Opinion dissidente de M. le juge Owada

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124-20121119-JUD-01-01-EN
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721

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

1. J’ai voté en faveur de l’ensemble des conclusions auxquelles la Cour
est parvenue quant au fond du différend, telles qu’exposées dxans le dispo-
sitif de l’arrêt (par. 251, points 1 et 3 à 6). Il ne m’a cependant pas été

possible de voter en faveur du point 2, qui a trait à la question de la rece -
vabilité de la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses
conclusions finales. Je voudrais préciser ici les raisons qui m’amènent à
penser que la conclusion de la Cour à cet égard n’est pas confoxrme aux
critères qu’elle a établis aux fins de juger de la recevabilixté d’une demande,

et qu’elle ne se justifie pas davantage sur le plan des principes.
2. Le Nicaragua, Etat demandeur, avait initialement formulé, dans sa
requête du 6 décembre 2001, une conclusion en ces termes :

«En conséquence, la Cour est priée :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x . . . . . . . . . . . . . .

Deuxièmement, à la lumière des conclusions auxquelles elle sera
parvenue concernant le titre revendiqué [ci-dessus], de déterminer le
tracé d’une frontière maritime unique entre les portions de plaxteau
continental et les zones économiques exclusives relevant respective -
ment du Nicaragua et de la Colombie, conformément aux principes

équitables et aux circonstances pertinentes que le droit internationaxl
général reconnaît comme s’appliquant à une délimitatioxn de cet
ordre.» (Requête, p. 8, par. 8.)

Le Nicaragua a conservé cette formulation dans son mémoire du
28 avril 2003 (mémoire, par. 3.39 ; conclusions, p. 265-267), mais a modi -
fié ses conclusions dans sa réplique du 18septembre 2009 (voir point I. 3)).

Dans ers conclusions finales dont il a donné lecture au terme de l’xaudience
du 1 mai 2012, sa demande était ainsi formulée :

« I. [La République du Nicaragua] prie la Cour de dire et juger :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x . . . . . . . . . . . . . .

3) que, dans le cadre géographique et juridique constitué par les
côtes continentales du Nicaragua et de la Colombie, la méthode de x
délimitation à retenir consiste à tracer une limite opérant une divi -
sion par parts égales de la zone du plateau continental où les droits
des deux Parties sur celui-ci se chevauchent. » (Arrêt, par. 17.)

3. La Colombie, Etat défendeur, a excipé à cet égard que « les reven-
dications maritimes du Nicaragua, et la base sur laquelle elles [étaixent]

censées reposer, [avaient] radicalement changé à un stade trèxs avancé de

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6 CIJ1034.indb 199 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 722

la procédure» et que « [c]e changement a[vait] transformé du tout au tout

l’objet du différend que le Nicaragua a[vait] demandé à lax Cour de tran -
cher» (CR 2012/12, p. 44, par. 2), plaidant l’irrecevabilité de la nouvelle
demande au motif que le Nicaragua « n’a[vait] pas simplement reformulé
sa revendication, il a[vait] changé l’objet même de l’affaxire» (ibid., p. 45,
par. 10). Elle soutenait en conséquence que la nouvelle position adoptéxe

par le demandeur en la présente affaire allait à l’encontre dxe l’article 40 du
Statut de la Cour et de l’article 38 du Règlement (ibid., p. 49, par. 32).
Dans la conclusion finale dont il a donné lecture au terme de l’xaudience
du 4 mai 2012,

«... le défendeur a prié la Cour de dire et juger :
a) que la nouvelle revendication du Nicaragua concernant le plateau

continental [était] irrecevable et que le point I. 3) des conclusions
du Nicaragua [était] en conséquence rejeté ». (Arrêt, par. 17.)
4. Dans ces circonstances, la Cour, avant de procéder à l’examen axu

fond des demandes respectives des Parties, se devait, à titre prélximinaire,
de statuer sur la recevabilité de la demande, ainsi reformulée, soxumise par
le requérant au point I. 3) de ses conclusions finales.
5. Le demandeur et le défendeur invoquent l’un et l’autre la jurisxpru -
dence de la Cour, citant essentiellement deux affaires récentes —x l’affaire

relative à Certaines terres à phosphates à Nauru et l’affaire Ahma ‑
dou Sadio Diallo —, aux fins d’apprécier la recevabilité de cette « nou-
velle» demande. Ils fondent tous deux leur argumentation sur les critères
que la Cour y a définis, à savoir que la nouvelle demande doit sxoit être
implicitement contenue dans la requête, soit découler directement xde la

question qui fait l’objet de celle-ci.

6. Je doute cependant que l’une ou l’autre de ces affaires soit réxelle -
ment pertinente aux fins de la présente espèce. Dans les deux cas, la

demande présentée comme nouvelle formulée par le requérant àx un stade
avancé de la procédure constituait, en substance, une nouvelle demande
additionnelle qui n’était pas expressément incluse dans la requête intro -
ductive d’instance, mais dont le demandeur soutenait — et le défendeur
niait — qu’elle était couverte par la demande originelle qui s’y txrouvait

formulée. Or il semblerait que la situation soit différente en lxa présente
instance. En appliquant de manière automatique et mécanique les crxitères
établis dans ces précédents, l’on court le risque de faire bxon marché des
caractéristiques propres au cas d’espèce.
La spécificité du cas d’espèce réside en ceci que le dexmandeur a tenté de

substituer à la formulation initiale de la demande qu’il avait soumise à lxa
Cour dans sa requête le libellé, nouveau et manifestement distinctx, d’une
demande en rapport avec le différend existant. En ce sens, la préxsente
affaire est unique et sans précédent dans la jurisprudence de lax Cour.
7. L’affaire qui s’en rapproche le plus serait sans doute celle de xla
o
Société commerciale de Belgique (arrêt, 1939, C.P.J.I. séri▯e A/B n 78)

102

6 CIJ1034.indb 201 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 723

entre la Belgique et la Grèce, soumise à la Cour permanente de Justice

internationale en 1939 : dans sa requête, le demandeur — le Gouverne -
ment belge — avait initialement prié la Cour de déclarer que « le Gouver-
nement hellénique, en se refusant à exécuter les sentences arbixtrales
rendues en faveur de la société belge, avait violé ses obligations interna -
tionales » (C.P.J.I. série A/B n 78, p. 170). Dans son contre-mémoire, le

défendeur nia s’être refusé à exécuter lesdites sentences. Soutenant qu’il
n’avait ni refusé d’exécuter celles-ci ni méconnu les droits acquis de la
société belge, il affirma n’avoir commis aucun acte contraire xau droit
international. Le demandeur décida alors de considérer ces déclxarations
du Gouvernement hellénique comme modifiant le caractère du diffxérend

entre les deux Parties et, au terme de la procédure orale, les concluxsions
finales du Gouvernement belge furent présentées sous une forme nxou -
velle. Il était désormais demandé à la Cour de dire que «xtoutes les dispo-
sitions des sentences étaient obligatoires sans réserve pour le Gouvernement
hellénique » (ibid., p. 171). Cet abandon, de la part du demandeur, des

demandes initiales tendant à ce que la Cour déclare que « le Gouverne -
ment hellénique … avait violé ses obligations internationales » (ibid.,
p. 170) en refusant de payer les sommes allouées à la société xbelge par les
sentences arbitrales ne souleva aucune objection de la part du défendxeur.

8. C’est dans ces circonstances pour le moins inhabituelles que la Cour x
se prononça dans les termes suivants :

«La Cour n’a pas manqué d’examiner la question de savoir si le
Statut et le Règlement de la Cour autorisent les parties à effecxtuer
une transformation profonde du caractère d’une affaire comme la x
transformation qu’a effectuée le Gouvernement belge.
Il y a lieu d’observer que la faculté laissée aux parties de moxdifier

leurs conclusions jusqu’à la fin de la procédure orale doit êxtre comprise
d’une manière raisonnable et sans porter atteinte à l’articlxe 40 du Sta -
tut et à l’article 32, alinéa 2, du Règlement, qui disposent que la requête
doit indiquer l’objet du différend. La Cour n’a pas eu, jusqux’à présent,
l’occasion de déterminer les limites de ladite faculté, mais ilx est évident

que la Cour ne saurait admettre, en principe, qu’un différend porté
devant elle par requête puisse être transformé, par voie de modxifica -
tions apportées aux conclusions, en un autre différend dont le cxarac-
tère ne serait pas le même. Une semblable pratique serait de nature à
porter préjudice aux Etats tiers qui, conformément à l’articxle 40, ali -

néa 2, du Statut, doivent recevoir communication de toute requête afin
qu’ils puissent se prévaloir du droit d’intervention prévu par les
articles 62 et 63 du Statut. De même, un changement complet de la
base de l’affaire soumise à la Cour pourrait exercer une répexrcussion
sur la compétence de celle-ci.» (Ibid., p. 173.)

Dans les circonstances exceptionnelles propres à cette affaire, la xCour,
après avoir ainsi énoncé les principes généraux régissxant cette question,

n’en admit pas moins, pour finir, cette « transformation», ayant

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6 CIJ1034.indb 203 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 724

« considéré que les circonstances spéciales de cette affaire, telles

qu’elles résult[aient] de l’exposé qui préc[édait], etx notamment l’ab ‑
sence de toute objection de la part de l’agent du Gouvernement hellé▯ ‑
nique, lui conseill[aient] d’adopter une interprétation large et de ne x
pas considérer la présente procédure comme irrégulière » (C.P.J.I.
Série A/B n o78, p. 173 ; les italiques sont de moi).

9. On ne peut en revanche trouver, en la présente instance, la moindre

circonstance exceptionnelle de nature à justifier une modification radicale
du caractère de la demande. Surtout, le défendeur a, au cas d’exspèce, réso -
lument tiré exception de cette reformulation de la demande à un stxade
tardif de la procédure.

10. On ne peut que conjecturer, à partir de ce que le demandeur a indi -
qué à la Cour, les motifs de ce changement de position :

«Dès lors que, dans son arrêt du 13 décembre 2007, la Cour avait
retenu « la première exception préliminaire [de la Colombie] en ce
qu’elle a[vait] trait à sa compétence pour connaître de la qxuestion de
la souveraineté sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Cata -
lina», le Nicaragua ne pouvait que s’incliner et ajuster ses conclu -

sions (et son argumentation) en conséquence. » (CR 2012/15, p. 38,
par. 11.)

11. Quelles que soient ces raisons, ce qui importe aux fins d’apprécxier
la situation en l’espèce est que, à la différence de ce quxi s’était produit en
l’affaire de la Société commerciale de Belgique, l’arrêt rendu par la Cour
en 2007 n’a pas modifié la situation juridique objective intéresxsant la déli -

mitation maritime de la zone en question de manière si radicale qu’il
aurait imposé au demandeur de renoncer à sa position initiale et dxe modi -
fier du tout au tout aussi bien sa demande principale que la base jurixdique
sur laquelle celle-ci était fondée.
12. La Cour, dans le présent arrêt, reconnaît que,

«d’un point de vue formel, la demande présentée par le Nicaraguax
au point I. 3) de ses conclusions finales (tendant à ce que la Cour

trace une limite opérant une division par parts égales de la zone xdu
plateau continental où les droits des deux Parties sur celui-ci se che -
vauchent) constitue une demande nouvelle par rapport à celles de la
requête et du mémoire » (arrêt, par. 108).

Elle rejette toutefois l’argument de la Colombie selon lequel cette demande
revisée modifie l’objet du différend porté devant elle, xaffirmant que « [l]e

fait que la demande de plateau continental étendu soit une demande noxu -
velle … ne la rend pas per se irrecevable » (ibid., par. 109), et cite un dic ‑
tum tiré de sa propre jurisprudence en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo, aux
termes duquel « ce qui est décisif, c’est la nature du lien entre cette
demande et celle qui est formulée dans la requête introductive » (ibid.).

Puisant largement dans l’argumentation du demandeur, la Cour fait

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6 CIJ1034.indb 205 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 725

valoir que, « [s]elon les termes de la requête, le différend porte en particu -
lier sur «un ensemble de questions juridiques connexes en matière de titre

territorial et de délimitation maritime qui demeurent en suspens entrxe la
République du Nicaragua et la République de Colombie »» (arrêt,
par. 111) et conclut en conséquence que « la demande [revisée] … relève
du différend qui oppose les Parties en matière de délimitatioxn maritime et
ne peut être considérée comme modifiant l’objet de celui-cxi » (ibid.).

Quant à moi, je suis au regret de ne pouvoir m’associer à la maxnière
dont la Cour perçoit la nature et l’objet du différend dont l’ax saisie le
demandeur.
13. En effet, l’on ne saurait, de par sa nature même, voir dans le brus -
que revirement de celui-ci autre chose qu’une transformation radicale de
l’objet même du différend. Si la jurisprudence de la Cour en xmatière de

recevabilité de demandes nouvelles était applicable au cas d’esxpèce, il
serait difficile de justifier cette nouvelle formulation en y voyant xune
demande « implicitement contenue dans la requête … ou découl[ant]
«directement de la question qui fait l’objet de cette requête »» (Certaines
terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 266, par. 67).
14. Le demandeur soutient que le remplacement de sa conclusion ini -
tiale par cette nouvelle formulation a laissé inchangée la situation juri -
dique; que, partant, l’objet du différend n’a pas été modifixé. Il avance que
le différend avait, et a toujours, comme seul objet « d’obtenir une décision

en matière de titre et de détermination des frontières maritimexs [entre le
Nicaragua et la Colombie] », ainsi qu’indiqué clairement au paragraphe 9
de la requête, et qu’« il ne faut pas confondre [cet] objet … et le moyen
par lequel il est proposé de régler [le différend] » (CR 2012/15, p. 37,
par. 9). Je ne saurais souscrire à cette position. Un plateau continentalx
fondé sur le critère de la distance et un plateau continental fondxé sur le

critère du prolongement naturel sont, en droit, de natures totalementx dis -
tinctes; les règles applicables à la détermination des limites de la mxarge
continentale sur la base du principe du prolongement naturel du plateau x
continental au-delà de la limite des 200 milles par opposition au cas d’un
plateau continental défini sur la base du critère de distance dex 200 milles

marins à partir de la côte continentale (convention des Nations Unies sur
le droit de la mer, art. 76) sont tout à fait différentes de celles qui régissent
la détermination de l’étendue du plateau continental entre Etatxs dont les
côtes sont adjacentes ou se font face (ibid., art. 83).
15. En réalité, ce que le demandeur propose, aux termes de la nouvellex

formulation qu’il utilise dans la conclusion énoncée au point I. 3), ne sau -
rait être considéré comme un simple « moyen par lequel il est proposé de
régler [le différend]» (CR 2012/15, p. 37, par. 9 ; les italiques sont de moi).
16. En ce qui concerne l’objet du « différend» que le Nicaragua pro -
pose de régler en substituant sa nouvelle demande à celle tendant xà la
détermination du tracé d’une « frontière maritime unique » (requête,

par. 8), il convient de relever que, hormis quelques références génxérales
— « [l]e différend [soumis à la Cour] porte sur un ensemble de questxions

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6 CIJ1034.indb 207 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 726

juridiques connexes en matière de titre territorial et de délimitaxtion mari-
time» (requête, par. 1), par exemple —, la requête ne contient aucune

définition expresse de ce que le demandeur entend par ce terme ; il n’y est
nulle part indiqué en quoi consiste, concrètement, le différexnd que le
Nicaragua entend soumettre à la Cour.

Ce n’est que lorsqu’on en arrive à la partie la plus importantex, traitant
des points concrets qu’il s’agit de trancher en la présente insxtance (ibid.,
par. 8), que la requête indique expressément que la Cour,

«à la lumière des conclusions auxquelles elle sera parvenue concer -
nant le titre revendiqué [plus haut], [est priée] de déterminerx le tracé
d’une frontière maritime unique entre les portions de plateau contxi -
nental et les zones économiques exclusives relevant respectivement du
Nicaragua et de la Colombie, conformément aux principes équitables

et aux circonstances pertinentes que le droit international généraxl
reconnaît comme s’appliquant à une délimitation de cet ordrex ».

Cette formulation ne saurait être plus explicite: elle vise à définir l’objectif
bien précis que le demandeur poursuit en s’en remettant à la déxcision de
la Cour, à savoir la détermination du tracé d’une frontièxre maritime
unique délimitant à la fois le plateau continental et les zones éxconomiques.
L’on ne saurait y voir la seule expression de l’un des moyens que la Cour

pourrait employer pour atteindre un objectif général consistant àx délimi -
ter les espaces maritimes situés entre les deux Parties.
17. Si les parties en litige avaient conjointement introduit l’affaire xpar
voie de compromis, la formulation employée dans cette requête aurait
incontestablement valu accord contraignant entre elles, définissantx le
contexte de la mission confiée à la Cour, laquelle n’aurait pxu y déroger.

Sans que nous nous trouvions ici dans ce cas de figure, il n’en resxte pas
moins que, dès lors que la Partie adverse, loin de contester la préxsente
requête en tant qu’elle affirmait l’existence du différenxd et en précisait le
contenu, a elle-même agi en partant du principe qu’elle en énonçait le
cadre et la portée, cette requête doit être réputée poserx le cadre, convenu

entre les Parties, de l’affaire soumise à la Cour.

En ce sens, force est de constater que nous ne sommes pas ici dans un
cas de figure où les parties sont libres de choisir, de modifier,x voire de
rejeter les moyens utilisés pour plaider leur cause respective sur tel ou tel

des points en litige.
18. L’on pourrait admettre que l’« objet principal [de la présente
requête]» tendant au règlement judiciaire du différend ait pu êtrex « d’ob -
tenir une décision en matière de titre et de détermination des frontières
maritimes» (CR 2012/15, p. 35, par. 6). Néanmoins, pour atteindre cet
objectif général, le demandeur a expressément prié la Cour dxe « détermi -

ner le tracé d’une frontière maritime unique entre les portionsx de plateau
continental et les zones économiques exclusives relevant respectivemexnt

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6 CIJ1034.indb 209 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 727

du Nicaragua et de la Colombie» (requête, par. 8); il ne lui a pas demandé

en termes généraux de veiller à ce que, « quelle que soit la méthode ou la
procédure … suiv[ie] … pour effectuer la délimitation, … aucune zone
maritime ne reste à délimiter entre lui-même et la Colombie » (CR 2012/8,
p. 25, par. 44).
19. M’en étant jusqu’à présent tenu à ces considérations concrètes, je

voudrais maintenant aborder une question qui est, selon moi, plus impor -
tante encore, et qui a trait à la politique judiciaire de la Cour. Lex présent
exemple de transformation d’un différend soumis à la Cour en xun autre
différend (puisque c’est ainsi que je le perçois) se distinxgue — par rapport
aux irrégularités procédurales auxquelles la Cour a générxalement affaire

et à l’égard desquelles, en sa qualité de juridiction internxationale, il lui est
loisible de faire preuve d’une plus grande souplesse — en ceci que la ques -
tion qui se pose ici ne relève pas d’une pure formalité procédurale qui
n’aurait qu’une incidence limitée sur l’équité procéxdurale entre les parties
en présence.

20. Dans l’affaire relative à Certaines terres à phosphates à Nauru, la
Cour a estimé que si, d’un point de vue formel, la demande additioxnnelle
concernant certains avoirs extérieurs mentionnés dans le mémoirxe de
Nauru constituait une nouvelle demande par rapport à la demande origix -
nelle présentée dans la requête, il lui fallait néanmoins déxterminer si cette

demande, quoique formellement nouvelle, pouvait être considéréex comme
matériellement incluse dans la demande initiale. En se penchant sur cxette
question, elle a accordé une grande importance à la position adoptxée par
la Cour permanente de Justice internationale, qui, dans une affaire anxté -
rieure, avait dit que « [l]a Cour, exerçant une juridiction internationale,

n’[était] pas tenue d’attacher à des considérations de foxrme la même
importance qu’elles pourraient avoir dans le droit interne » (Concessions
Mavrommatis en Palestine, arrêt n o 2, 1924 C.P.J.I. série A n o2, p. 34),
pour conclure cependant que « la demande nauruane … [était] irrecevable
au motif qu’elle constitu[ait] une demande tant formellement que matéx -

riellement nouvelle et que l’objet du différend qui lui a[vait] xoriginelle -
ment été soumis se trouverait transformé si elle accueillait cextte demand» e
(Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 267, par. 70).
21. La même considération devrait s’appliquer au cas d’espècex. L’ac -

ceptation par la Cour du changement radical apporté à la conclusioxn du
demandeur confère à la question de la délimitation maritime un xcaractère
entièrement différent, non seulement formellement, mais aussi matérielle -
ment. Le caractère juridique de la question en cause peut en effet xêtre
totalement différent selon que la Cour est appelée à trancher la question

de la délimitation maritime entre les deux Etats par rapport aux espaxces
maritimes qui englobent à la fois le plateau continental et la zone éxcono -
mique exclusive ou celle de la délimitation du plateau continental de cha -
cun des deux Etats au regard de bases théoriques entièrement distixnctes.
Dans le second cas de figure, un certain nombre de points essentiels

doivent être examinés : l’une des questions qu’il convient ainsi d’éclaircir,

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6 CIJ1034.indb 211 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 728

et qui ne se pose pas dans le premier cas, intéresse les formations gxéolo -
giques ou géomorphologiques que comptent les espaces maritimes en

cause, y compris la nature géologique des îles, îlots, cayes etx autres forma -
tions maritimes considérés dans la zone. Se pose également cellxe, épi -
neuse, des principes devant régir la délimitation maritime des zones de
chevauchement des portions de plateau continental revendiquées par lexs
deux Etats sur la base de critères différents — celui du prolongement

naturel du plateau continental au-delà de 200 milles marins de la ligne de
base de la côte pour l’un, celui de la seule distance pour l’auxtre —, et ce,
alors qu’aucune pratique étatique n’existe à cet égard, nxon plus qu’au -
cune jurisprudence. Une autre difficulté réside dans la réponsxe apportée
par la Cour à la question de savoir si les dispositions pertinentes qxue
contient la CNUDM, notamment en son article 76, trouvent ou non à

s’appliquer, dans la mesure ou l’une des Parties — la Colombie — n’est
pas partie à la convention.
22. Il s’agit de questions que les Parties ou la Cour ne se sont pas
posées au vu de la conclusion originelle du demandeur formulée danxs la
requête et le mémoire, et que les Parties n’ont pas davantage développées

lors du second tour de procédure écrite ou à l’audience. Du xreste, les
termes dans lesquels le demandeur lui-même confirmait sa position dans
son mémoire illustrent bien la contradiction inhérente à celle-ci :

«Pertinence de la géologie et de la géomorphologie
Du point de vue du Gouvernement du Nicaragua, les facteurs géo -
logiques et géomorphologiques ne présentent pas d’intérêt pour la

délimitation d’une frontière maritime unique à l’intérxieur de l’aire de
délimitation.» (Mémoire du Nicaragua, p. 215, par. 3.58.)

23. Il convient pour la Cour de prendre en compte le fait que ce chan -
gement radical de la position du demandeur ne s’est concrétisé xqu’en fin
d’année 2007, apparemment à la suite de l’arrêt rendu cetxte année-là au
stade des exceptions préliminaires (13 décembre 2007), et donc plus de
six ans après l’introduction — en 2001 — de l’affaire sous sa forme origi -
nelle. Or interdire la transformation d’un différend en un nouvexau diffé -

rend obéit à une logique fermement ancrée dans des considéraxtions de
bonne administration de la justice devant être appliquées aux deux Par -
ties, ainsi que de sécurité juridique. Voilà, selon moi, une quxestion de
principe essentielle qu’il convient, en l’occurrence, de mettre enx exergue,
en tant qu’elle concerne la politique judiciaire de la Cour.

24. Dans ce contexte, l’on ne s’étonnera pas de constater que, dansx le
présent arrêt, la Cour, tout en jugeant recevable, du point de vue de la
procédure, la nouvelle formulation de la conclusion énoncée par le deman -
deur au point I. 3), a néanmoins estimé ne pas pouvoir l’examiner au
fond; elle a fait le choix de procéder à l’analyse de la véritable nature
juridique de cette demande (chap. IV) en la dissociant de l’examen plus

général de la demande originelle concernant la délimitation de xla zone
maritime pertinente entre deux Etats dont les côtes se font face (chxap. V).

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6 CIJ1034.indb 213 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 729

La Cour a clairement conclu que la question que posait désormais le

Nicaragua dans cette conclusion finale était de nature telle qu’xelle ne
devait pas en traiter à ce stade de la procédure comme partie intéxgrante
de l’ensemble des questions générales relatives à la délixmitation maritime
que soulevait la requête. Il m’apparaît donc que la Cour n’ax pas décidé de
rejeter cette conclusion sur la seule base de l’insuffisance des éxléments pro-

duits par le Nicaragua. L’enjeu, ici, va au-delà, comme le montre le trai -
tement réservé à la question au chapitre IV de l’arrêt.

25. Reflet de cette singulière situation, le présent arrêt, tout xen recon -
naissant que la nouvelle formulation de la demande du Nicaragua est
recevable d’un point de vue procédural, en analyse cependant la naxture
juridique propre dans un chapitre à part, le chapitre IV, coincé entre un
chapitre III consacré à la question procédurale de la recevabilité dex la

demande du Nicaragua telle que reformulée au point I. 3) de ses conclu -
sions finales et un chapitre V qui traite des questions générales de délimi -
tation maritime. La Cour l’aborde donc comme une question distincte dxe
ces deux autres thématiques, pour conclure que la demande doit êtrxe reje -
tée. C’est notamment pour cette raison que le chapitre IV est dissocié des

chapitres III et V.
26. L’approche ainsi adoptée dans l’arrêt semble traduire la conxscience
qu’a la Cour des différences de nature juridique entre les deux xcas de
figure en matière de zones de plateau continental décrits au parxagraphe 21
ci-dessus. Voilà qui constituait, à mon sens, une raison supplémenxtaire

qui eût dû conduire la Cour à prendre des distances par rapportx à la nou -
velle formulation de la demande avancée par le Nicaragua, en la déxcla -
rant irrecevable en la présente espèce.

(Signé) Hisashi Owada.

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6 CIJ1034.indb 215 7/01/14 12:43

Bilingual Content

721

DISSENTING OPINION OF JUDGE OWADA

1. I have voted in favour of all the conclusions of the Court relating to
the merits of the dispute as contained in the operative paragraph of thex
Judgment (paragraph 251, subparagraph (1) and subparagraphs (3)

through (6)). However, I have been unable to vote in favour of subpara -
graph (2) of the operative paragraph that relates to the issue of admissi -
bility of the claim by Nicaragua contained in its final submission I (3). I
wish to explain why I believe that the conclusion of the Court on this
point is not in line with the criterion for judging admissibility of a claim

as developed by the Court and not right as a matter of principle.
2. Nicaragua as Applicant, in its original submission contained in the
Application of 6 December 2001, stated inter alia that :

“Accordingly, the Court is asked to adjudge and declare :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x . . . . . . . . . . . . . .

Second, in the light of the determinations concerning title requested
above, the Court is asked further to determine the course of the single x
maritime boundary between the areas of continental shelf and exclu -
sive economic zone appertaining respectively to Nicaragua and
Colombia, in accordance with equitable principles and relevant cir -

cumstances recognized by general international law as applicable to
such a delimitation of a single maritime boundary.” (Application,
p. 8, para. 8.)

It maintained the same formulation in its Memorial submitted on 28 April
2003 (Memorial of Nicaragua, para. 3.39 ; Submissions at pp. 265-267).
It, however, changed its submissions in its Reply of 18 September 2009

(submission I (3)). The final submissions of the Applicant, as read out at
the conclusion of the oral proceedings held on 1 May 2012, specifies its
claim as follows :

“I. May it please the Court to adjudge and declare that :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x . . . . . . . . . . . . . .

(3) The appropriate form of delimitation, within the geographical
and legal framework constituted by the mainland coasts of Nicaragua
and Colombia, is a continental shelf boundary dividing by equal parts
the overlapping entitlements to a continental shelf of both Parties.”x
(Judgment, para. 17.)

3. Colombia as Respondent lodged its objection to this, charging that
“Nicaragua’s maritime claims, and the basis on which those claims xhave

been formulated, have undergone a radical change at a very late stage

101

6 CIJ1034.indb 198 7/01/14 12:43 721

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

1. J’ai voté en faveur de l’ensemble des conclusions auxquelles la Cour
est parvenue quant au fond du différend, telles qu’exposées dxans le dispo-
sitif de l’arrêt (par. 251, points 1 et 3 à 6). Il ne m’a cependant pas été

possible de voter en faveur du point 2, qui a trait à la question de la rece -
vabilité de la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses
conclusions finales. Je voudrais préciser ici les raisons qui m’amènent à
penser que la conclusion de la Cour à cet égard n’est pas confoxrme aux
critères qu’elle a établis aux fins de juger de la recevabilixté d’une demande,

et qu’elle ne se justifie pas davantage sur le plan des principes.
2. Le Nicaragua, Etat demandeur, avait initialement formulé, dans sa
requête du 6 décembre 2001, une conclusion en ces termes :

«En conséquence, la Cour est priée :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x . . . . . . . . . . . . . .

Deuxièmement, à la lumière des conclusions auxquelles elle sera
parvenue concernant le titre revendiqué [ci-dessus], de déterminer le
tracé d’une frontière maritime unique entre les portions de plaxteau
continental et les zones économiques exclusives relevant respective -
ment du Nicaragua et de la Colombie, conformément aux principes

équitables et aux circonstances pertinentes que le droit internationaxl
général reconnaît comme s’appliquant à une délimitatioxn de cet
ordre.» (Requête, p. 8, par. 8.)

Le Nicaragua a conservé cette formulation dans son mémoire du
28 avril 2003 (mémoire, par. 3.39 ; conclusions, p. 265-267), mais a modi -
fié ses conclusions dans sa réplique du 18septembre 2009 (voir point I. 3)).

Dans ers conclusions finales dont il a donné lecture au terme de l’xaudience
du 1 mai 2012, sa demande était ainsi formulée :

« I. [La République du Nicaragua] prie la Cour de dire et juger :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x . . . . . . . . . . . . . .

3) que, dans le cadre géographique et juridique constitué par les
côtes continentales du Nicaragua et de la Colombie, la méthode de x
délimitation à retenir consiste à tracer une limite opérant une divi -
sion par parts égales de la zone du plateau continental où les droits
des deux Parties sur celui-ci se chevauchent. » (Arrêt, par. 17.)

3. La Colombie, Etat défendeur, a excipé à cet égard que « les reven-
dications maritimes du Nicaragua, et la base sur laquelle elles [étaixent]

censées reposer, [avaient] radicalement changé à un stade trèxs avancé de

101

6 CIJ1034.indb 199 7/01/14 12:43 722 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

of these proceedings” and that “this has fundamentally changed the
subject-matter of the dispute which Nicaragua originally asked the Court to

decide” (CR 2012/12, p. 44, para. 2). It elaborated its contention of inad -
missibility of the new claim of the Applicant by stating that “Nicaragua
has not simply reformulated its claim ; it has changed the very subject-
matter of the case” (ibid., p. 45, para. 10). It thus suggests that this new
position that the Applicant takes in the present case is contrary to Artxicle 40

of the Statute and Article 38 of the Rules of Court (ibid., p. 49, para. 32).
In its final submission read out at the conclusion of the oral proceedx -
ings on 4 May 2012, the Respondent stated as follows :

“. . . Colombia requests the Court to adjudge and declare :
(a) That Nicaragua’s new continental shelf claim is inadmissible and
that, consequently, Nicaragua’s Submission I (3) is rejected.”
(Judgment, para. 17.)

4. In this situation the Court, before proceeding to the examination on
the merits of the respective claims of the Parties, had to determine as xa
preliminary issue whether this newly formulated submission of the claim x

made by the Applicant in its final submission I (3) was admissible.
5. Both the Applicant and the Respondent cite the jurisprudence of
this Court principally on the basis of two recent cases before the Courtx —
that is, the case concerning Certain Phosphate Lands in Nauru and the
case concerning Ahmadou Sadio Diallo — in order to determine whether

or not this allegedly newly formulated claim of the Applicant can be conx -
sidered admissible. For this purpose, both Parties developed their argu -
ments on the basis of the criteria developed by the Court in its
jurisprudence on admissibility of a new claim — that is, either the new
claim has been implicit in the Application or it arises directly out of xthe

question which is the subject-matter of the Application.
6. In my view it is doubtful whether either of these two cases is strictly x
pertinent to the present case. In each of these recent cases the allegedx new
claim advanced at a later stage of the proceedings by the Applicant was,x
in its essential character, a new additional claim which had not expressly
been included in the original Application but which the Applicant

claimed — and the Respondent denied — to have been covered by the
original claim formulated in the original Application. It is submitted txhat
such is not the situation in the present case. An automatic and mechani -
cal application of these precedents thus could miss the essence of the pxre-s
ent case.

The essence of the situation in the present case is that the Applicant
attempted to replace the original formulation of the claim submitted to
the Court in its Application by a newly formulated, ostensibly differexnt,
claim relating to the existing dispute. In this sense, the present case xis
unique and has no exact jurisprudential precedent of the Court.

7. If we try to find an analogous situation in the jurisprudence of the
Court, the case which is more akin to the situation in the present case xwould

102

6 CIJ1034.indb 200 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 722

la procédure» et que « [c]e changement a[vait] transformé du tout au tout

l’objet du différend que le Nicaragua a[vait] demandé à lax Cour de tran -
cher» (CR 2012/12, p. 44, par. 2), plaidant l’irrecevabilité de la nouvelle
demande au motif que le Nicaragua « n’a[vait] pas simplement reformulé
sa revendication, il a[vait] changé l’objet même de l’affaxire» (ibid., p. 45,
par. 10). Elle soutenait en conséquence que la nouvelle position adoptéxe

par le demandeur en la présente affaire allait à l’encontre dxe l’article 40 du
Statut de la Cour et de l’article 38 du Règlement (ibid., p. 49, par. 32).
Dans la conclusion finale dont il a donné lecture au terme de l’xaudience
du 4 mai 2012,

«... le défendeur a prié la Cour de dire et juger :
a) que la nouvelle revendication du Nicaragua concernant le plateau

continental [était] irrecevable et que le point I. 3) des conclusions
du Nicaragua [était] en conséquence rejeté ». (Arrêt, par. 17.)
4. Dans ces circonstances, la Cour, avant de procéder à l’examen axu

fond des demandes respectives des Parties, se devait, à titre prélximinaire,
de statuer sur la recevabilité de la demande, ainsi reformulée, soxumise par
le requérant au point I. 3) de ses conclusions finales.
5. Le demandeur et le défendeur invoquent l’un et l’autre la jurisxpru -
dence de la Cour, citant essentiellement deux affaires récentes —x l’affaire

relative à Certaines terres à phosphates à Nauru et l’affaire Ahma ‑
dou Sadio Diallo —, aux fins d’apprécier la recevabilité de cette « nou-
velle» demande. Ils fondent tous deux leur argumentation sur les critères
que la Cour y a définis, à savoir que la nouvelle demande doit sxoit être
implicitement contenue dans la requête, soit découler directement xde la

question qui fait l’objet de celle-ci.

6. Je doute cependant que l’une ou l’autre de ces affaires soit réxelle -
ment pertinente aux fins de la présente espèce. Dans les deux cas, la

demande présentée comme nouvelle formulée par le requérant àx un stade
avancé de la procédure constituait, en substance, une nouvelle demande
additionnelle qui n’était pas expressément incluse dans la requête intro -
ductive d’instance, mais dont le demandeur soutenait — et le défendeur
niait — qu’elle était couverte par la demande originelle qui s’y txrouvait

formulée. Or il semblerait que la situation soit différente en lxa présente
instance. En appliquant de manière automatique et mécanique les crxitères
établis dans ces précédents, l’on court le risque de faire bxon marché des
caractéristiques propres au cas d’espèce.
La spécificité du cas d’espèce réside en ceci que le dexmandeur a tenté de

substituer à la formulation initiale de la demande qu’il avait soumise à lxa
Cour dans sa requête le libellé, nouveau et manifestement distinctx, d’une
demande en rapport avec le différend existant. En ce sens, la préxsente
affaire est unique et sans précédent dans la jurisprudence de lax Cour.
7. L’affaire qui s’en rapproche le plus serait sans doute celle de xla
o
Société commerciale de Belgique (arrêt, 1939, C.P.J.I. séri▯e A/B n 78)

102

6 CIJ1034.indb 201 7/01/14 12:43 723 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

be the case concerning Société commerciale de Belgique (Judgment, 1939,
P.C.I.J., Series A/B, No. 78), between Belgium and Greece, which came

before the Permanent Court of International Justice in 1939. In this casxe, the
original claim of the Applicant, the Belgian Government, contained in itxs
Application, asked the Court to declare that “the Greek Government, bxy
refusing to carry out the arbitral awards in favour of the Belgian Company,
had violated its international obligations” (ibid., p. 170). In its Counter-

Memorial, the Respondent disputed this allegation that it had refused to
carry out the arbitral awards. It advanced the contention that it had nexither
refused to carry out the awards nor disregarded the acquired rights of txhe
Belgian company, and claimed that it had committed no act which was con -
trary to international law. Thereupon, the Applicant decided to treat these
declarations of the Greek Government as changing the character of the dis -

pute between the two Parties, and, at the conclusion of the oral pleadings,
the final submissions of the Belgian Government were given a new form.x It
now asked the Court to rule that “all the provisions of the awards wexre bind -
ing on the Greek Government without reserve” (ibid., p. 171). No objection
was raised by the Respondent to this abandonment by the Applicant of its

original submissions which had asked the Court to declare that “the Gxreek
Government . . . had violated its international obligations” (ibid., p. 170) by
refusing to pay the arbitral awards in favour of the Belgian company.
8. It was under these unusual circumstances that the Court made the
following pronouncement :

“The Court has not failed to consider the question whether the
Statute and Rules of Court authorize the parties to transform the

character of a case as profoundly as the Belgian Government has done
in this case.
It is to be observed that the liberty accorded to the parties to amend
their submissions up to the end of the oral proceedings must be con -
strued reasonably and without infringing the terms of Article 40 of
the Statute and Article 32, paragraph 2, of the Rules which provide

that the Application must indicate the subject of the dispute. The
Court has not hitherto had occasion to determine the limits of this
liberty, but it is clear that the Court cannot, in principle, allow a
dispute brought before it by application to be transformed by amend -
ments in the submissions into another dispute which is different in

character. A practice of this kind would be calculated to prejudice the x
interests of third States to which, under Article 40, paragraph 2, of
the Statute, all applications must be communicated in order that they
may be in a position to avail themselves of the right of intervention
provided for in Articles62 and 63 of the Statute. Similarly, a complete

change in the basis of the case submitted to the Court might affect
the Court’s jurisdiction.” (Ibid., p. 173.)
Under these exceptional special circumstances of the case, the Court,

after thus stating the general principles governing this issue, neverthexless
accepted in the end this “transformation”. It declared that

103

6 CIJ1034.indb 202 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 723

entre la Belgique et la Grèce, soumise à la Cour permanente de Justice

internationale en 1939 : dans sa requête, le demandeur — le Gouverne -
ment belge — avait initialement prié la Cour de déclarer que « le Gouver-
nement hellénique, en se refusant à exécuter les sentences arbixtrales
rendues en faveur de la société belge, avait violé ses obligations interna -
tionales » (C.P.J.I. série A/B n 78, p. 170). Dans son contre-mémoire, le

défendeur nia s’être refusé à exécuter lesdites sentences. Soutenant qu’il
n’avait ni refusé d’exécuter celles-ci ni méconnu les droits acquis de la
société belge, il affirma n’avoir commis aucun acte contraire xau droit
international. Le demandeur décida alors de considérer ces déclxarations
du Gouvernement hellénique comme modifiant le caractère du diffxérend

entre les deux Parties et, au terme de la procédure orale, les concluxsions
finales du Gouvernement belge furent présentées sous une forme nxou -
velle. Il était désormais demandé à la Cour de dire que «xtoutes les dispo-
sitions des sentences étaient obligatoires sans réserve pour le Gouvernement
hellénique » (ibid., p. 171). Cet abandon, de la part du demandeur, des

demandes initiales tendant à ce que la Cour déclare que « le Gouverne -
ment hellénique … avait violé ses obligations internationales » (ibid.,
p. 170) en refusant de payer les sommes allouées à la société xbelge par les
sentences arbitrales ne souleva aucune objection de la part du défendxeur.

8. C’est dans ces circonstances pour le moins inhabituelles que la Cour x
se prononça dans les termes suivants :

«La Cour n’a pas manqué d’examiner la question de savoir si le
Statut et le Règlement de la Cour autorisent les parties à effecxtuer
une transformation profonde du caractère d’une affaire comme la x
transformation qu’a effectuée le Gouvernement belge.
Il y a lieu d’observer que la faculté laissée aux parties de moxdifier

leurs conclusions jusqu’à la fin de la procédure orale doit êxtre comprise
d’une manière raisonnable et sans porter atteinte à l’articlxe 40 du Sta -
tut et à l’article 32, alinéa 2, du Règlement, qui disposent que la requête
doit indiquer l’objet du différend. La Cour n’a pas eu, jusqux’à présent,
l’occasion de déterminer les limites de ladite faculté, mais ilx est évident

que la Cour ne saurait admettre, en principe, qu’un différend porté
devant elle par requête puisse être transformé, par voie de modxifica -
tions apportées aux conclusions, en un autre différend dont le cxarac-
tère ne serait pas le même. Une semblable pratique serait de nature à
porter préjudice aux Etats tiers qui, conformément à l’articxle 40, ali -

néa 2, du Statut, doivent recevoir communication de toute requête afin
qu’ils puissent se prévaloir du droit d’intervention prévu par les
articles 62 et 63 du Statut. De même, un changement complet de la
base de l’affaire soumise à la Cour pourrait exercer une répexrcussion
sur la compétence de celle-ci.» (Ibid., p. 173.)

Dans les circonstances exceptionnelles propres à cette affaire, la xCour,
après avoir ainsi énoncé les principes généraux régissxant cette question,

n’en admit pas moins, pour finir, cette « transformation», ayant

103

6 CIJ1034.indb 203 7/01/14 12:43 724 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

“[t]he Court, however, considers that the special circumstances of this
case as set out above, and more especially the absence of any objection

on the part of the Agent for the Greek Government, render it advisable
that it should take a broad view and not regard the present proceed -
ings as irregular” (P.C.I.J., Series A/B, No. 78, p. 173 ; emphasis
added).

9. By comparison, it is not possible to find in the present case any suchx
exceptional special circumstances that could justify the drastic change xin
the character of the claim. What is more pertinent and crucial, the

Respondent in the present case raised a strong objection to this novel
formulation of the claim advanced by the Applicant at that late stage ofx
the proceedings.
10. One could only surmise the background of this change of position
from what the Applicant explained before the Court :

“Once the Court had upheld ‘[Colombia’s] first preliminary obxjec -
tion . . . in so far as it concern[ed] the Court’s jurisdiction as regards

the question of sovereignty over the islands of San Andrés, Providen -
cia and Santa Catalina’ in its Judgment of 13 December 2007, Nica -
ragua could only accept that decision and adjust its submissions (and
its line of argument) accordingly.” (CR 2012/15, p. 38, para. 11.)

11. Whatever may be the background, what is essential for our assess -
ment of the situation is that, contrary to the case concerning Société Com‑

merciale de Belgique, the 2007 Judgment of the Court did not produce
any such fundamental change in the objective legal situation surroundingx
the maritime delimitation of the area in question, as to require the Appxli -
cant to give up its original position and to drastically change its prinxcipal
claim as well as its legal basis.

12. The present Judgment accepts that

“from a formal point of view, the claim made in Nicaragua’s finaxl
submission I (3) (requesting the Court to effect a continental shelf
boundary dividing by equal parts the overlapping entitlements to a
continental shelf of both Parties) is a new claim in relation to the
claims presented in the Application and the Memorial” (Judgment,

para. 108).
It however rejects the contention of Colombia that this revised claim

transforms the subject-matter of the dispute, arguing that “[t]he fact that
Nicaragua’s claim to an extended continental shelf is a new claim . . . does
not, in itself, render the claim inadmissible” (ibid., para. 109). It cites a
dictum from its own Judgment in the case concerning Ahmadou Sadio Diallo
that “the decisive consideration is the nature of the connection betwxeen

that claim and the one formulated in the Application instituting proceedx -
ings” (ibid.). Relying largely upon the argument of the Applicant, the

104

6 CIJ1034.indb 204 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 724

« considéré que les circonstances spéciales de cette affaire, telles

qu’elles résult[aient] de l’exposé qui préc[édait], etx notamment l’ab ‑
sence de toute objection de la part de l’agent du Gouvernement hellé▯ ‑
nique, lui conseill[aient] d’adopter une interprétation large et de ne x
pas considérer la présente procédure comme irrégulière » (C.P.J.I.
Série A/B n o78, p. 173 ; les italiques sont de moi).

9. On ne peut en revanche trouver, en la présente instance, la moindre

circonstance exceptionnelle de nature à justifier une modification radicale
du caractère de la demande. Surtout, le défendeur a, au cas d’exspèce, réso -
lument tiré exception de cette reformulation de la demande à un stxade
tardif de la procédure.

10. On ne peut que conjecturer, à partir de ce que le demandeur a indi -
qué à la Cour, les motifs de ce changement de position :

«Dès lors que, dans son arrêt du 13 décembre 2007, la Cour avait
retenu « la première exception préliminaire [de la Colombie] en ce
qu’elle a[vait] trait à sa compétence pour connaître de la qxuestion de
la souveraineté sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Cata -
lina», le Nicaragua ne pouvait que s’incliner et ajuster ses conclu -

sions (et son argumentation) en conséquence. » (CR 2012/15, p. 38,
par. 11.)

11. Quelles que soient ces raisons, ce qui importe aux fins d’apprécxier
la situation en l’espèce est que, à la différence de ce quxi s’était produit en
l’affaire de la Société commerciale de Belgique, l’arrêt rendu par la Cour
en 2007 n’a pas modifié la situation juridique objective intéresxsant la déli -

mitation maritime de la zone en question de manière si radicale qu’il
aurait imposé au demandeur de renoncer à sa position initiale et dxe modi -
fier du tout au tout aussi bien sa demande principale que la base jurixdique
sur laquelle celle-ci était fondée.
12. La Cour, dans le présent arrêt, reconnaît que,

«d’un point de vue formel, la demande présentée par le Nicaraguax
au point I. 3) de ses conclusions finales (tendant à ce que la Cour

trace une limite opérant une division par parts égales de la zone xdu
plateau continental où les droits des deux Parties sur celui-ci se che -
vauchent) constitue une demande nouvelle par rapport à celles de la
requête et du mémoire » (arrêt, par. 108).

Elle rejette toutefois l’argument de la Colombie selon lequel cette demande
revisée modifie l’objet du différend porté devant elle, xaffirmant que « [l]e

fait que la demande de plateau continental étendu soit une demande noxu -
velle … ne la rend pas per se irrecevable » (ibid., par. 109), et cite un dic ‑
tum tiré de sa propre jurisprudence en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo, aux
termes duquel « ce qui est décisif, c’est la nature du lien entre cette
demande et celle qui est formulée dans la requête introductive » (ibid.).

Puisant largement dans l’argumentation du demandeur, la Cour fait

104

6 CIJ1034.indb 205 7/01/14 12:43 725 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

Judgment states that “the Application defined the dispute as ‘a xgroup of
related legal issues subsisting between the Republic of Nicaragua and the

Republic of Colombia concerning title to territory and maritime delimita-
tion’” (Judgment, para. 111). On the basis of this understanding, the
Judgment concludes that “the [revised] claim . . . falls within the dispute
between the Parties relating to maritime delimitation and cannot be saidx
to transform the subject-matter of that dispute” (ibid.). I respectfully dif -

fer from this perception of the Court about the nature and the
subject-matter of the dispute as submitted to the Court by the Applicant.

13. In its nature, this sudden change of position on the part of the
Applicant cannot but be described as anything but a radical transforma -
tion of the subject-matter of the dispute itself. If the jurisprudence of the

Court for admissibility of a new claim were to be applicable to the presxent
case, it would be difficult to justify this newly formulated claim as ax claim
“[that] must have been implicit in the application . . . or must arise
‘directly out of the question which is the subject-matter of that Applica -
tion’” (Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Prelimi‑

nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 266, para. 67).
14. The Applicant argues that the legal situation after this newly refor -
mulated submission replaced its original submission remains no different
from the legal situation that had existed before ; that the subject of the
dispute has thus not been modified. It is argued that the issue of thex subject

of the dispute was, and still is, nothing else than “to obtain declarxations
concerning title and the determination of maritime boundaries [between
Nicaragua and Colombia]” as paragraph 9 of the Application makes clear
and “should not be confused with the means by which it is suggested to
resolve it” (CR 2012/15, p. 37, para. 9). I am unable to agree with this posi -
tion. The legal character of a continental shelf based on the distance cxrit-e

rion and that of a continental shelf based on the natural prolongation
criterion are quite distinct ; thus the rules applicable for determining the
continental margin boundary on the basis of the principle of natural prox -
longation extending beyond the 200 mile limit of the continental shelf as
against the continental shelf determined by the distance criterion of

200 nautical miles from the coast of the land territory (United Nations
Convention on the Law of the Sea, Art. 76) are entirely distinct and differ -
ent from the rules applicable for determining the extent of the continental
shelf between the opposite or adjacent states (ibid., Art. 83).
15. In effect, what is proposed by the Applicant by way of its newly

reformulated submission I (3) is not something that can be characterized
as relating only to “the means by which it is suggested to resolve [the dis -
pute]” (CR 2012/15, p. 37, para. 9 ; emphasis added).
16. With regard to the subject-matter of the “dispute”, for the resolu -
tion of which the newly reformulated claim of an extended continental
shelf of Nicaragua is purportedly being advanced, replacing the originalx

request for “a single maritime boundary” (Application, para. 8), it is to
be noted that there is no express definition in the Application to indxicate

105

6 CIJ1034.indb 206 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 725

valoir que, « [s]elon les termes de la requête, le différend porte en particu -
lier sur «un ensemble de questions juridiques connexes en matière de titre

territorial et de délimitation maritime qui demeurent en suspens entrxe la
République du Nicaragua et la République de Colombie »» (arrêt,
par. 111) et conclut en conséquence que « la demande [revisée] … relève
du différend qui oppose les Parties en matière de délimitatioxn maritime et
ne peut être considérée comme modifiant l’objet de celui-cxi » (ibid.).

Quant à moi, je suis au regret de ne pouvoir m’associer à la maxnière
dont la Cour perçoit la nature et l’objet du différend dont l’ax saisie le
demandeur.
13. En effet, l’on ne saurait, de par sa nature même, voir dans le brus -
que revirement de celui-ci autre chose qu’une transformation radicale de
l’objet même du différend. Si la jurisprudence de la Cour en xmatière de

recevabilité de demandes nouvelles était applicable au cas d’esxpèce, il
serait difficile de justifier cette nouvelle formulation en y voyant xune
demande « implicitement contenue dans la requête … ou découl[ant]
«directement de la question qui fait l’objet de cette requête »» (Certaines
terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 266, par. 67).
14. Le demandeur soutient que le remplacement de sa conclusion ini -
tiale par cette nouvelle formulation a laissé inchangée la situation juri -
dique; que, partant, l’objet du différend n’a pas été modifixé. Il avance que
le différend avait, et a toujours, comme seul objet « d’obtenir une décision

en matière de titre et de détermination des frontières maritimexs [entre le
Nicaragua et la Colombie] », ainsi qu’indiqué clairement au paragraphe 9
de la requête, et qu’« il ne faut pas confondre [cet] objet … et le moyen
par lequel il est proposé de régler [le différend] » (CR 2012/15, p. 37,
par. 9). Je ne saurais souscrire à cette position. Un plateau continentalx
fondé sur le critère de la distance et un plateau continental fondxé sur le

critère du prolongement naturel sont, en droit, de natures totalementx dis -
tinctes; les règles applicables à la détermination des limites de la mxarge
continentale sur la base du principe du prolongement naturel du plateau x
continental au-delà de la limite des 200 milles par opposition au cas d’un
plateau continental défini sur la base du critère de distance dex 200 milles

marins à partir de la côte continentale (convention des Nations Unies sur
le droit de la mer, art. 76) sont tout à fait différentes de celles qui régissent
la détermination de l’étendue du plateau continental entre Etatxs dont les
côtes sont adjacentes ou se font face (ibid., art. 83).
15. En réalité, ce que le demandeur propose, aux termes de la nouvellex

formulation qu’il utilise dans la conclusion énoncée au point I. 3), ne sau -
rait être considéré comme un simple « moyen par lequel il est proposé de
régler [le différend]» (CR 2012/15, p. 37, par. 9 ; les italiques sont de moi).
16. En ce qui concerne l’objet du « différend» que le Nicaragua pro -
pose de régler en substituant sa nouvelle demande à celle tendant xà la
détermination du tracé d’une « frontière maritime unique » (requête,

par. 8), il convient de relever que, hormis quelques références génxérales
— « [l]e différend [soumis à la Cour] porte sur un ensemble de questxions

105

6 CIJ1034.indb 207 7/01/14 12:43 726 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

what exactly in the view of the Applicant constitutes the dispute being x
submitted by the Applicant in the present case, except for several generxal

references to “the dispute”, such as that “[t]he dispute [submixtted to the
Court] consists of a group of related legal issues . . . concerning title to
territory and maritime delimitation” (Application, para. 1). Nowhere in
the Application is to be seen what concretely is the dispute that the Apxpli -
cant is envisaging to refer to the Court.

It is only when we come to the crucial part of the Application which
deals with concrete requests for the Court to adjudge and declare in thex
present case (ibid., para. 8), that the Application specifically states that :

“in the light of the determinations concerning title requested above,x
the Court is asked further to determine the course of the single mar -
itime boundary between the areas of continental shelf and exclusive
economic zone appertaining respectively to Nicaragua and Colombia,
in accordance with equitable principles and relevant circumstances

recognized by general international law as applicable to such a delim -
itation of a single maritime boundary”.

This language could not be clearer ; its purport is to identify a very spe -
cific objective that the Applicant seeks to attain by the Judgment, thxat is,
the determination of the course of a single maritime boundary constitut -
ing both the continental shelf boundary and the economic zone bound -
ary. It cannot be read as merely indicating one possible means to be

employed by the Court for achieving the general objective of demarcating
maritime areas lying between the two Parties.
17. If this were a case submitted jointly by the disputing parties through
a special agreement, such language as is used in this Application would
undoubtedly have constituted a binding agreement of the parties setting x
out the framework of the task assigned to the Court, from which the

Court could not derogate. While it is true that such is not the case in xthe
present proceedings, this Application, which the other Party not only dixd
not contest with regard to the existence and the contents of this disputxe
but which it positively acted upon as defining the framework and the
scope of the dispute in the present proceedings, should be regarded as

constituting the agreed basis of the framework of the case before the
Court.
In this sense it must be said that the present situation is qualitativelxy
different from the situation where parties are free to choose, modify xor
even discard the means through which they argue their respective cases on

a defined point at issue.
18. It may be accepted that the “principal purpose of this Application”x
seeking the judicial settlement of the dispute may have been “to obtaxin
declarations concerning title and the determination of maritime boundar -
ies” (CR 2012/15, p. 35, para. 6). Nonetheless, the specific request submit-
ted by the Applicant to the Court for achieving this general purpose wasx

for the Court “to determine the course of the single maritime boundary
between the areas of continental shelf and exclusive economic zone apperx -

106

6 CIJ1034.indb 208 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 726

juridiques connexes en matière de titre territorial et de délimitaxtion mari-
time» (requête, par. 1), par exemple —, la requête ne contient aucune

définition expresse de ce que le demandeur entend par ce terme ; il n’y est
nulle part indiqué en quoi consiste, concrètement, le différexnd que le
Nicaragua entend soumettre à la Cour.

Ce n’est que lorsqu’on en arrive à la partie la plus importantex, traitant
des points concrets qu’il s’agit de trancher en la présente insxtance (ibid.,
par. 8), que la requête indique expressément que la Cour,

«à la lumière des conclusions auxquelles elle sera parvenue concer -
nant le titre revendiqué [plus haut], [est priée] de déterminerx le tracé
d’une frontière maritime unique entre les portions de plateau contxi -
nental et les zones économiques exclusives relevant respectivement du
Nicaragua et de la Colombie, conformément aux principes équitables

et aux circonstances pertinentes que le droit international généraxl
reconnaît comme s’appliquant à une délimitation de cet ordrex ».

Cette formulation ne saurait être plus explicite: elle vise à définir l’objectif
bien précis que le demandeur poursuit en s’en remettant à la déxcision de
la Cour, à savoir la détermination du tracé d’une frontièxre maritime
unique délimitant à la fois le plateau continental et les zones éxconomiques.
L’on ne saurait y voir la seule expression de l’un des moyens que la Cour

pourrait employer pour atteindre un objectif général consistant àx délimi -
ter les espaces maritimes situés entre les deux Parties.
17. Si les parties en litige avaient conjointement introduit l’affaire xpar
voie de compromis, la formulation employée dans cette requête aurait
incontestablement valu accord contraignant entre elles, définissantx le
contexte de la mission confiée à la Cour, laquelle n’aurait pxu y déroger.

Sans que nous nous trouvions ici dans ce cas de figure, il n’en resxte pas
moins que, dès lors que la Partie adverse, loin de contester la préxsente
requête en tant qu’elle affirmait l’existence du différenxd et en précisait le
contenu, a elle-même agi en partant du principe qu’elle en énonçait le
cadre et la portée, cette requête doit être réputée poserx le cadre, convenu

entre les Parties, de l’affaire soumise à la Cour.

En ce sens, force est de constater que nous ne sommes pas ici dans un
cas de figure où les parties sont libres de choisir, de modifier,x voire de
rejeter les moyens utilisés pour plaider leur cause respective sur tel ou tel

des points en litige.
18. L’on pourrait admettre que l’« objet principal [de la présente
requête]» tendant au règlement judiciaire du différend ait pu êtrex « d’ob -
tenir une décision en matière de titre et de détermination des frontières
maritimes» (CR 2012/15, p. 35, par. 6). Néanmoins, pour atteindre cet
objectif général, le demandeur a expressément prié la Cour dxe « détermi -

ner le tracé d’une frontière maritime unique entre les portionsx de plateau
continental et les zones économiques exclusives relevant respectivemexnt

106

6 CIJ1034.indb 209 7/01/14 12:43 727 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

taining respectively to Nicaragua and Colombia” (Application, para. 8),
and not such a generally formulated request that “whatever method or x

procedure is adopted by the Court to effect the delimitation . . . the deci -
sion [of the Court] leaves no more maritime areas pending delimitation
between Nicaragua and Colombia” (CR 2012/8, p. 25, para. 44).
19. Having discussed so far in terms of the concrete context of the
case, I wish to turn now to what in my view is an even more important

point — namely, the consideration of judicial policy of this Court. The
present instance of what I believe to be a transformation of the disputex
already before the Court into another dispute is different in character
from the normal case of procedural irregularities, to which the Court,
being an international jurisdiction, can sometimes take a more flexiblxe
position. The present case in my view is not a mere matter of proceduralx

formality with only a limited impact on the procedural fairness of the
case in issue.

20. In the case concerning Certain Phosphate Lands in Nauru, the
Court took the view that from a formal point of view the additional claim

relating to certain outside assets that appeared in the Nauruan Memorial
was a new claim as compared with the original claim presented in the
Application. Nevertheless, it took the position that it should consider x
whether, although formally a new claim, this claim could be considered axs
included in the original claim in substance. In considering this point, xthe

Court took careful account of the position enunciated by the Perma -
nent Court of International Justice in an earlier case that “[t]he Court, x
whose jurisdiction is international, is not bound to attach to matters oxf
form the same degree of importance which they might possess in munici -
pal law” (Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924,
P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 34). After an extensive consideration of this

point, the Court nonetheless came to the conclusion that “the Nauruanx
claim . . . is inadmissible inasmuch as it constitutes, both in form and in
substance, a new claim, and the subject of the dispute originally submitx -
ted to the Court would be transformed if it entertained that claim” (xCer‑
tain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary

Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 267, para. 70).
21. In the present case the same consideration should apply. If the
Court were to accept this radical change in the Applicant’s submissioxn,
then the whole issue of maritime delimitation would acquire a totally dixf -
ferent legal character, not only in form but also in substance. Dependinxg

upon whether the Court is deciding on the issue of maritime demarcation x
between the two States in relation to the sea areas covering both conti -
nental shelf and exclusive economic zone, or the issue of the delimitatixon
of the continental shelf alone of the two States respectively based on
totally different theoretical grounds, the legal character of the issuxe
involved can be totally different. The latter issue would involve an exami -

nation of such basic questions as the following : one fundamental point to
be clarified in relation to the latter issue, which does not exist in xthe for-

107

6 CIJ1034.indb 210 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 727

du Nicaragua et de la Colombie» (requête, par. 8); il ne lui a pas demandé

en termes généraux de veiller à ce que, « quelle que soit la méthode ou la
procédure … suiv[ie] … pour effectuer la délimitation, … aucune zone
maritime ne reste à délimiter entre lui-même et la Colombie » (CR 2012/8,
p. 25, par. 44).
19. M’en étant jusqu’à présent tenu à ces considérations concrètes, je

voudrais maintenant aborder une question qui est, selon moi, plus impor -
tante encore, et qui a trait à la politique judiciaire de la Cour. Lex présent
exemple de transformation d’un différend soumis à la Cour en xun autre
différend (puisque c’est ainsi que je le perçois) se distinxgue — par rapport
aux irrégularités procédurales auxquelles la Cour a générxalement affaire

et à l’égard desquelles, en sa qualité de juridiction internxationale, il lui est
loisible de faire preuve d’une plus grande souplesse — en ceci que la ques -
tion qui se pose ici ne relève pas d’une pure formalité procédurale qui
n’aurait qu’une incidence limitée sur l’équité procéxdurale entre les parties
en présence.

20. Dans l’affaire relative à Certaines terres à phosphates à Nauru, la
Cour a estimé que si, d’un point de vue formel, la demande additioxnnelle
concernant certains avoirs extérieurs mentionnés dans le mémoirxe de
Nauru constituait une nouvelle demande par rapport à la demande origix -
nelle présentée dans la requête, il lui fallait néanmoins déxterminer si cette

demande, quoique formellement nouvelle, pouvait être considéréex comme
matériellement incluse dans la demande initiale. En se penchant sur cxette
question, elle a accordé une grande importance à la position adoptxée par
la Cour permanente de Justice internationale, qui, dans une affaire anxté -
rieure, avait dit que « [l]a Cour, exerçant une juridiction internationale,

n’[était] pas tenue d’attacher à des considérations de foxrme la même
importance qu’elles pourraient avoir dans le droit interne » (Concessions
Mavrommatis en Palestine, arrêt n o 2, 1924 C.P.J.I. série A n o2, p. 34),
pour conclure cependant que « la demande nauruane … [était] irrecevable
au motif qu’elle constitu[ait] une demande tant formellement que matéx -

riellement nouvelle et que l’objet du différend qui lui a[vait] xoriginelle -
ment été soumis se trouverait transformé si elle accueillait cextte demand» e
(Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 267, par. 70).
21. La même considération devrait s’appliquer au cas d’espècex. L’ac -

ceptation par la Cour du changement radical apporté à la conclusioxn du
demandeur confère à la question de la délimitation maritime un xcaractère
entièrement différent, non seulement formellement, mais aussi matérielle -
ment. Le caractère juridique de la question en cause peut en effet xêtre
totalement différent selon que la Cour est appelée à trancher la question

de la délimitation maritime entre les deux Etats par rapport aux espaxces
maritimes qui englobent à la fois le plateau continental et la zone éxcono -
mique exclusive ou celle de la délimitation du plateau continental de cha -
cun des deux Etats au regard de bases théoriques entièrement distixnctes.
Dans le second cas de figure, un certain nombre de points essentiels

doivent être examinés : l’une des questions qu’il convient ainsi d’éclaircir,

107

6 CIJ1034.indb 211 7/01/14 12:43 728 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

mer issue, relates to the question of geological or geomorphological feax -
tures of the maritime areas involved, including the geological nature ofx

the relevant islands, islets, cays and other maritime features in the arxea.
Another difficult question will arise in relation to the unsettled doctxrine of
how to effect a maritime delimitation of overlapping areas of continenxtal
shelf entitlements between two States claimed on the strength of diffexrent
legal bases by each Party — one claim based on the criterion of natural

prolongation extending beyond 200 nautical miles from the baseline of
the coast, the other based on the criterion of pure distance. No State
practice has developed and no jurisprudence exists on this point. Yet
another difficulty the Court will have to face is the question of applixcabil -
ity vel non of the relevant prescriptive conditions contained in UNCLOS,
especially its Article 76, to the extent that one of the Parties, Colombia, is

not a party to the Convention.

22. These are not issues which were envisaged by the Parties or by the
Court when the original submission of the Applicant was made in its
Application and its Memorial ; nor were they argued in full at the last

stage of the written proceedings or at the stage of oral proceedings by x
both of the Parties. The contradiction inherent in the position of the
Applicant is well illustrated in the following confirmatory statement xin
the Memorial of the Applicant itself :

“The Relevance of Geology and Geomorphology
The position of the Government of Nicaragua is that geological
and geomorphological factors have no relevance for the delimitation

of a single maritime boundary within the delimitation area.” (Memo -
rial of Nicaragua, p. 215, para. 3.58.)

23. One important point for the Court to consider is that this radical
change in the Applicant’s position took its concrete form only in latxe
2007, ostensibly in connection with the 2007 Judgment of the Court on
the Preliminary Objections phase of the case (13 December 2007), more
than six years after the dispute had been submitted in its original formx in
2001. The rationale of the prohibition of the transformation of the dis -

pute into a new dispute is solidly founded on the consideration of fair x
administration of justice to be applied to both parties and the consider -
ation of legal stability and predictability. This to my mind is an essenxtial
point of principle to be emphasized in the present setting as a matter oxf
judicial policy of the Court.

24. In light of this situation, it should be no source of surprise to find
that the Court in the present Judgment has found, while accepting that txhe
newly reformulated claim of the Applicant is procedurally admissible, thxat
it nonetheless could not entertain the examination of the substantive claim
of the Applicant on this point. What the Court decided to do in this Judxg -
ment, after upholding the procedural admissibility of submission I (3) of

the Application, was to engage in the analysis of the essential legal naxture
of this claim (Part IV), treating it separately from the more general exami -

108

6 CIJ1034.indb 212 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 728

et qui ne se pose pas dans le premier cas, intéresse les formations gxéolo -
giques ou géomorphologiques que comptent les espaces maritimes en

cause, y compris la nature géologique des îles, îlots, cayes etx autres forma -
tions maritimes considérés dans la zone. Se pose également cellxe, épi -
neuse, des principes devant régir la délimitation maritime des zones de
chevauchement des portions de plateau continental revendiquées par lexs
deux Etats sur la base de critères différents — celui du prolongement

naturel du plateau continental au-delà de 200 milles marins de la ligne de
base de la côte pour l’un, celui de la seule distance pour l’auxtre —, et ce,
alors qu’aucune pratique étatique n’existe à cet égard, nxon plus qu’au -
cune jurisprudence. Une autre difficulté réside dans la réponsxe apportée
par la Cour à la question de savoir si les dispositions pertinentes qxue
contient la CNUDM, notamment en son article 76, trouvent ou non à

s’appliquer, dans la mesure ou l’une des Parties — la Colombie — n’est
pas partie à la convention.
22. Il s’agit de questions que les Parties ou la Cour ne se sont pas
posées au vu de la conclusion originelle du demandeur formulée danxs la
requête et le mémoire, et que les Parties n’ont pas davantage développées

lors du second tour de procédure écrite ou à l’audience. Du xreste, les
termes dans lesquels le demandeur lui-même confirmait sa position dans
son mémoire illustrent bien la contradiction inhérente à celle-ci :

«Pertinence de la géologie et de la géomorphologie
Du point de vue du Gouvernement du Nicaragua, les facteurs géo -
logiques et géomorphologiques ne présentent pas d’intérêt pour la

délimitation d’une frontière maritime unique à l’intérxieur de l’aire de
délimitation.» (Mémoire du Nicaragua, p. 215, par. 3.58.)

23. Il convient pour la Cour de prendre en compte le fait que ce chan -
gement radical de la position du demandeur ne s’est concrétisé xqu’en fin
d’année 2007, apparemment à la suite de l’arrêt rendu cetxte année-là au
stade des exceptions préliminaires (13 décembre 2007), et donc plus de
six ans après l’introduction — en 2001 — de l’affaire sous sa forme origi -
nelle. Or interdire la transformation d’un différend en un nouvexau diffé -

rend obéit à une logique fermement ancrée dans des considéraxtions de
bonne administration de la justice devant être appliquées aux deux Par -
ties, ainsi que de sécurité juridique. Voilà, selon moi, une quxestion de
principe essentielle qu’il convient, en l’occurrence, de mettre enx exergue,
en tant qu’elle concerne la politique judiciaire de la Cour.

24. Dans ce contexte, l’on ne s’étonnera pas de constater que, dansx le
présent arrêt, la Cour, tout en jugeant recevable, du point de vue de la
procédure, la nouvelle formulation de la conclusion énoncée par le deman -
deur au point I. 3), a néanmoins estimé ne pas pouvoir l’examiner au
fond; elle a fait le choix de procéder à l’analyse de la véritable nature
juridique de cette demande (chap. IV) en la dissociant de l’examen plus

général de la demande originelle concernant la délimitation de xla zone
maritime pertinente entre deux Etats dont les côtes se font face (chxap. V).

108

6 CIJ1034.indb 213 7/01/14 12:43 729 territorial and marixtime dispute (diss. op. oxwada)

nation of the original claim of the Applicant relating to the delimitatixon of

the relevant maritime area between the two opposing States (Part V).
Clearly the Court has concluded that the issue now raised by Nicaragua ixn
its final submission I (3) was of such a nature that the Court at this stage
of the proceedings should not address it as if it were part and parcel oxf the
general basket of issues relating to the maritime delimitation raised inx the

Application of Nicaragua. It is in my view for this reason that the Court
did not proceed to dispose of this Nicaraguan submission I (3) by simply
rejecting it on the basis of inadequacy of evidence produced by Nicaraguxa.
More than the issue of evidence is involved, as is revealed in the treatxment
of the problem involved in Part IV of the Judgment.

25. Reflecting this anomalous situation the present Judgment, while
accepting that the reformulated claim of the Applicant is procedurally
admissible, analyses the essential legal nature of this claim in an indexpen -
dent Part IV, in between Part III (which deals with the procedural issuxe
of admissibility of the reformulated claim of the Applicant in I (3) of its

final submissions) and Part V (which discusses the general issues of mari -
time delimitation). The Judgment treats this as a separate issue from
either of the other two issues, arriving at the conclusion that this claxim
had to be rejected. For this reason, among others, Part IV is kept separxate
from Part III and Part V.

26. This approach adopted in the Judgment would seem to reflect the
awareness on the part of the Court of the differences that exist in thxe legal
nature of the two different issues involved in relation to the regionsx of the
continental shelf, as described in paragraph 21 above. This to me is one

more reason why the Court should have distanced itself from this newly
reformulated claim of Nicaragua by declaring it to be inadmissible in thxe
present proceedings.

(Signed) Hisashi Owada.

109

6 CIJ1034.indb 214 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (op. diss. oxwada) 729

La Cour a clairement conclu que la question que posait désormais le

Nicaragua dans cette conclusion finale était de nature telle qu’xelle ne
devait pas en traiter à ce stade de la procédure comme partie intéxgrante
de l’ensemble des questions générales relatives à la délixmitation maritime
que soulevait la requête. Il m’apparaît donc que la Cour n’ax pas décidé de
rejeter cette conclusion sur la seule base de l’insuffisance des éxléments pro-

duits par le Nicaragua. L’enjeu, ici, va au-delà, comme le montre le trai -
tement réservé à la question au chapitre IV de l’arrêt.

25. Reflet de cette singulière situation, le présent arrêt, tout xen recon -
naissant que la nouvelle formulation de la demande du Nicaragua est
recevable d’un point de vue procédural, en analyse cependant la naxture
juridique propre dans un chapitre à part, le chapitre IV, coincé entre un
chapitre III consacré à la question procédurale de la recevabilité dex la

demande du Nicaragua telle que reformulée au point I. 3) de ses conclu -
sions finales et un chapitre V qui traite des questions générales de délimi -
tation maritime. La Cour l’aborde donc comme une question distincte dxe
ces deux autres thématiques, pour conclure que la demande doit êtrxe reje -
tée. C’est notamment pour cette raison que le chapitre IV est dissocié des

chapitres III et V.
26. L’approche ainsi adoptée dans l’arrêt semble traduire la conxscience
qu’a la Cour des différences de nature juridique entre les deux xcas de
figure en matière de zones de plateau continental décrits au parxagraphe 21
ci-dessus. Voilà qui constituait, à mon sens, une raison supplémenxtaire

qui eût dû conduire la Cour à prendre des distances par rapportx à la nou -
velle formulation de la demande avancée par le Nicaragua, en la déxcla -
rant irrecevable en la présente espèce.

(Signé) Hisashi Owada.

109

6 CIJ1034.indb 215 7/01/14 12:43

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Opinion dissidente de M. le juge Owada

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