pratiques culturelle et religieuse de lha population
croate. Ces allégations, pour autant qu’elles soient établies (la Serbie ne
conteste pas la première: CMS, par. 978 ; au sujet de la seconde, voir cepen-
dant le paragraphe979), constituent selon moi des preuves supplémentaires
de la diabolisation et du dénigrement des Croates par les Serbes. Ellhes ne

démontrent cependant pas en elles -mêmes l’intention génocidaire. A cet
égard, la Cour rappelle que le «génocide culturel» n’a pas été inclus sur la
liste des actes punissables dressée dans la Convention, ce crime y éhtant
limité à la destruction physique et biologique (arrêt de 2007,h par. 344).
20. Le quinzième critère est celui des changements démographiques

importants, permanents et intentionnels qui auraient résulté de lah situa -
tion. J’ai déjà examiné ce point au paragraphe 18 ci-dessus.h
21. Le seizième élément est l’absence de répression des actesh génoci -
daires par la Serbie. A cela, il peut être répondu sur la base de l’article VI
de la convention sur le génocide que pareille obligation n’existe que si les
actes ont été commis sur le territoire de la Serbie, ce qui n’ehst visiblement

pas le cas en l’espèce. Force est par ailleurs de constater qu’hil s’agit là
d’un argument circulaire.
22. Outre les 16 facteurs qu’elle a énumérés dans ses écriturhes, la Croa -
tie a, à l’audience, appelé l’attention de la Cour sur le rahpport du chef de

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la sécurité de l’état-major de la défense territoriale deh Belgrade, en date
du 13 octobre 1991, qui indiquait que les hommes d’Arkan « se livr[aient]
à un génocide et à divers actes de terrorisme incontrôlés » dans la région
de Vukovar (RC, par. 9.86 ; CR 2014/6, p. 25-26, par. 43 ; CR 2014/10,

p. 15, par. 20 ; CR 2014/12, p. 34, par. 84, renvoyant à la réplique de la
Croatie, annexe 63 ; pour le point de vue de la Serbie, voir CR 2014/23,
p. 68-71, par. 17-30). Ce rapport a été porté à la connaissance du ministre
serbe délégué de la défense. La manière dont la citation a été tronquée par
la Croatie, tant dans ses écritures que dans ses plaidoiries, donne chepen -

dant une impression fortement trompeuse, puisque la phrase dans son
intégralité et les deux paragraphes suivants se lisent comme suit :
«Dans la région de Vukovar, des troupes de volontaires sous le

commandement d’Arkan et de Kum se livrent à un génocide et àh divers
actes de terrorisme incontrôlés, échappant à tout contrôlhe du com -
mandant des unités chargées des activités de combat dans cette hrégion.
Selon des informations non vérifiées, ces deux chefs nationalisthes, qui
sont des criminels internationaux notoires, volent et pillent les biens hde

citoyens croates et serbes, «remettent des récompenses» aux membres
de leurs groupes et prévoient former des « unités spéciales de défense de
la Serbie», tout cela sous l’appellation de «combat organisé».
Nous estimons qu’il s’agit d’un groupe paramilitaire très dahnge -
reux et très bien organisé qui détient un pouvoir considérabhle. Tôt ou
tard les organes gouvernementaux et les forces armées devront le

combattre. Je suggère de soulever ce problème auprès des organehs
fédéraux et des organes officiels de la République de Serbie, hde trou-
ver des solutions appropriées et de prendre des mesures pour préve -
nir toute conséquence dommageable. »

Je suis d’accord avec la Cour (arrêt, par. 438) pour considérer que ce rap-
port ne démontre en rien que les autorités serbes en question éhtaient ani-
mées de l’intention spécifique nécessaire. Le chef de la shécurité emploie le
terme de « génocide» pour qualifier les actions d’Arkan et de son groupe,

et ce, sans l’étayer.
23. Pour les raisons exposées ci-dessus, je ne suis pas d’avis que la hliste
de 17 critères établie par la Croatie ne puisse raisonnablement êhtre com -
prise que comme exprimant l’intention spécifique nécessaire, hde la part
des autorités serbes, de détruire les groupes croates visés en htout ou en

partie.
24. Je considère, comme la Cour, que l’argument subsidiaire formuléh par
la Croatie à l’audience et visant à établir l’intention shpécifique en se fondant
sur le contexte, l’existence d’une ligne de conduite et la questiohn de l’oppor
tunité doit également être rejeté (ibid., par.411-440). Ainsique je l’ai précisé
au début de la présente opinion, étant donné que la Croatie hn’est pas, selon

moi, parvenue à établir l’élément constitutif essentiel dhe l’intention spéci-
fique, je n’examinerai pas en détail les éléments de preuvhe et arguments se
rapportant à l’actus reus. Je relèverai simplement que la Serbie a concédé
que, dans certains cas, les meurtres allégués par la Croatie avaiehnt bel et

186

7 CIJ1077.indb 369 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 186

bien eu lieu et qu’ils avaient méthodiquement pris pour cible des hcivils, sur
la base de considérations ethniques (voir, par exemple, duplique de hla Ser -
bie (ci-après, «DS»), par. 392 ; CR 2014/13, p. 64-66), et que les conclu -

sions du TPIY démontrent de manière convaincante que des actes relhevant
des litt. a)et b) de l’article II de la Convention ont été commis.

La demande reconventiohnnelle de la Serbie : l’intention spécifihque

25. Ainsi que la Cour l’a indiqué (arrêt, par. 500), la Serbie affirme que
l’existence de l’intention spécifique de détruire, en touth ou en partie, le
groupe des Serbes de Krajina peut être déduite de deux élémehnts différents :
1) le procès-verbal de la réunion de Brioni tenue entre le préhsident croate,

commandant en chef de l’armée, et ses plus hauts responsables milihtaires, et
2) l’intégralité des actions menées par les autorités crhoates avant, pendant
et après l’opération Tempête. Je m’attacherai au premier hpoint afin d’étayer
et de compléter le raisonnement de la Cour (ibid., par. 501-507).
26. Le procès-verbal de la réunion de Brioni apparaît comme un

compte rendu sténographique quasi exhaustif d’une réunion qui a duré
près de deux heures (CMS, annexe 52). Les principaux passages cités par
la Serbie sont reproduits ci-après, dans l’ordre dans lequel ils apparaissent
dans le procès -verbal. Par souci de commodité, je les ai numérotés et
assortis de simples renvois aux numéros de page du document lui-mêhme.

J’y ai également ajouté certains passages cités par la Croatie, ainsi que
quelques autres qui n’ont été cités par aucune des Parties. hSelon moi, seul
un examen approfondi de ce document permet d’en tirer les conclusionsh
qui s’imposent.

1) Le président commence par rappeler la détermination des autorités
croates à mener de nouvelles opérations et leur décision de comhmencer
à lever le blocus de Bihać à partir de l’ouest. Il poursuit en ces termes :

«Cependant, la situation est désormais la suivante : les représen -
tants de l’Organisation des Nations Unies, Akashi et Stoltenberg, et
les Serbes nous ont privés de ce motif, puisque les Serbes sont en

train de retirer leurs forces du secteur de Bihać. » (P. 1; CMS,
annexe 52; DS, par. 696.)

2) Dans le passage suivant cité par la Serbie, le président déclarhe:
«Si nous devions mener d’autres opérations dans les prochains

jours, alors Bihać serait uniquement une sorte de prétexte, un objhec -
tif secondaire. Nous devons infliger une défaite totale à l’ennemi au
sud et au nord; pour que les choses soient claires, nous devons laisser
l’est de côté pour l’instant.» (P. 1 ; CMS, par. 1197 et annexe 52.)

3) La citation suivante figure quelques lignes plus loin dans le texte :

«Par conséquent, nous devrions laisser l’est totalement de côtéh et
régler la question du sud et du nord.

187

7 CIJ1077.indb 371 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 187

Comment allons -nous procéder [pour régler la question du nord et
du sud]? C’est l’objet de notre discussion d’aujourd’hui. Nous devohns
infliger aux Serbes de telles pertes que, dans les faits, ils disparaîh -
tront; autrement dit, les secteurs que nous ne prendrons pas immé -

diatement devront capituler dans les jours qui suivent. (P. 2; à
plusieurs reprises, la citation s’achève après le mot « disparaîtront»;
CMS, par. 1198, où ne figure pas non plus la première phrase ; voir
aussi le commentaire de la Croatie sur la manière de citer ce passageh ;
RC, par. 11.43, et note de bas de page 96.)

Quelques lignes après, on trouve un passage cité par la Croatie :

«Notre objectif principal n’est donc pas Bihać, mais de porter des h
coups si violents dans plusieurs directions que les forces serbes ne
pourront s’en remettre et devront capituler. » (P. 2 ; RC, par. 11.43.)

4) Puis, un peu après, le président complète comme suit son propos
introductif:

«J’ai dit à Sarinić [le ministre des affaires étrangères] qhue, par prin
cipe, nous sommes favorables aux négociations, s’ils acceptent les
conditions que j’ai fixées dans ma réponse à Akashi [le Rehprésentant

spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
auprès de l’ex-Yougoslavie et chef de la FORPRONU/ONURC], mais
qu’il ne serait pas le chef de notre délégation, si la rencontrhe a lieu.
Voilà ce que nous allons faire, il va appeler dans la journée et nhous
pourrons faire mine d’accepter les pourparlers et même désignerh nos
délégués ; mais venons-en plutôt à la question de savoir si nous allons

lancer une opération demain ou dans les prochains jours pour libérher
le secteur de la Banija jusqu’à Kordun et Lika et celui de la Dalmhatie
jusqu’à Knin et comment nous allons le faire en trois, quatre ou ahu
grand maximum huit jours. Ensuite, il ne restera plus que quelques
enclaves qui devront se rendre.» (P. ; CMS, par. 1105 ; la citation ne
comprend cependant pas le passage suivant le mot « Knin».)

5) Un peu plus tard, le président fait les observations suivantes :

«C’est bien beau que l’amiral soit censé fermer les trois portes de
sortie qu’il leur reste, mais on ne leur laisse aucune issue. Il n’hy a
aucune porte de sortie vers … (l’accès est fermé). Aucune possibilité de

retraite ou de fuite; au contraire, on les force à se battre jusqu’au bout,
ce qui suppose davantage de mobilisation et de plus grandes pertes
dans nos rangs. Nous devons donc tenir compte de cet élément [parche
que, c’est vrai, ils sont complètement démoralisés; tout comme ils ont
commencé à quitter Grahovo et Glamoč, lorsque nous les avons mihs
sous pression, ils sont maintenant déjà en train de se retirer parhtielle

ment de Knin.] Examinons, d’un point de vue militaire, la possibilité
de leur laisser une porte de sortie quelque part afin qu’ils puissehnt re-ti
rer une partie de leurs hommes… » (P. 7; CMS, par. 1200; le passage
entre crochets n’a pas été inclus; voir aussi CR2014/24, p.55, par.89.)

188

7 CIJ1077.indb 373 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 188

L’amiral Domazet, vice-amiral du HVO, dans un passage qui n’a pas
été cité par la Serbie, répond de la manière suivante :

«Monsieur le président, il y a une voie ici, deux autres là ; c’est
pourquoi, lorsque l’opération a été planifiée, nous avohns laissé cette
route située dans ce secteur. C’est le secteur de la Lika, ici se htrouvent
les Serbes, c’est aux mains des Serbes. Nous laissons une route ici

pour leur permettre de se retirer. La deuxième route leur
laisse Dvor na Uni, parce que ce n’est qu’à la fin que nous avance -
rons jusqu’à Kostajnica ; nous le ferons progressivement et les laisse -
rons partir. Nous ne fermerons pas cette voie. Il y a donc deux routes
principales. » (P.7.)

6) Un peu plus tard, le président donne son accord de principe aux vues h
exprimées et déclare ceci :

«Il manque toutefois un élément, à savoir que, dans une telle
situation, si nous lançons une offensive générale dans tout le shecteur,

cela déclenchera chez les habitants de Knin une panique plus grande
que celle ressentie à ce jour. En conséquence, nous devons disposehr
de certaines forces qui seront directement déployées en direction hde
Knin. Je vous prie, Messieurs, de ne pas oublier combien de villes et
de villages croates ont été détruits, et queKnin est encore épargnée…

Par conséquent, nous devrons régler cette question avec l’ONURCh et
cet autre problème également. S’ils contre -attaquaient depuis Knin,
nous aurions de très bonnes raisons de mener cette action et, par
conséquent, nous aurions un prétexte pour attaquer, si possible avhec
l’artillerie vous pouvez … pour les démoraliser totalement… pas

seulement … [sic]. » (P. 10 ; CMS, par. 1204, la Serbie ne cite que la
troisième phrase; CR 2014/24, par. 43.)

7) L’intervenant suivant est Gotovina : « [I]l est difficile de … tenir [les
400 fantassins qui se dirigent vers Knin]. » (P. 10 ; CR 2014/18, p. 36,
par. 147 ; CR 2014/24, p. 23, par. 43.)

La section suivante du procès-verbal citée par les Parties figure quelques
pages plus loin :

8) «Le PRÉSIDENT:
L’un de vous a -t-il une proposition ou une idée de la date à laquelle

nous pourrons lancer l’ensemble de cette opération ? Il est nécessaire
de la planifier. DOMAZET a présenté quelque chose, mais il faut h
régler les détails, quels sont les points, quels sont les axes àh partir
desquels nous devons avancer pour terrasser ensuite l’ennemi et
l’obliger à capituler. Mais comme je l’ai dit, comme nous l’havons dit,

ils doivent pouvoir fuir par ici… Parce qu’il est important que cehs
civils s’en aillent puis, l’armée les suivra et, lorsque les deux colonnes
se mettront en marche, cela aura un effet psychologique dans les
deux sens. » (P. 15 ; CR 2014/24, p. 22, par. 41.)

189

7 CIJ1077.indb 375 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 189

«Ante GOTOVINA :
De nombreux civils sont déjà en train de quitter Knin en directionh

de Banja Luka ou Belgrade. Cela signifie que, si nous maintenons
cette pression, dans quelque temps il n’y aura probablement plus
beaucoup de civils, seuls resteront ceux qui ne peuvent pas faire
autrement, ceux qui n’ont pas la possibilité de partir. (P.15.)

La Croatie a cité la déclaration suivante faite par le présidenht à peu
près au milieu de la réunion :

«Lorsque vous dites que vous allez bloquer Gračac, ne perdez pas
de vue que ce sera peut -être la panique à Gračac ; vous devrez y
entrer le plus vite possible et le signaler, et cela vaut pour tous, en h
raison de l’effet psychologique d’une telle annonce dans ces circons -
tances. La chute d’une ville produit un effet psychologique plus

important qu’un bombardement de deux jours.» (P. 18 ; RC,
par. 11.47.)
9) « Vladimir ZAGOREC :

Monsieur le président, nous devons leur ouvrir une poche. Lors -
qu’ils se mettront à fuir, ils devront bien aller quelque part et,h comme
ils ne prendront pas la direction de Knin ou de Kostajnica, nous

devrons leur offrir une porte de sortie — Dvor na Uni. » (P. 20 ;
CR 2014/18, p. 25, par. 89.)

10) «Si nous en avons les moyens, je préconise également de tout détruire
par des bombardements avant de progresser. » (P.22 ; CMS, par. 1204.)

11) «Le PRÉSIDENT:
Un tract du genre : chaos général, victoire de l’armée croate avec le

soutien de la communauté internationale, etc. Les Serbes sont déjàh en
train de battre en retraite mais nous vous demandons de ne pas le
faire, nous vous garantissons… Cela signifie que nous leur accordonhs
une porte de sortie, tout en veillant en apparence au respect des droitsh
civils, et» (P.29 ; CMS, par. 1203 ; CR 2014/18, p. 26, par. 92.)

12) «Le PRÉSIDENT:

Un instant, je vais à Genève pour cacher cela et non pour discuter.
Je n’enverrai pas un ministre mais seulement le ministre adjoint des h
affaires étrangères. Ce sera jeudi.
Je veux donc cacher le fait que nous nous préparons à intervenir lhe

lendemain. Nous pourrons donc réfuter tous les arguments selon les -
quels nous refusons de discuter et nous voulons uniquement… »
(P. 32; CMS, par. 1196.)

27. Dans son contre-mémoire, la Serbie cite les passages indiqués aux
alinéas2) et 3)ci-dessus, en soulignant la dernière phrase du second pas -
sage. Elle affirme ensuite

190

7 CIJ1077.indb 377 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 190

«Il s’ensuit clairement que l’objectif de l’opération envisaghée
n’étaitpas uniquement d’obtenir le contrôle militaire de la Krajina et
sa réintégration à la Croatie, mais d’« infliger aux Serbes de telles
pertes que, dans les faits, ils disparaîtr[aie]nt ». L’on observe, à la

lecture des procès-verbaux, qu’aucun des participants ne s’est opposé
à ce projet et que, bien au contraire, après l’intervention du hpré -
sident Tudjman, la discussion est passée aux méthodes de mise en
œuvre. » (CMS, par. 1198.)

Selon moi, cette interprétation de cette partie du procè-sverbal est tout à fait
erronée. La mention de l’est en tant qu’issue possible pour lesh populations
serbes est en effet totalement passée sous silence. De plus, il n’ehst tenu aucun

compte du passage qui suit immédiatement, dans lequel l’accent esth mis sur
la capitulation des forces serbes. Dans l’affaireGotovina, la chambre de pre -
mière instance du TPIY a ainsi rejeté l’argument du procureur selon lequhel
le passage où il est question de « faire disparaître les Serbes» désignait les
civils et non les forces militaires (par. 1990) ; selon elle, la déclaration en

question visait principalement les forces militaires serbes, et non la phopula-
tion civile. La Cour a en outre relevé dans son arrêt (par. 506) que la
chambre d’appel du TPIY n’était même pas allée aussi loinh que la chambre
de première instance. Les citations fréquentes et tronquées du passage 3),
qui s’achève par le mot « disparaîtront», sont elles aussi trompeuses. L’ex -

pression « dans les jours qui suivent», qui figure dans ce passage, trouve un
écho dans les deuxdernières lignes du passage4), que la Serbie a, là encore,
omis de citer. Certes, dans son contre-mémoire, celle-ci reconnaîth que la
Croatie s’apprêtait à ménager des portes de sortie (par. 1200, où est cité le
passage 5), mais pas dans son intégralité). Que ce soit dans cette pièhce ou

ailleurs, la Serbie ne tient toutefois aucun compte de la courte duréhe de
l’opération Tempête, tant dans sa planification, telle que celle-ci ressort du
procès-verbal de Brioni, que dans les faits. Or, pendant ces quelques jours,
200 000 Serbes ont été en mesure de fuir. Le président Tudjman avaiht insisté
à plusieurs reprises pour que cette possibilité leur soit offerte.

28. Les autres passages précités, à l’exception du passage 9), ont tous
trait à l’objectif de reprendre le territoire et d’en expulser hles Serbes —
tant civils que militaires — dès que possible. Cette nécessitéh d’agir vite est
également exprimée dans certains passages qui n’ont pas encore hété cités,
tels que le suivant :

« Le président : Combien de temps durerait cette première étape
[prendre Ljubovo et placer Udbina sous contrôle] ?
Davor Domazet : Deux ou trois jours.» (CMS, annexe 52, p. 7-8.)

29. Je relèverai également les passages où il est question d’acchroître le
sentiment de panique et de susciter une démoralisation complète, eht où il

est indiqué que la chute d’une ville a un effet psychologique plus impor -
tant qu’un bombardement de deux jours; « nous devons faire preuve
d’audace dans une situation de démoralisation générale » (ibid., p. 14; et,
plus tard, le président parle de terminer l’opération en quatreh jours (ibid.,

191

7 CIJ1077.indb 379 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 191

annexe 52, p. 24). Dans ce contexte où l’accent est mis sur la rapidité
d’action et la volonté d’expulsion — et non d’exterminatihon —, je ne
considère pas le passage concernant les munitions (10), aussi choquant
soit-il, comme étant significatif aux fins d’établir l’intenthion nécessaire.

30. Il est vrai que, comme le dit la Serbie, les différentes actions menéhes
par la Croatie, notamment pendant et après l’opération Tempête, ont
entraîné une diminution considérable de la population serbe en hCroatie.
A cet égard, les deux Parties se sont largement appuyées sur le recense -
ment de 1991, comme cela avait déjà été le cas au cours de l’insthance

ayant mené à l’arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie c. Serbie (C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 138, par. 232). Les chiffres ne semblent pas être contestés. Ils
donnent une idée des déplacements massifs qui ont eu lieu de part het
d’autre. Mais, ainsi que cela a déjà été relevé (voirh par. 6 ci-dessus), la
Cour avait jugé — et a confirmé dans le présent arrêt —h que le « net -
toyage ethnique» ne constituait pas en lui-même un génocide. Le résultat

auquel la Croatie est effectivement parvenue doit donc être considéhré
comme confirmant que l’intention était d’expulser de la zone hla majeure
partie de la population serbe, et non de la détruire en tout ou en pahrtie.
31. En bref, le procès-verbal de la réunion de Brioni démontre selon
moi:

a) que l’objectif était d’obtenir la capitulation des forces serbes;
b) que des routes d’évacuation vers des zones sous contrôle serbe hseraient
prévues à l’est;

c) que l’intention était d’expulser une partie importante de la population
serbe; et
d) que l’opération tout entière serait achevée en 3, 4 ou, touth ou plus,
8 jours.

32. Pour en revenir au paragraphe 1198 du contre -mémoire cité au
paragraphe 27 ci-dessus, je vois dans ce procès -verbal une indication de
l’objectif visé, qui était de prendre le contrôle militaire hde la Krajina, ter
ritoire après tout croate, et de la réintégrer à la Croatie,h tout en en expul-
sant une partie importante des communautés serbes locales. L’objectif

n’était pas de détruire ce groupe en tout ou en partie. En conshéquence,
selon moi, un élément essentiel de la demande reconventionnelle tehlle
qu’initialement présentée n’a pas été établi.
33. Je n’ai rien à ajouter à l’examen et au rejet, par la Cour, hde l’argu-
ment subsidiaire de la Serbie (arrêt, par. 508-514). J’en conclus donc qu’il

ne pouvait être fait droit à la demande reconventionnelle. Pour lehs raisons
indiquées plus haut, je n’examinerai pas, dans la présente opinhion, les élé -
ments de preuve et arguments relatifs à l’actus reus.

* * *

34. Le dossier de la présente espèce — comme ceux de l’affaire de la
Bosnie et des nombreuses affaires dont ont eu à connaître le TPIY et des

192

7 CIJ1077.indb 381 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 192

juridictions nationales — montre que de terribles crimes et atrocités ont
été commis dans la région de l’ex-Yougoslavie au début dehs années 1990.
Le rejet par la Cour de la demande principale de la Croatie et de la

demande reconventionnelle de la Serbie ne saurait occulter cette réalité.
Ces décisions s’expliquent par le caractère limité de la comhpétence confé-
rée à la Cour en l’espèce au titre de la convention sur le ghénocide (voir le
paragraphe 85 de l’arrêt). Le fait qu’aucune des Parties ne soit parvenueh
à démontrer, au regard de la Convention, que la Partie adverse avahit été

animée de l’intention spécifique nécessaire n’atténuhe en rien les conclu -
sions claires auxquelles la Cour est parvenue sur la base des concessionhs
faites par chacune d’elles, des décisions du TPIY et des éléhments de preuve
convaincants qui attestent qu’elles ont l’une et l’autre bel eth bien commis
de graves crimes.

35. A l’audience, l’agent de la Serbie a reconnu ce qui suit :

«Monsieur le président, le grief fondamental que nourrit le défen -
deur à l’égard des déclarations non signées et rapports de police pro -
duits par le demandeur ne signifie pas que l’Etat serbe nie la
perpétration de crimes graves au cours du conflit armé en Croatihe.
En effet, de tels crimes ont été commis à l’encontre de membres du

groupe national et ethnique croate. Et ils l’ont été par des pehrsonnes
et des groupements de souche serbe. Il va sans dire que la Serbie
condamne ces crimes, regrette leur perpétration et compatit à la shouf -
france des victimes et de leurs familles.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
[I]l n’est pas contesté que des civils et des prisonniers croates hont
été assassinés au cours du conflit. » (CR 2014/13, p. 64-65, par. 38

et 40.)
Et l’agent de la Serbie d’ajouter :

«Dans cette affaire bien connue [Ovčara], le TPIY a constaté que
194 prisonniers de guerre avaient été tués. Il s’agit du plus grhave ma-s

sacre dont les Croates aient été les victimes pendant tout le conflhit.»
(Ibid.)

36. L’agent de la Croatie a lui aussi reconnu que des crimes avaient éhté
commis contre des Serbes :

«La Croatie désire faire part à la Cour de son souhait sincère dhe se
réconcilier pleinement avec la Serbie. Nos présidents successifs, h
MM. Mesić et Josipović, ont exprimé au nom de la population croate
leur regret tout aussi sincère pour l’ensemble des crimes perpéhtrés
contre les Serbes, y compris lors de l’opération Tempête, à l’occasion
de visites officielles à Belgrade. Toutefois, la réconciliation dhoit se

fonder sur des faits historiques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .

193

7 CIJ1077.indb 383 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 193

Il est établi que des crimes isolés ont été perpétrés hau cours de

l’opération Tempête. La Croatie exprime ses profonds regrets pour
ces crimes et les souffrances infligées aux victimes lors de la libéhration
de la Croatie, dans le cadre de l’opération Tempête. Elle a mis en
place des structures afin d’indemniser les victimes et d’offrir rhépara -
tion au moyen de procédures pénales et civiles. » (CR 2014/19, p. 17,

par. 20-21.)

(Signé) Kenneth K eith.

194

7 CIJ1077.indb 385 18/04/16 08:54

Bilingual Content

178

SEPARATE OPINION OF JUDGE KEITH

1. As my votes indicate, I agree with the conclusions the Court has
reached. My purpose in preparing this opinion is to give further reasonsh
in support of those the Court gives in rejecting Croatia’s claim and Ser-
bia’s counter-claim. The issue I address is the failure of each Party to

establish the existence of the specific intent which is an essential ehlement
of genocide — the intent to destroy in whole or in part the identified pro -
tected group. Accordingly, although I have studied the detail of the
record relating to, and reached conclusions on, the claims made by each h
about the actus reus, I do not see the need to put into print my conclu -

sions on those matters. The Court does, of course, rule on them, but in h
refraining I bear in mind the wise caution given by King Solomon
3,000 years ago — not everything that a man thinks must he say ; not
everything he says must he write ; but most important not everything that
he has written must he publish.

Croatia’s Claim : The Specific Intent

2. As the Court indicates, Croatia contends that genocidal intent can
be inferred from 17 factors (Judgment, para. 408), one of which ((5) in the
Court’s list) was added at the hearing to the list included in the whrit -
ten pleadings. At the hearing it repeated its original list of 16 factors.

Each, says Croatia in its Memorial, filed in 2001, was sufficient to hdemon -
strate genocidal intent ; collectively they provide overwhelming evidence
of that intent (Memorial of Croatia (hereinafter “MC”), paras. 8.16-8.17).

3. In its Reply, filed in 2010, that is after the Court’s Bosnia Judgment

in 2007 (hereinafter the “2007 Judgment”), Croatia quoted from thhat
Judgment (I.C.J. Reports 2007 (I), pp. 196-197, para. 373) the following
passage set out in the present Judgment, paragraph 145 :

“The dolus specialis , the specific intent to destroy the group in
whole or in part, has to be convincingly shown by reference to par -
ticular circumstances, unless a general plan to that end can be con -

vincingly demonstrated to exist ; and for a pattern of conduct to be
accepted as evidence of its existence, it would have to be such that it h
could only point to the existence of such intent.”

179

7 CIJ1077.indb 354 18/04/16 08:54 178

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Ainsi que cela ressort de mon vote, je souscris aux conclusions aux -
quelles la Cour est parvenue dans son arrêt. La présente opinion ah pour
but d’exposer des raisons supplémentaires à l’appui de cellehs qu’a données
la Cour pour rejeter la demande de la Croatie et la demande reconven -

tionnelle de la Serbie. Je m’y attacherai au fait qu’aucune des Pahrties n’est
parvenue à établir l’existence de l’intention spécifiquhe, élément essentiel
du génocide, c’est-à-dire l’intention de détruire en touth ou en partie le
groupe protégé. En revanche, et bien que j’aie examiné en déhtail le dossier
de l’affaire se rapportant aux demandes des Parties relatives à l’h actus

reus et que je sois parvenu à mes conclusions sur ce point, j’estime quh’il
n’est pas nécessaire de les exposer dans la présente opinion. Lha Cour,
elle, s’est bien évidemment prononcée à cet égard ; si j’ai choisi, pour ma
part, de ne pas le faire, c’est parce que je garde à l’esprit lha sage recom -
mandation formulée par le roi Salomon il y a 3000 ans: ne pas dire tout
ce que l’on pense, ne pas écrire tout ce que l’on dit et, plus important

encore, ne pas publier tout ce que l’on a écrit.

La demande de la Croatieh: l’intention spécifihque

2. Ainsi que la Cour l’a indiqué, la Croatie a avancé que l’inthention
génocidaire pouvait être déduite de 17 critères (arrêt, par. 408), l’un
d’entre eux (le critère n o 5 dans la liste établie par la Cour) ayant été
ajouté à l’audience à la liste initiale de 16 critères fihgurant dans ses écri -

tures, liste qu’elle a répétée. Dans son mémoire, dépohsé en 2001, la Croa-
tie a affirmé que chacun de ces critères suffisait à démonhtrer l’intention
génocidaire et que, pris ensemble, ils en apportaient la preuve irréfutable
(mémoire de la Croatie (ci-après, « MC»), par. 8.16-8.17).
3. Dans sa réplique, déposée en 2010 — c’est-à-dire après que la Cour

eut rendu son arrêt de 2007 en l’affaire de la Bosnie (ci-après, « arrêt de
2007 ») —, la Croatie a cité le paragraphe suivant dudit arrêt (C.I.J.
Recueil 2007 (I), p. 196-197, par. 373), lequel est repris au paragraphe 145
du présent arrêt :

«[L]e dolus specialis, l’intention spécifique de détruire le groupe en
tout ou en partie, doit être établi en référence à des cihrconstances
précises, à moins que l’existence d’un plan général tehndant à cette fin

puisse être démontrée de manière convaincante; pour qu’une ligne de
conduite puisse être admise en tant que preuve d’une telle intentihon,
elle devrait être telle qu’elle ne puisse qu’en dénoter l’hexistence.

179

7 CIJ1077.indb 355 18/04/16 08:54 179 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

Croatia raised no questions at all about that test, and submitted that thhe
evidence it presented in the Memorial, as supplemented by the Reply,
“can only point to a specific intent to destroy that part of the Crhoat pop-

ulation of Croatia living in areas claimed as Greater Serbia” (Replyh of
Croatia (hereinafter “RC”), para. 2.14).In the Reply, it repeated its con -
tention that the listed factors “point to the inevitable conclusion that there
was a systematic policy of targeting Croats with a view to their eliminah -

tion from the regions concerned” (ibid., para. 9.23 quoting para. 8.16 of
the Memorial ; emphasis added in the Reply). It was only in the second
round of the hearing that Croatia pressed the argument that, because theh
test stated in2007 was excessively restrictive and was not based on any
precedent, the Court should reconsider it (CR 2014/20, p. 19).

4. Like the Court (Judgment, para. 148), I think that the element of
reasonableness is implicit in what the Court said in 2007. It is to be

recalled that the standard for drawing an inference was stated in the cohn-
text in which the Court had stipulated that claims against a State involhv-
ing charges of exceptional gravity, such as genocide, must be proved by h
evidence that is fully conclusive ; the Court must be fully convinced
(2007 Judgment, para. 209 ; see also paras. 277 and 422). If I may be

allowed the comment, there is a danger in reading the words of one sen -
tence or just one phrase in a judgment in isolation from its wider context,
including the factual context.

5. Croatia, in support of its initial 16 points, in addition to citing evi -

dence which is reviewed below, asserts that all but one of the points (hthe
failure to prosecute the crimes which it alleges amount to genocide) hahve
been substantially confirmed by judicial findings by the ICTY in prohceed -
ings brought against senior Serb officials. It does not however identify

those findings. That assertion, along with the list, now of 17, was repeated
at the hearing (CR 2014/12, pp. 19-21, paras. 26-28).

6. While those unspecified findings of the ICTY may help establish the h

facts falling within the paragraphs of Article II of the Convention, I do
not see, given the lack of any indictments for genocide, let alone any chon-
victions, how the findings can, as a general proposition, help establihsh the
specific intent. At the hearing, Counsel for Croatia added this :

“I am sorry to go through in a list form those factors with the
Court, but it is important because the Applicant’s submission is

straightforward. While individual acts committed in the course of the
campaign might — if considered in isolation— have been explained
as ‘common crimes’ or as ‘excesses’ committed in the course of a

180

7 CIJ1077.indb 356 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 179

Dans un premier temps, la Croatie n’a soulevé aucune question au shujet
de l’exigence ainsi énoncée, soutenant que les éléments dhe preuve qu’elle
avait présentés dans son mémoire, tels que complétés dans sa réplique,
« n’indiqu[ai]ent rien d’autre que l’existence d’une intentionh spécifique de

détruire cette partie de la population croate qui résidait dans lehs zones
revendiquées comme faisant partie de la Grande Serbie » (réplique de la
Croatie (ci-après, « RC»), par. 2.14). Dans sa réplique, elle a réaffirmé
que les critères qu’elle avait énumérés « conduis[aie]nt inévitablement à la
conclusion qu’il existait une politique systématique consistant àh prendre

les Croates pour cible, en vue de les éliminer des régions concernées »
(ibid., par.9.23, citant le paragraphe 8.16 du mémoire it;liques ajoutés
dans la réplique). Ce n’est qu’au second tour de plaidoiries que la Croatie
a fait valoir que la Cour devait réexaminer l’exigence qu’elle havait définie
en 2007, au motif que celle-ci était exagérément restrictive et neh reposait

sur aucun précédent (CR 2014/20, p. 19).
4. Tout comme la Cour (arrêt, par. 148), je considère que la notion de
« raisonnable» est implicitement contenue dans le prononcé de 2007. Il
convient de rappeler que cette exigence à laquelle il doit être sahtisfait pour
déduire l’intention a été énoncée alors que la Cour avhait précisé que des

allégations formulées contre un Etat comprenant des accusations d’hune
exceptionnelle gravité, telles que le génocide, devaient être éhtayées par des
éléments ayant pleine force probante, et qu’elle devait êtreh pleinement
convaincue (arrêt de 2007, par. 209 ; voir également par. 277 et 422). J’ob-
serverai à cet égard que le fait d’extraire une phrase ou un sihmple membre

de phrase d’un arrêt en l’isolant de son contexte, y compris factuel, n’est
pas sans risque.
5. A l’appui de ses 16 critères initiaux, la Croatie s’est non seulement
référée aux éléments de preuve examinés ci-après, mais a affirmé que tous
ces critères, à l’exception d’un seul (le fait de ne pas pohursuivre les auteurs

des crimes dont elle soutient qu’ils relèvent du génocide), avhaient été abo-
damment confirmés par des décisions judiciaires du TPIY dans le hcadre
de procédures engagées contre de hauts responsables serbes, décisions
auxquelles elle n’a toutefois pas renvoyé expressément. Cette affirmation,
ainsi que la liste desritères — désormais au nombre de 17 —, a été répéh -
tée à l’audience (CR 2014/12, p. 19-21, par. 26-28).

6. Bien qu’elles puissent aider à établir les faits relevant des dhisposi -
tions de l’article II de la Convention, je ne vois pas, étant donné l’absence
d’accusations de génocide et, encore moins, de condamnations, commhent
ces conclusions non spécifiées du TPIY pourraient, d’une manihère géné -
rale, contribuer à établir l’intention spécifique. A l’haudience, le Conseil de

la Croatie a ajouté ce qui suit:
« Je prie la Cour d’excuser la présentation de ces facteurs sous

forme de liste; toutefois, cette liste est importante, puisque la conclu-
sion du demandeur est simple. Bien que certains actes commis au
cours de la campagne pourraient — pris isolément — être interprétés
comme des « crimes ordinaires » ou des « excès» commis en temps de

180

7 CIJ1077.indb 357 18/04/16 08:54 180 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

conflict, all of the factors relied on by the Applicant,taken together,
point to the inevitable, overwhelming conclusion that there was a
systematic policy of targeting Croats with a view to the elimination

of groups of Croats (or parts of groups) as a community within the
regions concerned. This establishes quite clearly the required element
of a specific intent to destroy a protected group in whole or in part h
and/or complicity to commit, or failure to prevent, such destructive

acts.” (CR 2014/12, p. 21, para. 29, original emphasis.)

An alternative reasonable explanation of the points, individually or colh -
lectively, may also be available : the policy or intent was not to destroy in
whole or in part the particular Croatian group but rather was to expel
them from the proposed “Greater Serbia”. As the Court ruled in 2007

(2007 Judgment, para. 190) and recalls in today’s Judgment (para. 162),
the intent to engage in the policy of “ethnic cleansing” and the ohperations
carried out to implement it cannot as such demonstrate the necessary
intent, a proposition which Croatia did not challenge (e.g., CR 2014/12,
pp. 15-18, paras. 10-18). I now turn to consider each of the factors.

7. As the Judgment notes (para. 420), the first factor — “the political
doctrine of Serb expansionism” — is essentially based on the SANU (Ser-
bian Academy of Science and Arts) Memorandum of 1986 (Memorial of
Croatia, Ann. 14) which Croatia claims contributed to the rebirth of the

idea of a “Greater Serbia” encompassing parts of the existing Croatia and
Bosnia and Herzegovina in which significant Serbian and ethnic popula -
tions lived. Slobodan Milošević, the Memorial asserts, was able to “har -
ness and develop further the nationalist sentiments of which the
Memorandum was an expression” ( ibid., paras. 2.43-2.50; the quote is

from paragraph 2.49). In its Counter -Memorial, Serbia responds that
“neither the SANU Memorandum nor the proposal for border change in
the SFRY contained anything illegal, and that in any case they did not
contain even an indication of the intent to destroy the Croats” (Couhnter-

Memorial of Serbia (hereinafter “CMS”), para. 949). It also points to
what it sees as the frailty of the evidence supporting the alleged link h
between the Memorandum and the war in Croatia (ibid., para. 950).

8. The Memorandum describes itself as “a 1986 paper by a group of

members of the Serbian Academy of Science and Arts on topical social
issues of Yugoslavia”. As the Court says, the Memorandum has no offih -
cial status. While Croatia appeared to seek to link a statement of a Serh -
bian politician, made during the war, to the Memorandum and its pro -
posals (Reply of Croatia, paras. 3.34-3.40; CR 2014/10, p. 48, para. 38;

cf. CR 2014/16, pp. 24-28, paras. 1-12), I do not see comments made
years later by a prominent Serbian (Opposition) parliamentarian as
giving it any official endorsement. Nothing in its 35 pages proposes illegal

181

7 CIJ1077.indb 358 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 180

conflit, tous les facteurs sur lesquels se fonde le demandeur, pris dans
leur ensemble, démontrent immanquablement et de manière acca -
blante qu’il existait une politique systématique consistant à phrendre
des Croates pour cible en vue d’éliminer tout (ou partie de) leuhr

groupe, en tant que communauté, dans les régions concernées. Cehla
démontre très clairement l’existence de l’élément requhis, à savoir une
intention spécifique de détruire un groupe protégé, en touht ou en par -
tie, et/ou la complicité en vue de commettre, ou le manquement à
l’obligation de prévenir, pareils actes de destruction. » (CR 2014/12,

p. 21, par. 29, les italiques sont dans l’original.)
Une autre interprétation raisonnable de ces différents élémenhts, pris isolé -

ment ou ensemble, pourrait être la suivante : la politique ou l’intention
n’était pas de détruire en tout ou en partie le groupe des Croahtes, mais
d’expulser ceux -ci de la «Grande Serbie». Or, ainsi que la Cour l’a conclu
en 2007 (arrêt de 2007, par.190), et rappelé dans le présent arrêt (par.162),
l’intention de mettre en œuvre une politique de « nettoyage ethnique » et

les opérations susceptibles d’être menées à cette fin nhe peuvent, en tant
que telles, démontrer l’intention nécessaire. La Croatie ne l’ha pas contesté
(voir, par exemple, CR 2014/12, p. 15-18, par. 10-18). J’examinerai à pré -
sent chacun des critères qui ont été définis.
7. Comme cela est indiqué dans le présent arrêt (par. 420), le premier

critère — « la doctrine politique de l’expansionnisme serbe » — repose
essentiellement sur un mémorandum établi en 1986 par l’Acadéhmie serbe
des sciences et des arts (SANU) (voir MC, annexe 14) qui, selon la Croa -
tie, aurait contribué à la renaissance de l’idée d’une «h Grande Serbie»
englobant des parties de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine existantes

dans lesquelles vivaient d’importantes populations serbes. Dans son
mémoire, la Croatie affirme que Slobodan Milošević a pu « attiser et déve-
lopper le sentiment nationaliste dont le mémorandum était une exprhes -
sion» (ibid., par. 2.43-2.50, citation tirée du paragraphe 2.49). Dans son
contre-mémoire, la Serbie répond que « ni le mémorandum de la SANU,
ni les propositions de modification de frontières de la RFSY ne préhsen -

taient un caractère illégal et ne comportaient, en tout état deh cause, la
moindre indication d’une intention de détruire les Croates » (contre-
mémoire de la Serbie (ci-après, « CMS»), par. 949). Elle soutient égale -
ment que les éléments de preuve étayant le lien allégué ehntre le
mémorandum et la guerre en Croatie sont fragiles ( ibid., par. 950).

8. Le mémorandum en question se présente lui-même comme un
« []o cument de 1986, rédigé par un groupe de membres de l’Académie
des sciences et des arts de Serbie, traitant de thèmes sociaux d’ahctualité de
la Yougoslavie». Ainsi que la Cour l’a précisé, il n’a aucun statut offihciel.
Quoique la Croatie ait, semble -t-il, tenté d’établir un lien entre la décl-ra

tion d’un homme politique serbe pendant la guerre et le mémorandumh et
les propositions qui y sont formulées (RC, par. 3.34-3.40 ; CR 2014/10,
p. 48, par. 38 ; voir CR 2014/16, p. 24-28, par. 1-12), je ne vois pas com -
ment des propos tenus des années plus tard par un éminent parlemenhtaire

181

7 CIJ1077.indb 359 18/04/16 08:54 181 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

action, let alone genocidal acts, and Croatia does not point to any (sehe
RC, paras. 3.9-3.13). The Memorandum and the related evidence do not
support the Croatian contention. It does not, on my reading, have any -
thing like the force and official character that the “Strategic Goals” Deci-

sion at issue in the Bosnia case had, and even that document, the Court
ruled in 2007, did not establish the specific intent. Rather, the objehctives
of that decision were capable of being achieved by the displacement of
population and the acquisition of territory (2007 Judgment,
paras. 371-372). As well, the position taken by the expert called by Croa -

tia who gave an account of the “Serbian national programme” contaihned
no indication that the programme required or even envisaged the extermi-
nation of the Croats (CrY 2013/8, EW2 (Biserko)).

9. The second factor Croatia refers to is statements of public officials, h
including those made in State-controlled media. As developed at the hear-
ings, this submission is supported by statements by Serbia in its Countehr -
Memorial that before 2000 Serbian nationalism was the leading political
idea and that hate speech was abundant in the Serbian media at the end

of the 1980s and during the 1990s (CR 2014/5, p. 32, para. 5 referring
to CMS, paras. 423 and 434 ; see also para. 420 ; and more generally
for Croatia CR 2014/5, pp. 32-42, paras. 4-37 and CR 2014/6, pp. 57-60,
paras. 14-23 ; see also point 11 below, para. 17). Croatia has established
that Serbian authorities engaged in dreadful hate speech. The demoniza -
tion was extreme. An intention to destroy the relevant Croat groups in

whole or in part is not the only reasonable inference to be drawn from
such actions ; rather they may manifest an intention to cause massive
expulsions, as in fact happened.

10. Croatia, thirdly, refers to the attack on Vukovar. The colossal mis -

match in troop numbers and capabilities reveals, it says, the true purpohse
of the attack on Vukovar (CR 2014/8, p. 34, para. 20). It contends that
around 1,100-1,700 Vukovar Croats probably died during the shelling,
and that only 7,500 of the original 21,500 Croat population of Vukovar
returned. “For the others who survived, their displacement was perma -

nent” (ibid., p. 47, paras. 84-85; CR 2014/12, pp. 11-12; cf. CR 2014/24,
p. 43, paras. 23-25). Serbia responds that while the use of force by the
attacking forces may have exceeded the needs of a normal military
operation and while it caused grave suffering to the civilian population h
(including Serbs), “there is nothing to suggest that the attack wash carried
out with the [necessary specific] intent” (CMS, para. 955 ; see

also CR 2014/15, p. 22, paras. 32-33). Again, while there is real force
in the Croatian contention about the use of excessive, indeed unlawful,
force, as Serbia in part recognizes, and as was stated by the ICTY
(Prosecutor v. Mile Mrkšić , IT -95-13/1-T, Trial Chamber Judgment,

182

7 CIJ1077.indb 360 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 181

serbe (de l’opposition) pourraient être considérés comme chonstituant une
approbation officielle. Je ne vois en outre, dans les 35 pages que compte
ce document, aucun passage où soient proposés des mesures illicitehs et,
moins encore, des actes de génocide ; la Croatie n’en a d’ailleurs signalé

aucun (voir RC, par. 3.9-3.13). Le mémorandum et les éléments de preuve
qui s’y rapportent n’étayent donc pas la thèse croate. Selonh moi, ce docu-
ment ne revêt pas, loin s’en faut, la force et le caractère offihciel de la déci-
sion sur les « Objectifs stratégiques» qui était en cause dans l’affaire de la
Bosnie, la Cour ayant estimé en 2007 que même ce document n’établihssait

pas l’intention spécifique et que les objectifs qui y étaienth énoncés pou -
vaient être atteints par le déplacement de populations et l’acqhuisition de
territoires (arrêt de2007, par. 371-372). De même, les déclarations de l’ex-
pert de la Croatie qui a exposé le « programme national serbe» ne donnent
nullement à penser que l’extermination des Croates y était exighée, ou sim -
plement envisagée (CrY 2013/8, EW2 (Biserko)).

9. Au titre de son deuxième critère, la Croatie se réfère à hdes déclara -
tions faites par des personnalités publiques, notamment dans des méhdias
sous contrôle de l’Etat. Ainsi que cela a été indiqué àh l’audience, cet argu -
ment est étayé par des passages du contre -mémoire de la Serbie, dont il
ressort que le nationalisme serbe était, avant l’année 2000, l’hidée politique

dominante et que les discours de haine abondaient dans les médias serhbes
à la fin des années 1980 et dans les années 1990 (CR 2014/5, p. 32, par. 5,
renvoyant au CMS, par. 423 et 434 ; voir également par. 420 et, de
manière plus générale concernant la Croatie, CR 2014/5, p. 32-42,
par. 4-37, et CR 2014/6, p. 57-60, par. 14-23 ; voir également le point 11
ci-après, par. 17). La Croatie a établi que les autorités serbes avaient tenu

de terribles discours de haine et que la diabolisation était extrême. L’in -
tention de détruire en tout ou en partie les groupes croates ainsi visés
n’est cependant pas la seule conclusion qui puisse raisonnablement êhtre
tirée de pareils propos ; ceux-ci peuvent également manifester l’intention
d’entraîner des déplacements massifs, ce qui s’est effectivemhent produit.
10. Troisièmement, la Croatie s’appuie sur l’attaque contre Vukovarh.

Le déséquilibre considérable des forces et des moyens en préhsence révèle,
selon elle, le véritable but de cette attaque (CR 2014/8, p. 34, par. 20). La
Croatie soutient que 1100 à 1700 Croates de Vukovar ont trouvé la mort
au cours des bombardements et que seulement 7500 des 21 500 Croates
habitant Vukovar à l’origine y sont revenus. « Pour les autres survivants,

le déplacement a été définitif » (ibid., p. 47, par. 84-85 ; CR 2014/12,
p. 11-12 ; cf.CR 2014/24, p. 43, par. 23-25). La Serbie réplique que, bien
que l’emploi de la force par les assaillants ait pu dépasser les nhécessités
d’une opération militaire normale et que de graves souffrances aienht été
infligées à la population civile (y compris serbe), « rien ne permet d’affir -
mer que l’attaque … a été menée avec l’intention [spécifique nécessaire]h»

(CMS, par. 955 ; voir également CR 2014/15, p. 22, par. 32-33). Là encore,
malgré le bien-fondé de l’argument croate relatif à l’emploi d’une force
excessive, et effectivement illicite — ce que la Serbie reconnaît dh’ailleurs
elle-même en partie et qui a été constaté par le TPIY (Le Procureur

182

7 CIJ1077.indb 361 18/04/16 08:54 182 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

27 September 2007, paras. 470-472), that does not, in itself, establish
genocidal intent.

11. Fourth, Croatia relies on a videotape of Arkan on 1 Novem-
ber 1991 as evidence of genocidal intent of those carrying out an attack.
I agree with the Court (Judgment, para. 438) that this act does not help
establish the specific intent.

12. Fifth, Croatia invokes the link between the JNA and certain Serb
paramilitary units. But, I do not see any basis at all for finding in hthese
relationships, if established, support for the only reasonable inferenceh
being that the specific intent to destroy in whole or in part the prothected
group existed. The link could, to the contrary, demonstrate an intent toh

expel Croats from the areas under attack.
13. Sixth, Croatia depends on the nature and scale of the attacks on
Croatian civilians, a matter also emphasized in the discussion of the paht -
tern of behaviour (ibid., para.413). No doubt, as ICTY decisions demon-
strate, widespread and systematic attacks did occur (see e.g., CR 2014/12,

p. 27, para. 54). In addition to Mrkšić, Counsel referred to Martić in
which the Trial Chamber found the existence of a joint criminal enter -
prise with the purpose of establishing an “ethnically Serb territory”h
through the removal of Croatian and non -Serb population from the terri-
tory of the “SAO Krajina”/“RSK” (CR 2014/20, pp. 47, para. 8; Prosecu‑

tor v.Milan Martić, IT-95-11-T, Trial Chamber Judgment, 12 June 2007,
paras. 445-446). But again, the purpose was to remove the group or a
large part of it, not an intent to destroy the group in whole or in parth.

14. No doubt, as Croatia contends for its seventh point, ethnic Croats
were consistently singled out for attack (see the references in CR 2014/6,
pp. 60-62, paras. 22-29). But, as the Court said in 2007, it is not enough
to establish that members of the group had been deliberately and unlaw -
fully killed (2007 Judgment, para. 187). And, as Serbia submits, in the
circumstances of an armed conflict between two ethnic groups most of thhe

victims are going to be from the other group (CMS, para. 960).

15. The “white ribbon” requirement, Croatia’s eighth point, is to bhe
seen in the same light. To repeat, the Serbian authorities demonized Croh-
atians and engaged in dreadful hate speech. At the oral stage, Croatia

developed the argument by referring to certain statements annexed to itsh
Memorial and Reply (CR 2014/6, pp. 57-58, paras. 15-16). Many are sub-
ject to the questions raised in the Judgment about unsigned statements ohr
statements prepared by the police (Judgment, paras. 192-199). Those
which are not subject to those questions remain but they too are consis -

tent with the policy of driving the Croatians out of the various regionsh.

183

7 CIJ1077.indb 362 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 182

c.Mile Mrkšić, IT-95-13/1-T, chambre de première instance, jugement du
27 septembre 2007, par. 470-472) —, cela ne suffit pas en soi à établir
l’intention génocidaire.

11. Quatrièmerent, la Croatie se réfère à un enregistrement vidéo
d’Arkan du 1 novembre 1991 en tant qu’élément attestant l’intention
génocidaire des auteurs d’une attaque. Je suis d’accord avec lah Cour
(arrêt, par. 438) pour considérer que cela ne permet pas d’établir l’inthen-
tion spécifique.

12. Cinquièmement, la Croatie invoque le lien entre la JNA et certains
groupes paramilitaires serbes. Le fait qu’il ait existé une intenthion spéci -
fique de détruire en tout ou en partie le groupe protégé n’hest cependant
pas, selon moi, la seule conclusion raisonnable que l’on puisse tirerh de ces
relations, si elles étaient établies. Celles-ci pourraient tout aussi bien

démontrer l’intention d’expulser des Croates des zones attaquéhes.
13. Sixièmement, la Croatie s’appuie sur la nature et l’ampleur desh
attaques menées contre les civils croates, aspect qui a également hété souli -
gné dans le cadre de l’examen de la ligne de conduite (ibid., par. 413). Il ne
fait aucun doute, comme l’attestent les décisions du TPIY, que desh attaques

à grande échelle ont eu lieu de manière systématique (voir,h par exemple,
CR 2014/12, p. 27, par. 54). Outre l’affaire Mrkšić, le conseil a renvoyé à
l’affaireartić , dans laquelle la chambre de première instance avait conclu
à l’existence d’une entreprise criminelle commune ayant pour buht d’établir
un « territoire ethnique serbe » par l’expulsion de la population croate et

non serbe du territoire de la « SAO Krajina»/«RSK» (CR 2014/20, p. 47,
par. 8; Le Procureur c. Milan Martić, IT-95-II-T, chambre de première
instance, jugement du 12 juin 2007, par. 445-446). Cependant, là encore, le
but était de déplacer le groupe ou une grande partie de celui-ci ; cela n’éta-
blissait pas une intention de détruire le groupe en tout ou en partieh.

14. A n’en pas douter, ainsi que la Croatie le soutient en septième liheu,
les membres du groupe ethnique croate ont toujours été spécifihquement
visés par les attaques (voir, à cet égard, CR 2014/6, p. 60-62, par. 22 -29).
Toutefois, comme la Cour l’a précisé dans son arrêt de 2007 h(par.187), il
ne suffit pas d’établir que des membres du groupe ont été dhélibérément et
illicitement tués. De plus, comme la Serbie le fait valoir, dans le cas d’un

conflit armé entre deux groupes ethniques, la plupart des victimes appar -
tiennent nécessairement à l’autre groupe (CMS, par. 960).
15. Il en va de même de l’obligation de porter un « ruban blanc », qui
constitue le huitième point avancé par la Croatie. Ainsi que cela ha déjà été
indiqué, les autorités serbes ont bel et bien diabolisé les Crohates et tenu à

leur endroit de terribles discours de haine. A l’audience, la Croatie a déve -
loppé cet argument en se référant à certaines déclarations annexées à son
mémoire et à sa réplique (CR 2014/6, p. 57-58, par. 15-16). Nombre
d’entre elles soulèvent cependant certaines difficultés mentiohnnées dans
l’arrêt car elles n’ont pas été signées ou ont étéh établies par la police (arrêt,

par. 192-199). Quant aux autres déclarations, elles peuvent également h
relever d’une politique d’expulsion des Croates des différentes régions
visées.

183

7 CIJ1077.indb 363 18/04/16 08:54 183 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

16. The ninth and tenth points are about the numbers of Croats killed,
missing or injured, the consequences of Serbian action being seen as evih-
dence of the intention with which the actions were planned and carried

out. As Croatia acknowledged in an answer to a question from a judge,
no established figure for the number of deaths exists (MC, p. 384;
RC, para. 9.7 ; cf. CMS, paras. 963-969). But, even if its figures of
10,000-12,000 dead and 1,000 missing are accepted, that is a small pro -
portion of the total Croatian population of Krajina and Eastern Slavo -

nia. In respect of the latter, the 1991 census showed that over
400,000 Croats lived there before the conflict, and in one village, Tenja, in h
Krajina, where Croatia claimed 37 men were killed, the census records
2,813 Croatians as living there (MC, paras. 4.20, 4.28-4.29 and CMS,
paras. 967-968). Even on Croatia’s figures the total killed appears to be

less than one per cent of the total population of the allegedly targeted
group (12,000 out of 1.7 to 1.8 million). I emphasize that this is not for
me a matter simply of calculation. Many illegal killings occurred in thihs
war and in dreadful ways. But the proportions are significant for estahb -
lishing genocidal intent (e.g., Kayishema, ICTR-95-I-T, Trial Cham-

ber Judgment, 21 May 1999, para. 93). I do not consider these factors
assist Croatia’s case. They also go to the issue of opportunity whichh the
Court considers when addressing the alternative way in which Croatia
presented its argument on specific intent (Judgment, paras. 431-440).

17. The eleventh element is the use of ethnically derogatory language

during acts of killing, torture and rape. Croatia supported this elementh by
referring to several of the statements annexed to its pleadings, with
anti-Croat sentiment being indicated by those making the statements
being labelled as Ustashas (see notes to CR 2014/6, pp. 57-60). Even if
those statements are accepted, they do no more than confirm that many h
Serbs with authority engaged in hate speech of a deplorable kind. I do

not see them as evidencing genocidal intent at the standard required.

18. Serbia does not contest the twelfth matter — that a large part of
the Croatian population was displaced from RSK (CMS, para. 975). But,

to repeat, “ethnic cleansing” in itself does not show genocidal inhtent. In
support of its argument under this head, Croatia invoked the Martić deci-
sion of the ICTY (RC, paras. 9.2, 9.7, 9.30 and 9.29 -9.43) which, it
claimed, decided that there was a joint criminal enterprise (JCE) amonhg
the Serb political and military leadership, the purpose of which was to h

“eradicate”, by killing and removing, the Croat civilian populatiohn from
about one-third of the territory of Croatia in order to transform that ther -
ritory into an ethnically homogenous Serb-dominated State (ibid.,

184

7 CIJ1077.indb 364 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 183

16. Les neuvième et dixième points ont trait au nombre de Croates
tués, portés disparus ou blessés, ces conséquences des actiohns de la Serbie
étant considérées comme autant d’éléments attestant l’hintention dans
laquelle lesdites actions ont été planifiées et menées. Aihnsi que la Croatie

l’a reconnu en répondant à une question qui lui était poséhe par un juge, il
n’existe pas de chiffres bien établis en ce qui concerne le nombre hdes vic -
times (MC, p. 384; RC, par. 9.7; voir CMS, par. 963-969). Cela étant,
même en retenant les chiffres de 10 000 à 12 000 morts et de 1000 dispa-
rus, cela ne représente qu’un faible pourcentage de la population croate

totale de Krajina et de Slavonie orientale. S’agissant de cette dernihère
région, le recensement de 1991 indique que plus de 400 000 Croates y
vivaient avant le conflit; par ailleurs, Tenja, un village de Krajina, où la
Croatie affirme que 37 hommes ont été tués, le recensement fait état d’une
population de 2813 Croates (MC, par. 4.20, 4.28 -4.29, et CMS,
par. 967-968). Même sur la base des chiffres fournis par la Croatie, la

totalité des personnes tuées représente donc moins de 1% de la hpopulation
totale du groupe qui aurait été pris pour cible (12 000 sur 1,7 à 1,8 mil -
lion). Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas pour moi d’hune simple ques -
tion de chiffres. De nombreux meurtres ont été commis au cours de chette
guerre, et ce, dans de terribles circonstances. Il n’en demeure pas mhoins

que les questions de proportions sont importantes aux fins d’étahblir l’in -
tention génocidaire (voir, par exemple, l’affaire Kayishema, TPIR-95-I-T,
chambre de première instance, jugement du 21 mai 1999, par. 93). Selon
moi, ces éléments ne sont donc guère utiles à la Croatie. Ilhs touchent éga-
lement à la question de l’opportunité, sur laquelle la Cour s’hest penchée
en examinant l’argument subsidiaire de la Croatie concernant l’inthention

spécifique (arrêt, par.431-440).
17. Le onzième élément est la profération d’insultes à caractère eth -
nique lors des meurtres et des actes de torture ou de viol. A l’appui de cet
argument, la Croatie s’est référée à plusieurs déclarahtions annexées à ses
écritures, dans lesquelles le sentiment anti-croate était expriméh par l’utili-
sation, à l’endroit des Croates, de l’appellation Oustachi (vohir les notes se

rapportant au CR 2014/6, p. 57-60). Même si ces déclarations sont
accueillies, elles ne font tout au plus que confirmer qu’un grand nhombre
de Serbes en position d’autorité ont tenu des discours de haine tohut à fait
déplorables. Selon moi, elles ne satisfont cependant pas au critère requis
aux fins de démontrer l’existence d’une intention génocidahire.

18. La Serbie ne conteste pas le douzième point, à savoir qu’une grande
partie de la population croate a été chassée de la RSK (CMS, phar. 975).
Cependant, ainsi que cela a déjà été rappelé, le « nettoyage ethnique » en
lui-même ne prouve pas l’intention génocidaire. A l’appui de sonh argu -
ment à cet égard, la Croatie invoque la décision rendue par le hTPIY en
l’affaire Martić (RC, par. 9.2, 9.7, 9.30 et 9.29-9.43), dans laquelle le Tri -

bunal aurait jugé qu’il y avait eu une entreprise criminelle commuhne entre
les dirigeants politiques et militaires serbes dont le but était d’h«iminer»,
par le meurtre et la déportation, la population civile croate d’enhviron un
tiers du territoire de la Croatie, afin de transformer ce territoire ehn un

184

7 CIJ1077.indb 365 18/04/16 08:54 184 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

para. 9.2 ; see also para.9.34). The Tribunal does not use the word “erad -
icate” in the critical paragraphs of its Judgment which Croatia citesh.
Rather, it recalls that certain attacks “followed a generally similarh pattern

which involved the killing and removal of the Croat population” (empha -
sis added). It then referred to widespread violence, intimidation, and h
crimes against private and public property perpetrated against the Croath
population. All of these actions created an atmosphere of fear in which h
the further presence of Croats and other non -Serbs in these territories was

made impossible. “In this respect the Trial Chamber has concluded thaht
the displacement of its non -Serb population was not a mere side -effect
but rather a primary objective of the attacks” (Prosecutorv. Milan Martić,
IT-95-11-T, Trial Chamber Judgment, 12 June 2007, para. 443).

The Court (Judgment, para. 424) quotes the concluding paragraph
which ends with this sentence :

“The Trial Chamber therefore finds beyond reasonable doubt that
the common purpose of the JCE was the establishment of an ethni -
cally Serb territory through the displacement of the Croat and other
non -Serb population, as charged in Counts 10 [deportation] and 11
[forcible transfer].” (Ibid.)

This finding, as I read it, is fully consistent with an overall Serbian inten -
tion to create a “Greater Serbia” not by killings but primarily by expul -

sions. It does not support Croatia’s claim of the existence of genocihdal
intent.
19. The thirteenth and fourteenth factors are the systematic looting
and destruction of Croatian cultural and religious monuments and the
suppression of that culture and those practices among the remaining pop -

ulation. These allegations, to the extent that they are established (Sehrbia
does not contest the first, CMS, para. 978, but on the second, see para -
graph 979) are for me further evidence of the Serb demonization and
denigration of the Croats. They do not by themselves evidence genocidal h
intent. In this context, the Court recalls that “cultural genocide”h was not
included in the list of punishable acts in the Convention which limited h

genocide to physical or biological destruction (2007 Judgment, para. 344).

20. The fifteenth matter is the alleged consequent, permanent and
intended demographic changes. I have already dealt with this (para. 18
supra).

21. The sixteenth factor is Serbia’s alleged failure to prosecute geno -
cidal acts. An answer based on Article VI of the Genocide Convention is
that there is such an obligation only if the acts were committed on Ser -
bia’s territory which does not appear to be the case here. The contenhtion
is also of course a circular one.

22. In addition to the 16 factors which it listed in its written pleadings, h
Croatia at the hearings also emphasized a report of the Chief of Securithy

185

7 CIJ1077.indb 366 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 184

Etat ethniquement homogène dominé par les Serbes (RC, par. 9.2 ; voir
également par. 9.34). Or le Tribunal n’emploie pas le terme « éliminer»
dans les paragraphes de son arrêt cités par la Croatie ; il précise que cer -
taines attaques « suivaient généralement le même scénario, à savoir que

les Croates étaient tués ou chassés » (les italiques sont de moi), mention -
nant ensuite la violence généralisée, l’intimidation et les hatteintes à la pr-
priété privée et publique perpétrées contre la populationh croate. Tous ces
actes ont créé un climat de peur qui a rendu impossible la poursuihte de la
présence des Croates et autres populations non serbes dans ces territhoires.

«A cet égard, la Chambre a conclu que le déplacement de la populatihon
non serbe était l’objectif principal des attaques, et non un effet hsecondaire
de cellesci.» (Le Procureur c. Milan Martić, IT-95-II-T, chambre de pre -
mière instance, jugement du 12 juin 2007, par. 443.)
La Cour (arrêt, par. 424) cite le paragraphe de conclusion de cette déci-
sion, qui s’achève par la phrase suivante :

« En conséquence, la Chambre conclut au -delà de tout doute rai -
sonnable que l’objectif de l’entreprise criminelle commune était de

créer un territoire ethniquement serbe en en chassant la population
croate et non serbe, crime reproché aux chefs 10 [expulsion] et 11
[transfert forcé] de l’Acte d’accusation. » (Ibid.)

Selon moi, cette conclusion confirme tout à fait l’existence d’hune intention
générale de la Serbie de créer une « Grande Serbie », non par le meurtre
mais, avant tout, par l’expulsion. En revanche, elle n’étaye pahs l’affirma -
tion de la Croatie selon laquelle il aurait existé une intention géhnocidaire.
19. Les treizième et quatorzième critères sont le pillage et la deshtruction

systématiques de monuments culturels et religieux croates, et les enthraves
faites à cette culture et aux pratiques culturelle et religieuse de lha population
croate. Ces allégations, pour autant qu’elles soient établies (la Serbie ne
conteste pas la première: CMS, par. 978 ; au sujet de la seconde, voir cepen-
dant le paragraphe979), constituent selon moi des preuves supplémentaires
de la diabolisation et du dénigrement des Croates par les Serbes. Ellhes ne

démontrent cependant pas en elles -mêmes l’intention génocidaire. A cet
égard, la Cour rappelle que le «génocide culturel» n’a pas été inclus sur la
liste des actes punissables dressée dans la Convention, ce crime y éhtant
limité à la destruction physique et biologique (arrêt de 2007,h par. 344).
20. Le quinzième critère est celui des changements démographiques

importants, permanents et intentionnels qui auraient résulté de lah situa -
tion. J’ai déjà examiné ce point au paragraphe 18 ci-dessus.h
21. Le seizième élément est l’absence de répression des actesh génoci -
daires par la Serbie. A cela, il peut être répondu sur la base de l’article VI
de la convention sur le génocide que pareille obligation n’existe que si les
actes ont été commis sur le territoire de la Serbie, ce qui n’ehst visiblement

pas le cas en l’espèce. Force est par ailleurs de constater qu’hil s’agit là
d’un argument circulaire.
22. Outre les 16 facteurs qu’elle a énumérés dans ses écriturhes, la Croa -
tie a, à l’audience, appelé l’attention de la Cour sur le rahpport du chef de

185

7 CIJ1077.indb 367 18/04/16 08:54 185 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

of the Republic Territorial Defence Staff in Belgrade dated 13 Octo -
ber 1991 which stated that Arkan’s troops were “committing uncontrolled
genocide and various acts of terrorism” in the greater area of Vukovahr

(RC, para. 9.86 ; CR 2014/6, pp. 25-26, para. 43 ; CR 2014/10, p. 15,
para. 20 ; CR 2014/12, p. 34, para. 84 referring to the Reply of Croa -
tia,Ann. 63; for Serbia’s view, see CR 2014/23, pp. 68-71, paras. 17-30).
The Serbian Assistant Minister of Defence was informed of the Report.
The truncating of the quotation by Croatia, in both its written and oralh

argument, gives a seriously misleading impression since the sentence as ha
whole and the following two paragraphs read as follows :

“In the greater area of Vukovar volunteer troops under the com -
mand of Arkan and Kum are committing uncontrolled genocide and
various forms of terrorism, completely out of the control of the com-
mands of the units carrying out combat activities in that area.

According to unverified information, these two nationalistic leaders
known in public as international criminals, are robbing and looting
the property of the Croatian and Serbian citizens, ‘awarding’ the h
members of their units and are planning to form ‘Special Units for
the Defence of Serbia’, all under the name of ‘organized combat’h.

We estimate that this is a very dangerous and well -organized para-
military group of considerable power. Sooner or later governmental
bodies and armed forces will have to fight them. I suggest that this
problem be raised at the level of the federal organs and official organhs
of the Republic of Serbia, and that the appropriate solutions be found

and measures taken to prevent any harmful effects.”

I agree with the Court (Judgment, para. 438) that the Report provides no
evidence of the existence of the necessary specific intent being held hby the
relevant Serbian authorities. The use of the word “genocide” is anh attri -
bution to the actions of Arkan and his group by the Chief of Security,
without reasons being given.
23. For the reasons I have given, I do not find that the only reasonable

inference to be drawn from the list of 17 factors which Croatia assembles
is that the Serbian authorities had the necessary specific intent, thaht is to
destroy the relevant ethnic Croat groups in whole or in part.

24. I agree with the Court that the alternative argument made by Cro-

atia at the hearings aimed at establishing the specific intent, based hon
context, patterns of behaviour and opportunity also fails (ibid.,
paras. 411-440). As I indicate at the outset, because Croatia has failed, in
my view, to establish this essential element of specific intent, I do hnot in
this opinion address the detail of the evidence and submissions relatingh to

the actus reus. I note only that Serbia concedes that in some cases the kill-
ings alleged by Croatia took place and that they were methodical, directed
at civilians and driven by ethnicity (e.g., Rejoinder of Serbia (hereihnafter

186

7 CIJ1077.indb 368 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 185

la sécurité de l’état-major de la défense territoriale deh Belgrade, en date
du 13 octobre 1991, qui indiquait que les hommes d’Arkan « se livr[aient]
à un génocide et à divers actes de terrorisme incontrôlés » dans la région
de Vukovar (RC, par. 9.86 ; CR 2014/6, p. 25-26, par. 43 ; CR 2014/10,

p. 15, par. 20 ; CR 2014/12, p. 34, par. 84, renvoyant à la réplique de la
Croatie, annexe 63 ; pour le point de vue de la Serbie, voir CR 2014/23,
p. 68-71, par. 17-30). Ce rapport a été porté à la connaissance du ministre
serbe délégué de la défense. La manière dont la citation a été tronquée par
la Croatie, tant dans ses écritures que dans ses plaidoiries, donne chepen -

dant une impression fortement trompeuse, puisque la phrase dans son
intégralité et les deux paragraphes suivants se lisent comme suit :
«Dans la région de Vukovar, des troupes de volontaires sous le

commandement d’Arkan et de Kum se livrent à un génocide et àh divers
actes de terrorisme incontrôlés, échappant à tout contrôlhe du com -
mandant des unités chargées des activités de combat dans cette hrégion.
Selon des informations non vérifiées, ces deux chefs nationalisthes, qui
sont des criminels internationaux notoires, volent et pillent les biens hde

citoyens croates et serbes, «remettent des récompenses» aux membres
de leurs groupes et prévoient former des « unités spéciales de défense de
la Serbie», tout cela sous l’appellation de «combat organisé».
Nous estimons qu’il s’agit d’un groupe paramilitaire très dahnge -
reux et très bien organisé qui détient un pouvoir considérabhle. Tôt ou
tard les organes gouvernementaux et les forces armées devront le

combattre. Je suggère de soulever ce problème auprès des organehs
fédéraux et des organes officiels de la République de Serbie, hde trou-
ver des solutions appropriées et de prendre des mesures pour préve -
nir toute conséquence dommageable. »

Je suis d’accord avec la Cour (arrêt, par. 438) pour considérer que ce rap-
port ne démontre en rien que les autorités serbes en question éhtaient ani-
mées de l’intention spécifique nécessaire. Le chef de la shécurité emploie le
terme de « génocide» pour qualifier les actions d’Arkan et de son groupe,

et ce, sans l’étayer.
23. Pour les raisons exposées ci-dessus, je ne suis pas d’avis que la hliste
de 17 critères établie par la Croatie ne puisse raisonnablement êhtre com -
prise que comme exprimant l’intention spécifique nécessaire, hde la part
des autorités serbes, de détruire les groupes croates visés en htout ou en

partie.
24. Je considère, comme la Cour, que l’argument subsidiaire formuléh par
la Croatie à l’audience et visant à établir l’intention shpécifique en se fondant
sur le contexte, l’existence d’une ligne de conduite et la questiohn de l’oppor
tunité doit également être rejeté (ibid., par.411-440). Ainsique je l’ai précisé
au début de la présente opinion, étant donné que la Croatie hn’est pas, selon

moi, parvenue à établir l’élément constitutif essentiel dhe l’intention spéci-
fique, je n’examinerai pas en détail les éléments de preuvhe et arguments se
rapportant à l’actus reus. Je relèverai simplement que la Serbie a concédé
que, dans certains cas, les meurtres allégués par la Croatie avaiehnt bel et

186

7 CIJ1077.indb 369 18/04/16 08:54 186 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

“RS”), para. 392 ; CR 2014/13, pp. 64-66) and that the findings of the
ICTY provide convincing evidence of acts falling within Article II (a)
and (b) of the Convention.

Serbia’s Counter-Claim: Specific Intent

25. As the Court indicates (Judgment, para. 500), Serbia claims that
the existence of the specific intent of destroying in whole or in parth the
Krajina Serbs could be inferred on two different bases — (1) the tran -
script of the Brionimeeting of the President who was Commanderin Chief

and his senior military officials, and (2) the totality of the actions of the
Croatian authorities before, during and after Operation Storm. I give my
attention to the first matter to support and supplement the reasoning h
given by the Court (ibid., paras. 501-507).
26. On their face, the Brioni Minutes appear to be a nearly complete

stenographic record of a meeting which lasted nearly two hours (CMS,
Ann. 52). I quote the major passages cited by Serbia in the order in which
they appear in the Minutes. For ease of reference I number those pas -
sages and refer only to the page numbers of the Minutes. I also include h
passages quoted by Croatia and some passages quoted by neither. The

more extensive treatment, I think, is required if the inferences to be dhrawn
from the Minutes are to be properly considered and determined.

(1) The President began by recalling their determination to undertake
further operations and that they had been determined to start lifting
the Bihać blockade from the west. He continued as follows :

“However, the situation as it stands now is that the UniteNations
representatives, Akashi, Stoltenberg and the Serbs have deprived of
us this reason, since they are in the process of withdrawing their forcehs

from the Bihać area.” (P. 1 ; CMS, Annex 52 ; RS, para. 696.)

(2) The next passage quoted by Serbia records the President saying this :
“But if in the forthcoming days we are to undertake further opera-

tions, then Bihać can only serve as some sort of pretext and somethinhg
of a secondary nature. We must inflict total defeat upon the enemy in
the south and north, just so we understand each other, leaving the east
aside for the time being.” (P. 1; CMS, para. 1197 and Annex 52.)

(3) The next quotation appears a few lines later :

“Therefore we should leave the east totally alone, and resolve the
question of the south and the north.

187

7 CIJ1077.indb 370 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 186

bien eu lieu et qu’ils avaient méthodiquement pris pour cible des hcivils, sur
la base de considérations ethniques (voir, par exemple, duplique de hla Ser -
bie (ci-après, «DS»), par. 392 ; CR 2014/13, p. 64-66), et que les conclu -

sions du TPIY démontrent de manière convaincante que des actes relhevant
des litt. a)et b) de l’article II de la Convention ont été commis.

La demande reconventiohnnelle de la Serbie : l’intention spécifihque

25. Ainsi que la Cour l’a indiqué (arrêt, par. 500), la Serbie affirme que
l’existence de l’intention spécifique de détruire, en touth ou en partie, le
groupe des Serbes de Krajina peut être déduite de deux élémehnts différents :
1) le procès-verbal de la réunion de Brioni tenue entre le préhsident croate,

commandant en chef de l’armée, et ses plus hauts responsables milihtaires, et
2) l’intégralité des actions menées par les autorités crhoates avant, pendant
et après l’opération Tempête. Je m’attacherai au premier hpoint afin d’étayer
et de compléter le raisonnement de la Cour (ibid., par. 501-507).
26. Le procès-verbal de la réunion de Brioni apparaît comme un

compte rendu sténographique quasi exhaustif d’une réunion qui a duré
près de deux heures (CMS, annexe 52). Les principaux passages cités par
la Serbie sont reproduits ci-après, dans l’ordre dans lequel ils apparaissent
dans le procès -verbal. Par souci de commodité, je les ai numérotés et
assortis de simples renvois aux numéros de page du document lui-mêhme.

J’y ai également ajouté certains passages cités par la Croatie, ainsi que
quelques autres qui n’ont été cités par aucune des Parties. hSelon moi, seul
un examen approfondi de ce document permet d’en tirer les conclusionsh
qui s’imposent.

1) Le président commence par rappeler la détermination des autorités
croates à mener de nouvelles opérations et leur décision de comhmencer
à lever le blocus de Bihać à partir de l’ouest. Il poursuit en ces termes :

«Cependant, la situation est désormais la suivante : les représen -
tants de l’Organisation des Nations Unies, Akashi et Stoltenberg, et
les Serbes nous ont privés de ce motif, puisque les Serbes sont en

train de retirer leurs forces du secteur de Bihać. » (P. 1; CMS,
annexe 52; DS, par. 696.)

2) Dans le passage suivant cité par la Serbie, le président déclarhe:
«Si nous devions mener d’autres opérations dans les prochains

jours, alors Bihać serait uniquement une sorte de prétexte, un objhec -
tif secondaire. Nous devons infliger une défaite totale à l’ennemi au
sud et au nord; pour que les choses soient claires, nous devons laisser
l’est de côté pour l’instant.» (P. 1 ; CMS, par. 1197 et annexe 52.)

3) La citation suivante figure quelques lignes plus loin dans le texte :

«Par conséquent, nous devrions laisser l’est totalement de côtéh et
régler la question du sud et du nord.

187

7 CIJ1077.indb 371 18/04/16 08:54 187 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

In which way do we resolve [the question of the north and the
south]? This is the subject of our discussion today. We have to inflict
such blows that the Serbs will to all practical purposes disappear, thath

is to say, the areas we do not take at once must capitulate within a
few days.” (P. 2; on several occasions, the passage quoted ends with
the word “disappear” ; CMS, para. 1198 without the first sentence ;
see also the Croatian comment on the forms of quotation ; RC,
para. 11.43 and note 96.)

That is followed, after a few lines, by a passage quoted by Croatia :

“Therefore our main task is not Bihać, but instead to inflict suhch
powerful blows in several directions that the Serbian forces will no

longer be able to recover, but will capitulate.” (P.2 ; RC, para. 11.43.)
(4) The President completed his introductory remarks in this way, a short

time after:
“I told Sarinić, [Minister of Foreign Affairs] that in principle weh

favour negotiations if they accept the conditions I have set out in my
reply to Akashi [the UNSG’s Special Representative to the former
Yugoslavia and Chief of UNPROFOR/UNCRO], but that he will not
head the delegation if the meeting is held. So we can do that, he will
call today, and we can accept this as a mask, that we are accepting

the talks, and even designate our own delegation, but let us discuss
whether we will undertake an operation tomorrow or in the next few
days to liberate the area from Banija to Kordun to Lika and from
Dalmatia to Knin, and how to carry this out in three, four or at the
very most eight days. Then only some minor enclaves will remain

which would be forced to surrender.” (P. 2 ; CMS, para. 1105 ; the
quote does not however include the passage after “Knin”.)

(5) Sometime later the President commented :

“It’s all very well that the Admiral is now supposed to close off thheir
remaining three exits, but you are not providing them with an exit
anywhere. There is no way out to go . . . to close it off). To pull about
and flee, instead, you are forcing them to fight to the bitter end, hwhich
exacts a greater engagement and greater losses on our side. Therefore,

let us also please take this into consideration [because it’s true, thhey
are absolutely demoralized, and just as they have started moving out
of Grahovo and Glamoč, when we put pressure on them, now they
are already partly moving out of Knin.] Accordingly, let us take into
consideration, on a military level, the possibility of leaving them a wahy

out somewhere, so they can pull out part of their forces . . .” (P. 7
CMS, para. 1200 ; the passage in square brackets was not included in
the Counter-Memorial ; see also CR 2014/24, p. 55, para. 89.)

188

7 CIJ1077.indb 372 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 187

Comment allons -nous procéder [pour régler la question du nord et
du sud]? C’est l’objet de notre discussion d’aujourd’hui. Nous devohns
infliger aux Serbes de telles pertes que, dans les faits, ils disparaîh -
tront; autrement dit, les secteurs que nous ne prendrons pas immé -

diatement devront capituler dans les jours qui suivent. (P. 2; à
plusieurs reprises, la citation s’achève après le mot « disparaîtront»;
CMS, par. 1198, où ne figure pas non plus la première phrase ; voir
aussi le commentaire de la Croatie sur la manière de citer ce passageh ;
RC, par. 11.43, et note de bas de page 96.)

Quelques lignes après, on trouve un passage cité par la Croatie :

«Notre objectif principal n’est donc pas Bihać, mais de porter des h
coups si violents dans plusieurs directions que les forces serbes ne
pourront s’en remettre et devront capituler. » (P. 2 ; RC, par. 11.43.)

4) Puis, un peu après, le président complète comme suit son propos
introductif:

«J’ai dit à Sarinić [le ministre des affaires étrangères] qhue, par prin
cipe, nous sommes favorables aux négociations, s’ils acceptent les
conditions que j’ai fixées dans ma réponse à Akashi [le Rehprésentant

spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
auprès de l’ex-Yougoslavie et chef de la FORPRONU/ONURC], mais
qu’il ne serait pas le chef de notre délégation, si la rencontrhe a lieu.
Voilà ce que nous allons faire, il va appeler dans la journée et nhous
pourrons faire mine d’accepter les pourparlers et même désignerh nos
délégués ; mais venons-en plutôt à la question de savoir si nous allons

lancer une opération demain ou dans les prochains jours pour libérher
le secteur de la Banija jusqu’à Kordun et Lika et celui de la Dalmhatie
jusqu’à Knin et comment nous allons le faire en trois, quatre ou ahu
grand maximum huit jours. Ensuite, il ne restera plus que quelques
enclaves qui devront se rendre.» (P. ; CMS, par. 1105 ; la citation ne
comprend cependant pas le passage suivant le mot « Knin».)

5) Un peu plus tard, le président fait les observations suivantes :

«C’est bien beau que l’amiral soit censé fermer les trois portes de
sortie qu’il leur reste, mais on ne leur laisse aucune issue. Il n’hy a
aucune porte de sortie vers … (l’accès est fermé). Aucune possibilité de

retraite ou de fuite; au contraire, on les force à se battre jusqu’au bout,
ce qui suppose davantage de mobilisation et de plus grandes pertes
dans nos rangs. Nous devons donc tenir compte de cet élément [parche
que, c’est vrai, ils sont complètement démoralisés; tout comme ils ont
commencé à quitter Grahovo et Glamoč, lorsque nous les avons mihs
sous pression, ils sont maintenant déjà en train de se retirer parhtielle

ment de Knin.] Examinons, d’un point de vue militaire, la possibilité
de leur laisser une porte de sortie quelque part afin qu’ils puissehnt re-ti
rer une partie de leurs hommes… » (P. 7; CMS, par. 1200; le passage
entre crochets n’a pas été inclus; voir aussi CR2014/24, p.55, par.89.)

188

7 CIJ1077.indb 373 18/04/16 08:54 188 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

Admiral Domazet, an HV Rear Admiral, in a passage not quoted by
Serbia, responded:

“Mr. President, here is a way and two ways ; thatis why in planning
the operation we left this road in this area. This is the Lika area, herhe
where the Serbs are, it is by the Serbs. We are leaving a route here

and they can get out. The second route is leaving them Dvor na Uni,
because only at the final stage will we break through to Kostajnica,
gradually advance and allow them to leave. We won’t close it off. So
there are two key routes.” (P. 7.)

(6) A little later the President accepted in principle the views expressed
and said this :

“There is something still missing, and that is the fact that in such h
a situation when we undertake a general offensive in the entire area,
even greater panic will break out in Knin than has to date. Accord -
ingly we should provide for certain forces which will be directly
engaged in the direction of Knin. And, particularly, gentlemen, please

remember how many Croatian villages and towns have been destroyed,
but that’s still not the situation in Knin today . . . Therefore, we will
have to resolve this with UNCRO, this matter as well, and so forth.
But their counterattack from Knin and so forth, it would provide very
good justification for this action and accordingly, we have the pretexht

to strike, if we can with artillery, you can . . for complete demoral -
ization. . . not just this . . . [sic].” (P. 10; CMS, para. 1204, Serbia
quoted only the third sentence ; CR 2014/24, p. 23, para. 43.)

(7) Gotovina spoke next: “It is difficult to keep [400infantrymen heading
towards Knin] on a leash.” (P. 10; CR 2014/18, p. 36, para. 147;

CR 2014/24, p. 23, para. 43.)
The next section of the Minutes referred to by the Parties follows some h

pages later:
(8) “PRESIDENT :

Does anyone here have any new proposals or views as to when we
can undertake such an overall operation ? And you must plan it out.

What DOMAZET has set out, but this has to be articulated in detail,
what are the points, which are the axes from which we must take those
points in order to completely vanquish the enemy later and force him
to capitulate.But I’ve said, and we have said it here, that they should
be given a way out here. . . Because it is important that those civilians

set out, and then the army will follow them, and when the columns
set out, they will have a psychological impact on each other.” (P. 15;
CR 2014/24, p. 22, para. 41.)

189

7 CIJ1077.indb 374 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 188

L’amiral Domazet, vice-amiral du HVO, dans un passage qui n’a pas
été cité par la Serbie, répond de la manière suivante :

«Monsieur le président, il y a une voie ici, deux autres là ; c’est
pourquoi, lorsque l’opération a été planifiée, nous avohns laissé cette
route située dans ce secteur. C’est le secteur de la Lika, ici se htrouvent
les Serbes, c’est aux mains des Serbes. Nous laissons une route ici

pour leur permettre de se retirer. La deuxième route leur
laisse Dvor na Uni, parce que ce n’est qu’à la fin que nous avance -
rons jusqu’à Kostajnica ; nous le ferons progressivement et les laisse -
rons partir. Nous ne fermerons pas cette voie. Il y a donc deux routes
principales. » (P.7.)

6) Un peu plus tard, le président donne son accord de principe aux vues h
exprimées et déclare ceci :

«Il manque toutefois un élément, à savoir que, dans une telle
situation, si nous lançons une offensive générale dans tout le shecteur,

cela déclenchera chez les habitants de Knin une panique plus grande
que celle ressentie à ce jour. En conséquence, nous devons disposehr
de certaines forces qui seront directement déployées en direction hde
Knin. Je vous prie, Messieurs, de ne pas oublier combien de villes et
de villages croates ont été détruits, et queKnin est encore épargnée…

Par conséquent, nous devrons régler cette question avec l’ONURCh et
cet autre problème également. S’ils contre -attaquaient depuis Knin,
nous aurions de très bonnes raisons de mener cette action et, par
conséquent, nous aurions un prétexte pour attaquer, si possible avhec
l’artillerie vous pouvez … pour les démoraliser totalement… pas

seulement … [sic]. » (P. 10 ; CMS, par. 1204, la Serbie ne cite que la
troisième phrase; CR 2014/24, par. 43.)

7) L’intervenant suivant est Gotovina : « [I]l est difficile de … tenir [les
400 fantassins qui se dirigent vers Knin]. » (P. 10 ; CR 2014/18, p. 36,
par. 147 ; CR 2014/24, p. 23, par. 43.)

La section suivante du procès-verbal citée par les Parties figure quelques
pages plus loin :

8) «Le PRÉSIDENT:
L’un de vous a -t-il une proposition ou une idée de la date à laquelle

nous pourrons lancer l’ensemble de cette opération ? Il est nécessaire
de la planifier. DOMAZET a présenté quelque chose, mais il faut h
régler les détails, quels sont les points, quels sont les axes àh partir
desquels nous devons avancer pour terrasser ensuite l’ennemi et
l’obliger à capituler. Mais comme je l’ai dit, comme nous l’havons dit,

ils doivent pouvoir fuir par ici… Parce qu’il est important que cehs
civils s’en aillent puis, l’armée les suivra et, lorsque les deux colonnes
se mettront en marche, cela aura un effet psychologique dans les
deux sens. » (P. 15 ; CR 2014/24, p. 22, par. 41.)

189

7 CIJ1077.indb 375 18/04/16 08:54 189 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

“Ante GOTOVINA:

A large number of civilians are already evacuating Knin and head-
ing towards BanjaLuka and Belgrade. That means that if we continue
this pressure, probably for some time to come, there won’t be so manyh
civilians just those who have to stay, who have no possibility of leav-
ing.” (P. 15.)

Croatia quoted the following statement by the President made about
half way through the meeting :

“When you say you’re going to block Gračac off, bear in mind thaht
there can be a state of panic in Gračac, you have to enter as quicklyh
as possible and report that you have entered, as well as all of you who h
will be involved, because that will have a psychological effect in such

situations. The psychological effect of the fall of a town is greater thahn
if you shell it for two days.” (P. 18 RC, para. 11.47.)

(9) “Vladimir ZAGOREC:
Mr. President, we must open up a pocket for them. When they start

to flee they will have to flee somewhere, they won’t go towards Khnin
or Kostajnica, we must open up a pocket where they will flee— Dvor
na Uni.” (P. 20 ; CR 2014/18, p. 25, para. 89.)

(10)“If we had enough [ammunition], then I too would be in favour of
destroying everything by shelling prior to advancing.” (P. 22; CMS,
para. 1204.)

(11)“PRESIDENT :

A leaflet of this sort general chaos, the victory of the Croatian
Army supported by the international community, and so forth. Serbs,
you are already withdrawing, and so forth, and we are appealing to

you not to withdraw, we guarantee . . . This means giving them a way
out, while pretending to guarantee civil rights, etc.” (P. 29; CMS,
para. 1203 ; CR 2014/18, p. 26, para. 92.)

(12) “PRESIDENT :

Hold on, I’m going to Geneva to hide this, not to talk. I won’t sehnd
a Minister, but the Assistant Foreign Minister. That’s on Thursday.

So, I want to hide what we are preparing for the day after. And we
can rebut any argument in the world about we didn’t want to talk,

but we only wanted what . . .” (P. 32 ; CMS, para. 1196.)

27. In its Counter-Memorial, Serbia quotes the passages set out at (2)
and (3) above, emphasizing the last sentence of (3), and continues in this
way :

190

7 CIJ1077.indb 376 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 189

«Ante GOTOVINA :
De nombreux civils sont déjà en train de quitter Knin en directionh

de Banja Luka ou Belgrade. Cela signifie que, si nous maintenons
cette pression, dans quelque temps il n’y aura probablement plus
beaucoup de civils, seuls resteront ceux qui ne peuvent pas faire
autrement, ceux qui n’ont pas la possibilité de partir. (P.15.)

La Croatie a cité la déclaration suivante faite par le présidenht à peu
près au milieu de la réunion :

«Lorsque vous dites que vous allez bloquer Gračac, ne perdez pas
de vue que ce sera peut -être la panique à Gračac ; vous devrez y
entrer le plus vite possible et le signaler, et cela vaut pour tous, en h
raison de l’effet psychologique d’une telle annonce dans ces circons -
tances. La chute d’une ville produit un effet psychologique plus

important qu’un bombardement de deux jours.» (P. 18 ; RC,
par. 11.47.)
9) « Vladimir ZAGOREC :

Monsieur le président, nous devons leur ouvrir une poche. Lors -
qu’ils se mettront à fuir, ils devront bien aller quelque part et,h comme
ils ne prendront pas la direction de Knin ou de Kostajnica, nous

devrons leur offrir une porte de sortie — Dvor na Uni. » (P. 20 ;
CR 2014/18, p. 25, par. 89.)

10) «Si nous en avons les moyens, je préconise également de tout détruire
par des bombardements avant de progresser. » (P.22 ; CMS, par. 1204.)

11) «Le PRÉSIDENT:
Un tract du genre : chaos général, victoire de l’armée croate avec le

soutien de la communauté internationale, etc. Les Serbes sont déjàh en
train de battre en retraite mais nous vous demandons de ne pas le
faire, nous vous garantissons… Cela signifie que nous leur accordonhs
une porte de sortie, tout en veillant en apparence au respect des droitsh
civils, et» (P.29 ; CMS, par. 1203 ; CR 2014/18, p. 26, par. 92.)

12) «Le PRÉSIDENT:

Un instant, je vais à Genève pour cacher cela et non pour discuter.
Je n’enverrai pas un ministre mais seulement le ministre adjoint des h
affaires étrangères. Ce sera jeudi.
Je veux donc cacher le fait que nous nous préparons à intervenir lhe

lendemain. Nous pourrons donc réfuter tous les arguments selon les -
quels nous refusons de discuter et nous voulons uniquement… »
(P. 32; CMS, par. 1196.)

27. Dans son contre-mémoire, la Serbie cite les passages indiqués aux
alinéas2) et 3)ci-dessus, en soulignant la dernière phrase du second pas -
sage. Elle affirme ensuite

190

7 CIJ1077.indb 377 18/04/16 08:54 190 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

“[i]t clearly follows that the goal of the forthcoming military actiohn
was not only to achieve military control over Krajina and its reinte -
gration to Croatia, but ‘to inflict such blows that the Serbs will hto all
practical purposes disappear’. It can be seen from the transcripts thhat

none of the participants opposed such a plan but, after President Tud -
jman spoke, they discussed methods of how to implement it.” (CMS,
para. 1198.)

I think that is a serious misreading of that part of the Minutes. It givhes no
weight at all to the reference to leaving to the east alone — which pro -
vided a possible exit for the Serbian populations. And it takes no accouhnt

of the closely following passage in which the emphasis is on the capitulha-
tion of the Serb forces. The Trial Chamber in Gotovina rejected the claim
of the Prosecutor that the reference to making “Serbs disappear” whas to
the Serb civilians rather than to the Serb military forces (para. 1990) ; the
statement focused mainly on the Serb military forces, rather than the Sehrb

civilian population ; as the Court notes, the Appeals Chamber did not
even go that far (Judgment, para. 506). The frequent, truncated quota -
tions of the passage under (3), ending at “disappear”, also mislead. The
“within a few days” element in that passage is also reflected in the last
two lines of the passage (4), again words not quoted by Serbia. The

Counter-Memorial does then recognize that Croatia would allow exits
(para. 1200 quoting passage (5), but not fully). Serbia does not in this
pleading or elsewhere give weight to the brief extent of Operation Storm,
both in its planning, so far as it appears from the Brioni Minutes, and hin
fact. In the course of those few days, 200,000 Serbs were able to flee. Pres-

ident Tudjman had insisted on a number of occasions that they be left
with ways out.

28. The remaining passages quoted above, with the exception of (9),
are all about trying to recover the territory and to expel the Serbs, mihli -
tary as well as civilian, as quickly as possible. Other passages, not quhoted
above, emphasize that need for speed — e.g.:

“President: How long would that first stage [seizing Ljinboro,
placing Udbina under control] last ?
Davor Domazet : Two to three days.” (CMS, Ann. 52, pp. 7-8.)

29. Also significant are the other references to causing greater panic ;
complete demoralization ; the psychological effect of the fall of a town

being greater than shelling it for two days ; “we must be daring, in a situ -
ation of general demoralization” (ibid., p. 14); and later a presidential
reference to the operations being over in four days (ibid., p. 24).Against
that continuing emphasis on rapid action and expulsion rather than on anh

191

7 CIJ1077.indb 378 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 190

«Il s’ensuit clairement que l’objectif de l’opération envisaghée
n’étaitpas uniquement d’obtenir le contrôle militaire de la Krajina et
sa réintégration à la Croatie, mais d’« infliger aux Serbes de telles
pertes que, dans les faits, ils disparaîtr[aie]nt ». L’on observe, à la

lecture des procès-verbaux, qu’aucun des participants ne s’est opposé
à ce projet et que, bien au contraire, après l’intervention du hpré -
sident Tudjman, la discussion est passée aux méthodes de mise en
œuvre. » (CMS, par. 1198.)

Selon moi, cette interprétation de cette partie du procè-sverbal est tout à fait
erronée. La mention de l’est en tant qu’issue possible pour lesh populations
serbes est en effet totalement passée sous silence. De plus, il n’ehst tenu aucun

compte du passage qui suit immédiatement, dans lequel l’accent esth mis sur
la capitulation des forces serbes. Dans l’affaireGotovina, la chambre de pre -
mière instance du TPIY a ainsi rejeté l’argument du procureur selon lequhel
le passage où il est question de « faire disparaître les Serbes» désignait les
civils et non les forces militaires (par. 1990) ; selon elle, la déclaration en

question visait principalement les forces militaires serbes, et non la phopula-
tion civile. La Cour a en outre relevé dans son arrêt (par. 506) que la
chambre d’appel du TPIY n’était même pas allée aussi loinh que la chambre
de première instance. Les citations fréquentes et tronquées du passage 3),
qui s’achève par le mot « disparaîtront», sont elles aussi trompeuses. L’ex -

pression « dans les jours qui suivent», qui figure dans ce passage, trouve un
écho dans les deuxdernières lignes du passage4), que la Serbie a, là encore,
omis de citer. Certes, dans son contre-mémoire, celle-ci reconnaîth que la
Croatie s’apprêtait à ménager des portes de sortie (par. 1200, où est cité le
passage 5), mais pas dans son intégralité). Que ce soit dans cette pièhce ou

ailleurs, la Serbie ne tient toutefois aucun compte de la courte duréhe de
l’opération Tempête, tant dans sa planification, telle que celle-ci ressort du
procès-verbal de Brioni, que dans les faits. Or, pendant ces quelques jours,
200 000 Serbes ont été en mesure de fuir. Le président Tudjman avaiht insisté
à plusieurs reprises pour que cette possibilité leur soit offerte.

28. Les autres passages précités, à l’exception du passage 9), ont tous
trait à l’objectif de reprendre le territoire et d’en expulser hles Serbes —
tant civils que militaires — dès que possible. Cette nécessitéh d’agir vite est
également exprimée dans certains passages qui n’ont pas encore hété cités,
tels que le suivant :

« Le président : Combien de temps durerait cette première étape
[prendre Ljubovo et placer Udbina sous contrôle] ?
Davor Domazet : Deux ou trois jours.» (CMS, annexe 52, p. 7-8.)

29. Je relèverai également les passages où il est question d’acchroître le
sentiment de panique et de susciter une démoralisation complète, eht où il

est indiqué que la chute d’une ville a un effet psychologique plus impor -
tant qu’un bombardement de deux jours; « nous devons faire preuve
d’audace dans une situation de démoralisation générale » (ibid., p. 14; et,
plus tard, le président parle de terminer l’opération en quatreh jours (ibid.,

191

7 CIJ1077.indb 379 18/04/16 08:54 191 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

intention to engage in mass killing, I do not see the passage about ammuh -
nition (10), however shocking, as significant in establishing the necessaryh
intent.

30. It is the case, as Serbia says, that Croatia’s various actions — nota-
bly during and following Operation Storm — have led to a huge drop in
the Serbian population in Croatia. Both Parties relied extensively on the
1991 census. It was also relied on in the proceedings leading to the

2007 Judgment in Bosnia v. Serbia (I.C.J. Reports 2007 (I), p. 138,
para. 232). The sets of figures do not appear to be in dispute. They give
some sense of the massive displacement in both directions. But, as alreahdy
noted (see para. 6 supra), the Court has earlier ruled and today confirms
that “ethnic cleansing” in itself does not amount to genocide. Theh result

actually achieved by Croatia is to be seen as confirming that the intehntion
was to expel the greater part of the Serbian population from the area and
not to destroy it in whole or in part.

31. To summarize, I read the Brioni Minutes as demonstrating :

(a) that the action was aimed at getting the Serb forces to capitulate ;

(b) that departure routes into Serb controlled areas would be left to the
east;
(c) an intention that a large proportion of the Serbian population would
be displaced ; and
(d) that the whole operation would be over in 3, 4, or at the very most

8 days.
32. To return to paragraph 1198 of the Counter -Memorial quoted in
paragraph 27 above, I read the Minutes as indicating the goal of achiev -

ing military control over Krajina, Croatian territory after all, and itsh
reintegration, and at the same time achieving a substantial removal of
the local Serb communities. The goal was not to destroy in whole or in
part that group. Accordingly, in my view, an essential element in the
counter -claim, as originally presented, is not established.

33. I have nothing to add to the Court’s discussion and rejection of
Serbia’s alternative contention (Judgment, paras. 508 -514). It follows that
I conclude that the counter-claim fails. For the reasons given earlier, I do
not address in this opinion the evidence and submissions relating to theh

actus reus.

* * *

34. The record in this case, like that in theosnia case and in the many
cases decided by the ICTY and by national courts, demonstrates that

192

7 CIJ1077.indb 380 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 191

annexe 52, p. 24). Dans ce contexte où l’accent est mis sur la rapidité
d’action et la volonté d’expulsion — et non d’exterminatihon —, je ne
considère pas le passage concernant les munitions (10), aussi choquant
soit-il, comme étant significatif aux fins d’établir l’intenthion nécessaire.

30. Il est vrai que, comme le dit la Serbie, les différentes actions menéhes
par la Croatie, notamment pendant et après l’opération Tempête, ont
entraîné une diminution considérable de la population serbe en hCroatie.
A cet égard, les deux Parties se sont largement appuyées sur le recense -
ment de 1991, comme cela avait déjà été le cas au cours de l’insthance

ayant mené à l’arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie c. Serbie (C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 138, par. 232). Les chiffres ne semblent pas être contestés. Ils
donnent une idée des déplacements massifs qui ont eu lieu de part het
d’autre. Mais, ainsi que cela a déjà été relevé (voirh par. 6 ci-dessus), la
Cour avait jugé — et a confirmé dans le présent arrêt —h que le « net -
toyage ethnique» ne constituait pas en lui-même un génocide. Le résultat

auquel la Croatie est effectivement parvenue doit donc être considéhré
comme confirmant que l’intention était d’expulser de la zone hla majeure
partie de la population serbe, et non de la détruire en tout ou en pahrtie.
31. En bref, le procès-verbal de la réunion de Brioni démontre selon
moi:

a) que l’objectif était d’obtenir la capitulation des forces serbes;
b) que des routes d’évacuation vers des zones sous contrôle serbe hseraient
prévues à l’est;

c) que l’intention était d’expulser une partie importante de la population
serbe; et
d) que l’opération tout entière serait achevée en 3, 4 ou, touth ou plus,
8 jours.

32. Pour en revenir au paragraphe 1198 du contre -mémoire cité au
paragraphe 27 ci-dessus, je vois dans ce procès -verbal une indication de
l’objectif visé, qui était de prendre le contrôle militaire hde la Krajina, ter
ritoire après tout croate, et de la réintégrer à la Croatie,h tout en en expul-
sant une partie importante des communautés serbes locales. L’objectif

n’était pas de détruire ce groupe en tout ou en partie. En conshéquence,
selon moi, un élément essentiel de la demande reconventionnelle tehlle
qu’initialement présentée n’a pas été établi.
33. Je n’ai rien à ajouter à l’examen et au rejet, par la Cour, hde l’argu-
ment subsidiaire de la Serbie (arrêt, par. 508-514). J’en conclus donc qu’il

ne pouvait être fait droit à la demande reconventionnelle. Pour lehs raisons
indiquées plus haut, je n’examinerai pas, dans la présente opinhion, les élé -
ments de preuve et arguments relatifs à l’actus reus.

* * *

34. Le dossier de la présente espèce — comme ceux de l’affaire de la
Bosnie et des nombreuses affaires dont ont eu à connaître le TPIY et des

192

7 CIJ1077.indb 381 18/04/16 08:54 192 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

dreadful crimes and atrocities were committed in the region of former
Yugoslavia in the early 1990s. The rejection by the Court in this case of
both the claim and the counter -claim should not be allowed to obscure

those facts. The rejections are to be explained by the limited jurisdicthion
of the Court under the Genocide Convention (e.g., Judgment, para. 85) in
this case. The failure of each Party, in terms of the Convention, to esthab-
lish that the other had the necessary specific intent does not affect in any
way the clear findings, based on concessions by each Party, rulings ofh the

ICTY and persuasive evidence that each side did commit serious crimes.

35. The Agent of Serbia made this acknowledgment in the course of
the hearing before the Court :

“Mr. President, the fundamental disagreement of the respondent
State with the Applicant’s approach to the unsigned statements and
police reports does not mean that the Serbian Government denies that
serious crimes were committed during the armed conflict in Croatia.
Yes, the serious crimes were perpetrated against the members of the

Croatian national and ethnic group. They were committed by groups
and individuals of Serb ethnicity. It goes without saying that Serbia
condemns such crimes, regrets that they were committed, and sympa -
thizes profoundly with the victims and their families for the suffering
that they have experienced.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
[I]t is not in dispute that murders of Croatian civilians and prison -
ers of war took place during the conflict.” (CR 2014/13, pp. 64-65,
paras. 38 and 40.)

He recognized that :

“In that notorious crime [Ovčara], the ICTY recorded 194 prison-
ers of war who were killed. This was the gravest mass murder in which
Croats were the victims during the entire conflict.” (Ibid.)

36. The Agent of Croatia also acknowledged that crimes were commit-
ted against Serbs :

“Croatia wishes to express to this Court its sincere desire to achieve
full reconciliation with Serbia. Our Presidents, Mr. Mesić and

Mr. Josipović, have expressed their sincere regret on behalf of the
Croatian people for all crimes committed against Serbs — including
in Operation Storm. They have done so on official visits to Belgrade.
However, reconciliation must be based on historical facts.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .

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7 CIJ1077.indb 382 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 192

juridictions nationales — montre que de terribles crimes et atrocités ont
été commis dans la région de l’ex-Yougoslavie au début dehs années 1990.
Le rejet par la Cour de la demande principale de la Croatie et de la

demande reconventionnelle de la Serbie ne saurait occulter cette réalité.
Ces décisions s’expliquent par le caractère limité de la comhpétence confé-
rée à la Cour en l’espèce au titre de la convention sur le ghénocide (voir le
paragraphe 85 de l’arrêt). Le fait qu’aucune des Parties ne soit parvenueh
à démontrer, au regard de la Convention, que la Partie adverse avahit été

animée de l’intention spécifique nécessaire n’atténuhe en rien les conclu -
sions claires auxquelles la Cour est parvenue sur la base des concessionhs
faites par chacune d’elles, des décisions du TPIY et des éléhments de preuve
convaincants qui attestent qu’elles ont l’une et l’autre bel eth bien commis
de graves crimes.

35. A l’audience, l’agent de la Serbie a reconnu ce qui suit :

«Monsieur le président, le grief fondamental que nourrit le défen -
deur à l’égard des déclarations non signées et rapports de police pro -
duits par le demandeur ne signifie pas que l’Etat serbe nie la
perpétration de crimes graves au cours du conflit armé en Croatihe.
En effet, de tels crimes ont été commis à l’encontre de membres du

groupe national et ethnique croate. Et ils l’ont été par des pehrsonnes
et des groupements de souche serbe. Il va sans dire que la Serbie
condamne ces crimes, regrette leur perpétration et compatit à la shouf -
france des victimes et de leurs familles.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
[I]l n’est pas contesté que des civils et des prisonniers croates hont
été assassinés au cours du conflit. » (CR 2014/13, p. 64-65, par. 38

et 40.)
Et l’agent de la Serbie d’ajouter :

«Dans cette affaire bien connue [Ovčara], le TPIY a constaté que
194 prisonniers de guerre avaient été tués. Il s’agit du plus grhave ma-s

sacre dont les Croates aient été les victimes pendant tout le conflhit.»
(Ibid.)

36. L’agent de la Croatie a lui aussi reconnu que des crimes avaient éhté
commis contre des Serbes :

«La Croatie désire faire part à la Cour de son souhait sincère dhe se
réconcilier pleinement avec la Serbie. Nos présidents successifs, h
MM. Mesić et Josipović, ont exprimé au nom de la population croate
leur regret tout aussi sincère pour l’ensemble des crimes perpéhtrés
contre les Serbes, y compris lors de l’opération Tempête, à l’occasion
de visites officielles à Belgrade. Toutefois, la réconciliation dhoit se

fonder sur des faits historiques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .

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7 CIJ1077.indb 383 18/04/16 08:54 193 application of genochide convention (sep. ohp. keith)

It is a fact that individual crimes were committed in the course of

Operation Storm. Croatia deeply regrets the crimes committed and
the pain caused to victims during the course of Croatia’s liberation hin
Operation Storm. It has put in place structures to compensate the
victims, and to provide redress through criminal and civil proceed -

ings.” (CR 2014/19, p. 17, paras. 20-21.)

(Signed) Kenneth Keith.

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7 CIJ1077.indb 384 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. keith) 193

Il est établi que des crimes isolés ont été perpétrés hau cours de

l’opération Tempête. La Croatie exprime ses profonds regrets pour
ces crimes et les souffrances infligées aux victimes lors de la libéhration
de la Croatie, dans le cadre de l’opération Tempête. Elle a mis en
place des structures afin d’indemniser les victimes et d’offrir rhépara -
tion au moyen de procédures pénales et civiles. » (CR 2014/19, p. 17,

par. 20-21.)

(Signé) Kenneth K eith.

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7 CIJ1077.indb 385 18/04/16 08:54

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Keith

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