Opinion individuelle de sir Gerald Fitzmaurice, juge (traduction)

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056-19730202-JUD-01-02-EN
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056-19730202-JUD-01-00-EN
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OPINION INDlVIDUELLE DE SIR GERALD FITZMAURICE

[Traduction]

Bien que je souscrive entièrement à l'arrêtde la Cour ainsi qu'aux
motifs et considérationssur lesquels il se fonde, j'estime qu'il convien-

drait en plus de dégagercertains éléments oude les souligner davantage.

1. Pour pouvoir apprécierla portéeréellede l'accord consacrépar les
échangesde notes qui ont eu lieu en mars et en juillet 1961entre, d'une
part, le Gouvernement islandais et, de l'autre, les Gouvernements du
Royaume-Uni et de la République fédérale d'Allemagne, respectivement,
il faut tenir compte de l'étatdu droit concernant la juridiction exclusive
en matièrede pêcheries tel qu'ilse présentait à cette époque et après
l'échecdela dsuxièmeconférencede Genèvesur le droit de la mer l'année
précédente(1960) et aussi tel qu'il ressortait des conventions signées à
l'issuedes travaux de la première conférencede Genèvesur le droit de la

mer de 1958. Cet aspect intéresseau premier chef le problèmejuridic-
tionnel dont la Cour est saisiecar, ainsi qu'on le verra, il touche directe-
ment la situation qui existait au moment où les Parties ont procédéaux
échangesde notes de 1961et les motifs pour lesquels ellesl'ont fait. C'est
ce que montrera l'exposé ci-après.
2. Bien que certains pays eussent revendiqué,presque toujours pour
des raisons liéesà la pêche, quelsque fussent les motifs mis en avant, des
eaux s'étendant au-delà - parfois bien au-delà - de 12 milles à partir
des lignes de base de la côte - sans jamais cependant avoir réussi à
faire admettre leurs prétentionspar l'ensemblede la communauté inter-
nationale -, nul ne niait la distinction de principe et de statut juridique
bien tranchéequi existait entre la mer territoriale, considérée commeune
partie ou un prolongement du domaine terrestre, et la haute mer, res

comrnunisouverte à tous - la limite de l'une marquant et constituant le
début del'autre. Il n'étaitpas- il n'esttoujours pas - possible de nier
cette distinction sans réduireà néanttoute la notion de haute mer, sur
laquelle repose une grande partie du droit international maritime tel
qu'il s'estforméau cours des siècles.
3. Par conséquent, si l'étendueque pouvait avoir la mer territoriale
(que l'on appelait aussi parfois ceinture maritime), ainsi que l'emplace-
ment de sa limite extérieure, pouvaientprêteret prêtaient à controverse,
ilne faisait aucun doute qu'à l'intérieurde celle-ciEtatriverain possédait
l'imperium (jurisdictio)sinon ledominium(proprietas) ou son équivalent (la convention de Genèvede 1958sur la mer territoriale, dans son article
premier, l'appelle ((souveraineté 1)et qu'il y possédaitpar conséquent des
droits exclusifs de diverses sortes, parmi lesquels des droits exclusifs de
pêche.Mais il ne faisait pas de doute non plus que, dans les eaux exté-
rieures à la mer territoriale - c'est-à-dire, par déjïnition,la haute mer

(voir paragraphe 5 ci-après) - 1'Etat riverain ne pouvait prétendre ni
à I'imperium ni (et encore moins) au dominium, ni à aucun droit de
propriété oudroit exclusif quel qu'il fût, les droits de pêche nefaisant en
aucune manière exception.
4. Dans la zone appelée«zone contiguë »,définiepar l'article 24 de la

convention de 1958sur la mer territoriale comme étant - ainsi que son
nom l'indique - «une zone delahaute mer contigue àsa mer territoriale ))
et dont l'étendueétaitlimitéepar la même disposition à 12milles à partir
du rivage 1,l'Etat riverain était autorisé à((exercer lecontrôle nécessaire ))
à certaines fins déterminées 2, ne comportant l'exerciced'aucun droit de
juridiction sur les navires étrangers envue de leur interdire la pêchedans

cette zone. Dans les autres parties de la haute mer, au-delà de la zone
contigue, I'Etat riverain n'avait aucun droit de juridiction ou de contrôle
du tout, si ce n'était à l'égardde ses propres navires d'une manière
générale et, à l'égard des navires étrangers,dans la seule mesure admise
par la convention de Genèvede 1958sur la haute mer, c'est-à-dire pour

la répression de la piraterie et de la traite des esclaves, pour la vérifi-
cation du pavillon dans certains cas, et dans le cadre de l'exercice du
droit de poursuite si la poursuite avait commencédans la mer territoriale
ou la zone contiguë pour un motif qui eût justifiél'arraisonnement ou
l'arrêtdu navire s'ilsavaient pu y êtreeffectués.
5. 11en résultait que, dans toutes les zones faisant partie de la haute

mer - c'est-à-dire non comprises dans les eaux intérieures ou la mer
territoriale - lesdroitsde pêche nepouvaient êtrequedesdroitspartagés
et non pas exclusifs,puisque des mesures qui viseraient à interdire à des
navires étrangers de pêcherdans ces zones seraient incompatibles avec le
statut de res communisde ceszones et que l'application de ces mesures ne

tendrait pas à l'une des finspour lesquelles les pays pouvaient, ainsi qu'il
est dit ci-dessus, exercer valablement leur juridiction en haute mer sur
des navires autres que les leurs. Cette situation, qui correspond aux
dispositions des conventions de Genève de 1958 déjà mentionnéesou
citées, setrouve reflétéeencore plus fidèlementdans l'article premier et

1 Cela impliquait bien entendu quc la mer territoriale fût d'une largeur inférieureà
12 milles, sans quoi il ne serait plus rien restépour la zone contiguë. Cela impliquait
aussi qu'un Etat revendiquant une zone de 12 milles comme mer territoriale n'avait
pas besoinenplus d'unezonecontiguë. Mais un pays ne revendiquant que3 ou 6 milles
selon le cas.oriale pouvait prétendre en outreune zone contiguë de 9 ou 6 milles,
2 Celles-ci concernaient la prévention et la répression des «contraventions à seslois
de police [cellesdeEtatriverain] douanière, fiscale,sanitaire ou d'immigration sur son
territoire ou dans sa mer territoriale)).l'article 2 de la convention sur la haute mer 3 dont les dispositions, aux
termes du préambule, ont étéadoptées comme étant ((pour l'essentiel
déclaratoires de principes établisdu droit international )).L'article pre-

mier de cette convention et la partie pertinente de l'article 2 étaient (et
sont) libelléscomme suit (lespassages quiprésententun intérêp tarticulier
dans le présent contextesont reproduits en italiques):

Article premier

Onentend par (haute mer 1)toutes lesparties de lamer qui ne sont
pas incluses dans la mer territoriale ou dans les eaux intérieuresd'un
Etat.

Article 2

La haute mer étantouverte à toutes les nations, aucun Etat nepeut
légitimementprétendre ensoumettre une partie quelconque à sa
souveraineté 4. La liberté de la haute mer ... comporte notamment,
pour les Etats riverains ou nondela mer:

1) La libertéde la navigation;
2) La liberté de la pêche;

3) La libertéd'y poser des câbles et des pipe-lines sous-marins;
4) La libertéde la survoler.

6. La question de la conservation des pêcheriesa été traitée séparé-
ment par la convention de Genève de 1958sur la conservation des res-
sources biologiques de la haute mer et, ultérieurement,par la convention

sur les pêcheriesde l'Atlantique du nord-est conclue à Londres le 24
janvier 1959,dont l'Islande, la République fédéraleet le Royaume-Uni
étaient tous trois signataires et dont l'objet, aux termes du préambule,
était((d'assurer la conservation des stocks de poisson et l'exploitation
rationnelle des pêcheriesde l'océanAtlantique du nord-est et des eaux

adjacentes, quileursontd'un intérêt commu )n(lesitaliques sont de nous) 5.
Mais l'adoption concertée de mesures de conservation concernant la
haute mer en vue de protégerdes pêcheriescommunes dont l'exploitation
est ouverte à tous est évidemmenttout autre chose que la prétention
émiseunilatéralement par un Etat riverain d'interdire complètement la

3 Les conventions de Genèvede 1958n'étaient pas encore techniquement en vigueur
en 1961(ellessont toutes entrées en vigueur depuis) mais ellesétaient l'expression d'un
large consensus entre les 85pays qui avaient participé conférence.
4 Comme, en l'absence detraité ou d'un autre accord suffisant, la souveraineté ou
son équivalent est nécessairepour pouvoir exercer valablement des droits réels ex-
clusifs sur un territoire quelconque, c'est-à-dire interdire et empêcherpar la force que
d'autres y pêchent,en réalité cette expressionsuffisait en soixclure tous droits de
pêche exclusifsdanstoute zone dela haute mer.
j Dans l'intention des parties, les mots en italiques s'appliquaient à toutes les eaux
viséespar ii;convention, y compris- et surtou- celles de l'Atlantique du nord-est.pêcheaux navires étrangersou de ne l'autoriser qu'à son gré et sousson
contrôle. La question de la conservation est donc sans rapport avec le
problème juridictionnel dont la Cour est saisie et qui concerne sa com-
pétencepour trancher un différendrésultantde la prétention émisepar
l'Islande de proclamer unilatéralement sa juridiction exclusive, en

matière de pêche,sur une zone s'étendantautour de ses côtes jusqu'à
une distance de 50 milles marins.

7. La théoriedu plateau continental n'offrait non plus aucune base
à un Etat riverain pour revendiquer des droits de pêche exclusifs pour le
simple motif que son plateau continental étaitsous-jacent aux eaux en
cause. Cela ressort clairement de la convention de Genèvesur le plateau
continental de 1958,et il se trouve que l'arrêtrendu par la Cour dans les
affaires du Plateau continental de lamer du Nord (C.I.J. Recueil 1969,

p. 3) a par la suite confirmé cepoint. L'article 2 de la convention sur le
plateau continental - dont les dispositions ont été généralement con-
sidérées comme reprenant le droit déjàreçu - déclareque 1'Etatriverain
exerce ((des droits souverains ))sur le plateau continental ((aux fins de
l'explorationde celui-cietde l'exploitation de sesressources naturelles ))6.
Mais l'expression ((ressources naturelles ))était définiecomme ne com-

prenant, pour ce qui est des ((organismes vivants n, que les (cespèces
sédentaires ))c'est-à-dire (les organismes qui ...sont soit immobiles sur le
lit de la mer ou au-dessous de ce lit, soit incapables de se déplacersi ce
n'est en restant constamment en contact physique avec le lit de la mer
ou le sous-sol 1(art. 2,par. 4). L'objet de cette définitionétaitprécisément
d'exclure ce qu'on appelle familièrement les ((poissons nageurs)) ou

poissons qui, nageant constamment ou non, sont capables de le faire
(parmi lesquels, bien entendu, les espècesdites (démersales »,c'est-à-dire
lespoissons qui passent une partie de leur temps sur le lit de l'océanou à
proximitédu fond mais qui sont des poissons nageurs). Il apparaît donc
clairement que la convention n'a réservé à 1'Etatriverain aucun droit de
pêcheexclusif si ce n'est en ce qui concerne les pêcheriesqu'on pourrait

appeler, en termes générauxp ,êcheries sédentairesO . n ne pouvait en tirer
aucun argument pour revendiquer des droits exclusifsde pêchedans des
eaux extérieures à la merterritoriale etfaisant doncpartie de la haute mer.
L'arrêtrendu par la Cour dans les affaires du Plateau continentalpart de
cette situation: distinguant entre les droits sur la mer territoriale et les
droits sur le plateau continental, la Cour y fait observer (C.I.J. Recueil

1969,p. 37,findu paragraphe 59)que
((lajuridiction souveraine que 1'Etatriverain a le droit ...d'exercer

6 Par celibelléon avait voulu, sinon excluretotalement la notion d'une souveraineté
stricto sensu, absolue et illimitée,sur le plateau continental, du moins réservercette
question. non seulement sur le lit de la mer au-dessous de seseaux territoriales

mais aussi sur ces eaux mêmes ...n'existepas en ce qui concerne le
plateau continental car I'Etat n'a aucune juridictionsur les eaux
surjacentes et n'a de juridiction sur le lit de la mer qu'à des fins
d'exploration et d'exploitation )7 (lesitaliques sont de nous).

D'ailleurs, on peut affirmer sans crainte de se tromper que la notion
mêmede droits sur le plateau continental n'aurait jamais été admise
presque universellement, comme elle l'a été,non seulement à la confé-
rence de Genève mais déjà bienavant, s'iln'avait été clairemene tntendu
dèsle départ que ces droits ne s'étendaientpas aux eaux surjacentes ni

aux ressources non sédentairesqu'ellesrenfermaient.

8. Les observations qui précèdentmontrent clairement qu'à l'époque
considérée, c'est-à-dire à la date des conférencesde Genèvesur le droit

de la mer et pendant les quelques années quiont suivi, il n'y avait aucun
moyen généralemenrteconnu de prétendrevalablement à une compétence
exclusiveen matière depêcheriesen tant que telle,er solum - c'est-à-dire
autrement que dans le cadre d'une revendication valable sur des eaux
territoriales, impliquant et emportant automatiquement revendication
desdroitsde pêche correspondants. Ils'ensuitqu'endehorsdela conclusion

d'unaccord aveclesautrespayspratiquant lapêche dans lezsonesencause
le seul moyen d'étendreles limites d'une zone de pêche exclusiveconsis-
tait à repousser valablement les limites des eaux territoriales (la réserve
indiquée est en italiquesparce qu'elle intéressetout particulièrement la
question juridictionnelle dont la Cour est saisie). C'est d'ailleurs
cette situation qui expliquait alors et motivait principalement la tendance

à repousser les limites de la mer territoriale, de la part de pays dont la
plupart s'intéressaientpeu, à d'autreségards, àune merterritoriale élargie,
ou mêmes'en désintéressaientnettement 8. De plus, il étaitévidentqu'au-
delà d'un certain point on ne pouvait revendiquer des eaux territoriales
sans frôler l'absurde, dès qu'on sortait des eaux pouvant à pro-
prement parler êtreconsidérées comme ((territoriale)),c'est-à-direcon-

servant quelque lien physique avecla terre à laquelle elles étaientcensées
se rattacher ou dont elles étaient censéesrelever 9.

Pour les implications des quelques douze derniers mots, voir la note précédente.
A la mer territoriale s'attachent non seulement des droits mais aussi des remonsa-
bilités,dont beaucoup de pays ont étéincapables de s'acquitter de façon satisfaisante
en dehors d'une zone relativement étroite; ainsiatriverain doit y assurer la police
et le maintien de'ordre, baliser et signaliser les chenaux et récifs,les bancs de sable
et les autres obstacles, veillerque les chenaux navigables demeurent dégagés et
signaler les dangersla navigation, prévoir des services de sauvetage, des phares, des
bateaux-phares, des bouées cloche, etc.
9 Comme son nom l'indique, la mer territoriale est la partie dela mer qui se rattache
au territoire terrestre ou lebaigne et qui constitue un prologementvers le large, 9. C'est dans ces conditionset pour cesraisons que l'idée estvenue de
considérer à part les droits de pêche exclusifsqui, jusque-là, étaient
nécessairement associésaux droits relatifs à la mer territoriale, dont ils
dépendaient. Mais pareille modification de la situation de droit exigeait
un accord généralou une entente générale,ou bien, dans certaines zones,
l'assentiment des pays dont la pêcheserait touchée. Elle ne pouvait se
faire unilatéralement. Cette idéea donc été à l'origine de la principale
proposition sur laquelle ont porté les débats de la deuxième conférence

de Genève (1960),et qui tendait à porter à 6 milles au maximum la limite
des eaux territoriales età 6 autres milles celle de la zone où 1'Etatriverain
aurait des droits de pêche exclusifs,soit en fait une zone de pêchede 12
milles en tout, ou de 9 millespour lespays qui ne revendiqueraient qu'une
mer territoriale de 3 milles 10. Mais il s'en est fallu d'une faible marge
pour que la proposition soit acceptée et lesparticipants à la conférence
se sont séparéssans êtreparvenus à un accord ni sur les limites dela mer

territoriale ni sur celles de la zone de pêche;il était donc clair qu'à ce
stade aucun accordgénéraln'était intervenu sur une modification du droit.

10. Telle était donc la situation lorsque, un peu plus tard la même
année(1960)et l'année suivante,sesont engagées et dérouléelsesnégocia-
tions qui ont abouti à l'échangede notes de 1961 ;et on voit aussitôt tout
l'intérêqtue présentait pour l'Islande la reconnaissance immédiate en sa

faveur d'une zone depêcheexclusivede 12millespar deux des principaux
pays pratiquant la pêchedans les eaux de l'atlantique nord, dont les
vues sur la ~xestion des limites autorisées étaient nettement conserva-
trices - la seule condition attachée à cette reconnaissance étantla fixa-
tion d'une période transitoire limitéependant laquelle les navires de ces
pays auraient encore le droitde pêcheren certains lieux situés àl'intérieur
de la zone de 12 milles. En outre, l'Islande réussissait à faire admettre

immédiatement toute une sériede lignes de base autour de ses côtes, à
partir desquelles serait tracéela limite de la zone de pêchede 12milles -
ce qui aurait pu donner lieu à de vives controverses 11. En contrepartie,

du domaine terrestre. Ce qu'a déclaré laCour internationale de Justice dans son arrêt
sur lelateau continental de la mer du Nordau sujet du caractère véritablede la notion
«d'adjacente» vaut aussi bien en cas d'extension abusive de la mer territoriale qu'en ce
qui concerne les points éloignés situés sur le litdu plateau continentalC.Z.J.r
Recueil 1969, p. 30, par. 41.)
10 Cette proposition aurait abouti à faire coïncider la limite autorisée de la zone de
pêcheavec la limite autorisée de la zone contiguë (voir par. 4 et note 1 ci-dessus) et
au11iLes non-spécialistes ont souvent tendance à sous-estimer l'incidence des lignes
de base sur l'étenduede la zone qu'elles serventlimiter.Lorsque la côte présente
deséchancrures,il a toujours plusieursmanières detracer leslignes de base, soit qu'on
procède avecmodération, soit qu'on fasse l'inverse. Dans ce dernier cas, on augmente
considérablementla superficiedela zone en question, en repoussant sa limiteextérieure
vers lelarge. COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP.IND. FITZMAURICE) 74

l'Islande acceptait d'en référerà la Cour au cas où, à un moment quel-
conque, elleprétendrait élargirdenouveausa zone de pêche;et il est on ne
peut plus clair que si le Royaume-Uni et la République fédérale, elteurs
industries de la pêche respectives,se sont montrés disposés à faire ces
concessions - que rien ne lesobligeaià faireà l'époque etqui leur étaient
préjudiciablessur leplan économiqueet à d'autres égards- c'estprécisé-
ment parce qu'ils craignaient l'éventualitéde nouvelles prétentions de ce
genre. Convaincues qu'elles étaient sans aucun doute que l'étatdu droit

nejustifiait mêmepas, à l'époque, des limitesde pêchede 12milles, sauf
en vertud'un accord, les deux autres Parties étaient néanmoins disposées
à concéder de telles limites, en échange, pensaient-elles, de la garantie
qu'il nepourrait y avoir de nouvelle extension sans que la Cour interna-
tionale aitjugéque cette extension étaitjuridiquement justifiée.
11. Cela étant, quand il s'agitde décidersi la Cour a compétencepour
statuer sur la validitéde la prétention émisepar l'Islande, d'étendreles
limites de sa zone de pêcheau-delàde 12milles, il est manifestement sans
aucune pertinence de dire que, si elle avait attendu plusieurs annéesde
plus, elle aurait pu justifier cette limite de 12 milles indépendamment de
tout accord; sur ce point, je n'ai rieà ajouter àce qui est dit aux para-

graphes 30-34 de l'arrêtde la Cour. Il est évidemment vexant (nous en
faisons tous l'expérience)de s'apercevoir que, les prix ayant baissé,on a
payé quelque choseplus cher qu'il n'était nécessaire, maicse n'est pas en
soiun argument pour sefairerembourser.

12. Avant d'examiner certaines des questions particulières qui ont été
soulevées à propos de la clause juridictionnelle qui a été invoquée pour

porter le différenddevant la Cour, je crois utile de rappeler le texte de
cette clause telle qu'elle figure dans l'échange de notes avecle Royaume-
Uni - laclausecorrespondante de l'échange de notesavec la République
fédérale est identique,hormis (dans le texte anglais) quelques différences
mineures qui ne touchent pas au fond. Cette clauseest ainsi libellée

((LeGouvernement islandais continuera de s'employer àmettre en
Œuvrela résolution de1'Althingen date du 5 mai 1959 relative à
l'élargissement de la juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande
mais notifiera six mois à l'avance au Gouvernement du Royaume-
Uni toute mesure en ce sens; au cas où surgirait un différend enla
matière, la question sera portée, à la demande de l'une ou l'autre
partie, devant la Cour internationale de Justice.))

Etant donnéles termes clairs et impératifs de cette disposition, et le fait
que ce qu'elledéfinitexpressémentcommeconstituant le casusfoederis -
à savoir un nouvel élargissement des eaux islandaises - s'est désormais
produit, il est difficilede comprendre comment on peut soutenirque l'obli-
gation d'aller devant la Cour ne s'applique plus parce que les noteshan- géesen 1961auraient atteint leur but et seraient donc en quelque sorte
devenuescaduques ou périmées. Cea trgument paraît d'ailleurs êtreessen-
tiellement du mêmeordre que celui qui a étéavancédevant la Cour dans

la récente affaire de l'Appel concernant la compétencedu Conseil de
Z'OACI 12 (C.I.J. Recueil1972,p. 46) 13,tant par l'uneque par l'autre des
Parties à cette instance, mais à des fins différentes:dans un cas, afin de
contester la compétencedu Conseil pour connaître d'une certaine affaire
et, dans l'autre, afin de contester cellede la Cour pour statuer surla com-
pétencedu Conseil en cette affaire. Expriméde la manière la plus simple
possible, le procédéconsiste à soutenir qu'il suffit, pour rendre nulle ou
inapplicable une clause juridictionnelle qui serait par ailleurs dûment

applicable en vertu de ses propres termes, de prétendre répudiercomme
ayant pris fin ou suspendre unilatkralement l'instrument qui la contient,
ou encore (comme dans la présente affaire)de déclarer qu'il est devenu
inopérantou a épuisé seseffets,et la clausejuridictionnelle aveclui.
13. Il est toujours légitime d'essayer desoutenir, à tort ou à raison,
qu'en vertu de ses propres dispositions une clause juridictionnelle est
inapplicable au différendouestcaduque 14.C'est alors au tribunal compé-
tent qu'il appartient d'en décider,dans l'exercice de son droit ou de sa

fonction reconnu sous le nom de ((compétencedela compétence))(etque
la Cour, pour ce qui la concerne, tient de l'article 36,paragraphe6, de son
Statut); mais il doit en êtrede mêmelorsque la prétenduecause d'inap-
plicabilité ou d'inefficacitéde la clause juridictionnelle se trouve non
dans la clause elle-même, maisdans le libellé del'instrument où elle
figure ou dans des considérationstouchant à cet instrument, car autre-
ment il n'y aurait aucun moyen de déterminersi les motifs d'inapplica-
bilité ou d'inefficacitéinvoqué sont valables (dans la mesure où ils affec-

tent la clausejuridictionnelle), eta compétencede la compétencedevien-
drait ou pourrait être rendue inopérante à priori; en bref, comme l'a dit
la Cour dans l'affaire concernant la Compétencedu Conseil de I'OACI
(C.I.J. Recueil 1972,p. 54, par. 16b)), ((lesmoyens de priver d'effetles
clausesjuridictionnelles ne manqueraient jamais)) car

(([si],pour rendre inopérantes les clausesjuridictionnelles, il suffisait
d'alléguer,sans le prouver, qu'un traitén'est plus applicable, toutes
cesclauses risqueraient de devenir lettre morte.))

On voit donc assez mal comment quelqu'un qui a appuyé cette décision,
sans formuler de réservesur ce point, peut ne pas appuyer la décision
prisepar la Coursur la question analogue de la compétenceen la présente

12 OACI: Organisation de l'aviation civile internationale.
l'arrêt,.I.J. Recueil1972, p. 53-54et 64-65.rouvent dans les paragraphes16b) et 32 de
14 Tel aurait pu êtrele cas si par exemple (comme cela se produit fréquemment)
l'obligation de saisir la Cour n'avaituméeque pour un laps de temps déterminé,
ou s'ilétait apparu qu'elle visait non pas l'extension même dela juridiction en matière
de pêcheries, laquelle l'Islande prétendrait procéder, mais seulement la validité ou
l'effet du préavisdonnéce sujet.affaire, dans laquelle l'Islande, prétendant qu'il serait en quelque sorte
évidentque les échanges denotes de 1961 ((ont atteint leur objet)),con-
teste, sans toutefois comparaître, non seulement la compétencede la
Courpour statuer sur lefonddu différendrelatif à sa prétention d'étendre
les limites des eaux islandaises, mais même(allant plus loin à cet égard
qu'aucune des deuxparties dans l'affaire de 1'OACI)la compétencede la
Cour pour examiner la question de sapropre compétence.
14. A vrai dire, l'objet des échangesde notes n'est atteint qu'en ce qui

concerne l'Islande, qui a obtenu en effettout ce qu'ellerecherchait dans le
cadre de ces accords. Sa zone de pêchede 12 milles a été reconnueet
existedepuis plus de dix ans; seslignesde base ont été acceptéeest elleest
libéréede l'obligation de reconnaître provisoirement aux deux autres
parties le droit de pêcherdans certaines parties de la zone en question.Il
s'agit là, assurément, de clauses exécutéesqui ne soulèvent plus et ne
peuvent plus soulever aucun problème; mais ce point n'est pas pertinent
au regard de la véritable questionqui se pose car, pour les deux autres
parties, l'objet des échanges denotes est loin d'être atteintet vient seule-
ment de commencer à prendre effet: il s'agitde leur droit de saisirla Cour
et de l'obligation correspondante, pour l'Islande, d'en accepterlajuridic-

tion si elleprétendaller au-delà de l'accord et procéderà un nouvel élar-
gissementde sazone de pêche - cequ'ellea fait.
15. On ne saurait non plus soutenir qu'il s'agissaitlà d'une clause de
pure forme ou d'une stipulation ex abundanticautelaet qu'aucune exten-
sion de ce genre n'était sérieusemenetnvisagée àl'époque,car le fait que
soit mentionnée,dansla clausejuridictionnelle, l'intention du Gouverne-
ment islandais de continuer «de s'employer à mettre en Œuvre la résolu-
tion de 1'Althingen date du 5 mai 1959relative à l'élargissement dela
juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande» montre non seulement
que l'une desparties envisageait de procéder àun tel élargissement, mais

qu'elle enavait beletbienl'intention, queles autres parties s'yattendaient
et y avaient dûment paréau moyen de la clausejuridictionnelle, qui perd
tout son sens si elle ne s'applique pasau cas mêmequi s'estproduit, car
elle n'avait et ne pouvait avoir d'autre objet15.On ne saurait donc per-
mettre à l'Islande d'alléguerex post facto que la clause est entre-temps
devenue caduque, car rien n'est arrivédans l'intervalle qui puisse en en-
traîner la caducité,le seul fait nouveau survenu, à savoir la prétention
émisepar l'Islande d'élargir sa compétence en matière de pêcheries,
étantprécisémentce qui la faisait entrer enjeu.
16. En outre cette situation résulted'une initiative de l'Islande elle-

même. Celle-cn i'étaitpas obligéededemander une nouvelleextension. Si
elle ne l'avait pas fait, le Royaume-Uni et la Républiquefédéraled7Alle-
magne n'auraient pas eu !rdroit d'invoquer la clausejuridictionnelle en
vue, par exemple, d'obtenir de la Cour une décision anticipéesur la
question de savoir sil'Islande seraitjuridiquement endroit, au cas où elle

1sSi cen'est, bien entendu, de permettre àl'Islandede saisir elle aussi la Cour au cas
où lescirconstancesl'amèneraientuloir lefaire-voile paragraphe 20 ci-après.en aurait l'intentionà quelque date ultérieure, d'élargirsa zone de pêche.
Ils devaient attendre le moment où l'Islande prétendrait vraiment le faire.
Mais l'Islande, ayant exercéson droit (comme le faisait présagerla clause
juridictionnelle elle-même)de présenter des reiwzdications à cet effet

-car, du moins au stade actuel, il nes'agitnaturellement que de cela-ne
peut maintenant refuser d'admettre l'obligation qui lui incombe en
contrepartie, en vertu de cette même clause,de se soumettre au règle-
ment judiciaire, ni le droit des autres parties de demander ce règlement.
Si 1'011veut bien me pardonner une répétition,je dirai que la vérité est
simplement qu'en 1961le Royaume-Uni et la Républiquefédéraleétaient
disposés à reconnaître àl'Islande une zone de pêchede 12 milles même

s'ilsn'estimaient pas que le droit international, tel qu'il existaitoque,
les obligeât à le faire (l'Islande non plus ne paraît pas en avoir ététrès
sûre); mais s'ils étaientdisposésà agir ainsi, c'était précisémenptour se
protéger contre de nouvelles mesures d'extension unilatérales qui n'au-
raient pas reçu ou qui ne recevraient pas la sanction de la Cour interna-
tionale de Justice après que celle-ci aurait étésaisie de l'affaire. Telleest
exactement la situation qui seprésenteaujourd'hui et la compétence dela
Cour pour connaître de l'affaireau fond ne saurait êtremise en doute.

17. En ce qui concerne la question du «changement de circonstances »,
je n'airienà ajouterà ce qui est dit auxparagraphes 35à 43 de l'arrêtde la
Cour, si ce n'est pour souligner qu'à mon avis le seul changement qui
pourrait éventuellement êtrepertinent serait un changement direc-
tement lié à la possibilité, pour ainsi dire, de donner effetà la clause
juridictionnelle elle-même 16,et non à des élémentscomme le progrès des

techniques de pêcheou la situation de l'Islande par rapport à la pêche,
lesquels àla véritémiliteraient en faveur, et non paàl'encontre, du règle-
ment judiciaire. Mais pour ce qui touche à la clausejuridictionnelle elle-
même, le seul (changement » survenu est l'extension des limites de pêche
de l'Islande, ce qui est totalement àl'opposéde l'éventualité quevise la
théoriedu changement des circonstances, celle d'une modification que les
parties n'auraient jamais prévue. Au contraire il s'agit en fait ici du
changement même qu'ellesavaient envisagéet qui, comme il était spé-

cifié,devait entraîner l'obligation de recourir au règlementjudiciaire.
18. En outre si l'on analyse la thèse selon laquelle cette obligation
serait devenue une charge excessivement lourde, n'ayant jamais été en-
visagée à l'origine, on s'aperçoit que cette thèse se ramène à ceci: si la
Cour, en statuant sur le fond, se prononçait contre l'Islande, l'obligation
de se conformer àcette décisionserait, en raison des faits intervenus dans

entre-temps de sorte que la Cour ne serait plus l'entitélle les Parties avaientdifié
pensé, notamment si, en raison de modifications survenues dans l'organidesion
Nations Unies, la Cour était devenue un organe mixte,is tribunal et chambre de
conciliation, fonctionnant sur une base autre quecnt juridique.l'intervalle, plus lourde qu'elle ne l'eût étéauparavant. Il suffitde présen-
ter l'argument sous cette forme pour s'apercevoir qu'il est manifestement
dépourvu de toute substance. Il ne saurait y avoir là en droit un motif
suffisantpour ne pas vérifierla validitéde l'acte contesté,et cette vérifica-
tion est tout l'objet de la clausejuridictionnelle.

19. En ce qui concerne la question de la prétendue ((contrainte N,il est
difficilede prendre au sérieuxun grief de ce genre venant de la Partie qui
a été leprincipal bénéficiairedes échangesde notes et qui a profité de
toutes les concessions concrètes et immédiatesqui y sont prévues - car
les droits de pêchetransitoires réservés aux autres Parties dansla zone de
12milles n'étaienten réalité qu'unedérogation temporaire au plein effet

de la principale concession accordéeou un moyen de tempérer cet effet,
et nonune véritablecontrepartie 17.La véritablecontrepartieétait évidem-
ment la clause juridictionnelle. Ainsi, bien analysée,la thèse de la ((con-
trainte »se réduit à l'affirmation que l'assentiment de l'Islande à la clause
juridictionnelle en particulier n'aurait étéobtenu que par la contrainte.
Mais indépendamment de l'observation figurant au paragraphe 20 ci-

aprèset des considérationsexposéesaux paragraphes 19 à 23de l'arrêtde
la Cour, concernant le déroulement des négociations de 1960-1961,qui
montrent qu'il n'apu en êtreainsi, il est assurément normal (et il faut
s'attendre) qu'un accord, quel qu'il soit, stipule des droits et des obliga-
tions jouant pour les deux parties. Sans la clause juridictionnelle, il n'y
aurait eu absolument aucune contrepartie pour le Royaume-Uni et la
Républiquefédérale d'Allemagne - et c'est celaqui aurait étéanormal.

Ainsi, en poussant plus loin l'analyse, on s'aperçoit quela thèsede lacon-
trainte implique que ce que l'Islande a obtenu, elle aurait dû de toute
manière l'obtenir de plein droit, sans avoir à rien donner en retour. La
valeur à attacher aux mots ((aurait dû »dans cette affirmation peut être
une question d'opinion, mais il s'agit d'une considération qui n'a pas à -
intervenir sur leplan juridique et qui ne concordepas avec la situation ou

lescirconstancesexistant à l'époque.
20. Il ne fautpas oublier non plus que la clause de règlementjudiciaire
avait elle-mêmeun caractère réciproqueet non pas unilatéral. L'Islande
pouvait elle aussi engager une procédure devant la Cour et il ne s'agissait

17 Il est facile de le démontrer; en effet, si les Parties ont choisi d'énoncerla conces-
sion relative la zone de 12milles et la réserverelative aux droits transitoires dans deux
plus exacte en fait aurait consistépuler dans un seul et mêmearticle que des droits
exclusifs étaient reconnus immédiatement l'Islande dans les parties les plus impor-
tantes de la zone et, pour ce qui étaitdes autres parties, seulement après une période
transitoire. Le véritable caractèrede la transaction, qui comportait deux concessions
d'inégaleimportance - mais en tout cas deux concessions - serait alors apparu
clairement. C'est seulement siIslande avait pu revendiquer la zone de 12 milles de
plein droit (ce qui n'a jamais été labase de l'accord) qu'il aurait étépossible de consi-
dérerles droits transitoires comme une concession faite parande et non comme une
partie intégrante d'une concession accordéeen totalité par les deux autres Parties.pas là d'une simple (clausede style ))car, au cas où l'unedes autres parties
aurait réagi à la prétention émisepar l'Islande d'étendreses limites de
pêche,non pas en saisissant la Cour mais en prenant des mesures de
protection navale, l'Islande aurait été endroit d'invoquer laclause de
règlementjudiciaire; celle-ci lui offrait donc une garantie comme aux
deux autres parties. En quoi donc résidaitalors l'élémend te (contrainte »?

21. Pour conclure, etquoiqu'il s'agisselà d'un sujet qu'il estsans doute
un peu délicatpour moi personnellement d'aborder, je voudrais - puis-
que je ne participerai pas à la phase suivante de l'affaire - présenter
quelques brèvesobservations sur l'attitude adoptéepar l'Islande,jusqu'au
stade actuel de la procédure,dans l'instance dont la Cour est saisie. Bien
que cette attitude soit difficilementconciliable aveccellequ'une partie au
Statut devrait avoir à l'égardde la Cour, on aurait pu comprendre que
l'Islande se déclare àtel point convaincue du défauttotal de compétence

de la Cour en l'espèce qu'ellene prenne aucune part à la procédure et
s'abstiennedecomparaître et de sefaire représenter, ne serait-ceque pour
discuter de la question de compétence.Si elle l'avait fait une fois pour
toutes, en donnant ses raisons, et avait ensuite gardé le silence, il n'y
aurait eu rien deplus à dire quede qualifier son absence depeu judicieuse
et de regrettable. Mais l'Islande a envoyé à la Cour une sériede lettres et
de télégrammessur ce sujet, qui contenaient souvent des éléments débor-

dant largement la question de compétence et empiétant profondément
sur le fond, et elle n'a laissépasser aucune occasion d'agir dans le même
sens par voie de déclarations prononcéesou diffusées à l'organisation
des Nations Unies et par d'autres moyens 1s;tout cela est naturellement
venu à la connaissance de la Cour d'une manièreou d'une autre, ce qui
était d'ailleurs, sans aucun doute, prévu etvoulu. Ce procédén'exclut
malheureusement pas l'interprétationselon laquelle il s'agissaitde placer

l'Islande dans une position presque aussi avantageuse que si elle avait
effectivementcomparu (car en fait, ses arguments ont étéexaminés soi-
gneusementetpris enconsidérationpar la Cour) tout en lui permettant de
soutenir, au besoin, qu'elle nereconnaît aucune légitimité a la procédure
ou à son issue - et c'est cequ 'ellea déjàfaità l'égarddes mesures con-
servatoiresindiquéespar la Cour dans son ordonnance du 17août 1972.
22. Il esttoujours temps pour l'Islandedemontrer que cette interpréta-

tion n'est pas exacte et j'espère sincèrement qu'elle le fera.

18 Par exemple, les efforts déployésà la dernière AssembléegénéraleNations
Unies (1972) pour faire adopter des projets de résolutionportant sur des questions
qui sont ou peuvent êtrependantes devant la Cour dans la présente affaire.

34 23. Il reste un point qui a traià la position de la Républiquefédérale
dans cette instance. A la différencedu Royaume-Uni, la République
fédérale n'estpas partie originaire au Statut de la Cour mais elle est
devenue partie aux fins de la présente affaire en faisant la déclaration
requise aux termes de la résolutiondu Conseil de sécurité desNations

Unies en date du 15 octobre 1946,elle-mêmeadoptéeconformément à
l'article 35,paragraphe 2, du Statut de la Cour. En vertu de cette dispo-
sition, la Cour est seulement (ouverte ))aux Etats parties au Statut ou à
ceux qui deviennent parties par les moyens prévus, ence sens que seuls
ces Etats peuvent avoir accès à la Cour; mais cela ne suffitpas naturelle-
ment pour conférercompétence à la Cour àl'égardd'un différendparticu-
lier, car c'est làune question qui relèved'autres considérations.
24. En fait, cependant, il parait résulterd'une des communications de

l'Islande à la Cour (le télégrammedu 28juillet 1972),que la déclaration
de la Républiquefédéraleformulée conformément à la résolution pré-
citéedu Conseil de sécurité n'auraitpas étéfaite àtemps et qu'elle serait
donc nulle comme étantintervenue après que la Républiquefédéraleeut
étéaviséeofficiellementpar l'Islande de son intention de réclamer l'élar-
gissement des limites de ses pêcheries.Cette allégation ne saurait être
fondée,car la résolutiondu Conseil de sécurité prévoitexpressémentque

la déclaration peut avoir ((soitun caractère particulier, soit un caractère
général »,et elledéfinitla déclaration de caractèreparticulier commeétant
((cellepar laquelle un Etat accepte la juridiction de la Cour pour un
différend ...((déjàné »; - il est d'ailleurs manifestement impossible à un
Etat de faire une déclarationau sujet d'un différendparticulier si cedif-
férendn'existepas encore. En conséquence,si l'on aurait pu à la rigueur
soutenir qu'en l'espèce la déclarationétaitprématuréd eans l'hypothèseoù
la République fédérale,ayant déjà reçu notification des intentions de

l'Islande, n'aurait pas encore contesté officiellement leur légitimité
(maiscen'estpas le cas - voir la note 19),il n'estpas possible en tout cas
qu'elleait été tardive.A mon avis, une telle déclarationest dans lesdélais
si elle est faite un moment quelconque avant le dépôtau Greffe de la
requêteintroductive d'instance, ou mêmesiellel'accompagne.

(SignéG )erald FITZMAURICE.

19 La notification islandaise à la République fédérale a en une communi-
cation officielledu 31 août 1971et la déclarationdela République en vertu de
larésolutiondu Conseil de sécuritéaétéfaite le 29 octobre 1971.Mais dans l'intervalle,
aux termes d'une note officielle du 27 septembre 1971, la République fédérale avait
contestéla légitimité des intentionsde l'Islande au motif queoit international
n'admet pas qu'un Etat riverain s'arroge unilatéralement un pouvoir souverain sur des
zones de la haute mer». Dans la mêmenote elle contestait aussi la thèse de l'Islande
selonlaquelie la clausejuridictionnelle de l'échangede notes de 1961n'était plus appli-
cable.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SIR GERALD FITZMAURICE

Although 1 entirely agree with the Judgrnent of the Court and the
reasoning and considerations on which it is based, there are in my
opinion certain factors which should additionally be brought out, or
further stressed.

1. In order to appreciate the true significance of the agreement em-
bodied in the Exchanges of Notes thattook place in March and July 1961
between, on the one hand, the Government of Iceland, and, on the other,
the Governments of the United Kingdom and the Federal Republic of
Germany, respectively,it is necessaryto takeinto account the state of the
law regarding exclusivefisheriesjurisdiction, asit stood at that time, and
after the breakdown of the second Geneva Law of the Sea Conference in

the previous year (1960); and also as it was reflected in the Conventions
that resulted fromthe work ofthe first Geneva Law ofthe SeaConference
in 1958.This is squarely relevant to thejurisdictional issuenow before the
Court because, as will be seen, it directly affectsthe situation that existed
when the Parties entered into the 1961Exchanges of Notes, and their
motivesin doing so. The followingreviewwillmake this clear.

2. Although certain countries had (almost invariably for fishery
reasons, whatever the ostensible grounds) claimed waters extending to
more than 12 miles from the baselines of the coast-in some instances
very much more than that-none of which claims had, however, received
any general recognition,-there wasno denial of the clear-cut distinction
of principle and status between the territorial sea as part, or as an ex-
tension of, the land domain, and the high seas as res communis open to
all-the limit of the one, marking and constituting the start of the other.

Nor could-nor can-this distinction be denied without destroying the
whole concept of the high seas, upon which a major part of maritime
international law, asit has been evolvedover severalcenturies, isfounded.

3. Accordingly, while there might be ana was controversy as to the
permissible extent, and as to the location of theuter limit of the territo-
rial sea(ormaritime beltasit wassometimescalled)therewasno doubt that
within itthe coastal State possessedimperium (jurisdictio)if not dominium
(proprietas) or its equivalent (the 1958Geneva Territorial Sea Conven- OPINION INDlVIDUELLE DE SIR GERALD FITZMAURICE

[Traduction]

Bien que je souscrive entièrement à l'arrêtde la Cour ainsi qu'aux
motifs et considérationssur lesquels il se fonde, j'estime qu'il convien-

drait en plus de dégagercertains éléments oude les souligner davantage.

1. Pour pouvoir apprécierla portéeréellede l'accord consacrépar les
échangesde notes qui ont eu lieu en mars et en juillet 1961entre, d'une
part, le Gouvernement islandais et, de l'autre, les Gouvernements du
Royaume-Uni et de la République fédérale d'Allemagne, respectivement,
il faut tenir compte de l'étatdu droit concernant la juridiction exclusive
en matièrede pêcheries tel qu'ilse présentait à cette époque et après
l'échecdela dsuxièmeconférencede Genèvesur le droit de la mer l'année
précédente(1960) et aussi tel qu'il ressortait des conventions signées à
l'issuedes travaux de la première conférencede Genèvesur le droit de la

mer de 1958. Cet aspect intéresseau premier chef le problèmejuridic-
tionnel dont la Cour est saisiecar, ainsi qu'on le verra, il touche directe-
ment la situation qui existait au moment où les Parties ont procédéaux
échangesde notes de 1961et les motifs pour lesquels ellesl'ont fait. C'est
ce que montrera l'exposé ci-après.
2. Bien que certains pays eussent revendiqué,presque toujours pour
des raisons liéesà la pêche, quelsque fussent les motifs mis en avant, des
eaux s'étendant au-delà - parfois bien au-delà - de 12 milles à partir
des lignes de base de la côte - sans jamais cependant avoir réussi à
faire admettre leurs prétentionspar l'ensemblede la communauté inter-
nationale -, nul ne niait la distinction de principe et de statut juridique
bien tranchéequi existait entre la mer territoriale, considérée commeune
partie ou un prolongement du domaine terrestre, et la haute mer, res

comrnunisouverte à tous - la limite de l'une marquant et constituant le
début del'autre. Il n'étaitpas- il n'esttoujours pas - possible de nier
cette distinction sans réduireà néanttoute la notion de haute mer, sur
laquelle repose une grande partie du droit international maritime tel
qu'il s'estforméau cours des siècles.
3. Par conséquent, si l'étendueque pouvait avoir la mer territoriale
(que l'on appelait aussi parfois ceinture maritime), ainsi que l'emplace-
ment de sa limite extérieure, pouvaientprêteret prêtaient à controverse,
ilne faisait aucun doute qu'à l'intérieurde celle-ciEtatriverain possédait
l'imperium (jurisdictio)sinon ledominium(proprietas) ou son équivalenttion, Article 1, calls it "sovereignty"); and that it possessed in conse-
quence exclusiverights of various kinds there,-ariiongst others exclusive
fishery rights. But there was equally no doubt that in waters outside the
territorial belt-these being by dejnition high seas (see para. 5 be1ow)-
the coastal State had neither imperium nor (and still less) dominium, nor
proprietorial or exclusiverights of any kind, fisheriesin no way excepted.

4. In a zone known as the "contiguous zone", definedby Article 24 of
the 1958Territorial Sea Convention as being what the term implies-a
"zone of the high seas contiguous to its territorial seam-and limited in
extent (bythe sarneprovision) to 12miles from the coastline 1,the coastal
State was allowed to "exercise thecontrol necessary" for certain specified
purposes 2 which did not include any right of jurisdiction over foreign

vessels in order to prevent them from fishing there. In other parts of the
high seas beyond the contiguous zone, the coastal State had no rights
of jurisdiction or control at all, except in respect of its own vessels
generally; and, in respect of foreign vessels, only as recognized in the
1958 Geneva High Seas Convention, namely for the suppression of
piracy and the slavetrade, flag verification in certain cases, and as part of
the process known as "hot pursuit" started from within the territorial sea

or contiguous zone in respect of something that would have justified
arrest or stoppage if it could have been effectedthere.

5. From al1this it followed that fishing in any areas that were high
seas-i.e., that were not interna1 or territorial waters-could only be
shared and not exclusive, since measures for preventing fordgn fishing in
such areas would be incompatible with their status as res cornmunis,and

the enforcement of such measures would not be for any of the purposes
for which countriescould, as described above, validly exercisejurisdiction
on the high seas over vessels other than their own. This position was
reflected in the provisions of the 1958 Geneva Conventions already
referred toor quoted, but even more fully in Articles 1and 2 of the High

would be nothing for the contiguous zone to be contiguous to. The further implicatione
was that a State claiming a 12-milelt of territorial sea had no need of a contiguous
zone as well. But a country claiming onlyr 6 miles of territorial sea could still have
a contiguous zone of9 or 6 miles, as the case might be.

2 These were for the prevention and punishment of "infringements of its [the
coastal State's] customs, fiscal, immigration or sanitarytions within its territory
or territorial sea". (la convention de Genèvede 1958sur la mer territoriale, dans son article
premier, l'appelle ((souveraineté 1)et qu'il y possédaitpar conséquent des
droits exclusifs de diverses sortes, parmi lesquels des droits exclusifs de
pêche.Mais il ne faisait pas de doute non plus que, dans les eaux exté-
rieures à la mer territoriale - c'est-à-dire, par déjïnition,la haute mer

(voir paragraphe 5 ci-après) - 1'Etat riverain ne pouvait prétendre ni
à I'imperium ni (et encore moins) au dominium, ni à aucun droit de
propriété oudroit exclusif quel qu'il fût, les droits de pêche nefaisant en
aucune manière exception.
4. Dans la zone appelée«zone contiguë »,définiepar l'article 24 de la

convention de 1958sur la mer territoriale comme étant - ainsi que son
nom l'indique - «une zone delahaute mer contigue àsa mer territoriale ))
et dont l'étendueétaitlimitéepar la même disposition à 12milles à partir
du rivage 1,l'Etat riverain était autorisé à((exercer lecontrôle nécessaire ))
à certaines fins déterminées 2, ne comportant l'exerciced'aucun droit de
juridiction sur les navires étrangers envue de leur interdire la pêchedans

cette zone. Dans les autres parties de la haute mer, au-delà de la zone
contigue, I'Etat riverain n'avait aucun droit de juridiction ou de contrôle
du tout, si ce n'était à l'égardde ses propres navires d'une manière
générale et, à l'égard des navires étrangers,dans la seule mesure admise
par la convention de Genèvede 1958sur la haute mer, c'est-à-dire pour

la répression de la piraterie et de la traite des esclaves, pour la vérifi-
cation du pavillon dans certains cas, et dans le cadre de l'exercice du
droit de poursuite si la poursuite avait commencédans la mer territoriale
ou la zone contiguë pour un motif qui eût justifiél'arraisonnement ou
l'arrêtdu navire s'ilsavaient pu y êtreeffectués.
5. 11en résultait que, dans toutes les zones faisant partie de la haute

mer - c'est-à-dire non comprises dans les eaux intérieures ou la mer
territoriale - lesdroitsde pêche nepouvaient êtrequedesdroitspartagés
et non pas exclusifs,puisque des mesures qui viseraient à interdire à des
navires étrangers de pêcherdans ces zones seraient incompatibles avec le
statut de res communisde ceszones et que l'application de ces mesures ne

tendrait pas à l'une des finspour lesquelles les pays pouvaient, ainsi qu'il
est dit ci-dessus, exercer valablement leur juridiction en haute mer sur
des navires autres que les leurs. Cette situation, qui correspond aux
dispositions des conventions de Genève de 1958 déjà mentionnéesou
citées, setrouve reflétéeencore plus fidèlementdans l'article premier et

1 Cela impliquait bien entendu quc la mer territoriale fût d'une largeur inférieureà
12 milles, sans quoi il ne serait plus rien restépour la zone contiguë. Cela impliquait
aussi qu'un Etat revendiquant une zone de 12 milles comme mer territoriale n'avait
pas besoinenplus d'unezonecontiguë. Mais un pays ne revendiquant que3 ou 6 milles
selon le cas.oriale pouvait prétendre en outreune zone contiguë de 9 ou 6 milles,
2 Celles-ci concernaient la prévention et la répression des «contraventions à seslois
de police [cellesdeEtatriverain] douanière, fiscale,sanitaire ou d'immigration sur son
territoire ou dans sa mer territoriale)).Seas Convention 3 which, according to its Preamble, was adopted as
being "generally declaratory of established principles of international
law". Article 1 of this Convention, and the relevant part of Article 2, in
which the passages of especial significance in the present context have
been italicized,were(and are) as follows :

Article 1

The term "high seas" means al1parts of the sea that are not in-
cluded in the territorial sea or interna1waters.

Article 2

Thehighseasbeing open toal1nations,no State may validlypurport
to subject any part of them to its sovereignty 4. Freedom of the high
seas ... comprises, inter alia,both for coastal and non-coastalStates :

(1) Freedom of navigation;
(2) Freedomoffishing ;
(3) Freedom to lay submarine cables and pipe-lines;

(4) Freedom to flyover the high seas.

6. The question of fishery conservation was separately dealt with by
the 1958Geneva Conservation Convention, and bythe subsequent North-
East Atlantic Fisheries Convention concluded in London on 24 January
1959, of which Iceland, the Federal Republic and the United Kingdom
were al1signatories, and the object of which, according to its preamble,
was "to ensure the conservation of the fishstocks and the rational exploi-

tation of the fisheries of the North-East Atlantic Ocean and adjacent
waters, which areof common concern to them" (my italics) 5.But agreed
measures ofconservation on the high seasforthe preservation ofcommon
fisheries in which al1have a right to participate, isofcourseacompletely
different matter from a unilateral claim by a coastal State to prevent
fishingby foreign vesselsentirely, orto allowit only at the willand under

the control of that State. The question of conservation has therefore no

--
3 Although the 1958 Geneva Conventions were not technically in force in 1961
-(they have al1come into force since)-they represented a high degree of consensus
among the 85 countries which attended the Conference.
4 Since, in the absence of treaty or other sufficient agreement, sovereignty or its
equivalent is necessary for theid exercise of exclusiveproperty rights in any area, in
the sense of prohibiting and forcibly preventing fishing by others, this expression was
seas.y sufficient in itself toout exclusive fishery rights in any areas that were high
5 The phrase here italicized was intended to relate to al1the waters covered by the
Convention, including-and above all-those ofthe north-east Atlantic.l'article 2 de la convention sur la haute mer 3 dont les dispositions, aux
termes du préambule, ont étéadoptées comme étant ((pour l'essentiel
déclaratoires de principes établisdu droit international )).L'article pre-

mier de cette convention et la partie pertinente de l'article 2 étaient (et
sont) libelléscomme suit (lespassages quiprésententun intérêp tarticulier
dans le présent contextesont reproduits en italiques):

Article premier

Onentend par (haute mer 1)toutes lesparties de lamer qui ne sont
pas incluses dans la mer territoriale ou dans les eaux intérieuresd'un
Etat.

Article 2

La haute mer étantouverte à toutes les nations, aucun Etat nepeut
légitimementprétendre ensoumettre une partie quelconque à sa
souveraineté 4. La liberté de la haute mer ... comporte notamment,
pour les Etats riverains ou nondela mer:

1) La libertéde la navigation;
2) La liberté de la pêche;

3) La libertéd'y poser des câbles et des pipe-lines sous-marins;
4) La libertéde la survoler.

6. La question de la conservation des pêcheriesa été traitée séparé-
ment par la convention de Genève de 1958sur la conservation des res-
sources biologiques de la haute mer et, ultérieurement,par la convention

sur les pêcheriesde l'Atlantique du nord-est conclue à Londres le 24
janvier 1959,dont l'Islande, la République fédéraleet le Royaume-Uni
étaient tous trois signataires et dont l'objet, aux termes du préambule,
était((d'assurer la conservation des stocks de poisson et l'exploitation
rationnelle des pêcheriesde l'océanAtlantique du nord-est et des eaux

adjacentes, quileursontd'un intérêt commu )n(lesitaliques sont de nous) 5.
Mais l'adoption concertée de mesures de conservation concernant la
haute mer en vue de protégerdes pêcheriescommunes dont l'exploitation
est ouverte à tous est évidemmenttout autre chose que la prétention
émiseunilatéralement par un Etat riverain d'interdire complètement la

3 Les conventions de Genèvede 1958n'étaient pas encore techniquement en vigueur
en 1961(ellessont toutes entrées en vigueur depuis) mais ellesétaient l'expression d'un
large consensus entre les 85pays qui avaient participé conférence.
4 Comme, en l'absence detraité ou d'un autre accord suffisant, la souveraineté ou
son équivalent est nécessairepour pouvoir exercer valablement des droits réels ex-
clusifs sur un territoire quelconque, c'est-à-dire interdire et empêcherpar la force que
d'autres y pêchent,en réalité cette expressionsuffisait en soixclure tous droits de
pêche exclusifsdanstoute zone dela haute mer.
j Dans l'intention des parties, les mots en italiques s'appliquaient à toutes les eaux
viséespar ii;convention, y compris- et surtou- celles de l'Atlantique du nord-est.relevance to the jurisdictional issue now before the Court, which involves
its competence to adjudicate upon a dispute occasioned by Iceland's

claim unilaterally to assert exclusivejurisdiction for fishery purposes up
to a distance of 50nautical milesfromand around her coasts.

7. Nor did continental shelf doctrine afford any basis for the assertion
of exclusivefishery claims by a coastal State merely on the ground that its

continental shelf underlay the waters concerned. This was made quite
clear by the 1958 Geneva Continental Shelf Convention and, as it hap-
pens, was reflected later in the Judgment of the Court in the North Sea
Continental Shelfcase (I.C.J. Reports 1969, p. 3). Article 2 of the Conti-
nental Shelf Convention-which provision was generally regarded as
reflecting already received law-stated that the coastal State exercised
"sovereign rights" over the shelf "for the purpose of exploring it and
exploiting its natural resources" 6. But the term "natural resources" was
defined in such a way, in respect of "living organisms", as.to cover only
' sedentary speciesm,-i.e., "organisms which ... either are immobile on

or under the seabed or are unable to move except in constant physical
contact with the seabed or subsoi1"-(Art. 2, para. 4). The very purpose of
this definition was toexclude what werecolloquially knownas "swimming
fish", or fishwhich,whether they at al1times swam or not, were.capable of
so doing-(and this of course included what are known as "demersal"
speciescfish which spend a part of their time on or near the ocean bed
butare swimming fish).Clearlytherefore the Convention reserved nothing
to the coastal State by way ofexclusivefisheryrights, except in what might
be called, in general terms, sedentary fisheries. It afforded no ground for

the assertion of exclusive fishery rights in waters that were outside the
territorial sea, and therefore high seas. This situation was reflected in the
Judgment of the Court in the Continental Shelfcase where, in distinguish-
ing between territorial sea and continental shelf rights, it was pointed out
(I.C.J. Reports 1969,p. 37,end of para. 59)that

"the sovereign jurisdiction which the coastal State is entitled to

6 The object of this wording was, ifnot to excludethe notion entirely,at least to
reservethe questionof full unlimited sovereigntstrictsensu, over the continental
shelf.

26pêcheaux navires étrangersou de ne l'autoriser qu'à son gré et sousson
contrôle. La question de la conservation est donc sans rapport avec le
problème juridictionnel dont la Cour est saisie et qui concerne sa com-
pétencepour trancher un différendrésultantde la prétention émisepar
l'Islande de proclamer unilatéralement sa juridiction exclusive, en

matière de pêche,sur une zone s'étendantautour de ses côtes jusqu'à
une distance de 50 milles marins.

7. La théoriedu plateau continental n'offrait non plus aucune base
à un Etat riverain pour revendiquer des droits de pêche exclusifs pour le
simple motif que son plateau continental étaitsous-jacent aux eaux en
cause. Cela ressort clairement de la convention de Genèvesur le plateau
continental de 1958,et il se trouve que l'arrêtrendu par la Cour dans les
affaires du Plateau continental de lamer du Nord (C.I.J. Recueil 1969,

p. 3) a par la suite confirmé cepoint. L'article 2 de la convention sur le
plateau continental - dont les dispositions ont été généralement con-
sidérées comme reprenant le droit déjàreçu - déclareque 1'Etatriverain
exerce ((des droits souverains ))sur le plateau continental ((aux fins de
l'explorationde celui-cietde l'exploitation de sesressources naturelles ))6.
Mais l'expression ((ressources naturelles ))était définiecomme ne com-

prenant, pour ce qui est des ((organismes vivants n, que les (cespèces
sédentaires ))c'est-à-dire (les organismes qui ...sont soit immobiles sur le
lit de la mer ou au-dessous de ce lit, soit incapables de se déplacersi ce
n'est en restant constamment en contact physique avec le lit de la mer
ou le sous-sol 1(art. 2,par. 4). L'objet de cette définitionétaitprécisément
d'exclure ce qu'on appelle familièrement les ((poissons nageurs)) ou

poissons qui, nageant constamment ou non, sont capables de le faire
(parmi lesquels, bien entendu, les espècesdites (démersales »,c'est-à-dire
lespoissons qui passent une partie de leur temps sur le lit de l'océanou à
proximitédu fond mais qui sont des poissons nageurs). Il apparaît donc
clairement que la convention n'a réservé à 1'Etatriverain aucun droit de
pêcheexclusif si ce n'est en ce qui concerne les pêcheriesqu'on pourrait

appeler, en termes générauxp ,êcheries sédentairesO . n ne pouvait en tirer
aucun argument pour revendiquer des droits exclusifsde pêchedans des
eaux extérieures à la merterritoriale etfaisant doncpartie de la haute mer.
L'arrêtrendu par la Cour dans les affaires du Plateau continentalpart de
cette situation: distinguant entre les droits sur la mer territoriale et les
droits sur le plateau continental, la Cour y fait observer (C.I.J. Recueil

1969,p. 37,findu paragraphe 59)que
((lajuridiction souveraine que 1'Etatriverain a le droit ...d'exercer

6 Par celibelléon avait voulu, sinon excluretotalement la notion d'une souveraineté
stricto sensu, absolue et illimitée,sur le plateau continental, du moins réservercette
question. exercise ... not only over the seabed underneath the territorial

waters, but over the waters themselves, ... does not exist in respect
of continental shelf areas wherethereis nojurisdiction overthesuper-
jacent waters, and over the seabed only for purposes of exploration
and exploitation" 7-(my italics).

Moreover it is safeto say that the whole notion of continental shelfrights
would never have received the almost universal acceptance it did, not
only at, but wellbefore the Geneva Conference, unless it had been firmly
understood from the start that those rights did not extend to the waters
above the shelf,or to their non-sedentary contents.

8. From the foregoing observations it is clear that at the material date,
namelythat ofthe Geneva Law ofthe SeaConferencesand for someyears
after, there was no generally recognized way of validly asserting exclusive
fishery jurisdiction, as such, per solum,-Le., except as part of a valid
claim to territorial waters, which would automatically imply and carry
with it the related fishery rights. From this it followed that there was no
way of extending any area of exclusive fisheryrights except by a valid
extension of territorial waters, unlessit couldbe doneby way of agreement

with the other countries3shing in the areas concerned-(a proviso which 1
haveitalicized because ofitsparticular relevanceto thejurisdictional issue
now before the Court). It was indeed this situation which then accounted
for and provided much of the motivation for the movement to extend the
limits of the territorial sea, on the part of countries which, mostly, had
littleinterest in any of the other aspects of an extended territorial sea,
and sometimes a definite disinclination for them 8. Furthermore, it was
evident that there must come a point at which claims to territorial waters
would verge on the absurd, where they went beyond anything in the
nature of waters that could properly be regarded as 'territorial", in the

senseofretaining somesort ofphysicalrelationship withthe land to which
they were supposed to be attached or appurtenant 9.

' The territorial seavolves responsibilities as well as rights, which many countries
were unable to discharge satisfactorily outside a relatively narrow belt, such as for
exarnple policing and maintainingorder; buoying and marking channels and reefs,
sandbanks and other obstacles; keeping navigable channels clear, and giving notice of
dangers to navigation; providing rescue services, lighthouses, lightships,buoys,
etc.

9 As its narne irnplies, the territorial sea is that part of the sea which is attached to
or washes the land territory and constitutes atuval extension seaward of the land non seulement sur le lit de la mer au-dessous de seseaux territoriales

mais aussi sur ces eaux mêmes ...n'existepas en ce qui concerne le
plateau continental car I'Etat n'a aucune juridictionsur les eaux
surjacentes et n'a de juridiction sur le lit de la mer qu'à des fins
d'exploration et d'exploitation )7 (lesitaliques sont de nous).

D'ailleurs, on peut affirmer sans crainte de se tromper que la notion
mêmede droits sur le plateau continental n'aurait jamais été admise
presque universellement, comme elle l'a été,non seulement à la confé-
rence de Genève mais déjà bienavant, s'iln'avait été clairemene tntendu
dèsle départ que ces droits ne s'étendaientpas aux eaux surjacentes ni

aux ressources non sédentairesqu'ellesrenfermaient.

8. Les observations qui précèdentmontrent clairement qu'à l'époque
considérée, c'est-à-dire à la date des conférencesde Genèvesur le droit

de la mer et pendant les quelques années quiont suivi, il n'y avait aucun
moyen généralemenrteconnu de prétendrevalablement à une compétence
exclusiveen matière depêcheriesen tant que telle,er solum - c'est-à-dire
autrement que dans le cadre d'une revendication valable sur des eaux
territoriales, impliquant et emportant automatiquement revendication
desdroitsde pêche correspondants. Ils'ensuitqu'endehorsdela conclusion

d'unaccord aveclesautrespayspratiquant lapêche dans lezsonesencause
le seul moyen d'étendreles limites d'une zone de pêche exclusiveconsis-
tait à repousser valablement les limites des eaux territoriales (la réserve
indiquée est en italiquesparce qu'elle intéressetout particulièrement la
question juridictionnelle dont la Cour est saisie). C'est d'ailleurs
cette situation qui expliquait alors et motivait principalement la tendance

à repousser les limites de la mer territoriale, de la part de pays dont la
plupart s'intéressaientpeu, à d'autreségards, àune merterritoriale élargie,
ou mêmes'en désintéressaientnettement 8. De plus, il étaitévidentqu'au-
delà d'un certain point on ne pouvait revendiquer des eaux territoriales
sans frôler l'absurde, dès qu'on sortait des eaux pouvant à pro-
prement parler êtreconsidérées comme ((territoriale)),c'est-à-direcon-

servant quelque lien physique avecla terre à laquelle elles étaientcensées
se rattacher ou dont elles étaient censéesrelever 9.

Pour les implications des quelques douze derniers mots, voir la note précédente.
A la mer territoriale s'attachent non seulement des droits mais aussi des remonsa-
bilités,dont beaucoup de pays ont étéincapables de s'acquitter de façon satisfaisante
en dehors d'une zone relativement étroite; ainsiatriverain doit y assurer la police
et le maintien de'ordre, baliser et signaliser les chenaux et récifs,les bancs de sable
et les autres obstacles, veillerque les chenaux navigables demeurent dégagés et
signaler les dangersla navigation, prévoir des services de sauvetage, des phares, des
bateaux-phares, des bouées cloche, etc.
9 Comme son nom l'indique, la mer territoriale est la partie dela mer qui se rattache
au territoire terrestre ou lebaigne et qui constitue un prologementvers le large, 9. It was in these circumstances, and for these reasons, that the notion
of detaching exclusive fishery rights from their association solely with,
and their dependence on, territorial sea rights, first came to be propound-
ed. But such a change in the legal position would require general agree-
ment or understanding; or else, in particular areas, the consent of the
countries whose fishing would be affected. It could not be done unilater-

ally. This notion accordingly became the basis of the principal proposa1
debated at the second (1960) Geneva Conference,-namely for up to 6
miles of territorial waters, and another 6 miles of exclusive fishery rights,
making, in effect, a total fisheryzone of 12miles, or 9 miles for countries
which elected only to claim 3 miles of territorial sea 10. However, the
proposa1 failed to gain acceptance, though only narrowly, and the Con-
ference broke up without having reached any agreement either on ter-

ritorial sea or fishery limits;-so that it was clear that, at the point then
reached, no generally agreed change in the law had taken place.

10. Such was the situation when, later in the same year (1960), and in
the following year, the negotiations that led to the 1961 Exchange of

Notes were begun and in progres-and it becomes instantly apparent
that Iceland had a strong interest in securing the immediate recognition
of an exclusive 12-milesfishery zone, on the part of two of the principal
countries fishing in North Atlantic waters, whose views on the subject of
the extent of permissible limits were distinctly conservative,-a recogni-
tion conditioned only by a transitional period during which these coun-
tries' vessels would retain the right to fish in certain areas within the 12-

mile zone for a restricted period. In addition, Iceland obtained immediate
recognition of a comprehensive series of baselines around her shores
from which the 12-mile fishery limit would be drawn-potentially a
highly controversial matter 11.The quidpro quowas Iceland's acceptance
of recourse to the Court if at any time she claimed further to extend her

Sheu Judgment about the true nature of the concept of "adjacency" is as valid forntal
undue extensions of the territorial sea as it is for distant points on the continental shelf
bed,-see I.C.J. Reports 1969,at p. 30, para. 41.

10 This proposa1would have caused the permissiblefisherylimit to coincide with the
permissiblelimit of the contiguous zone (seepara.andfootnote 1above), and would
in effecthave given theoastal State exclusive fishery rights in that zone.
11 The effect of baselines on the extent of the zone drawn from them is often over-
looked by non-technical opinion. On an indented Coast there are always several ways
of establishing a baseline system, conservative or the reverse. Thelt, if the latter
method is adopted, is considerably to enlarge the area of the zone concerned, by
thrusting itsuter limit seawards. 9. C'est dans ces conditionset pour cesraisons que l'idée estvenue de
considérer à part les droits de pêche exclusifsqui, jusque-là, étaient
nécessairement associésaux droits relatifs à la mer territoriale, dont ils
dépendaient. Mais pareille modification de la situation de droit exigeait
un accord généralou une entente générale,ou bien, dans certaines zones,
l'assentiment des pays dont la pêcheserait touchée. Elle ne pouvait se
faire unilatéralement. Cette idéea donc été à l'origine de la principale
proposition sur laquelle ont porté les débats de la deuxième conférence

de Genève (1960),et qui tendait à porter à 6 milles au maximum la limite
des eaux territoriales età 6 autres milles celle de la zone où 1'Etatriverain
aurait des droits de pêche exclusifs,soit en fait une zone de pêchede 12
milles en tout, ou de 9 millespour lespays qui ne revendiqueraient qu'une
mer territoriale de 3 milles 10. Mais il s'en est fallu d'une faible marge
pour que la proposition soit acceptée et lesparticipants à la conférence
se sont séparéssans êtreparvenus à un accord ni sur les limites dela mer

territoriale ni sur celles de la zone de pêche;il était donc clair qu'à ce
stade aucun accordgénéraln'était intervenu sur une modification du droit.

10. Telle était donc la situation lorsque, un peu plus tard la même
année(1960)et l'année suivante,sesont engagées et dérouléelsesnégocia-
tions qui ont abouti à l'échangede notes de 1961 ;et on voit aussitôt tout
l'intérêqtue présentait pour l'Islande la reconnaissance immédiate en sa

faveur d'une zone depêcheexclusivede 12millespar deux des principaux
pays pratiquant la pêchedans les eaux de l'atlantique nord, dont les
vues sur la ~xestion des limites autorisées étaient nettement conserva-
trices - la seule condition attachée à cette reconnaissance étantla fixa-
tion d'une période transitoire limitéependant laquelle les navires de ces
pays auraient encore le droitde pêcheren certains lieux situés àl'intérieur
de la zone de 12 milles. En outre, l'Islande réussissait à faire admettre

immédiatement toute une sériede lignes de base autour de ses côtes, à
partir desquelles serait tracéela limite de la zone de pêchede 12milles -
ce qui aurait pu donner lieu à de vives controverses 11. En contrepartie,

du domaine terrestre. Ce qu'a déclaré laCour internationale de Justice dans son arrêt
sur lelateau continental de la mer du Nordau sujet du caractère véritablede la notion
«d'adjacente» vaut aussi bien en cas d'extension abusive de la mer territoriale qu'en ce
qui concerne les points éloignés situés sur le litdu plateau continentalC.Z.J.r
Recueil 1969, p. 30, par. 41.)
10 Cette proposition aurait abouti à faire coïncider la limite autorisée de la zone de
pêcheavec la limite autorisée de la zone contiguë (voir par. 4 et note 1 ci-dessus) et
au11iLes non-spécialistes ont souvent tendance à sous-estimer l'incidence des lignes
de base sur l'étenduede la zone qu'elles serventlimiter.Lorsque la côte présente
deséchancrures,il a toujours plusieursmanières detracer leslignes de base, soit qu'on
procède avecmodération, soit qu'on fasse l'inverse. Dans ce dernier cas, on augmente
considérablementla superficiedela zone en question, en repoussant sa limiteextérieure
vers lelarge. fishery 1imits;-and it is abundantly clear that the whole reason why the
United Kingdom and the Federal Republic, and their respective fishing
industries, were willing to make these concessions-which, at that time,
need not have been made, and were injurious to them economically and in
other ways-was precisely the fear of such possible further claims. Be-
lieving as they undoubtedly did that the state of the law as it then stood
did not justify even a 12-milefishery limit, except by agreement, the other
two Parties were nevertheless willing to concede it, in return for (as they
thought) a guarantee that further extensions could not be made unless the
International Court found that they were legallywarranted.

Il. Such being the position, it is manifestly completely irrelevant to the
question of the Court's competence to determine the validity of Iceland's
claim to extend her limits beyond 12miles, that if she had waited several
more years she might have been able to justify the 12-mile fishery zone
irrespective of agreement tothat effect;-and on this point 1have nothing
to add to what is said in paragraphs 30-34of the Judgment of the Court.
Itis obviously galling to any man (but also a common experience) if he
finds that owing to a subsequent decline in prices he has paid more for
something than he need have done. But this is not in itself a ground on
which he can ask for his money back.

12. Turning now to some of the particular points that have arisen in
connection with the jurisdictional clause in the Exchanges of Notes, on
the basis of which the dispute has been referred to the Court, it will be
convenient, before going further, to set the clause out, as it figured in the
Exchange with the United Kingdom (the corresponding clause in the
Federal Republic's Exchange being exactly the same, apart from a few
small verbal differences not affectingthe substance). It reads as follows:

"The Icelandic Government will continue to work for the imple-
mentation of the Althing Resolution of May 5, 1959,regarding the
extension of fisheries jurisdiction around Iceland, but shall give to
the United Kingdom Government six months' notice of such exten-
sion and, in case of a dispute in relation tosuch extension, the matter
shall, at the request of either Party, be referred to the International
Court of Justice."

In view of the clear and compelling terms of this provision, and of the
fact that what is therein expressly specified as constituting the casus
foederis, namely a further extension of Icelandicwaters, hasnow occurred,
it is difficult to make any sense of the contention that the obligation to
have recourse to the Court is no longer operative because the 1961 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP.IND. FITZMAURICE) 74

l'Islande acceptait d'en référerà la Cour au cas où, à un moment quel-
conque, elleprétendrait élargirdenouveausa zone de pêche;et il est on ne
peut plus clair que si le Royaume-Uni et la République fédérale, elteurs
industries de la pêche respectives,se sont montrés disposés à faire ces
concessions - que rien ne lesobligeaià faireà l'époque etqui leur étaient
préjudiciablessur leplan économiqueet à d'autres égards- c'estprécisé-
ment parce qu'ils craignaient l'éventualitéde nouvelles prétentions de ce
genre. Convaincues qu'elles étaient sans aucun doute que l'étatdu droit

nejustifiait mêmepas, à l'époque, des limitesde pêchede 12milles, sauf
en vertud'un accord, les deux autres Parties étaient néanmoins disposées
à concéder de telles limites, en échange, pensaient-elles, de la garantie
qu'il nepourrait y avoir de nouvelle extension sans que la Cour interna-
tionale aitjugéque cette extension étaitjuridiquement justifiée.
11. Cela étant, quand il s'agitde décidersi la Cour a compétencepour
statuer sur la validitéde la prétention émisepar l'Islande, d'étendreles
limites de sa zone de pêcheau-delàde 12milles, il est manifestement sans
aucune pertinence de dire que, si elle avait attendu plusieurs annéesde
plus, elle aurait pu justifier cette limite de 12 milles indépendamment de
tout accord; sur ce point, je n'ai rieà ajouter àce qui est dit aux para-

graphes 30-34 de l'arrêtde la Cour. Il est évidemment vexant (nous en
faisons tous l'expérience)de s'apercevoir que, les prix ayant baissé,on a
payé quelque choseplus cher qu'il n'était nécessaire, maicse n'est pas en
soiun argument pour sefairerembourser.

12. Avant d'examiner certaines des questions particulières qui ont été
soulevées à propos de la clause juridictionnelle qui a été invoquée pour

porter le différenddevant la Cour, je crois utile de rappeler le texte de
cette clause telle qu'elle figure dans l'échange de notes avecle Royaume-
Uni - laclausecorrespondante de l'échange de notesavec la République
fédérale est identique,hormis (dans le texte anglais) quelques différences
mineures qui ne touchent pas au fond. Cette clauseest ainsi libellée

((LeGouvernement islandais continuera de s'employer àmettre en
Œuvrela résolution de1'Althingen date du 5 mai 1959 relative à
l'élargissement de la juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande
mais notifiera six mois à l'avance au Gouvernement du Royaume-
Uni toute mesure en ce sens; au cas où surgirait un différend enla
matière, la question sera portée, à la demande de l'une ou l'autre
partie, devant la Cour internationale de Justice.))

Etant donnéles termes clairs et impératifs de cette disposition, et le fait
que ce qu'elledéfinitexpressémentcommeconstituant le casusfoederis -
à savoir un nouvel élargissement des eaux islandaises - s'est désormais
produit, il est difficilede comprendre comment on peut soutenirque l'obli-
gation d'aller devant la Cour ne s'applique plus parce que les noteshan- Exchanges of Notes had achieved their purpose, and had therefore as it
were lapsed or become obsolescent. This contention seems however to
belong basically to the same order of argument as was put forward
before the Court in the recent case of the Jurisdiction of the ICAO 12
Council (I.C.J. Reports 1972, p. 46) 13, and by both the then Parties,
though with different abjects,-on the one side to contest thejurisdiction
of the ICAO Council to deal with a certain matter and, on the other side,
to contest the competence of the Court to determine the question of the

Council's jurisdiction in that matter. Reduced to its simplest terms, the
process is to argue that ajurisdictional clause, even if it is otherwise duly
applicable on its own language, can be ipsofacto nullified or rendered in-
applicable by purporting (unilaterally) to terminate or suspend the in-
strument containing it, or (as in the present case) to declare itto have be-
come inoperative or to be spent, and thejurisdictional clause with it.

13. It is always legitimate to seek to maintain (whether correctly or

not) that ajurisdictional clause is, according to its own terms, inapplicable
to the dispute, or has lapsed 14;-and in that event it is for the tribunal
concerned to decide the matter, in the exercise of the admitted right or
function of the compétence dela compétence-(in the case of the Court, in
the application of Art. 36, para. 6, of its Statute). But this must equally
be so where the alleged cause of inapplicability or inoperativeness of the
jurisdictional clause lies not in that clause itself but in the language of, or

in considerations pertaining to, the instrument containing it,-for other-
wise there would be no way of testing (in so far asit affected the jurisdic-
tional clause) the validity of the grounds of inapplicability or inoperative-
ness put forward; and the compétence dela compétencewould be nullified
or would be nullifiable a priori,-in short, as the Court said in the
Council of ICAO case (I.C.J. Reports 1972,p. 54,in para. 16 (b)) "means
of defeating jurisdictional clauses would never be wantingn-since
(ibid.)

"If a mere allegation, as yet unestablished, that a treaty was no
longer operative could be used to defeat itsjurisdictional clauses, al1

such clauses would become potentially a dead letter."
It is therefore hard to understand how anyonewho supportedthe decision
in that case, withoutany qualification on this point, can fail to support the
decision of the Court on the analagous jurisdictional question in the

12 ICAO-the International Civil Aviation Organization.
13 The irnmediately relevant passages are in paragraphs 16(b) and 32 of the Judg-
ment, I.C.J. Reports 1972, pp. 53-54and 64-65.
14 This might have been the case if, for instance (as is often done), the obligation
to have recourse to the Court had been undertaken only for a specified period; or if
had appeared to relate not to an actual purported extension of Iceland's fisheries
jurisdiction, but only to the validity or effect ofthe notice given about it. géesen 1961auraient atteint leur but et seraient donc en quelque sorte
devenuescaduques ou périmées. Cea trgument paraît d'ailleurs êtreessen-
tiellement du mêmeordre que celui qui a étéavancédevant la Cour dans

la récente affaire de l'Appel concernant la compétencedu Conseil de
Z'OACI 12 (C.I.J. Recueil1972,p. 46) 13,tant par l'uneque par l'autre des
Parties à cette instance, mais à des fins différentes:dans un cas, afin de
contester la compétencedu Conseil pour connaître d'une certaine affaire
et, dans l'autre, afin de contester cellede la Cour pour statuer surla com-
pétencedu Conseil en cette affaire. Expriméde la manière la plus simple
possible, le procédéconsiste à soutenir qu'il suffit, pour rendre nulle ou
inapplicable une clause juridictionnelle qui serait par ailleurs dûment

applicable en vertu de ses propres termes, de prétendre répudiercomme
ayant pris fin ou suspendre unilatkralement l'instrument qui la contient,
ou encore (comme dans la présente affaire)de déclarer qu'il est devenu
inopérantou a épuisé seseffets,et la clausejuridictionnelle aveclui.
13. Il est toujours légitime d'essayer desoutenir, à tort ou à raison,
qu'en vertu de ses propres dispositions une clause juridictionnelle est
inapplicable au différendouestcaduque 14.C'est alors au tribunal compé-
tent qu'il appartient d'en décider,dans l'exercice de son droit ou de sa

fonction reconnu sous le nom de ((compétencedela compétence))(etque
la Cour, pour ce qui la concerne, tient de l'article 36,paragraphe6, de son
Statut); mais il doit en êtrede mêmelorsque la prétenduecause d'inap-
plicabilité ou d'inefficacitéde la clause juridictionnelle se trouve non
dans la clause elle-même, maisdans le libellé del'instrument où elle
figure ou dans des considérationstouchant à cet instrument, car autre-
ment il n'y aurait aucun moyen de déterminersi les motifs d'inapplica-
bilité ou d'inefficacitéinvoqué sont valables (dans la mesure où ils affec-

tent la clausejuridictionnelle), eta compétencede la compétencedevien-
drait ou pourrait être rendue inopérante à priori; en bref, comme l'a dit
la Cour dans l'affaire concernant la Compétencedu Conseil de I'OACI
(C.I.J. Recueil 1972,p. 54, par. 16b)), ((lesmoyens de priver d'effetles
clausesjuridictionnelles ne manqueraient jamais)) car

(([si],pour rendre inopérantes les clausesjuridictionnelles, il suffisait
d'alléguer,sans le prouver, qu'un traitén'est plus applicable, toutes
cesclauses risqueraient de devenir lettre morte.))

On voit donc assez mal comment quelqu'un qui a appuyé cette décision,
sans formuler de réservesur ce point, peut ne pas appuyer la décision
prisepar la Coursur la question analogue de la compétenceen la présente

12 OACI: Organisation de l'aviation civile internationale.
l'arrêt,.I.J. Recueil1972, p. 53-54et 64-65.rouvent dans les paragraphes16b) et 32 de
14 Tel aurait pu êtrele cas si par exemple (comme cela se produit fréquemment)
l'obligation de saisir la Cour n'avaituméeque pour un laps de temps déterminé,
ou s'ilétait apparu qu'elle visait non pas l'extension même dela juridiction en matière
de pêcheries, laquelle l'Islande prétendrait procéder, mais seulement la validité ou
l'effet du préavisdonnéce sujet.76 HSHERIES JURISDICTION (SEP. OP. FITZMAURICE)

present case, in which Iceland, alleging a sort of self-evident "fulfilment

of the object" of the 1961Exchanges of Notes, contests (though without
actual appearance in the proceedings) not only the competence of the
Court to determine the merits of the dispute relating to the purported
extension of Icelandic waters, but (goingfurtherin this respect than either
of the Parties in the ICA0 casedid)theCourt'scompetence evento enquire
at al1intothe question of itsjurisdiction.
14. In fact, the object of the Exchanges of Notes is fulfilled only in
respect of Iceland, which has indeed obtained al1she sought for under it.
Her 12-milefisheryzone was recognized and has been operating for more
than a decade; her baselines were recognized; and she is no longer
burdened with the transitional right of the other two Parties to fish in

some parts of the zone. These, admittedly, are al1 executed clauses in
respect of which no further question arises or can arise; but this has no
relevance to the real issue because, for the other two Parties, the object
of the Exchanges is far from fulfilled and has onlyjust started to operate,
-namely, their right of recourse to the Court, and Iceland's correspond-
ing obligation to accept that recourse if she is purporting to go beyond
the agreement, and further to extend her fishery limits-as she has done.

15. Nor can it be contended that this was a mere formality, or stipu-
lated only ex abundanti cautela, and that no such extension was seriously

contemplated at the time,-for the reference contained in thejurisdiction-
al clause to the intention of the Government of Iceland to "continue to
work for the implementation of the Althing Resolution of May 5, 1959,
concerning the extension of fisheriesjurisdiction around Iceland", shows
not only that just such an extension was contemplated, but that it was
intended by the one Party, actively anticipated by the others, and duly
provided for by means of the jurisdictional clause, which becomes
devoid of al1sense if it does not apply to exactly the case that has arisen,
since it had and could have had no other object 15.Iceland cannot there-
fore be heard to argue ex postfacto that the clause has in the meantime
lapsed; for al1that has happened inthe interval is not anything to cause it

to lapse, but the very thing which has caused it to corne into play-
namely Iceland's purported extension of fisheriesjurisdiction.

16. Moreover, it was by Iceland's own act that this occurred. She was
not obliged to claim a further extension of waters. Had she not done so,
the United Kingdom and the Federal Republic would have had no right
to activate the jurisdictional clause in order, for instance, to obtain an
anticipatory decision from the Court as to whether Iceland would be
legally entitled, if so minded, or at some future date, to extend her

15 Except of course to alloIcelandalso to make an application to the Court if
circumstancesarose to make her want to do so-see para. 20 below.affaire, dans laquelle l'Islande, prétendant qu'il serait en quelque sorte
évidentque les échanges denotes de 1961 ((ont atteint leur objet)),con-
teste, sans toutefois comparaître, non seulement la compétencede la
Courpour statuer sur lefonddu différendrelatif à sa prétention d'étendre
les limites des eaux islandaises, mais même(allant plus loin à cet égard
qu'aucune des deuxparties dans l'affaire de 1'OACI)la compétencede la
Cour pour examiner la question de sapropre compétence.
14. A vrai dire, l'objet des échangesde notes n'est atteint qu'en ce qui

concerne l'Islande, qui a obtenu en effettout ce qu'ellerecherchait dans le
cadre de ces accords. Sa zone de pêchede 12 milles a été reconnueet
existedepuis plus de dix ans; seslignesde base ont été acceptéeest elleest
libéréede l'obligation de reconnaître provisoirement aux deux autres
parties le droit de pêcherdans certaines parties de la zone en question.Il
s'agit là, assurément, de clauses exécutéesqui ne soulèvent plus et ne
peuvent plus soulever aucun problème; mais ce point n'est pas pertinent
au regard de la véritable questionqui se pose car, pour les deux autres
parties, l'objet des échanges denotes est loin d'être atteintet vient seule-
ment de commencer à prendre effet: il s'agitde leur droit de saisirla Cour
et de l'obligation correspondante, pour l'Islande, d'en accepterlajuridic-

tion si elleprétendaller au-delà de l'accord et procéderà un nouvel élar-
gissementde sazone de pêche - cequ'ellea fait.
15. On ne saurait non plus soutenir qu'il s'agissaitlà d'une clause de
pure forme ou d'une stipulation ex abundanticautelaet qu'aucune exten-
sion de ce genre n'était sérieusemenetnvisagée àl'époque,car le fait que
soit mentionnée,dansla clausejuridictionnelle, l'intention du Gouverne-
ment islandais de continuer «de s'employer à mettre en Œuvre la résolu-
tion de 1'Althingen date du 5 mai 1959relative à l'élargissement dela
juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande» montre non seulement
que l'une desparties envisageait de procéder àun tel élargissement, mais

qu'elle enavait beletbienl'intention, queles autres parties s'yattendaient
et y avaient dûment paréau moyen de la clausejuridictionnelle, qui perd
tout son sens si elle ne s'applique pasau cas mêmequi s'estproduit, car
elle n'avait et ne pouvait avoir d'autre objet15.On ne saurait donc per-
mettre à l'Islande d'alléguerex post facto que la clause est entre-temps
devenue caduque, car rien n'est arrivédans l'intervalle qui puisse en en-
traîner la caducité,le seul fait nouveau survenu, à savoir la prétention
émisepar l'Islande d'élargir sa compétence en matière de pêcheries,
étantprécisémentce qui la faisait entrer enjeu.
16. En outre cette situation résulted'une initiative de l'Islande elle-

même. Celle-cn i'étaitpas obligéededemander une nouvelleextension. Si
elle ne l'avait pas fait, le Royaume-Uni et la Républiquefédéraled7Alle-
magne n'auraient pas eu !rdroit d'invoquer la clausejuridictionnelle en
vue, par exemple, d'obtenir de la Cour une décision anticipéesur la
question de savoir sil'Islande seraitjuridiquement endroit, au cas où elle

1sSi cen'est, bien entendu, de permettre àl'Islandede saisir elle aussi la Cour au cas
où lescirconstancesl'amèneraientuloir lefaire-voile paragraphe 20 ci-après. fishery limits. They had to wait until (and if) she did purport to do so.
But Iceland, having exercised her right (as foreshadowed by the jurisdic-
tional clause itself) to daim an extension (for of course it can, at this stage
at least, rank as no higherthan that), cannot now deny her countervailing
obligation under that same clause to submit to adjudication, and the
right of the other parties to require it. If a repetition may be forgiven

therefore, the simple truth is that in 1961the United Kingdom and the
Federal Republic were willing to recognize a 12-mile limit for Iceland,
even though they rnight not consider that international law as it then
stood obliged them to do so (nor clearly did Iceland),-but they were
willing to do this precisely in order to safeguard themselves against
unilateral acts of further extension that did not have, or did not eventually
receive, the sanction of the International Court of Justice after reference
of the matter to it. This is exactly the situation that has now arisen, and
the competence of the Court to deal with it on the merits can admit of no
doubt.

17. With regard to the question of "changed circumstances" 1 have
nothing to add to what is stated in paragraphs 35-43 of the Court's
Judgment, except to emphasize that in my opinion the only change that
couldpossibly be relevant (ifat all)would be somechange relating directly
to the, so to speak, operability of thejurisdictional clause itself6,-not to
such things as developments in fishery techniques or in Iceland's situation
relative to fisheries.These would indeed be matters that would militate
for, not against, adjudication. But as regards the jurisdictional clause

itself, the only "change" that has occurred is the purported extension of
Icelandic fishery limits. This however is the absolute reverse of the type
of change to which the doctrine of "changed circumstances" relates,
namely one never contemplated by the Parties: it is in fact the actual
change they did contemplate, and specifiedas the one that would give rise
to the obligation to have recourse to adjudication.

18. Furthermore, if the contention that this obligation has become
unduly onerous, in a manner never originally envisaged, is analysed, it
will be seen to amount to this: that if the Court, in adjudicating on the
merits, should decide against Iceland, the burden of conforming to the
decision would, on account of interim developments, be greater than it

meantime so that it was no longer the entity the Parties had had in mind,, owing in the
to developments in the United Nations, the Court had been converted intoibunal
of mixed law and conciliation, proceeding on a basis othera purelyjuridical one.en aurait l'intentionà quelque date ultérieure, d'élargirsa zone de pêche.
Ils devaient attendre le moment où l'Islande prétendrait vraiment le faire.
Mais l'Islande, ayant exercéson droit (comme le faisait présagerla clause
juridictionnelle elle-même)de présenter des reiwzdications à cet effet

-car, du moins au stade actuel, il nes'agitnaturellement que de cela-ne
peut maintenant refuser d'admettre l'obligation qui lui incombe en
contrepartie, en vertu de cette même clause,de se soumettre au règle-
ment judiciaire, ni le droit des autres parties de demander ce règlement.
Si 1'011veut bien me pardonner une répétition,je dirai que la vérité est
simplement qu'en 1961le Royaume-Uni et la Républiquefédéraleétaient
disposés à reconnaître àl'Islande une zone de pêchede 12 milles même

s'ilsn'estimaient pas que le droit international, tel qu'il existaitoque,
les obligeât à le faire (l'Islande non plus ne paraît pas en avoir ététrès
sûre); mais s'ils étaientdisposésà agir ainsi, c'était précisémenptour se
protéger contre de nouvelles mesures d'extension unilatérales qui n'au-
raient pas reçu ou qui ne recevraient pas la sanction de la Cour interna-
tionale de Justice après que celle-ci aurait étésaisie de l'affaire. Telleest
exactement la situation qui seprésenteaujourd'hui et la compétence dela
Cour pour connaître de l'affaireau fond ne saurait êtremise en doute.

17. En ce qui concerne la question du «changement de circonstances »,
je n'airienà ajouterà ce qui est dit auxparagraphes 35à 43 de l'arrêtde la
Cour, si ce n'est pour souligner qu'à mon avis le seul changement qui
pourrait éventuellement êtrepertinent serait un changement direc-
tement lié à la possibilité, pour ainsi dire, de donner effetà la clause
juridictionnelle elle-même 16,et non à des élémentscomme le progrès des

techniques de pêcheou la situation de l'Islande par rapport à la pêche,
lesquels àla véritémiliteraient en faveur, et non paàl'encontre, du règle-
ment judiciaire. Mais pour ce qui touche à la clausejuridictionnelle elle-
même, le seul (changement » survenu est l'extension des limites de pêche
de l'Islande, ce qui est totalement àl'opposéde l'éventualité quevise la
théoriedu changement des circonstances, celle d'une modification que les
parties n'auraient jamais prévue. Au contraire il s'agit en fait ici du
changement même qu'ellesavaient envisagéet qui, comme il était spé-

cifié,devait entraîner l'obligation de recourir au règlementjudiciaire.
18. En outre si l'on analyse la thèse selon laquelle cette obligation
serait devenue une charge excessivement lourde, n'ayant jamais été en-
visagée à l'origine, on s'aperçoit que cette thèse se ramène à ceci: si la
Cour, en statuant sur le fond, se prononçait contre l'Islande, l'obligation
de se conformer àcette décisionserait, en raison des faits intervenus dans

entre-temps de sorte que la Cour ne serait plus l'entitélle les Parties avaientdifié
pensé, notamment si, en raison de modifications survenues dans l'organidesion
Nations Unies, la Cour était devenue un organe mixte,is tribunal et chambre de
conciliation, fonctionnant sur une base autre quecnt juridique.formerly would have been. One has only to state the argument in this
form, for its lack of al1substance to become plainly apparent. It could
never be a sufficient ground in law on which the validity of the act com-
plained of should not be tested,-and to test it is al1that the adjudication
clause aims at.

19. With regard to the question of so-called "duress", it is difficult to

take a complaint of that kind seriously coming fromthe Party which was
the main beneficiary of the Exchanges of Notes,-and the recipient of al1
the immediate concrete concessions made in them,-for the transitional
fishing rights within the 12-mile zone reserved to the other Parties was
really simply a temporary derogation from or mitigation of the full
extent of the main concession made, and not a real quid pro quo 17.The
real quidpro quo was of course the adjudication clause. It follows that on

its true analysis, the "duress" contention resolvesitself into an allegation
that Iceland's agreement to the adjudication clause in particular was only
obtained under pressure. But quite apart from the point made in para-
graph 20 below, and the considerations adduced in the Judgment of the
Court, paragraphs 19-23as to the history of the 1960-1961negotiations,
showing that this could not have been the case, it is surely the normal, and
to be expected thing, witli reference to any agreement, to find that it
provides for rights and obligations operating for both sides. Without the

adjudication clause there would have been no quidpro quo at al1for the
United Kingdom and the Federal Republic,-and it is that which would
have been abnormal. Hence, on further analysis, it can be seen that the
"duress" point really involves the view that what Iceland received, she
ought to have received as of right in any event, without having to give
anything in return. The weight to be attached to the "ought" in this sug-
gestion may well turn on matters of opinion, but it has no place as a legal
factor, and cannot be reconciled with the situation or the circumstances

as existing at the time.
20. Nor should it be overlooked that the adjudication clause was itself
reciprocal, not one-sided. Iceland equally could initiate proceedings
before the Court,-and this was no mere piece of "common-form"

17 The matter can readily be tested,-falthough the Parties elected to embody the
formally independent provisions, a more elegant, and strictly more correct method,
would have been toprovide in one singlearticle for a recognition of Iceland's exclusive
rights in the major parts of the zone immediately, but, for the other parts, only after
transitional period. The true character of the transaction, as consisting of a greater and
a lesser concession-but both of them concessions-would then have been evident.
Only if Iceland could have claimed the 12-milezone as ofght (which was never the
basis of the agreement) would it have been possible to regard the transitional rights
as a concession moving from Iceland, and not asn integral part of a concession the
whole of which was made by the other two Parties.l'intervalle, plus lourde qu'elle ne l'eût étéauparavant. Il suffitde présen-
ter l'argument sous cette forme pour s'apercevoir qu'il est manifestement
dépourvu de toute substance. Il ne saurait y avoir là en droit un motif
suffisantpour ne pas vérifierla validitéde l'acte contesté,et cette vérifica-
tion est tout l'objet de la clausejuridictionnelle.

19. En ce qui concerne la question de la prétendue ((contrainte N,il est
difficilede prendre au sérieuxun grief de ce genre venant de la Partie qui
a été leprincipal bénéficiairedes échangesde notes et qui a profité de
toutes les concessions concrètes et immédiatesqui y sont prévues - car
les droits de pêchetransitoires réservés aux autres Parties dansla zone de
12milles n'étaienten réalité qu'unedérogation temporaire au plein effet

de la principale concession accordéeou un moyen de tempérer cet effet,
et nonune véritablecontrepartie 17.La véritablecontrepartieétait évidem-
ment la clause juridictionnelle. Ainsi, bien analysée,la thèse de la ((con-
trainte »se réduit à l'affirmation que l'assentiment de l'Islande à la clause
juridictionnelle en particulier n'aurait étéobtenu que par la contrainte.
Mais indépendamment de l'observation figurant au paragraphe 20 ci-

aprèset des considérationsexposéesaux paragraphes 19 à 23de l'arrêtde
la Cour, concernant le déroulement des négociations de 1960-1961,qui
montrent qu'il n'apu en êtreainsi, il est assurément normal (et il faut
s'attendre) qu'un accord, quel qu'il soit, stipule des droits et des obliga-
tions jouant pour les deux parties. Sans la clause juridictionnelle, il n'y
aurait eu absolument aucune contrepartie pour le Royaume-Uni et la
Républiquefédérale d'Allemagne - et c'est celaqui aurait étéanormal.

Ainsi, en poussant plus loin l'analyse, on s'aperçoit quela thèsede lacon-
trainte implique que ce que l'Islande a obtenu, elle aurait dû de toute
manière l'obtenir de plein droit, sans avoir à rien donner en retour. La
valeur à attacher aux mots ((aurait dû »dans cette affirmation peut être
une question d'opinion, mais il s'agit d'une considération qui n'a pas à -
intervenir sur leplan juridique et qui ne concordepas avec la situation ou

lescirconstancesexistant à l'époque.
20. Il ne fautpas oublier non plus que la clause de règlementjudiciaire
avait elle-mêmeun caractère réciproqueet non pas unilatéral. L'Islande
pouvait elle aussi engager une procédure devant la Cour et il ne s'agissait

17 Il est facile de le démontrer; en effet, si les Parties ont choisi d'énoncerla conces-
sion relative la zone de 12milles et la réserverelative aux droits transitoires dans deux
plus exacte en fait aurait consistépuler dans un seul et mêmearticle que des droits
exclusifs étaient reconnus immédiatement l'Islande dans les parties les plus impor-
tantes de la zone et, pour ce qui étaitdes autres parties, seulement après une période
transitoire. Le véritable caractèrede la transaction, qui comportait deux concessions
d'inégaleimportance - mais en tout cas deux concessions - serait alors apparu
clairement. C'est seulement siIslande avait pu revendiquer la zone de 12 milles de
plein droit (ce qui n'a jamais été labase de l'accord) qu'il aurait étépossible de consi-
dérerles droits transitoires comme une concession faite parande et non comme une
partie intégrante d'une concession accordéeen totalité par les deux autres Parties.drafting, for if one of the other Parties should react to Iceland'spurported
extension of her fishery limits, not by recourse to the Court but by
measures of naval protection, it would then have been open to Iceland to
invoke the adjudication clause, which was in consequence a safeguard
for her, as wellasfor the other two Parties. Where then was the element of

"duress"?

21. In conclusion, and although the matter may be a somewhat sen-
sitive one for me personally to refer to,1should like-since 1shall not be
participating in the next phase of the case-to comment briefly on the
course followed by Iceland with reference to the proceedings before the
Court, so far as they have gone up to date. It may have been understand-
able, though difficult to reconcile with the attitude to the Court which a
party to itsStatute ought to adopt, that Iceland should declare herself to
be so convinced of the Court's lack of anv comDetence to entertain the
present dispute, that she would not take aiy partin the proceedings, and
would not enter an appearance or be represented, even in order to argue
the question of competence. Had she done this on a once-and-for-al1
basis, giving her reasons, and thereafter maintained silence, there would
have been no more to be said except to cal1her absence misguided and

regrettable. In fact however Iceland has sent the Court a series of letters
and telegrams on the subject, often containing material going far beyond
the question of competence and entering deeply into the merits, and has
lost no opportunity of doing the same thing through statements made or
circulated in the United Nations, and by other means 18,al1 of which
have of course been brought to the attention of the Court in one way or
another as, doubtless, they were intended to be. This process is un-
fortunately open to the interpretation of being dcsigned, onthe onehand,
to place Iceland in almostasgood a position as if she had actually appear-
edinthe proceedings-(because the Court has in fact carefully considered
and dealt with her arguments)-while on the other hand enablingher, in
case of need, to maintain that she does not recognize the legitimacy of the
proceedings or their outcome-as indeed she has already done with

respect to the interim measures indicated by the Court in its Order of
17August 1972.
22. There is vet time for Iceland to show that this inter~retation is
mistaken; and itis my sincere hope that she willdo so.

18 Such as for instance the promotion in the recent (1972)United Nations Assembly
of resolutions bearing on matters that are or may beice before the Court in the
present case.pas là d'une simple (clausede style ))car, au cas où l'unedes autres parties
aurait réagi à la prétention émisepar l'Islande d'étendreses limites de
pêche,non pas en saisissant la Cour mais en prenant des mesures de
protection navale, l'Islande aurait été endroit d'invoquer laclause de
règlementjudiciaire; celle-ci lui offrait donc une garantie comme aux
deux autres parties. En quoi donc résidaitalors l'élémend te (contrainte »?

21. Pour conclure, etquoiqu'il s'agisselà d'un sujet qu'il estsans doute
un peu délicatpour moi personnellement d'aborder, je voudrais - puis-
que je ne participerai pas à la phase suivante de l'affaire - présenter
quelques brèvesobservations sur l'attitude adoptéepar l'Islande,jusqu'au
stade actuel de la procédure,dans l'instance dont la Cour est saisie. Bien
que cette attitude soit difficilementconciliable aveccellequ'une partie au
Statut devrait avoir à l'égardde la Cour, on aurait pu comprendre que
l'Islande se déclare àtel point convaincue du défauttotal de compétence

de la Cour en l'espèce qu'ellene prenne aucune part à la procédure et
s'abstiennedecomparaître et de sefaire représenter, ne serait-ceque pour
discuter de la question de compétence.Si elle l'avait fait une fois pour
toutes, en donnant ses raisons, et avait ensuite gardé le silence, il n'y
aurait eu rien deplus à dire quede qualifier son absence depeu judicieuse
et de regrettable. Mais l'Islande a envoyé à la Cour une sériede lettres et
de télégrammessur ce sujet, qui contenaient souvent des éléments débor-

dant largement la question de compétence et empiétant profondément
sur le fond, et elle n'a laissépasser aucune occasion d'agir dans le même
sens par voie de déclarations prononcéesou diffusées à l'organisation
des Nations Unies et par d'autres moyens 1s;tout cela est naturellement
venu à la connaissance de la Cour d'une manièreou d'une autre, ce qui
était d'ailleurs, sans aucun doute, prévu etvoulu. Ce procédén'exclut
malheureusement pas l'interprétationselon laquelle il s'agissaitde placer

l'Islande dans une position presque aussi avantageuse que si elle avait
effectivementcomparu (car en fait, ses arguments ont étéexaminés soi-
gneusementetpris enconsidérationpar la Cour) tout en lui permettant de
soutenir, au besoin, qu'elle nereconnaît aucune légitimité a la procédure
ou à son issue - et c'est cequ 'ellea déjàfaità l'égarddes mesures con-
servatoiresindiquéespar la Cour dans son ordonnance du 17août 1972.
22. Il esttoujours temps pour l'Islandedemontrer que cette interpréta-

tion n'est pas exacte et j'espère sincèrement qu'elle le fera.

18 Par exemple, les efforts déployésà la dernière AssembléegénéraleNations
Unies (1972) pour faire adopter des projets de résolutionportant sur des questions
qui sont ou peuvent êtrependantes devant la Cour dans la présente affaire.

34 23. There remains one matter affecting the\position of the Federal
Republic in these proceedings. Unlike the United Kingdom, the Federal
Republic was not an original party to the Statute of the Court, but be-

came a party for the purposes of the present case by making the requisite
declaration under the resolution of the Security Council of the United
Nations dated 15 October 1946, itself adopted pursuant to Article 35,
paragraph 2, of the Statute of the Court. Under this provision the Court
is only "open" to Statesparties to the Statute, or who become parties by
the prescribed means, in the sense that they alone can have access to it;
but this of course does not of itself confer jurisdiction upon the Court in
respect of any particular dispute, that being a matter which turns on
other considerations.
24. It was howeverin effectsuggestedin one ofthe Icelandic communi-
cations to the Court (the telegram of 28 July 1972) that the Federal

Republic's declaration under the above-mentioned Security Council
resolution was out of time, and therefore void, because it was made after
the Federal Republic had received forma1notice of Iceland's intention to
claim an extension of her fishery limits. This suggestioncannot be correct,
for the Security Council's resolution expresslypermits the declaration to
be "either particular or general", and defines a particular declaration as
"one accepting thejurisdiction of the Court in respect only of a particular
dispute ...which [has] already arisenW;-and clearly it is impossible for
any State to make a declaration about a particular dispute unless that
dispute is then in existence. In consequence, although the declaration in
the present case might arguably have been prernature if the Federal

Republic, though notified of Iceland's intentions, had not yet formally
disputedtheir legitimacy-(but this was not the case-see footnote 19)-it
could not possibly have been too late. In my opinion however, such a
declaration isin time ifit ismade at any moment previous to the lodging
with the Registry of the Court of the application in the case, or even if it
accompanies that application.

(Signed G)erald FITZMAURICE.

19 The Icelandicnotification to the Federal Republic wascontained in a formal com-
munication dated 31 August 1971, and the latter's declaration under the Security
Council'sresolution wasmade on 29 October 1971.But in the meantirne, in a forma1
Note dated 27 September 1971,the Federal Republic had disputed the legitirnacyof
Iceland's intentions,on the ground that "the unilateral assumption of sovereignpower
by the coastalState over zones ofthe highseasisinadmissibleunder international law".
It had also, in thee note, disputed Iceland'sviewthatthe adjudication clauseof the
1961Notes wasno longer operative. 23. Il reste un point qui a traià la position de la Républiquefédérale
dans cette instance. A la différencedu Royaume-Uni, la République
fédérale n'estpas partie originaire au Statut de la Cour mais elle est
devenue partie aux fins de la présente affaire en faisant la déclaration
requise aux termes de la résolutiondu Conseil de sécurité desNations

Unies en date du 15 octobre 1946,elle-mêmeadoptéeconformément à
l'article 35,paragraphe 2, du Statut de la Cour. En vertu de cette dispo-
sition, la Cour est seulement (ouverte ))aux Etats parties au Statut ou à
ceux qui deviennent parties par les moyens prévus, ence sens que seuls
ces Etats peuvent avoir accès à la Cour; mais cela ne suffitpas naturelle-
ment pour conférercompétence à la Cour àl'égardd'un différendparticu-
lier, car c'est làune question qui relèved'autres considérations.
24. En fait, cependant, il parait résulterd'une des communications de

l'Islande à la Cour (le télégrammedu 28juillet 1972),que la déclaration
de la Républiquefédéraleformulée conformément à la résolution pré-
citéedu Conseil de sécurité n'auraitpas étéfaite àtemps et qu'elle serait
donc nulle comme étantintervenue après que la Républiquefédéraleeut
étéaviséeofficiellementpar l'Islande de son intention de réclamer l'élar-
gissement des limites de ses pêcheries.Cette allégation ne saurait être
fondée,car la résolutiondu Conseil de sécurité prévoitexpressémentque

la déclaration peut avoir ((soitun caractère particulier, soit un caractère
général »,et elledéfinitla déclaration de caractèreparticulier commeétant
((cellepar laquelle un Etat accepte la juridiction de la Cour pour un
différend ...((déjàné »; - il est d'ailleurs manifestement impossible à un
Etat de faire une déclarationau sujet d'un différendparticulier si cedif-
férendn'existepas encore. En conséquence,si l'on aurait pu à la rigueur
soutenir qu'en l'espèce la déclarationétaitprématuréd eans l'hypothèseoù
la République fédérale,ayant déjà reçu notification des intentions de

l'Islande, n'aurait pas encore contesté officiellement leur légitimité
(maiscen'estpas le cas - voir la note 19),il n'estpas possible en tout cas
qu'elleait été tardive.A mon avis, une telle déclarationest dans lesdélais
si elle est faite un moment quelconque avant le dépôtau Greffe de la
requêteintroductive d'instance, ou mêmesiellel'accompagne.

(SignéG )erald FITZMAURICE.

19 La notification islandaise à la République fédérale a en une communi-
cation officielledu 31 août 1971et la déclarationdela République en vertu de
larésolutiondu Conseil de sécuritéaétéfaite le 29 octobre 1971.Mais dans l'intervalle,
aux termes d'une note officielle du 27 septembre 1971, la République fédérale avait
contestéla légitimité des intentionsde l'Islande au motif queoit international
n'admet pas qu'un Etat riverain s'arroge unilatéralement un pouvoir souverain sur des
zones de la haute mer». Dans la mêmenote elle contestait aussi la thèse de l'Islande
selonlaquelie la clausejuridictionnelle de l'échangede notes de 1961n'était plus appli-
cable.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de sir Gerald Fitzmaurice, juge (traduction)

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