Opinion dissidente de M. Weeramantry (traduction)

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082-19911112-JUD-01-08-EN
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082-19911112-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY

[Traduction]

La présente affaire a pour origine un arbitrage qui a connu un cours
inhabituel,soulevant.au passageunegerbe depassionnantes questions de
droit parmi lesquelles la question de l'interprétation des compromis
d'arbitrage et celle de la nullité dessentencesarbitrales.
Mises à part ces deux questions, je suis d'accord avec la Cour sur
les nombreux points que nous avons longuement discutés. Il n'y a rien
que je puisse utilement ajouter à l'exposition parfaitement claire de
ces questions par la Cour. En particulier, je m'associe respectueusement
à l'avisde la Cour disant que les thèsesdu Sénégapl ortant sur le défaut
de compétence et sur l'abus de procédure de la part de la Guinée-
Bissau ne sont pas fondées. Je suis pleinement d'accord aussi pour ne
pas accueillir lesèsesde la Guinée-Bissauselonlesquellesl'absence de
M. Gros lors du prononcé de la sentence affaiblissait l'autorité du
Tribunal et la sentenceétait frappéede nullitépar le fait que le Tribunal

n'avait pas p1eineme:ntmotivésa décisionet n'avait pas établide carte
comportant le tracé d'une ligne frontière. Je m'associe au rejet de ces
thèses tel qu'il estlxpriméde manière succincte et convaincante par
la Cour.
Toutefois, je regrette de dire que mon analyse des deux questions
mentionnées au premier paragraphe de la présente opinion m'amène à
une conclusiongénéralequin'estpas celledela Cour. Lespoints de diver-
gence me paraissenl: suffisamment importants pour faire l'objet d'un
examenapprofondi.
Je n'alourdiraipas le contenu de cette opinion avec une présentation
des faits, lesquels sont exposés dans l'arrêtde la Cour. Je noterai seule-
ment lecoursinhabituel de l'arbitrage encause, dûau fait que leprésident
du Tribunal a fait ilne déclaration indiquant qu'il aurait préféréune
formulation «plus précise» que celle employéedans la décision de la
majorité pour laquelle il avait voté. Selonlui, une formulation «plus
précise» aurait habilitéle Tribunal àtraiter la seconde question, ques-
tion au sujet deaquellleleTribunal a estimé,par une décisionmajoritaire

à laquelle le présidenta également contribué, qu'elle n'appelait pas une
réponsede sa part. L,eprésidenta égalementfaitobserverqu'une réponse
commecellequ'il suggéraitaurait habilitéleTribunal àdélimiterleseaux
de lazoneéconomiqueexclusiveet delazone de pêcheet,partant, à régler
intégralementle diffkrend. Le défautde réponse à la seconde question et
l'absencede règ1eme:nd te latotalitédudifférendconstituentl'essentielde
la plainte de la Guinée-Bissau.En fait,la déclarationdu présidentatrou-
blé letroisième mernbre du Tribunal, M. Bedjaoui, au point d'incitercelui-cià dire dans son opinion dissidente que la déclaration, «par son
existence autant que par son contenu,justifie de s'interroger plus fonda-
mentalement sur l'existence d'une majorité et la réalitde la sentence))
(par. 161).

Malgré les interrogations que suscitent ces élémentsj,e suis disposé
m'associer au point de vue de la Cour selon lequel c'estle vote du prési-
dent plus que sa déclaration quelque peu contradictoire qui doit êtrepris
en compte.On doitprésumer que levote a eu lieu aprèsdue délibération.
Je conviensdonc, pour les motifs énoncés dans l'arrêdte la Cour, que la
sentencedoit êtreconsidéréeen droit commeune décisionde la majorité
et que l'argument d'«inexistence»invoquépar la Guinée-Bissaune doit
pas êtreaccueilli. Je conviens en outre que, bien que le président ait
semblé penser qu'une formulation plus précise de la sentence aurait
ouvert la porteà l'examen de la seconde question, la décisionde ne pas
traiter la seconde question a épriseà la majorité puisque le présidenty

a pris part. Pour affaiblie qu'elle puisse être par la déclarationdu prési-
dent, la décision rendue demeure une décision de la majoritéet ne peut
juridiquement être considérée comme «inexistante » au motif que la
déclarationdu président aurait annihilé sonvote.
Néanmoins,pour desraisons qui apparaîtront évidentes àla lecture de
la présente opinion, la décision qui a étérendue est fondamentalement
viciéedu fait d'autres facteurs, et est doncn avis entachéede nullité.
La présente opinion comporte essentiellementdeux volets. Lepremier
concernel'interprétation de l'articledu compromis et le second lepoint
de savoir si les conclusions ainsitirées aboutissenta nullitéde la sen-
tence arbitrale. Pour les motifs indiqués,j'estime, en ce qui concerne la

premièrequestion,qu'une interprétationcorrecte de l'articlen'autorisait
pas leTribunal àne pas s'acquitter d'unepart importante de sesresponsa-
bilités.S'agissant de la seconde question, ma conclusion est que ce man-
quement du Tribunal àsesresponsabilitésconstitue une inobservationdu
compromis suffisamment grave pour que la sentence rendue soit nulle.
Avant d'aborder cesimportants points dedroit,je voudrais,àtitrepréli-
minaire, soulignerune question de fait, qui est que le différend entre les
deux pays portait sur leur frontière maritime et qu'il y avait cinq espaces
maritimes à délimiter: la mer territoriale, la zone contiguë, le plateau
continental, la zone.économiqueexclusive et la zone de pêche.Le diffé-

rend entre les deux Etats ne seraitpas clos tant queun ou l'autre de ces
importants espacesmaritimes resteraitindéterminé.

1.INTERPR~TAT D OL'ARTICLE 2DU COMPROMIS

La disposition qui soulève une question d'interprétation est l'article 2
du compromisd'arbitrage conclu le 12mars 1985,qui se lit comme suit:
« 11estdemandéau Tribunal de statuerconformémentauxnormes

du droit international sur les questionssuivantes 1. L'accord conclu par un échangede lettres, le 26 avril 1960,et
relatif la frontière en mer, fait-il droit dans les relations entre la
Républiquede Guinée-Bissau et la Républiquedu Sénégal?

2. Encasderéponse négativeà lapremièrequestion,quelest letracé
dela lignedélimitantlesterritoires maritimes qui relèventrespective-

ment de la République de Guinée-Bissau et de la République du
Sénégal? »(Annexe àla requêtede la Républiquede Guinée-Bissau,
sentence,p. 5; les italiques sont de moi.)

Les mots essentiels sont:«En cas de réponse négative à la première
question)), pour l'interprétation desquelsles deux Parties ont déployé
des efforts considérables au cours de la procédure orale devant la Cour.
En effet, de l'interprétationde ce membre de phrase dépendla réponse
à la question de savoir si le Tribunal arbitral étaitdans l'obligation de
répondre à la seconde question. Si le Tribunal était habilité à laisser
la seconde question sans réponse, l'affaireest close et il n'est pas né-

cessaire d'aller plus loin. Si, par contre, le Tribunal étaitdans l'obliga-
tion de répondre à la seconde question et a faillà cette obligation, de
graves questions se posent. Elles ont trait au statut eta validitéd'une
sentence qui laisse sans exécution des éléments essentielsdu mandat des
arbitres et de ce fait ne résout pas des éléments essentielsdu différend
frontalier. Lesmots citésdonnent la cléde la résolutionde cettequestion
centrale.
Examinons de plus près encore la disposition en question et interro-
geons-nous sur le sens des mots ((réponsenégative ». Ces deux mots ne
peuvent naturellement être interprétésque dans leur contexte - le
contexte du paragraphe ou ilsse trouvent et le contexte de l'ensemble du

document. La conclusion, qui me sembles'imposer sil'on applique l'une
quelconque des méthodes d'interprétation présentéed sans la présente
opinion, est que ((réponsenégative »doit s'entendre d'une réponse néga-
tiveà laquestion de savoir sil'accord de 1960fait droit en cequi concerne
l'objet du différend - c'est-à-dire non tel ou tel élément, ou plusieurs
éléments constitutifsde ce dernier, mais le différend frontalier considéré
comme un problème global, le désirde parvenir à un règlement de ce
problème ayant étél'élémentmoteur qui a conduit les Parties devant le
Tribunal arbitral.
Un règlementincomplet, qui ne concernerait que certains élémentsde
la frontière, ne ferait qu'aggraver le problème et n'était manifestementni
l'objetni lebut du compromisd'arbitrage, dans leseulcontexte duquel les
dispositions doivent être interprétées. Selotoute interprétation raison-

nable, les différents élémentsde la question frontalière ne devaient pas
faire l'objet d'un oude plusieurs arbitrages ultérieurs destinésésorber
lesquestions quin'auraient pas ététranchéep sar lepremierarbitrage. Des
réponses partielles et des solutions fragmentaires étaient tout à faità
l'opposéde l'objet etdu but du compromis. Lecaractèreindissociabledes SENTENCEARBITRALE (OP.DISS. WEERAMANTRY) 133

composantes du différend,qui ne peuvent être équitablement détermi-
néesséparémentlesunesdesautres,étaiel'argumentselonlequel lesdeux
Parties voulaient manifestement obtenir un règlement global de leur
problème commun par un seularbitrage.
Je vaisà présent exposerlesmotifs pour lesquels, selonmoi, lecontenu
de la première question concernait une délimitationcomplète.

Lapremière question - dont ilest capital de savoir sielle appelait une
réponse négativeou non - tendait à déterminer si l'accord conclu le
26 avril 1960faisait droit dans les relations entre la Guinée-Bissau et le
Sénégal. Ilest vraique l'expression«les relation»esttrèssuccincte. Inter-
prétée isolément,on peut lui prêted re nombreux sens, et la comprendre
comme signifiant aussi bien toutes les relations entre les Etats que les
relations concernant la frontière maritime et, dans le cadre de ce dernier
sens,lui attribuer un largeéventailde significations, allant de relationsen
ce qui concerne l'ensemble des litiges relatifs la frontière maritime ou
seulementun ouplusieursélémentsdeceslitiges,voiremêmeun aspect de
tel ou tel de ceséléments. econtexte,l'objet etlebut nouspermettront de
dire où,dans ce largeéventail,notre choixdevra se porter. En effet,sans

prendre en compte ces facteurs, il n'est paspossible de donneràl'expres-
sion un senssuffisammentintelligibleouprécis pour qu'on puisseentirer
les conséquences juridiques fondamentales qui découleront inévitable-
ment de notre choix.
Personnellement, je ne pense pas que la première question était une
question théorique portant seulement sur le caractère obligatoire de
l'accord de 1960. Elle portait sur un point qui avait des incidences
pratiques capitales, c'est-à-dire celui de savoir si la frontière suivait
la ligne définiedans l'accord. La ligne frontière étaitau cŒur de cette
question, tout comme elle étaitau cŒurde la seconde, laquelle, avec la
précédente, formece quej'appellerai une paire inséparable.
Nous pouvonsd'emblée écarter l'interprétation laplus largequidonne

auxmots «les relations» lesens detoutes lesrelationsentre lesEtats,car il
est clair que le document a été nettement situédans le contexte des rela-
tions concernant la frontière maritime, comme en témoigne le contenu
mêmede la première question. L'essentiel est néanmoins de savoir si
l'expression vise toutes les questions relativesla frontière maritime ou
bien l'un ou l'autre ou plusieurs de sesélémentsconstitutifs.cet égard,
que l'on considèrele contexte du document ou son objet et son but, il ne
semble faire aucun doute que les mots ((les relations» recouvraient
l'ensemble des cinq élémentsde la frontièremaritime.
S'ilest exact que la question étaitde déterminersil'accord faisaitdroit
en ce qui concerne la totalité de la frontière maritime, répondre que
l'accord faisait droit non pour la totalitéde la frontière mais seulement

pour certains de ses éléments était manifestementune réponsenégative,
qui ouvrait immédiatement la porte à la seconde question. Le Tribunal
était dès lors tenu d'examiner les points importants se posant dans le
cadre de cette question, points qui correspondaient à une part substan-
tielle de son mandat. Le fait que le Tribunal ne s'est pas acquitté d'une SENTENCEARBITRALE (OP. DISS . EERAMANTRY) 134

part essentielle de ses responsabilités en vertu du compromis soulève
alors une autre question, celle de savoir si la sentence est viciéeen raison
d'une inobservation du compromis.

Gardant présent à l'esprit tout au long de cette réflexion que nous ne
sommes pas habilités à reconstituer les questions formulées par les
Parties, mais seulementà les interpréterdans la formeexacteoù elles ont
été formulées, nous devons en outre nous assurer,pour déterminer en
analysant les questions poséescomment les arbitres se sont acquittésde
leursresponsabilités,qu'en tout étatde causenotre interprétation estbien
la seule interprétation possible et nécessaire à laquelle les arbitres
pouvaient raisonnablement aboutir.
Ces considérations sont importantes car nous ne siégeons pas en
qualitédecour d'appel statuant sur le point de savoir si une sentencequi
serait autrement valide doit être annulée. La Cour a seulement compé-
tence pour dire si la sentence est nulle et de nul effetinitien consé-

quence d'un vice essentiel. Une interprétation manifestement contraire
aux principes d'interprétation établiset conduisant une décision mani-
festement contraire au compromis serait un élément constitutif d'untel
vice. Laprésente opinion part du principe que cela et rien de moinsserait
nécessairepourque laCour prononce la déclarationde nullitédemandée
par la Guinée-Bissau.
Il est capital qu'en examinant avec le plus grand soin, comme ils
doivent le faire dans chaque espèce, la substance de leur mandat et les
limitesde leurcompétence,lesarbitresancrentleurinterprétation dans les
réalitésdu contexte. Il ne faut pas considérer les mots et expressionsdu
compromis isolément, afin de leur donner un sens littéral possible mais
sans rapport avec la mission des arbitres.

En l'occurrence, les mots ((réponse négative)) étaient de la plus
haute importance et appelaient un examen très attentif. Pourtant, rien
n'indique que le Tribunal a accordé à ces mots clésl'attention que leur
importance exigeait; on ne peut sur ce point se référer qu'aupara-
graphe 87 de la sentence dans lequel le Tribunal explique qu'en tenant
compte des conclusions (sur I'applicabilité de l'accord de 1960) et du
«libellé» de l'article2, «la deuxième question, de l'avis du Tribunal,
n'appelle pas une réponsede sa part ».Hormis le fait que tel est l'avisdu
Tribunal, rien n'est dit des facteurs qui ont pesédans la décision.On
pourrait sans exagérer dire que cela est insuffisant, et certainement
insuffisant pour qu'un observateur objectif puisse avoir l'impression

que le Tribunal n'avait négligéaucun effort pour interpréter cette
question essentielle compte tenu de son contexte et de ses incidences
pratiques.
L'analyse de ce membre de phrase, quijoue un rôle charnière dans la
questionquinousoccupe,nousfaitentrerdans ledomaine del'interpréta-
tion destraités,lecompromis étantbienévidemmentuntraité. J'examine-
rai ci-après les parties pertinentes du compromis à la lumière des
principes établisde l'interprétation destraités. Dans son analyse bien connue de l'interprétation des traités',
sir Gerald Fitzmaurice mentionne les trois principales écoles de pensée
sur le sujet, l'écolequi vise à donner effet à l'«intention des parties)),
l'école«textuelle »et l'école«téléologique» 2.PourFitzmaurice (loc.cit.),
le mot «téléologique»désigne«le but et l'objet»du traité.
Dans la présente opinion, j'appliquerai ces approches au problème
qui nous occupe, conscient du fait qu'il n'est pas possible d'établir une

hiérarchie entreelles 3.
Aprèsavoirprésentélestrois principales approches en matièred'inter-
prétationetindiquélesconclusionsfoncièrementdivergentesquipeuvent
en découler, Fitzmauriceobserve (àla page 43) que «les trois approches
peuvent, dans un cas déterminé,aboutir au mêmerésultat pratique ».A
mon avis,nous sommes en l'occurrence dans l'heureuse situation envisa-
géepar Fitzmaurice, celle où les trois approches concourent à la même

conclusion. Dans l'analyse qui va suivre,j'appliquerai cestrois méthodes
hors de tout classementhiérarchique. Comme T. O. Elias4 le fait remar-
quer, chacune de ces méthodes d'interprétation peut ne pas être à elle
seulesuffisante pourdonner lasolution à un problèmeconcernant l'inter-
prétation d'un traitéet il y a quelquefois lieu d'appliquer simultanément
les trois approches, comme l'a indiqué la Cour permanente de Justice
internationale dans l'affaire de1'Usinede Chorzow(C.P.J.I.sérieA/B no9,
p. 24).

A. L'approche({textuelle ))

Larègled'interprétation selonlaquelleilfaut donner aux motsleursens
ordinaire est naturellement largement employée. Comme l'a déclaréla
Courdans son avis consultatifdans l'affaire de la Compétence deI'Assem-
bléegénéra pleurl'admissiond'unEtat aux NationsUnies:

« La Cour croitnécessairede dire que lepremierdevoird'un tribu-
nal, appeléà interpréteret àappliquer lesdispositionsd'un traité,est
de s'efforcerdedonner effet,selonleursensnaturel etordinaire, àces
dispositionsprises dans leur contexte. »

La Cour permanente de Justiceinternationale a fait observer:

'Fitzmaurice,TheLaw andProcedureof theIntemationalCourtofJustice,vol. 1,p.42.
VoiraussiT.O. Elias,TheModem Law of Treaties,1974,p.72.
3Commentairessurle projetd'articlessurle droitdestraitésla Commissiondu
droitinternationàsadix-huitièmesession,ConféreneesNations Uniessurledroitdes
MyreséS.McDougal,Harold Lasswellet JamesMiller,TheInterpretationofAgreementsir aussi
and WorldPublicOrder:Principlesof ContentandProcedure,1967,p. 116.
Op.cit.,p.72.
"C.J. Recueil 1950,p.8.Voir égalementl'avis consultatif sur la Composition du
Comitéde la sécurimaritimede l'organisation intergouvernementaleconsulee lad
navigationmaritime,C.I.J.Recueil1960,p. 150. «Pour examiner laquestionactuellement pendante devant laCour

à la lumièredestermesmêmesdu traité,ilfaut évidemmentlire celui-
ci dans son ensemble, et l'on ne saurait déterminer sa signification
surla base de quelques phrases détachéesde leur milieu et qui, sépa-
rées de leur contexte, peuvent être interprétéesde plusieurs
manières. >)

Depuis lors, la convention de Vienne sur le droit destraités aexpriméce
principe de manière plus explicite dans son article 31.

Les mots et les phrases ne peuvent être compris par eux-mêmes et,
comme l'indique clairement l'article 31,il faut leur attribuer leur ((sens
ordinaire »,non pris isolément,mais dans leurcontexte et à la lumièrede
l'objet etdu but du texte.M.Ago a insistésur cet aspect au cours des déli-
bérations de la Commission du droit international2, faisant observer,
dans sescommentaires sur la notion de «sens ordinaire »,que:

«des termes isolésne signifient rien; les termes n'ont de sens que

dans une phrase, dans un ensemble de phrases et d'articles, c'est-
à-dire, dans leur contexte».

Nous sommes loin du principe énoncé par Vattel selon lequel «la
première règlegénérale d'interprétationest qu'il n'estpas permis d'inter-
préterce quin'apas besoin d'interprétatio» n3.Bien que ce principeait été
encore suivi par d'éminentsspécialistesdu droit international jusqu'au

débutdu siècle,la nécessitéde donner une certaine interprétation même
aux mots les plus simples a été soulignée à la fois par des auteurs et par
des études linguistiques de l'époque moderne. L'influence de ces
dernières est sensible par exemple dans l'analyse de la convention de
Vienne de Schwarzenberger5, lequel souligne, en s'appuyant sur des
étudeslinguistiques, que lemot ((sens »lui-mêmepeut avoirjusqu'à seize
sens et qu'il estdifficile de cherchera donner aux mots leur «sens ordi-
naire »parce que «pratiquement chaque mot àplusd'un seulsens»(ilcite

à l'appui de ses dires des autoritésaussi renomméesque C. K. Ogden,
auteur de The Meaning of Meaning). Ainsi, comme le fait remarquer

Avis consultatifsur laCompétende I'OITpourla réglementation internationaldees
conditionsdu travaildespersonnesemployéesdansl'agriculture,C.P.J.I.sérieB nos2 et 3,
p. 22.
Annuaire de la Commissiondu droit international,1966,vol. 1, deuxième partie,
p.209,par.57.
3 EmmerichdeVattel,Ledroitdesgens ouprincipesdelaloinaturelle,vol. III,livre II,
chap. XVII, dans The Classics of International Law, publiésous la direction de
J. B.Scott,p. 199;les italiques sontde moi.
VoirE. S. Yambnisic, TreatyZnterpretation:Theoryand Reality, 1987,p. 9 et suiv.
Convention ontheLawofTreaties», dansS.K.Agrawala(publiésous ladirectionde),a
Essaysonthe Lawof Treaties,p. 86.McNair dansson ouvrage TheLawofTreaties(196 1p. 367),mêmeleplus
facileà comprendre des ((termes simples»,le mot «mère»,peut avoir un
sens très éloignéde son sens normal, selon le contexte dans lequel il est
utilisélCe n'estpas sans raison que la Cour a pu citer2 la célèbreremar-
que de M. Holmes selonlaquelle

«un mot n'est pas un cristal,transparent et inaltéré,il recouvre une
pensée vivanteet sa couleur et son contenu peuvent varier selon le
moment et lescirconstances » (Townev. Eisner,245 US 418,425).

Il est donc clair que les expressions «les relati»net «réponse néga-
tive» ne doivent pas être prises isolémentmais seulement en relation
étroite avec leur contexte. On ne peut leur donner un sens sans les
confronter rigoureusement à leur contexte. Le professeur Glan-
ville Williams, dans une étude théorique remarquéesur I'interprétation

juridique dans le contexte plus large du langage et du droit3, suit la
linguistiquepour faire valoirque,
«dans les limites fixées par le droit de la preuve, il appartient
toujours à la Cour d'aller au-delà du sens impersonnel du diction-
naire pour rechercher ce que l'énonciateur voulait en fait expri-

mer » 4.
Je voudrais également me référer à l'affaire de llAnglo-IranianOil Co.,
dans laquellela Coura observé,àpropos de la déclaration faitepar l'Iran
conformément à l'article 36,paragraphe 2,du Statut de la Cour:

«Mais la Cour ne saurait se fonder sur l'interprétation purement
grammaticale du texte. Elledoitrechercherl'interprétation qui esten
harmonie avec la manière naturelle et raisonnable de lire le texte.
(C.I.J.Recueil1952,p. 104.)

Dans l'examen des deux expressions en question,nous devons donc aller
au-delà de leur significationgrammaticaleou desdéfinitions du diction-
naire, et relier lesmots la substance du différendtellequ'elleestreflétée
dans lestermes du compromispour leur donner un sens.

i) Indicescontextuels

11y a dans le contexte général plusieurs indices montrant que le
compromis entre la Guinée-Bissau et le Sénégap lortait surune question

'Sur lalinguistique et l'interprétationjuridique, ss.iG. Weeramantry,ne
Law inCrisis: Bridges of Understanding,1975,p. 163-167.
Délimitationde lafrontièremaritimedans la régiondu golfe du Maine, C.I.J.Recueil
1984,p. 360,opinion dissidentM.eGros.
GlanvilleWilliams,«Language and theLaw»,[1945]61 LQR,p.393.
notre perceptionàlapenséevivanteoccultéedansdeslettresmortes».nervie dansglobale etnon surune sériede questionsdistinctes.Dans lepréambuledu
compromis, cette question est succinctement décrite comme étant «le
différend)),ce qui n'est pas le mot que l'on attendrait si l'intention des
Partiesétaitd'yvoirunesériede questionsdisparates auxquelles leTribu-
nalpourrait à son grérépondre oune pasrépondre. Celaestcorroborépar
au moins cinq expressionsfigurant dans letexte du traité :

a) aux termes du deuxième alinéadu préambule,les Parties reconnais-
sent n'avoir purésoudre parvoie denégociationdiplomatique lediffé-
rendrelatif àladéterminationdeleurfrontièremaritime;

b) la référenceau ((différend »se poursuit au troisème alinéa du préam-
bule, qui exprime le désir des Parties, étant donné leurs relations
amicales, de parvenir au règlementde cedifférenddans les meilleurs
délais ;
c) l'article2,danssaformulation de lapremièrequestion, vise lafrontière
enmer;
d) l'article2,dans sa formulation de la secondequestion,parle de laligne
délimitantlesterritoiresmaritimes ;
e) l'article 9 prévoit letracéde lalignefrontière surune carte. Lefait que

letexte prévoitletracé d'uneligne frontièrepour lescinqespacesmari-
times en litigeestun desindicesqui vont leplusnettement dans lesens
quej'aiindiqué.
Les Parties contractantes étaient donc clairement convenues que
l'accord qu'elles concluaient visaitàobtenir une délimitationde la fron-
tièredansson ensemble.

ii) Lapremièreetla secondequestion considéréels une par rapport à l'autre

Lesdeux questionsconstituaient une paire inséparable placée dansun
contexte commun, àsavoir le règlementde l'intégralité du différend. On
pourrait mêmeconsidérerlesdeux questionsensemble,comme une seule
question à deux branches tendant à parvenir à un résultatbien précis,le
règlementde l'intégralité du différend.
La seconde question laisse entendre implicitementque, quelle que soit
laréponse donnée a lapremièrequestion,uneseule lignefrontièredoit au
bout du compteêtreétablie.La premièrequestion ouvretrois possibilités
de réponses :

a) l'accord estobligatoireen cequi concernetous les éléments;

b) l'accord n'est obligatoire pour aucun des éléments;
c) l'accord n'estobligatoirequ'en ce qui concerne certains éléments.

Quelle que fût la réponse,lajuxtaposition des deux questionsconduisait
au résultat souhaité parles deux Parties, àsavoirla détermination d'une
seule ligne frontière.
Dans l'hypothèse du point a) susmentionné, le résultat souhaité était SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 139

atteintsansdifficultécarlaréponse àlapremièrequestion réglaitcomplè-
tement le problème en cause. La seconde question était alors un appen-
dice superflu dénuédetout contenu et detout objet concrets. Par contre,
dans les hypothèses b)et c),la seconde question conservaittout son sens
ettoute sa force; sanselle, l'exercicejuridique seraitstérile etson objet ne
seraitjamais réalisé.La débauched'argent, de temps et de dérangement

qu'avait entraînél'ensemble du processus aurait été vainesi la seconde
question n'étaitpas traitée.La réponse à la seconde question étaitdonc
une part essentielle du mandat et des obligations du Tribunal dont il
devait s'acquitter pour réaliser véritablement l'objet pour lequel il avait
été constitué - objet qui ne pouvait manquer de recevoir l'attention
nécessairesi I'on interprétaitle mandat du Tribunal conformément aux
normes du droitinternational, selon cequi eststipuléaudébutdeladispo-
sition visée.
Dans leshypothèses b)et c),ilrestaitencoàetraiterlasecondequestion
pour établirlaligne frontièrecomplèteet unique que la question implici-
tement prévoyaiten délimitant toutes les zones dans l'hypothèseb)et les

zones non déjà déterminéesdans l'hypothèsec).
Il n'y a donc pas deux parties de l'accord qui soient plus inextricale-
ment liéesl'une àl'autre quenelesont lesdeuxquestions etaucune d'elles
ne peut être considérée sansl'autre. L'interprétation fondéesur le
contexte exigenon seulementque I'onidentifie desindices isoléstelsque
ceuxqui ont étécitésdans la présenteopinion, mais aussi que I'onliseles
différentesparties du document comme constituant un tout cohérent.Les
deuxquestions,énoncéescôte àcôtedans lecompromis,chacunecomplé-
tant l'autre, ne peuvent seprêter séparément une interprétation exacte a
moins quechacune nesoitconsidéréedans lecontexte de lacompagnequi
lui est associée.
D'un autre point de vueencore, ilapparaît que l'interprétationdonnée

par leTribunal à l'expression ((réponsenégative»estinsoutenable siI'on
réduit hypothétiquement la portée dela réponse censément affirmative
apportée à lapremièrequestion. S'agirait-ild'une réponseaffirmativesile
Tribunal était parvenu à la conclusion que l'accord faisait droit entre les
Parties en ce qui concerne, par exemple, la seule mer territoriale? S'agi-
rait-iltoujours d'une réponse affirmative sileTribunal avaitdécidé,pour
tel ou tel motif, que l'accord ne faisait droit qu'en ce qui concerne le
premier mille de la mer territoriale?l arrive un moment où une réponse
affirmative sur une partie des territoires en litige est affirmative par son
nom mais non par son contenu, dans sa forme mais non dans sa réalité.
Une réponse affirmative sur des points sans conséquence n'en serait pas

moins négative au regard du but poursuivi par les Parties. Nous ne
pouvons donc supposer que, du seul fait qu'elle estpartiellement affirma-
tive, la réponsen'estpas une «réponsenégative » au sens de la question.
L'admettreseraitpasser àcôtéde l'objetetdu but de l'exercice,quiétaient
de délimiter des frontières dont l'incertitude, pour ce qui étaitde tous
leurs éléments,étaità l'origine de tensions entre deux Etats qui souhai-
taient vivement que cetteincertitude soit levée. SENTENCEARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 140

Si l'on admettait que le Tribunal était libre, sur la base de réponses
prétendument affirmatives, de fermer la porte à l'examen des points
essentielsposéspar la secondequestion, l'idéemêmed'un arbitrageinter-
national solennelseraitramenée àcelled'unexercice à vide,qui nefourni-
rait aux Parties qu'une solution partielle et les exposerait aux dépenses,
aux complications et aux retards d'une autre détermination de frontière.
Comme ilseraexpliquéultérieurementdans laprésenteopinion,une telle

solutionjette mêmedesdoutes sur la validitéde la réponse partielle. Elle
démontre combienilestdangereux de prendre isolémentdes motstirésde
lasecondequestionplutôt que de considérerlespremièreetsecondeques-
tions comme un tout intrinsèquement liétendant à un règlement des
points en litige entre les Parties.
Une conception aussirestrictivedesobligationsen matière d'arbitrage
nepermettraitpas à un tribunalde s'acquitterpleinement de sesresponsa-
bilités arbitrales et elle s'écarteel point de la raison d'êtremêmede
l'arbitrage que, selon moi, elle ne permettrait mêmepas un accomplisse-
mentprimafaciedes attributions d'un tribunal arbitral. Puisque la Cour a
1'occasion.d'exprimersa préoccupation devant un tel affaiblissement du
processus arbitral, j'estime qu'elle devrait le faire, faute de quoi, dans la

présente espècecomme dans les importants arbitrages à venir, une inter-
prétation littéraleet isoléedu contexte des termes définissant la compé-
tence arbitrale peut avoir pour conséquence que beaucoup d'efforts et
d'argent seront dépensés en pure pertedans des procédures complexes.
Cela représentera de grandsfraispour lesparties mais égalementportera
atteinte au prestige et l'autoritéde l'arbitrage international.

B. L'approchefondéesur I'«intention»des Parties

J'appliquerai maintenant l'approche qui prend en compte I'ainten-
tien» des Parties à travers l'analyse textuelle de l'objet et du but eà
travers les positions formulées par les Parties elles-mêmes.Une telle
approche confirme nettement l'interprétation fondée sur le contexte
présentée plus haut. Il n'est pas inutileà ce propos de rappeler que
sir Hersch Lauterpacht était un fermepartisan de cette approche :

«C'est l'intention des auteurs de la règle de droit en question
- qu'il s'agissed'un contrat, d'un traité ou d'une loi- qui est le
point de départet l'objectifde toute interprétation. '

En fait, l'intention a une importance telle que certains juristes2 ont
attribuélaplacequedoiventoccuper letexte etlecontexte dans l'interpré-
tation au fait que le texte est la preuve premièrede l'intention des parties.

British YearBook of IntemationalLaw, vol. 26(1949),p.83.
VoirWaldock,troisième rapportsuredroitdestraités, nnuairede la Commission
du droit international, 1964,vol. II,p. 57.Pourreprendre lestermes de McNair ',«le véritabledevoirdujuge est de

rechercher l'intention commune des parties a travers les mots du
texte )).
Dans son résumé succinct des principes généraux découlant des
grandes théories de l'interprétation des traités, sirGerald Fitzmaurice
souligneégalementcet aspect:
«i) L'objectif fondamental de l'interprétation des traités ...est de
donner effetauxintentionsdesParties.
ii) Ces intentions sont présumées,prima facie, être exprimées et
représentéespar lestermes du traité lui-mêmel,u comme un tout
indivisible, sur la base de la raison et du bon sens, et compte
dûment tenu des circonstances dans lesquelles il a étéconclu;

mais si tel n'est pas le cas, ou si l'intention ne ressort pas des
termes avec sufisamment de certitude, on peut alors avoir
recours àdescirconstancesoudes moyens extrinsèques ...
iii) Il existe une présomptiongénérals eelonlaquelle l'intention des
parties inclut l'intention deréalisereffectivement I'objectifvisé
par letraité.Ilestdoncjustifié,si cetobjectifestclair...

a) d'interpréterle traitéde manière à réalisercet objectifplutôt
que demanière ànepas leréaliser;
b) si plus d'une interprétation égalementvalidedu texte est rai-
sonnablementpossible,d'adoptercellequiréaliselepluseffica-
cement l'objectifvisé..»

Les points iv) et v) traitent des conventions multilatérales généraleest ne
nous intéressentpas ici.
La jurisprudence de la Cour admet égalementl'approche fondée sur
1'«intention» des Parties; elle a notamment déclarédans l'avisconsultatif
surles Réservesa laconventionpour laprévention etlarépression ducrimede
génocide :

«La considération des fins supérieures de la convention est, en
vertu de la volontécommune des parties, lefondement et la mesure
de toutes les dispositions qu'elle renferme.)) (C.1.J. Recueil 1951,
p. 23.)
Les principes énoncéspar Fitzmaurice, tirés des grandes théories de
l'interprétation (et exprimés «d'une manière a laquelle Lauterpacht
aurait fort bien pu s'associer» 3),sont tous applicables en l'espèce.Il ne
peut y avoir de doute quant àl'intention des Parties, au sens du traitélu
comme un tout indivisible et quant a I'interprétation qui permettrait de

réaliser l'objectif visépar le traité. Cette interprétation est celle qui

' Op.cit., 1961,p. 373.
*Op.cit.,p. 793.cit.,p.793-794;les italiquessontde moi.considèreque letraité incarne la volontédes Etatscontractants d'obtenir
une foispour toutes lerèglementdu différendrelatif à leurfrontièremari-
timequi les avait embarrasséspendant tant d'années.
J'ai conscienceque, s'agissant de questions d'interprétation, des diffi-
cultéspeuventnaître non seulementd'un désaccordsur le sensdes mots,

maisaussi de différencesd'attitude ou d'état d'esprit.Il se peut alors que
lesparties suivent«des cheminsparallèlesqui ne se rencontrentjamais »,
pour utiliser l'imagede M. Fitzmaurice dans l'affaire Golderl,ou encore
qu'elles parlent «sur des longueurs d'onde différentes » 2.En l'occur-
rence, commele montrera l'analysequi va suivre,les deux Partiessouhai-
taient un règlement complet du différendet avaient donc manifestement
le mêmeétat d'esprit. Pourutiliser le vocabulaire des contrats, on peut
dire qu'elles étaientclairementad idem.

i) Lepréambule

Lepréambule d'un traité constitue à l'évidenceune source de référence
intrinsèque. De cettesourceprincipale etnaturelle, onpeut tirerdesindi-
cations quant à l'objet etau but du traité,même sile préambulene con-
tientpas de dispositions de fond. Leparagraphe 2de l'article 31de la con-

vention de Vienne énonce spécifiquementce principe lorsqu'il indique
que lecontexte,auxfins del'interprétation d'un traité,comprend non seu-
lement le texte mais aussi le préambule et certains autres éléments. Il
ressortégalementde lajurisprudence de laCour, etnotamment desarrêts
rendus dans l'affaire relative auxDroitsdes ressortissantsdes Etats-Unis
dAmériqueauMaroc3 etdans l'affairedu Droitd'asile(Col~mbie/Pérou)~,
que la Coura largementeutrecours au préambule A des fins d'interpréta-
tion. Dansla premièreaffaire, la Coura rejetéune interprétation possible
de la convention de Madrid en raison de sa non-conformité avecles buts
de la convention tels qu'ils étaient spécifiquement formulésdans le

préambule. Dans la deuxième affaire, la Cour s'estréférée à l'objet de la
convention de La Havane, tel qu'indiquédans sonpréambule,pour inter-
préter l'article2 de la convention. De même,d'importants arbitrages
internationaux ont pris appui sur le préambule d'un traité pour guider
leur interprétation5.
Lepréambuledu compromisexaminérévèlesansambiguïtéque l'objet
du document étaitle règlementde la totalité du problème frontalier. Les
deux gouvernements,n'ayant pu résoudre parvoie de négociationdiplo-
matique ledifférendrelatifà la déterminationde leur frontière maritime,
expriment leurdésir,étantdonnéleursrelationsamicales, de parvenir au

Coureuropéennedes droitsdel'homme,sérieA, vol. 18,p.42.
SirHumphreyWaldock,citépar M. Fitzmaurice,ibid..
C.Z.J.Recueil1952,p. 196.
C.Z.J.Recueil 195,. 282.
Voirlesparagraphes19et20, BeagleChannelArbitration,1977,Wetter,TheZnterna-
rionalArbitralProcess,1979,vol. 1,p. 318-319.règlement de ce différend dans les meilleurs délais.A cettefin, ils ont
décidé de recourirà un arbitrage.Ils n'ontpas demandéun arbitragepour
obtenir un règlementpartiel de leur différend, qui aurait probablement
étéà l'opposéde l'objet etdu but de l'accord.

ii) Position desParties durantlesnégociations

L'article 32 de la convention de Vienne prévoit que,à titre de moyens
complémentairesd'interprétation,il peut être faitappel notamment aux
circonstancesdans lesquelles letraitéa étéconclu «en vue de confirmerle
sensrésultand tel'applicatiodel'article1»(lesitaliquessont de moi).Sur
labasedesélémentsdisponiblesdans la présenteaffaire,mais entantque
moyens complémentaires d'interprétation seulement,il est clair que ces
élémentsconfirment la conclusion àlaquelle conduisent l'interprétation
fondéesur le contexte et l'interprétation fondéesur «l'objet et le but))
mentionnéesauparagraphe 1de l'article 31.

Il n'est pas nécessairede se référer dansle détailau processus qui a
aboutiau compromis. Il suffit de noter que tout le processus de négocia-
tion entre les Parties a été conduitdans l'optique d'un règlementdetous
les aspects des questions concernant la frontière maritime. Les multiples
différendsqui s'étaient produitsde 1977 à 1985entre les Parties n'étaient
pas limités à un aspect donné de la frontière maritime. Il n'était dans
l'intérêdt'aucune des Parties que la frontière, ou une partie quelconque
de celle-ci, demeure indéterminée.Telles ont étéles circonstances dans
lesquelles l'accordvisant cequel'affairesoitsoumise àun arbitrage aété
conclu; elles confirment nettement l'interprétation résultant des autres
approches.

iii)Position desPartiesdevantle Tribunal

Je ne m'attarderai pas ici sur l'attitude de la Guinée-Bissau,dont la
positionà cetégardn'ajamais étécontestée.Jem'attacherai plutôt àexpli-
citer celle du Sénégal.11est clair que la position du Sénégaldevant le
Tribunal était que l'intégralitdu différend maritime était soumis à ce
dernier et que l'accord de 1960couvrait la totalité de ce différend, c'est-

à-dire qu'iln'étaitpas limité la mer territorialà,la zone contiguë et au
plateau continental,maiss'étendait aussià lazoneéconomiqueexclusive
età la zone de pêche.
Ontrouve desindications de cetteposition dans les documents soumis
à la Cour:
a) Au paragraphe 53du contre-mémoirequ'ila présentéau Tribunal, le
Sénégalexplique la portée de l'article2 du compromis d'arbitrage et

expose sa position au sujet de I'applicabilité desrèglesintertempo-
relles du droit internationalà l'accord de 1960.Il poursuit dans les
termessuivants :
«Sousbénéficede cesdeuxprécisions,leGouvernement du Séné-
gal s'associe aucommentairefait par laGuinée-Bissau,commentaire SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 144

dont ilressort:1)que s'ilest admis que l'accord de 1960aétévalable-
ment conclu et lie les Parties, c'est lui, etlui seul, qui faitdroit en ce
qui concerne la frontière maritime séparantl'ensembledes domaines
maritimes relevant de chaque Etat, conclusion corroboréepar le fait
que les Parties souhaitent une ligne divisoire unique; et 2) que le
Tribunal est appelé à tracer lui mêmeune ligne séparatrice dans la
seule hypothèse d'une réponsenégative àlapremière question. C'est
cela que les Parties ont voulu; le MGB [mémoirede la Guinée-
Bissau] le souligne avec force et à juste titre.)) (Mémoire de la

Guinée-Bissaudéposéen laprésente instance, annexes, livre II; les
italiques sont de moi.)
b) Au paragraphe 153de laduplique qu'ilasoumise au Tribunal, leSéné-

galaffirme que lapratiquesubséquente :
«a égalementcomplétél'accord de 1960et lui a en quelque sorte
donnéune dimension supplémentaire. Elle l'aen effet enrichi sur le

plan ((vertical », en ce qui concerne la délimitation de la colonne
d'eau surjacente ...Le Gouvernement du Sénégalentend en effet
montrer que la pratique subséquente a accru la sphère d'application
initiale de l'échangede lettres franco-portugais de 1960et que la
frontièreen mer des 240" du cap Roxo ne vaut pas seulement comme
limite du litde lamer etde son sous-sol,maiségalementpour leseaux
surjacentes. » (Mémoirede la Guinée-Bissau déposéen la présente
instance, annexes, livreIII.)

c) Au paragraphe 245 de la mêmeduplique, le Sénégal insisteune
nouvellefois sur cepoint :

«En d'autres termes, alors que la frontière en mer établie par
l'accord de 1960ne se rapportait, au-delà de la limite extérieuredes
eaux territoriales, qu'aux plateaux continentaux, conformément a
l'étatdu droit international de la mer a cette date, touteune pratique
subséquente est venue enrichir et compléter l'accord de 1960 en
exhaussant en quelque sorte la limite des 240" aux eaux surja-
centes. »

d) Leparagraphe 246du mêmedocument estainsi libellé :

«Le Gouvernement du Sénégal avait d'ailleursfait allusion, dans
son contre-mémoire, à cette extension de la sphère d'application de
l'accord de 1960,sur le plan spatial comme sur le plan matériel. 11
avait notamment remarqué que, dèsson accession à l'indépendance,
il avait «exercéses com~étences.dans les domaines les lus divers.
dans les espaces maritimes relevant de sajuridiction nationale situés
au nord de [la 1.ignedes 240°]». (CMS, par. 9.) Il avait ajoutéqu'en
dehorsdes activitéspétrolières,il avait étamené «a exercer sespou-
voirs de police» en se référanta cette frontière en mer des 240" ..»e) A l'audience du Tribunal, leSénégaa l expliquéainsisaposition :

«On constate qu'une lignedivisoire - une seule et pas une autre
- revient, non pas une fois, par hasard, mais constamment, sans
aucune exception, dans la pratique de ces Etats et dans l'exercicede
leurs compétencesrespectives. Et quelle est, Monsieur le Président,
cette ligneséparative?C'estinvariablementl'azimutdes 240" du cap
Roxo.0 (Mémoire de la Guinée-Bissau déposé en la présente
instance, annexes, livre IV, deuxième partie, plaidoiries du Sénégal
devant le Tribunal arbitral, procès-verbal no9, p. 83.)

Ces extraits ne laissent subsister aucun doute :le Sénégal considérait
que la question faisant l'objet de l'arbitrage était celle de latotalitéde la
frontièremaritime, et pas moins. Il affirmaitque I'accordde 1960visait la
totalitédelafrontièremaritime, etpas moins. L'objetdel'arbitrage étaitla
détermination de la totalitéde la frontière maritime, et pas moins. Ainsi,
lapremièrequestion,lue dans soncontexteainsiqu'à la lumièrede l'objet
et dubut du compromis,avaittrait au caractèreobligatoire de I'accordde
1960en ce qui concerne la totalitéde la frontière maritime, et pas moins.
Toutcomme le Sénégalprônait l'acceptationde la délimitationde 1960
en ce qui concerne toutela frontièremaritime,la Guinée-Bissauaffirmait
que cet accord était sanseffet en ce qui concernela totalitéde cette fron-

.-.-..
Le principe d'interprétation exprimé parla maxime utresmagisvaleat
quampereat, souvent désignésousle nom de principe de l'effet utile, est
un autre principe général d'interprétation qui peut être invoqué soulse
chapitre de l'intention desparties. Il traduit une sagesseparticulièrement
bienvenue dans l'interprétation des accords, tel I'accord en litige, pour
lesquelsun attachement excessif au senslittéraldesmots peut non seule-
ment étouffer l'espritde I'accord maiségalementnuire à l'harmonie que
l'accord est censépromouvoir. Même sliajurisprudence de la Courjusti-
fie largement d'appliquer le principe de l'effet utile, l'on nesaurait bien
sûrpousserl'application de ceprincipejusqu'à attribuer auxdispositions
du traité un sensqui contredirait leur lettre et leur esprit'.
D'autre part, ilya lieu de noter quela Commission du droit internatio-

nal a étéd'avis que, dans la mesure où la maxime est l'expression d'une
règlegénéraled'interprétatione ,lleestincorporéedans leparagraphe 1de
l'article31quistipule qu'aun traité doitêtreinterprété debonnefoi» et «à
la lumièredesonobjetetdesonbut» 2.LaCommission du droit internatio-
nal poursuit en observant:
Lorsqu'un traité est susceptible de deux interprétations, dont

l'une permet et l'autrene permet pas qu'il produiseleseffetsvoulus,la

' Interprétatides traitésdepaix conclusavecla Bulgarie.la Hongrieet la Roumanie.
C.Z.JRecueil1950,p. 229.
moi.ConférencdeesNations Uniessur ledroitdestraités.it.,p.42;les italiquessontde bonne foiet lanécessitéderéaliser le butetl'objetdutraité exigentue
la premièrede ces deux interprétationssoit adoptée.»
Si l'on s'attacheà rechercher l'«intention» des Parties, il apparaît

qu'aucune des Partiesn'envisageait un règlementpartiel du différend. En
fait, cette solution était tellement éloignéede leur intentionque l'on peut
raisonnablement supposer qu'aucune des deux Parties n'aurait recouru à
un arbitrage si elle avait prévu une issue aussi peu décisive,celle-ci ne
pouvant qu'aggraver le problème et les éloignerencore plus d'un règle-
ment définitif.
En appliquant la méthodefondée sur l'«intention des parties »,il y a
lieu naturellement d'êtretoujours sur ses gardes afin de ne pas prêter au
traité une disposition qui ne figure pas dans le texte. Dans l'affaire de
l'Accèset stationnementdesnaviresdeguerrepolonaisdansleport deDant-
zig(C.P.J.I.sérieA/B no43,p. 144),laCour permanente deJustice interna-
tionalea averti que laCour n'était pas disposéeàadmettreque l'on puisse
élargirletexte d'un traité«et y voir des stipulations représentées comme

étantle résultat des intentions proclaméespar les auteurs du traité, mais
que ne formule aucune disposition du texte lui-même». En ce qui
concerne l'affaire dont nous sommes saisis, il n'est pas question d'intro-
duire dans le document des stipulations qui ne s'ytrouvent pas déjà. Le
sens sedégagede l'ensemble du document dèsle préambule.
Lerèglement dudifférendétad itonc labase surlaquelle leTribunal a été
chargédeseslourdesresponsabilités.Onattendaitde celui-ciqu'ildéfinisse
avecnettetéune frontièreindistinctedu faitdesprétentionscontradictoires
desParties etqu'il établisseunebasesolidesurlaquelle lesPartiespuissent
à l'avenirordonner leursaffaires. Lesarbitresnepouvaient pas interpréter
différemment leurmandat à la lumière desnormes du droitinternational
telles qu'elles sont énoncéesdans la convention de Vienne en particulier.

C. L'approche«téléologiqu »e

Je n'appliquerai pas ici l'approche téléologique, telle qu'elleest quel-
quefois appliquéesoussesformes lesplusextrêmespour assignerau traité
un objet ou un but extrinsèque qui pourrait ne pas coïncider avec les
intentions des parties. Je recherche un objetou un but qui soitsolidement
ancrédans le texte du traité et dans la position adoptéepar les parties
elles-mêmes àce sujet. A cet égard, cetteapproche est liéeaux approches
présentéesdans les deux sectionsprécédentes.
Je ne vais plus loin en invoquant un but plus étenduque lorsque je fais

appel auxprincipes établisconcernant lebutfondamentaldes compromis
d'arbitrage. Dans cettelimite, ilestlégitimederecouriràlaméthodetéléo-
logique. Comme le fait observer Fitzmaurice, «il est indubitable qu'un
élémenttéléologiqueentredans l'interprétation et yoccupe,dans certaines
limites,une place légitime» *.

ConférenceesNationsUniessurledroitdestra, p.rit.,p.42;les italiquessontdemoi.
Op.cit.,p. 342. Ainsi appliquée, l'approche téléologiqueest un autre moyen encore
de confirmer les conclusions auxquelles ont abouti les deux autres
approches.
Aveccesremarquesintroductives, et sousréservedes limites indiquées,
je ferai observer que le but fondamental d'un compromis d'arbitrage est
manifestement le règlement amiable des questions que les parties ont
chargéle tribunal arbitral de résoudre.Commele note Verzijl,l'arbitrage
est «une procéduredu droit international visant à mettre fin àun diffé-
rend néentredes Etatssouverains par la décision,ayant forceobligatoire,
d'une ou plusieurs tierces personnes» '.Ce but a d'autant plus de force
qu'il concorde avec l'un des objectifssuprêmes du droit international,à
savoir le règlementharmonieux des différends internationaux en vue de

l'élimination desfrictions continuesqui mettent la paix en danger.
La Cour permanente de Justice internationale a eu l'occasion d'appli-
quer la méthode téléologique, à propos de l'arbitrage, et de se prononcer
sur ce que doit êtrele but d'une conventiond'arbitrage. Dans l'affaire de
1'Usinede Chorzow,examinant I'article 23de la convention conclueentre
l'Allemagne et la Pologne en 1922(qu'elle qualifie de clause compro-
missoire typique D),la Cour permanente a déclaré :

Pourl'interprétationde I'article23,ilconvient de s'attacher, non
seulement àl'évolution historique des conventions d'arbitrage età
leur terminologie,ainsi qu'au sens grammaticalet logique des mots
employés,mais aussi etsurtout à lafonctionqui doit, selon lavolonté
des Parties contractantes, être attribuéecette disposition» (Usine
de Chorzow, compétence, arrên t o8, 1927,C.P.J.I.sérieA no9,p.24.)

La Cour a poursuivi en ajoutant:
Une interprétation qui obligerait la Courà s'arrêteà la simple
constatation que la convention a été inexactement appliquéeou
qu'elle est restéesans application, sans pouvoir fixer les conditions
dans lesquelles les droits conventionnels léspeuvent être rétablis,
irait l'encontre du but plausible etnaturel de la disposition,car une

pareillejuridiction, au lieu deviderdéfinitivementun différend,lais-
serait la porte ouvertede nouveaux litiges.)>(Ibid p. ,5.)

Cesconsidérationsrevêtentune grandeimportancepour l'affaire dont
nous sommes saisis, vu l'interprétation restrictive que le Tribunal a
donnée de la clause qui définit son mandat, interprétation qui, pour
emprunter laformule de la Cour permanente, au lieu deviderdéfinitive-

ment un différend,laisseraitla porte ouverteà de nouveaux litiges».
Dans lecadrede laprésenteaffaire,cesconsidérationsmeconduisent à
penser que le Tribunal arbitral, en vertu du compromis, avait reçu pour

'J.H. W. Verzijl,International Law in Hislorical Perspective, 1976,vol. VIII,p. 143.mission de réglerle problème qui avait conduit les Parties devant lui, ou,
pour employer les mots de Verzijl, pour mettre fin àun différendqui est

né entreEtats souverains ».C'est ce qu'iln'a absolument pas fait et toute
interprétationquirendrait possiblela voieque leTribunal aprise ne serait
pas en harmonie avecle principe d'interprétation à l'examen.
Dans le cas où deux interprétations sont également acceptables, l'une
laissant des points en litige sans solution, l'autre les réglant tous,
l'approche téléologique devraitfaire peser la balance en faveur de la
seconde. En l'espèce,l'approche ((textuelle » et celle de la recherche des
intentions »ont déjàconduit àcette secondeinterprétation etl'approche

téléologiquene fait que la confirmer.
Lorsque, comme dans la présente affaire,les parties ont mis un terme à
des annéesde désaccordpour en venir au stade où elles soumettent leur
différend à l'arbitrage, la protection du compromis dans son intégralité
revêtune importance toute particulière. La Cour se doit d'êtrevigilante
pour mettre le compromis et l'arbitrage à l'abri d'interprétations risquant
d'allerà l'encontre deleur but essentiel.
La mesure limitéedans laquelle j'ai uséde la méthode téléologique

d'interprétation écarte toute nécessitéde l'analyser plus avant dans la
présenteopinion. Si l'onse tourne vers l'avenir, ilse peut que la méthode
d'interprétationtéléologiquepuisse,ensesubstituantaustrict formalisme
juridique, jouer un rôle accru dans le développementdu droit internatio-
nal l.Il se peut fort bien que la règle qui veut que l'on se réfère,pour
l'interprétation, à l'«esprit» du traité2 ou à des valeurs importantes
devienne plus généralementadmise àmesure que ledroit international se
développera 3Ce sont là des questions que lajurisprudence devra exami-

ner demain.
Dans la présente affaire,il suffira de relever que les horizons qu'ouvre
la méthode téléologique peuvent éviter à l'interprète lerisque de trop
s'attacher au sens littéraldes mots et de perdre ainsi de vue les objectifs
fondamentaux de l'instrument en question.
L'adage interestreipublicaeut sitfinis litiums'applique égalementaux
décisions judiciaires et aux sentences arbitrales, aux procédures natio-

nales et aux procédures internationales. Une réponse partielle qui risque
-
' Voir l'opinion dissidentede M. Tanakadans les affaires du Sud-Ouest africain.
deyxièmephase,C.I.J.Recueil1966,en particulierp.276-278.
- Voirl'opinion dissidentede M. Alvarez dansAnglo-IranianOil Co., C.I.J.Recueil
1952, p. 126; Sud-Ouest africain.exceptions préliminairesa,rrêt,C.I.J. Recueil 1962,
p. 336; voirla remarquede lordDiplock dansRv. Henn(1980),2 AI1EnglandReports,
166,selon laquelle, lorsqu'elleinterprète les traitélsa, Cour de justicedes Commu-
nautés européennes cherchà donner effea 1'«esprDtplutôtqu'àla lettredestraités.
VoirRousseau,Droitinternationalpublic,1,p.29;M.S.McDougal,H.D. Lasswellet
J. L. Miller, TheInterpretationof Agreements and Worldhblic Order, 1967,p. 39-45;
TreatyInterpretation and theNew Haven Approach:Achievements and Prospect»ds, «On
VirginiaJournalofInternationalLaw,1967-1968,vol. 8, p. 323;JuliusStone, Fictional
Elements inTreatylnterpretation- A Study in the InternationalJudicial Process»,
Sydney Law Review,1953-1955,p.363-368. SENTENCE ARBITRALE(OP. DISSW. EEMMANTRY) 149

fort d'aggraver la confusionet l'incertitude existantes n'estpas conforme
a cetadage,quireflètelaprincipale raisond'êtredu caractèredéfinitifdes
sentences.
L'article4du modèlede règlessur laprocédure arbitrale adoptéparla
Commission du droit international dispose que la sentence arbitrale
ttdécide définitivementet sans appel la solution du différend D.Elle ne
peut le faire que si elle règle l'essentieldu différend.Si elle n'en tranche

qu'une partie, laissant subsister un vide béant que devra combler une
nouvelledécision arbitrale, on voit mal comment une telle sentencepeut
avoir un caractèredéfinitif.
Un autre aspect du mêmeprincipe, exprimé du point de vue des plai-
deurs plutôt que de la communauté - nemodebet bisvexaripro una et
eademcausa (dont le pendant en droit pénalest nemodebetbisvexaripro
unoet eodemdelicto) - est égalementpertinent en l'espècecar,aprèstous
les efforts qu'elles ont déployés pendant des annéespour arriver à cet
arbitrage, lesdeux Partiesavaient ledroit d'escompter un règlementdéfi-
nitif de leur différend sans avoir faire faceà une deuxième et longue
procédure arbitrale. Le fait qu'une part importantedu différendn'a pas
ététranchéea eu un effetqui estexactement àl'opposéde celuiqu'envisa-

gent les adages ci-dessus.
Sijene metrompepas dans lesprincipes d'interprétation quej'ai appli-
qués,il mesemble qu'il n'ya qu'une seuleconclusion àlaquelle leTribu-
nal aurait pu parvenir concernant la seconde question s'ilavait appliqué
les règlesd'interprétation destraités reconnues la foispar le droit inter-
national coutumier et par sa codification dans la convention de Vienne
sur le droit des traités. Ces règless'imposaient au Tribunal et ne lui lais-
saient aucune autre possibilité.A moins de beaucoup s'écarterdu véri-
table différend en donnant un sens littéral a des formules telles que
«réponse négative » extraites de leur contexte au méprisde ces règles
d'interprétation, le Tribunal devait nécessairementparvenir àla conclu-

sion qu'il étaittenu d'aborder la secondequestion.
On remarquera que, dans cette analyse, j'ai eu recours à des théories
d'interprétation très généralement admises,dont on peut dire qu'elles
représentent la doctrine principale,à l'inverse d'autres théoriesd'inter-
prétation qui n'ont pas encore été universellementacceptées.Jeme suis
abstenu de recourir a d'autres théories car une conclusion qui doit être
assezsûre pour pemiettre de fonder unedéclarationdenullitéexigequ'on
l'examine en se basant sur un terrain solide.
L'analysequi précèdea montré clairementque la seuleinterprétation a
laquelle aboutissent les méthodesde recours au contexte et aux inten-
tions» et la méthode téléologiqueest que l'ensemble du différend consti-
tuait l'objet de l'arbitrage en général etde la première question en

particulier. Il est clair aussi que le devoir des arbitres était d'avoir
constamment àl'esprit l'objet et lebut essentiels de latâche qu'ilsavaient
entreprise,à savoir la détermination de I'ensemble de la frontière mari-
time et la résolution du grave différend qui avait surgi entre les Parties.
Les conclusions auxquelles on parvient en appliquant les principes SENTENCE ARBITRALE(OP. DISS. WEERAMANTRY) 150

d'interprétation setrouvent d'ailleurs renforcées par la conception que le
Tribunal lui-même avaitde la question qui lui étaitsoumise.
LeTribunal savait bien que ((lesrelations)ne se limitaient pasà la mer

territoriale, la zone contiguë et au plateau continental, mais s'étendaient
aussi àlazoneéconomiqueexclusiveet àlazone de pêche.Il n'ajamais été
contesté devant le Tribunal que la portée du différend s'étendîtaux
cinq zones.La décisionqu'ila rendue montre aussi qu'ilétait conscientdu
fait que leslimitesde ces cinq zonesluiétaientsoumisespour qu'ilstatue A
leur sujet. D'ailleurs,la sentenceporte commeen-têtes ,elondestermesque
leTribunal acertainement choisislui-même,letitre ((Tribunalarbitralpour
la déterminationde lafrontièremaritime ))(lesitaliques sont de moi).
Ayantdécidéque l'accord était(valable,entièrement valable )(sentence,
par. 82),il incombait au Tribunal de passer àl'interprétationde cet accord

dans lecontextedu différend concretqui s'étaitélevé entre lesParties etqui
étaitau premier rangde leurspréoccupations.Laquestion àlaquelleilétait
ainsidemandéauTribunal de répondren'était pasune question d'interpré-
tation académique,mais une question très concrète etfermemene tnracinée
dans le réel.Comment le Tribunal envisageait-ilcettetâche?
Pour citer les termes que le Tribunal a employés :

((Le seul objet du différend soumispar les Parties au Tribunal
porte donc sur la détermination de la frontière maritime entre la
Républiquedu SénégaletlaRépubliquedeGuinée-Bissau, question
qu'elles n'ont pu résoudrepar voie de négociation. )(Ibid.,par. 27;
les italiques sont de moi.)

S'ildevaitencore subsister lemoindre doute concernant lafaçon dont le
Tribunal avait compris la question qu'il examinait, ce doute est dissipé
par le Tribunal lui-même.Au paragraphe 83 de sa sentence, il déclare:

((LeTribunal ne recherche pas ici s'ilexiste une délimitationdes
zones économiquesexclusivesfondéesur une normejuridique autre
que l'accord de 1960,telle qu'un accord tacite, une coutume bilaté-
rale ou une norme générale. IIchercheseulement à voirsi l'accord,en
lui-mêmep,eut être interpréd tée manière a engloberla délimitationde
l'ensembledes espaces maritimes actuellement existants.))(Les itali-
ques sont de moi.)

Sitelle était laquestion que le Tribunal cherchait à régler,il y a claire-
ment répondupar la négative.
Le fait que ledifférend avaittrait la frontièredans son ensemble était
donc incontestable. Ce fait, solidement gravédans la pierre, pour ainsi
dire, fournissait le moule dans lequel étaitconçu l'arbitrage, qui a donné
au compromis la forme qu'il a revêtue etdont aucune interprétation du
compromis n'aurait dû pouvoir sortir. Tel étaitle contexte dans lequel la

première etlasecondequestion devaientêtrelues ;etsi,comme l'article31
de la convention de Vienne sur le droit des traitésnousen fait obligation,
noustenons compte de l'objet etdubut de l'accord,telle estla conclusion
à laquelle nous sommes inexorablement conduits. SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS. WEERAMANTRY) 151

Il était biensûr loisible au Tribunal de rejeterles arguments des deux
Parties en ce qui concerne la portée de l'accord de1960et de répondre,
comme ill'afait,que cetaccord ne s'appliquait qu'à certains secteurs de la
frontière. Toutefois, compte tenu de l'objet et du but du compromis
d'arbitrage, le Tribunal ne pouvait ensuite lire la seconde question que
commeluiimposant de déterminerceque lapremièrequestionavait laissé
indéterminéet d'achever la tâche qui lui avait été confiée.Réglerune
partie du différend frontalier en laissant d'autres questions en suspens,
dans l'attente d'une détermination ultérieure, était,pour le Tribunal, se
dérober à sa fonction et alleàl'encontre de sa raison d'être.

LeTribunal n'adonc pas interprétéle compromisconformément àson
propre entendement de la question qui lui était soumise. Il n'a pas non
plus donnéeffet au devoirimpératif que lui imposaient la convention de
Vienne et les règlesd'interprétation reconnues.Ce faisant, ila laissépen-
dante etsanssolutionune partieimportantede satâche. Ilaaggravéladif-
ficultédes Parties,au lieu de remplirsa mission, qui étaitde lesrésoudre.
En bref, il a perdu de vue la raison pour laquelle il avait étécréé. Une
cause de nullité aussipatente autorise la Cour, pour les raisons exposées
plus loin dans laprésente opinion,àdire que la sentenceétaitminéedans
ses fondements et ne peut donc être maintenue. Euégardau recourstrès
large et croissant qui s'attachel'arbitrage international comme moyen
de règlementpacifique des différends, cette louable tendance risquerait
d'être compromisesi des organes arbitraux solennellement chargés de
réglerdes questions majeures de cette nature pouvaient, en interprétant

leurcompétencede façonaussirestrictive,éluder la charge et la responsa-
bilitédetrancher lesquestions confiéesentre leursmains.
Quelles sont les conséquences qui découlent en droit des principes
esquissésdans l'examen qui précède?

II. LASENTENCE EST-ELLE NULLE?

Pouranalyser l'effetjuridique surlasentencedescirconstancesdécrites
jusqu'ici, il faut examiner un certain nombre de principes juridiques qui
ont tous fait l'objet de conclusionsdétailléesdevantla Cour. La question
centrale est de savoir si l'interprétation manifestement incorrecte du
compromis et de la mission confiéeau Tribunal, ainsi que la conduite

ultérieure du Tribunal, entraîne la nullitéde la sentence. Si telle est la
conséquenceen droit, il faut alors se demander si la sentence est nulle en
satotalitéouseulementen cequi concerneladécision de ne pas examiner
les points restant trancher dans le cadre de la seconde question.
Dans l'étude quisuit,on traitera d'abord desprésomptions et principes
juridiques applicables à la protection de la sentence avant d'examiner
brièvementlesconcepts de nullitéetd'excèsde pouvoir. Onverraensuite
si la nullité d'une sentence arbitrale prend effet par elle-mêmeousi elle
dépend de l'existence d'un tribunal ayant compétence pour en juger. II
faut alors considérer deux questions conceptuelles, qui sont celles desavoir si le fait de ne pas répondàela seconde question a résulté d'une
décisionet si une décisionnégative nepeut pas constituer un excèsde
pouvoir,ainsique le Sénégall'affirme. On examineraensuitebrièvement
la thèse de la Guinée-Bissau, selon laquelle la décisionest frappée de
nullité en conséquencede l'absence de motivation, et celle du Sénégal,
selonlaquelle le principe de la compétencede la compétencefait que les
questions d'interprétation sont du ressort exclusif du Tribunal. L'on
analysera enfin un peu plus en détail le principe de séparabilitétel
qu'appliqué aux problèmes déjàréglés e t ceux restant en suspens.

Chargede lapreuvede l'invaliditéde la sentencearbitrale

Comme Balasko l'a écritdans son ouvrage célèbre ',la validité d'une
sentence arbitrale doit être présumée.
Dans l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne
(C.I.J. Recueil 1960, p. 206), la Cour a suivi le principe selon lequel la
charge de la preuve incombe àla partie prétendant que la sentence est
invalide.L'étude qui suitpart de ce principe ettient dûment compte de la
présomption de validité. La charge de renverser cette présomption
incombe à la Guinée-Bissauet cette charge, comptetenu de l'importance
du caractèredéfinitifdessentencesarbitrales, estlourde. Deplus,lathèse
de la Guinée-Bissau (audience publique du 4 avril 1991, CR 91/3,
p. 85-87)selon laquelle, dans le cas d'un vice patent, c'àsla partie qui
défendla sentence qu'il incombe de prouver qu'elle est valide ne saurait
êtreaccueillie.Laprésenteopinionpart de l'idée quelapartie quiconteste

la sentencedoit dans tous les casprouver l'existencede facteurs de suffi-
samment de poids à l'appui de son allégationd'invaliditéde la sentence.

Protectionde la sentenceetprotectiondu compromis
La Républiquedu Sénégaa l soutenu devant la Cour, et cà juste titre,
que lorsque nous sommes appelés ànous prononcer sur la validitéd'une
sentence nous devons garder à l'esprit que l'institution de l'arbitrage
représente l'une des grandes réalisations de l'ordre juridique internatio-
nal. Lourde estdonc laresponsabilitéquipèsesurunejuridiction interna-

tionaleinvitéeà déclarernulleune sentencearbitralerendue envertu d'un
compromisvalide librementconclu par les parties. Une telle déclaration
de nulliténe doit pas être demandée à la légère, et aucunejuridiction ne
doit la prononcer àla légère.
Dans le mêmetemps, il convient de noter que le respect qui est dû à
l'arbitrage international exige non seulement le respect de la sentence
mais aussi celui du compromis qui est la base sur laquelle la sentence
repose. En conséquence,si l'on doit respecter l'intégritéet le caractère
définitifde la sentence arbitrale, ce principe de déférence l'égard des
sentences ne saurait lesprotéger quellequesoit la gravitédesécarts entre

'A. Balasko, Causes de nullitéde la sentence arbitrale en droit international public,
1938,p. 201.

103lavoie suiviepar l'arbitrage et lecap que luitraçait lecompromis. Loin de
préserverle respect de l'institution arbitrale,une telle attitude saperait le
respectvéritableque cetteinstitution mérite.Imposer de façon absolue le
caractèredéfinitifdelasentence nepeut sefairequ'au détrimentdel'arbi-
trage en tant qu'institution.
II existe une tension naturelle entre les deux principes décrits, et un
examen scrupuleux s'impose donc pour les délimiter.Ce faisant, il nous
est demandéde peser les avantages de la certitude et le danger des écarts
par rapport au compromis, et il n'existe pas de formule toute faite qui

permette d'harmoniser cesconsidérationsentre elles. Latâche de la Cour
n'estpas une tâche aisée.Pourtant, commecelaarrive sisouventen droit,
quand des principes s'opposent et visent à l'emporter les uns sur les
autres, il est des cas où une considération se présente avectant de force
que l'autre doit à l'évidencepasser au second plan. La présente affaire
appartient à cettecatégorie.
La jurisprudence internationale fournit de nombreux exemples dans
lesquels le principe de l'intégrité ducompromis l'a emporté surcelui de
l'intégritédelasentence. Ainsi,lorsqu'untribunal invité àdéciderlaquelle
des deux parties au différenddoitse voir accorder la souverainetésur un
territoire ne tranche pas cette question mais examine s'ildoit exister une
servitudesur leterritoire, la sentence ne peut évidemmentpasêtremainte-

nue (comme cela s'est passédans l'affaire de l'lle Avesen 1865,la reine
d'Espagne étantl'arbitre ').C'est ainsi égalementque, lorsqu'un arbitre
chargédechoisirentredeux lignesfrontièreenrecommande unetroisième,
il outrepasse manifestement les limites de son pouvoir2. Ce sont là des
affairesoù ilest clairque les pouvoirs de l'arbitre ont étoutrepassés.
Comme on leverraplusloin, une décisionpeutprendre une formeposi-
tiveou négative.Onpeut déciderd'agir lorsquelecompromis exigeclaire-
ment de ne pas lefairetout comme l'onpeut prendre ladécision de ne pas
agir lorsque le compromis exige clairement que l'on agisse. Dans l'un et
l'autre cas,on esten présenced'une décisionquioutrepasselepouvoir de
l'arbitre et qui conduit ce dernier à sortir, pour ainsi dire, du cadre du
compromis. En pareil cas, on ne peut soutenir que la décision qui en

résulteest valable car elle ne repose pas sur ce fondement du consente-
ment mutuel qui est la condition préalable au pouvoir arbitral. Sans ce
fondement, la sentencene peut se tenir ni être reconnue.

La notionde nullité
Quelques brèves observations liminaires éclairciront la terminologie

adoptée dans cette section car, en matière de nullité,les connotations

'A. de Lapradelleet N. Politis,Recueildes arbitrages internat, ol. II,p. 414.

Voir l'affairede la Northeastern Boundary:Arbitrarionunder the Convention of
September29. 1827,dans laquelle le roi des Pays-Bas, priéde choisirentreles lignes
frontière,a,dansasentencede1831,recommandé unetroisièmeligne(Moore,Interna-
tionalArbitrations,vol. 1,p. 133-136).quelque peu différentesque les divers systèmesjuridiques attachent a
certaines desexpressions utiliséessont parfois source de confusion.
Le droit des contrats, le droit matrimonial et,plus récemment, le droit

administratifsont desdomaines oùles systèmesjuridiques nationaux ont
traditionnellement dû fairedesdistinctionsentre lesrésultatsdetoute une
sériede vices. Laterminologiedu droit international en matière de nullité
a sonorigine dans cesnotions de droitinterne. Lessystèmesde la common
lawetdu droit civildiffèrentpar leurmanièrede classer lessituationsjuri-
diques qui en résultent.
Lesystèmede droit civildistingue au moinstroistypes de statutjuridi-
que résultant d'unvicealors que,généralementparlant, la commonlawse
contente de deux. La signification du mot (4nullité))n'est donc pas iden-
tique dans l'un et l'autre système.En règlegénérale,la terminologie du

droit international semble dans ce domaine s'êtrealignéesur celle du
systèmededroit civil.
Lestrois principaux types de nullitérelevéspar les publicistessont :

i) l'inexistence;
ii) la nullitéabsolue; et
iii) lanullitérésultantdel'annulation parune autoritécompétente '.

Leterme ((inexistence ))n'estpas un terme de commonlaw.La common
lawdistingueentre lesactesqui sont:

i) nuls; et
ii) annulables, c'est-à-dire ceux qui conservent leur validité et produi-
sent des effetsjuridiques tant qu'ils n'ont pas été annulés, par une
autorité compétente, auquel cas la nullité peut produire des effets
rétroactifs.

Lacatégorieiii)du premiergroupeentrerait, en commonlaw,dans celle
des actesannulables et lorsque letermenullitéest utiliséen droit interna-
tional ce peut très bien êtrepour décrirele statut d'un acte qui, pour la
commonlaw,est seulementannulable.
Lorsque le terme nullité ))est utilisédans la présente opinion, il ne le

serapas au sens iii) - c'est-à-direau sensd'annulabilité - carla Cour ne
siègepas enappel nien revision etn'apaspour mission d'invalider unacte
qui par ailleurs serait valide. Elle a a se prononcer sur le statut de la
sentencerendue par leTribunal arbitral.

Quelques mots sont nécessaires pour clarifier la distinction entre les
catégoriesi) et ii)dans la première classification.

VoirR. Y. Jennings,«Nullityand Effectiveness in Internatiol aw», Cambridge
EssaysinInternarionalLaw: Essays inHonourofbrd McNair,1965,p. 65-67.

105 L'acteinexistant n'estpas un acte du tout. Unepersonne n'ayant aucun
pouvoirjudiciaire qui prétendrait rendre une décisionjudiciaire produi-
rait une ((décision))qui pourrait être qualifiée d'inexistante. Enaucun
cas,cetteprétendue (décision » ne peut produire d'effetsjuridiques. Elle

n'ajamais constituéun actejuridique. Si,dans cetteaffaire, iln'yavaitpas
en faiteu de majoritépour ladécisiondu Tribunal au motif que levote du
président étaitviciépar sa déclaration, il y aurait eu inexistence, ce qui
bien entendu n'est pas le cas ici.
D'autre part, onpeut avoiraffaireàune décisionou à un actejuridique
qui,bien que régulierenapparence, est illégalpour un motif sans rapport
aveclarégularitéprocéduralede sacréation.Par exemple, un traité quiva
à l'encontre d'une règledujus cogens,bien que créé en pleine conformité
avec toutes les prescriptions de régularité procédurale, peut néanmoins
être nulpour un motif sans rapport avec ces formalités procédurales.
Comme le fait observerJennings :

«le traité peut remplir toutes les conditions pour être un traité
valide et être nul non parcequ'il lui manque un élémentessentiel
d'un traité validemais parce qu'ilva l'encontre de la règlegénérale
du jus cogens..Un traité quivaà I'encontred'une règledujus cogens
n'a pas cet effet parce qu'illui manque un ingrédient essentiel,mais,
au contraire,précisémentparcequ'il estun traité» (Op.cit.,p.66-67.)

En d'autres termes, un acte qui est nul parce qu'il àI'encontre d'un
principe fondamental ne relève pasde la mêmecatégorie qu'un acte qui
n'ajamais étéun actejuridique.
L'inexistence et la nullité absolue peuvent donc être distinguéebien
qu'elles aient ceci en commun qu'elles sont des nullités dèsle départ et

qu'une déclarationd'un tribunal ou d'une juridiction compétente n'est
pas nécessairepour les priver d'effetsjuridiques.
La présenteaffaire,tellequ'elle a étésoumise àla Cour,reposeunique-
ment sur l'hypothèse quel'acte enquestion, àsavoirla sentence duTribu-
nal, est inexistant ou nul ab initio, et que la Cour n'a pas besoin de
l'invalidermais qu'illuisuffit deledéclarernuldepuisl'origine.Larequé-
rante elle-mêmea soulignéqu'elle ne s'adresse pas à la Cour en tant
qu'instance d'appel ou de revision. Pour cette raison, nous n'avons pas
besoin d'examiner la question de l'annulabilité.
LeSénégaa l avancél'argumentselonlequel,étantdonnéqu'aucun acte
d'annulation n'estrequispour une déclaration de nullité,lerôle dutribu-
nal qui fait une telle déclaration se réduitavaliser de façon purement

mécanique un étatde fait préexistant.Cettethèsedu Sénégalnepeut être
retenue. Lesdéclarationsde nullitéont unesignificationjuridique impor-
tante et la compétencepour faire de telles déclarations dans les circons-
tances appropriéesaccroîtplutôt qu'elle ne diminue le rôle de la Cour en
saqualitéde gardienne du droitinternational etde sesprincipes. En exer-
çant cette compétence, la Cour peut contribuer à donner un caractère
dynamique àcette branche en développementde lajurisprudence inter-nationale et à la façonner d'une manière qui protégera l'intégritéet le
prestige du processusarbitral.

Développemend te la notionde nullité
Ledroit international,quoique étantencore une sciencedans l'enfance,
a faitdesprogrèsremarquables depuisl'époque de Grotius qui, aunstade

trèsprimitifdesonévolution,avaitperçu lanécessité d'investirladécision
arbitrale internationale d'un caractèredéfinitifetd'une validitéincontes-
tée '.Lesfondements de l'arbitrage international devaient alors être soli-
dement posés. Maisledroitne pouvaitdemeurerstatique et aprèsque des
auteurs comme Pufendorf ont ouvert les premièresbrèchesdans le prin-
cipe du caractèredéfinitifde la sentence, la doctrine plus récentea édifié
sur cesbasesune structure de plusen plus adaptée àla diversitédessitua-
tions auxquelles elle doit répondre dans un monde en mutation.
Au fur et à mesure que la théorie du droit se développait, un grand

nombre d'auteurs sont apparus quianalysaient de manièretrèsapprofon-
die lescirconstances dans lesquelles une sentencepouvait êtreconsidérée
comme nulle2. Dès 1873,l'Institut de droit international a adopté un
règlementconcernant la procédure des tribunaux arbitraux. L'article 27
de cerèglementdisposaitqu'une sentencearbitrale estnulle dans certains
cas, notamment en cas d'abus d'autorité.
Cela n'est pas à dire que des voix respectées n'aientpas exprimél'opi-
nion opposée. L'illustre de Martens, par exemple, à la conférence de

La Haye de 1899,a vigoureusementcombattu la possibilitéd'annuler ou
de reviser une sentencearbitrale 3. De même,les conventions de La Haye
de 1899et 1907, dans leurs articles relatifs à l'arbitrage, décrivent les
sentences arbitrales comme définitives et sans appel et n'indiquent pas
de causes de nullité(voir articles 48 et 54 de la convention de 1899et
articles73et 81de la convention de 1907).
Néanmoins,c'estl'opinion selonlaquellelavaliditédessentencesarbi-
trales n'est pasabsoluequi adepuis longtempsprévalu.Dans son rapport
de 1958,la Commission du droitinternational déclare cequi suiten cequi

concerne l'annulation d'une sentence :
«Le rapporteur spécialet la Commission elle-même n'ont pas
adhéré a la doctrine absolue selon laquelle la sentence arbitrale

rionalLaw. publiésous la directionde J.B.Scott,IIp. 823.TheClassicsofZnterna-
Dans son mémoiredéposé en la présenteinstance (par6.3,note de basde page),la
Guinée-Bissau cite toute une séiee publicisteset notamment Balasko, F.Bondil,
E. Borel, F. Castberg,A. El OualP.Guggenheim,W. G. Hertz, M. A. Pierantoni,
G.SalvioliM. Reisman,J.H.W.Verzijl,J.G.WetteretJ.C.Witenberg.Acetteliste,on
peutajouterHall,Oppenheim,Brierly,Hyde, Fauchille,Nys, Heffter,ntschli,Fiore,
Twiss etRolin,entreautres.
Conférencep,. 186.einternationalede la paix, 1899, Procès-verbauxdes séancesde la SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS. WEERAMANTRY) 157

devait être considérée comme définitivem , êmesi elle se révélait
comme moralement inacceptable ou pratiquement inapplicable. »

De nouveaux développements et affinements des motifs de nullité
doiventnécessairementen découleret la Cour seracertainement appelée
àjouer un rôle important endéveloppantlesprincipes quipermettront de
réaliserun véritableéquilibreentreleprincipe qu'une sentence estdéfini-
tive et la reconnaissance, quand il ya lieu,de l'existencede vices.
La nullité d'une sentencerendue en l'absence de compétence est de
plus un principe bien acceptédans les systèmesjuridiques internes. En
commonlaw,l'un des textesclassiques sur le caractère définitif desjuge-

ments et des sentencesdéclare :
«il est clairementétabliquelorsqu'un tribunal arbitral outrepasse la

compétencedont il a été investi par la conventiondes parties, par la
décisiondu tribunal ou par la loi, sa sentence,loin d'avoir l'autorité
de la chose jugée, estconsidéréecomme frappée de nullité absolue
soit dans satotalité,soiten partie, selon le cas*.

Dans les systèmesde droit civil, le principe selon lequel un arbitre ne
peut outrepasser son autorité est consacré depuis longtemps puisqu'il
remonte a l'adage romain arbiter nihilextra compromissumfacerepotest.
Leprincipe qui veut que lesarbitres nepeuventoutrepasserleurspouvoirs
et trancher des points qui ne leur ont pas été véritablement soumisa été
adoptétrèstôt en droit international 3.

Excèsdepouvoir etinfra petita

La doctrine s'est continuellement développée depuis sa formulation
par les premiers publicistes tels que Vattelop.cil),en particulier sous la
rubrique de l'excèsde pouvoir, et de nombreuses affaires ont constitué
autour d'elle une jurisprudence considérable. Il suffit de consulter des
traités comme celui de Verzij14,pour voir qu'au cours de l'histoire les

grandes affaires où l'excès de pouvoir a étéinvoquéont été nombreuses.
Dans la catégoriedesexcèsde pouvoir,onentendpar décision infrapetita
le cas où un tribunal est alléa l'encontre du compromis en n'examinant
pas les problèmesqu'il était requisde trancher.
L'excèsde pouvoir estl'undes motifs de nullitélesplusinvoquésetl'un
des domaines dans lesquels le droit de l'arbitrage continuera d'être
confronté à des défiset devraêtre développéB .ien que les Parties,toutes

'Annuairede la Commissiondu droit international, 1958,vol. 2,p. 11.
Vattel, Le droit des gens, 1758(par.329), dans The CIassicsof International Law,
publiésous la directiondeJ.B.Scott,CarnegieInstitutionof Washington,1916,vol. 3,
p.224.
J.H.W.Verzijl,op. cil,p. 577. SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS. WEERAMANTRY) 158

deux des pays de droit civil, aient préféré présenter leurs argumentsau
titre de l'excèsde pouvoir,desnotionsanalogues de nullitétotale existent
dans lajurisprudence d'autres systèmesjuridiques, y compris la common
law, où la notion d'acte ultra viresa récemment été considérablement
développéedans le contexte du droit administratif1 et du droit arbitral 2.
En droit islamique, de même,une notion de nullité analogue existait en
vertu du principe, largement reconnu, de légitimité.Selon ce principe,
tous actes,procédures, dispositions et décisionsdéfinitivesdes autorités

publiques, àquelque niveau que ce soit, étaient tenus pour non valables
et juridiquement non obligatoires a l'égarddes intéresséss'ilsn'étaient
pas conformes à la loi3.La notion fondamentale selon laquelle un acte
accomplisans le pouvoir nécessaireest nul est donc largementreconnue
dans les systèmesjuridiques du monde entier.
En l'espèce,la doctrine enmatièrede décisions infrapetitadéfinit peut-
être plus exactement encore le principe en question, car le Tribunal a
manqué d'exercerla fonction qu'ilaurait dû remplir et ade la sorte agi de

la façon dont il n'avait pas le droit d'agir.

La nullitéest-elle automatiqueou est-ellesubordonnée à l'existence d'un
tribunal compéten ptourla déclarer?

L'étape suivantede l'examen porte sur la question de savoir si cette
nullitéest limitéeaux cas où il existe un tribunal ayant la compétence
nécessairepour la prononcer ou si la nullitéest automatique et d'effet

instantané, mêmeen l'absence de tribunal compétent pour la déclarer
telle.
Ce dernier point de vue ne va pas sans difficultés. Une conséquence
logique de l'acceptation de la nullitéde plein droit est qu'elle donne aux
parties mécontentesun moyenjuridique leurpermettant de refuserunila-
téralement toute validité à une sentence qui ne leur convient pas. Les
parties peuvent ainsi devenir juges de leur propre cause, ce qui risque en
théoriedeporter gravementatteinte au caractère définitifqui doit s'atta-

cher aux sentencesarbitrales.
Cettedifficultéa étéanalyséepar sirHerschLauterpacht qui, en 1928 4,
a fait observer qu'elle résultede la coexistence de trois règlesdu droit
international, dont chacune,prise individuellement,sembleêtreintrinsè-
quement saine.

'Voir H.W. R.Wade,AdministrativeLaw, 1988,p. 39-48.
M. J. Mustill et S. C. Boyd, CommercialArbitration, 1989, p. 554-555. Dans cet
ouvrage,les auteursfontvaloir que l'inobservationde certainesconditionsessentielles
constitueunviceflagrantquipeut invaliderunesentence.Parmicesconditions,ilsindi-
quent la suivan:«la sentencedoit êteomplèteenceciqu'ellecontientunedécision
sur0.eA.al-Saleh,«The Rightsof the Individualto Persona1Securityin Islam», dans
M.C. Bassiouni, TheIslamicCriminalJusticeSystem, 1982,p. 85.
«The Legal Remedy inCase of Excessof Jurisdiction», BYBIL,1928,p. 118. SENTENCEARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 159

Il énumèrecestrois règles commesuit :

a) L'arbitre estcompétentpour interpréter l'instrument qui lui confère
compétence,c'est-à-dire,virtuellement, pour déterminer l'étenduede
sacompétence.
b) Cefaisant, ilne doit pas méconnaîtrelecompromispar lequel letribu-
nal aété créé.
c) En raison des déficiences de l'organisation judiciaire de la commu-
nauté internationale et de l'absence de tribunal approprié, aucune
sanction ne s'attache à la méconnaissance du second principe, en

conséquencede quoi, en règlegénérale,les sentences des tribunaux
arbitrauxsontdéfinitivesetsansappel.
Bien que chacune de ces règles,prises individuellement,soit apparem-
ment saine, leur combinaison produit des conflits qui, comme le fait
observerLauterpacht, portent gravementatteinte au créditdetoute I'insti-

tution de l'arbitrage international. Lauterpachtnote quelapossibilitéque
la partie ayantsuccombén'obéissepas àunesentencequi lui estcontraire
expose un principejuridique sain
«à l'inefficacitéjuridique eàdesabus, dans lamesureoù ellepermet
de présentersousl'apparence de lalégalitéune dispositionessentiel-
lementcontraire au droit » (op.ci?.).

Il poursuit toutefois en relevant qu'il est facile d'y porter remède par
l'exerciced'une fonctionsimple etstrictementjudiciaire etque l'existence
d'un tribunal judiciaire compétent pour déterminer si l'arbitre a outre-
passé son mandat peut être une solution. Ce tribunal judiciaire existe,
déclare-t-il,ils'agitde la Cour permanente de Justiceinternationale «qui
est qualifiée au premier chef pour trancher des questions juridiques

touchant l'interprétation destraitésD.
Lamajorité desauteurs réfutel'opinion selonlaquelleune sentence est
obligatoire en l'absence d'un tribunal compétentpour l'annuler. Ainsi,
J. L.Brierly'décrit cetteopinion comme une «thèse stupéfiante»et fait
observerqu'une telle interprétationne semblepas êtrevenue àl'idéede la
plupart des auteurs qui ont écrit surle sujetdes sentencesdepuis I'adop-
tion des conventions de La Haye. Il cite notamment Hall, Oppenheim,
Fauchille et Nys. Parmi ceux-ci,Hall déclare :

Unedécisionarbitralepeut êtreécartéd eans lescassuivants par
exemple lorsqu'il est clair que le tribunal a excédéles pouvoirs que
lui conféraitle compromis ..»

*Telleau'elleaétexoriméeDarA.deLaoradelledanslaRevuededroit international.
1928,io5:p. 5-64.
W. E. Hall, International Law, 8eéd. (sousla directionde PearceHiggins), 1924,
p. 420.et Oppenheim :
«il estévident qu'unesentencearbitrale n'estobligatoire qu'à condi-

tion que les arbitres se soient à tout point de vue acquittésde leur
devoir entant qu'arbitres ...S'ilsont étécorrompus ou n'ont pas suivi
leurs instructions ...la sentencen'aura pas la moindre force obliga-
toire.>)'
Parmi leséminents publicistesqui estiment que lorsque les arbitres ont
agisansautoritéleur sentence ne sera d'aucun poids, on peut citer Vattel
et Phillimore 3.
Brierly fait observer que bien qu'ail ne soit pas souhaitable que I'Etat

plaignant prenne sur lui de trancher par lui-mêmela question de la nul-
lité,et bien qu'en pareil cas des Etats aient parfois conclu des accords en
vue d'une nouvelle soumission à l'arbitrage» (par exemple dans l'affaire
de 1'OrinocoSteamship Co.),«il n'est pas justifiéen droit de dire qu'en
I'absence d'une telle soumission ...1'Etatplaignant est sans recours ..»
De plus, bien que laconférencede La Haye,incapable de proposer une
procéduresatisfaisante pour trancher les questions de nullité,ait préféré
ne rien dire du fond du droit de la nullité, le rapport du cheva-
lierDescamps montre qu'elle espéraitque lorsque la Cour permanente
d'arbitrage viendrait à êtreétablie,les Etats l'utiliseraient pour statuer sur
les allégationsde nullité.
Bienque le principe de la nullitéabsolue puisse êtresourced'inconvé-
nients et de difficultés pratiques, il n'existe ainsi aucune difficultéthéo-
rique qui empêchede l'accepter en tant que concept, mêmeen l'absence
d'un tribunal compétentpour faire la déclarationnécessaire.
11serait difficile pour un pays de prendre unilatéralement la responsa-
bilitéde faire fi d'un arbitrageinternational solennel et d'agir au mépris
de la présomptionde validitéqui s'attache à lasentence arbitrale. Comme

Brierly faitobserver:
«Le fait que l'appréciation d'une cause de nullitéest laisséeà
1'Etataffectén'estpasen pratique un défautaussi grave qu'ilsemble
l'êtreen principe. Il n'estpas facilepour un Etat de refuserd'exécuter
une sentence au motif qu'elle estnulle,et lescas où les Etats l'ontfait
sont rares.»

Dans la présente affaire, la Guinée-Bissau a trèslégitimementvoulu
obtenir une déclarationfaisant autoritéde ce qu'elledéclareêtre la situa-
tion juridique et elle n'a pas choisi d'agir unilatéralement ensefondant
sur sa propre opinion.
On peut aussi citer dans ce contexte l'opinion individuelle de

L.Oppenheim,InternationalLaw,4eéd.,vol. II,p.27-28.
Op.cit.,p.223-224.
3 Op.ci!.,p. 116.,CommentariesuponInternationalLaw,3eéd.,vol. 3 118851,p.3.M.Winiarski dans l'affairede l'EffetdejugementsduTribunaladministra-
tifdes NationsUniesaccordantindemnité(C.1.JR .ecueil1954,p. 65).Cette
opinion, qui a été qualifiée d'opinion traditionnelle, était la suivante

«Une sentence arbitrale, qui est toujours définitiveet sans appel,
peut être entachéede nullité;dans ce cas la partie à l'arbitrage est
justifiéedans son refus de l'exécuter.Ceci n'estpas une règlepropre
au seul arbitrageordinaireentreEtats; c'estuneapplication naturelle
et inévitabledu principe généralde tout droit: non seulement un

arrêt,mais aucun acte ne peut produire d'effetslégauxs'ilestjuridi-
quement nul. » ]
Il ne semble donc yavoir aucune difficultélogique àce qu'un tribunal
déclarequ'un étatde nullitéa existéavantsadéclaration. Une telle décla-
ration, faite dans des circonstances appropriées par un tribunal ayant la

compétence nécessaire, contribuerait mêmepuissamment à garantir
l'intégrité dl'arbitrage international.

L'absencederéponse à lasecondequestiona-t-ellefait l'objetd'unedécisio?
LeTribunala estiméqu'il n'avait pas à répondre à la secondequestion.
Illedit au paragraphe 87de lasentence de manièreextrêmementconcise :

«En tenant comptedes conclusionsci-dessusauxquelles le Tribu-
nal est parvenu et du libelléde l'article2 du compromis arbitral, la
deuxième question, de l'avisdu Tribunal, n'appelle pas une réponse
de sa part.»(Les italiquessont de moi.)

Ceciconstitue-t-il une décision?LeTribunal s'est-ilsans ypenser laissé
allerà l'inaction ou bien a-t-ilpris une décision réfléchiede ne pas agir?
Par définition, une décisionest le processus consistant à arrêter son
opinion.Onparvient par ceprocessus à uneconclusionquipeut êtreoune
pas êtreexprimée formellementou non.

Dans l'avisconsultatifqu'elle a rendu sur la Demandederéformation du
jugementno 158du TribunaladministratifdesNations Unies(C.Z.JR . ecueil
1973,p. 166),la Coura traitéde la question de savoir sile fait qu'un tribu-
nal aitomisd'exercer sajuridiction à propos d'une certaine demande qui
lui avait étprésentéeconstituaitunedécision.LaCour ajugé(p. 193)que
le critère étaitde savoir si le Tribunal avaitfait porter sa réflexionsur les
bases de la demande et qu'on ne saurait recourir aux critères purement
formels qui consistent à s'assurer qu'elle figure nommément dans les
motifs du-jugement.
La question de l'omission d'exercer la juridiction a été à nouveau
portée devantlaCourdans l'affairede la Demandederéformation dujuge-

W.Michael Reisman,Nullityand Revision:TheReviewand EnforcementofZnterna-
tionalJudgmentsandAwards,1971,p.423.

112ment nO333 du Tribunaladministratifdes Nations Unies(C.I.J. Recueil
1987,p. 18)où, mêmeen l'absence d'une décision expresse rejetant ou
acceptant spécifiquementlathèsepertinente, la Cour ajugéque leTribu-
nal avaitnettementdécidé,encorequ'implicitement (p. 45).Cequi comp-
tait, c'étaitde savoir sie Tribunal avaitfait porter sa réflexion» sur les
éléments qui sous-tendaient cette thèse et en avait «tiré ses propres
conclusions »(p. 44).
Il semble donc incontestable qu'il y a eu en l'espèceun processus de
décisionconscient,quelque abrupt qu'ait pu êtrelelangageutilisépour le

décrire. Le Tribunal a réfléchi à deux facteurs - les conclusions
auxquelles ilétaitdéjàparvenu et lelibelléde l'article 2. Il a examinéleur
effetréciproque. Ils'estforméuneopinion. Ila décidé qu'il netrancherait
pas le problème soulevé à la seconde question. Il est parvenuà une déci-
sion.
L'absence de motifs très amples ne change pas le fait qu'ily a bien eu
décision.Qu'elle fût mûrement réfléchie ou mal avisée, la décisiondu
Tribunal de ne pas répondre àune question importante qui lui étaitposée
- la décisionde ne pas agir - étaittoutautantune décision que l'aurait
été la décisionopposée.
Cettedécisionavaitdesconséquencesconsidérables,cartant lesParties
que le Tribunal savaient que les différendsrelatifsà la zone économique
exclusive et à la zone de pêche représentaientune part essentielle des
questions en litige entre les Parties. Les différends subsisteraient avec

autant d'acuitési l'arbitrage les laissait sans solution. Ainsi, la décision
n'étaitpas une décisionuniquement au sensformel ou sémantique,mais
une décisionquiavait des conséquencespratiques graves. La décisionde
ne pasrépondre àla secondequestionn'étaitpas seulementunedécision :
c'étaitune décisioncapitale.

Unedécisionnégativ peut constituerunexcèsdepouvoir
Pour citerCarlston, «le Tribunal ...tient son existence et sa vitalitédu

compromis. Le respect de son acte constitutif est sa principale règlede
conduite. >)'En conséquence,le compromisdevient le point de référence
constant pour le ~ribunal surtoute question concernant sespouvoirs, ses
obligations et sa compétence.
En l'espèce,nous sommes en présence d'un compromis qui invite les
arbitresà résoudreun certaindifférend.Ilcirconscritpour eux ledomaine
dans lequelleur décision est requise. Sonobjet et son but sont clairs. Les
Parties au compromisont confié au Tribunal lerèglementde la totalitéde
leur différend.Lestermes du compromissont ainsi libellés qu'ilsautori-
sent les Parties attendre une sentencequi règlerace problèmegênantde
manière définitive.Pourl'essentiel, lerésultatfait clairementressortir un
conflitentre la démarcheenvisagéedans lecompromis etcellechoisiepar
le Tribunal.

1K. S.Carlston, TheProcessof InternationalArbitration, 1946,p. 64.

113 SENTENCEARBITRALE (OP.DISS. WEERAMANTRY) 163

Le Sénégala argué devant nous (audience publique du 5 avril 1991,
CR91/4, p. 60-61)que loin de constituerun excèsde pouvoir, lefait de ne
pas agir représente le non-exercice d'un pouvoir qui a étéconféréet
qu'«une omission est l'opposémêmed'une usurpation ».
Cettethèsenesauraitêtreaccueillie.Lefait négatifque constitue I'inac-
tion découled'une décisionpositive etdénoteune telledécision.Lesdéci-
sions positives sont justiciables des principes de l'excès de pouvoir;
ceux-ci ne sont pas écartésni privésde pertinence pour la seule raison
qu'une décisionest une décisionde ne pas agir.
Cette conclusion est confirméetant par les plus éminentsjuristes que
par la doctrine analytique la plus récente. Balasko énumèrecomme suit
les catégoriesd'excèsde pouvoir en droit international public:

«Il est bien entendu que l'excèsde pouvoir du tribunal peut être
commisnon seulementpar action, mais par omission,par inaction,par
abstention,par manquement aux règlesprescrites dans lecompromis
ou par lanature et lebut de lafonctionjuridictionnelle. Ainsiletribu-
naldoitjuger toutpointprévuaucompromis.fût-il d'avis qu'iln'ya pas

lieu de l'examiner.»'
Unedécisionnégativeentre donc à l'évidencedans lescatégoriesde déci-
sions auxquelles lesprincipes de l'excèsde pouvoir sont applicables.

Pourciter un traitétrèscompletsur lanullitéetla revision dessentences
internationales :

«Il n'estguèredouteux que la compétencede revision s'étend aux
décisionsnégatives :une décisionsoitde déclinerd'embléelacompé-
tence (pour incompétence,irrecevabilitéoudéfaut «d'intérêltégal»)
soit de débouterpour des motifs defond. En termes d'allocation de
valeurs, cesdécisionsne peuventêtredistinguéesdesdécisionsposi-
tives;leurs motifs peuvent donc tout aussi bien être annulés. e fait,
dans lesaffaires deI'Orinocoetdesarbitrages de la Commissionmixte
de Caracas,les décisionsont étéannulées parce qu'elles décidaient
trop peu, et dans le cas de certaines demandes, rien du tout.
Du point de vue des principes, il n'ya pasà distinguer entre déci-
sions positives et décisionsnégatives.Les conditions qui nécessitent
une revision peuvent exister pour les unes comme pour les
autres..» *

Des problèmestels que celui-cis'éclairentbeaucoup grâceauxidéesde
la doctrine analytique moderne, en particulier dans le domaine des
recherchessurla sémantique de lalanguejuridique. Des étudestelles que
celle de Julius Stone3 ont montré comment des formulations verbales

Reisman,op. cit.,p. 441-442.s italiques sontde moi.
3Legal Systernand Lawyers'Reasonings, 1964,p. 241etsuiv. SENTENCEARBITRALE(OP. DISS. WEERAMANTRY) 164

différentesde la mêmequestion aboutissent à des réponses juridiques
différentession laissela forme de laquestion prendre lepassursa signifi-

cation profonde. En l'occurrence, on ne se demande pas si le Tribunal a
agi de façon positive ou s'iln'a pas agi mais sila décisionqu'ila prise est
une décisionqu'il avait ou non le droit de prendre. Faisant suite aux
travaux d'éminents juristesde traditions tant decommonlawque de droit
civil, ces recherches sur le sens soulignent l'importance du référent
occultéderrièreles mots par rapport aux mots eux-mêmes.
La thèse selon laquelle une décisionde ne pas agir ne peut constituer
une usurpation de pouvoir est à l'évidenceindéfendable. La question
essentielleàtrancher n'estpas de savoir s'ily a euaction ou inaction mais
si lavoie suivie, qu'ellesoit positive ou négative,étaitsipeu conforme au
compromis qu'elle constituait un manquement grave à celui-ci.
Dans son étudeconsacrée à la nullité,Reisman développece point de

vue lorsqu'ildéclare :
«La non-décision est simplement une manière différente de
formuler une décisionde fond. Une décision - une allocation de
valeurs déterminante - peut à I'évidence êtreprésentéesous

diverses formes. Toutefois, une fois qu'une instance organisée aété
saisie d'une question, elle ne peut échapper une décision.Le point
ultime de son comportement, quelles qu'en soient l'intention et la
forme manifestes, aura des conséquencessur leplan des valeurs ..En
particulier, les étudiants devraient examiner l'ensemble des effets
causéspar laprésentationd'unedécisionde fond sous laforme d'une
non-décision ...
Les «décisions refusant de décider» - ou «non-décisions» -
sont de véritables décisions, quelleque soit la manière dont on les
qualifie..»(Op.cit.,p. 625-626.)

La décisionde ne pas répondre àla seconde question signifiait que le
Tribunal se soustrayait de son propre chef à une part importante de la
tâche qui lui était confiéepar le compromis. Elle constituait un manque-
ment à ses termes, à son contexte et à son objet. Elle étaitégalement
contraire a l'objectif principal de l'arbitrage en général,qui est de régler
lesdifférends,carellelaissait lesdifférendsentre les Parties encore moins

résolusqu'auparavant. Ce n'étaitpoint une décisionque leTribunal avait
le droit de prendre en vertu du compromis définissantses pouvoirs.

Labsence ou l'insuffisancede motiJs

La nécessitéde motiver une sentencearbitrale est bien sûr évidente,car
elle ôtetoute apparence d'arbitraire àla décisiondu Tribunal. C'estune
règleétabliede longue date et respectée.
L'article31 du modèle de règlessur la procédure arbitrale adoptéen
1958par la Commission du droit international dispose: «La sentence
arbitraledoit êtremotivéesurtous lespoints. » Il est arrivéque dans certaines grandes affaires d'arbitrage internatio-
nal les sentences n'aient pas étémotivées,comme par exemple dans
l'affaire Portendick (1843) entre la France et la Grande-Bretagne dans
laquellel'arbitre étaitleroi de Prusse.Toutefois,cettesentence,non moti-
vée,a immédiatement suscitéles critiques de publicistes éminents,alors
mêmeque l'évolutiondu droit international de l'arbitrage n'en étaitqu'à
sesdébuts.Lasentencerendue dans l'affaire Portendickaétécritiquée par
Fauchille ',et lorsqu'en 1897le président Cleveland n'a pas motivésa
sentence dans l'affaire Cerruti opposant la Colombie et l'Italie, il s'est
attiréles critiques de Darras2.
Scelle,l'éminentrapporteur spécialde laCommissiondu droitinterna-

tional, rappelle dans son rapport la règleselonlaquelleune sentencedoit
êtremotivée.En qualifiant ces règlesde ((chosesacquises et passées en
((force dedroit »,il a ajouté:

«Ilparaît sansintérêtd'insistersurdespointshors de contestation
etsuffisant de soulignerla clause de lamotivation.Unesentencenon
motivée n'estpas une sentence, mais une simple opinion. »

Dans l'affaire de la Sentence arbitrale renduepar le roi d'Espagne,l'un
des motifs de nullité invoquésparle Nicaragua étaitque l'arbitre n'avait
pas suffisamment motivésesconclusions. La Cour a toutefois considéré
que lasentencetraitait enordrelogique etavecquelquedétaildetoutes les
considérations pertinentes et que les conclusions de l'arbitre étaient fon-
déessurunraisonnement etdesexplicationssuffisants. Legrief a donc été
jugésans fondement.

Dans la présente affaire, le Tribunal a exposé de manière plutôt
succincte les facteurs qui l'ont amené à prendre sa décision de ne pas
répondre à la seconde question. 11n'a donné aucun motif en ce qui
concerne sa décisionde ne pas annexer de carte, secontentant d'une réfé-
rence à sa décisionde ne pas répondre àla seconde question.
Cela ne semblepas satisfaisant. Mais il ne s'ensuit pas que cescircons-
tances, en elles-mêmes,soient suffisantes pour fonder une décision de
nullité. Pour succinctement qu'il l'ait fait, le Tribunal a bien exposé
certainsmotifs de sadécisionetiln'estpasnécessaired'examiner laques-
tionplusavant,puisque d'autres motifsexistent pour conclure àlanullité.
Toutefois, il est espérer,dans l'intérêd t'une pratique arbitrale correcte,
que des motivationsinadéquates de ce genre ne seront pas considérées a
l'avenir comme des bases suffisantes sur lesquelles fonder des éléments
importants d'une sentence.

' Note doctrinale dansde Lapradelleet Politis,Recueildesarbitragesinternationaux,
vol. 1,p. 543-544.
Revuegénéraldee droitinternationalpublic,1899,vol.6,p. 547.
Scelle, Yearbook ofthe International LawCommission,1950,vol. II, A/CN.4/18,
21 mars1950,p. 139.Leprincipede la compétencede la compétence

Il a été soutenu enl'espèce que les questions d'interprétation du
compromis relevaient du Tribunal lui-mêmeet que lui seul étaitjuge de
ses pouvoirs et de sa compétence. Le principe invoqué est celui de la
com~étencede la com~étence.
Ce principe, qui est en conflitavecl'adage extra compromissumarbiter
nihilfacere potest1, est apparu tôt dans le développement de l'arbitrage

international en tant qu'attribut nécessairede l'indépendance des arbi-
tres. Bien que ces derniers fussent nomméspar les parties adverses, il
fallait qu'ils se départissent de toute apparence de dépendance à l'égard
de leurs mandants relativement aux questions concernant la portée de
leurs pouvoirs d'arbitres. Tout différend quant à l'interprétation de la
clause attribuant compétence aux arbitres était donc considéré comme
relevant entièrementde leurs attributions, et ceà juste titre.
La règlede la compétencede la compétence,aujourd'hui bien établie
en droit international, est consacréeà l'article 6, paragraphe 6, du Statut

de la Cour et à l'article 1Odu modèlede règlessur la procédure arbitrale
(1958)adoptépar la Commissiondu droit international2.
Cette règlea étéclairementénoncéepar la Cour permanente de Justice
internationale dansson avisconsultatifrelatif à l'Interprétationdel'accord
gréco-turcdu Ierdécembre1926:

«il est clair- en tenant compte notamment du principe suivant
lequel, enrèglegénérale,tout organepossédant despouvoirsjuridic-
tionnels a le droit de se prononcer en premier lieu lui-mêmesur
l'étenduede ses attributions dans ce domaine - que les questions
touchant l'étenduede lajuridiction de la commission mixte doivent
être résolues par la commission elle-même sans que l'intervention
d'une autre instance quelconque soit nécessaire)). (C.P.J.I.sérieB
no16,p. 20.)

Ilexistepourtant deslimites à ceprincipe,comme leSénégall'asijuste-
ment reconnu au paragraphe 64 de son contre-mémoire en la présente
instance :

((11est toutefois vrai, et l'on doit suivre la Partie adverse sur ce
point, que la compétencede la compétence d'un tribunal n'est pas
illimitée:un tribunal ne saurait en effet usurper des pouvoirs qui,
manifestement, ne ressortent pas du texte du titre de compétence
interprété àla lumière des principes pertinents du droit internatio-
nal. L'excèsde pouvoirs ainsi commis par le tribunal peut entraîner

la nullitétotaleou partielle de sa décision.>

Jennings,op.cit.,p. 83-84.
Voir aussi JH. Ralston, International ArbitralLaw and Procedure,1910,p. 21
etsuiv.etC.Rousseau,Droitinternationalpublic,vol.V: Lesrapportsconflictuels,1983,
n0311,p. 323. L'undesouvragesclassiques sur l'arbitrageinternationa'expliqueque
leprincipe ne s'appliquerait pasune sentencedécoulant de l'exercicede
pouvoirs qu'à l'évidenceaucun processus légitimed'interprétation du
compromis ne pourrait justifier. II ne s'appliquerait pas non plus s'il
pouvait être démontré par exemplequele tribunal ne s'estpas attaché à
examiner la question sur laquelle reposait sa compétence. Les auteurs
concluent :
«La règleselonlaquelleuntribunal a compétencepour déciderde
sacompétencene signifie donc pas quesadécisionestfinale. Iln'ya
pas de conflitentre lesdeuxrègles;lapremièrerègledoitêtreluesous
réservede la seconde. Des difficultésse posent en pratique non à
cause du prétendu conflit entre les deux règles maisde l'absence de

moyens généralement reconnusde déterminer objectivement si la
conduite du tribunal a étételle qu'elle justifie l'application de la
seconde règle.»*
Cesconsidérationstouchent au cŒurmêmedu compromis.Quelétaitle
problèmesoumisau Tribunal pour décision ?Etait-ce l'ensembledu diffé-
rend maritime ou une partie seulement de celui-ci? En n'examinant
qu'une partie de la question et en en laissant une grande partie sans
réponse,leTribunal a-t-ilagiconformément à l'objet etau but ducompro-
mis? Ces auestions touchent clairement aux fondements mêmesdu
pouvoir duA~ribunal. Une décision qui, manifestement, outrepasse le
pouvoir conférépar l'article2 n'estpas, àmon avis, rachetéepar le prin-
cipe de la compétencede la compétence.

Leprincipede laséparabilité

L'examen qui précèdea conduit à la conclusion que la sentence est si
fondamentalement viciée qu'elle estnulle. Toutefois, une question doit
encoreêtreexaminéec ,elledesavoirsicettenullités'applique seulementà
la décisionde nepas délimiterlazoneéconomiqueexclusiveet la zone de
pêcheousielles'applique aussi à ladécisionrelativeauxtroiszones que le
Tribunala effectivementdélimitées.
II y a plus d'une raison pour laquelle tout doit êtremis en Œuvrepour
préserver l'intégritéde cette dernière décision. En premier lieu, elle
rentrait dans l'objet du différend soumisau Tribunal pour décisionet,du
point de vue de la compétence formelle, n'était pasviciéepar le grief
d'excèsde pouvoir. En second lieu,dans l'intérêtde mettrefin au procès,
l'on peut faire valoir que la décision règletout au moins certains des
points litigieux et, pour ainsi dire, fait place nette pour les futures déci-
sions concernant les problèmes qui demeurent. En troisièmelieu,lajuri-
diction qui prononce la nullitéa l'obligation de limiter au minimum la
portée decettenullité.

'J.L.Simpsonet HazelFox, InternationalArbitrLawandPractice,1959,p.252.
Ibid.;voiraussi Lauterpacht,op.cit.,p. 117.

118 SENTENCEARBITRALE (OP. DISSWEERAMANTRY) 168

Ce sont là des arguments de poidsquiconduiraient la Cour à confirmer
la décisiondu Tribunal concernant la mer territoriale, la zone contiguë et
le plateau continental.
Pourtant, il estun principe prééminentqui empêchela Courdedonner
effetauxconsidérationsqu'on vientdementionner: aucune despartiesne
doit subir un préjudice gravedu fait qu'ila étédécidé àtortdene rendre
qu'un jugement partiel. S'ilest vrai qu'une juridiction doit s'efforcer de
confirmer les décisions prises conformémentaux pouvoirs formels du
tribunal, un tel résultatne doit pas être obtenu au prix d'un préjudice
substantiel aux intérêtsque les parties avaient soumis àla décisiondu
tribunal.
Leprincipe de la séparabilitéestla cléqui permet de décidercetteques-
tion du préjudice.Les questions déjàtranchéespeuvent-elles êtresépa-
réesde celles qui attendent une décisionsans causer un préjudiceaux
intérêtsd'une partie ou de l'autre? Les problèmes en cause sont-ils si
intrinsèquement interdépendants que la réponse connue, en influant

nettement sur l'élémenitnconnu, empêcherade le déterminerlibrement?
Si tel est le cas, cette tentative de «sauvetage» de la solution partielle
devient inacceptable et difficileconcilieravec les principes dejustice et
d'équitéO. n pourrait alors dire que la décisionvenir a été,ntoutou en
partie,prédéterminée par la première.
Certes, on peut aussiimaginer lecasd'un différenddont l'essentielaété
réglémais dont certainsdétailssans conséquence restenten suspens,alors
mêmeque sesdiversaspects sont liés. Ilneseraitpas justifié,en pareil cas,
de traiter une omission mineure comme invalidant l'ensemble de la déci-
sion. Mais, dans l'affairequi nous estsoumise,tel n'estévidemmentpas le
cas.
Il est aussi des affaires, y compris de différends frontaliers,dans
lesquellesles diversélémentd se l'ensemblede laquestion en litigepeuvent
êtretraités comme desproblème ss parésetdistincts,auxquelslesréponses
qu'on apporte valent indépendammentles unes des autres. Dans de telles
affaires, lesparties du différendsur lesquellesil a régulièrementstatué
conservent leur intégrité alors mêm que lesconclusions auxquelleson est

parvenu sur d'autres parties sont contestées ou inexistantes. Telle étailta
situationqui existaitdans lesaffairesdel'Argentine-ChilFrontierAwardde
1902etde 1'OrinocoSteamshipCo.de 1910 '.Dansla première,une partie de
la frontière entre deux postes frontièredevait faire l'objet d'une nouvelle
délimitation alorsque les conclusions concernant le restede la frontière
pouvaient demeurer intactes. Dans la deuxième, unesériede demandes
séparablesetdistinctes pouvaient êtrejugéesséparémentsansque les déci-
sions lesconcernant respectivement soient liéesentre elles.
Si,en revanche, les différents élémentqsui composent le différendsont
inextricablement liés, il devient difficile de vouloir maintenir une

'Recueildessentencesarbitrales,vol. 16,petibid.,vol. 11,p.238.sentence partielle. Une solution consisteraità examiner les aspects pra-
tiques du processus de décision ultérieur.En présence d'une ligne déjà

tracéeetinaltérable,lesecond tribunal serait-ilaussilibre qu'ill'aurait été,
en l'absence d'une telle ligne, de prendre en considération tous les faits
pertinents etde rendre une décisionéquitabledélimitantlazoneéconomi-
que exclusive et la zone de pêche?Tous les facteurs liésaux différentes
zones constituent-ilsun groupe composite àl'intérieur duquel leur inter-
action subtile est impossible si les zones sont compartimentées et délimi-
téesséparément?Si l'effet global de cette solution est d'empêcher un
règlementlibre et sans entrave de ce qui reste du différend, la facultéde
maintenir la décisionexistante disparaît.
Il va sans dire que la tâche consistantàdélimiterles frontières mari-

times aussiimportantes que celles de la zoneéconomique exclusiveet de
lazone de pêcheestun équilibresubtilquifaitintervenir une multitude de
facteurs - géologiques, géomorphologiques, écologiqueset économi-
ques, entre autres - qui doivent être pris en considération.II faut tenir
compte de circonstancesspécialescomme laprésenced'îles,de rochers et
d'irrégularitésdu littoral. Lesprincipes naissants du droit et de l'équité
judicieusement adaptés aux exigences de l'espèce,doivent êtreappliqués
avec doigté.Cen'est qu'ainsi que l'on peut parvenirà un résultatjuste et
équitable.Leslienspossibles sont trop nombreux pour pouvoir êtreenvi-
sagésou précisés àl'avance.
A ce propos, nous devonsnous rappeler que :

« La règlefondamentale du droitinternational généralrégissant la
matièredesdélimitationsmaritimes ..exigeque la ligne de délimita-
tion soit établie en appliquant à cette opération des critères équi-
tables,et ceci en vue de parveniràun résultat équitable.»(Délimita-
tion de la frontière maritimedans la régiondu golfe du Maine,
C.I.J.Recueil1984,p. 339,par. 230.)

Loin d'avoir unecombinaisoncomplexed'élémentsde décisionseconju-
guant pour parvenir à un résultat harmonieux et équitable,le deuxième
tribunal devrafonctionner àl'intérieurdu carcanqueluiimposeune ligne
de démarcation fixeet inaltérablede la mer territoriale, de la zone conti-
guë etdu plateau continental.Pour cesraisons,la Cour nepeut pas raison-
nablement être certaineque le processus fragmentaire qui se substituera
au processus composite que les Parties avaient à l'esprit ne portera pas

préjudice aux intérêtd se la Guinée-Bissau.
Cepréjudiceest-ilsubstantiel oupouvons-nous lenégligerdans lesouci
de «sauver»lapartie dela frontièrequiadéjàété déterminée?D'un point
de vue pratique, ilestdifficilementcontestable que lesrichesses de la mer
dans dessecteursaussi importants quelazoneéconomique exclusiveet la
zone de pêche constituent des ressources d'une importance tout à fait

VoirP.Bravender-Coyle,((TheEmergingLegalPrinciplesand EquitableCriteria
Governingthe Delimitationof Maritime Boundaries between Sta» [1988],Ocean
Developmentand InternationLaw, no19,p. 171-227.

120vitale pourtout pays, qu'ilsoitdéveloppéouen développement.Ladéter-
mination de la frontièresur labase de contraintes ainsi préétablies cause-

rait manifestement un préjudicetrop grand pour êtrenégligé dans lesouci
de sauvegarder lasentence. IIconvient d'ailleurs de noteràcepropos que
les richesses que renferment les eaux de la zone économiqueexclusive et
de la zone de pêche constituentpour les deux Parties à ce différend une
proportion bien plus grande de leur patrimoine national total que celle
représentéepar les zones maritimes constestées,par exemple, entre les
Etats-Unis d'Amériqueet le Canada dans l'affaire de la Délimitationdela
frontièremaritime dans la régiondu golfe du Maine ou de la République
fédéraled'Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas dans les affaires du
Plateau continentalde la mer du Nord, pour ne citer que deux exemples
particulièrement importants dans la jurisprudence de la Cour. Pour les
Parties en cause, l'enjeuétaitconsidérableet toute ingérencedans lejuste
règlement de leur différend une cause de profonde préoccupation. Le

préjudice qu'entraînerait un règlement des points en suspens dans le
cadre de lapremière décisionestpar conséquenttrop grand pour pouvoir
êtrenégligé dans l'intérêdt'une sauvegarde de la sentence partielle.
L'analyse de la question de la séparabilitéserait incomplète si l'on
n'examinait pas la possibilitéde tracer des lignes différentespour des
zones différentes.11s'agit là d'une question extrêmementvaste dont les
complexitésne peuvent pas êtreenvisagées à ce stade. Il convient néan-
moins de relever dans ce contexte qu'à plus d'une occasionlecompromis
parle de la ligne frontière que devra tracer le Tribunal, n'en envisageant
par conséquent pas plus d'une. Il ne semble pas que le fait de tracer une
ligne d'azimut de 240" pour leszones déjàdéterminées etune autre ligne
d'un autre angle pour leszones restant àdéterminerserait conforme àces

dispositions. Tout cela pourrait aboutir une situation telle, par exemple,
que lalignededélimitationdu plateaucontinental serait orientée à240" et
que la ligne de délimitationde la zone économiqueexclusive aurait un
autre azimut. La Cour n'est pas appelée,en l'occurrence, àdéterminersi
une telle situation, mêmesi elle est possible en droit, le serait dans la
réalitéT. out ceque l'onpeut faire, cestade, c'estexaminer brièvementla
jurisprudence de la Cour. Cet examen fait apparaître un problème si
complexe qu'il n'estpas possible d'envisager une décision ultérieurequi
permettrait à la Guinée-Bissaude sortir de l'impasse dans laquelle elle se
trouve si la mer territoriale, la zone contiguë et le plateau continental
doiventêtreconsidéréscommeayant déjàété délimités et déterminés.

L'affairede laDélimitationde lafrontièremaritimedansla régiondugolfe
du Maine, qui estla premièredans laquellelaCour a étéinvité aetracer elle-
même une ligne de délimitation',revêatussi une importance toute particu-
lièreen ce sens que la Cour a étpriéede délimiter à lafois leplateau con-
tinental et la zone exclusive de pêcheau moyen d'une frontière unique.

' Plutôtque d'indiquerles principeset les règlesde droit internationalapplicables,
commedansles affairesduPlateaucontinentaldela merdu Nord,C.I.J.Recuei11967,p.3
et6,etduPlateaucontinental(Tunisie/Ja arabelibenae)C.I.JRecueil1982,p. 18. Les problèmes que susciterait le fait de considérer chaque frontière
distincte comme devant faire l'objet d'une étudedistincte ressortent de
l'arrêt,car la Chambre, après avoir reconnu que des critères distincts
peuvent êtreappropriés et équitablespour délimiterles deux zones en
question,poursuit en disant :

«En d'autres termes, dans le fait que la délimitation a un double
objet, il a une particularité du cas d'espèce qui doit être priseen
considération avanm t ême depasser à l'examende l'incidencepossible
d'autrescirconstancessur lechoixdescritèresàappliquer.11endécoule
donc qu'abstraction faite de ce qui a pu avoir étéretenu dans des
affaires précédentesil conviendrait d'exclure l'applicationd,ans un
cas comme celui-ci, d'un quelconque critère qui apparaîtrait typique-

mentet exclusivementliéauxcaractéristiquep sropresd'une seuledes
deux réalités naturellesa délimiter ensemble.» (Délimitationde la
frontière maritimedans la régiondu golfe du Maine, C.I.J.Recueil
1984,p. 326,par. 193;les italiquessont de moi.)
Lefait que la déterminationde frontièresdistinctes dans descomparti-

ments hermétiquement scellésaboutit à des résultats différentsde ceux
que l'on obtient lorsque ces secteurs sont considéréscomme un tout est
par conséquent confirmépar une sourcedigne de foi.
La Chambre fait observerensuiteque :
«il est d'ailleurs a prévoir que, avec l'adoption progressive, par la
plupart des Etats maritimes, d'une zone économique exclusive et,

par conséquent, avecla généralisatiodne la demanded'unedélimita-
tionunique,évitana tutantqu'ilestpossiblelesinconvénientinhérent s
une pluralitéde délimitations distinctel, préférence ira désormais,
inévitablement, à des critères se prêtantmieux, par leur caractère
plus neutre, a une délimitation polyvalente)) (p.327, par. 194; les
italiques sont de moi).

Cetteconfirmationjudiciaire desdifférencesqui résultent d'une déter-
mination composite et de plusieursdéterminations séparéesainsiquedes
inconvénientsde cette dernière formule met encore plus en relief le lien
quidoitnécessairementexisterentrelasentencepartielledéjà rendue et la
sentencerésiduelle à venir. Laseconde ne peutguèreêtrerendueindépen-
damment de la première.
La tendance à faire coïncider la délimitationde la zone économique
exclusiveaveccelle du plateau continental estun autre facteurquientrave
la libertéde décisionpour cequi estde la démarcheque laGuinée-Bissau
devrait suivre sielledevaitêtrerenvoyéedevant uneautre juridiction tout
enmaintenant ladélimitationdu plateau continental.Comme M.Jiménez
de Aréchagal'a fait observer dans l'affaire du Plateau continental(Tuni-
sie/Jamahiriyaarabelibyenne):

«La délimitationde la zone économique exclusive et la délimita-
tion du plateau continental coïncideront,tout au moins dans la très vaste majoritédescas normaux. Laraison en estque lesdeux délimi-
tations sont régiespar des règlesidentiques. » (C.I.J. Recueil 1982,
p. 115-116,par. 56.)

C'est ainsi égalementque M. Evensen, dans la même affaire, arelevé
qu'il«serait manifestement opportunde tracerdes lignes de délimitation
identiques pour le plateau continental et pour la zoneéconomiqueexclu-

sivede 200milles » (p. 319).
Il n'est pas nécessaire d'entrerici dans toutes les complexitésde ces
processus, et il suffira simplement d'en relever l'existenceaux fins limi-
téesde laprésenteopinion.L'opinion dissidente de M.Gros dans l'affaire
de la Délimitationde lafrontière maritimedans larégiondugolfeduMaine
et les écritsde M. Oda 'mettent en lumière aussil'étenduede ces com-
plexités.Eu égard à ces complexités,il est clair qu'engager la Guinée-
Bissaudans un processus de déterminationassombri par tant d'obscurités
et entravépar tant de contraintesporterait préjudice à ses intérêtsnatio-
naux vitaux danssa zone économiqueexclusiveet dans sa zone de pêche.
Il convient de noter enfin que I'opération consistantà fixer des fron-
tièresséparéespour des zones séparéesau moyen de deux ou plusieurs

déterminationsdistinctesestdifférente,surlesplans conceptuel etmétho-
dologique, de l'opération globale consistantà lesévaluercommeun tout.
L'interaction de facteurs relatifsa plus d'une frontière est sans impor-
tance dans le premier cas mais revêtune importance capitale dans le
second. L'établissementde lignes frontièresincompatibles les unes avec
les autres est possible selon la première formule, mais pas selon la
deuxième.Surleplan pratique, lanécessité de parvenirà une démarcation
globale réaliste revêtune importance immédiate dans le cadre de la
deuxième méthode, maispas nécessairementdans celui de la première.
Il esà peine besoin de souligner qu'une analyse compartimentée peut
ainsi conduire à des résultats extrêmement différentd se ceux auxquels

aboutit une analyse globale. Un résultatéquitabledans le contexte d'une
ou deplusieurs frontièresconsidéréesisolémen pteutfort bien êtreinéqui-
table dans le contexte d'une déterminationglobale.
Iln'estpas difficile devoirpourquoi lecompromis faisaittant de casdu
concept de ligne de démarcation unique et pourquoi ce facteur revêtune
importance aussi cruciale en l'espèce.
Eu égard à toutes ces circonstances, l'on nepeut pas conclure,à moins
d'être forcéà le faire par un principe dejustice obligatoire, qu'une inter-
prétation qui condamnerait l'une ou l'autre des Partiesà une situation
risquant de lui causer un tel préjudiceest légitime.Une telle démarche
n'offrirait pas de solution réelleau problèmeauquel la Cour est confron-

-
Voir «Delimitationof a Single MaritimeBounda:The Contributionof Equidis-
tancetoGeographical Equitiynthe InterrelaDomainsofthe ContinentalShelfand
the ExclusiveEconomic Zone»,dansInternationalLaw at theTirneof lts Codification.
EssaysinHonour ofRobertoAgo, 1987vol.II,p. 349.tée, pas plus qu'elle n'assurerait une détermination équitable pour la
Guinée-Bissaudesazoneéconomiqueexclusiveetde sazone depêche,ce
qui étaitl'un des objectifsprincipaux du document à l'étude.
Sansentrer de quelque façon que ce soit dans la question du fond de la
sentence pour ce qui est de la mer territoriale, de la zone contiguë et du
plateau continental, il paraît inévitable de conclure que le fait que le
Tribunal n'a pas répondu à l'intégralitde la question qui lui était posée
compromet la validitémêmede la réponse partielle qu'ila donnée.

J'aiévoqué audébutl'importance de préserverl'intégrité de l'arbitrage
international en tant qu'il représente l'une des réalisations procédurales
majeures dudroit international.Celaimplique à lafoisque l'onrespecte le
caractère définitif des sentencesarbitralesqui ont été rendueset que l'on
maintienne les procédures arbitrales dans les limites du compromis sur
lesquelles elles se fondent. Au fur et mesure que le droit international
progresse, il sera nécessaire,sans porter atteintel'intégritédu premier
principe, de développerlesecond afin qu'ilrépondemieux aux exigences
du principe dejustice.
L'affairedont nous sommes saisisjuxtapose cesconsidérationscontra-

dictoires en faisant ressortir l'importance de chacune d'elles. Il serait
tentant de considérerqu'un compromisincontestablement valideauquel
a fait suite une procédure qui a toute l'apparence de la régularité doit
demeurer intact et ne pas être altéré.l est évidenttoutefois que d'autres
considérations s'imposent, qui sont trop importantes pour l'avenir de
l'arbitrage international pour pouvoir êtreignorées.Unecour invitée a se
prononcer sur la validitéde la sentence, et indubitablement compétente
pour le faire, serait mon avis, avectout le respect que je lui dois, dans
l'erreur si elle ne donnait pas le poids qu'ils méritentertains facteurs
importants qui vicient la sentence.
On a fait observerque l'absence de tribunal compétent pour examiner
lesquestions denullitéetdevaliditénuitau développementdu droitinter-
national dans ce domaine (voir Jennings, op. citp. 86).Si «l'effetdébili-
tant de cette absence ou quasi-absence de tribunaux ayant compétence

obligatoire n'est nulle part plus nuisible que dans ce domaine du droit
international..» (ibid.),en l'espèce unecour saisie de la question est
éminemmentcapable defournir certainesindications sur le fond du droit
relatifà la nullité.La déférencedue aux sentences arbitrales est impor-
tante mais elle risque, en présence de déviationsnotables par rapport au
compromis, de nuire à l'institution qu'elleviàeprotéger.
Les raisons exposées dans la présente opinion conduisent à conclure
que lapreuve denullitédelasentence, dont lacharge atoujoursincombé à
la Guinée-Bissau,a étérapportée et que la sentence arbitrale est nulle
dans son ensemble. C'est donc à bon droit que la Guinée-Bissau a
demandéune déclaration à cet effet. Lemotif surlequeldevraitreposer une déclarationde nullitéest que le
Tribunal n'étaitpas compétent pour déciderqu'il netrancherait pas un
élémentmajeurdu différendquiluiavaitété confiéetsurlequel,enaccep-

tant sonmandat, ils'étaitengagéàstatuer. Iln'était pasfondàdéciderde
ne pas répondre à la seconde question. Cette décision était incompatible
avec le compromis et viciait par conséquent d'emblée la sentence. En
outre, l'impossibilitéd'obtenirla détermination complèteetéquitabledes
autres élémentsde la frontière tant que ceux qui avaientéjàété déter-
minésdemeuraient valables, écartait toute possibilitéde maintenir ne
serait-ce que lesélémentsdéterminé dselafrontière,cequicompromettait
aussi la validitéde la réponsedonnéea la premièrequestion et entraînait
la nullitéde la sentence dans son ensemble.
Pour lesraisons exposéesdans la présente opinion, la deuxièmedécla-
ration demandée par la Guinée-Bissaudans son mémoire aurait dû être
admise, mais uniquement au motif que le fait de ne pas répondre à la
seconde question n'était pas conforme aux dispositions du compromis
d'arbitrage et non au motif qu'une ligne unique n'avait pas été traete
portéesur une carte, ni pour défaut de motivation.

La troisièmedéclaration demandée par la Guinée-Bissau, a savoirque
le Gouvernement du Sénégaln'est pas fondé à exiger que le Gouverne-
ment de la Guinée-Bissau applique la sentence, aurait dû aussi être
admise.
La première déclaration demandée par la Guinée-Bissau, selon
laquelle la sentenceserait inexistante, estjeter.

(Signé Christopher Gregory WEERAMANTRY.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE WEERAMANTRY

Thiscasearisesout ofan arbitration which has followed amostunusual
course, thereby throwing up a fascinating range of legal issues. Among
them are issues concerningthe interpretation of arbitral agreements and
the nullity of arbitral awards.
Apart fromthe two issues mentioned, 1am in agreement withthe Court
onthe numerous issueswhich have beenarguedbefore us at somelength.
Tothe Court's lucid exposition of these issues,there isnothing 1can use-
fully add. Among the matters on which 1 respectfullyshare the Court's
opinion are its rejection of Senegal's contentions of lack of jurisdiction
and of abuse of process by Guinea-Bissau. Likewise, 1am in full agree-
ment with the Court's rejection of Guinea-Bissau's contentions that the
absence of Arbitrator Gros at the delivery of the Award lessened its
authority and thatthe Award was invalidated by the Tribunal's failureto

state itsreasonsinfull andto produce a map showingtheboundary line. 1
associate myself with the Court's succinct and cogent rejection of these
contentions.

1regret,however,thatthe view1havetaken onthe twomatters setoutat
the commencement of this opinion leads me to a different conclusion on
the overall result. Thequestions on which 1differare sufficiently import-
ant in myviewto warrant extended consideration.

1shall not burden this opinion with a recital of the facts, which are set
out in theJudgment ofthe Court. 1only notetheunusual course followed
by thisarbitration, in that there was a declaration bythe President stating
his own preferencefor a form ofwords "more precise" than the phraseol-
ogyadopted inthe majority decision to whichhe was a party. He goes on
to state that ifthis "more precise" phraseologyhad been used,this would
have enabled the Tribunal to deal with the second question, which the
Tribunal, by a majority decision to which he was again a party, had

decided it was not called upon to address. The President also observed
thata reply ofthe kind suggestedbyhimwould have enabledtheTribunal
to delimitthe waters ofthe exclusiveeconomiczone and the fisheryzone,
and thus settlethe whole ofthe dispute.Thefailureto addressQuestion 2
and to settle the whole dispute constitute the gravamen of Guinea-
Bissau's complaint. Indeed, the President's declaration so troubled the
third arbitrator, Mr. Bedjaoui, as to prompt him to state in his dissenting
opinion that the declaration "by its very existence aswell as by its con- OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY

[Traduction]

La présente affaire a pour origine un arbitrage qui a connu un cours
inhabituel,soulevant.au passageunegerbe depassionnantes questions de
droit parmi lesquelles la question de l'interprétation des compromis
d'arbitrage et celle de la nullité dessentencesarbitrales.
Mises à part ces deux questions, je suis d'accord avec la Cour sur
les nombreux points que nous avons longuement discutés. Il n'y a rien
que je puisse utilement ajouter à l'exposition parfaitement claire de
ces questions par la Cour. En particulier, je m'associe respectueusement
à l'avisde la Cour disant que les thèsesdu Sénégapl ortant sur le défaut
de compétence et sur l'abus de procédure de la part de la Guinée-
Bissau ne sont pas fondées. Je suis pleinement d'accord aussi pour ne
pas accueillir lesèsesde la Guinée-Bissauselonlesquellesl'absence de
M. Gros lors du prononcé de la sentence affaiblissait l'autorité du
Tribunal et la sentenceétait frappéede nullitépar le fait que le Tribunal

n'avait pas p1eineme:ntmotivésa décisionet n'avait pas établide carte
comportant le tracé d'une ligne frontière. Je m'associe au rejet de ces
thèses tel qu'il estlxpriméde manière succincte et convaincante par
la Cour.
Toutefois, je regrette de dire que mon analyse des deux questions
mentionnées au premier paragraphe de la présente opinion m'amène à
une conclusiongénéralequin'estpas celledela Cour. Lespoints de diver-
gence me paraissenl: suffisamment importants pour faire l'objet d'un
examenapprofondi.
Je n'alourdiraipas le contenu de cette opinion avec une présentation
des faits, lesquels sont exposés dans l'arrêtde la Cour. Je noterai seule-
ment lecoursinhabituel de l'arbitrage encause, dûau fait que leprésident
du Tribunal a fait ilne déclaration indiquant qu'il aurait préféréune
formulation «plus précise» que celle employéedans la décision de la
majorité pour laquelle il avait voté. Selonlui, une formulation «plus
précise» aurait habilitéle Tribunal àtraiter la seconde question, ques-
tion au sujet deaquellleleTribunal a estimé,par une décisionmajoritaire

à laquelle le présidenta également contribué, qu'elle n'appelait pas une
réponsede sa part. L,eprésidenta égalementfaitobserverqu'une réponse
commecellequ'il suggéraitaurait habilitéleTribunal àdélimiterleseaux
de lazoneéconomiqueexclusiveet delazone de pêcheet,partant, à régler
intégralementle diffkrend. Le défautde réponse à la seconde question et
l'absencede règ1eme:nd te latotalitédudifférendconstituentl'essentielde
la plainte de la Guinée-Bissau.En fait,la déclarationdu présidentatrou-
blé letroisième mernbre du Tribunal, M. Bedjaoui, au point d'incitertents, justifies more fundamental doubts as to the existence of a majority
and the reality of the Award" (para. 161).

Despite these features which cause concern, 1am prepared, with the
Court, totakethe viewthat itisthe President's votewemusthaveregard to
rather than his somewhatinconsistentdeclaration. Wemust presume that
that vote was cast after due deliberation.herefore agree thatthe Award
must, forthe reasons set outinthe Judgment ofthe Court, betreated inlaw
as a majority award and thatthe plea of "inexistence" taken by Guinea-
Bissau should fail. 1 would agree further that, despite the President's
apparent view that a more precise formulation of the Award would have

opened the way for a consideration of Question 2, the decision not to
address Question 2 was a majority decision by reason of the President
being a party to it. Weakened though it may be by the declaration, that
decision is still a majority decision and cannot in law be described as
"inexistent" on the basis that the President's declaration destroys his
vote.

However, for reasons which willbe evident from this opinion,the deci-
sion so given is fundamentally flawed by reason of other defects, and is
therefore in my viewa nullity.
This opinion isstructured intwomain segments.The firstdeals withthe
interpretation of Article 2 of the compromisand the second examines

whether the findings thus reached result in the nullity of the Arbitral
Award. For the reasons set out, 1conclude upon the first matter that a
proper interpretation of Article2 did not permit the Tribunal to leave a
major portion of its responsibilities undischarged.n the second matter,
my conclusion isthat the failure to discharge those responsibilities consti-
tuted a non-compliance with the compromiswhich was so serious as to
nullify the resulting award.
Beforeentering upon these majorquestions of law, 1 should state preli-
minarily as amatter of fact thatthe dispute between the two countries was
a dispute in relation to their maritime boundary and that there were five
maritimespaces which needed to bedemarcated - the territorial sea, the

contiguous zone, the continental shelf, the exclusive economiczone and
the fishery zone. The dispute between the two States would not be at an
end so long as any of these important maritime spaces remained unde-
fined.

1.INTERPRETAT OFANRTICL 2OFTHE COMPROMIS

The particular clause which arises for interpretation is Article 2 of the
Arbitration Agreement of 12March 1985,which reads as follows :
"The Tribunal isrequested to decide in accordance withthe noms
of international law onthe following questions:celui-cià dire dans son opinion dissidente que la déclaration, «par son
existence autant que par son contenu,justifie de s'interroger plus fonda-
mentalement sur l'existence d'une majorité et la réalitde la sentence))
(par. 161).

Malgré les interrogations que suscitent ces élémentsj,e suis disposé
m'associer au point de vue de la Cour selon lequel c'estle vote du prési-
dent plus que sa déclaration quelque peu contradictoire qui doit êtrepris
en compte.On doitprésumer que levote a eu lieu aprèsdue délibération.
Je conviensdonc, pour les motifs énoncés dans l'arrêdte la Cour, que la
sentencedoit êtreconsidéréeen droit commeune décisionde la majorité
et que l'argument d'«inexistence»invoquépar la Guinée-Bissaune doit
pas êtreaccueilli. Je conviens en outre que, bien que le président ait
semblé penser qu'une formulation plus précise de la sentence aurait
ouvert la porteà l'examen de la seconde question, la décisionde ne pas
traiter la seconde question a épriseà la majorité puisque le présidenty

a pris part. Pour affaiblie qu'elle puisse être par la déclarationdu prési-
dent, la décision rendue demeure une décision de la majoritéet ne peut
juridiquement être considérée comme «inexistante » au motif que la
déclarationdu président aurait annihilé sonvote.
Néanmoins,pour desraisons qui apparaîtront évidentes àla lecture de
la présente opinion, la décision qui a étérendue est fondamentalement
viciéedu fait d'autres facteurs, et est doncn avis entachéede nullité.
La présente opinion comporte essentiellementdeux volets. Lepremier
concernel'interprétation de l'articledu compromis et le second lepoint
de savoir si les conclusions ainsitirées aboutissenta nullitéde la sen-
tence arbitrale. Pour les motifs indiqués,j'estime, en ce qui concerne la

premièrequestion,qu'une interprétationcorrecte de l'articlen'autorisait
pas leTribunal àne pas s'acquitter d'unepart importante de sesresponsa-
bilités.S'agissant de la seconde question, ma conclusion est que ce man-
quement du Tribunal àsesresponsabilitésconstitue une inobservationdu
compromis suffisamment grave pour que la sentence rendue soit nulle.
Avant d'aborder cesimportants points dedroit,je voudrais,àtitrepréli-
minaire, soulignerune question de fait, qui est que le différend entre les
deux pays portait sur leur frontière maritime et qu'il y avait cinq espaces
maritimes à délimiter: la mer territoriale, la zone contiguë, le plateau
continental, la zone.économiqueexclusive et la zone de pêche.Le diffé-

rend entre les deux Etats ne seraitpas clos tant queun ou l'autre de ces
importants espacesmaritimes resteraitindéterminé.

1.INTERPR~TAT D OL'ARTICLE 2DU COMPROMIS

La disposition qui soulève une question d'interprétation est l'article 2
du compromisd'arbitrage conclu le 12mars 1985,qui se lit comme suit:
« 11estdemandéau Tribunal de statuerconformémentauxnormes

du droit international sur les questionssuivantes 132 ARBITRAL AWARD (DISS .P. WEERAMANTRY)

1. Does the Agreement concluded by an exchange of letters on
26 April 1960,and which relates to the maritime boundary, have the
force of law in the relations between the Republic of Guinea-Bissau
andthe Republic of Senegal?
2. In theeventofa negativeanswer totheflrst question,what isthe
course of the line delimiting the maritime territories appertainingto
the Republic of Guinea-Bissau and the Republic of Senegal respec-
tively?" (Annex to the Application Instituting Proceedings of the
Government ofthe Republic of Guinea-Bissau, Award, p. 5; empha-
sis added.)

The crucial words are "In the event of a negative answer to the first
question", on the interpretation of which considerable effort was
expended byboth Parties atthe hearingbefore us.Onthe interpretation of
those words depends the issue whether the Arbitration Tribunal was
under an obligation to proceed to answerQuestion 2. Ifthe Tribunal was
entitled to leave Question 2 unanswered, the matter is at an end and we
need enquire no further. If,on theotherhand,theTribunal wasobliged to
answer Question 2 and failed to do so, grave issues arise. They touch the
status and validity of an award which left major portions of the arbitra-
tors' responsibilities undischarged, thereby leavingmajor portions of the
boundary dispute unresolved. The words quoted offerthe keytothe reso-
lution of this central question.

Focusing even more finely on the clause under consideration, what is
the meaning of the phrase "negative answer"? Those two words are natu-
rallyincapable ofconstruction exceptin context - the context ofthe para-
graph in which they occur and the context of the entire document. The
conclusion, which to meseems inevitable on any ofthe available methods
of interpretation as set out in this opinion, is that the "negative answer"
referred to was a negative answer tothe question whether the 1960Agree-
ment wasbinding in regard tothe subject-matter ofthe dispute - not any
one or more component elementsthereof but the disputed boundary con-
sidered asone integral problem, the desire to settle which wasthe driving
forceleading the Parties to the Arbitration Tribunal.

Anincompletesettlement,dealing onlywithdiscrete parts ofthatboun-
dary, would only compound problems and was clearly not the object and

purpose of the Arbitration Agreement, in the total context of which alone
particular clauses areto be construed. The differentelements ofthe boun-
dary question were not, on any reasonable construction, to be the subject
of alater arbitration or arbitrations aimed at mopping up the component
elements left undetermined by the first arbitration. Partial answers and
piecemeal solutions were furthest from the object and purpose ofthe com-
promis. The interlinked nature of those component elements, which can- 1. L'accord conclu par un échangede lettres, le 26 avril 1960,et
relatif la frontière en mer, fait-il droit dans les relations entre la
Républiquede Guinée-Bissau et la Républiquedu Sénégal?

2. Encasderéponse négativeà lapremièrequestion,quelest letracé
dela lignedélimitantlesterritoires maritimes qui relèventrespective-

ment de la République de Guinée-Bissau et de la République du
Sénégal? »(Annexe àla requêtede la Républiquede Guinée-Bissau,
sentence,p. 5; les italiques sont de moi.)

Les mots essentiels sont:«En cas de réponse négative à la première
question)), pour l'interprétation desquelsles deux Parties ont déployé
des efforts considérables au cours de la procédure orale devant la Cour.
En effet, de l'interprétationde ce membre de phrase dépendla réponse
à la question de savoir si le Tribunal arbitral étaitdans l'obligation de
répondre à la seconde question. Si le Tribunal était habilité à laisser
la seconde question sans réponse, l'affaireest close et il n'est pas né-

cessaire d'aller plus loin. Si, par contre, le Tribunal étaitdans l'obliga-
tion de répondre à la seconde question et a faillà cette obligation, de
graves questions se posent. Elles ont trait au statut eta validitéd'une
sentence qui laisse sans exécution des éléments essentielsdu mandat des
arbitres et de ce fait ne résout pas des éléments essentielsdu différend
frontalier. Lesmots citésdonnent la cléde la résolutionde cettequestion
centrale.
Examinons de plus près encore la disposition en question et interro-
geons-nous sur le sens des mots ((réponsenégative ». Ces deux mots ne
peuvent naturellement être interprétésque dans leur contexte - le
contexte du paragraphe ou ilsse trouvent et le contexte de l'ensemble du

document. La conclusion, qui me sembles'imposer sil'on applique l'une
quelconque des méthodes d'interprétation présentéed sans la présente
opinion, est que ((réponsenégative »doit s'entendre d'une réponse néga-
tiveà laquestion de savoir sil'accord de 1960fait droit en cequi concerne
l'objet du différend - c'est-à-dire non tel ou tel élément, ou plusieurs
éléments constitutifsde ce dernier, mais le différend frontalier considéré
comme un problème global, le désirde parvenir à un règlement de ce
problème ayant étél'élémentmoteur qui a conduit les Parties devant le
Tribunal arbitral.
Un règlementincomplet, qui ne concernerait que certains élémentsde
la frontière, ne ferait qu'aggraver le problème et n'était manifestementni
l'objetni lebut du compromisd'arbitrage, dans leseulcontexte duquel les
dispositions doivent être interprétées. Selotoute interprétation raison-

nable, les différents élémentsde la question frontalière ne devaient pas
faire l'objet d'un oude plusieurs arbitrages ultérieurs destinésésorber
lesquestions quin'auraient pas ététranchéep sar lepremierarbitrage. Des
réponses partielles et des solutions fragmentaires étaient tout à faità
l'opposéde l'objet etdu but du compromis. Lecaractèreindissociabledesnot fairlybedetermined in isolationfromeachother,lendsstrength tothe
view thatboth Parties were clearly seeking such a comprehensive settle-
ment of their common problem in one arbitration.

1proceed to setoutthe reasons for myviewthat acompletedelimitation
was the subject-matter of Question 1.
Question 1 - to which it was crucial whether the answer was negative
or not - asked whether the Agreement of 26 April 1960had the force of
law in the relations (danslesrelations)between Guinea-Bissau and Sen-
egal. Itistrue the expression "the relations" isaverysimplephrase. Inter-
preted in isolation, it can be given many meanings, extending from al1
relations between the States to maritime boundary relations and, within
the latter category, to a wide spectrum of relations ranging from al1the
disputed maritime boundary questions to any one or more components of

them or, indeed, to any portion of any one component. Context and
objects and purposes will tell us where in that vast spectrum our choice
will fall. Indeed, without reference to these factors, we cannot give the
phrase a meaning sufficiently intelligible or definite for the momentous
legal consequences to ensue which follow inevitably from our choice.

Question 1was not, in my view,atheoretical question referring only to
the binding nature of the 1960Agreement. It was a question on which
grave practical issues turned - namely whether the boundary followed
the line determined in that Agreement. The boundary line lay at the heart
of that question as it lay at the heart of Question2 which, together with
Question 1,1have described in this opinionas an interlocking pair.

We can straightaway dismiss the wider construction extending "the
relations" toal1relationsbetween the States,for clearlythe document was
setfirmly in the context ofthe relationsconceming the maritime bounda-

ries, asthe intemal evidence evenwithin Question 1indicates.The crucial
question is however whether the expression relates to al1the maritime
boundary questions or to any one or more constituent elements of this
group. On this matter it seems clear that, whether one regards the context
ofthe document oritsobjects and purposes, itwasneverindoubtthat "the
relations" covered al1five elements of the maritime boundary.

If the viewiscorrect that the question was whether the Agreement was
binding in regard to the entire maritime boundary, an answer that it was
binding, not in regard to the entirety but only in regard to parts of it, was
clearlya negative answer, upon whichthe door to Question 2immediately
swung open.Thismade itobligatory fortheTribunalto enter upon a con-
sideration oftheimportant issues awaiting it under that question - issues
that represented a substantial part of the Tribunal's total undertaking.
The failure by theTribunalto address a crucial part of its responsibilities SENTENCEARBITRALE (OP.DISS. WEERAMANTRY) 133

composantes du différend,qui ne peuvent être équitablement détermi-
néesséparémentlesunesdesautres,étaiel'argumentselonlequel lesdeux
Parties voulaient manifestement obtenir un règlement global de leur
problème commun par un seularbitrage.
Je vaisà présent exposerlesmotifs pour lesquels, selonmoi, lecontenu
de la première question concernait une délimitationcomplète.

Lapremière question - dont ilest capital de savoir sielle appelait une
réponse négativeou non - tendait à déterminer si l'accord conclu le
26 avril 1960faisait droit dans les relations entre la Guinée-Bissau et le
Sénégal. Ilest vraique l'expression«les relation»esttrèssuccincte. Inter-
prétée isolément,on peut lui prêted re nombreux sens, et la comprendre
comme signifiant aussi bien toutes les relations entre les Etats que les
relations concernant la frontière maritime et, dans le cadre de ce dernier
sens,lui attribuer un largeéventailde significations, allant de relationsen
ce qui concerne l'ensemble des litiges relatifs la frontière maritime ou
seulementun ouplusieursélémentsdeceslitiges,voiremêmeun aspect de
tel ou tel de ceséléments. econtexte,l'objet etlebut nouspermettront de
dire où,dans ce largeéventail,notre choixdevra se porter. En effet,sans

prendre en compte ces facteurs, il n'est paspossible de donneràl'expres-
sion un senssuffisammentintelligibleouprécis pour qu'on puisseentirer
les conséquences juridiques fondamentales qui découleront inévitable-
ment de notre choix.
Personnellement, je ne pense pas que la première question était une
question théorique portant seulement sur le caractère obligatoire de
l'accord de 1960. Elle portait sur un point qui avait des incidences
pratiques capitales, c'est-à-dire celui de savoir si la frontière suivait
la ligne définiedans l'accord. La ligne frontière étaitau cŒur de cette
question, tout comme elle étaitau cŒurde la seconde, laquelle, avec la
précédente, formece quej'appellerai une paire inséparable.
Nous pouvonsd'emblée écarter l'interprétation laplus largequidonne

auxmots «les relations» lesens detoutes lesrelationsentre lesEtats,car il
est clair que le document a été nettement situédans le contexte des rela-
tions concernant la frontière maritime, comme en témoigne le contenu
mêmede la première question. L'essentiel est néanmoins de savoir si
l'expression vise toutes les questions relativesla frontière maritime ou
bien l'un ou l'autre ou plusieurs de sesélémentsconstitutifs.cet égard,
que l'on considèrele contexte du document ou son objet et son but, il ne
semble faire aucun doute que les mots ((les relations» recouvraient
l'ensemble des cinq élémentsde la frontièremaritime.
S'ilest exact que la question étaitde déterminersil'accord faisaitdroit
en ce qui concerne la totalité de la frontière maritime, répondre que
l'accord faisait droit non pour la totalitéde la frontière mais seulement

pour certains de ses éléments était manifestementune réponsenégative,
qui ouvrait immédiatement la porte à la seconde question. Le Tribunal
était dès lors tenu d'examiner les points importants se posant dans le
cadre de cette question, points qui correspondaient à une part substan-
tielle de son mandat. Le fait que le Tribunal ne s'est pas acquitté d'uneunder the compromisraises thefurther issue whether the Award isvitiated
for non-compliance with the compromis.

Bearing in mind throughout this exercise that we are not entitled to re-
constitute the questions formulated by the Parties, but only to interpret
them exactly as formulated, we must satisfy ourselves further that, in al1
the circumstances, this is the necessary and only interpretation at which
the arbitrators could reasonably arrivewhen examiningthem forthe pur-
pose of determining theirarbitral responsibilities.

These considerations are important as we are not sitting as a Court of
Appeal seeking to determine whether to nullify an award that would
othenvise be valid. Wehavejurisdiction only for the purpose of making a
declaration asto whether the award is nul1and void from its inception in

consequence of some fundamental flaw. An interpretation manifestly
contrary to accepted principles of interpretation and leading to action
manifestly contrary tothe compromiswouldconstitute such avitiating fac-
tor. This opinion proceeds on the basis that no less a standard than this
wouldberequired ifthe Court isto grant to Guinea-Bissau the declaration
of nullity which it seeks.
It is vitally important that when arbitrators examine, as in every case
they must, with the utmost care, the substance of their mandate and the
limits oftheir authority,theirinterpretation mustbe anchored to the reali-
ties of the context. Words and phrases in the compromisare not to be
treated as though they exist in isolation, to be given a meaning they are
literally capable ofbearing but which isunrelated to the exercise in which
the arbitratorsare engaged.
Inthiscase, thephrase "negative answer" was ofthe utmost importance
and called for anxious scrutiny. Yet there is nothing to indicate that the
Tribunal has given to this key phrase the scrutiny its importance
demanded, and al1we have on this matter is the observation in para-
graph 87of the Award that,bearingin mind its conclusions (onthe appli-
cabilityof the 1960Agreement) and "the actual wording" of Article 2,"in

the opinion of the Tribunal it is not called upon to reply to the second
question". What factors weighed with them we are not told, beyond the
fact that this was their opinion. It would not be unreasonable to describe
this asinadequate - certainly inadequate to conveyto an objectiveobser-
ver the impression that anxious consideration had been given to constru-
ing this profoundly important question in its contextual and practical
setting.

The analysis of this phrase, which assumes a pivotal role in the matter
before us, takes us intothe realm of treaty interpretation,the compromis
being of course a treaty. The discussion which immediately follows ana-
lysesthe relevant portions of the compromisin the light of accepted prin-
ciples of treaty interpretation. SENTENCEARBITRALE (OP. DISS . EERAMANTRY) 134

part essentielle de ses responsabilités en vertu du compromis soulève
alors une autre question, celle de savoir si la sentence est viciéeen raison
d'une inobservation du compromis.

Gardant présent à l'esprit tout au long de cette réflexion que nous ne
sommes pas habilités à reconstituer les questions formulées par les
Parties, mais seulementà les interpréterdans la formeexacteoù elles ont
été formulées, nous devons en outre nous assurer,pour déterminer en
analysant les questions poséescomment les arbitres se sont acquittésde
leursresponsabilités,qu'en tout étatde causenotre interprétation estbien
la seule interprétation possible et nécessaire à laquelle les arbitres
pouvaient raisonnablement aboutir.
Ces considérations sont importantes car nous ne siégeons pas en
qualitédecour d'appel statuant sur le point de savoir si une sentencequi
serait autrement valide doit être annulée. La Cour a seulement compé-
tence pour dire si la sentence est nulle et de nul effetinitien consé-

quence d'un vice essentiel. Une interprétation manifestement contraire
aux principes d'interprétation établiset conduisant une décision mani-
festement contraire au compromis serait un élément constitutif d'untel
vice. Laprésente opinion part du principe que cela et rien de moinsserait
nécessairepourque laCour prononce la déclarationde nullitédemandée
par la Guinée-Bissau.
Il est capital qu'en examinant avec le plus grand soin, comme ils
doivent le faire dans chaque espèce, la substance de leur mandat et les
limitesde leurcompétence,lesarbitresancrentleurinterprétation dans les
réalitésdu contexte. Il ne faut pas considérer les mots et expressionsdu
compromis isolément, afin de leur donner un sens littéral possible mais
sans rapport avec la mission des arbitres.

En l'occurrence, les mots ((réponse négative)) étaient de la plus
haute importance et appelaient un examen très attentif. Pourtant, rien
n'indique que le Tribunal a accordé à ces mots clésl'attention que leur
importance exigeait; on ne peut sur ce point se référer qu'aupara-
graphe 87 de la sentence dans lequel le Tribunal explique qu'en tenant
compte des conclusions (sur I'applicabilité de l'accord de 1960) et du
«libellé» de l'article2, «la deuxième question, de l'avis du Tribunal,
n'appelle pas une réponsede sa part ».Hormis le fait que tel est l'avisdu
Tribunal, rien n'est dit des facteurs qui ont pesédans la décision.On
pourrait sans exagérer dire que cela est insuffisant, et certainement
insuffisant pour qu'un observateur objectif puisse avoir l'impression

que le Tribunal n'avait négligéaucun effort pour interpréter cette
question essentielle compte tenu de son contexte et de ses incidences
pratiques.
L'analyse de ce membre de phrase, quijoue un rôle charnière dans la
questionquinousoccupe,nousfaitentrerdans ledomaine del'interpréta-
tion destraités,lecompromis étantbienévidemmentuntraité. J'examine-
rai ci-après les parties pertinentes du compromis à la lumière des
principes établisde l'interprétation destraités.135 ARBITRAL AWARD (DISS O.P.WEERAMANTRY)

SirGerald Fitzmaurice, in his well-knowndiscussion of treaty interpre-
tation ',refers to the existence of three principal schools of thought upon
the subject - the "intentions of the parties" school, the "textuai" school
and the "teleological" schoo12.The term "teleological" is used by Fitz-
maurice (loc.cit.)in the sense of "aims and objects" of the treaty.
1shallinthisopinion apply these approaches totheproblembefore us,
mindful that a hierarchycannot be establishedamong them 3.

Having referredto the three principal schools of interpretation and the
radically divergentresults that could ensue from their application, Fitz-
maurice observes (at p. 43) that "al1three approaches are capable, in a
givencase,ofproducingthe same result inpractice". Inthis caseweare,in
myview,in the happy situationalluded to by Fitzmaurice, where al1three
approaches concur in leading us to the same conclusion. 1shall use these
threemethodsin the ensuingdiscussionwithoutplacingtheminany hier-
archical order. As Judge Elias4 points out, none of these by itself may
be sufficient to supply the solution to a problem of treaty interpretation
and there may sometimes be a simultaneous resort to al1three factors,

as indicated by the Permanent Court of International Justice in the
Factory at Chorzowcase (P.C.Z.J.S , eriesA, No.9,p. 24).

A. The"Textua1"Approach

Thatwordsshouldbe giventheirordinary meaning isofcourse amuch-
used mle of interpretation. Asthis Court statedin itsAdvisoryOpinionin
Competenceof the GeneralAssemblyfor the Admission of a State to the
UnitedNations:

"The Court considers it necessary to Saythat the first duty of a
tribunal whichis called upon to interpret and apply the provisions of
a treaty, is to endeavour to give effect to them in their natural and
ordinary meaningin the context in which they occur."

The Permanent Court of International Justicehas obsewed

'Fitzmaurice,TheLawand ProcedureoftheInternationalCourtofJustice,Vol.1,p.42.
*See,also,T.O. Elias,TheModem Lawof Treaties,1974,p. 72.
Commentaryonthe DraftArticlesonthe Lawof Treatiesby the InternationalLaw
Commission atitsEighteenthSession- UnitedNationsConferenceontheLawof Trea-
ties, OffialRecords (First and Second Sessions), 1971, p. 39, para. 8; see, also,
mentsand Worldîublic Order:Principlesof ContentandProcedure,1967,p. 116.ee-
Op.cit.,72.
I.C.J.Reports 1950,p.8; see,also,AdvisoryOpiniononthe Constitutionof theMari-
time Safety Comrnitteeof the Inter-GovernmentalMaritime Consultative Organization,
I.C.J.Reports1960,p. 150. Dans son analyse bien connue de l'interprétation des traités',
sir Gerald Fitzmaurice mentionne les trois principales écoles de pensée
sur le sujet, l'écolequi vise à donner effet à l'«intention des parties)),
l'école«textuelle »et l'école«téléologique» 2.PourFitzmaurice (loc.cit.),
le mot «téléologique»désigne«le but et l'objet»du traité.
Dans la présente opinion, j'appliquerai ces approches au problème
qui nous occupe, conscient du fait qu'il n'est pas possible d'établir une

hiérarchie entreelles 3.
Aprèsavoirprésentélestrois principales approches en matièred'inter-
prétationetindiquélesconclusionsfoncièrementdivergentesquipeuvent
en découler, Fitzmauriceobserve (àla page 43) que «les trois approches
peuvent, dans un cas déterminé,aboutir au mêmerésultat pratique ».A
mon avis,nous sommes en l'occurrence dans l'heureuse situation envisa-
géepar Fitzmaurice, celle où les trois approches concourent à la même

conclusion. Dans l'analyse qui va suivre,j'appliquerai cestrois méthodes
hors de tout classementhiérarchique. Comme T. O. Elias4 le fait remar-
quer, chacune de ces méthodes d'interprétation peut ne pas être à elle
seulesuffisante pourdonner lasolution à un problèmeconcernant l'inter-
prétation d'un traitéet il y a quelquefois lieu d'appliquer simultanément
les trois approches, comme l'a indiqué la Cour permanente de Justice
internationale dans l'affaire de1'Usinede Chorzow(C.P.J.I.sérieA/B no9,
p. 24).

A. L'approche({textuelle ))

Larègled'interprétation selonlaquelleilfaut donner aux motsleursens
ordinaire est naturellement largement employée. Comme l'a déclaréla
Courdans son avis consultatifdans l'affaire de la Compétence deI'Assem-
bléegénéra pleurl'admissiond'unEtat aux NationsUnies:

« La Cour croitnécessairede dire que lepremierdevoird'un tribu-
nal, appeléà interpréteret àappliquer lesdispositionsd'un traité,est
de s'efforcerdedonner effet,selonleursensnaturel etordinaire, àces
dispositionsprises dans leur contexte. »

La Cour permanente de Justiceinternationale a fait observer:

'Fitzmaurice,TheLaw andProcedureof theIntemationalCourtofJustice,vol. 1,p.42.
VoiraussiT.O. Elias,TheModem Law of Treaties,1974,p.72.
3Commentairessurle projetd'articlessurle droitdestraitésla Commissiondu
droitinternationàsadix-huitièmesession,ConféreneesNations Uniessurledroitdes
MyreséS.McDougal,Harold Lasswellet JamesMiller,TheInterpretationofAgreementsir aussi
and WorldPublicOrder:Principlesof ContentandProcedure,1967,p. 116.
Op.cit.,p.72.
"C.J. Recueil 1950,p.8.Voir égalementl'avis consultatif sur la Composition du
Comitéde la sécurimaritimede l'organisation intergouvernementaleconsulee lad
navigationmaritime,C.I.J.Recueil1960,p. 150.136 ARBITRAL AWARD (DISS O.P.WEERAMANTRY)

"In considering the question before theCourt upon the language
of the Treaty, it is obvious that the Treaty must be read as a whole,
and that its meaning is not to be determined merely upon particular
phrases which, if detached from the context, may be interpreted in
more than one sense." '

Since then, the Vienna Convention on Treaties has given this principle
more explicit form in Article 31.
Words and phrases cannotbe understood by themselves, and, as Arti-
cle 31makes clear, their "ordinary meaning" must be understood not in
isolationbut in their context andin the light ofthe document's object and
purpose. Judge Ago emphasized this aspect in the deliberations of the
International LawCommission when, in commenting on the concept of

"ordinary meaning", he observed that :

"a term inisolation had no meaning ;terms had no meaning except in
asentence orin aset ofsentences and articles, inother words,intheir
context".

We have moved far from the Vattelian principle that "the first general
rule ofinterpretation isthat itisnotpermissibletointerpretwhathasnoneed

of interpretation"3.Though followed by some eminent international jur-
ists even into the earlyyears ofthiscentury, the need for eventhe simplest
words to require some interpretation has been highlighted both by legal
scholars and bymodem linguisticstudies.Theimpact ofthe latter isseen
in such studies asSchwarzenberger's analysisoftheVienna Convention 5,
in which, in reliance on linguistic studies, hepoints out thatthe veryword
"meaning" can have up to sixteen meanings and that the difficulty inseek-
ing to give words their "ordinary meaning" isthat "almost any word has
more than one meaning" (citing insupport such well-known authorities

as C. K.Ogden, TheMeaningofMeaning).Hence, as McNair points out in
his Law of Treaties(1961, p. 367), even the best understood of "plain
terms" such as "mother" can depart verywidelyfrom itsnormal meaning,

'AdvisoryOpinionon the Competenceof theIL0 inRegard toInternationalRegula-
tion of theConditionsof LabourofPersons EmployedinAgriculture(P.C.I.J.,Series B.
No.2,p. 23).
Yearbook of the International LawCommission, 1966, Vol. 1, ParII, p. 189,
para.57.
Emmerichde Vattel,TheLaw of Nationsor thePrinciplesofNarural Law,Vol. III,
Bk.II,Chap.XVII, inTheClassicsofInternationallaw, ed.J.B.Scott,p. 199;emphasis
added.
"MythsandRealitiesofTreatyInterpretation:Articles31-33ofthe ViennaConven-.
tiononthe Law ofTreaties",inS.K.Agrawala(ed.),Essayson theLaw of Treati, .71,
atp. 86. «Pour examiner laquestionactuellement pendante devant laCour

à la lumièredestermesmêmesdu traité,ilfaut évidemmentlire celui-
ci dans son ensemble, et l'on ne saurait déterminer sa signification
surla base de quelques phrases détachéesde leur milieu et qui, sépa-
rées de leur contexte, peuvent être interprétéesde plusieurs
manières. >)

Depuis lors, la convention de Vienne sur le droit destraités aexpriméce
principe de manière plus explicite dans son article 31.

Les mots et les phrases ne peuvent être compris par eux-mêmes et,
comme l'indique clairement l'article 31,il faut leur attribuer leur ((sens
ordinaire »,non pris isolément,mais dans leurcontexte et à la lumièrede
l'objet etdu but du texte.M.Ago a insistésur cet aspect au cours des déli-
bérations de la Commission du droit international2, faisant observer,
dans sescommentaires sur la notion de «sens ordinaire »,que:

«des termes isolésne signifient rien; les termes n'ont de sens que

dans une phrase, dans un ensemble de phrases et d'articles, c'est-
à-dire, dans leur contexte».

Nous sommes loin du principe énoncé par Vattel selon lequel «la
première règlegénérale d'interprétationest qu'il n'estpas permis d'inter-
préterce quin'apas besoin d'interprétatio» n3.Bien que ce principeait été
encore suivi par d'éminentsspécialistesdu droit international jusqu'au

débutdu siècle,la nécessitéde donner une certaine interprétation même
aux mots les plus simples a été soulignée à la fois par des auteurs et par
des études linguistiques de l'époque moderne. L'influence de ces
dernières est sensible par exemple dans l'analyse de la convention de
Vienne de Schwarzenberger5, lequel souligne, en s'appuyant sur des
étudeslinguistiques, que lemot ((sens »lui-mêmepeut avoirjusqu'à seize
sens et qu'il estdifficile de cherchera donner aux mots leur «sens ordi-
naire »parce que «pratiquement chaque mot àplusd'un seulsens»(ilcite

à l'appui de ses dires des autoritésaussi renomméesque C. K. Ogden,
auteur de The Meaning of Meaning). Ainsi, comme le fait remarquer

Avis consultatifsur laCompétende I'OITpourla réglementation internationaldees
conditionsdu travaildespersonnesemployéesdansl'agriculture,C.P.J.I.sérieB nos2 et 3,
p. 22.
Annuaire de la Commissiondu droit international,1966,vol. 1, deuxième partie,
p.209,par.57.
3 EmmerichdeVattel,Ledroitdesgens ouprincipesdelaloinaturelle,vol. III,livre II,
chap. XVII, dans The Classics of International Law, publiésous la direction de
J. B.Scott,p. 199;les italiques sontde moi.
VoirE. S. Yambnisic, TreatyZnterpretation:Theoryand Reality, 1987,p. 9 et suiv.
Convention ontheLawofTreaties», dansS.K.Agrawala(publiésous ladirectionde),a
Essaysonthe Lawof Treaties,p. 86.dependingon the contextin which itisused '.Not without reason has this
Court had occasion to refer2to the famous observation of Mr. Jus-
tice Holmes that

"A word is not a crystal, transparent and unchanged, it isthe skin
of a livingthought and may Varygreatly in color and context accord-
ing to the circumstances and the timewhen it is used" (Townev. Eis-
ner,245 US 418,425).

It is clear therefore that the expressions "the relations" and "negative
answer" cannot be understood by themselvesbut onlyin strictrelation to
their context. One cannot give a meaning to these expressions without
subjecting them to rigorous contextual scmtiny. Professor Glanville
Williams,in a noted scholarly analysis of legal interpretationin the wider

context of Language andthe Law 3,followslinguisticinsights to point out
that
"it is alwaysthe duty of the Court, withinthe limitsset by the law of
evidence,to gobehindthe dehumanized dictionary-meaning to what
the assertor was actually trying to express" 4.

1 may also refer to the Anglo-Iranian Oil Co. case, where this Court
obsemed, in relation tothe declaration bythe Government of Iran, under
Article 36(2)of the Statute of this Court:

"But the Court cannot base itselfona purely grammatical interpre-
tation ofthe text. It mustseekthe interpretation which isin harmony
withanatural and reasonable wayofreading the text." (I.C.J.Reports
1952,p. 93,at p. 104.)

We must thus go further in examining the two phrases in question than
grammatical meanings or dictionary definitions, and give the words a
meaningful nexus with the real dispute reflected in the terms of the com-
promis.

(i) Contextualindications

The general context yields several indications that the Agreement
between Guinea-Bissau and Senegal concerned a consolidated question

'On linguistics and legal interpretations,ee, also, C.G. WeeramantryLawhein
Crisis:Bridges of Understandin,975,pp. 163-167.
Delimitation oftheMaritimeBoundaryintheGulfofMaineArea, I.C.JReports1984,
at .360, perJudge Gros, dissenting.
PGlanvilleWilliams, "Languageandthe Law",1,945161 LQR384at393.
4Cf., Savigny, Obligations,1851,Vol. 8,71, on the need for "makingthe living
thoughtconcealedindead lettersto comealivein our perception".McNair dansson ouvrage TheLawofTreaties(196 1p. 367),mêmeleplus
facileà comprendre des ((termes simples»,le mot «mère»,peut avoir un
sens très éloignéde son sens normal, selon le contexte dans lequel il est
utilisélCe n'estpas sans raison que la Cour a pu citer2 la célèbreremar-
que de M. Holmes selonlaquelle

«un mot n'est pas un cristal,transparent et inaltéré,il recouvre une
pensée vivanteet sa couleur et son contenu peuvent varier selon le
moment et lescirconstances » (Townev. Eisner,245 US 418,425).

Il est donc clair que les expressions «les relati»net «réponse néga-
tive» ne doivent pas être prises isolémentmais seulement en relation
étroite avec leur contexte. On ne peut leur donner un sens sans les
confronter rigoureusement à leur contexte. Le professeur Glan-
ville Williams, dans une étude théorique remarquéesur I'interprétation

juridique dans le contexte plus large du langage et du droit3, suit la
linguistiquepour faire valoirque,
«dans les limites fixées par le droit de la preuve, il appartient
toujours à la Cour d'aller au-delà du sens impersonnel du diction-
naire pour rechercher ce que l'énonciateur voulait en fait expri-

mer » 4.
Je voudrais également me référer à l'affaire de llAnglo-IranianOil Co.,
dans laquellela Coura observé,àpropos de la déclaration faitepar l'Iran
conformément à l'article 36,paragraphe 2,du Statut de la Cour:

«Mais la Cour ne saurait se fonder sur l'interprétation purement
grammaticale du texte. Elledoitrechercherl'interprétation qui esten
harmonie avec la manière naturelle et raisonnable de lire le texte.
(C.I.J.Recueil1952,p. 104.)

Dans l'examen des deux expressions en question,nous devons donc aller
au-delà de leur significationgrammaticaleou desdéfinitions du diction-
naire, et relier lesmots la substance du différendtellequ'elleestreflétée
dans lestermes du compromispour leur donner un sens.

i) Indicescontextuels

11y a dans le contexte général plusieurs indices montrant que le
compromis entre la Guinée-Bissau et le Sénégap lortait surune question

'Sur lalinguistique et l'interprétationjuridique, ss.iG. Weeramantry,ne
Law inCrisis: Bridges of Understanding,1975,p. 163-167.
Délimitationde lafrontièremaritimedans la régiondu golfe du Maine, C.I.J.Recueil
1984,p. 360,opinion dissidentM.eGros.
GlanvilleWilliams,«Language and theLaw»,[1945]61 LQR,p.393.
notre perceptionàlapenséevivanteoccultéedansdeslettresmortes».nervie dansand not a series of discrete questions. That question is compendiously
described in the Preamble to the compromisas "the dispute", which is not
the language one would expect ifthe intention wasto treat this as a series
ofdisparate questions which mayormaynotbe answered atthe discretion
of the Tribunal. Interna1evidence to this effect from the text of the treaty
can be gathered from at least five sources :

(a) Paragraph 2 of the Prearnble speaks of the recognition by the Parties
that they have been unable to settle by means of diplomatic negotia-
tion thedispute relating to the determination of their maritime boun-
dary.
(b) Paragraph 3ofthe Preamblefollows up this reference to "the dispute"
by speaking of the desire of the Parties, in view oftheir friendly rela-
tions,to reachasettlement of that dispute, assoon aspossible.

(c) Article 2, in its formulation of Question 1, speaks of the maritime
boundary.
(d) Article 2,initsformulation ofQuestion 2,speaks of theline delirniting

the maritime territories.
(e) Article 9 requires the drawing of theboundary line on the map. One
boundary line for allfive disputed areas isone of the clearest pointers
inthe direction 1have indicated.

There was thus a clear understanding on the part of the contracting
Parties that the Agreement they were entering into wasone seekinga deli-

rnitation of the entire boundary.

(ii) Questions 1and 2 viewedin thecontextofeachother

Thetwoquestionsconstituted an interlocking pair setwithin a cornmon
context - the resolution of the entire dispute. Indeed, one could even
look at the questionstogether as acompositequestion in bifurcated form,
with a clear end result - the resolution of the entire dispute.

Question 2implicitly indicates that, whatever the answer to Question 1,
the result should be one boundary line. Three possibilities present them-
selvesin regard to Question 1 -

(a) an answer that the Agreement was binding in regard to al1compo-
nents ;
(b) an answerthat itwasnot binding inregard toanycomponent ;and
(c) an answerthat itwasbinding onlyinregard to some.

Whateverthe answer,the mutuallydesired result ofa singleboundary line
was achieved through the juxtaposition of the two questions.

In eventuality (a)described abovethere wasno problem in reaching theglobale etnon surune sériede questionsdistinctes.Dans lepréambuledu
compromis, cette question est succinctement décrite comme étant «le
différend)),ce qui n'est pas le mot que l'on attendrait si l'intention des
Partiesétaitd'yvoirunesériede questionsdisparates auxquelles leTribu-
nalpourrait à son grérépondre oune pasrépondre. Celaestcorroborépar
au moins cinq expressionsfigurant dans letexte du traité :

a) aux termes du deuxième alinéadu préambule,les Parties reconnais-
sent n'avoir purésoudre parvoie denégociationdiplomatique lediffé-
rendrelatif àladéterminationdeleurfrontièremaritime;

b) la référenceau ((différend »se poursuit au troisème alinéa du préam-
bule, qui exprime le désir des Parties, étant donné leurs relations
amicales, de parvenir au règlementde cedifférenddans les meilleurs
délais ;
c) l'article2,danssaformulation de lapremièrequestion, vise lafrontière
enmer;
d) l'article2,dans sa formulation de la secondequestion,parle de laligne
délimitantlesterritoiresmaritimes ;
e) l'article 9 prévoit letracéde lalignefrontière surune carte. Lefait que

letexte prévoitletracé d'uneligne frontièrepour lescinqespacesmari-
times en litigeestun desindicesqui vont leplusnettement dans lesens
quej'aiindiqué.
Les Parties contractantes étaient donc clairement convenues que
l'accord qu'elles concluaient visaitàobtenir une délimitationde la fron-
tièredansson ensemble.

ii) Lapremièreetla secondequestion considéréels une par rapport à l'autre

Lesdeux questionsconstituaient une paire inséparable placée dansun
contexte commun, àsavoir le règlementde l'intégralité du différend. On
pourrait mêmeconsidérerlesdeux questionsensemble,comme une seule
question à deux branches tendant à parvenir à un résultatbien précis,le
règlementde l'intégralité du différend.
La seconde question laisse entendre implicitementque, quelle que soit
laréponse donnée a lapremièrequestion,uneseule lignefrontièredoit au
bout du compteêtreétablie.La premièrequestion ouvretrois possibilités
de réponses :

a) l'accord estobligatoireen cequi concernetous les éléments;

b) l'accord n'est obligatoire pour aucun des éléments;
c) l'accord n'estobligatoirequ'en ce qui concerne certains éléments.

Quelle que fût la réponse,lajuxtaposition des deux questionsconduisait
au résultat souhaité parles deux Parties, àsavoirla détermination d'une
seule ligne frontière.
Dans l'hypothèse du point a) susmentionné, le résultat souhaité étaitdesired result, forthe answer to Question 1would, inthat event, settlethe
entire problem which was to be resolved. Question 2 would in that situa-
tion become a superfluous appendage denuded of practical purpose and

content. However, in eventualities (b)and (c),Question 2 remained a live
and meaningful part ofthe entire exercise- indeed a part without which
the exercise would remain fruitless and its object languish unaccom-
plished. The vast amount of expense, time and trouble which the entire
operation had absorbed would then turn sterile unless Question 2 was
addressed. It thus remained a vitalpart ofthe Tribunal's commitment and
obligation if it was to address itself truly to the object for which it was
constituted - an object which could not fail to receive attention if the
Tribunal's mandate was to be interpreted in accordance with the noms
of international law as stipulated in the opening line of the clause under
reference.
In eventualities (b)and (c)work remained to be done through Ques-
tion 2 to achieve the desired complete single boundary implicit in that
question, by demarcating al1zones in eventuality (b)and the remaining
zones in eventuality (c).
There are thus no two parts of the document more closely grappled to
each other than these two questions and neither question is capable of

beingviewedin isolationfrom the other.The rule ofcontextual interpreta-
tion requires not merely the picking out of isolated indicia such as are
identified earlier in this opinion, but also the reading of different parts of
the document consistently with each other. Sitting side by side in the
compromis,each question supplementing and complementing the other,
each defies proper interpretation except in the context of its paired com-
panion.

Analysed inyetanother way,the untenability ofthe Tribunal's interpre-
tation of the phrase "negative answer" becomes apparent if one reduces
hypothetically the extent of the supposedly affirmative answer given to
Question 1.Would it be an affirmative answer if the Tribunal's finding
had been that the Agreement was binding only in regard to, say,the terri-
torial sea? Would it still be an affirmative answer if the Tribunal had
found, for somereason, thatthe Agreement wasbinding only in regard to
the first mileoftheterritorial sea?There comesapoint atwhich an affirm-

ativeanswer in relation to a portion ofthe disputed areas becomesaffirm-
ative inname but not in substance, in form but not in reality. Affirmative
to however inconsequential an extent, it would be negative for purposes
contemplated by the Parties. We cannot therefore assume that the mere
factofthe answerbeing partially affirmative lifted itout ofthe categoryof
the "negative answer" contemplated by the question. To accept such a
proposition would beto missthe object and purpose ofthe exercisewhich
was to delimit boundaries whose uncertainty as a whole was the cause of
tension between two States desiring very much to have this uncertainty
resolved. SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 139

atteintsansdifficultécarlaréponse àlapremièrequestion réglaitcomplè-
tement le problème en cause. La seconde question était alors un appen-
dice superflu dénuédetout contenu et detout objet concrets. Par contre,
dans les hypothèses b)et c),la seconde question conservaittout son sens
ettoute sa force; sanselle, l'exercicejuridique seraitstérile etson objet ne
seraitjamais réalisé.La débauched'argent, de temps et de dérangement

qu'avait entraînél'ensemble du processus aurait été vainesi la seconde
question n'étaitpas traitée.La réponse à la seconde question étaitdonc
une part essentielle du mandat et des obligations du Tribunal dont il
devait s'acquitter pour réaliser véritablement l'objet pour lequel il avait
été constitué - objet qui ne pouvait manquer de recevoir l'attention
nécessairesi I'on interprétaitle mandat du Tribunal conformément aux
normes du droitinternational, selon cequi eststipuléaudébutdeladispo-
sition visée.
Dans leshypothèses b)et c),ilrestaitencoàetraiterlasecondequestion
pour établirlaligne frontièrecomplèteet unique que la question implici-
tement prévoyaiten délimitant toutes les zones dans l'hypothèseb)et les

zones non déjà déterminéesdans l'hypothèsec).
Il n'y a donc pas deux parties de l'accord qui soient plus inextricale-
ment liéesl'une àl'autre quenelesont lesdeuxquestions etaucune d'elles
ne peut être considérée sansl'autre. L'interprétation fondéesur le
contexte exigenon seulementque I'onidentifie desindices isoléstelsque
ceuxqui ont étécitésdans la présenteopinion, mais aussi que I'onliseles
différentesparties du document comme constituant un tout cohérent.Les
deuxquestions,énoncéescôte àcôtedans lecompromis,chacunecomplé-
tant l'autre, ne peuvent seprêter séparément une interprétation exacte a
moins quechacune nesoitconsidéréedans lecontexte de lacompagnequi
lui est associée.
D'un autre point de vueencore, ilapparaît que l'interprétationdonnée

par leTribunal à l'expression ((réponsenégative»estinsoutenable siI'on
réduit hypothétiquement la portée dela réponse censément affirmative
apportée à lapremièrequestion. S'agirait-ild'une réponseaffirmativesile
Tribunal était parvenu à la conclusion que l'accord faisait droit entre les
Parties en ce qui concerne, par exemple, la seule mer territoriale? S'agi-
rait-iltoujours d'une réponse affirmative sileTribunal avaitdécidé,pour
tel ou tel motif, que l'accord ne faisait droit qu'en ce qui concerne le
premier mille de la mer territoriale?l arrive un moment où une réponse
affirmative sur une partie des territoires en litige est affirmative par son
nom mais non par son contenu, dans sa forme mais non dans sa réalité.
Une réponse affirmative sur des points sans conséquence n'en serait pas

moins négative au regard du but poursuivi par les Parties. Nous ne
pouvons donc supposer que, du seul fait qu'elle estpartiellement affirma-
tive, la réponsen'estpas une «réponsenégative » au sens de la question.
L'admettreseraitpasser àcôtéde l'objetetdu but de l'exercice,quiétaient
de délimiter des frontières dont l'incertitude, pour ce qui étaitde tous
leurs éléments,étaità l'origine de tensions entre deux Etats qui souhai-
taient vivement que cetteincertitude soit levée. A view which left the Tribunal free, on the basis of such supposedly

affirmative answers, to shut the door on the vital issues awaiting it under
Question 2,would reduce the whole concept of this solemn international
arbitration to an emptyexercise, by leavingthe Parties with apartialsolu-
tion and sending them to al1the expense, inconvenience and delay of
another determination. Aswillbe seenlater inthis opinion, iteventhrows
doubtsuponthe validity ofthe partial solution. It illustratesthe danger of
readingwordspicked out ofQuestion 2in isolation, rather than oflooking
upon Questions 1and 2asan integrallyrelatedentityaimed at aresolution
of the matters in issuebetween the Parties.

Such restricted viewsofthe obligations attendanton arbitration cannot
constitute a true discharge of arbitral responsibilities and are so far a
departure from their very raison d'être that 1 do not think they can be
viewed as even aprima faciedischarge of arbitral duty. Where this Court
has the opportunity to register its concern at such an attenuation of the
arbitral process, 1believe it should do so. Else,not onlyin this casebut in

important arbitrations yet unconceived, literal interpretations of arbitral
responsibilityunrelated to context may causethe vast effort and expense
involved in complex proceedings to trickle away into futility. This will
involve not only great cost to the parties but also damage to the prestige
and authority of the international arbitral process.

B. ne "Intentions" Approach

1here use the "intentions" approach through textual analysis ofobjects
and purposes and through the positions formulated by the Partiesthem-
selves. An analysis according to the "intentions" approach powerfully
confirms the contextual interpretation outlined above. Astrong endorse-
ment of this approach by SirHersch Lauterpacht bears repetition in this
context :

"It is the intention of the authors of the legal rule in question -
whether it be a contract, a treaty or a statute- which isthe starting
point and the goal of al1interpretation." '

Indeed, intention is so significant that the importance of eventext and
context in interpretation has been attributed by some to the fact that the
textisthe primary evidence ofwhat the parties had intended. In McNair's

'British YearBook ofInternationLaw, Vol.26(1949),p. 83.
See Waldock, Third Report on the Lawof Treaties,Yearbookof theInternational
Law Commission,1964,Vol. II,p. 56. SENTENCEARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 140

Si l'on admettait que le Tribunal était libre, sur la base de réponses
prétendument affirmatives, de fermer la porte à l'examen des points
essentielsposéspar la secondequestion, l'idéemêmed'un arbitrageinter-
national solennelseraitramenée àcelled'unexercice à vide,qui nefourni-
rait aux Parties qu'une solution partielle et les exposerait aux dépenses,
aux complications et aux retards d'une autre détermination de frontière.
Comme ilseraexpliquéultérieurementdans laprésenteopinion,une telle

solutionjette mêmedesdoutes sur la validitéde la réponse partielle. Elle
démontre combienilestdangereux de prendre isolémentdes motstirésde
lasecondequestionplutôt que de considérerlespremièreetsecondeques-
tions comme un tout intrinsèquement liétendant à un règlement des
points en litige entre les Parties.
Une conception aussirestrictivedesobligationsen matière d'arbitrage
nepermettraitpas à un tribunalde s'acquitterpleinement de sesresponsa-
bilités arbitrales et elle s'écarteel point de la raison d'êtremêmede
l'arbitrage que, selon moi, elle ne permettrait mêmepas un accomplisse-
mentprimafaciedes attributions d'un tribunal arbitral. Puisque la Cour a
1'occasion.d'exprimersa préoccupation devant un tel affaiblissement du
processus arbitral, j'estime qu'elle devrait le faire, faute de quoi, dans la

présente espècecomme dans les importants arbitrages à venir, une inter-
prétation littéraleet isoléedu contexte des termes définissant la compé-
tence arbitrale peut avoir pour conséquence que beaucoup d'efforts et
d'argent seront dépensés en pure pertedans des procédures complexes.
Cela représentera de grandsfraispour lesparties mais égalementportera
atteinte au prestige et l'autoritéde l'arbitrage international.

B. L'approchefondéesur I'«intention»des Parties

J'appliquerai maintenant l'approche qui prend en compte I'ainten-
tien» des Parties à travers l'analyse textuelle de l'objet et du but eà
travers les positions formulées par les Parties elles-mêmes.Une telle
approche confirme nettement l'interprétation fondée sur le contexte
présentée plus haut. Il n'est pas inutileà ce propos de rappeler que
sir Hersch Lauterpacht était un fermepartisan de cette approche :

«C'est l'intention des auteurs de la règle de droit en question
- qu'il s'agissed'un contrat, d'un traité ou d'une loi- qui est le
point de départet l'objectifde toute interprétation. '

En fait, l'intention a une importance telle que certains juristes2 ont
attribuélaplacequedoiventoccuper letexte etlecontexte dans l'interpré-
tation au fait que le texte est la preuve premièrede l'intention des parties.

British YearBook of IntemationalLaw, vol. 26(1949),p.83.
VoirWaldock,troisième rapportsuredroitdestraités, nnuairede la Commission
du droit international, 1964,vol. II,p. 57.Pourreprendre lestermes de McNair ',«le véritabledevoirdujuge est de

rechercher l'intention commune des parties a travers les mots du
texte )).
Dans son résumé succinct des principes généraux découlant des
grandes théories de l'interprétation des traités, sirGerald Fitzmaurice
souligneégalementcet aspect:
«i) L'objectif fondamental de l'interprétation des traités ...est de
donner effetauxintentionsdesParties.
ii) Ces intentions sont présumées,prima facie, être exprimées et
représentéespar lestermes du traité lui-mêmel,u comme un tout
indivisible, sur la base de la raison et du bon sens, et compte
dûment tenu des circonstances dans lesquelles il a étéconclu;

mais si tel n'est pas le cas, ou si l'intention ne ressort pas des
termes avec sufisamment de certitude, on peut alors avoir
recours àdescirconstancesoudes moyens extrinsèques ...
iii) Il existe une présomptiongénérals eelonlaquelle l'intention des
parties inclut l'intention deréalisereffectivement I'objectifvisé
par letraité.Ilestdoncjustifié,si cetobjectifestclair...

a) d'interpréterle traitéde manière à réalisercet objectifplutôt
que demanière ànepas leréaliser;
b) si plus d'une interprétation égalementvalidedu texte est rai-
sonnablementpossible,d'adoptercellequiréaliselepluseffica-
cement l'objectifvisé..»

Les points iv) et v) traitent des conventions multilatérales généraleest ne
nous intéressentpas ici.
La jurisprudence de la Cour admet égalementl'approche fondée sur
1'«intention» des Parties; elle a notamment déclarédans l'avisconsultatif
surles Réservesa laconventionpour laprévention etlarépression ducrimede
génocide :

«La considération des fins supérieures de la convention est, en
vertu de la volontécommune des parties, lefondement et la mesure
de toutes les dispositions qu'elle renferme.)) (C.1.J. Recueil 1951,
p. 23.)
Les principes énoncéspar Fitzmaurice, tirés des grandes théories de
l'interprétation (et exprimés «d'une manière a laquelle Lauterpacht
aurait fort bien pu s'associer» 3),sont tous applicables en l'espèce.Il ne
peut y avoir de doute quant àl'intention des Parties, au sens du traitélu
comme un tout indivisible et quant a I'interprétation qui permettrait de

réaliser l'objectif visépar le traité. Cette interprétation est celle qui

' Op.cit., 1961,p. 373.
*Op.cit.,p. 793.cit.,p.793-794;les italiquessontde moi.looks upon the treaty as embodying the will of the contracting States to
secure the settlement once and for al1of the maritime boundary dispute
that had troubled them for so many years.
1am conscious that, in dealing with questions of interpretation, diffi-
culties can arise not only aboutthe meaning oftermsbut alsofrom differ-
ences of attitude or frame of mind. Parties may then "be travellingalong
parallel tracks that never meet" to use the expressive language of
Judge Fitzmaurice in the Goldercase ' or be speaking "on different wave-
lengths" =.Inthe present case,as the ensuinganalysis willshow,the frame
of mind of both Parties,in desiring a settlement ofthe entire dispute, was
clearly the same. To use the language of contract, they were clearly
ad idem.

(i) fie Preamble

An obvious interna1source of reference is the preamble to the treaty.
The preamble is a principal and natural source from which indications
can be gathered of a treaty's objects and purposes even though the pre-
amble does not contain substantive provisions.Article31(2)ofthe Vienna

Convention sets this out specifically when it states that context, for the
purpose ofthe interpretation of a treaty, shallcomprise in addition to the
text, the preamble and certainother materials. Thejurisprudence of this
Court also indicates, as in the case concerning Rightsof Nationals of the
United States of America in Morocco3and the Asylum (Colombia/Peru)
case 4,that the Court has made substantial use of it for interpretational
purposes. Inthe former case,a possibleinterpretation ofthe MadridCon-
vention wasrejected foritslack ofconformity withthepreamble's specific
formulation ofthe purposes ofthe Convention. Inthelattercasethe Court
used the objects of the Havana Convention, as indicated in its preamble,
to interpret Article 2 of the Convention. Important international arbitra-
tions have likewise resorted to the preamble to a treaty as guides to its
interpretation 5.

ThePreamble tothepresent compromismakesittransparently clear that
the object of the instrument was the settlement of the entire boundary
question.Thetwo Governments,havingbeen unable to settlebymeans of
diplomatic negotiation the dispute relating to the determination of their
maritime boundary, express their desire, in view of their friendly rela-

'EuropeanCourtof HumanRights. Ser.A,Vol. 18,p. 42.
SI.C.J.Reports1952,p. 176,atp. 196. Judge Fitzmaurice(ibid.).
I.C.J.Reoorts 1950D.266.atD.282.
See 19and2i):theBeagleChannelArbifration,1977,Wetter,TheInternational
Arbitralrocess,1979,Vol. 1,p. 276,atpp. 318-319.considèreque letraité incarne la volontédes Etatscontractants d'obtenir
une foispour toutes lerèglementdu différendrelatif à leurfrontièremari-
timequi les avait embarrasséspendant tant d'années.
J'ai conscienceque, s'agissant de questions d'interprétation, des diffi-
cultéspeuventnaître non seulementd'un désaccordsur le sensdes mots,

maisaussi de différencesd'attitude ou d'état d'esprit.Il se peut alors que
lesparties suivent«des cheminsparallèlesqui ne se rencontrentjamais »,
pour utiliser l'imagede M. Fitzmaurice dans l'affaire Golderl,ou encore
qu'elles parlent «sur des longueurs d'onde différentes » 2.En l'occur-
rence, commele montrera l'analysequi va suivre,les deux Partiessouhai-
taient un règlement complet du différendet avaient donc manifestement
le mêmeétat d'esprit. Pourutiliser le vocabulaire des contrats, on peut
dire qu'elles étaientclairementad idem.

i) Lepréambule

Lepréambule d'un traité constitue à l'évidenceune source de référence
intrinsèque. De cettesourceprincipale etnaturelle, onpeut tirerdesindi-
cations quant à l'objet etau but du traité,même sile préambulene con-
tientpas de dispositions de fond. Leparagraphe 2de l'article 31de la con-

vention de Vienne énonce spécifiquementce principe lorsqu'il indique
que lecontexte,auxfins del'interprétation d'un traité,comprend non seu-
lement le texte mais aussi le préambule et certains autres éléments. Il
ressortégalementde lajurisprudence de laCour, etnotamment desarrêts
rendus dans l'affaire relative auxDroitsdes ressortissantsdes Etats-Unis
dAmériqueauMaroc3 etdans l'affairedu Droitd'asile(Col~mbie/Pérou)~,
que la Coura largementeutrecours au préambule A des fins d'interpréta-
tion. Dansla premièreaffaire, la Coura rejetéune interprétation possible
de la convention de Madrid en raison de sa non-conformité avecles buts
de la convention tels qu'ils étaient spécifiquement formulésdans le

préambule. Dans la deuxième affaire, la Cour s'estréférée à l'objet de la
convention de La Havane, tel qu'indiquédans sonpréambule,pour inter-
préter l'article2 de la convention. De même,d'importants arbitrages
internationaux ont pris appui sur le préambule d'un traité pour guider
leur interprétation5.
Lepréambuledu compromisexaminérévèlesansambiguïtéque l'objet
du document étaitle règlementde la totalité du problème frontalier. Les
deux gouvernements,n'ayant pu résoudre parvoie de négociationdiplo-
matique ledifférendrelatifà la déterminationde leur frontière maritime,
expriment leurdésir,étantdonnéleursrelationsamicales, de parvenir au

Coureuropéennedes droitsdel'homme,sérieA, vol. 18,p.42.
SirHumphreyWaldock,citépar M. Fitzmaurice,ibid..
C.Z.J.Recueil1952,p. 196.
C.Z.J.Recueil 195,. 282.
Voirlesparagraphes19et20, BeagleChannelArbitration,1977,Wetter,TheZnterna-
rionalArbitralProcess,1979,vol. 1,p. 318-319.tions, to reach asettlement assoon aspossible of thatdispute. To that end,

they have decided to resort to arbitration. They were not resorting to
arbitration for a partial settlement of their dispute, which possibly was
furthest from the objects and purposes of the agreement.

(ii) Parties'positions during thenegotiations
Article 32of the Vienna Convention provides that, as a supplementary
means of interpretation, recourse may be had inter alia to the circum-
stances of the conclusion of the treaty "in order to confirm the meaning

resultingfrom theapplicationof article 31 "(emphasis added). Using such
material as isbefore us on this matter, but only as asupplementary means
of interpretation, it isclear that this material confirms the results flowing
from the contextual and the "objects and purposes" methods set out in
Article 31(1).

Itis not necessary to make detailed references to the course of affairs
leading tothe compromis.It willsufficeto observethat the entire course of
negotiations between the Parties was conducted with theend in viewthat
al1aspects ofthe maritime boundary questionswouldbe settled. Thelong
history of disputesbetween the Parties ranging from 1977to 1985wasnot
confined to any one aspect of the maritime boundary. It was in the inter-
estsof neither Party that the determination oftheboundary or any part of
it should remain in abeyance. These were the circumstances in which the
agreement was reached thatthe matter be referred to arbitration and they
strongly confirm the interpretation reached by the other approaches.

(iii) Parties'positions beforethe Tribunal
1do not need to elaborate here on theattitude of Guinea-Bissau whose
position on this matter was never in contention. 1shall concentrate rather
on that of Senegal. It is clear that Senegal'sposition before the Tribunal
wasthat the entiremaritime dispute wasbefore itand thatthe 1960Agree-
ment extended to that entire dispute, Le.,that it was not confined to the
territorial sea,the contiguouszone and the continentalshelf,but extended

to the exclusive economiczone and fishery zone as well.

The following areamong the indications of this position which can be
gathered from the documents before the Court :
(a) In paragraph 53of its Counter-Memorial submitted to the Tribunal,
Senegal explains the scope of Article 2 of the Arbitration Agreement,
and its contention regarding the applicability of the principles of
intertemporal lawtothe 1960Agreement. Itthen goeson to say :

"Having made these two points, the Government of Senegalasso-
ciates itselfwiththe commentmade by Guinea-Bissau,from which itrèglement de ce différend dans les meilleurs délais.A cettefin, ils ont
décidé de recourirà un arbitrage.Ils n'ontpas demandéun arbitragepour
obtenir un règlementpartiel de leur différend, qui aurait probablement
étéà l'opposéde l'objet etdu but de l'accord.

ii) Position desParties durantlesnégociations

L'article 32 de la convention de Vienne prévoit que,à titre de moyens
complémentairesd'interprétation,il peut être faitappel notamment aux
circonstancesdans lesquelles letraitéa étéconclu «en vue de confirmerle
sensrésultand tel'applicatiodel'article1»(lesitaliquessont de moi).Sur
labasedesélémentsdisponiblesdans la présenteaffaire,mais entantque
moyens complémentaires d'interprétation seulement,il est clair que ces
élémentsconfirment la conclusion àlaquelle conduisent l'interprétation
fondéesur le contexte et l'interprétation fondéesur «l'objet et le but))
mentionnéesauparagraphe 1de l'article 31.

Il n'est pas nécessairede se référer dansle détailau processus qui a
aboutiau compromis. Il suffit de noter que tout le processus de négocia-
tion entre les Parties a été conduitdans l'optique d'un règlementdetous
les aspects des questions concernant la frontière maritime. Les multiples
différendsqui s'étaient produitsde 1977 à 1985entre les Parties n'étaient
pas limités à un aspect donné de la frontière maritime. Il n'était dans
l'intérêdt'aucune des Parties que la frontière, ou une partie quelconque
de celle-ci, demeure indéterminée.Telles ont étéles circonstances dans
lesquelles l'accordvisant cequel'affairesoitsoumise àun arbitrage aété
conclu; elles confirment nettement l'interprétation résultant des autres
approches.

iii)Position desPartiesdevantle Tribunal

Je ne m'attarderai pas ici sur l'attitude de la Guinée-Bissau,dont la
positionà cetégardn'ajamais étécontestée.Jem'attacherai plutôt àexpli-
citer celle du Sénégal.11est clair que la position du Sénégaldevant le
Tribunal était que l'intégralitdu différend maritime était soumis à ce
dernier et que l'accord de 1960couvrait la totalité de ce différend, c'est-

à-dire qu'iln'étaitpas limité la mer territorialà,la zone contiguë et au
plateau continental,maiss'étendait aussià lazoneéconomiqueexclusive
età la zone de pêche.
Ontrouve desindications de cetteposition dans les documents soumis
à la Cour:
a) Au paragraphe 53du contre-mémoirequ'ila présentéau Tribunal, le
Sénégalexplique la portée de l'article2 du compromis d'arbitrage et

expose sa position au sujet de I'applicabilité desrèglesintertempo-
relles du droit internationalà l'accord de 1960.Il poursuit dans les
termessuivants :
«Sousbénéficede cesdeuxprécisions,leGouvernement du Séné-
gal s'associe aucommentairefait par laGuinée-Bissau,commentaire emerges :(1)that ifitisacceptedthat the 1960Agreement wasvalidly
concluded and is binding on the Parties, it is that Agreement alone
which has the force of law concerning the maritime boundary sepa-
rating al1the maritime areas appertainingto each State,aconclusion
borneout bythe factthatthe Parties desire a singledividing line; and
(2)that theTribunal is required itself to draw a line of separation in
the sole event of a negative answer tothe first question. That iswhat
the Parties desired; the GBM [Guinea-Bissau Memorial] rightly
emphasizes this." (Memorial of Guinea-Bissau in the present pro-
ceedings, Annexes, Book II; emphasis added.)

(b) In paragraph 153of the Rejoinder of Senegal submitted totheTribu-
nal, Senegalaversthat subsequent practice :

"has alsocomplemented the 1960Agreement,givingit,as itwere,an
additional dimension. For it has enriched it on the 'vertical'plane,
with respect to the delimitation of the superjacent water column ...
The Government of Senegal intends, indeed, to demonstrate that
subsequentpracticehaswidened the initial area of application ofthe
Franco-Portuguese Exchange of Letters of 1960 and that the
240"maritime boundary from Cape Roxo isvalid not only aslimitof
the sea-bed and its subsoil but also with respect to the superjacent
waters." (Memorial of Guinea-Bissau in the present proceedings,
Annexes, Book III.)

(c) In paragraph 245 of the same Rejoinder Senegal re-emphasizes this
position :

"In other words, while the maritime boundary established by the
1960 Agreement related, beyond the outer limit of the territorial
waters, only to the continental shelves,thereby reflecting the state of
the international lawofthe seaatthe time, aconsiderablesubsequent
practicethereafter enriched and complemented the 1960Agreement
by, as it were, raising the240" limit to the level of the surface of the
superjacent waters."

(d) Paragraph 246of the same Rejoinder reads :
"Moreover the Government of Senegal has referred, in its Coun-
ter-Memorial, to this extension of the area of application of the
1960Agreement, on boththe spatial andthe substantive plane. It has
observed, in particular, that ever since Senegal's accessionto inde-
pendence it had 'exercised its competences, in the most varied
domains, over the maritime spaces coming within its national juris-

diction and located to the north of [the240" line]'(SCM,para. 9). It
added that apart from petroleum-related activities,ithad been led to
'exercise its police powers'by reference to this 240" maritime boun-
dary ..." SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 144

dont ilressort:1)que s'ilest admis que l'accord de 1960aétévalable-
ment conclu et lie les Parties, c'est lui, etlui seul, qui faitdroit en ce
qui concerne la frontière maritime séparantl'ensembledes domaines
maritimes relevant de chaque Etat, conclusion corroboréepar le fait
que les Parties souhaitent une ligne divisoire unique; et 2) que le
Tribunal est appelé à tracer lui mêmeune ligne séparatrice dans la
seule hypothèse d'une réponsenégative àlapremière question. C'est
cela que les Parties ont voulu; le MGB [mémoirede la Guinée-
Bissau] le souligne avec force et à juste titre.)) (Mémoire de la

Guinée-Bissaudéposéen laprésente instance, annexes, livre II; les
italiques sont de moi.)
b) Au paragraphe 153de laduplique qu'ilasoumise au Tribunal, leSéné-

galaffirme que lapratiquesubséquente :
«a égalementcomplétél'accord de 1960et lui a en quelque sorte
donnéune dimension supplémentaire. Elle l'aen effet enrichi sur le

plan ((vertical », en ce qui concerne la délimitation de la colonne
d'eau surjacente ...Le Gouvernement du Sénégalentend en effet
montrer que la pratique subséquente a accru la sphère d'application
initiale de l'échangede lettres franco-portugais de 1960et que la
frontièreen mer des 240" du cap Roxo ne vaut pas seulement comme
limite du litde lamer etde son sous-sol,maiségalementpour leseaux
surjacentes. » (Mémoirede la Guinée-Bissau déposéen la présente
instance, annexes, livreIII.)

c) Au paragraphe 245 de la mêmeduplique, le Sénégal insisteune
nouvellefois sur cepoint :

«En d'autres termes, alors que la frontière en mer établie par
l'accord de 1960ne se rapportait, au-delà de la limite extérieuredes
eaux territoriales, qu'aux plateaux continentaux, conformément a
l'étatdu droit international de la mer a cette date, touteune pratique
subséquente est venue enrichir et compléter l'accord de 1960 en
exhaussant en quelque sorte la limite des 240" aux eaux surja-
centes. »

d) Leparagraphe 246du mêmedocument estainsi libellé :

«Le Gouvernement du Sénégal avait d'ailleursfait allusion, dans
son contre-mémoire, à cette extension de la sphère d'application de
l'accord de 1960,sur le plan spatial comme sur le plan matériel. 11
avait notamment remarqué que, dèsson accession à l'indépendance,
il avait «exercéses com~étences.dans les domaines les lus divers.
dans les espaces maritimes relevant de sajuridiction nationale situés
au nord de [la 1.ignedes 240°]». (CMS, par. 9.) Il avait ajoutéqu'en
dehorsdes activitéspétrolières,il avait étamené «a exercer sespou-
voirs de police» en se référanta cette frontière en mer des 240" ..»145 ARBITRAL AWARD (DISS O.P.WEERAMANTRY)

(e) Atthehearing before the Tribunal Senegalput itsposition thus :
"We observe that a dividing line- one singleline and no other -
comesup notjust once, bychance,but constantlywithoutany excep-
tion inthe practice ofthese States and in the exercise oftheir respec-
tivejurisdictions. And what, Mr. President, isthat dividing line? It is
invariably the line drawn at 240" from Cape Roxo." (Memorial of

Guinea-Bissau in the present proceedings, Annexes, Book IV,
Part II, Verbatim Record of Oral Arguments of Senegal before the
Tribunal, Record No. 9,p. 83.)
These submissions can leave no doubt that the matter which Senegal
looked upon asthe subjectofthe arbitration wasthe entiremaritime boun-
dary and no less. Its contention was that the 1960Agreement referred to
the entiremaritime boundary and no less.The object ofthe arbitration was

the determination of the entire maritime boundary and no less. Conse-
quentlyQuestion 1,asread initscontext aswellasinthe lightofthe object
and purpose of the Agreement, related to the binding nature of the
1960Agreement overthe entiremaritime boundary andno less.
Just as Senegal was urging the acceptance of the 1960demarcation in
regard to the wholeof the maritime boundary, Guinea-Bissau was con-
tending that it was without force in regard to the wholeof the boundary.

Ut res magis valeat quam pereat, sometimes described as the mle of
effectiveness,isanother general principle of interpretation which may be
invoked under the head of intention. It embodiesa wisdom which is spe-
ciallyappositein interpretingagreements such asthis, where aconcentra-
tion on the literal meaning of particular phrases may not only stifle the
spirit ofan agreementbut also damage the harmony whichthat agreement
wasmeantto promote. There isconsiderablewarrant inthejurisprudence
of this Court for applying the rule of effectiveness,though of coursethis
principle cannot be pressed so far as to attribute to treaty provisions a

meaning which would be contrary to their letter and spiri'.

It should also be noted that the International Law Commission has
taken the viewthat, in so far as this maxim reflects a tme general mle of
interpretation, it is embodied in Article 31,paragraph 1,"which requires
that atreaty shall be interpreted ingoodfaith and "inthelightofitsobject
and purposeM2.The International Law Commission goes on to observe:

"When a treaty is open to two interpretations one of which does
and the other does not enable the treaty to have appropriate effects,

'Interpretarionof Peace Treaties withBulgaria,HungaryandRomania, Advisory Opin-
ion,I.C.J.Reports 1950,21,atp.229.
* United Nations Conferenceon the Law of Treaties,op. rit.,p.39; emphasisadded.e) A l'audience du Tribunal, leSénégaa l expliquéainsisaposition :

«On constate qu'une lignedivisoire - une seule et pas une autre
- revient, non pas une fois, par hasard, mais constamment, sans
aucune exception, dans la pratique de ces Etats et dans l'exercicede
leurs compétencesrespectives. Et quelle est, Monsieur le Président,
cette ligneséparative?C'estinvariablementl'azimutdes 240" du cap
Roxo.0 (Mémoire de la Guinée-Bissau déposé en la présente
instance, annexes, livre IV, deuxième partie, plaidoiries du Sénégal
devant le Tribunal arbitral, procès-verbal no9, p. 83.)

Ces extraits ne laissent subsister aucun doute :le Sénégal considérait
que la question faisant l'objet de l'arbitrage était celle de latotalitéde la
frontièremaritime, et pas moins. Il affirmaitque I'accordde 1960visait la
totalitédelafrontièremaritime, etpas moins. L'objetdel'arbitrage étaitla
détermination de la totalitéde la frontière maritime, et pas moins. Ainsi,
lapremièrequestion,lue dans soncontexteainsiqu'à la lumièrede l'objet
et dubut du compromis,avaittrait au caractèreobligatoire de I'accordde
1960en ce qui concerne la totalitéde la frontière maritime, et pas moins.
Toutcomme le Sénégalprônait l'acceptationde la délimitationde 1960
en ce qui concerne toutela frontièremaritime,la Guinée-Bissauaffirmait
que cet accord était sanseffet en ce qui concernela totalitéde cette fron-

.-.-..
Le principe d'interprétation exprimé parla maxime utresmagisvaleat
quampereat, souvent désignésousle nom de principe de l'effet utile, est
un autre principe général d'interprétation qui peut être invoqué soulse
chapitre de l'intention desparties. Il traduit une sagesseparticulièrement
bienvenue dans l'interprétation des accords, tel I'accord en litige, pour
lesquelsun attachement excessif au senslittéraldesmots peut non seule-
ment étouffer l'espritde I'accord maiségalementnuire à l'harmonie que
l'accord est censépromouvoir. Même sliajurisprudence de la Courjusti-
fie largement d'appliquer le principe de l'effet utile, l'on nesaurait bien
sûrpousserl'application de ceprincipejusqu'à attribuer auxdispositions
du traité un sensqui contredirait leur lettre et leur esprit'.
D'autre part, ilya lieu de noter quela Commission du droit internatio-

nal a étéd'avis que, dans la mesure où la maxime est l'expression d'une
règlegénéraled'interprétatione ,lleestincorporéedans leparagraphe 1de
l'article31quistipule qu'aun traité doitêtreinterprété debonnefoi» et «à
la lumièredesonobjetetdesonbut» 2.LaCommission du droit internatio-
nal poursuit en observant:
Lorsqu'un traité est susceptible de deux interprétations, dont

l'une permet et l'autrene permet pas qu'il produiseleseffetsvoulus,la

' Interprétatides traitésdepaix conclusavecla Bulgarie.la Hongrieet la Roumanie.
C.Z.JRecueil1950,p. 229.
moi.ConférencdeesNations Uniessur ledroitdestraités.it.,p.42;les italiquessontde good faith and the objectsandpurposesof thetreaty demandthat the
former interpretation should be adopted." '
An analysis according to the "intentions" approach thus shows that a
partial resolution of the dispute was clearly beyondthe contemplation of
both Parties. Indeed, it was so far from their intentions that one could
reasonably postulate that neither Party would have gone to arbitration
had it visualized such an inconclusive outcome, for it would only have
compounded their problems and left them further from resolution than
when they began.
One must, of course, in applying the "intentions" approach, always be

on one'sguard lestone use itto read into atreatya stipulation which isnot
contained in the text. As the Permanent Court of International Justice
wamed in the Accessto,orAnchorage in, the PortofDanzig,ofPolishWar
Vesselscase (P.C.Z.J.,SeriesA/B, No.43,p. 144),the Court was not pre-
pared to hold that the text of a treaty "can be enlarged by reading into it
stipulations which are said to result from the proclaimed intentions of the
authors ofthe Treaty,butfor which no provision ismade inthe text itself'.
The present case involves no such introduction into the document of that
which was not already there. The entire document was instinct with this
meaning from its very Preamble.

Thedetermination of thedisputewasthus the basis on which theTribu-
nal was entrusted with itsheavy responsibilities. It was called uponto ren-
der certainaboundary obscured bythe opposingcontentions of Partiesand
to provide afirm basis on which they could henceforth order their affairs.
Theycould not readtheir mandateany differently inthe lightofthe norms
of international law as set out inthe Vienna Convention in particular.

C. The"TeleologicalA "pproach

1do not here use theteleological approach, as itissometimesused in its
more extreme forms, for setting an external object or purpose for a treaty
which may not coincide with the intentions of the parties. The object or
purpose 1seek is firmly anchored in the text of the treaty and the parties'
own viewsthereof. To that extent, itis linked to the approaches under the
other two heads.

The only extent to which 1haveinvoked a purpose goingbeyond this is
when 1refer to accepted principles regarding the underlying purpose of
arbitration agreements. Used in this limited manner, there is legitimate
scope for the teleological method. As Fitzmaurice observes, "there is no
doubt that an element of teleology does enter into interpretation and
finds, within limits, a legitimate place ther2.

' United Nations Conferenceon Law of Treaties,op. cit.,p. 39; emphasisadded.
Op.cit.,p. 342. bonne foiet lanécessitéderéaliser le butetl'objetdutraité exigentue
la premièrede ces deux interprétationssoit adoptée.»
Si l'on s'attacheà rechercher l'«intention» des Parties, il apparaît

qu'aucune des Partiesn'envisageait un règlementpartiel du différend. En
fait, cette solution était tellement éloignéede leur intentionque l'on peut
raisonnablement supposer qu'aucune des deux Parties n'aurait recouru à
un arbitrage si elle avait prévu une issue aussi peu décisive,celle-ci ne
pouvant qu'aggraver le problème et les éloignerencore plus d'un règle-
ment définitif.
En appliquant la méthodefondée sur l'«intention des parties »,il y a
lieu naturellement d'êtretoujours sur ses gardes afin de ne pas prêter au
traité une disposition qui ne figure pas dans le texte. Dans l'affaire de
l'Accèset stationnementdesnaviresdeguerrepolonaisdansleport deDant-
zig(C.P.J.I.sérieA/B no43,p. 144),laCour permanente deJustice interna-
tionalea averti que laCour n'était pas disposéeàadmettreque l'on puisse
élargirletexte d'un traité«et y voir des stipulations représentées comme

étantle résultat des intentions proclaméespar les auteurs du traité, mais
que ne formule aucune disposition du texte lui-même». En ce qui
concerne l'affaire dont nous sommes saisis, il n'est pas question d'intro-
duire dans le document des stipulations qui ne s'ytrouvent pas déjà. Le
sens sedégagede l'ensemble du document dèsle préambule.
Lerèglement dudifférendétad itonc labase surlaquelle leTribunal a été
chargédeseslourdesresponsabilités.Onattendaitde celui-ciqu'ildéfinisse
avecnettetéune frontièreindistinctedu faitdesprétentionscontradictoires
desParties etqu'il établisseunebasesolidesurlaquelle lesPartiespuissent
à l'avenirordonner leursaffaires. Lesarbitresnepouvaient pas interpréter
différemment leurmandat à la lumière desnormes du droitinternational
telles qu'elles sont énoncéesdans la convention de Vienne en particulier.

C. L'approche«téléologiqu »e

Je n'appliquerai pas ici l'approche téléologique, telle qu'elleest quel-
quefois appliquéesoussesformes lesplusextrêmespour assignerau traité
un objet ou un but extrinsèque qui pourrait ne pas coïncider avec les
intentions des parties. Je recherche un objetou un but qui soitsolidement
ancrédans le texte du traité et dans la position adoptéepar les parties
elles-mêmes àce sujet. A cet égard, cetteapproche est liéeaux approches
présentéesdans les deux sectionsprécédentes.
Je ne vais plus loin en invoquant un but plus étenduque lorsque je fais

appel auxprincipes établisconcernant lebutfondamentaldes compromis
d'arbitrage. Dans cettelimite, ilestlégitimederecouriràlaméthodetéléo-
logique. Comme le fait observer Fitzmaurice, «il est indubitable qu'un
élémenttéléologiqueentredans l'interprétation et yoccupe,dans certaines
limites,une place légitime» *.

ConférenceesNationsUniessurledroitdestra, p.rit.,p.42;les italiquessontdemoi.
Op.cit.,p. 342. Used inthisfashion, it provides through another approacha confirma-
tion of the conclusionsreached through the other two approaches.

With those prefatoryremarks, and subjectto thelimitationsindicated, 1
may observe that the underlying purpose of an arbitration agreement is
clearly the amicable settlement of the issues which the parties have com-
mitted for resolution to the arbitral tribunal. As Verzijlobserves, arbitra-
tion is "a procedure of international law destined to terminate a dispute
which has arisen between sovereign States by the decision, vested with
bindingforce, ofoneormorethird persons" l.Thispurpose derivesadded
strength from the fact that it accords with one of the high objectives of
international law - the harmonious resolution of international disputes
so asto eliminatecontinuing frictions that endanger peace.

The Permanent Court of International Justice had occasion to use the
teleologicalmethod,in the context of arbitration, and to pronounce upon
the end which arbitration treatiesshould serve.In the Factoryat Chorzow,
Jurisdiction case, in discussingArticle 23 of the German-Polish Conven-
tion concludedatGeneva in 1922(whichitdescribedas"a typical arbitra-
tion clause"), it observed :

"For the interpretation of Article 23, account must be taken not
only ofthehistoricaldevelopment ofarbitrationtreaties,as wellasof
the terminology of such treaties, and of the grammatical and logical
meaning ofthe wordsused,but also and more especially ofthe func-
tion which, in the intention of the contracting Parties, is to be attri-
buted to this provision." (Factory at Chorzow,Jurisdiction,Judgment
No. 8, 1927,P.C.I.J.,SeriesA, No.9,p. 24.)

The Court went on to add :
"An interpretation which would confine the Court simply to
recording that theConvention had beenincorrectlyapplied or that it
had not been applied, without being able to lay downthe conditions
for the re-establishment of the treaty rights affected, would be con-

trary to what would,prima facie, be the natural object of the clause;
for ajurisdiction of this kind, instead of settling a dispute once and
for all, would leave open the possibility of further disputes." (Ibid.,
p. 25.)
These considerations have strong relevance tothecasebefore us having
regard tothe Tribunal's restrictiveinterpretation oftheclausespellingout
its function - an interpretation which, to borrow the Court's phraseo-

logy, "instead of settling a dispute once and for all, would leave open the
possibility of further disputes".
In the context of the present case these considerations lead to the view
that theArbitralTribunal was under the compromischargedwith a dutyto

J. H.W.Verzijl,InternationalLaw in Historical Perspective,1976,Vol.VIII,p. 143. Ainsi appliquée, l'approche téléologiqueest un autre moyen encore
de confirmer les conclusions auxquelles ont abouti les deux autres
approches.
Aveccesremarquesintroductives, et sousréservedes limites indiquées,
je ferai observer que le but fondamental d'un compromis d'arbitrage est
manifestement le règlement amiable des questions que les parties ont
chargéle tribunal arbitral de résoudre.Commele note Verzijl,l'arbitrage
est «une procéduredu droit international visant à mettre fin àun diffé-
rend néentredes Etatssouverains par la décision,ayant forceobligatoire,
d'une ou plusieurs tierces personnes» '.Ce but a d'autant plus de force
qu'il concorde avec l'un des objectifssuprêmes du droit international,à
savoir le règlementharmonieux des différends internationaux en vue de

l'élimination desfrictions continuesqui mettent la paix en danger.
La Cour permanente de Justice internationale a eu l'occasion d'appli-
quer la méthode téléologique, à propos de l'arbitrage, et de se prononcer
sur ce que doit êtrele but d'une conventiond'arbitrage. Dans l'affaire de
1'Usinede Chorzow,examinant I'article 23de la convention conclueentre
l'Allemagne et la Pologne en 1922(qu'elle qualifie de clause compro-
missoire typique D),la Cour permanente a déclaré :

Pourl'interprétationde I'article23,ilconvient de s'attacher, non
seulement àl'évolution historique des conventions d'arbitrage età
leur terminologie,ainsi qu'au sens grammaticalet logique des mots
employés,mais aussi etsurtout à lafonctionqui doit, selon lavolonté
des Parties contractantes, être attribuéecette disposition» (Usine
de Chorzow, compétence, arrên t o8, 1927,C.P.J.I.sérieA no9,p.24.)

La Cour a poursuivi en ajoutant:
Une interprétation qui obligerait la Courà s'arrêteà la simple
constatation que la convention a été inexactement appliquéeou
qu'elle est restéesans application, sans pouvoir fixer les conditions
dans lesquelles les droits conventionnels léspeuvent être rétablis,
irait l'encontre du but plausible etnaturel de la disposition,car une

pareillejuridiction, au lieu deviderdéfinitivementun différend,lais-
serait la porte ouvertede nouveaux litiges.)>(Ibid p. ,5.)

Cesconsidérationsrevêtentune grandeimportancepour l'affaire dont
nous sommes saisis, vu l'interprétation restrictive que le Tribunal a
donnée de la clause qui définit son mandat, interprétation qui, pour
emprunter laformule de la Cour permanente, au lieu deviderdéfinitive-

ment un différend,laisseraitla porte ouverteà de nouveaux litiges».
Dans lecadrede laprésenteaffaire,cesconsidérationsmeconduisent à
penser que le Tribunal arbitral, en vertu du compromis, avait reçu pour

'J.H. W. Verzijl,International Law in Hislorical Perspective, 1976,vol. VIII,p. 143.settlethe problem which had brought the Partiesbefore it, or, in Venijl's
language, "to terminate a dispute which has arisen between sovereign '
States". That ithas signallyfailed to do, and anyinterpretation which ren-
ders possible the course the Tribunal took, would not be in consonance
with the principle of interpretation under discussion.

In the event of two equally acceptable interpretations, one leaving dis-
puted issues still unsettled and one resolving al1issues, the teleological
approach would weight the balance in favour of the latter. In the present
case, the "textual" approach and the "intentions7'approach have already
led to the latter interpretation and the teleological approach only con-
firms it.
When, as in the present case, the parties have broken through years of
disagreement to reach the stage of referring their dispute to arbitration,
the protection of the compromisin al1 its integrity becomes specially

important.The Court needs tobe vigilantto safeguard the compromisand
the arbitration against interpretations which defeat their central purpose.

The limited extent towhich 1have used theteleologicalmethod ofinter-
pretation obviates any necessity to analyse it further in the present opin-
ion. Lookingforward to the future it rnaybe that the teleologicalmethod
ofinterpretation, in contrast to strictjuristic formalism, mayplay agreater
role inthe development of international law '.Interpretation by reference

to the "spirit" of the treaty or by reference to important values may well
receive more recognition as international law develops 3.These are ques-
tions which the jurisprudence of the future willneed to address.

For present purposes it will suffice to observe that the insights to be
gained from the teleologicalmethod could guardthe interpreter from so
closean adherenceto literalmeaningsas to causethe fundamental objec-
tives of the documentto recede from view.

Znterestreipublicaeutsitfinis litiumapplies equally tojudicial and arbi-
tral awards, and applies equally to domestic and international litigation.
Apartial answerthat maywellresult ingreaterconfusion and uncertainty

' See the dissentingopinion of Judge Tanakain South WestAfrica. Second Phase,
I.C.Seethedissentingopinion of JudgeAlvarezin Anglo-IranianOilCo.,I.C.J.Reports
1952.v. 126:South WestAfrica.PreliminarvObiections.Jud~ment.I.C.J.Re~orts1962.
p.336:cf.~ordDiplock7sobservationinR ;.~enn(1980)2 MI ~~'166thatininterpret:
ingtreatiesthe CourtofJusticeoftheEurooeanCommunitiesseeksto giv.,ffecttothe
"s-irit"ratherthanto theletterof treaties.'
!Se, Rousseau, Droitinternationalpublic,1,p. 29; M. S. McDougalH. D. Lasswell
and J. L. Miller, The Intevretation of Agreements and WorldPublic Order, 1967,
pp. 39-45;Richard Falk,TheStatus of LawinInternationalSociety,1970,pp. 368-377;
Prospects", (1967-1968) 8VirginiaJournal of Internationlaw, p. 323; Julius Stone,
"Fictional Elementsin Treaty Interpretation- A Study in the InternationalJudi-
cial Process",(1953-1955)Sydney Law Review,pp.363-368.mission de réglerle problème qui avait conduit les Parties devant lui, ou,
pour employer les mots de Verzijl, pour mettre fin àun différendqui est

né entreEtats souverains ».C'est ce qu'iln'a absolument pas fait et toute
interprétationquirendrait possiblela voieque leTribunal aprise ne serait
pas en harmonie avecle principe d'interprétation à l'examen.
Dans le cas où deux interprétations sont également acceptables, l'une
laissant des points en litige sans solution, l'autre les réglant tous,
l'approche téléologique devraitfaire peser la balance en faveur de la
seconde. En l'espèce,l'approche ((textuelle » et celle de la recherche des
intentions »ont déjàconduit àcette secondeinterprétation etl'approche

téléologiquene fait que la confirmer.
Lorsque, comme dans la présente affaire,les parties ont mis un terme à
des annéesde désaccordpour en venir au stade où elles soumettent leur
différend à l'arbitrage, la protection du compromis dans son intégralité
revêtune importance toute particulière. La Cour se doit d'êtrevigilante
pour mettre le compromis et l'arbitrage à l'abri d'interprétations risquant
d'allerà l'encontre deleur but essentiel.
La mesure limitéedans laquelle j'ai uséde la méthode téléologique

d'interprétation écarte toute nécessitéde l'analyser plus avant dans la
présenteopinion. Si l'onse tourne vers l'avenir, ilse peut que la méthode
d'interprétationtéléologiquepuisse,ensesubstituantaustrict formalisme
juridique, jouer un rôle accru dans le développementdu droit internatio-
nal l.Il se peut fort bien que la règle qui veut que l'on se réfère,pour
l'interprétation, à l'«esprit» du traité2 ou à des valeurs importantes
devienne plus généralementadmise àmesure que ledroit international se
développera 3Ce sont là des questions que lajurisprudence devra exami-

ner demain.
Dans la présente affaire,il suffira de relever que les horizons qu'ouvre
la méthode téléologique peuvent éviter à l'interprète lerisque de trop
s'attacher au sens littéraldes mots et de perdre ainsi de vue les objectifs
fondamentaux de l'instrument en question.
L'adage interestreipublicaeut sitfinis litiums'applique égalementaux
décisions judiciaires et aux sentences arbitrales, aux procédures natio-

nales et aux procédures internationales. Une réponse partielle qui risque
-
' Voir l'opinion dissidentede M. Tanakadans les affaires du Sud-Ouest africain.
deyxièmephase,C.I.J.Recueil1966,en particulierp.276-278.
- Voirl'opinion dissidentede M. Alvarez dansAnglo-IranianOil Co., C.I.J.Recueil
1952, p. 126; Sud-Ouest africain.exceptions préliminairesa,rrêt,C.I.J. Recueil 1962,
p. 336; voirla remarquede lordDiplock dansRv. Henn(1980),2 AI1EnglandReports,
166,selon laquelle, lorsqu'elleinterprète les traitélsa, Cour de justicedes Commu-
nautés européennes cherchà donner effea 1'«esprDtplutôtqu'àla lettredestraités.
VoirRousseau,Droitinternationalpublic,1,p.29;M.S.McDougal,H.D. Lasswellet
J. L. Miller, TheInterpretationof Agreements and Worldhblic Order, 1967,p. 39-45;
TreatyInterpretation and theNew Haven Approach:Achievements and Prospect»ds, «On
VirginiaJournalofInternationalLaw,1967-1968,vol. 8, p. 323;JuliusStone, Fictional
Elements inTreatylnterpretation- A Study in the InternationalJudicial Process»,
Sydney Law Review,1953-1955,p.363-368.than prevailedbefore isnotin keeping withthis maximwhich supplies the
principal rationale for the finality of awards.

Article 34 of the Mode1 Rules on Arbitral Procedure adopted by the
International Law Commission declares that the arbitral award "shall
settle the dispute definitively and without appeal". It can only do so if it
settles the dispute substantially. If it settles part of the dispute, leaving a
gaping void yet to be filled by further arbitral determination, one finds it
difficult to see how the quality of definitiveness can attach to such an
award.

Another facet of the same principle, expressedfrom the standpoint of
theindividuallitigantsrather than the community - nemodebetbisvexari
pro unaet eademcausa(its counterpart in criminal law being nemodebet
bis vexariprounoeteodem delicto) - alsohas relevance here,for,after al1
the trouble and years of delay involved in gettingthis arbitration off the
ground, both Parties were entitled to expect a final resolution of the dis-
pute between them rather than to have toface a secondprolongedarbitral
process. The fact that an important segment of the dispute was left un-
decided had an effectpreciselythe opposite ofthat contemplated bythese
maxims.
If1amcorrect inthe principles ofinterpretation 1have applied, itseems
to methat there isonly one conclusiontheTribunal could have arrivedat
in regard to Question 2 had it applied the rules of treaty interpretation
recognized alike by customaryinternational law and in its codification in
the Vienna Convention on Treaties. These rules were binding on the Tri-

bunal and left it with no alternative. Unless it strayed far from the real
dispute by giving a literal meaning to phrases such as "negative answer"
picked out of their context in violation of those rules of interpretation, it
had necessarilyto reach the result that it was its duty to enter into Ques-
tion 2.

It will be noticed that, in this analysis, 1 have used well-accepted
theories of interpretation which may be said to representthe mainstream
viewasopposed to othertheories ofinterpretation which stilldo not com-
mand generalacceptance. 1have refrained from using othertheories,as a
finding which needsto beso definite asto provide abasis fora declaration
of nullity requires to be approached alongwell-troddenground.

The preceding analysis has made it clear that the one interpretation

pointed to bythe contextual,"intentions" and teleological methods isthat
the entire dispute wasthe subject ofthearbitration ingeneral and ofQues-
tion 1in particular. It is also clear that the duty of the arbitrators was to
have had constantlybefore them the main object and purpose oftheenter-
priseon which they were engaged - the determination ofthe entire mari-
time boundary and the resolution of the acute dispute that had arisen
between the Parties.
The conclusions thus arrived at through the use of principles of inter- SENTENCE ARBITRALE(OP. DISSW. EEMMANTRY) 149

fort d'aggraver la confusionet l'incertitude existantes n'estpas conforme
a cetadage,quireflètelaprincipale raisond'êtredu caractèredéfinitifdes
sentences.
L'article4du modèlede règlessur laprocédure arbitrale adoptéparla
Commission du droit international dispose que la sentence arbitrale
ttdécide définitivementet sans appel la solution du différend D.Elle ne
peut le faire que si elle règle l'essentieldu différend.Si elle n'en tranche

qu'une partie, laissant subsister un vide béant que devra combler une
nouvelledécision arbitrale, on voit mal comment une telle sentencepeut
avoir un caractèredéfinitif.
Un autre aspect du mêmeprincipe, exprimé du point de vue des plai-
deurs plutôt que de la communauté - nemodebet bisvexaripro una et
eademcausa (dont le pendant en droit pénalest nemodebetbisvexaripro
unoet eodemdelicto) - est égalementpertinent en l'espècecar,aprèstous
les efforts qu'elles ont déployés pendant des annéespour arriver à cet
arbitrage, lesdeux Partiesavaient ledroit d'escompter un règlementdéfi-
nitif de leur différend sans avoir faire faceà une deuxième et longue
procédure arbitrale. Le fait qu'une part importantedu différendn'a pas
ététranchéea eu un effetqui estexactement àl'opposéde celuiqu'envisa-

gent les adages ci-dessus.
Sijene metrompepas dans lesprincipes d'interprétation quej'ai appli-
qués,il mesemble qu'il n'ya qu'une seuleconclusion àlaquelle leTribu-
nal aurait pu parvenir concernant la seconde question s'ilavait appliqué
les règlesd'interprétation destraités reconnues la foispar le droit inter-
national coutumier et par sa codification dans la convention de Vienne
sur le droit des traités. Ces règless'imposaient au Tribunal et ne lui lais-
saient aucune autre possibilité.A moins de beaucoup s'écarterdu véri-
table différend en donnant un sens littéral a des formules telles que
«réponse négative » extraites de leur contexte au méprisde ces règles
d'interprétation, le Tribunal devait nécessairementparvenir àla conclu-

sion qu'il étaittenu d'aborder la secondequestion.
On remarquera que, dans cette analyse, j'ai eu recours à des théories
d'interprétation très généralement admises,dont on peut dire qu'elles
représentent la doctrine principale,à l'inverse d'autres théoriesd'inter-
prétation qui n'ont pas encore été universellementacceptées.Jeme suis
abstenu de recourir a d'autres théories car une conclusion qui doit être
assezsûre pour pemiettre de fonder unedéclarationdenullitéexigequ'on
l'examine en se basant sur un terrain solide.
L'analysequi précèdea montré clairementque la seuleinterprétation a
laquelle aboutissent les méthodesde recours au contexte et aux inten-
tions» et la méthode téléologiqueest que l'ensemble du différend consti-
tuait l'objet de l'arbitrage en général etde la première question en

particulier. Il est clair aussi que le devoir des arbitres était d'avoir
constamment àl'esprit l'objet et lebut essentiels de latâche qu'ilsavaient
entreprise,à savoir la détermination de I'ensemble de la frontière mari-
time et la résolution du grave différend qui avait surgi entre les Parties.
Les conclusions auxquelles on parvient en appliquant les principespretation are in fact fortified even further by the Tribunal's own view of
the question before it.

The Tribunal was well aware that "the relations" were not confined to
the territorial sea, the contiguous zone and the continental shelf, but
extended also to the exclusive economic zone and the fishery zone. The
ambit of the dispute as extending to al1five zones was never in dispute
before theTribunal. The Order of theTribunal alsoshows that itwas well
aware that the boundaries of al1five zones were before it for determina-
tion. Indeed,the Order isheaded, in phraseology no doubt worked out by
the Tribunal itself, with the caption "Arbitration Tribunal for the Deter-
mination of theMaritime Boundary" (emphasis added).
The Tribunal, having decidedthatthe Agreement was - "valid, wholly
valid" (Award,para. 82)had to moveonto theinterpretation ofthat agree-
ment in the context of the practical disputethat had surfaced between the
Parties and was dominating their concern. It was no question of academic
interpretation to which the Tribunal was asked to address itself but one
firmly embedded in the real world of practical affairs. How didthe Tribu-
nal viewthattask?

To quote its words :
"The sole objectof the dispute submitted by the Parties to the Tri-
bunal accordingly relates to the determination of themaritime boun-
dary between the Republic of Senegal and the Republic of Guinea-
Bissau,aquestion which they have notbeen ableto settlebymeans of
negotiation." (Ibid.,para. 27 ;emphasis added.)

If there were still any doubt regarding the Tribunal's understanding of
the question which itwasaddressing, such doubt isdispelled bytheTribu-
nal itself. It says inparagraph 83of its Award:

"The Tribunal is not attempting to determine at this point whether
there existsadelimitation ofthe exclusiveeconomic zones based on a
legal normother than the 1960Agreement, such as a tacit agreement,
a bilateral custom or a general nom. It ismerelyseeking todetermine
whethertheAgreementin itseifcanbe interpretedsoas tocoverthedeli-
mitation of the wholebody of maritime areas existing at present."
(Emphasisadded.)

Ifthat wasthe question the Tribunal was seekingto address,the answer
it gave was clearly in the negative.
That the dispute related to the entire boundary was thus incontrover-
tible. That fact, firmly set in concrete, so to speak, provided the mould
within which the arbitration was conceived and the compromistook its
eventual shape - a mould which no interpretation of the compromiswas
free to break through. That was the setting in which Questions 1 and 2
require to be read and if, as we are obliged by Article 31of the Vienna
Convention on Treaties to do, wetake intoaccountthe object and purpose
of the Agreement, that is the conclusion to which we are inexorably led. SENTENCE ARBITRALE(OP. DISS. WEERAMANTRY) 150

d'interprétation setrouvent d'ailleurs renforcées par la conception que le
Tribunal lui-même avaitde la question qui lui étaitsoumise.
LeTribunal savait bien que ((lesrelations)ne se limitaient pasà la mer

territoriale, la zone contiguë et au plateau continental, mais s'étendaient
aussi àlazoneéconomiqueexclusiveet àlazone de pêche.Il n'ajamais été
contesté devant le Tribunal que la portée du différend s'étendîtaux
cinq zones.La décisionqu'ila rendue montre aussi qu'ilétait conscientdu
fait que leslimitesde ces cinq zonesluiétaientsoumisespour qu'ilstatue A
leur sujet. D'ailleurs,la sentenceporte commeen-têtes ,elondestermesque
leTribunal acertainement choisislui-même,letitre ((Tribunalarbitralpour
la déterminationde lafrontièremaritime ))(lesitaliques sont de moi).
Ayantdécidéque l'accord était(valable,entièrement valable )(sentence,
par. 82),il incombait au Tribunal de passer àl'interprétationde cet accord

dans lecontextedu différend concretqui s'étaitélevé entre lesParties etqui
étaitau premier rangde leurspréoccupations.Laquestion àlaquelleilétait
ainsidemandéauTribunal de répondren'était pasune question d'interpré-
tation académique,mais une question très concrète etfermemene tnracinée
dans le réel.Comment le Tribunal envisageait-ilcettetâche?
Pour citer les termes que le Tribunal a employés :

((Le seul objet du différend soumispar les Parties au Tribunal
porte donc sur la détermination de la frontière maritime entre la
Républiquedu SénégaletlaRépubliquedeGuinée-Bissau, question
qu'elles n'ont pu résoudrepar voie de négociation. )(Ibid.,par. 27;
les italiques sont de moi.)

S'ildevaitencore subsister lemoindre doute concernant lafaçon dont le
Tribunal avait compris la question qu'il examinait, ce doute est dissipé
par le Tribunal lui-même.Au paragraphe 83 de sa sentence, il déclare:

((LeTribunal ne recherche pas ici s'ilexiste une délimitationdes
zones économiquesexclusivesfondéesur une normejuridique autre
que l'accord de 1960,telle qu'un accord tacite, une coutume bilaté-
rale ou une norme générale. IIchercheseulement à voirsi l'accord,en
lui-mêmep,eut être interpréd tée manière a engloberla délimitationde
l'ensembledes espaces maritimes actuellement existants.))(Les itali-
ques sont de moi.)

Sitelle était laquestion que le Tribunal cherchait à régler,il y a claire-
ment répondupar la négative.
Le fait que ledifférend avaittrait la frontièredans son ensemble était
donc incontestable. Ce fait, solidement gravédans la pierre, pour ainsi
dire, fournissait le moule dans lequel étaitconçu l'arbitrage, qui a donné
au compromis la forme qu'il a revêtue etdont aucune interprétation du
compromis n'aurait dû pouvoir sortir. Tel étaitle contexte dans lequel la

première etlasecondequestion devaientêtrelues ;etsi,comme l'article31
de la convention de Vienne sur le droit des traitésnousen fait obligation,
noustenons compte de l'objet etdubut de l'accord,telle estla conclusion
à laquelle nous sommes inexorablement conduits. ARBITRAL AWARD (DISS .P.WEERAMANTRY)
151

It was of course open to the Tribunal to reject the contentions of both
Parties in regard to the scope of applicability of the 1960Agreement and
to answer as it did that it applied only to somesectors of the boundary.
However, consistently with the object and purpose of the Arbitration
Agreement, it could then only read Question 2 as throwing on it the
burden of determining that which Question 1had left undetermined and
to complete the task entmsted to it.Tosettle part ofthe boundary dispute
and leave other matters in a state of suspense,awaiting later determina-
tion, wasto abdicate its function and defeat its purpose.

The Tribunal has thus failed to interpret the Agreement consistently

with its own understanding of the question before it. It has also failed to
give effect to its mandatory duty under the Vienna Convention and to
accepted mles of interpretation. It has thereby left an important portion
of its commitmentdanglingunresolved.It has increasedthe problems of
the Parties ratherthan discharged its duty of resolving them. In short, it
has lostsightofthe raisond'êtreleadingtoitscreation. Such apatent nulli-
fying factor entitlesthis Court, for reasons set out later in this opinion, to
declare that the Award was undermined at its foundations and therefore
cannotstand. Having regard to the widespread and increasingrelianceon
international arbitration as aeans forpeacefulresolution of disputes, it
would have a damaginginfluence upon this commendable trend if arbi-
tral bodies solemnly charged with the settlement of major issues of this
nature should be able, by such restrictiveinterpretations of theirjurisdic-
tion,toavoidthe onus and responsibility ofdecidingthe issuescommitted

to theircare.
What follows in law from the principles outlined in the precedingdis-
cussion?

II.1s THE AWARD A NULLITY?

A consideration of the legal effect on the Award of the circumstances
outlined thus far necessitates the examination of a number of legal prin-
ciples, al1of which were the subject of detailed submissions to this Court.
The central question to be addressed is whether the manifestly incorrect
interpretation of the compromisand of the Tribunal's mandate, followed
by the Tribunal's consequentcourse of action,results in the nullity of the

Award. Ifthis result followsin law,the further question mustbe examined
whetherthe Awardisanullityin itsentiretyor onlyin regardtothe decision
not to examine the issues remaining for examination under Question 2.
The ensuing enquiry deals first with the legal presumptions and prin-
ciplesapplicable totheprotection oftheAward.Theconceptsofnullityand
excèsdepouvoirwill then be briefly examined, followed by an examina-
tion ofthe question whether the nullity of an international arbitral award
takes effect of its own force ordepends on the existence of a Tribunal
competent so to declare. Two conceptual questions will then be consid- SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS. WEERAMANTRY) 151

Il était biensûr loisible au Tribunal de rejeterles arguments des deux
Parties en ce qui concerne la portée de l'accord de1960et de répondre,
comme ill'afait,que cetaccord ne s'appliquait qu'à certains secteurs de la
frontière. Toutefois, compte tenu de l'objet et du but du compromis
d'arbitrage, le Tribunal ne pouvait ensuite lire la seconde question que
commeluiimposant de déterminerceque lapremièrequestionavait laissé
indéterminéet d'achever la tâche qui lui avait été confiée.Réglerune
partie du différend frontalier en laissant d'autres questions en suspens,
dans l'attente d'une détermination ultérieure, était,pour le Tribunal, se
dérober à sa fonction et alleàl'encontre de sa raison d'être.

LeTribunal n'adonc pas interprétéle compromisconformément àson
propre entendement de la question qui lui était soumise. Il n'a pas non
plus donnéeffet au devoirimpératif que lui imposaient la convention de
Vienne et les règlesd'interprétation reconnues.Ce faisant, ila laissépen-
dante etsanssolutionune partieimportantede satâche. Ilaaggravéladif-
ficultédes Parties,au lieu de remplirsa mission, qui étaitde lesrésoudre.
En bref, il a perdu de vue la raison pour laquelle il avait étécréé. Une
cause de nullité aussipatente autorise la Cour, pour les raisons exposées
plus loin dans laprésente opinion,àdire que la sentenceétaitminéedans
ses fondements et ne peut donc être maintenue. Euégardau recourstrès
large et croissant qui s'attachel'arbitrage international comme moyen
de règlementpacifique des différends, cette louable tendance risquerait
d'être compromisesi des organes arbitraux solennellement chargés de
réglerdes questions majeures de cette nature pouvaient, en interprétant

leurcompétencede façonaussirestrictive,éluder la charge et la responsa-
bilitédetrancher lesquestions confiéesentre leursmains.
Quelles sont les conséquences qui découlent en droit des principes
esquissésdans l'examen qui précède?

II. LASENTENCE EST-ELLE NULLE?

Pouranalyser l'effetjuridique surlasentencedescirconstancesdécrites
jusqu'ici, il faut examiner un certain nombre de principes juridiques qui
ont tous fait l'objet de conclusionsdétailléesdevantla Cour. La question
centrale est de savoir si l'interprétation manifestement incorrecte du
compromis et de la mission confiéeau Tribunal, ainsi que la conduite

ultérieure du Tribunal, entraîne la nullitéde la sentence. Si telle est la
conséquenceen droit, il faut alors se demander si la sentence est nulle en
satotalitéouseulementen cequi concerneladécision de ne pas examiner
les points restant trancher dans le cadre de la seconde question.
Dans l'étude quisuit,on traitera d'abord desprésomptions et principes
juridiques applicables à la protection de la sentence avant d'examiner
brièvementlesconcepts de nullitéetd'excèsde pouvoir. Onverraensuite
si la nullité d'une sentence arbitrale prend effet par elle-mêmeousi elle
dépend de l'existence d'un tribunal ayant compétence pour en juger. II
faut alors considérer deux questions conceptuelles, qui sont celles deered - whether the failure to answerQuestion 2wasthe subject of a deci-
sion and whethera negativedecision cannot constitute an excèsdepouvoir,
as submitted by Senegal.Abrief examination follows of Guinea-Bissau's

contention that the decision is nullified in consequence of absence of
reasons and of Senegal'ssubmission that the principle of compétencd eela
compétence places questions ofinterpretation within the exclusivedomain
of the Tribunal. The enquiry concludes with a somewhat more extended
discussion of the principle of severability as applied to the issues already
decided and those awaitingdecision.

Burdenofproofof invalidity ofArbitral Award
As Balasko has written in his celebrated work ',the validity ofthe arbi-
tral award isto be presumed.

In theArbitral AwardMade by the King of Spain(Z.C.J.Reports 1960,
p. 192,at p. 206),this Court acted on the principle that the burden lay
uponthe party contending thatthe award is invalid. The ensuingenquiry
isundertaken on this basis and with due deference tothe presumption of
validity. The burden of displacing that presumption lies on Guinea-
Bissau and that burden, having regard totheimportance ofthe finality of
arbitral awards, is a heavy one. Moreover, the contention of Guinea-
Bissau(public sitting of 4April 1991,CR 91/3, pp. 85-87)that, inthe case
of a patent flaw,the burden of proof ofvalidity liesupon the parties seek-
ingto uphold it isnot entitled6 succeed. This opinion proceeds uponthe
basis thatthe party impugning the award is at al1times under theburden
ofproving that sufficiently weightycircumstances existto support itscon-
tention that the award isinvalid.

ProtectionoftheAwardandprotectionof thecompromis

The Republic of Senegal has urged before us, and rightly so, that we
should, when invited topronounce upon the validity of an award, bearin
mind that the institution of arbitration represents one of the major
achievements of the international legal order. A heavy burden of respon-
sibilitythus restsupon an international tribunal whichisinvitedto makea
declaration that an arbitral award, enteredunder avalid compromisfreely
contracted between the parties, isnul1and void. Such a declaration isnot
one to be lightly sought or lightly granted by any court.

Atthe sametime itshould be observed that aproper respect for interna-
tional arbitrationinvolvesnot only respect fortheaward but also respect
for the compromiswhich provides the foundation on which the award
stands. While,therefore, one must respect the integrity and finality ofthe
arbitral award, the principle of deference to the award cannot entrench
awards regardless ofmajordiscrepancies between theconduct ofthe arbi-

1938,p. 201.o, Causes de nullitéde la sentence arbitrale en droit internationalpublic,savoir si le fait de ne pas répondàela seconde question a résulté d'une
décisionet si une décisionnégative nepeut pas constituer un excèsde
pouvoir,ainsique le Sénégall'affirme. On examineraensuitebrièvement
la thèse de la Guinée-Bissau, selon laquelle la décisionest frappée de
nullité en conséquencede l'absence de motivation, et celle du Sénégal,
selonlaquelle le principe de la compétencede la compétencefait que les
questions d'interprétation sont du ressort exclusif du Tribunal. L'on
analysera enfin un peu plus en détail le principe de séparabilitétel
qu'appliqué aux problèmes déjàréglés e t ceux restant en suspens.

Chargede lapreuvede l'invaliditéde la sentencearbitrale

Comme Balasko l'a écritdans son ouvrage célèbre ',la validité d'une
sentence arbitrale doit être présumée.
Dans l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne
(C.I.J. Recueil 1960, p. 206), la Cour a suivi le principe selon lequel la
charge de la preuve incombe àla partie prétendant que la sentence est
invalide.L'étude qui suitpart de ce principe ettient dûment compte de la
présomption de validité. La charge de renverser cette présomption
incombe à la Guinée-Bissauet cette charge, comptetenu de l'importance
du caractèredéfinitifdessentencesarbitrales, estlourde. Deplus,lathèse
de la Guinée-Bissau (audience publique du 4 avril 1991, CR 91/3,
p. 85-87)selon laquelle, dans le cas d'un vice patent, c'àsla partie qui
défendla sentence qu'il incombe de prouver qu'elle est valide ne saurait
êtreaccueillie.Laprésenteopinionpart de l'idée quelapartie quiconteste

la sentencedoit dans tous les casprouver l'existencede facteurs de suffi-
samment de poids à l'appui de son allégationd'invaliditéde la sentence.

Protectionde la sentenceetprotectiondu compromis
La Républiquedu Sénégaa l soutenu devant la Cour, et cà juste titre,
que lorsque nous sommes appelés ànous prononcer sur la validitéd'une
sentence nous devons garder à l'esprit que l'institution de l'arbitrage
représente l'une des grandes réalisations de l'ordre juridique internatio-
nal. Lourde estdonc laresponsabilitéquipèsesurunejuridiction interna-

tionaleinvitéeà déclarernulleune sentencearbitralerendue envertu d'un
compromisvalide librementconclu par les parties. Une telle déclaration
de nulliténe doit pas être demandée à la légère, et aucunejuridiction ne
doit la prononcer àla légère.
Dans le mêmetemps, il convient de noter que le respect qui est dû à
l'arbitrage international exige non seulement le respect de la sentence
mais aussi celui du compromis qui est la base sur laquelle la sentence
repose. En conséquence,si l'on doit respecter l'intégritéet le caractère
définitifde la sentence arbitrale, ce principe de déférence l'égard des
sentences ne saurait lesprotéger quellequesoit la gravitédesécarts entre

'A. Balasko, Causes de nullitéde la sentence arbitrale en droit international public,
1938,p. 201.

103tration and the course charted out for it by the compromis.Far from
prese~ing respect for the arbitral institution, such an approach would
undermine the proper respect the institution should command. Absolute
finality can only be bought at the cost of detriment to arbitration
as an institution.
There is anatural tension betweenthe two principles outlined, and the
demarcation of the borderline between them is hence a task calling for
anxious consideration. In that task we are called upon to weigh the bene-
fits of certainty againstthe danger of departures fromthe compromisand
there is no set formula that will match these considerations against each
other. The Court's task is not an easy one. Yet, as with so many instances
in the law where opposing principles compete for supremacy, there are
cases where the one consideration is present in so strong a measure that

the other must clearlyrecede.This case isone such.

Thejurisprudence of international law offers us many examples where
the principle of the integrity of the compromishas prevailed over that of
theintegrity ofthe award. For example, where atribunal, invitedto decide
whether one party ortheothershould beawarded sovereigntyover aterri-
tory does not decide this question but examines rather whether there
should be a servitudeovertheterritory, the award clearlycannotstand (as
happened in the Aves Islandcase of 1865where the Queen of Spain was
arbitrator ').So,also, where an arbitrator, invited to choose betweentwo
boundary lines, recommends athird line,he clearlyoverstepsthe limit of
his authority *.These are cases clearlytravellingbeyond the scope of the
arbitrator's authority.
As willbe discussed later, decisions cantakea positiveornegativeform.

One can take a decision to actwhen the compromisclearlyrequires one not
to act, just as one can take a decision not to act where the compromis
clearlyrequires oneto act. In both casesalikethe decision is one beyond
the scope of the arbitrator's authority and involvesthe arbitrator in step-
pingout,so to speak,fromthe frame ofthe compromis.Whenthis happens
the resultingdecision can command noclaim to validity,for itisnotbased
on that bedrock of mutual consent which is a prerequisite to arbitral
authority. The award, lacking that foundation, cannot sustain itself or
command recognition.

fie conceptofnullity

A brief prefatory note will clarifythe terminology adopted in this sec-
tion, as confusion is sometimescaused in the area of nullity by the some-

at'A414.LapradelleandN. Politis,Recueildes arbitragesinternationaux,Vol.II,p.404,
!kee the Northeastem Boundary:Arbitration under the ConventionofSepternber 29,
1827,wheretheKingofthe Netherlands,invitedta choosebetweentheboundarylines,
recommended,in his award of 1831, a third line (Moore, International Arbitrations,
Vol. 1,pp. 133-136).lavoie suiviepar l'arbitrage et lecap que luitraçait lecompromis. Loin de
préserverle respect de l'institution arbitrale,une telle attitude saperait le
respectvéritableque cetteinstitution mérite.Imposer de façon absolue le
caractèredéfinitifdelasentence nepeut sefairequ'au détrimentdel'arbi-
trage en tant qu'institution.
II existe une tension naturelle entre les deux principes décrits, et un
examen scrupuleux s'impose donc pour les délimiter.Ce faisant, il nous
est demandéde peser les avantages de la certitude et le danger des écarts
par rapport au compromis, et il n'existe pas de formule toute faite qui

permette d'harmoniser cesconsidérationsentre elles. Latâche de la Cour
n'estpas une tâche aisée.Pourtant, commecelaarrive sisouventen droit,
quand des principes s'opposent et visent à l'emporter les uns sur les
autres, il est des cas où une considération se présente avectant de force
que l'autre doit à l'évidencepasser au second plan. La présente affaire
appartient à cettecatégorie.
La jurisprudence internationale fournit de nombreux exemples dans
lesquels le principe de l'intégrité ducompromis l'a emporté surcelui de
l'intégritédelasentence. Ainsi,lorsqu'untribunal invité àdéciderlaquelle
des deux parties au différenddoitse voir accorder la souverainetésur un
territoire ne tranche pas cette question mais examine s'ildoit exister une
servitudesur leterritoire, la sentence ne peut évidemmentpasêtremainte-

nue (comme cela s'est passédans l'affaire de l'lle Avesen 1865,la reine
d'Espagne étantl'arbitre ').C'est ainsi égalementque, lorsqu'un arbitre
chargédechoisirentredeux lignesfrontièreenrecommande unetroisième,
il outrepasse manifestement les limites de son pouvoir2. Ce sont là des
affairesoù ilest clairque les pouvoirs de l'arbitre ont étoutrepassés.
Comme on leverraplusloin, une décisionpeutprendre une formeposi-
tiveou négative.Onpeut déciderd'agir lorsquelecompromis exigeclaire-
ment de ne pas lefairetout comme l'onpeut prendre ladécision de ne pas
agir lorsque le compromis exige clairement que l'on agisse. Dans l'un et
l'autre cas,on esten présenced'une décisionquioutrepasselepouvoir de
l'arbitre et qui conduit ce dernier à sortir, pour ainsi dire, du cadre du
compromis. En pareil cas, on ne peut soutenir que la décision qui en

résulteest valable car elle ne repose pas sur ce fondement du consente-
ment mutuel qui est la condition préalable au pouvoir arbitral. Sans ce
fondement, la sentencene peut se tenir ni être reconnue.

La notionde nullité
Quelques brèves observations liminaires éclairciront la terminologie

adoptée dans cette section car, en matière de nullité,les connotations

'A. de Lapradelleet N. Politis,Recueildes arbitrages internat, ol. II,p. 414.

Voir l'affairede la Northeastern Boundary:Arbitrarionunder the Convention of
September29. 1827,dans laquelle le roi des Pays-Bas, priéde choisirentreles lignes
frontière,a,dansasentencede1831,recommandé unetroisièmeligne(Moore,Interna-
tionalArbitrations,vol. 1,p. 133-136).what different connotations which different legal systems attach to some
of the expressionsused.
Contract, matrimonial law and, more recently, administrative law are
traditionally areas where domestic legalsystemshave hadto make distinc-
tions between the results caused by a variety of vitiating factors.The ter-
minology of international law in regard to nullity has its antecedents in
those concepts of domestic law. The common law andthe civillaw have
differing approaches to the categorization of the resulting juristic situa-
tions.
The civil law differentiates at least three distinct types of legal status
resulting from a vitiating factor whilethe common law,broadly speaking,
contents itselfwithtwo.Theword "nullity" asused inthe one systemisnot
therefore identical with the word as used in the other. The language of

international law in this field seems in general to have followed the
phraseology of the civillaw.
The three principal types of nullity, as referred to in the literature of
international law, are

(i) inexistence;
(ii)absolute nullity ; and
(iii) nullity resulting from the act of annulment by a competent author-
ity '.

The term "inexistence" is not a term of the common law. Rather, the
common law distinguishes between acts which are :
(i) void; and

(ii) voidable, i.e., those which retain their validity and are productive of
legal effects unless and until they are set aside by competent author-
ity,inwhich casethe nullitymay operate retrospectively.

Category (iii)inthe first group ofterms would be classified asvoidable
in the common law, and when the term "nullity" is used in international
law itmay wellbe to describe asituation which isonlyvoidable under the
common law.
When the term "nullity" is used in this opinion it will not be used in
sense (iii)- i.e., not in the sense of voidability - for this Court is not
sitting in appeal or reviewand isnot engaged in the exercise of invalidat-
ing an order that would otherwise be valid. It isengaged rather in the task
of making apronouncement in relation to the existingstatus ofthe Award
made by the Arbitration Tribunal.
A word needs to be said to clarify the distinction between categories (i)
and (ii)in the first classification.

] SeeR. Y. Jennings, "Nullity and Effectivenessin InternationalLaw",Cambridge
EssaysinInternationalLaw:EssaysinHonourof LordMcNair,1965,pp. 65-67.quelque peu différentesque les divers systèmesjuridiques attachent a
certaines desexpressions utiliséessont parfois source de confusion.
Le droit des contrats, le droit matrimonial et,plus récemment, le droit

administratifsont desdomaines oùles systèmesjuridiques nationaux ont
traditionnellement dû fairedesdistinctionsentre lesrésultatsdetoute une
sériede vices. Laterminologiedu droit international en matière de nullité
a sonorigine dans cesnotions de droitinterne. Lessystèmesde la common
lawetdu droit civildiffèrentpar leurmanièrede classer lessituationsjuri-
diques qui en résultent.
Lesystèmede droit civildistingue au moinstroistypes de statutjuridi-
que résultant d'unvicealors que,généralementparlant, la commonlawse
contente de deux. La signification du mot (4nullité))n'est donc pas iden-
tique dans l'un et l'autre système.En règlegénérale,la terminologie du

droit international semble dans ce domaine s'êtrealignéesur celle du
systèmededroit civil.
Lestrois principaux types de nullitérelevéspar les publicistessont :

i) l'inexistence;
ii) la nullitéabsolue; et
iii) lanullitérésultantdel'annulation parune autoritécompétente '.

Leterme ((inexistence ))n'estpas un terme de commonlaw.La common
lawdistingueentre lesactesqui sont:

i) nuls; et
ii) annulables, c'est-à-dire ceux qui conservent leur validité et produi-
sent des effetsjuridiques tant qu'ils n'ont pas été annulés, par une
autorité compétente, auquel cas la nullité peut produire des effets
rétroactifs.

Lacatégorieiii)du premiergroupeentrerait, en commonlaw,dans celle
des actesannulables et lorsque letermenullitéest utiliséen droit interna-
tional ce peut très bien êtrepour décrirele statut d'un acte qui, pour la
commonlaw,est seulementannulable.
Lorsque le terme nullité ))est utilisédans la présente opinion, il ne le

serapas au sens iii) - c'est-à-direau sensd'annulabilité - carla Cour ne
siègepas enappel nien revision etn'apaspour mission d'invalider unacte
qui par ailleurs serait valide. Elle a a se prononcer sur le statut de la
sentencerendue par leTribunal arbitral.

Quelques mots sont nécessaires pour clarifier la distinction entre les
catégoriesi) et ii)dans la première classification.

VoirR. Y. Jennings,«Nullityand Effectiveness in Internatiol aw», Cambridge
EssaysinInternarionalLaw: Essays inHonourofbrd McNair,1965,p. 65-67.

105 The inexistent order is one which is no order at all. A person with no
judicial authority who purports to make a judicial order would produce
an "order" which could be described as non-existent. In no circumstance
can this so-called "order" produce any legalconsequences whatsoever.It
wasneverajuristic act at all.If,inthis case,there wasnot infact amajority
in favour ofthe Tribunal's decision byvirtue ofthe President'svotebeing
vitiated by his declaration, that would have been a case of inexistence,
which of course is not the position here.
On the other hand, one may have to deal with an order or juristic act
which, though regular on the face of it, is rendered illegal by a factor
extraneous to the procedural regularity of its creation. For example, a
treaty which offends against a rule ofjus cogens,though complyingfully
with al1the requirements of procedural regularity in its creation, can still
be nul1and void owingto a factor lyingoutside those procedural formali-

ties. AsJennings points out:

"the treaty mayfulfil al1therequirements fora validtreaty and isvoid
not because it lacks an essential ingredient of a valid treaty but
because it offends against the general rule of thejus cogens ...The
treaty thatoffends against a rule of thejus cogensisnot so because it
lacksan essentialingredientbut, on the contrary, preciselybecause it
is a treaty." (Op.cit.,pp. 66-67.)

In other words an act which isa nullity because it offends some funda-
mental principle is in a different categoryfrom an act which was never a
juristic act at al].
Inexistence and absolute nullity are thus distinguishable one from the
other although they havethis in common that they are nullities from their
very inception and do not require the declaration of a competent tribunal
or a court to render them devoid of legalconsequences.
Thiscase has been presented solelyon the basis thatthe act in question,
namelythe Award ofthe Tribunal, isinexistent ora nullityab initiorequir-

ing no invalidation fromthis Court, but only a declaration that such act is
and has been a nullityfrom the commencement.The Applicant itself has
stressed that it is not addressing any argument to this Court as though it
were sittingin appeal or review.This rules out from our consideration the
question of voidability.
Senegal has advanced the argument that, inasmuch as no act of avoid-
ance isinvolvedin makinga declaration ofnullity,the role ofa courtmak-
ing such a declaration isreduced tothat ofa mere mechanicalendorser of
a pre-existing state of affairs. This contention of Senegal cannot be
upheld. Declarations of nullity have an important juristic significance,
and the jurisdiction to make such declarations in appropriate circum-
stances enhances rather than diminishesthe role of the Court as a custo-
dian of international law and its principles. Indeed, through the exercise
of this jurisdiction, the Court can play a role in imparting a dynamic
nature to this developing department of international jurisprudence and L'acteinexistant n'estpas un acte du tout. Unepersonne n'ayant aucun
pouvoirjudiciaire qui prétendrait rendre une décisionjudiciaire produi-
rait une ((décision))qui pourrait être qualifiée d'inexistante. Enaucun
cas,cetteprétendue (décision » ne peut produire d'effetsjuridiques. Elle

n'ajamais constituéun actejuridique. Si,dans cetteaffaire, iln'yavaitpas
en faiteu de majoritépour ladécisiondu Tribunal au motif que levote du
président étaitviciépar sa déclaration, il y aurait eu inexistence, ce qui
bien entendu n'est pas le cas ici.
D'autre part, onpeut avoiraffaireàune décisionou à un actejuridique
qui,bien que régulierenapparence, est illégalpour un motif sans rapport
aveclarégularitéprocéduralede sacréation.Par exemple, un traité quiva
à l'encontre d'une règledujus cogens,bien que créé en pleine conformité
avec toutes les prescriptions de régularité procédurale, peut néanmoins
être nulpour un motif sans rapport avec ces formalités procédurales.
Comme le fait observerJennings :

«le traité peut remplir toutes les conditions pour être un traité
valide et être nul non parcequ'il lui manque un élémentessentiel
d'un traité validemais parce qu'ilva l'encontre de la règlegénérale
du jus cogens..Un traité quivaà I'encontred'une règledujus cogens
n'a pas cet effet parce qu'illui manque un ingrédient essentiel,mais,
au contraire,précisémentparcequ'il estun traité» (Op.cit.,p.66-67.)

En d'autres termes, un acte qui est nul parce qu'il àI'encontre d'un
principe fondamental ne relève pasde la mêmecatégorie qu'un acte qui
n'ajamais étéun actejuridique.
L'inexistence et la nullité absolue peuvent donc être distinguéebien
qu'elles aient ceci en commun qu'elles sont des nullités dèsle départ et

qu'une déclarationd'un tribunal ou d'une juridiction compétente n'est
pas nécessairepour les priver d'effetsjuridiques.
La présenteaffaire,tellequ'elle a étésoumise àla Cour,reposeunique-
ment sur l'hypothèse quel'acte enquestion, àsavoirla sentence duTribu-
nal, est inexistant ou nul ab initio, et que la Cour n'a pas besoin de
l'invalidermais qu'illuisuffit deledéclarernuldepuisl'origine.Larequé-
rante elle-mêmea soulignéqu'elle ne s'adresse pas à la Cour en tant
qu'instance d'appel ou de revision. Pour cette raison, nous n'avons pas
besoin d'examiner la question de l'annulabilité.
LeSénégaa l avancél'argumentselonlequel,étantdonnéqu'aucun acte
d'annulation n'estrequispour une déclaration de nullité,lerôle dutribu-
nal qui fait une telle déclaration se réduitavaliser de façon purement

mécanique un étatde fait préexistant.Cettethèsedu Sénégalnepeut être
retenue. Lesdéclarationsde nullitéont unesignificationjuridique impor-
tante et la compétencepour faire de telles déclarations dans les circons-
tances appropriéesaccroîtplutôt qu'elle ne diminue le rôle de la Cour en
saqualitéde gardienne du droitinternational etde sesprincipes. En exer-
çant cette compétence, la Cour peut contribuer à donner un caractère
dynamique àcette branche en développementde lajurisprudence inter-help to mould it in a manner which willprotect the integrity and prestige
of the arbitral process.

Developmentoftheconceptofnullity
International law,though still an infant science,has made remarkable
progress since the days of Grotius who, at a very rudimentary stage of its

evolution, perceivedthe need to clothethe international arbitral decision
with finality and unquestioned validity '. The foundations of interna-
tional arbitration had then tobe solidlylaid. Yetthe law could not remain
static and after early inroads upon the principle of finality,made by such
writers as Pufendorf, later writers have built upon those foundations a
structure increasinglyresponsiveto the varied situationsfor which it must
cater in a changing world.

In the developing jurisprudence that has ensued there appear the
names of agalaxy ofwriterswhoanalyse in great detail the circumstances
in which an award can be considered a nullity 2.Asearlyas 1873the Insti-
tute of International Law adopted a Règlementconcerningthe procedure
of arbitraltribunals. Article 27ofthe Règlementprovided that an arbitral
award is nuIland void incertain cases,one ofwhich isexcessofauthority.

This is not to say that respected voices were not heard supporting the
opposite view.Theillustrious de Martens, for example, atthe Hague Con-
vention of 1899,argued strongly against the possibility of nullifying or
revising an arbitral award 3.So,also,the Hague Conventions of 1899and
1907in their articles relating to arbitrationspeak of arbitrationorders as
being final and without appeal and do not specify causes of nullity (see
Articles 48and 54of 1899and Articles 73and 81of 1907).

Yetthe weight of opinion has longswungin favour of the viewthat the
validity of arbitralawards isnot absolute. TheReport ofthe International
Law Commission, 1958,states in regard to the annulment of the award
that :

"Neither the Special Rapporteur nor the Commission itself has
accepted the categorical theory that an arbitral award should be

Grotius,De Jure BellicPacis,Book III,Chap.XX (XLVI)in TheClassicsofInterna-
tionalLaw,ed.J.B.Scott, Vol.II,p. 823.
Guinea-Bissauinits Memorialin thepresent proceedings (para.3, footnote)cites
anarrayofpublicists includingA.Balasko,F.Bondil,E.Borel,F.Castberg,A.ElOuali,
J.G. WetterandJ..HC.Witenberg.To this listmaybe added Hall, Oppenheim,Brierly,
Hyde,Fauchille,Nys, Heffter, Bluntschli,Fiore,Twiss andRolinamong others.

See Proceedingsof theHaguePeaceConferences:Conferenceof1899,p. 186.nationale et à la façonner d'une manière qui protégera l'intégritéet le
prestige du processusarbitral.

Développemend te la notionde nullité
Ledroit international,quoique étantencore une sciencedans l'enfance,
a faitdesprogrèsremarquables depuisl'époque de Grotius qui, aunstade

trèsprimitifdesonévolution,avaitperçu lanécessité d'investirladécision
arbitrale internationale d'un caractèredéfinitifetd'une validitéincontes-
tée '.Lesfondements de l'arbitrage international devaient alors être soli-
dement posés. Maisledroitne pouvaitdemeurerstatique et aprèsque des
auteurs comme Pufendorf ont ouvert les premièresbrèchesdans le prin-
cipe du caractèredéfinitifde la sentence, la doctrine plus récentea édifié
sur cesbasesune structure de plusen plus adaptée àla diversitédessitua-
tions auxquelles elle doit répondre dans un monde en mutation.
Au fur et à mesure que la théorie du droit se développait, un grand

nombre d'auteurs sont apparus quianalysaient de manièretrèsapprofon-
die lescirconstances dans lesquelles une sentencepouvait êtreconsidérée
comme nulle2. Dès 1873,l'Institut de droit international a adopté un
règlementconcernant la procédure des tribunaux arbitraux. L'article 27
de cerèglementdisposaitqu'une sentencearbitrale estnulle dans certains
cas, notamment en cas d'abus d'autorité.
Cela n'est pas à dire que des voix respectées n'aientpas exprimél'opi-
nion opposée. L'illustre de Martens, par exemple, à la conférence de

La Haye de 1899,a vigoureusementcombattu la possibilitéd'annuler ou
de reviser une sentencearbitrale 3. De même,les conventions de La Haye
de 1899et 1907, dans leurs articles relatifs à l'arbitrage, décrivent les
sentences arbitrales comme définitives et sans appel et n'indiquent pas
de causes de nullité(voir articles 48 et 54 de la convention de 1899et
articles73et 81de la convention de 1907).
Néanmoins,c'estl'opinion selonlaquellelavaliditédessentencesarbi-
trales n'est pasabsoluequi adepuis longtempsprévalu.Dans son rapport
de 1958,la Commission du droitinternational déclare cequi suiten cequi

concerne l'annulation d'une sentence :
«Le rapporteur spécialet la Commission elle-même n'ont pas
adhéré a la doctrine absolue selon laquelle la sentence arbitrale

rionalLaw. publiésous la directionde J.B.Scott,IIp. 823.TheClassicsofZnterna-
Dans son mémoiredéposé en la présenteinstance (par6.3,note de basde page),la
Guinée-Bissau cite toute une séiee publicisteset notamment Balasko, F.Bondil,
E. Borel, F. Castberg,A. El OualP.Guggenheim,W. G. Hertz, M. A. Pierantoni,
G.SalvioliM. Reisman,J.H.W.Verzijl,J.G.WetteretJ.C.Witenberg.Acetteliste,on
peutajouterHall,Oppenheim,Brierly,Hyde, Fauchille,Nys, Heffter,ntschli,Fiore,
Twiss etRolin,entreautres.
Conférencep,. 186.einternationalede la paix, 1899, Procès-verbauxdes séancesde la treated as final even if found to be morally unacceptable or practi-
cally unenforceable." '

Further developments and refinements of the bases of nullity must
necessarily ensue, and this Court willno doubt be calledupon to play an
important role in evolvingthe principles that will enable the balanceto be
held tme, between the principle of finality and the due recognition of
vitiating factors.
The nullity of an award given withoutjurisdiction is moreover a well-
acceptedproposition in domestic legalsystems.In the common lawone of
the classictextson the finality ofjudgments and awardsstates :

"it isquite clearly establishedthat, wherever the arbitral tribunal has
exceeded the jurisdiction with which it has been invested by the
agreement oftheparties, orbythe order ofthe court, orbythe statute,
the award, so far from operating as resjudicata, is deemed an abso-
lute nullity eitherin whole, or in part, as the case may be" 2.

In the civillaw the principle that an arbitrator cannot exceed the terms

of his authority is a time-honoured one going al1the way back to the
Roman maxim arbiter nihilextra compromissumfacerepotest. The prin-
ciple that arbitrators cannot exceed their powers and decide points which
have not really been submittedto them was adopted by international law
at a very earlystage 3.

Excèsde pouvoir andinfra petita

Thedoctrine has been continuouslydeveloped since its formulation by
earlywriters such as Vattel(op.cit.),especiallyunder the mbric of excèsde
pouvoir, and numerous cases have built around it a considerablebody of
jurisprudence. Onehas onlyto lookattreatises such asthat of Dr. Verzijl
to see the numerous major cases where the plea of excèsde pouvoirhas
been raised over a long historical period. Within the nibric of excèsde
pouvoir, infrapetita covers the case where a tribunal mns counter to its

compromisin not addressing issues it was required to address.

Excèsdepouvoiris one ofthe most invokedrubrics of nullity and one of
the areas where arbitral law will continue to face challenges and require
development. Although the Parties, both of civil law jurisdictions, pre-

'G. Spencer BowerandA. K.Turner,ResJudicata,2nded.,p. 102.11.
Vattel, Le droit des gens, 1758 (para. 329), in The Classicsof InternationalLow,
ed. J. B. Scott, Carnegie Institutionof Washington,1916,Vol. 3, p. 224, translated by
G. Fenwick.
5.H.W.Verzijl,op.cit.,p. 577. SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS. WEERAMANTRY) 157

devait être considérée comme définitivem , êmesi elle se révélait
comme moralement inacceptable ou pratiquement inapplicable. »

De nouveaux développements et affinements des motifs de nullité
doiventnécessairementen découleret la Cour seracertainement appelée
àjouer un rôle important endéveloppantlesprincipes quipermettront de
réaliserun véritableéquilibreentreleprincipe qu'une sentence estdéfini-
tive et la reconnaissance, quand il ya lieu,de l'existencede vices.
La nullité d'une sentencerendue en l'absence de compétence est de
plus un principe bien acceptédans les systèmesjuridiques internes. En
commonlaw,l'un des textesclassiques sur le caractère définitif desjuge-

ments et des sentencesdéclare :
«il est clairementétabliquelorsqu'un tribunal arbitral outrepasse la

compétencedont il a été investi par la conventiondes parties, par la
décisiondu tribunal ou par la loi, sa sentence,loin d'avoir l'autorité
de la chose jugée, estconsidéréecomme frappée de nullité absolue
soit dans satotalité,soiten partie, selon le cas*.

Dans les systèmesde droit civil, le principe selon lequel un arbitre ne
peut outrepasser son autorité est consacré depuis longtemps puisqu'il
remonte a l'adage romain arbiter nihilextra compromissumfacerepotest.
Leprincipe qui veut que lesarbitres nepeuventoutrepasserleurspouvoirs
et trancher des points qui ne leur ont pas été véritablement soumisa été
adoptétrèstôt en droit international 3.

Excèsdepouvoir etinfra petita

La doctrine s'est continuellement développée depuis sa formulation
par les premiers publicistes tels que Vattelop.cil),en particulier sous la
rubrique de l'excèsde pouvoir, et de nombreuses affaires ont constitué
autour d'elle une jurisprudence considérable. Il suffit de consulter des
traités comme celui de Verzij14,pour voir qu'au cours de l'histoire les

grandes affaires où l'excès de pouvoir a étéinvoquéont été nombreuses.
Dans la catégoriedesexcèsde pouvoir,onentendpar décision infrapetita
le cas où un tribunal est alléa l'encontre du compromis en n'examinant
pas les problèmesqu'il était requisde trancher.
L'excèsde pouvoir estl'undes motifs de nullitélesplusinvoquésetl'un
des domaines dans lesquels le droit de l'arbitrage continuera d'être
confronté à des défiset devraêtre développéB .ien que les Parties,toutes

'Annuairede la Commissiondu droit international, 1958,vol. 2,p. 11.
Vattel, Le droit des gens, 1758(par.329), dans The CIassicsof International Law,
publiésous la directiondeJ.B.Scott,CarnegieInstitutionof Washington,1916,vol. 3,
p.224.
J.H.W.Verzijl,op. cil,p. 577. 158 ARBITRALAWARD (DISS . P. WEERAMANTRY)

ferred to couch their arguments in terms of excèsdepouvoir, similar son-
cepts of total nullity find a place in the jurisprudence of other legal sys-
tems, including the common law, where the concept of ultra vireshas
recently received extended development inthe context ofadministrative '
and arbitral law. In Islamicjurisprudence, likewise,a similar notion of

nullity existed under the well-recognized principle of legitimacy. Under
this principle, al1acts,procedures, dispositions and final decisions of the
publicauthorities at any levelwereheld to be invalid and not legallybind-
ingas to the peopletheyaffected, Saveto the extent that they wereconsist-
ent with the law 3.The basic notion of the nullity of an act performed
without the requisite authority thus enjoyswiderecognition inthe world's
legal systems.

In the present case, the infrapetita doctrine perhaps encapsulates the
relevant principle even more neatly, for the Tribunal has fallen short of

performing that which itshould have performed and inthis wayacted asit
was not entitled to act.

1snullityautomatic or dependenton theexistenceof a competenttribunal?

The next stage of enquis. is into the question whether such nullity is
restricted to cases where a tribunal with necessary authority exists to
make such a pronouncement or whether the nullity is automatic, produ-
cing an instant effectirrespective ofthe existence or absence of a tribunal

competent so to declare.
The latter position is not free of difficulty. One logical consequence of
recognizing the concept of automatic nullity isthat it givesto dissatisfied
parties a legal rubric under which they can unilaterally repudiate an
inconvenient award. Parties can then become judges in their own cause
and the finality that shouldattend arbitral awards would theoretically be
gravely impaired.

The difficulty was analysed by Sir Hersch Lauterpacht, who, in 1928 4,
pointed out that it results from the CO-existenceof three rules of intema-

tional law, each of which individually seems to be inherently sound.

'M.J.HMustillandS.C. Boyd, CornmercialArbitratio, 989,pp. 554-555.Thiswork
states that non-compliancewith certain essential requisites cons patent flaw
whichcouldinvalidateanaward.Arnongtheserequisitesisthefollowing:"Theaward
mustbe completein thatit contains an adjudicationupon al1the issues submittedto
arbitration"p. 556).
0. A. al-Saleh, "The Rights of the Individualto Persona1Security inIslam",in
M. C. Bassiouni,The IslarnicCrirninalJusticeSystem, 1982,p. 85.
"The LegalRemedy inCaseof Excessof Jurisdiction",BYBIL,1928,p. 118. SENTENCE ARBITRALE (OP. DISS. WEERAMANTRY) 158

deux des pays de droit civil, aient préféré présenter leurs argumentsau
titre de l'excèsde pouvoir,desnotionsanalogues de nullitétotale existent
dans lajurisprudence d'autres systèmesjuridiques, y compris la common
law, où la notion d'acte ultra viresa récemment été considérablement
développéedans le contexte du droit administratif1 et du droit arbitral 2.
En droit islamique, de même,une notion de nullité analogue existait en
vertu du principe, largement reconnu, de légitimité.Selon ce principe,
tous actes,procédures, dispositions et décisionsdéfinitivesdes autorités

publiques, àquelque niveau que ce soit, étaient tenus pour non valables
et juridiquement non obligatoires a l'égarddes intéresséss'ilsn'étaient
pas conformes à la loi3.La notion fondamentale selon laquelle un acte
accomplisans le pouvoir nécessaireest nul est donc largementreconnue
dans les systèmesjuridiques du monde entier.
En l'espèce,la doctrine enmatièrede décisions infrapetitadéfinit peut-
être plus exactement encore le principe en question, car le Tribunal a
manqué d'exercerla fonction qu'ilaurait dû remplir et ade la sorte agi de

la façon dont il n'avait pas le droit d'agir.

La nullitéest-elle automatiqueou est-ellesubordonnée à l'existence d'un
tribunal compéten ptourla déclarer?

L'étape suivantede l'examen porte sur la question de savoir si cette
nullitéest limitéeaux cas où il existe un tribunal ayant la compétence
nécessairepour la prononcer ou si la nullitéest automatique et d'effet

instantané, mêmeen l'absence de tribunal compétent pour la déclarer
telle.
Ce dernier point de vue ne va pas sans difficultés. Une conséquence
logique de l'acceptation de la nullitéde plein droit est qu'elle donne aux
parties mécontentesun moyenjuridique leurpermettant de refuserunila-
téralement toute validité à une sentence qui ne leur convient pas. Les
parties peuvent ainsi devenir juges de leur propre cause, ce qui risque en
théoriedeporter gravementatteinte au caractère définitifqui doit s'atta-

cher aux sentencesarbitrales.
Cettedifficultéa étéanalyséepar sirHerschLauterpacht qui, en 1928 4,
a fait observer qu'elle résultede la coexistence de trois règlesdu droit
international, dont chacune,prise individuellement,sembleêtreintrinsè-
quement saine.

'Voir H.W. R.Wade,AdministrativeLaw, 1988,p. 39-48.
M. J. Mustill et S. C. Boyd, CommercialArbitration, 1989, p. 554-555. Dans cet
ouvrage,les auteursfontvaloir que l'inobservationde certainesconditionsessentielles
constitueunviceflagrantquipeut invaliderunesentence.Parmicesconditions,ilsindi-
quent la suivan:«la sentencedoit êteomplèteenceciqu'ellecontientunedécision
sur0.eA.al-Saleh,«The Rightsof the Individualto Persona1Securityin Islam», dans
M.C. Bassiouni, TheIslamicCriminalJusticeSystem, 1982,p. 85.
«The Legal Remedy inCase of Excessof Jurisdiction», BYBIL,1928,p. 118. Lauterpacht liststhese three rules as follows :
(a) The arbitrator is competent to interpret the instrument conferring
jurisdiction upon him and that is virtually to determine the scope of
hiscompetence.
(b) In so doing, he must not disregard the terms of reference under which
thetribunal hasbeencreated.
(c) Owingto the deficiencies ofjudicial organization ofthe international
community and the absence of anappropriate tribunal no sanction is
attached to the disregard of the second principle in consequence of
which,as a rule, the awards of arbitral tribunalsare final and without

appeal.
Though each rule taken by itself is apparently sound, in combination
they produce conflicts which, as Lauterpacht points out, are a fruitful
source of discredit for the whole institution of international arbitration.
Lauterpacht observes thatthe possibility ofthe defeated party disobeying
an adverse award exposes a sound juridical principle

"to legal inefficacy and to abuse, inasmuch as it affords an opportu-
nity for cloaking with the garb of legality an essentiallylaw-defying
disposition" (op.cit.).

However,he goes onto observethat the remedy is easilysupplied by the
exercise of a simple and strictlyjudicial function and that the existenceof
ajudicial tribunal with authorityto determine whether the arbitrator had
exceeded the terms ofreferencecould be a solution. Thatjudicial tribunal
hepoints out isnow existent intheshape ofthe Permanent Court of Inter-
national Justice "which is pre-eminently qualified to decide legal ques-
tions bearing upon the interpretation of treaties".
The weight ofjuristic authority is against the view that an award must
stand asbinding in the absence ofatribunal competent tosetit aside. Thus
Professor J. L.Brierly 'describes such a view as a "startling thesis" and
points outthat such an interpretation does not appear to haveoccurred to
most authors writing on the subject of awards since the Hague Conven-
tions. He cites among others Hall, Oppenheim, Fauchille and Nys.
Among these authors, Hall says :

"Anarbitral decision may be disregarded in the followingcases:
viz.when the tribunal has clearlyexceededthe powers givento it by
the instrument of submission .. ."

"TheHague Conventions andthe NullityofArbitralAwards",BYBIL, 1928,p. 115.
As expressedby ProfessorA. de Lapradelle inRevue de droit international, 1928,
NO.5,pp. 5-64.
W. E.Hall, InternationalLaw,8thed.(by PearceHiggins),1924,p. 420. SENTENCEARBITRALE (OP. DISS.WEERAMANTRY) 159

Il énumèrecestrois règles commesuit :

a) L'arbitre estcompétentpour interpréter l'instrument qui lui confère
compétence,c'est-à-dire,virtuellement, pour déterminer l'étenduede
sacompétence.
b) Cefaisant, ilne doit pas méconnaîtrelecompromispar lequel letribu-
nal aété créé.
c) En raison des déficiences de l'organisation judiciaire de la commu-
nauté internationale et de l'absence de tribunal approprié, aucune
sanction ne s'attache à la méconnaissance du second principe, en

conséquencede quoi, en règlegénérale,les sentences des tribunaux
arbitrauxsontdéfinitivesetsansappel.
Bien que chacune de ces règles,prises individuellement,soit apparem-
ment saine, leur combinaison produit des conflits qui, comme le fait
observerLauterpacht, portent gravementatteinte au créditdetoute I'insti-

tution de l'arbitrage international. Lauterpachtnote quelapossibilitéque
la partie ayantsuccombén'obéissepas àunesentencequi lui estcontraire
expose un principejuridique sain
«à l'inefficacitéjuridique eàdesabus, dans lamesureoù ellepermet
de présentersousl'apparence de lalégalitéune dispositionessentiel-
lementcontraire au droit » (op.ci?.).

Il poursuit toutefois en relevant qu'il est facile d'y porter remède par
l'exerciced'une fonctionsimple etstrictementjudiciaire etque l'existence
d'un tribunal judiciaire compétent pour déterminer si l'arbitre a outre-
passé son mandat peut être une solution. Ce tribunal judiciaire existe,
déclare-t-il,ils'agitde la Cour permanente de Justiceinternationale «qui
est qualifiée au premier chef pour trancher des questions juridiques

touchant l'interprétation destraitésD.
Lamajorité desauteurs réfutel'opinion selonlaquelleune sentence est
obligatoire en l'absence d'un tribunal compétentpour l'annuler. Ainsi,
J. L.Brierly'décrit cetteopinion comme une «thèse stupéfiante»et fait
observerqu'une telle interprétationne semblepas êtrevenue àl'idéede la
plupart des auteurs qui ont écrit surle sujetdes sentencesdepuis I'adop-
tion des conventions de La Haye. Il cite notamment Hall, Oppenheim,
Fauchille et Nys. Parmi ceux-ci,Hall déclare :

Unedécisionarbitralepeut êtreécartéd eans lescassuivants par
exemple lorsqu'il est clair que le tribunal a excédéles pouvoirs que
lui conféraitle compromis ..»

*Telleau'elleaétexoriméeDarA.deLaoradelledanslaRevuededroit international.
1928,io5:p. 5-64.
W. E. Hall, International Law, 8eéd. (sousla directionde PearceHiggins), 1924,
p. 420.and Oppenheim :
"it isobvious that an arbitral award isonlybinding provided that the

arbitrators have in every way fulfilled their duty as umpires . ..
Should they havebeen bribed, or not followedtheir instructions .. .
the award would have no binding forcewhatever."

Arnong the prominent publicists who support the viewthat, where the
arbitrators have proceeded without authority, their awards would carry
no weight, are Vattel and Phillimore 3.
Brierlypoints outthat, although "it isundesirable that the complainant
state should assume to decide the question of nullity for itself, and

although agreements for afurther referenceto arbitration have sometimes
been made by states in such a case" (for example, the OrinocoSteamship
Co.case), "there is no warrant in law for saying that unless such a refer-
ence takes place. .. the complainant party iswithout remedy .. ."4.

Further, although the Hague Conference, being unable to propose a
satisfactory procedureforadjudicatingon questions of nullity,thought it
best to saynothing about the substantivelaw ofnullity,it istobe noted that
the report of chevalier Descamps showed that it hoped that when the
Permanent Court of Arbitration came to be established States would
come to use it for deciding allegations of nullity.
Although inconveniences and practical difficulties can result from the
principle of absolute nullitythere can thus be no theoretical difficultyin
accepting the concept, even in the absence of atribunal with competence
to make the requisite declaration.
It would be difficult for a country to take it upon itself unilaterally to
disregard a solemn international arbitration and to act in defiance of the
presumption that the arbitral award isbinding. As Brierly observes :

"In practice alsothe fact that the appreciation of a cause of nullity
is left tothe state affectedisnot sograve a defect as it seems in prin-
ciple. It is not easy for a state to refuse execution of an award on
the ground of nullity, and instances where it has done so have been
rare."

In thiscaseGuinea-Bissauhas veryproperly sought to have an authori-
tative declaration of what it states isthe legalposition and has not chosen
to act unilaterally on the basis of its own view.

Reference may also be made in this context to Judge Winiarski's indi-

' L.Oppenheim,InternationalLaw, 4thed.,Vol.II,pp.27-28.
Op.cit.,pp.223-224.
3ROp.ci!.,p. 116.,Commentaries upon International Law, 3rded., Vol.3 [1885],p. 3.et Oppenheim :
«il estévident qu'unesentencearbitrale n'estobligatoire qu'à condi-

tion que les arbitres se soient à tout point de vue acquittésde leur
devoir entant qu'arbitres ...S'ilsont étécorrompus ou n'ont pas suivi
leurs instructions ...la sentencen'aura pas la moindre force obliga-
toire.>)'
Parmi leséminents publicistesqui estiment que lorsque les arbitres ont
agisansautoritéleur sentence ne sera d'aucun poids, on peut citer Vattel
et Phillimore 3.
Brierly fait observer que bien qu'ail ne soit pas souhaitable que I'Etat

plaignant prenne sur lui de trancher par lui-mêmela question de la nul-
lité,et bien qu'en pareil cas des Etats aient parfois conclu des accords en
vue d'une nouvelle soumission à l'arbitrage» (par exemple dans l'affaire
de 1'OrinocoSteamship Co.),«il n'est pas justifiéen droit de dire qu'en
I'absence d'une telle soumission ...1'Etatplaignant est sans recours ..»
De plus, bien que laconférencede La Haye,incapable de proposer une
procéduresatisfaisante pour trancher les questions de nullité,ait préféré
ne rien dire du fond du droit de la nullité, le rapport du cheva-
lierDescamps montre qu'elle espéraitque lorsque la Cour permanente
d'arbitrage viendrait à êtreétablie,les Etats l'utiliseraient pour statuer sur
les allégationsde nullité.
Bienque le principe de la nullitéabsolue puisse êtresourced'inconvé-
nients et de difficultés pratiques, il n'existe ainsi aucune difficultéthéo-
rique qui empêchede l'accepter en tant que concept, mêmeen l'absence
d'un tribunal compétentpour faire la déclarationnécessaire.
11serait difficile pour un pays de prendre unilatéralement la responsa-
bilitéde faire fi d'un arbitrageinternational solennel et d'agir au mépris
de la présomptionde validitéqui s'attache à lasentence arbitrale. Comme

Brierly faitobserver:
«Le fait que l'appréciation d'une cause de nullitéest laisséeà
1'Etataffectén'estpasen pratique un défautaussi grave qu'ilsemble
l'êtreen principe. Il n'estpas facilepour un Etat de refuserd'exécuter
une sentence au motif qu'elle estnulle,et lescas où les Etats l'ontfait
sont rares.»

Dans la présente affaire, la Guinée-Bissau a trèslégitimementvoulu
obtenir une déclarationfaisant autoritéde ce qu'elledéclareêtre la situa-
tion juridique et elle n'a pas choisi d'agir unilatéralement ensefondant
sur sa propre opinion.
On peut aussi citer dans ce contexte l'opinion individuelle de

L.Oppenheim,InternationalLaw,4eéd.,vol. II,p.27-28.
Op.cit.,p.223-224.
3 Op.ci!.,p. 116.,CommentariesuponInternationalLaw,3eéd.,vol. 3 118851,p.3.161 ARBITRAL AWARD (DISS . P.WEERAMANTRY)

vidual opinion in the Effect of Awards of CompensationMade by the
UnitedNations Administrative Tribunal case (I.C.J.Reports 1954,p. 65).
That opinion, which has been described as the traditional view, was as
follows :

"Anarbitral award, which isalwaysfinal and withoutappeal, may
be vitiated by defects which make itvoid; in this event, a party to the
arbitration willbejustified in refusing to give effect to it. This is not
by virtue of anymle peculiar to ordinary arbitration between States;
it is a natural and inevitableapplication of a generalprincipleexist-
ingin al1law :not only ajudgment, but anyact isincapable ofprodu-
cing legal effects if it islegally nul1and void'"

There does nottherefore seemto be any logicaldifficulty intheconcept
of a court declaring a state of nullity to have existedprior to its declar-
ation. Indeed such a declaration made in appropriate circumstances by a
court possessed ofthe necessaryjurisdiction isapowerful means ofensur-
ing the integrity of international arbitration.

Wasthefailuretoanswer Question2 thesubject ofa decision ?
TheTribunal took the viewthat it wasnotcalledupon to reply to Ques-

tion 2. Paragraph 87, which contains this information, is very tersely
expressed :
"Bearinginmindthe above conclusionsreached by the Tribunal
and the actualwordingofArticle2ofthe Arbitration Agreement, inthe
opinion of the Tribunal it is not called upon to reply to the second
question." (Emphasis added.)

Does this constitute a decision? Did the Tribunal just happen to wan-
der into a course ofinaction or wasthere a considered decision notto act?
A decision is by definition the process of making up one's mind. One
reaches thereby a conclusion which may or may not be formally
expressed.
In Applicationfor Review of Judgement No.158 of the United Nations
Administrative Tribunal(1.C.J.Reports1973,p. 166),this Court dealt with
the question whether an omission by a tribunal to exercise jurisdiction
with respect to a certain submissionmadeto itconstituted a decision. The
Court held (at p.193) thatthe testwaswhethertheTribunal had addressed
its mind to the matters on which the plea was based, and not the merely
forma1one ofverifyingwhetherthepleahad been mentioned eonominein
the substantive part of thejudgment.

The question of failure to exercisejurisdiction camebeforethis Court
again in Applicationfor Review ofJudgementNo.333of theUnited Nations

'W. MichaelReisman, Nullityand Revision:The ReviewandEnforcementofInterna-
tionalJudgmentsandAwards, 1971,p. 423.

112M.Winiarski dans l'affairede l'EffetdejugementsduTribunaladministra-
tifdes NationsUniesaccordantindemnité(C.1.JR .ecueil1954,p. 65).Cette
opinion, qui a été qualifiée d'opinion traditionnelle, était la suivante

«Une sentence arbitrale, qui est toujours définitiveet sans appel,
peut être entachéede nullité;dans ce cas la partie à l'arbitrage est
justifiéedans son refus de l'exécuter.Ceci n'estpas une règlepropre
au seul arbitrageordinaireentreEtats; c'estuneapplication naturelle
et inévitabledu principe généralde tout droit: non seulement un

arrêt,mais aucun acte ne peut produire d'effetslégauxs'ilestjuridi-
quement nul. » ]
Il ne semble donc yavoir aucune difficultélogique àce qu'un tribunal
déclarequ'un étatde nullitéa existéavantsadéclaration. Une telle décla-
ration, faite dans des circonstances appropriées par un tribunal ayant la

compétence nécessaire, contribuerait mêmepuissamment à garantir
l'intégrité dl'arbitrage international.

L'absencederéponse à lasecondequestiona-t-ellefait l'objetd'unedécisio?
LeTribunala estiméqu'il n'avait pas à répondre à la secondequestion.
Illedit au paragraphe 87de lasentence de manièreextrêmementconcise :

«En tenant comptedes conclusionsci-dessusauxquelles le Tribu-
nal est parvenu et du libelléde l'article2 du compromis arbitral, la
deuxième question, de l'avisdu Tribunal, n'appelle pas une réponse
de sa part.»(Les italiquessont de moi.)

Ceciconstitue-t-il une décision?LeTribunal s'est-ilsans ypenser laissé
allerà l'inaction ou bien a-t-ilpris une décision réfléchiede ne pas agir?
Par définition, une décisionest le processus consistant à arrêter son
opinion.Onparvient par ceprocessus à uneconclusionquipeut êtreoune
pas êtreexprimée formellementou non.

Dans l'avisconsultatifqu'elle a rendu sur la Demandederéformation du
jugementno 158du TribunaladministratifdesNations Unies(C.Z.JR . ecueil
1973,p. 166),la Coura traitéde la question de savoir sile fait qu'un tribu-
nal aitomisd'exercer sajuridiction à propos d'une certaine demande qui
lui avait étprésentéeconstituaitunedécision.LaCour ajugé(p. 193)que
le critère étaitde savoir si le Tribunal avaitfait porter sa réflexionsur les
bases de la demande et qu'on ne saurait recourir aux critères purement
formels qui consistent à s'assurer qu'elle figure nommément dans les
motifs du-jugement.
La question de l'omission d'exercer la juridiction a été à nouveau
portée devantlaCourdans l'affairede la Demandederéformation dujuge-

W.Michael Reisman,Nullityand Revision:TheReviewand EnforcementofZnterna-
tionalJudgmentsandAwards,1971,p.423.

112 162 ARBITRALAWARD (DISS O.P. WEERAMANTRY)

Administrative Tribunal (I.C.J.Reports 1987, p. 18) where, even in the
absence ofan express decision specifically rejecting orupholdingthe rele-
vant contention, this Court foundthat the Tribunal clearly made a deci-
sion, though by implication (at p. 45). What was important was whether
"the Tribunal addressed its mind" tothe matters on which the contention
was based "and drewits own conclusionstherefrom" (at p. 44).

It thus seems clear beyond argument that there was a conscious deci-
sional process involved, however terse the language used to describe it.
The Tribunalhasbrought itsmind to bearupontwo factors - the conclu-
sions ithas alreadyreached and the wording of Article 2.Ithas considered
the bearing of oneupon the other. It has formed an opinion. Ithas made
up its mind that it will not decide the issue raised in Question 2. It has

reached a decision.
The absence of amplifiedreasons does nottake away from the fact that
it isadecision.Whether ill-or well-considered, the decision not to answer
an important question addressed to it - a decision not to act - was as
much a decision as its converse.

That decision wasone fraught withfar-reachingconsequences, forboth
the Parties and the Tribunal were aware that the disputes regarding the
exclusive economic zone and the fisheryzone were avital part of the mat-
ters in contention between the Parties. The disputes would continue
unabated if the arbitration left them unresolved. Hence the decision was
not a decision only inthe forma1or semantic sensebut one on which grave
practical consequences turned. The step of not deciding Question 2 was
indeed a decision and a momentous one at that.

A negativedecisioncan constitutean excèsde pouvoir

To quote Carlston, "the tribunal ...derives its lifeand vitality from the
compromis. Respect for its constitutive treaty is its cardinal rule of
action." 'Consequently, the compromisbecomesthe constant point of ref-
erenceforthe tribunal on every matter concerning its powers, duties and
scope of action.
Wehave here asituation wherea compromiscallsupon thearbitrators to
resolve a certain dispute. It maps out for them the area in which their
determination is required. Its object and purpose are clear. The Parties to
it have committed to the Tribunal the resolution of their entire dispute.

The terms ofthe compromisare sodrafted asto entitle the Parties to expect
an order which willsettlethistroublesome matter finally and definitively.
The essential outcome represents a clear conflict between the course
mappedout inthe compromisand that chosen by the Tribunal.

'K. S.Carlston, TheProcessofInternational Arbitration, 1946,p. 64.ment nO333 du Tribunaladministratifdes Nations Unies(C.I.J. Recueil
1987,p. 18)où, mêmeen l'absence d'une décision expresse rejetant ou
acceptant spécifiquementlathèsepertinente, la Cour ajugéque leTribu-
nal avaitnettementdécidé,encorequ'implicitement (p. 45).Cequi comp-
tait, c'étaitde savoir sie Tribunal avaitfait porter sa réflexion» sur les
éléments qui sous-tendaient cette thèse et en avait «tiré ses propres
conclusions »(p. 44).
Il semble donc incontestable qu'il y a eu en l'espèceun processus de
décisionconscient,quelque abrupt qu'ait pu êtrelelangageutilisépour le

décrire. Le Tribunal a réfléchi à deux facteurs - les conclusions
auxquelles ilétaitdéjàparvenu et lelibelléde l'article 2. Il a examinéleur
effetréciproque. Ils'estforméuneopinion. Ila décidé qu'il netrancherait
pas le problème soulevé à la seconde question. Il est parvenuà une déci-
sion.
L'absence de motifs très amples ne change pas le fait qu'ily a bien eu
décision.Qu'elle fût mûrement réfléchie ou mal avisée, la décisiondu
Tribunal de ne pas répondre àune question importante qui lui étaitposée
- la décisionde ne pas agir - étaittoutautantune décision que l'aurait
été la décisionopposée.
Cettedécisionavaitdesconséquencesconsidérables,cartant lesParties
que le Tribunal savaient que les différendsrelatifsà la zone économique
exclusive et à la zone de pêche représentaientune part essentielle des
questions en litige entre les Parties. Les différends subsisteraient avec

autant d'acuitési l'arbitrage les laissait sans solution. Ainsi, la décision
n'étaitpas une décisionuniquement au sensformel ou sémantique,mais
une décisionquiavait des conséquencespratiques graves. La décisionde
ne pasrépondre àla secondequestionn'étaitpas seulementunedécision :
c'étaitune décisioncapitale.

Unedécisionnégativ peut constituerunexcèsdepouvoir
Pour citerCarlston, «le Tribunal ...tient son existence et sa vitalitédu

compromis. Le respect de son acte constitutif est sa principale règlede
conduite. >)'En conséquence,le compromisdevient le point de référence
constant pour le ~ribunal surtoute question concernant sespouvoirs, ses
obligations et sa compétence.
En l'espèce,nous sommes en présence d'un compromis qui invite les
arbitresà résoudreun certaindifférend.Ilcirconscritpour eux ledomaine
dans lequelleur décision est requise. Sonobjet et son but sont clairs. Les
Parties au compromisont confié au Tribunal lerèglementde la totalitéde
leur différend.Lestermes du compromissont ainsi libellés qu'ilsautori-
sent les Parties attendre une sentencequi règlerace problèmegênantde
manière définitive.Pourl'essentiel, lerésultatfait clairementressortir un
conflitentre la démarcheenvisagéedans lecompromis etcellechoisiepar
le Tribunal.

1K. S.Carlston, TheProcessof InternationalArbitration, 1946,p. 64.

113 Senegal urged before us (public sitting of 5 April 1991, CR 9114,
pp. 60-61)that the omission to act, far from being an excèsdepouvoir, is
ratherthe non-exercise of a power which has been conferred and that "an
omission isthe very opposite of a usurpation".
Thissubmission isnot entitled to succeed.Thenegativefact ofinaction
ensues from and connotes an affirmativedecision. Affirmativedecisions

attract the tests ofxcèsdepouvoirand do not repel them or render them
irrelevant merely because the decision isa decision not to act.

This is a conclusion confirmed both by high juristic authority and by
the insights of modern analyticaljurisprudence. Balaskoenumerates the
categories of excèsdepouvoirin public international law as follows :

''Ilest bien entendu que l'excèsde pouvoir du tribunal peut être
commisnon seulement par action,mais par omission,parinaction,par
abstention,par manquement aux règlesprescrites dans lecompromis
ou par la nature etlebut de la fonctionjuridictionnelle, Ainsi letribu-
naldoitjuger toutpointprévuaucompromis,fût-ild'avis qu'iln'yapas
lieu de l'examiner." '

Anegativedecision isthus clearlywithinthecategories ofdecisions which
can attract the principlesof ~xcèsd~pnuvnir.
In the words of a detailed treatise on nullity and revision of interna-
tional awards :

"There can belittle doubt that reviewcompetence extends to nega-
tive decisions :a decision either to disseisejurisdiction initially (for
reasons ofdefectivejurisdiction, inadmissibility, or lackofashowing
of adequate 'legalinterest') or to reject on grounds of the merits. In
terms of value allocation, these decisions are indistinguishable from
positive decisions; hence their grounds are equally susceptible to
nullification. Indeed, the Orinococase and the Caracasarbitrations
were nullified because too little, and in some claims nothing at all,
was decreed.
From the standpoint of policy, no distinction should be drawn
between positive and negative decisions. The conditions which
necessitate review can obtainfor both ..."*

Much lightisthrown on problems such asthis bythe insightsofmodern
analytical jurisprudence especially in its researches on the semantics of
legal language. Such studies as that of Julius Stone have shown how
semantic variations in the formulation ofthe self-sameissue produce dif-

Reisman,kop. cit.,pp.441-442.hasisadded.
Legal Systernand Luwyers'Reasonings, 1964,pp.241 etseq. SENTENCEARBITRALE (OP.DISS. WEERAMANTRY) 163

Le Sénégala argué devant nous (audience publique du 5 avril 1991,
CR91/4, p. 60-61)que loin de constituerun excèsde pouvoir, lefait de ne
pas agir représente le non-exercice d'un pouvoir qui a étéconféréet
qu'«une omission est l'opposémêmed'une usurpation ».
Cettethèsenesauraitêtreaccueillie.Lefait négatifque constitue I'inac-
tion découled'une décisionpositive etdénoteune telledécision.Lesdéci-
sions positives sont justiciables des principes de l'excès de pouvoir;
ceux-ci ne sont pas écartésni privésde pertinence pour la seule raison
qu'une décisionest une décisionde ne pas agir.
Cette conclusion est confirméetant par les plus éminentsjuristes que
par la doctrine analytique la plus récente. Balasko énumèrecomme suit
les catégoriesd'excèsde pouvoir en droit international public:

«Il est bien entendu que l'excèsde pouvoir du tribunal peut être
commisnon seulementpar action, mais par omission,par inaction,par
abstention,par manquement aux règlesprescrites dans lecompromis
ou par lanature et lebut de lafonctionjuridictionnelle. Ainsiletribu-
naldoitjuger toutpointprévuaucompromis.fût-il d'avis qu'iln'ya pas

lieu de l'examiner.»'
Unedécisionnégativeentre donc à l'évidencedans lescatégoriesde déci-
sions auxquelles lesprincipes de l'excèsde pouvoir sont applicables.

Pourciter un traitétrèscompletsur lanullitéetla revision dessentences
internationales :

«Il n'estguèredouteux que la compétencede revision s'étend aux
décisionsnégatives :une décisionsoitde déclinerd'embléelacompé-
tence (pour incompétence,irrecevabilitéoudéfaut «d'intérêltégal»)
soit de débouterpour des motifs defond. En termes d'allocation de
valeurs, cesdécisionsne peuventêtredistinguéesdesdécisionsposi-
tives;leurs motifs peuvent donc tout aussi bien être annulés. e fait,
dans lesaffaires deI'Orinocoetdesarbitrages de la Commissionmixte
de Caracas,les décisionsont étéannulées parce qu'elles décidaient
trop peu, et dans le cas de certaines demandes, rien du tout.
Du point de vue des principes, il n'ya pasà distinguer entre déci-
sions positives et décisionsnégatives.Les conditions qui nécessitent
une revision peuvent exister pour les unes comme pour les
autres..» *

Des problèmestels que celui-cis'éclairentbeaucoup grâceauxidéesde
la doctrine analytique moderne, en particulier dans le domaine des
recherchessurla sémantique de lalanguejuridique. Des étudestelles que
celle de Julius Stone3 ont montré comment des formulations verbales

Reisman,op. cit.,p. 441-442.s italiques sontde moi.
3Legal Systernand Lawyers'Reasonings, 1964,p. 241etsuiv.ferent legalanswers ifone permits the form ofthe question to overshadow
itsunderlying meaning. One isnot here askingwhether the Tribunal acted
affirmatively ordid not act but whether the decision ittook wasone which
it was or was not entitled to take. Following in the wake of research by
distinguishedjurists ofboth the common law and the civillaw traditions,
these explorations ofthe meaning ofmeaning stresstheimportance ofthe

referent behind the form of words,rather than the words themselves.

The proposition that a decision not to act cannot constitute a usurpa-
tion of power isclearlyuntenable. The cmcial question for decision isnot
whetherthere wasaction orinactionbut whether the course followed,beit
positive or negative, was sofar out of alignment with the compromisasto
constitute a serious departure therefrom.
Reisman in his study of nullity reflectsthis thinking when he observes :

"Non-decision is simply a different form for articulating a sub-
stantive decision. Adecision - acontrollingvalue allocation - can,
obviously, be articulated in many forms. Once an organized arena
has been seised of a matter, however, it cannot escape decision. Its
culminating behavior, whatever the manifest purport and form, will
have value consequences ... In particular, students should consider
the full range of effects caused by clothing a substantive decision in
the form of a non-decision ...

'Decisions refusingto decide' - or 'nondecisions' - are real deci-

sionsno matter howthey are characterized ..."(Op.cit.,pp. 625-626.)

The decision not to answerQuestion 2 meant that the Tribunal was of
itsown accord releasing itselffrom amajorportion ofthe task entmstedto
it bythe compromis.It departed from itsterms, context and object. It also

defeated the main purpose of arbitration in general, which is to resolve
disputes, for it left even more unsettled than before the contentions
between the Parties. It was not a decision the Tribunal was entitled to
make under the treaty which was its charter of authority.

Theabsenceor insufiiciencyof reasons

The necessity forreasons in an arbitral award is of courseobvious as it
removes any appearance of arbitrariness in the Tribunal's decision. It isa
long-established and well-respected rule.
Article 31 of the International Law Commission's Mode1 Rules on
Arbitral Procedure, adopted bythe Commission in 1958,states that, "The
award shall state the reasons on which itisbased for everypoint on which
it mles." SENTENCEARBITRALE(OP. DISS. WEERAMANTRY) 164

différentesde la mêmequestion aboutissent à des réponses juridiques
différentession laissela forme de laquestion prendre lepassursa signifi-

cation profonde. En l'occurrence, on ne se demande pas si le Tribunal a
agi de façon positive ou s'iln'a pas agi mais sila décisionqu'ila prise est
une décisionqu'il avait ou non le droit de prendre. Faisant suite aux
travaux d'éminents juristesde traditions tant decommonlawque de droit
civil, ces recherches sur le sens soulignent l'importance du référent
occultéderrièreles mots par rapport aux mots eux-mêmes.
La thèse selon laquelle une décisionde ne pas agir ne peut constituer
une usurpation de pouvoir est à l'évidenceindéfendable. La question
essentielleàtrancher n'estpas de savoir s'ily a euaction ou inaction mais
si lavoie suivie, qu'ellesoit positive ou négative,étaitsipeu conforme au
compromis qu'elle constituait un manquement grave à celui-ci.
Dans son étudeconsacrée à la nullité,Reisman développece point de

vue lorsqu'ildéclare :
«La non-décision est simplement une manière différente de
formuler une décisionde fond. Une décision - une allocation de
valeurs déterminante - peut à I'évidence êtreprésentéesous

diverses formes. Toutefois, une fois qu'une instance organisée aété
saisie d'une question, elle ne peut échapper une décision.Le point
ultime de son comportement, quelles qu'en soient l'intention et la
forme manifestes, aura des conséquencessur leplan des valeurs ..En
particulier, les étudiants devraient examiner l'ensemble des effets
causéspar laprésentationd'unedécisionde fond sous laforme d'une
non-décision ...
Les «décisions refusant de décider» - ou «non-décisions» -
sont de véritables décisions, quelleque soit la manière dont on les
qualifie..»(Op.cit.,p. 625-626.)

La décisionde ne pas répondre àla seconde question signifiait que le
Tribunal se soustrayait de son propre chef à une part importante de la
tâche qui lui était confiéepar le compromis. Elle constituait un manque-
ment à ses termes, à son contexte et à son objet. Elle étaitégalement
contraire a l'objectif principal de l'arbitrage en général,qui est de régler
lesdifférends,carellelaissait lesdifférendsentre les Parties encore moins

résolusqu'auparavant. Ce n'étaitpoint une décisionque leTribunal avait
le droit de prendre en vertu du compromis définissantses pouvoirs.

Labsence ou l'insuffisancede motiJs

La nécessitéde motiver une sentencearbitrale est bien sûr évidente,car
elle ôtetoute apparence d'arbitraire àla décisiondu Tribunal. C'estune
règleétabliede longue date et respectée.
L'article31 du modèle de règlessur la procédure arbitrale adoptéen
1958par la Commission du droit international dispose: «La sentence
arbitraledoit êtremotivéesurtous lespoints. »165 ARBITRAL AWARD (DISS . P.WEERAMANTRY)

There have been occasional instances of major international arbitra-
tions in which no reasons have been givenfortheaward,asforinstancein
the Portendickarbitration of 1843between France and Great Britain in
which the arbitrator was the King of Prussia. However, such award with-
out reasons immediatelyattracted criticism from leamed publicists even
at that early stagein the evolution of international arbitral law.ThePort-
endickarbitration was criticized by Fauchille ' and in 1897when Presi-
dent Cleveland failed to give reasons for his decision in the Cerruti

arbitration between Colombia and Italy, this was criticized by Damas 2.

Scelle,the eminent Special Rapporteur to the International Law Com-
mission, referred in his report to the rule that a judgment should be
accompanied by a statement of the reasons on which it isbased. Describ-
ingthis as a firmlyestablishedprinciple which had acquired the force of
law, he added :

"There would appear to be no point in stressing these undisputed
principles here, and it is enough to emphasize the need for a state-
ment of reasons. A judgment unaccompanied by a statement of
reasons is not ajudgment, but a mere opinion."
In the case of theKing of Spain S Award, one of the grounds of nullity
urged by Nicaragua wasthat there wasan inadequacy of reasons givenby

the arbitrator in support of his conclusions. However the Court held that
the award dealt in logical order and in some detail with al1the relevant
considerations and that itcontained amplereasoning and explanations in
support of the arbitrator's conclusions. The allegation was therefore
rejected.
In the present case, the Tribunal has set out rather scantilythe factors
which weighed with it in reaching its decision not to answer Question 2.
No reason has been given in respect of itsdecision not to append a map,
beyond a relianceon its decision not to address Question 2.

This seems unsatisfactory. Yet it does not follow that these circum-
stances by themselves are sufficient to ground a finding of nullity. The
Tribunal has, however scantily, setoutsomereasonsfor itsdecision and it
isnot necessary to consider this matter further, asothergrounds existfora

finding of nullity. However, it is to be hoped, in the interests of proper
arbitral practice, thatsuch inadequate statements of reasons will not be
looked upon in the future as adequate foundations on which to rest
important portions of an award.

'Doctrinal note in de Lapradelleand Politis,Recueildes arbitragesinternationaux,
VolRevue généraldee droitinfernationalpublic,1899,Vol.6,p. 547.
Scelle, Reporton Arbitration ProceA,/CN.4/18,21 March1950,p.67. Il est arrivéque dans certaines grandes affaires d'arbitrage internatio-
nal les sentences n'aient pas étémotivées,comme par exemple dans
l'affaire Portendick (1843) entre la France et la Grande-Bretagne dans
laquellel'arbitre étaitleroi de Prusse.Toutefois,cettesentence,non moti-
vée,a immédiatement suscitéles critiques de publicistes éminents,alors
mêmeque l'évolutiondu droit international de l'arbitrage n'en étaitqu'à
sesdébuts.Lasentencerendue dans l'affaire Portendickaétécritiquée par
Fauchille ',et lorsqu'en 1897le président Cleveland n'a pas motivésa
sentence dans l'affaire Cerruti opposant la Colombie et l'Italie, il s'est
attiréles critiques de Darras2.
Scelle,l'éminentrapporteur spécialde laCommissiondu droitinterna-

tional, rappelle dans son rapport la règleselonlaquelleune sentencedoit
êtremotivée.En qualifiant ces règlesde ((chosesacquises et passées en
((force dedroit »,il a ajouté:

«Ilparaît sansintérêtd'insistersurdespointshors de contestation
etsuffisant de soulignerla clause de lamotivation.Unesentencenon
motivée n'estpas une sentence, mais une simple opinion. »

Dans l'affaire de la Sentence arbitrale renduepar le roi d'Espagne,l'un
des motifs de nullité invoquésparle Nicaragua étaitque l'arbitre n'avait
pas suffisamment motivésesconclusions. La Cour a toutefois considéré
que lasentencetraitait enordrelogique etavecquelquedétaildetoutes les
considérations pertinentes et que les conclusions de l'arbitre étaient fon-
déessurunraisonnement etdesexplicationssuffisants. Legrief a donc été
jugésans fondement.

Dans la présente affaire, le Tribunal a exposé de manière plutôt
succincte les facteurs qui l'ont amené à prendre sa décision de ne pas
répondre à la seconde question. 11n'a donné aucun motif en ce qui
concerne sa décisionde ne pas annexer de carte, secontentant d'une réfé-
rence à sa décisionde ne pas répondre àla seconde question.
Cela ne semblepas satisfaisant. Mais il ne s'ensuit pas que cescircons-
tances, en elles-mêmes,soient suffisantes pour fonder une décision de
nullité. Pour succinctement qu'il l'ait fait, le Tribunal a bien exposé
certainsmotifs de sadécisionetiln'estpasnécessaired'examiner laques-
tionplusavant,puisque d'autres motifsexistent pour conclure àlanullité.
Toutefois, il est espérer,dans l'intérêd t'une pratique arbitrale correcte,
que des motivationsinadéquates de ce genre ne seront pas considérées a
l'avenir comme des bases suffisantes sur lesquelles fonder des éléments
importants d'une sentence.

' Note doctrinale dansde Lapradelleet Politis,Recueildesarbitragesinternationaux,
vol. 1,p. 543-544.
Revuegénéraldee droitinternationalpublic,1899,vol.6,p. 547.
Scelle, Yearbook ofthe International LawCommission,1950,vol. II, A/CN.4/18,
21 mars1950,p. 139.166 ARBITRAL AWARD (DISS . P.WEERAMANTRY)

Theprincipleof compétencede la compétence
It has been argued in this case that questions of interpretation of the
compromisare a matter for the Tribunal itself and that questions of its
powers and jurisdiction are within its exclusive domain. The principle

invoked isthe principle of compétencd ee la compétence.
This principle, which is in tension with the principle extracompromis-
sum arbiternihilfacere potest ',evolved at an early stage of the develop-
ment of international arbitration as a necessary attribute of the indepen-
dence of arbitrators. Though they were nominees of the contending
parties they needed to shake themselves clear of any appearance of con-
tinuing dependence on their principals in regard to matters concerning
thescope oftheir arbitral powers. When a dispute arose as to the interpre-
tation of the clause conferring jurisdiction upon them, this was there-
foretreated as a matter entirely for the arbitrators, and rightly so.
The rule of compétence de la compétence n,ow well recognized in inter-
national law, is embodied in Article 6, paragraph 6, of the Statute of this

Court and in Article 10ofthe Model Ruleson Arbitral Procedure, 1958,of
the International Law Commission 2.
The mle was clearly enunciated by the Permanent Court of Intema-
tional Justice in its Advisory Opinion in the Interpretationof the Greco-
TurkishAgreementof 1December1926:
"it is clear- having regard amongst other things to the principle

that,as ageneral mle, anybody possessingjurisdictional powers has
the right in the firstplace itselfto determine thextent of itsjurisdic-
tion - that questions affecting the extent of the jurisdiction of the
MixedCommission mustbe settledby the Commission itselfwithout
action by anyotherbody being necessary" (P.C.I.J., SeriesB,No. 16,
p. 20).

Yetthere must naturally be limits upon this principle as Senegalitselfhas
so properly recognized in its Counter-Mernorial in the present proceed-
ings in paragraph 64of which it states :
"It is nevertheless tme - and Guinea-Bissau is right on this

point - that a court's jurisdiction over its own cornpetence is not
unlimited :the court maythus not usurp powers which manifestlydo
not followfromthe textof thejurisdictional clause,interpreted inthe
Iight of the relevant principles of international law. If a court were
thus to exceed its powers, the result would beto render its decision
nul1and void in whole or in part."

'Seealso J.H. Ralston, InternationalArbiLawland Procedure,1910,pp. 21eseq.;
and C. Rousseau, Droit international publVol.V: Les rapports confictuels, 1983,
No. 311,p. 323.Leprincipede la compétencede la compétence

Il a été soutenu enl'espèce que les questions d'interprétation du
compromis relevaient du Tribunal lui-mêmeet que lui seul étaitjuge de
ses pouvoirs et de sa compétence. Le principe invoqué est celui de la
com~étencede la com~étence.
Ce principe, qui est en conflitavecl'adage extra compromissumarbiter
nihilfacere potest1, est apparu tôt dans le développement de l'arbitrage

international en tant qu'attribut nécessairede l'indépendance des arbi-
tres. Bien que ces derniers fussent nomméspar les parties adverses, il
fallait qu'ils se départissent de toute apparence de dépendance à l'égard
de leurs mandants relativement aux questions concernant la portée de
leurs pouvoirs d'arbitres. Tout différend quant à l'interprétation de la
clause attribuant compétence aux arbitres était donc considéré comme
relevant entièrementde leurs attributions, et ceà juste titre.
La règlede la compétencede la compétence,aujourd'hui bien établie
en droit international, est consacréeà l'article 6, paragraphe 6, du Statut

de la Cour et à l'article 1Odu modèlede règlessur la procédure arbitrale
(1958)adoptépar la Commissiondu droit international2.
Cette règlea étéclairementénoncéepar la Cour permanente de Justice
internationale dansson avisconsultatifrelatif à l'Interprétationdel'accord
gréco-turcdu Ierdécembre1926:

«il est clair- en tenant compte notamment du principe suivant
lequel, enrèglegénérale,tout organepossédant despouvoirsjuridic-
tionnels a le droit de se prononcer en premier lieu lui-mêmesur
l'étenduede ses attributions dans ce domaine - que les questions
touchant l'étenduede lajuridiction de la commission mixte doivent
être résolues par la commission elle-même sans que l'intervention
d'une autre instance quelconque soit nécessaire)). (C.P.J.I.sérieB
no16,p. 20.)

Ilexistepourtant deslimites à ceprincipe,comme leSénégall'asijuste-
ment reconnu au paragraphe 64 de son contre-mémoire en la présente
instance :

((11est toutefois vrai, et l'on doit suivre la Partie adverse sur ce
point, que la compétencede la compétence d'un tribunal n'est pas
illimitée:un tribunal ne saurait en effet usurper des pouvoirs qui,
manifestement, ne ressortent pas du texte du titre de compétence
interprété àla lumière des principes pertinents du droit internatio-
nal. L'excèsde pouvoirs ainsi commis par le tribunal peut entraîner

la nullitétotaleou partielle de sa décision.>

Jennings,op.cit.,p. 83-84.
Voir aussi JH. Ralston, International ArbitralLaw and Procedure,1910,p. 21
etsuiv.etC.Rousseau,Droitinternationalpublic,vol.V: Lesrapportsconflictuels,1983,
n0311,p. 323. ARBITRALAWARD (DISS. OP. WEERAMANTRY)
167

A standard work on international arbitration ' explains that the prin-
ciple would not apply to an award based on an assumption of powers
which clearly could not be justified on any legitimate process of inter-
pretation of the compromis.Nor would it apply if it could be shown for
example that the Tribunal had not directed its mind to the question on
which itsjurisdiction depended. The authors conclude :

"The rule that a tribunal hasjurisdiction to decide itsjurisdiction
therefore does not mean that its decision is conclusive. There is no

conflict between the two rules; the first rule has to be read as subject
to the second. In practice difficultyarises,not from the alleged con-
flict between the two rules, but from the lack of anygenerally avail-
able means of determining objectively whether the conduct of the
tribunal has been such as to justify the application of the second
rule."
These considerations go to the very heart of the compromis.What was
the matter which was committed to the Tribunal for decision? Was it the
entire maritime dispute or only a part thereof? Did it accord with the
object and purpose of the compromisthat the Tribunal should address
only part of this question and leave a major part unanswered? These

issues clearly touch the very fundamentals of the Tribunal's authority.
A decision which manifestly goes beyond the authority conferred by
Article 2 is not in my view saved by the principle of compétencede la
compétence.
Theprincipleofseverability

Theprecedingdiscussionhas led tothe conclusion that the Award isso
fundamentally flawed as to be a nullity. One question yet remains for
examination and that is whether such nullity applies only to the decision
not to demarcate the boundaries of the exclusiveeconomiczone and the
fisheryzone orwhether itappliesalso to the decision inregardtothethree
zones which the Tribunal did in fact demarcate.
There ismore than one reason why everyendeavourshould be madeto
preserve the integrity ofthat latterdecision.In the firstplace, itwaswithin
the subject-matter committed to the Tribunal for decision and, from the
point ofviewof forma1jurisdiction, wasuntouched bythetaint of excèsde
pouvoir.Secondly, in the interests of achieving an end to litigation, it can

be urged that it determinesat leastsomecontentious issues and clears the
decks so to speak for thefuture determination ofthe remaining issues. In
the thirdplace, aduty liesupon thecourt making thedeclaration ofnullity
to keep to a minimum the scope of that nullity.

'J. L.Simpson andHazel Fox, International Arbitration:Law and Practice,1959,
p.252.
Ibid.;see also Lauterpacht,op.cit.,p. 117. L'undesouvragesclassiques sur l'arbitrageinternationa'expliqueque
leprincipe ne s'appliquerait pasune sentencedécoulant de l'exercicede
pouvoirs qu'à l'évidenceaucun processus légitimed'interprétation du
compromis ne pourrait justifier. II ne s'appliquerait pas non plus s'il
pouvait être démontré par exemplequele tribunal ne s'estpas attaché à
examiner la question sur laquelle reposait sa compétence. Les auteurs
concluent :
«La règleselonlaquelleuntribunal a compétencepour déciderde
sacompétencene signifie donc pas quesadécisionestfinale. Iln'ya
pas de conflitentre lesdeuxrègles;lapremièrerègledoitêtreluesous
réservede la seconde. Des difficultésse posent en pratique non à
cause du prétendu conflit entre les deux règles maisde l'absence de

moyens généralement reconnusde déterminer objectivement si la
conduite du tribunal a étételle qu'elle justifie l'application de la
seconde règle.»*
Cesconsidérationstouchent au cŒurmêmedu compromis.Quelétaitle
problèmesoumisau Tribunal pour décision ?Etait-ce l'ensembledu diffé-
rend maritime ou une partie seulement de celui-ci? En n'examinant
qu'une partie de la question et en en laissant une grande partie sans
réponse,leTribunal a-t-ilagiconformément à l'objet etau but ducompro-
mis? Ces auestions touchent clairement aux fondements mêmesdu
pouvoir duA~ribunal. Une décision qui, manifestement, outrepasse le
pouvoir conférépar l'article2 n'estpas, àmon avis, rachetéepar le prin-
cipe de la compétencede la compétence.

Leprincipede laséparabilité

L'examen qui précèdea conduit à la conclusion que la sentence est si
fondamentalement viciée qu'elle estnulle. Toutefois, une question doit
encoreêtreexaminéec ,elledesavoirsicettenullités'applique seulementà
la décisionde nepas délimiterlazoneéconomiqueexclusiveet la zone de
pêcheousielles'applique aussi à ladécisionrelativeauxtroiszones que le
Tribunala effectivementdélimitées.
II y a plus d'une raison pour laquelle tout doit êtremis en Œuvrepour
préserver l'intégritéde cette dernière décision. En premier lieu, elle
rentrait dans l'objet du différend soumisau Tribunal pour décisionet,du
point de vue de la compétence formelle, n'était pasviciéepar le grief
d'excèsde pouvoir. En second lieu,dans l'intérêtde mettrefin au procès,
l'on peut faire valoir que la décision règletout au moins certains des
points litigieux et, pour ainsi dire, fait place nette pour les futures déci-
sions concernant les problèmes qui demeurent. En troisièmelieu,lajuri-
diction qui prononce la nullitéa l'obligation de limiter au minimum la
portée decettenullité.

'J.L.Simpsonet HazelFox, InternationalArbitrLawandPractice,1959,p.252.
Ibid.;voiraussi Lauterpacht,op.cit.,p. 117.

118168 ARBITRAL AWARD (DISS .P. WEERAMANTRY)

These are powerfulconsiderations movingthe Court inthe direction of
upholding the Tribunal's determination of the territorial sea, the conti-
guous zone and the continental shelf.
Yet,there isan overridingprinciple which prevents the Court from giv-
ing effect to the considerations just mentioned and that is the principle
that serious prejudice must not be caused to either party in consequence
of the erroneous decision to make only a partial determination. Much
though a court should strive to uphold the decisions made within the
tribunal's forma1authority, this result should not be achieved at the cost
of substantial damage to the interests which the parties had submitted to
thetribunal for decision.
The principle of severability holds the key to the determination of this
question of prejudice. Can the issues already decided be severed from

those awaiting determination without prejudice to the interests of one
party or theother? Arethe issues involved so intrinsically connected that
the known answer will cramp the free determination of the unknown by
wielding asignificantinfluence upon it? Ifso,thiscourse of salvageofthe
partial solution becomes unacceptable and difficult to square with prin-
ciples of justice and equity. The later decision may then be said to be
pre-empted in whole or in part by the earlier.

One could of course visualize a case where, though the various ques-
tions are interrelated, the substantial disputesanswered but some incon-
sequential portions ofthe dispute remain unanswered. One would not be
justified insuch a situation in treating the minor omission as invalidating
the entire decision. However, that is clearly not the case in the matter
before us.
There are also cases,including boundary disputes, where different seg-

ments ofthe total matter indispute canbe decided asseparate and discrete
problems, the answers to which can stand independently of eachother. In
such casesthe segmentsofthedisputethat havebeenproperlydetermined
can maintain their integrity though the findings on other segments are
assailed or do not exist.Such wasthe position inthe Argentine-ChileFron-
tierAwardcase of 1902and the OrinocoSteamshipCo.caseof 1910 lInthe
former, a portion of the boundary between two boundary posts needed
further determination whilethe findings in regard to the rest ofthe boun-
dary could still remain intact. In the latter a series of separable and dis-
crete claimscould be separatelyadjudicated upon without the findings on
one of them being interlinked with those on the others.

If, on the other hand, the different component elements of the subject-

matter are inextricably interlinked, we face difficulties in attempting to

' 16 Reportsof International Arbil wards 109and 11ibid237,at p. 238, respec-
tively.

119 SENTENCEARBITRALE (OP. DISSWEERAMANTRY) 168

Ce sont là des arguments de poidsquiconduiraient la Cour à confirmer
la décisiondu Tribunal concernant la mer territoriale, la zone contiguë et
le plateau continental.
Pourtant, il estun principe prééminentqui empêchela Courdedonner
effetauxconsidérationsqu'on vientdementionner: aucune despartiesne
doit subir un préjudice gravedu fait qu'ila étédécidé àtortdene rendre
qu'un jugement partiel. S'ilest vrai qu'une juridiction doit s'efforcer de
confirmer les décisions prises conformémentaux pouvoirs formels du
tribunal, un tel résultatne doit pas être obtenu au prix d'un préjudice
substantiel aux intérêtsque les parties avaient soumis àla décisiondu
tribunal.
Leprincipe de la séparabilitéestla cléqui permet de décidercetteques-
tion du préjudice.Les questions déjàtranchéespeuvent-elles êtresépa-
réesde celles qui attendent une décisionsans causer un préjudiceaux
intérêtsd'une partie ou de l'autre? Les problèmes en cause sont-ils si
intrinsèquement interdépendants que la réponse connue, en influant

nettement sur l'élémenitnconnu, empêcherade le déterminerlibrement?
Si tel est le cas, cette tentative de «sauvetage» de la solution partielle
devient inacceptable et difficileconcilieravec les principes dejustice et
d'équitéO. n pourrait alors dire que la décisionvenir a été,ntoutou en
partie,prédéterminée par la première.
Certes, on peut aussiimaginer lecasd'un différenddont l'essentielaété
réglémais dont certainsdétailssans conséquence restenten suspens,alors
mêmeque sesdiversaspects sont liés. Ilneseraitpas justifié,en pareil cas,
de traiter une omission mineure comme invalidant l'ensemble de la déci-
sion. Mais, dans l'affairequi nous estsoumise,tel n'estévidemmentpas le
cas.
Il est aussi des affaires, y compris de différends frontaliers,dans
lesquellesles diversélémentd se l'ensemblede laquestion en litigepeuvent
êtretraités comme desproblème ss parésetdistincts,auxquelslesréponses
qu'on apporte valent indépendammentles unes des autres. Dans de telles
affaires, lesparties du différendsur lesquellesil a régulièrementstatué
conservent leur intégrité alors mêm que lesconclusions auxquelleson est

parvenu sur d'autres parties sont contestées ou inexistantes. Telle étailta
situationqui existaitdans lesaffairesdel'Argentine-ChilFrontierAwardde
1902etde 1'OrinocoSteamshipCo.de 1910 '.Dansla première,une partie de
la frontière entre deux postes frontièredevait faire l'objet d'une nouvelle
délimitation alorsque les conclusions concernant le restede la frontière
pouvaient demeurer intactes. Dans la deuxième, unesériede demandes
séparablesetdistinctes pouvaient êtrejugéesséparémentsansque les déci-
sions lesconcernant respectivement soient liéesentre elles.
Si,en revanche, les différents élémentqsui composent le différendsont
inextricablement liés, il devient difficile de vouloir maintenir une

'Recueildessentencesarbitrales,vol. 16,petibid.,vol. 11,p.238.uphold a partial award. One test would be to examine the practicalities of
the later decisional process. With a line already drawn and unalterable,
would the later tribunal be as free as it would be inthe absence of such a
line to take into consideration al1relevant facts and make an equitable
order determining the exclusiveeconomiczone and the fishery zone? Are
al1the factors relevant to the different zones a composite group whose
subtleinteraction upon eachothercannot takeplace ifthe zones are com-
partmentalized and separately determined? If the overall result isto pre-
vent a free and untrammelled resolution of the remaining areas of the dis-
pute, the option of preservingthe existingdecision ceasesto be available.

Needless to say, the task of delimitation of maritime boundaries as
important asthose ofthe exclusiveeconomiczone and the fishery zone, is
a delicately balanced one involving a plethora of factors - geological,
geomorphological, ecological and economic, among others - which
must be taken into account. Special circumstances such as islands, rocks

and coastlineirregularitieshave to be considered. Developing principles
of law and equity ',fine-tuned to meet the needs of the particular case,
haveto besensitivelyapplied. Thus alone can afair and equitable resultbe
achieved. The possible interlinkages aretoo numerous to be visualized or
itemized in advance.

Weshould remind ourselves in this connection that :
"The fundamental rule of general international law governing
maritime delimitations . . requires that the delimitation line be
established while applying equitable criteria to that operation, with
a viewto reaching an equitable result." (DelimitationoftheMaritime
Boundary in the Gulf of Maine Area, I.C.J. Reports 1984, p. 339,

para. 230.)
Far from the complex mix of decisionalfactorsblending into a harmoni-
ous and equitable result, we will have the second tribunal functioning
within astraitjacketimposed upon itby afixed and unalterable boundary
governing the territorial sea, the contiguous zone and the continental
shelf. For these reasons, this Court cannot conclude with any degree of
assurance that the interests of Guinea-Bissau would not be prejudiced by
the piecemeal process that will take the place of the composite process
both parties had in mind.
1sthat prejudice substantial or can weoverlook itinthe interests of sal-
vaging that part of the boundary determination that has already been
made? From a practical point of view, it can hardly be said thatthe riches

ofthe seain such keyareas asthe exclusiveeconomiczone and the fishery
zone are anything but a most vital resource for any country, developed

'See P. Bravender-Coyle, "TheEmerging LegalPrinciplesand EquitableCriteria
Governing the Delimitationof Maritime Boundaries between States["1988],19Ocean
Developmentand InternationaLaw, pp. 171-227.sentence partielle. Une solution consisteraità examiner les aspects pra-
tiques du processus de décision ultérieur.En présence d'une ligne déjà

tracéeetinaltérable,lesecond tribunal serait-ilaussilibre qu'ill'aurait été,
en l'absence d'une telle ligne, de prendre en considération tous les faits
pertinents etde rendre une décisionéquitabledélimitantlazoneéconomi-
que exclusive et la zone de pêche?Tous les facteurs liésaux différentes
zones constituent-ilsun groupe composite àl'intérieur duquel leur inter-
action subtile est impossible si les zones sont compartimentées et délimi-
téesséparément?Si l'effet global de cette solution est d'empêcher un
règlementlibre et sans entrave de ce qui reste du différend, la facultéde
maintenir la décisionexistante disparaît.
Il va sans dire que la tâche consistantàdélimiterles frontières mari-

times aussiimportantes que celles de la zoneéconomique exclusiveet de
lazone de pêcheestun équilibresubtilquifaitintervenir une multitude de
facteurs - géologiques, géomorphologiques, écologiqueset économi-
ques, entre autres - qui doivent être pris en considération.II faut tenir
compte de circonstancesspécialescomme laprésenced'îles,de rochers et
d'irrégularitésdu littoral. Lesprincipes naissants du droit et de l'équité
judicieusement adaptés aux exigences de l'espèce,doivent êtreappliqués
avec doigté.Cen'est qu'ainsi que l'on peut parvenirà un résultatjuste et
équitable.Leslienspossibles sont trop nombreux pour pouvoir êtreenvi-
sagésou précisés àl'avance.
A ce propos, nous devonsnous rappeler que :

« La règlefondamentale du droitinternational généralrégissant la
matièredesdélimitationsmaritimes ..exigeque la ligne de délimita-
tion soit établie en appliquant à cette opération des critères équi-
tables,et ceci en vue de parveniràun résultat équitable.»(Délimita-
tion de la frontière maritimedans la régiondu golfe du Maine,
C.I.J.Recueil1984,p. 339,par. 230.)

Loin d'avoir unecombinaisoncomplexed'élémentsde décisionseconju-
guant pour parvenir à un résultat harmonieux et équitable,le deuxième
tribunal devrafonctionner àl'intérieurdu carcanqueluiimposeune ligne
de démarcation fixeet inaltérablede la mer territoriale, de la zone conti-
guë etdu plateau continental.Pour cesraisons,la Cour nepeut pas raison-
nablement être certaineque le processus fragmentaire qui se substituera
au processus composite que les Parties avaient à l'esprit ne portera pas

préjudice aux intérêtd se la Guinée-Bissau.
Cepréjudiceest-ilsubstantiel oupouvons-nous lenégligerdans lesouci
de «sauver»lapartie dela frontièrequiadéjàété déterminée?D'un point
de vue pratique, ilestdifficilementcontestable que lesrichesses de la mer
dans dessecteursaussi importants quelazoneéconomique exclusiveet la
zone de pêche constituent des ressources d'une importance tout à fait

VoirP.Bravender-Coyle,((TheEmergingLegalPrinciplesand EquitableCriteria
Governingthe Delimitationof Maritime Boundaries between Sta» [1988],Ocean
Developmentand InternationLaw, no19,p. 171-227.

120and developing alike. The determination of their boundaries within the
framework of such pre-setconstraints clearlycausesadegree ofprejudice
too great to be overlooked inthe interests of salvagingthe Award. Indeed,
it would be pertinent to note that the maritime wealth of the exclusive
economic zone andthe fishery zone would, forboth Parties to this parti-
cular dispute, constitute a far greater proportion of their total national
assetthan thedisputedmaritime zoneswould have involved,for example,
forthe United States of America and Canadain the Gulfof Mainecaseor

for the Federal Republic of Germany, Denmark and the Netherlands in
the North Sea Continental Shelfcases, to quotejust two examples of cases
of significant importance inthejurisprudence of the Court. For thepart-
iesconcerned,the issues weremomentous and any interference withtheir
fairdetermination a matter of grave concern. The prejudice involved, by
determining the later issues within the framework of the first decision, is
thus too great to be overlooked in the interests of preseming the partial
award.

A consideration of the question of severability would be incomplete
without examining the possibility ofdifferent linesbeing drawn in regard
to different boundaries. Thisin itselfisavastquestion,the complexities of
which cannot at this point be envisaged. It is relevant to note in this con-

textthat in morethan one place the compromisspeaksof theboundary line
which the Tribunal will draw, thus showing no contemplation of more
than one. One line drawn at 240' for the zones already determined and
anotheratanother angle for those yet to be determined does not seem to
accord with this language. Else there could be a resulting situation, for
example, ofthe continental shelf followingthe 240"lineand the exclusive
economiczone following another. Whether such a situation, even if it is
possible in law,isfeasiblein reality,this Court isnot called upon to deter-
mine here. Allthat is possible at this stage isto make a brief reference to
thejurisprudence of this Court. Such a reference willreveal a problem so
complex that it is not possible to point to alater determination as afford-
ing Guinea-Bissau a way out of the impasse in which it finds itself if the
territorial sea, the contiguous zone and the continental shelf are to be
treated as already fixed and determined.

The GulfafMainecase,the first in whichthe Court wasasked to draw a
delimitation line itself,was also of special significanceasthe Court was
asked to delimit boththe continental shelf and the exclusive fishery zone
by a singleboundary.

inthe NorthSen ContinentalShelf:I.C.J.Reports 1pp.3and6,andConrinenrulShellas
fTunisia/Libyan Arab~arnahiri~a).I.C.J.~>~orts19p.18.

121vitale pourtout pays, qu'ilsoitdéveloppéouen développement.Ladéter-
mination de la frontièresur labase de contraintes ainsi préétablies cause-

rait manifestement un préjudicetrop grand pour êtrenégligé dans lesouci
de sauvegarder lasentence. IIconvient d'ailleurs de noteràcepropos que
les richesses que renferment les eaux de la zone économiqueexclusive et
de la zone de pêche constituentpour les deux Parties à ce différend une
proportion bien plus grande de leur patrimoine national total que celle
représentéepar les zones maritimes constestées,par exemple, entre les
Etats-Unis d'Amériqueet le Canada dans l'affaire de la Délimitationdela
frontièremaritime dans la régiondu golfe du Maine ou de la République
fédéraled'Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas dans les affaires du
Plateau continentalde la mer du Nord, pour ne citer que deux exemples
particulièrement importants dans la jurisprudence de la Cour. Pour les
Parties en cause, l'enjeuétaitconsidérableet toute ingérencedans lejuste
règlement de leur différend une cause de profonde préoccupation. Le

préjudice qu'entraînerait un règlement des points en suspens dans le
cadre de lapremière décisionestpar conséquenttrop grand pour pouvoir
êtrenégligé dans l'intérêdt'une sauvegarde de la sentence partielle.
L'analyse de la question de la séparabilitéserait incomplète si l'on
n'examinait pas la possibilitéde tracer des lignes différentespour des
zones différentes.11s'agit là d'une question extrêmementvaste dont les
complexitésne peuvent pas êtreenvisagées à ce stade. Il convient néan-
moins de relever dans ce contexte qu'à plus d'une occasionlecompromis
parle de la ligne frontière que devra tracer le Tribunal, n'en envisageant
par conséquent pas plus d'une. Il ne semble pas que le fait de tracer une
ligne d'azimut de 240" pour leszones déjàdéterminées etune autre ligne
d'un autre angle pour leszones restant àdéterminerserait conforme àces

dispositions. Tout cela pourrait aboutir une situation telle, par exemple,
que lalignededélimitationdu plateaucontinental serait orientée à240" et
que la ligne de délimitationde la zone économiqueexclusive aurait un
autre azimut. La Cour n'est pas appelée,en l'occurrence, àdéterminersi
une telle situation, mêmesi elle est possible en droit, le serait dans la
réalitéT. out ceque l'onpeut faire, cestade, c'estexaminer brièvementla
jurisprudence de la Cour. Cet examen fait apparaître un problème si
complexe qu'il n'estpas possible d'envisager une décision ultérieurequi
permettrait à la Guinée-Bissaude sortir de l'impasse dans laquelle elle se
trouve si la mer territoriale, la zone contiguë et le plateau continental
doiventêtreconsidéréscommeayant déjàété délimités et déterminés.

L'affairede laDélimitationde lafrontièremaritimedansla régiondugolfe
du Maine, qui estla premièredans laquellelaCour a étéinvité aetracer elle-
même une ligne de délimitation',revêatussi une importance toute particu-
lièreen ce sens que la Cour a étpriéede délimiter à lafois leplateau con-
tinental et la zone exclusive de pêcheau moyen d'une frontière unique.

' Plutôtque d'indiquerles principeset les règlesde droit internationalapplicables,
commedansles affairesduPlateaucontinentaldela merdu Nord,C.I.J.Recuei11967,p.3
et6,etduPlateaucontinental(Tunisie/Ja arabelibenae)C.I.JRecueil1982,p. 18. Theproblems attendant ontreatingeach separate boundary as amatter
for separate enquiry become apparent from the Judgment, for, after
acknowledging that separate criteria may be appropriate and equitable
for the determination of the two areas involved,the Chamber goes on to
state:

"In other words, the very fact that the delimitation has a twofold
object constitutes a specialaspect ofthe case whichmustbetakeninto
considerationeven beforeproceeding to examinethepossible influence
of othercircumstanceson the choice ofapplicable criteria.It follows
that, whatever may havebeen held applicable in previous cases,it is
necessary, in a case like the present one,to ruleout theapplicationof
any criterionfound to be typicaliy andexclusiveiy bound up withthe
particular characteristicsf one aloneof the two natural realities that
have to be delimited in conjunction." (Delimitationof theMaritime
Boundaty in the Gulfof Maine Area, Z.C.J.Reports 1984, p. 326,
para. 193 ;emphasisadded.)

The fact that the determination of separate boundaries in hermetically
sealed compartments produces different results from those that follow
when they are dealt with as a collectivity thus receives authoritative
endorsement.
The Chamber goes on to observe that :

"it can be foreseen that with the gradua1adoption by the majority of
maritimeStates ofan exclusiveeconomiczone and, consequently, an
increasinglygenerad lemandfor singledelimitation,soastoavoidasfar
aspossible thedisadvantagesinherentinapluralityof separatedetermi-
nations,preference will henceforth inevitably be given to criteria
that, because oftheirmoreneutralcharacter,arebestsuitedfor use in
a multi-purpose delimitation" (p. 327, para. 194;emphasis added).

This judicial confirmation of the differences between a composite
determination and a plurality of separate determinations, and of the dis-
advantages of the latter, further establishes the necessary interlinkage
between the partial award that has been made andthe residualaward yet
to come. The second can scarcely be effected in isolation from the first.

The tendency to make the determination of the exclusive economic
zone coincide withthat ofthe continental shelfisanother factorcrippling
freedom of decision in the courseto which Guinea-Bissau would be com-
mitted ifshewereto besenttoanotherdecisionalprocess while preserving
the demarcation of the continental shelf. AsJudge Jiménezde Aréchaga
observed in the case concerning the ContinentalShelf (Tunisia/Libyan

ArabJamahiriya):
"At leastin the largemajority of normal cases,the delimitation of
the ExclusiveEconomicZone and that ofthecontinental shelfwould Les problèmes que susciterait le fait de considérer chaque frontière
distincte comme devant faire l'objet d'une étudedistincte ressortent de
l'arrêt,car la Chambre, après avoir reconnu que des critères distincts
peuvent êtreappropriés et équitablespour délimiterles deux zones en
question,poursuit en disant :

«En d'autres termes, dans le fait que la délimitation a un double
objet, il a une particularité du cas d'espèce qui doit être priseen
considération avanm t ême depasser à l'examende l'incidencepossible
d'autrescirconstancessur lechoixdescritèresàappliquer.11endécoule
donc qu'abstraction faite de ce qui a pu avoir étéretenu dans des
affaires précédentesil conviendrait d'exclure l'applicationd,ans un
cas comme celui-ci, d'un quelconque critère qui apparaîtrait typique-

mentet exclusivementliéauxcaractéristiquep sropresd'une seuledes
deux réalités naturellesa délimiter ensemble.» (Délimitationde la
frontière maritimedans la régiondu golfe du Maine, C.I.J.Recueil
1984,p. 326,par. 193;les italiquessont de moi.)
Lefait que la déterminationde frontièresdistinctes dans descomparti-

ments hermétiquement scellésaboutit à des résultats différentsde ceux
que l'on obtient lorsque ces secteurs sont considéréscomme un tout est
par conséquent confirmépar une sourcedigne de foi.
La Chambre fait observerensuiteque :
«il est d'ailleurs a prévoir que, avec l'adoption progressive, par la
plupart des Etats maritimes, d'une zone économique exclusive et,

par conséquent, avecla généralisatiodne la demanded'unedélimita-
tionunique,évitana tutantqu'ilestpossiblelesinconvénientinhérent s
une pluralitéde délimitations distinctel, préférence ira désormais,
inévitablement, à des critères se prêtantmieux, par leur caractère
plus neutre, a une délimitation polyvalente)) (p.327, par. 194; les
italiques sont de moi).

Cetteconfirmationjudiciaire desdifférencesqui résultent d'une déter-
mination composite et de plusieursdéterminations séparéesainsiquedes
inconvénientsde cette dernière formule met encore plus en relief le lien
quidoitnécessairementexisterentrelasentencepartielledéjà rendue et la
sentencerésiduelle à venir. Laseconde ne peutguèreêtrerendueindépen-
damment de la première.
La tendance à faire coïncider la délimitationde la zone économique
exclusiveaveccelle du plateau continental estun autre facteurquientrave
la libertéde décisionpour cequi estde la démarcheque laGuinée-Bissau
devrait suivre sielledevaitêtrerenvoyéedevant uneautre juridiction tout
enmaintenant ladélimitationdu plateau continental.Comme M.Jiménez
de Aréchagal'a fait observer dans l'affaire du Plateau continental(Tuni-
sie/Jamahiriyaarabelibyenne):

«La délimitationde la zone économique exclusive et la délimita-
tion du plateau continental coïncideront,tout au moins dans la très have to coincide. The reason is that both of these delimitations are
governed by the same rules . .."(I.C.J. Reports 1982,pp. 115-116,
para. 56.)

So,also,Judge Evensen referred inthe samecase,to "the obvious advis-
ability of having identical lines of delimitation for the continental shelf
and the 200-mile Exclusive Economic Zone" (at p. 319).

It is not necessary to enter here intoal1the complexities of these pro-
cesses,suffice it merelyto notethemforthe limited purposes ofthis opin-
ion. Someunderstanding of the extent of these complexities appears also
from aperusal of the dissenting opinion ofJudgeGrosin the GuifofMaine
case, and from the writings of Judge Oda '.Having regard to these com-
plexities, it is clear that it would be prejudicial to the vital national inter-
ests of Guinea-Bissau in its exclusive economic zone and fishery zone to
commit it to a decisional process clouded by so many obscurities and
hampered by so many restraints.
It isto be noted finally that the exercise of fixing separate boundaries
for separate zones through two or more discrete determinations is con-
ceptually and methodologically different fromthecombinedoperation of
evaluating them as a totality. The interplay of factors relevant to more
than one boundary is immaterial to the former enquirybut central to the

latter. The production ofinconsistent boundary lines ispossible under the
first methodbut isunavailable under thesecond. Practical considerations
of achieving a workable overall demarcation are of immediate import-
ancetothe secondmethod but not necessarily to the first.

Needless to say,thecompartmentalizedenquiry can thus lead to vastly
different results from the consolidated one.The result which is equitable
in the context of any one or more boundaries viewed by themselves may
wellbe inequitablein the context of a total determination.

It is not difficult to see why the agreement laid so much store by the
concept ofone demarcation line and whythat factor assumes such central
importance in this case.
In al1 these circumstances, one cannot conclude, unless compelled
thereto by obligatoryjuristic principle, that an interpretation is legitimate
which commits one party or the other to a situation so fraught with preju-
dice. Such acourse neither offers a real solution to the problem before the
Court nor ensures a fairdeterminationfor Guinea-Bissau of its exclusive

'See "Delimitationof a Single MaritimeBoundary:The Contributionof Equi-
distanceto GeographicalEquity inthe InterrelatedDomainsof the ContinentalShelf
tion, Essays in Honourof Roberto Ago, 1987,Vol.II,p.349. the Time of lts Codifica- vaste majoritédescas normaux. Laraison en estque lesdeux délimi-
tations sont régiespar des règlesidentiques. » (C.I.J. Recueil 1982,
p. 115-116,par. 56.)

C'est ainsi égalementque M. Evensen, dans la même affaire, arelevé
qu'il«serait manifestement opportunde tracerdes lignes de délimitation
identiques pour le plateau continental et pour la zoneéconomiqueexclu-

sivede 200milles » (p. 319).
Il n'est pas nécessaire d'entrerici dans toutes les complexitésde ces
processus, et il suffira simplement d'en relever l'existenceaux fins limi-
téesde laprésenteopinion.L'opinion dissidente de M.Gros dans l'affaire
de la Délimitationde lafrontière maritimedans larégiondugolfeduMaine
et les écritsde M. Oda 'mettent en lumière aussil'étenduede ces com-
plexités.Eu égard à ces complexités,il est clair qu'engager la Guinée-
Bissaudans un processus de déterminationassombri par tant d'obscurités
et entravépar tant de contraintesporterait préjudice à ses intérêtsnatio-
naux vitaux danssa zone économiqueexclusiveet dans sa zone de pêche.
Il convient de noter enfin que I'opération consistantà fixer des fron-
tièresséparéespour des zones séparéesau moyen de deux ou plusieurs

déterminationsdistinctesestdifférente,surlesplans conceptuel etmétho-
dologique, de l'opération globale consistantà lesévaluercommeun tout.
L'interaction de facteurs relatifsa plus d'une frontière est sans impor-
tance dans le premier cas mais revêtune importance capitale dans le
second. L'établissementde lignes frontièresincompatibles les unes avec
les autres est possible selon la première formule, mais pas selon la
deuxième.Surleplan pratique, lanécessité de parvenirà une démarcation
globale réaliste revêtune importance immédiate dans le cadre de la
deuxième méthode, maispas nécessairementdans celui de la première.
Il esà peine besoin de souligner qu'une analyse compartimentée peut
ainsi conduire à des résultats extrêmement différentd se ceux auxquels

aboutit une analyse globale. Un résultatéquitabledans le contexte d'une
ou deplusieurs frontièresconsidéréesisolémen pteutfort bien êtreinéqui-
table dans le contexte d'une déterminationglobale.
Iln'estpas difficile devoirpourquoi lecompromis faisaittant de casdu
concept de ligne de démarcation unique et pourquoi ce facteur revêtune
importance aussi cruciale en l'espèce.
Eu égard à toutes ces circonstances, l'on nepeut pas conclure,à moins
d'être forcéà le faire par un principe dejustice obligatoire, qu'une inter-
prétation qui condamnerait l'une ou l'autre des Partiesà une situation
risquant de lui causer un tel préjudiceest légitime.Une telle démarche
n'offrirait pas de solution réelleau problèmeauquel la Cour est confron-

-
Voir «Delimitationof a Single MaritimeBounda:The Contributionof Equidis-
tancetoGeographical Equitiynthe InterrelaDomainsofthe ContinentalShelfand
the ExclusiveEconomic Zone»,dansInternationalLaw at theTirneof lts Codification.
EssaysinHonour ofRobertoAgo, 1987vol.II,p. 349.economic zone and its fishery zone, which was among the principal pur-
poses of the document under examination.

Without any intrusion intothe question of the merits in relation to the
Award concerning the territorial sea, the contiguous zone and the con-
tinental shelf, the conclusion seems irresistible that the failure of the
Tribunal to address the entire question posed to it undermines the
validity of even the partial answer it has rendered.

III. CONCLUSION

Reference was made at the commencement of this opinion to the
importance ofmaintaining the integrity ofinternationalarbitration asone

of the cardinal procedural achievements of international law. This
involves the twin considerations of respecting the finality of arbitral
awards once made and of holding arbitral proceedings within the con-
fines of the compromison which they are based. As international law
matures it will be necessary, without impairing the integrity of the first
principle, to develop the second so asto make it more responsive to the
demands ofjuristic principle.
The casebefore usjuxtaposes these competingconsiderations inaman-
ner highlighting theimportance ofeach.It would betempting toadopt the
stance that an unassailably valid compromisfollowed by a procedure
enjoying al1the appearances of regularity shouldbe left intact and unim-
paired. It is evident, however, that other considerations are involved, too
important to thefuture of international arbitration to be ignored. Acourt
invited todeclare on the validity of the order, and with undoubted juris-
diction to make a pronouncement thereon, would, in my respectful view,
be in error if it shouldil to giveto important vitiating factors the weight
which they deserve.

It hasbeen observed thatthe lack ofcourts withjurisdiction to examine
questions of nullity and effectivenessis damaging to the development of
international lawinthisfield (seeJennings, op.cit.,p.86).While"the ener-
vating effect of the lack, or near lack, of courts with compulsory jurisdic-
tion is nowhere more damaging than in this aspect of international
law ..." (ibid.), wehave here a situation where acourt seised ofthe matter
is eminently in a position to give some guidance on the substantive law
relating to nullity. Deference to arbitralawards isimportant but deference
in the presence of significantdeviations from the compromismay damage
the institution which it isintendedto protect.
The reasons set out in this opinion lead to the conclusion that the
burden of proof of invalidity, which at al1times lay upon Guinea-Bissau,
has been discharged and that the entire Arbitral Award is nul1and void.
Guinea-Bissau istherefore entitled to a declaration to this effect.tée, pas plus qu'elle n'assurerait une détermination équitable pour la
Guinée-Bissaudesazoneéconomiqueexclusiveetde sazone depêche,ce
qui étaitl'un des objectifsprincipaux du document à l'étude.
Sansentrer de quelque façon que ce soit dans la question du fond de la
sentence pour ce qui est de la mer territoriale, de la zone contiguë et du
plateau continental, il paraît inévitable de conclure que le fait que le
Tribunal n'a pas répondu à l'intégralitde la question qui lui était posée
compromet la validitémêmede la réponse partielle qu'ila donnée.

J'aiévoqué audébutl'importance de préserverl'intégrité de l'arbitrage
international en tant qu'il représente l'une des réalisations procédurales
majeures dudroit international.Celaimplique à lafoisque l'onrespecte le
caractère définitif des sentencesarbitralesqui ont été rendueset que l'on
maintienne les procédures arbitrales dans les limites du compromis sur
lesquelles elles se fondent. Au fur et mesure que le droit international
progresse, il sera nécessaire,sans porter atteintel'intégritédu premier
principe, de développerlesecond afin qu'ilrépondemieux aux exigences
du principe dejustice.
L'affairedont nous sommes saisisjuxtapose cesconsidérationscontra-

dictoires en faisant ressortir l'importance de chacune d'elles. Il serait
tentant de considérerqu'un compromisincontestablement valideauquel
a fait suite une procédure qui a toute l'apparence de la régularité doit
demeurer intact et ne pas être altéré.l est évidenttoutefois que d'autres
considérations s'imposent, qui sont trop importantes pour l'avenir de
l'arbitrage international pour pouvoir êtreignorées.Unecour invitée a se
prononcer sur la validitéde la sentence, et indubitablement compétente
pour le faire, serait mon avis, avectout le respect que je lui dois, dans
l'erreur si elle ne donnait pas le poids qu'ils méritentertains facteurs
importants qui vicient la sentence.
On a fait observerque l'absence de tribunal compétent pour examiner
lesquestions denullitéetdevaliditénuitau développementdu droitinter-
national dans ce domaine (voir Jennings, op. citp. 86).Si «l'effetdébili-
tant de cette absence ou quasi-absence de tribunaux ayant compétence

obligatoire n'est nulle part plus nuisible que dans ce domaine du droit
international..» (ibid.),en l'espèce unecour saisie de la question est
éminemmentcapable defournir certainesindications sur le fond du droit
relatifà la nullité.La déférencedue aux sentences arbitrales est impor-
tante mais elle risque, en présence de déviationsnotables par rapport au
compromis, de nuire à l'institution qu'elleviàeprotéger.
Les raisons exposées dans la présente opinion conduisent à conclure
que lapreuve denullitédelasentence, dont lacharge atoujoursincombé à
la Guinée-Bissau,a étérapportée et que la sentence arbitrale est nulle
dans son ensemble. C'est donc à bon droit que la Guinée-Bissau a
demandéune déclaration à cet effet. The ground on which a declaration of nullity should issue isthe ground
that theTribunal had no competence to decide that it would not decide a
principal part ofthematter entrusted to it and which, by itsacceptance of
its mandate, it had undertakento decide. Its decision not to decide Ques-
tion 2 was without jurisdiction. That decision was incompatible with the
compromis, thus vitiating the Award from its verycommencement. More-
over, the impossibility of obtaining a full and fair determination of the
remaining portions of the boundary, so long as the portions of theboun-
dary already determined remained valid, rendered it impossible to
preserve eventhedeterminedportion of theboundary, thus undermining
the answer to Question 1 as well, and resulting in the nullity of the total
Award.

Forthe reasons setout inthis opinion,theseconddeclaration sought by
Guinea-Bissau in its Memorialshould be granted, but only on the ground
that failure to reply to the second question did not comply withthe provi-
sions of the Arbitration Agreement, and not on the ground of failure to
draw asinglelineand record that lineon amap, or ontheground offailure
to givereasons.
The third declaration sought by Guinea-Bissau, to the effect that the
Govemment of Senegal is not justified in seeking to require theGovem-
ment of Guinea-Bissau to applythe Award, should also be granted.

The first declaration sought by Guinea-Bissau, to the effect that the
Award is inexistent, should be refused.

(Signed) Christopher Gregory WEERAMANTRY. Lemotif surlequeldevraitreposer une déclarationde nullitéest que le
Tribunal n'étaitpas compétent pour déciderqu'il netrancherait pas un
élémentmajeurdu différendquiluiavaitété confiéetsurlequel,enaccep-

tant sonmandat, ils'étaitengagéàstatuer. Iln'était pasfondàdéciderde
ne pas répondre à la seconde question. Cette décision était incompatible
avec le compromis et viciait par conséquent d'emblée la sentence. En
outre, l'impossibilitéd'obtenirla détermination complèteetéquitabledes
autres élémentsde la frontière tant que ceux qui avaientéjàété déter-
minésdemeuraient valables, écartait toute possibilitéde maintenir ne
serait-ce que lesélémentsdéterminé dselafrontière,cequicompromettait
aussi la validitéde la réponsedonnéea la premièrequestion et entraînait
la nullitéde la sentence dans son ensemble.
Pour lesraisons exposéesdans la présente opinion, la deuxièmedécla-
ration demandée par la Guinée-Bissaudans son mémoire aurait dû être
admise, mais uniquement au motif que le fait de ne pas répondre à la
seconde question n'était pas conforme aux dispositions du compromis
d'arbitrage et non au motif qu'une ligne unique n'avait pas été traete
portéesur une carte, ni pour défaut de motivation.

La troisièmedéclaration demandée par la Guinée-Bissau, a savoirque
le Gouvernement du Sénégaln'est pas fondé à exiger que le Gouverne-
ment de la Guinée-Bissau applique la sentence, aurait dû aussi être
admise.
La première déclaration demandée par la Guinée-Bissau, selon
laquelle la sentenceserait inexistante, estjeter.

(Signé Christopher Gregory WEERAMANTRY.

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Opinion dissidente de M. Weeramantry (traduction)

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