Opinion individuelle de M. le juge Koroma

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136-20080604-JUD-01-02-EN
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136-20080604-JUD-01-00-EN
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252

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KOROMA

[Traduction]

Importance du traité d’amitié et de coopération signé en 1977 dans la procé-
dure d’information relative à l’ Affaire contre X du chef d’assassinat sur la per-
sonne de Bernard Borrel — Questions soulevées — Coopération, égalité souve-
raine et respect mutuel — Convention d’entraide judiciaire en matière pénale
de 1986 — Le droit interne n’est pas un motif de non-exécution d’une obligation
conventionnelle — Réciprocité en tant que l’un des principes inhérents à la
conclusion d’un tel traité et objectif de la convention — Inviolabilité de l’immu-
nité du chef de l’Etat de Djibouti — Nécessité que des excuses soient prescrites
en tant que remède dans le dispositif — Importance juridique du dispositif.

1. J’ai souscrit au dispositif pour diverses raisons, parmi lesquelles
figure la volonté de la France de donner son consentement, permettant
ainsi à la Cour d’exercer le forum prorogatum en l’espèce. Malheureuse-
ment, la confiance que la France a placée dans la Cour a été déçue par
une interprétation n’allant pas dans le sens de l’objet de la compétence
conférée à la Cour. Aussi ferai-je les observations suivantes.

2. En l’espèce, Djibouti fait grief à la France d’avoir violé la conven-
tion d’entraide judiciaire en matière pénale conclue le 27 septembre 1986
par les deux Etats ainsi que le traité d’amitié et de coopération qu’ils
signèrent le 27 juin 1977. Les violations de ces conventions découleraient
du refus de la France d’exécuter une commission rogatoire internationale

émanant d’un juge d’instruction djiboutien qui demandait que lui soit
transmise une copie du dossier de la procédure d’information ouverte en
France contre X du chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel,
ainsi que de l’émission, par les autorités judiciaires françaises, de convo-
cations à témoigner adressées au chef de l’Etat de Djibouti.

3. Djibouti a également prié la Cour de dire et juger que la République
française a l’obligation juridique internationale de favoriser toute coopé-
ration visant à promouvoir le règlement rapide de l’Affaire contre X du
chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel et ce, dans le respect
du principe d’égalité souveraine entre Etats proclamé par l’article 2, para-
graphe 1, de la Charte des Nations Unies et par l’article premier du traité

d’amitié et de coopération entre la République française et la République
de Djibouti; que la République française a l’obligation juridique interna-
tionale d’exécuter la commission rogatoire internationale concernant la
transmission aux autorités judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la
procédure d’information relative à l’Affaire contre X du chef d’assassinat

sur la personne de Bernard Borrel ; et que la République française a l’obli-
gation juridique internationale de veiller à ce que le chef d’Etat de la
République de Djibouti en tant que chef d’Etat étranger ne soit pas
l’objet d’offenses et d’atteintes à sa dignité sur le territoire français.

79 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP.IND .KOROMA ) 253

4. Répondant à l’argument de Djibouti selon lequel, en n’exécutant
pas la commission rogatoire internationale, la France a violé le traité
d’amitié et de coopération liant les deux pays, la Cour relève que, en

dépit de l’intention générale de promouvoir le respect mutuel énoncée à
l’article premier du traité de 1977, l’objet principal de celui-ci est le déve-
loppement de la coopération dans les domaines économique, monétaire,
social et culturel; que, même si ces dispositions qui expriment des aspi-
rations ne sont pas vides de contenu juridique, l’assistance mutuelle en

matière pénale que réglemente la convention de 1986 n’est pas mention-
née parmi les domaines de coopération énumérés dans le traité de 1977;
et que cette coopération judiciaire n’est donc pas visée par les engage-
ments et les procédures régis par le traité. La Cour poursuit en indiquant
qu’une interprétation de la convention de 1986 prenant en compte l’esprit

d’amitié et de coopération mentionné dans le traité de 1977 ne peut priver
une partie à la convention de la possibilité d’en invoquer une clause per-
mettant, dans certaines circonstances, de ne pas exécuter l’une des obli-
gations qu’elle impose.

5. J’estime que la question n’est pas de savoir si la convention de 1986
peut dispenser un Etat de l’exécution d’une obligation conventionnelle
dans certaines circonstances mais si, lorsque la convention est appliquée
dans le contexte d’une procédure d’information portant sur une alléga-
tion de crime grave — l’assassinat d’un ressortissant de l’une des parties

à la convention —, le fait de faire appel au traité d’amitié et de coopéra-
tion conclu entre les Parties en 1977, en particulier lorsque celui-ci est
invoqué dans l’intention de faciliter la procédure en matière pénale et non
de l’entraver ou d’y faire échec, peut être considéré comme faisant obs-
tacle à ce qu’une partie s’appuie sur une disposition de la convention qui

permet, dans certaines circonstances, de ne pas exécuter une des obliga-
tions énoncées par celle-ci. On ne saurait considérer, selon moi, que faire
appel au traité dans ces conditions empêche de recourir à une clause per-
mettant de ne pas exécuter une obligation conventionnelle. J’estime que,
si le traité d’amitié et de coopération est invoqué dans le but de faciliter

la procédure d’information, cela non seulement sert globalement les inté-
rêts des parties au traité mais s’accorde aussi avec l’objet, le but et l’esprit
de celui-ci. Les deux parties au traité ont intérêt à découvrir les faits et les
circonstances qui entourent la mort de Bernard Borrel, et le fait d’invo-

quer à la fois le traité d’amitié et de coopération et la convention de 1986
n’aurait donné que sens et efficacité à leurs efforts.
6. De plus, outre l’obligation de coopérer qui incombe aux deux
Parties, le traité de 1977 reconnaît également l’égalité et le respect mutuel
comme fondements des relations entre les deux pays.

7. En conséquence, lorsqu’il y a lieu d’appliquer la convention de 1986
entre les deux pays, il faut tenir dûment compte de ces principes solide-
ment établis qui constituent, entre autres, les fondements de la relation
entre les deux pays.
8. Tel est particulièrement le cas lorsque Djibouti, dans un esprit de

coopération, d’égalité et de respect mutuel, a accédé aux demandes de la

80 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP .IND. KOROMA ) 254

France tendant à l’exécution des commissions rogatoires relatives à
l’assassinat de M. Borrel. La France, ainsi qu’elle l’a elle-même indiqué,
a bénéficié d’une excellente coopération de la part des autorités politiques

et judiciaires de Djibouti, qui ont toujours fait preuve de la bonne
volonté nécessaire pour que la procédure d’information en France puisse
être menée sans encombre. Toujours selon la France, les magistrats fran-
çais qui se sont rendus à plusieurs reprises à Djibouti dans le cadre des
commissions rogatoires ont toujours bénéficié de la pleine coopération

des autorités de Djibouti, qui leur ont permis d’accéder aux documents,
témoins et sites nécessaires, y compris au palais présidentiel, et, contrai-
rement à ce qui a pu être écrit dans certains journaux, ces documents ne
contenaient rien qui accusât les autorités de Djibouti.
9. Dès lors, force est de se demander quelle conclusion aurait pu être

tirée si Djibouti avait refusé de coopérer en ne donnant pas suite à la pré-
cédente demande de la France tendant à l’exécution de la commission
rogatoire concernant l’affaire? Non seulement Djibouti aurait-il manifes-
tement manqué à son obligation de coopérer, comme le prévoit le traité,

à la procédure d’information sur la mort de M. Borrel, mais les consé-
quences auraient été pires encore. Il fallait donc considérer que l’objectif
de la demande de Djibouti tendant à ce que sa commission rogatoire soit
exécutée respectait les termes et l’esprit du souhait déclaré par les deux
Parties de coopérer pour découvrir les faits entourant la mort tragique de

Bernard Borrel. Dans ces conditions, l’exécution de la demande de Dji-
bouti ne pouvait pas être regardée comme empêchant la France d’exercer
son droit à ne pas s’acquitter de ses obligations conventionnelles dans
certaines circonstances. En effet, la France elle-même s’est engagée, dans
un communiqué de presse publié le 29 janvier 2005, à ce qu’une copie du

dossier concernant la mort du juge Borrel soit transmise aux autorités
judiciaires de Djibouti afin de permettre aux autorités compétentes de ce
pays de décider s’il existait des motifs d’ouvrir une procédure d’informa-
tion sur le sujet. Après qu’une partie a pris un tel engagement, le fait
d’insister sur le respect par celle-ci de son obligation ne saurait être assi-

milé à celui de lui refuser le droit de s’appuyer sur une clause convention-
nelle permettant de ne pas exécuter une obligation issue d’un traité. Tel
est le cas même lorsque la clause fait référence au droit interne et qu’il est
difficile de déterminer si cette référence porte sur les seuls moyens procé-

duraux d’exécuter l’obligation proprement dite, sans aucun effet sur celle-
ci. Quoi qu’il en soit, une partie à un traité ne saurait invoquer des
dispositions de son droit interne comme une justification de ne pas
s’acquitter de son obligation internationale; le droit interne n’est pas non
plus prioritaire par rapport à une obligation internationale.

10. Un signe supplémentaire de l’hésitation de la Cour à s’engager tout
à fait dans l’examen des questions apparaît au paragraphe 119 de l’arrêt,
où il est indiqué que le principe de réciprocité qu’invoque Djibouti à
l’appui de son argument selon lequel il faudrait obliger la France à exé-
cuter la commission rogatoire n’impose pas à la France d’agir de même.

En d’autres termes, la Cour estime que Djibouti ne peut se fonder sur le

81 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP.IND .KOROMA ) 255

principe de réciprocité pour demander l’exécution de la commission roga-
toire qu’il a introduite auprès de la France. La Cour ajoute, pour faire
bonne mesure, qu’il n’est prescrit nulle part dans la convention que

l’octroi par un Etat d’une assistance dans un dossier donné impose à
l’autre de faire de même lorsqu’il est sollicité à son tour. Je juge cette
réponse singulière, voire déraisonnable. En général, la réciprocité est l’un
des principes qui fondent les traités bilatéraux, comme la convention de
1986, et qui leur est inhérent. Un Etat qui noue une relation convention-

nelle attend de l’autre partie qu’elle s’acquitte des obligations qui en
découlent. Même lorsqu’il n’est pas exprimé dans l’instrument, ce prin-
cipe, comme celui de la bonne foi ou du pacta sunt servanda, est présumé
fonder le traité. Par conséquent, s’il est indiqué, comme le fait la Cour
dans son arrêt, que Djibouti ne peut se fonder sur le principe de récipro-

cité car le traité ne contient aucune stipulation en ce sens, cela revient à
laisser entendre que de tels principes ne sont pas inhérents aux traités et
qu’il n’y a pas lieu de les prendre en considération aux fins de l’interpréta-
tion et de l’application d’un traité, sauf s’ils sont expressément affirmés

dans celui-ci. Pour être encore plus précis, j’estime qu’en vertu d’un
traité, fût-il un traité d’assistance mutuelle, une partie est toujours tenue
de faire ou de s’abstenir de faire quelque chose à l’égard de l’autre partie.
A ce sujet, et comme je l’ai déjà indiqué, les demandes respectives de la
France et de Djibouti concernant l’exécution de commissions rogatoires

traitaient du même sujet et avaient la même finalité: faciliter la procédure
d’information sur l’assassinat de Bernard Borrel. Il aurait donc fallu exi-
ger des deux Parties qu’elles appuient ce processus, respectant ainsi le but
principal de la convention.
11. Il devrait donc être évident que, en vertu de la convention, chaque

partie est tenue de prêter assistance à l’autre sur des questions ayant trait
à la coopération judiciaire dans le cadre d’une procédure d’information
en matière pénale. Puisque la France avait pu, aux termes de la conven-
tion de 1986, obtenir la coopération de Djibouti dans la procédure
d’information sur la mort de Bernard Borrel, Djibouti était en droit

d’escompter que la France respecterait, sur la base de la réciprocité, sa
demande tendant à l’exécution de la commission rogatoire relative à ce
décès qu’elle lui avait adressée. Il est par conséquent erroné de conclure,
que ce soit sur la base de principes juridiques ou au vu de l’objet et du but

de la convention, que, puisque le principe de réciprocité n’a pas été
exprimé dans la convention, la France n’avait pas l’obligation réciproque
d’exécuter la commission rogatoire de Djibouti.
12. Il y a aussi lieu de relever la réponse donnée à Djibouti, qui allé-
guait que les deux convocations à témoigner émises dans l’affaire Borrel

par le juge d’instruction français à l’intention du président de la Répu-
blique de Djibouti les 17 mai 2005 et 14 février 2007 avaient violé l’immu-
nité de juridiction dont bénéficie le chef de l’Etat de Djibouti, et, en
particulier, que la France avait violé son obligation de respecter l’hon-
neur et la dignité du chef de l’Etat lorsque les convocations qui lui

avaient été adressées ont été révélées à l’Agence France-Presse. A propos

82 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP.IND .KOROMA ) 256

de ces allégations, la Cour a reconnu que les convocations adressées au
chef de l’Etat de Djibouti le 17 mai 2005 étaient entachées de vices de
procédure et estime que la France aurait dû présenter des excuses à ce

sujet. Mais la Cour a néanmoins décidé que ni les convocations de 2005
ni celle du 14 février 2007 ne constituaient une atteinte à l’honneur ou à
la dignité du président.
13. La Cour parvient à cette conclusion après avoir noté que l’ar-
ticle 29 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques

et consulaires est nécessairement applicable aux chefs d’Etat. L’article
dispose que

«La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut
être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’Etat
accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes
mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa
liberté et sa dignité.»

La Cour reconnaît ainsi que le droit international impose aux Etats

d’accueil l’obligation de respecter l’inviolabilité, l’honneur et la dignité
des chefs d’Etat. Par inviolabilité on entend l’immunité contre toute ingé-
rence, que celle-ci se manifeste sous le couvert de la loi, d’un droit ou de
quoi que ce soit d’autre, et l’inviolabilité renvoie à l’obligation expresse
de protection contre une telle ingérence ou contre une simple insulte de la

part de l’Etat d’accueil. Pourtant, la Cour s’est bornée à conclure que, en
«invitant» par télécopie le chef de l’Etat à témoigner et en lui accordant,
sans le consulter, un court délai pour se présenter au bureau du juge
d’instruction, la France n’avait pas agi conformément à la courtoisie due
à un chef d’Etat étranger. Selon moi, les faits reprochés ne concernaient

pas simplement des questions de courtoisie; il s’agissait de l’obligation
contenue implicitement dans l’inviolabilité et de la nécessité de respecter
l’honneur et la dignité du chef de l’Etat, ainsi que d’assurer son immunité
contre toute forme de procédure juridique, obligation qui a été violée
lorsque les convocations à témoin lui ont été adressées, avec de surcroît

l’aggravation tenant à la révélation d’informations dans la presse. L’inten-
tion était clairement de ne pas montrer le respect qui est dû à un chef de
l’Etat et de violer délibérément sa dignité et son honneur. En consé-
quence, la Cour aurait dû examiner s’il avait été porté atteinte à l’invio-

labilité du chef de l’Etat eu égard au respect auquel il avait droit en sa
qualité; et si la Cour était parvenue à la conclusion qu’il y avait eu viola-
tion, quelle qu’en fût la forme — vices de forme ou autres —, alors des
excuses, dont elle a estimé qu’elles s’imposaient de la part de la France,
auraient dû figurer dans le dispositif en tant que remède à ladite viola-

tion, sous la forme d’une conclusion.
14. Les conclusions de la Cour équivalent à des décisions de sa part et
figurent en général dans le dispositif de l’arrêt qui indique sa décision,
lequel dispositif est important pour une partie en ce qu’il montre que la
Cour est parvenue à une décision, que celle-ci a l’autorité de la chose

jugée et que la partie en faveur de laquelle elle est rendue est en droit de

83 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP .IND. KOROMA ) 257

la voir appliquée ou exécutée. Il est donc particulièrement important que

la conclusion de la Cour reconnaissant l’existence d’une violation de
l’obligation figure dans le dispositif car celui-ci, dans la structure de
l’arrêt, a une importance juridique propre.

(Signé) Abdul G. K OROMA .

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252

SEPARATE OPINION OF JUDGE KOROMA

Relevance of the 1977 Treaty of Friendship and Co-operation in the Case
against X for the murder of Bernard Borrel investigation — Issues involved —
Co-operation, sovereign equality and mutual respect — 1986 Convention on
Mutual Assistance in Criminal Matters — Domestic law not a reason for non-
performance of conventional obligation — Reciprocity as one of underlying pre-
cepts in concluding such a treaty, and purpose of the Convention — Inviolability
of immunity of Djiboutian Head of State — Need for apology as remedy to be
expressed in operative paragraph — Legal significance of operative paragraph.

1. I have voted in favour of the operative paragraph for various rea-
sons, among which is France’s willingness to consent, allowing the Court
to exercise prorogated jurisdiction in this case. Regrettably, the confi-
dence placed by France in the Court has not been matched by an
approach to the issues that would have achieved the purpose of the juris-
diction conferred on the Court. Hence the following comments.

2. In this case, Djibouti complains of the alleged violation by France
of the Convention on Mutual Assistance in Criminal Matters, concluded
on 27 September 1986 by the two States, and of the Treaty of Friendship
and Co-operation, concluded by them on 27 June 1977. The violations of
these Conventions are said to derive from France’s refusal to execute an

international letter rogatory issued by a Djiboutian investigating judge
requesting the transmission of a copy of the record of the investigation
opened in France against X for the murder of Bernard Borrel, and from
the issuing by French judicial authorities of witness summonses addressed
to the Djiboutian Head of State.

3. Djibouti has also asked the Court to adjudge and declare: that the
French Republic is under an international legal obligation to foster all
co-operation aimed at promoting the speedy disposition of the Case
against X for the murder of Bernard Borrel , in compliance with the prin-
ciple of sovereign equality between States, as laid down in Article 2, para-
graph 1, of the United Nations Charter and in Article 1 of the Treaty of

Friendship and Co-operation between the French Republic and the
Republic of Djibouti; that the French Republic is under an international
obligation to execute the international letter rogatory seeking the trans-
mission to the judicial authorities in Djibouti of the record relating to the
investigation in the Case against X for the murder of Bernard Borrel ; and

that the French Republic is under an international obligation to ensure
that the Head of State of the Republic of Djibouti, as a foreign Head of
State, is not subjected to any insults or attacks on his dignity on French
territory.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KOROMA

[Traduction]

Importance du traité d’amitié et de coopération signé en 1977 dans la procé-
dure d’information relative à l’ Affaire contre X du chef d’assassinat sur la per-
sonne de Bernard Borrel — Questions soulevées — Coopération, égalité souve-
raine et respect mutuel — Convention d’entraide judiciaire en matière pénale
de 1986 — Le droit interne n’est pas un motif de non-exécution d’une obligation
conventionnelle — Réciprocité en tant que l’un des principes inhérents à la
conclusion d’un tel traité et objectif de la convention — Inviolabilité de l’immu-
nité du chef de l’Etat de Djibouti — Nécessité que des excuses soient prescrites
en tant que remède dans le dispositif — Importance juridique du dispositif.

1. J’ai souscrit au dispositif pour diverses raisons, parmi lesquelles
figure la volonté de la France de donner son consentement, permettant
ainsi à la Cour d’exercer le forum prorogatum en l’espèce. Malheureuse-
ment, la confiance que la France a placée dans la Cour a été déçue par
une interprétation n’allant pas dans le sens de l’objet de la compétence
conférée à la Cour. Aussi ferai-je les observations suivantes.

2. En l’espèce, Djibouti fait grief à la France d’avoir violé la conven-
tion d’entraide judiciaire en matière pénale conclue le 27 septembre 1986
par les deux Etats ainsi que le traité d’amitié et de coopération qu’ils
signèrent le 27 juin 1977. Les violations de ces conventions découleraient
du refus de la France d’exécuter une commission rogatoire internationale

émanant d’un juge d’instruction djiboutien qui demandait que lui soit
transmise une copie du dossier de la procédure d’information ouverte en
France contre X du chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel,
ainsi que de l’émission, par les autorités judiciaires françaises, de convo-
cations à témoigner adressées au chef de l’Etat de Djibouti.

3. Djibouti a également prié la Cour de dire et juger que la République
française a l’obligation juridique internationale de favoriser toute coopé-
ration visant à promouvoir le règlement rapide de l’Affaire contre X du
chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel et ce, dans le respect
du principe d’égalité souveraine entre Etats proclamé par l’article 2, para-
graphe 1, de la Charte des Nations Unies et par l’article premier du traité

d’amitié et de coopération entre la République française et la République
de Djibouti; que la République française a l’obligation juridique interna-
tionale d’exécuter la commission rogatoire internationale concernant la
transmission aux autorités judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la
procédure d’information relative à l’Affaire contre X du chef d’assassinat

sur la personne de Bernard Borrel ; et que la République française a l’obli-
gation juridique internationale de veiller à ce que le chef d’Etat de la
République de Djibouti en tant que chef d’Etat étranger ne soit pas
l’objet d’offenses et d’atteintes à sa dignité sur le territoire français.

79253 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE (SEP.OP .KOROMA )

4. Responding to Djibouti’s claim that, by failing to execute the inter-
national letter rogatory, France violated the Treaty of Friendship and
Co-operation between the two countries, the Court observes: that, not-

withstanding the broad intention to promote mutual respect described in
Article 1 of the 1977 Treaty, the primary objective of the Treaty is the
promotion of co-operation in the economic, monetary, social and eco-
nomic fields; that, while these provisions setting out aspirations are not
bereft of legal content, mutual assistance in criminal matters, the subject

regulated by the 1986 Convention, is not mentioned among the fields of
co-operation enumerated in the 1977 Treaty; and that judicial co-opera-
tion is therefore not subject to the undertakings and procedures governed
by the Treaty. The Court goes on to state that an interpretation of the
1986 Convention taking into account the spirit of friendship and co-op-

eration stipulated in the 1977 Treaty cannot stand in the way of a party
to that Convention relying on a clause in it which allows for the non-
performance of a conventional obligation under certain circumstances.

5. In my view, the issue is not whether or not the 1986 Convention
allows for the non-performance of a conventional obligation under cer-
tain circumstances, but rather whether, in applying the Convention in the
context of investigating an allegedly serious crime, the murder of a citizen
of one of the parties to the Convention, calling in aid the 1977 Treaty of

Friendship and Co-operation between the two Parties, especially where
the Treaty is not being invoked either to impede or subvert the criminal
investigation but rather to further it, can be considered as standing in the
way of a party’s reliance on a provision in the Convention allowing for
non-performance under certain circumstances. In my view, calling in aid

the Treaty in such circumstances cannot be regarded as preventing
recourse to a clause permitting non-performance of a conventional obli-
gation. Invoking the Treaty of Friendship and Co-operation to further
the investigation, in my view, not only serves the overall interests of the
parties to the Treaty but also accords with its object, purpose and spirit.

Both parties to the Treaty have an interest in uncovering the facts and
circumstances surrounding the death of Bernard Borrel, and invoking the
Treaty of Friendship and Co-operation together with the 1986 Conven-
tion would only have given meaning and effectiveness to their efforts.

6. Moreover, apart from stipulating that there shall be co-operation
between the two Parties, the 1977 Treaty recognizes equality and mutual
respect to be the basis of relations between the two countries.

7. Accordingly, where the 1986 Convention is to be applied in rela-
tions between the two countries, due account must be taken of those
enduring principles, which, among others, form the basis of the relation-
ship between the two countries.
8. This is especially so when Djibouti, in a spirit of co-operation,

equality and mutual respect, complied with France’s requests to execute

80 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP.IND .KOROMA ) 253

4. Répondant à l’argument de Djibouti selon lequel, en n’exécutant
pas la commission rogatoire internationale, la France a violé le traité
d’amitié et de coopération liant les deux pays, la Cour relève que, en

dépit de l’intention générale de promouvoir le respect mutuel énoncée à
l’article premier du traité de 1977, l’objet principal de celui-ci est le déve-
loppement de la coopération dans les domaines économique, monétaire,
social et culturel; que, même si ces dispositions qui expriment des aspi-
rations ne sont pas vides de contenu juridique, l’assistance mutuelle en

matière pénale que réglemente la convention de 1986 n’est pas mention-
née parmi les domaines de coopération énumérés dans le traité de 1977;
et que cette coopération judiciaire n’est donc pas visée par les engage-
ments et les procédures régis par le traité. La Cour poursuit en indiquant
qu’une interprétation de la convention de 1986 prenant en compte l’esprit

d’amitié et de coopération mentionné dans le traité de 1977 ne peut priver
une partie à la convention de la possibilité d’en invoquer une clause per-
mettant, dans certaines circonstances, de ne pas exécuter l’une des obli-
gations qu’elle impose.

5. J’estime que la question n’est pas de savoir si la convention de 1986
peut dispenser un Etat de l’exécution d’une obligation conventionnelle
dans certaines circonstances mais si, lorsque la convention est appliquée
dans le contexte d’une procédure d’information portant sur une alléga-
tion de crime grave — l’assassinat d’un ressortissant de l’une des parties

à la convention —, le fait de faire appel au traité d’amitié et de coopéra-
tion conclu entre les Parties en 1977, en particulier lorsque celui-ci est
invoqué dans l’intention de faciliter la procédure en matière pénale et non
de l’entraver ou d’y faire échec, peut être considéré comme faisant obs-
tacle à ce qu’une partie s’appuie sur une disposition de la convention qui

permet, dans certaines circonstances, de ne pas exécuter une des obliga-
tions énoncées par celle-ci. On ne saurait considérer, selon moi, que faire
appel au traité dans ces conditions empêche de recourir à une clause per-
mettant de ne pas exécuter une obligation conventionnelle. J’estime que,
si le traité d’amitié et de coopération est invoqué dans le but de faciliter

la procédure d’information, cela non seulement sert globalement les inté-
rêts des parties au traité mais s’accorde aussi avec l’objet, le but et l’esprit
de celui-ci. Les deux parties au traité ont intérêt à découvrir les faits et les
circonstances qui entourent la mort de Bernard Borrel, et le fait d’invo-

quer à la fois le traité d’amitié et de coopération et la convention de 1986
n’aurait donné que sens et efficacité à leurs efforts.
6. De plus, outre l’obligation de coopérer qui incombe aux deux
Parties, le traité de 1977 reconnaît également l’égalité et le respect mutuel
comme fondements des relations entre les deux pays.

7. En conséquence, lorsqu’il y a lieu d’appliquer la convention de 1986
entre les deux pays, il faut tenir dûment compte de ces principes solide-
ment établis qui constituent, entre autres, les fondements de la relation
entre les deux pays.
8. Tel est particulièrement le cas lorsque Djibouti, dans un esprit de

coopération, d’égalité et de respect mutuel, a accédé aux demandes de la

80254 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE SEP. OP. KOROMA )

international letters rogatory relating to the murder of Mr. Borrel. As
France itself stated, it received excellent co-operation from the Djibou-
tian authorities and judiciary, which always displayed the openness

required for the investigation in France to proceed smoothly. Also,
according to France, the French judges who visited Djibouti on several
occasions in connection with letters rogatory always enjoyed full co-op-
eration from the Djiboutian authorities, who provided them with access
to the necessary documents, witnesses and sites, including the presidential

palace and contrary to what may have been written in certain news-
papers, nothing in those documents pointed to the implication of the Dji-
boutian authorities.

9. Against this background, one is bound to ask what inference could

have been drawn had Djibouti declined to co-operate by not acceding to
France’s earlier request to execute the letter rogatory relating to the mat-
ter? Not only would it have appeared that Djibouti had failed to co-
operate under the Treaty in the investigation of Borrel’s death, but the

implication would have been even worse. The purpose of Djibouti’s
request for the execution of its letter rogatory should have been seen as
falling within the terms and spirit of both Parties’ declared desire to co-
operate in discovering the facts surrounding the tragic death of Ber-
nard Borrel. Given these circumstances, compliance with Djibouti’s

request could not be seen as impeding the exercise by France of its right
not to perform its conventional obligations under certain circumstances.
Indeed, France itself undertook in a press release issued on 29 Janu-
ary 2005 that a copy of the record concerning the death of Judge Borrel
would be transmitted to the Djiboutian judiciary in order to allow the

competent authorities of that country to decide whether there were
grounds for opening an investigation into the matter. After a party has
given such an undertaking, insistence on compliance by that party with
its obligation cannot be regarded as denying it the right to rely on a
treaty clause allowing for non-performance of a conventional obligation.

This is so even where the clause makes reference to domestic law and
where it is unclear whether or not that reference is to the procedural
means for implementing the substantive obligation without any effect on
the substantive obligation itself. In any event, a party to a treaty may not

invoke its domestic law as a reason for the non-fulfilment of its interna-
tional obligation; nor does domestic law take precedence over an inter-
national obligation.

10. An additional sign of the Court’s reluctance to engage squarely
with the issues is found in paragraph 119 of the Judgment, where it is
stated that the concept of reciprocity, invoked by Djibouti in support of
its argument that France should be compelled to execute the letter roga-
tory, does not require France to act in a similar manner. In other words,

the Court considers that Djibouti cannot rely on the principle of reci-

81 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP .IND. KOROMA ) 254

France tendant à l’exécution des commissions rogatoires relatives à
l’assassinat de M. Borrel. La France, ainsi qu’elle l’a elle-même indiqué,
a bénéficié d’une excellente coopération de la part des autorités politiques

et judiciaires de Djibouti, qui ont toujours fait preuve de la bonne
volonté nécessaire pour que la procédure d’information en France puisse
être menée sans encombre. Toujours selon la France, les magistrats fran-
çais qui se sont rendus à plusieurs reprises à Djibouti dans le cadre des
commissions rogatoires ont toujours bénéficié de la pleine coopération

des autorités de Djibouti, qui leur ont permis d’accéder aux documents,
témoins et sites nécessaires, y compris au palais présidentiel, et, contrai-
rement à ce qui a pu être écrit dans certains journaux, ces documents ne
contenaient rien qui accusât les autorités de Djibouti.
9. Dès lors, force est de se demander quelle conclusion aurait pu être

tirée si Djibouti avait refusé de coopérer en ne donnant pas suite à la pré-
cédente demande de la France tendant à l’exécution de la commission
rogatoire concernant l’affaire? Non seulement Djibouti aurait-il manifes-
tement manqué à son obligation de coopérer, comme le prévoit le traité,

à la procédure d’information sur la mort de M. Borrel, mais les consé-
quences auraient été pires encore. Il fallait donc considérer que l’objectif
de la demande de Djibouti tendant à ce que sa commission rogatoire soit
exécutée respectait les termes et l’esprit du souhait déclaré par les deux
Parties de coopérer pour découvrir les faits entourant la mort tragique de

Bernard Borrel. Dans ces conditions, l’exécution de la demande de Dji-
bouti ne pouvait pas être regardée comme empêchant la France d’exercer
son droit à ne pas s’acquitter de ses obligations conventionnelles dans
certaines circonstances. En effet, la France elle-même s’est engagée, dans
un communiqué de presse publié le 29 janvier 2005, à ce qu’une copie du

dossier concernant la mort du juge Borrel soit transmise aux autorités
judiciaires de Djibouti afin de permettre aux autorités compétentes de ce
pays de décider s’il existait des motifs d’ouvrir une procédure d’informa-
tion sur le sujet. Après qu’une partie a pris un tel engagement, le fait
d’insister sur le respect par celle-ci de son obligation ne saurait être assi-

milé à celui de lui refuser le droit de s’appuyer sur une clause convention-
nelle permettant de ne pas exécuter une obligation issue d’un traité. Tel
est le cas même lorsque la clause fait référence au droit interne et qu’il est
difficile de déterminer si cette référence porte sur les seuls moyens procé-

duraux d’exécuter l’obligation proprement dite, sans aucun effet sur celle-
ci. Quoi qu’il en soit, une partie à un traité ne saurait invoquer des
dispositions de son droit interne comme une justification de ne pas
s’acquitter de son obligation internationale; le droit interne n’est pas non
plus prioritaire par rapport à une obligation internationale.

10. Un signe supplémentaire de l’hésitation de la Cour à s’engager tout
à fait dans l’examen des questions apparaît au paragraphe 119 de l’arrêt,
où il est indiqué que le principe de réciprocité qu’invoque Djibouti à
l’appui de son argument selon lequel il faudrait obliger la France à exé-
cuter la commission rogatoire n’impose pas à la France d’agir de même.

En d’autres termes, la Cour estime que Djibouti ne peut se fonder sur le

81255 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE (SEP. OP.KOROMA )

procity in seeking execution of the international letter rogatory submitted
by it to France. The Court adds for good measure that the Convention
nowhere provides that the granting of assistance by one State in respect

of one matter imposes on the other State the obligation to do likewise
when assistance is requested of it in turn. I find this response to be
extraordinary, if not misconceived. As a matter of principle, reciprocity is
one of the precepts underlying a bilateral treaty, such as the 1986 Con-
vention, and is inherent in it. A State enters into a treaty relationship

expecting that the other party will perform its own treaty or conventional
obligations. Even when not expressed in the instrument, this principle,
like that of good faith or pacta sunt servanda, is presumed to underlie the
treaty. Therefore, to state, as the Judgment does, that Djibouti cannot
rely on the principle of reciprocity because the treaty nowhere so stipu-

lates is to imply that such principles are neither inherent in, nor to be
taken into consideration when interpreting and applying, a treaty unless
they are expressly stated therein. To clarify further, it is my view that,
even under a treaty of mutual assistance, one party is obliged to do, or

abstain from doing, something to or for the other. In this regard, and as
stated earlier, France’s and Djibouti’s respective requests for the execu-
tion of letters rogatory dealt with the same subject-matter and had the
same purpose — to further the investigation into the murder of Ber-
nard Borrel. Both Parties should have been required to facilitate and

further this process in keeping with the overriding purpose of the
Convention.

11. It should therefore be evident that, under the Convention, each

party is required to give assistance to the other in matters relating to judi-
cial co-operation in pursuit of a criminal investigation. If France had
been able, under the 1986 Convention, to obtain Djibouti’s co-operation
in the investigation into the death of Bernard Borrel, Djibouti was enti-
tled to expect France to comply on a reciprocal basis and to satisfy Dji-

bouti’s request for the execution of the letter rogatory relating to the
death. It is therefore mistaken to conclude either on the basis of legal
principles or in light of the object and purpose of the Convention that,
since the principle of reciprocity was not expressed in the Convention,

France was not under a reciprocal duty to execute Djibouti’s letter
rogatory.

12. Comment is also warranted in respect of the reply to Djibouti’s alle-
gation that the two witness summonses in the Borrel case, issued by the

French investigating judge to the President of the Republic of Djibouti
on 17 May 2005 and 14 February 2007, violated the immunity from juris-
diction enjoyed by the Djiboutian Head of State, and, in particular, that
there was a breach of France’s obligation to respect the honour and dig-
nity of the Head of State when the witness summonses addressed to him

were leaked to the Agence France-Presse. Replying to the allegations, the

82 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP.IND .KOROMA ) 255

principe de réciprocité pour demander l’exécution de la commission roga-
toire qu’il a introduite auprès de la France. La Cour ajoute, pour faire
bonne mesure, qu’il n’est prescrit nulle part dans la convention que

l’octroi par un Etat d’une assistance dans un dossier donné impose à
l’autre de faire de même lorsqu’il est sollicité à son tour. Je juge cette
réponse singulière, voire déraisonnable. En général, la réciprocité est l’un
des principes qui fondent les traités bilatéraux, comme la convention de
1986, et qui leur est inhérent. Un Etat qui noue une relation convention-

nelle attend de l’autre partie qu’elle s’acquitte des obligations qui en
découlent. Même lorsqu’il n’est pas exprimé dans l’instrument, ce prin-
cipe, comme celui de la bonne foi ou du pacta sunt servanda, est présumé
fonder le traité. Par conséquent, s’il est indiqué, comme le fait la Cour
dans son arrêt, que Djibouti ne peut se fonder sur le principe de récipro-

cité car le traité ne contient aucune stipulation en ce sens, cela revient à
laisser entendre que de tels principes ne sont pas inhérents aux traités et
qu’il n’y a pas lieu de les prendre en considération aux fins de l’interpréta-
tion et de l’application d’un traité, sauf s’ils sont expressément affirmés

dans celui-ci. Pour être encore plus précis, j’estime qu’en vertu d’un
traité, fût-il un traité d’assistance mutuelle, une partie est toujours tenue
de faire ou de s’abstenir de faire quelque chose à l’égard de l’autre partie.
A ce sujet, et comme je l’ai déjà indiqué, les demandes respectives de la
France et de Djibouti concernant l’exécution de commissions rogatoires

traitaient du même sujet et avaient la même finalité: faciliter la procédure
d’information sur l’assassinat de Bernard Borrel. Il aurait donc fallu exi-
ger des deux Parties qu’elles appuient ce processus, respectant ainsi le but
principal de la convention.
11. Il devrait donc être évident que, en vertu de la convention, chaque

partie est tenue de prêter assistance à l’autre sur des questions ayant trait
à la coopération judiciaire dans le cadre d’une procédure d’information
en matière pénale. Puisque la France avait pu, aux termes de la conven-
tion de 1986, obtenir la coopération de Djibouti dans la procédure
d’information sur la mort de Bernard Borrel, Djibouti était en droit

d’escompter que la France respecterait, sur la base de la réciprocité, sa
demande tendant à l’exécution de la commission rogatoire relative à ce
décès qu’elle lui avait adressée. Il est par conséquent erroné de conclure,
que ce soit sur la base de principes juridiques ou au vu de l’objet et du but

de la convention, que, puisque le principe de réciprocité n’a pas été
exprimé dans la convention, la France n’avait pas l’obligation réciproque
d’exécuter la commission rogatoire de Djibouti.
12. Il y a aussi lieu de relever la réponse donnée à Djibouti, qui allé-
guait que les deux convocations à témoigner émises dans l’affaire Borrel

par le juge d’instruction français à l’intention du président de la Répu-
blique de Djibouti les 17 mai 2005 et 14 février 2007 avaient violé l’immu-
nité de juridiction dont bénéficie le chef de l’Etat de Djibouti, et, en
particulier, que la France avait violé son obligation de respecter l’hon-
neur et la dignité du chef de l’Etat lorsque les convocations qui lui

avaient été adressées ont été révélées à l’Agence France-Presse. A propos

82256 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE (SEP. OP.KOROMA )

Court recognized that there were formal defects in the summons addressed
to the Djiboutian Head of State on 17 May 2005 and considered that an
apology would have been due from France in respect of it. But the Court

nevertheless decided that neither the 2005 summons nor that of 14 Feb-
ruary 2007 was an attack on the honour or dignity of the President.

13. The Court reaches this conclusion after noting that Article 29 of
the Vienna Convention on Diplomatic Relations is necessarily applicable

to Heads of State. The Article provides as follows:

“The person of a diplomatic agent shall be inviolable. He shall not
be liable to any form of arrest or detention. The receiving State shall
treat him with due respect and shall take all appropriate steps to pre-
vent any attack on his person, freedom or dignity.”

The Court thus recognizes that international law imposes on receiving

States the obligation to respect the inviolability, honour and dignity of
Heads of State. Inviolability has been construed to imply immunity from
all interference whether under colour of law or right or otherwise, and
connotes a special duty of protection, whether from such interference or
from mere insult, on the part of the receiving State. Yet the Court found

that by “inviting” the Head of State to give evidence by sending him a
facsimile and by setting him a short deadline without consultation to
appear at the investigating magistrate’s office, France failed to act in
accordance with the courtesies due to a foreign Head of State and no
more. In my view, the actions complained of involved not merely matters

of courtesy, they concerned the obligation implied in the inviolability of,
and the need to respect the honour and dignity of, the Head of State, and
his immunity from legal process, in whatever form, which was breached
when the witness summonses were sent to him, and this was compounded
by the leaks to the press. It is clear that the intention was a failure to

show the proper respect due, as well as a deliberate violation of the dig-
nity and honour of, the Head of State. Accordingly, the Court should
have considered whether the Head of State’s inviolability was infringed in
relation to the respect he was entitled to as a Head of State; and, if the

Court came to the conclusion that it was infringed, whatever form the
infringement had taken — formal defects or otherwise — then the apo-
logy, as a remedy, which the Court considered due from France for the
breach should have been reflected in the operative paragraph as a finding
of the Court.

14. The findings of the Court are tantamount to determinations made
by the Court and are usually expressed in the operative paragraph of the
Judgment, indicating the decision of the Court, which is of significance
for a party in that it shows that: the Court has reached a decision; that

decision constitutes res judicata ; and the party in whose favour it is made

83 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP.IND .KOROMA ) 256

de ces allégations, la Cour a reconnu que les convocations adressées au
chef de l’Etat de Djibouti le 17 mai 2005 étaient entachées de vices de
procédure et estime que la France aurait dû présenter des excuses à ce

sujet. Mais la Cour a néanmoins décidé que ni les convocations de 2005
ni celle du 14 février 2007 ne constituaient une atteinte à l’honneur ou à
la dignité du président.
13. La Cour parvient à cette conclusion après avoir noté que l’ar-
ticle 29 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques

et consulaires est nécessairement applicable aux chefs d’Etat. L’article
dispose que

«La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut
être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’Etat
accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes
mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa
liberté et sa dignité.»

La Cour reconnaît ainsi que le droit international impose aux Etats

d’accueil l’obligation de respecter l’inviolabilité, l’honneur et la dignité
des chefs d’Etat. Par inviolabilité on entend l’immunité contre toute ingé-
rence, que celle-ci se manifeste sous le couvert de la loi, d’un droit ou de
quoi que ce soit d’autre, et l’inviolabilité renvoie à l’obligation expresse
de protection contre une telle ingérence ou contre une simple insulte de la

part de l’Etat d’accueil. Pourtant, la Cour s’est bornée à conclure que, en
«invitant» par télécopie le chef de l’Etat à témoigner et en lui accordant,
sans le consulter, un court délai pour se présenter au bureau du juge
d’instruction, la France n’avait pas agi conformément à la courtoisie due
à un chef d’Etat étranger. Selon moi, les faits reprochés ne concernaient

pas simplement des questions de courtoisie; il s’agissait de l’obligation
contenue implicitement dans l’inviolabilité et de la nécessité de respecter
l’honneur et la dignité du chef de l’Etat, ainsi que d’assurer son immunité
contre toute forme de procédure juridique, obligation qui a été violée
lorsque les convocations à témoin lui ont été adressées, avec de surcroît

l’aggravation tenant à la révélation d’informations dans la presse. L’inten-
tion était clairement de ne pas montrer le respect qui est dû à un chef de
l’Etat et de violer délibérément sa dignité et son honneur. En consé-
quence, la Cour aurait dû examiner s’il avait été porté atteinte à l’invio-

labilité du chef de l’Etat eu égard au respect auquel il avait droit en sa
qualité; et si la Cour était parvenue à la conclusion qu’il y avait eu viola-
tion, quelle qu’en fût la forme — vices de forme ou autres —, alors des
excuses, dont elle a estimé qu’elles s’imposaient de la part de la France,
auraient dû figurer dans le dispositif en tant que remède à ladite viola-

tion, sous la forme d’une conclusion.
14. Les conclusions de la Cour équivalent à des décisions de sa part et
figurent en général dans le dispositif de l’arrêt qui indique sa décision,
lequel dispositif est important pour une partie en ce qu’il montre que la
Cour est parvenue à une décision, que celle-ci a l’autorité de la chose

jugée et que la partie en faveur de laquelle elle est rendue est en droit de

83257 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE (SEP.OP .KOROMA )

is entitled to its enforcement or implementation. It is thus especially
important that the Court’s finding of a violation of the obligation should

have been reflected in the operative paragraph, as this has a legal signifi-
cance of its own in the structure of the Judgment.

(Signed) Abdul G. K OROMA .

84 QUESTIONS CONCERNANT L ENTRAIDE JUDICIAIRE (OP .IND. KOROMA ) 257

la voir appliquée ou exécutée. Il est donc particulièrement important que

la conclusion de la Cour reconnaissant l’existence d’une violation de
l’obligation figure dans le dispositif car celui-ci, dans la structure de
l’arrêt, a une importance juridique propre.

(Signé) Abdul G. K OROMA .

84

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Koroma

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