Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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082-19911112-JUD-01-06-EN
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082-19911112-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

Je suisd'accord avecla décisionde laCour. J'estimetoutefoisque celle-
ci,sur certainspoints, aurait pu se montrerplus fermeencore.Sur lepoint
capital de savoir si le Tribunal aurait dû répondrela seconde question
qui lui était poséeclans le compromis d'arbitrage, la Cour reconnaît la
validitéde la sentenceenconsidérantqu'en sedisant non compétent pour
répondre à cette question le Tribunal avait interprétéle compromis de
l'une des manières (dontil était possiblede l'interpréter sansqu'il y ait
méconnaissance manifeste de sa compétence. La Cour ne s'est pas
prononcée ensuite sur la justesse de l'interprétation du Tribunal, et ce

a cause de sa conception de laportéede sapropre compétenceencette af-
faire. Je préciseci-aprèsles raisons pour lesquellesje soutiens,première-
ment, que, sous réservedes considérations relativesala sécuritédu pro-
cessusarbitralquant au caractèredéfinitif des sentences,la compétencde
la Cour ne l'empêchait nullementde se prononcer sur la justesse deI'in-
terprétation que le Tribunal a fait sienne et, deuxièmement, que cette
interprétation était en faitl'interprétation correcte.

1. LA COUR AVAIT-EILLECOMPÉTENCEPOUR SE PRONONCER SUR LA JUSTESSE
DE L'INTERIPR~TATIONDU COMPROMIS PAR LE TRIBUNAL?

Le grief principal de la Guinée-Bissau est que le Tribunal arbitral a
failli sa tâche, car il était tenu de répondreàla seconde question du
compromisd'arbitrage et ilne l'apas fait,raison pour laquellelasentence
est nulle.Il me semble que, la Cour s'étant déclarée compétente, la
démarche à suivre était de déterminer, conformément aux principes
applicables à l'interprétation des traités,si le compromis d'arbitrage
exigeait effectivement que leTribunal réponde àcettequestion. Sil'inter-
prétationde la Cour était différentede celle du Tribunal, il fallaitensuite
déterminersicelle diuTribunal étaitaussiplausibleque celledelaCour. Si
les deux étaient également plausibles, chacune étant justifiéepar un
processus légitimed'interprétation, desconsidérationstenantà lasécurité

desprocéduresd'arbitrage quantau caractèredéfinitif dessentenceslais-
seraientsupposer qiiela Cour devraits'abstenir de remplacer I'interpréta-
tion du Tribunal par la sienne propre. La Cour pourrait le faire unique-
ment si elle s'était satisfaiteque l'interprétation du Tribunal constituait
une erreur manifestleet grave au regard de son mandat. Une argumenta-
tion marginaleou contestable ne suffirait pas.
J'aurais pensé,avec tout le respect que je dois a la Cour, qu'il s'agis-
saitlà d'une démarche relativement directe; qu'elle avait l'avantage depermettre à la Cour de résoudrela question de fond, qui intéressait de
toute évidencela Guinée-Bissau,de savoir sil'interprétationdu Tribunal
étaitjuste ounon; et que cettedémarche aurait offert toutes les garanties
nécessaires àla stabilitéde la procédure d'arbitrage international.
LaCour toutefois n'apas adoptécettedémarche.Leraisonnement dela

Cour tend plutôt à conclure que le Tribunal avait raison d'affirmer qu'il
n'étaitpas compétentpour répondreàla seconde question et tout lecteur
de l'arrêt (tnparticulier de sonparagraphe 56)estendroitdepenser que
c'est là laconclusio~nnaturelle. La Cour, cependant, s'arrête avantde
parvenir à cette conclusion, se limitaàtdire que:

«Dès lors, le Tribunal a pu, sans méconnaître manifestement sa
compétence,juger que la réponse qu'il avait donnée àla première
question n'étaitpas négative, etque par suite il n'avait pas compé-
tente pour répondre à la seconde.» (Arrêt,par.60.)

L'arrêt n'abordedonc pas la question de savoir si le Tribunal a inter-
prété correctementle compromis pour ce qui est du point spécifique
qu'était sa compétencede répondre à la seconde question. La raison s'en
trouve dans la distinction qu'effectue la Cour entre recours en nullitéet
appel au regard de clécisionsfaites dans l'exercicedela compétencede la
compétence. Evoquant l'argumentation de la Guinée-Bissau sur cette

question, l'arrêt ditceci
«Par le moyen susmentionné,la Guinée-Bissaucritique en réalité
I'interprétationdonnéedanslasentencedesdispositions du compro-

mis qui déterminentla compétencedu Tribunal, et en propose une
autre. Mais la Cour n'a pas à se demander si le compromis était
susceptibleou non de plusieursinterprétations en cequi concerne la
compétencedu.Tribunal, etdans l'affirmative às'interroger sur celle
qui eût été préférable.n procédantde la sorte, la Cour traiterait en
effet la requêtecommeunappel etnon comme un recoursennullité.
La Cour ne salirait procéderde la sorte en l'espèce.Elle doit seule-
ment recherch~ersi le Tribunal, en rendant la sentence contestée, a
manifestementméconnu la compétencequi lui avait été donnéepar
le compromis, en outrepassant sa compétence ou en ne l'exerçant
pas.» (Arrêt,par.47.)

Le problème que:suscite cette approche est que tout en laissant sans
réponseunequestionqui importe àl'une desParties au différendà savoir
lajustesse ou non de I'interprétationdu Tribunal, elleouvrelapossibilité,

du moins en théorie, que l'interprétation ait été incorrecte.Car si l'on
prétendque l'interprétationdu Tribunal était simplement une des inter-
prétationsqu'il était possiblededonnerau compromisd'arbitrage «sans
qu'ilyaitrnéc~nnai~ssancm eanifeste de sacompétence»,on laisse subsis-
ter la possibilité'une autre interprétation du compromis fût possible,109 ARBITRAL AWARD (SEP.OP. SHAHABUDDEEN)

"La source du caractère obligatoire de la sentence arbitrale ne
vient pas d'en haut, d'une autoritésupérieure, mais d'en bas, d'un
traitéconcliupar les parties, qui se soumettent ainsi a la norme du
droit coutumier international bacta suntservanda 'qui est en même
temps la norme fondamentale du droit des gens conventionnel."
(Wilhelm Gr.Hertz, "Les 'fondements' de la nullitédans la justice
internationale", Revue internationale de la théoriedu droit, 1938,
Vol. 12,p. 327,at p. 331.)

Carlston gave hi!$understanding of the position in these words :
"By entering into the arbitration agreement and participating in

the proceedings before the tribunal, the parties impliedly engage to
execute the award when rendered." (K. S. Carlston, ïAe Processof
InternationalArbitration, 1946,p. 205.)
The finality of an arbitral award is a well-settled part of customary inter-
national law; but it is a part of the law which leans on the actual or pre-
sumed willof the parties.
It is likewise tlhecase that[tlhe competence of an arbitral tribunal to
decide questions.of its own jurisdiction is unquestionably firmly estab-

lished as a principle of international arbitral law" (ibid., p. 74). Many
authorities attest tothe principle and rightly proclaim itsimportance. But
it seems to me that the law onthe point, clear and settled as it is,is itself
founded on the tlheoryof such competence being ultimately derived from
a grant presumeclby lawto have been made to the tribunal bythe parties,
who are always competent to do so expressly. This is illustrated by
Article 14 of the 1875 draft Arbitral Procedure of the Institut de droit
international, reading :

"Dans lecasoù ledoutesur la compétencedépendde I'interpréta-
tion d'une cllausedu compromis, lesparties sont censéesavoir donné
aux arbitres la facultéde trancher la question,sauf clause contraire."
(Ernest Lehr, Tableaugénérad le l'organisation,des travauxet duper-
sonne1de l'irnstitutde droit internationalpendant les deuxpremières
périodes décennaled se sonexistence (1873-1892),1893,p. 127.)

Some 80years lat.er,thissignificant "clause contraire" wasreflected inthe
Court's statemerit in the Nottebohm case (cited in paragraph 46 of the
Judgment inthe present case)to the effect
"that, inthe absenceofanyagreement tothecontrary,an international
tribunal has the right todecide as to its ownjurisdiction and has the

power to int~erpretfor this purpose the instruments which governthat
jurisdiction" (I.C.J. Reports 1953,p. 119;emphasis added; and see
Berlia, loc.cit.,p117).
Thetheory, itwoi~ldseem,isthat, wheretheyabstain from exercisingtheir
right toexclude tlhepower,the parties "sont censéesavoir donnéaux arbi-
tres la facultéde trancher la question". ((La source du caractère obligatoire de la sentence arbitrale ne
vient pas d'en haut, d'une autorité supérieure,mais d'en bas, d'un
traité conclupar les parties, qui se soumettent ainsi à la norme du
droitcoutumierinternational ((pactasuntservanda»,qui estenmême

temps la norme fondamentale du droit des gens conventionnel. »
(Wilhelm G. Hertz, «Les ((fondements ))de la nullitédans lajustice
internationale»,, Revue internationale de la théoriedu droit, 1938,
vol. 12,p. 331.)

Quant à Carlston, sa1position est la suivante:
«En conclua.nt l'accord d'arbitrage et en participant à la procé-
dure devant letribunal, les parties s'engagentimplicitement a appli-
quer la sentence une fois prononcée. ))(K. S.Carlston, fie Processof

International Arbitration, 1946,p. 205.)
Le caractère définitifde la sentence arbitrale constitue un élémentbien
assis du droit international coutumier, mais c'estun élémentqui s'appuie
sur la volontéréelleou présuméedes parties.
IIestvrai éga1eme:nq tue «[l]acompétenced'untribunal arbitral à tran-

cher les questions (desa propre compétence est incontestablement et
fermement établi ca'mmeprincipe du droit international de l'arbitrage»
(ibid., p74). De nombreux auteurs confirment ce principe et insistent a
juste titre surson importance. Mais il me semble que le droit sur ce point,
aussiclair et établisoit-il,s'appuieàson tour sur la théorieselonlaquelle,
en dernière instance, cette compétence est censée, en droit, avoir été
conféréeau tribunal par les parties, qui ont toujours le droit de le faire
expressément.C'estcequ'illustre l'article 14du projet de procédure arbi-
trale de 1875de l'Institut de droit international, qui est le suivant:

Dans lecasoù ledoutesur lacompétencedépendde I'interpréta-
tion d'une clause du compromis, lesparties sont censéesavoir donné
auxarbitreslafacultédetrancher laquestion,saufclausecontraire. »
(Ernest Lehr, Tableau générad le l'organisation,des travaux et du

personnelde I'Iivstitutdedroit internationalpendantlesdeuxpremières
périodes décennaled se son existence(1873-1892),1893,p. 127.)
Quelquequatre-vingtsansplus tard, cette clausecontraire )significative
est reflétéedansles propos de la Cour dans l'affaire Nottebohm(citéeau

paragraphe 46de l'arrêten cetteinstance)selonlesquels
«à moinsdeconventioncontraire,un tribunal international estjuge de
sapropre compétenceet alepouvoird'interpréter à cet effetlesactes

quigouvernent celle-ci ))(C.I.J.Recueil1953,p. 119;lesitaliquessont
de moi; voir ég,alementBerlia, loc.cit.,p. 117).

11semblerait que la théorieveuille que, lorsqu'elles s'abstiennent d'exer-

cer leur droit d'exclure ce pouvoir, les parties ((sont censéesavoir donné
aux arbitres la faculté de trancher la question». Du point de vue de la portéeet du fondement de la compétencede la
compétence, le problème juridique qui se pose peut donc se formuler
comme suit: enconfiant à l'arbitre,que cesoitexpressémentou par l'effet
du droit, la compétence pour interpréter le compromis, dans quelles

limites,silimiteilya,lesparties s'engagent-elles àêtreliéespar l'exercice
de la compétencede l'arbitre qui entraînerait une interprétation erronée
du compromis à propos de ses pouvoirs? En l'occurrence, la question
serait de savoir si lesparties acceptaientd'être liépar uneinterprétation
erronée - le cas échéant - du compromis sur le point important et
majeur de savoir sila secondequestion devaitrecevoirune réponse. Il est
concevableque, danisle but plus général d'obtenirun règlementde leur
différend,lesparties soientconvenuesd'accepter d'êtreliéespar desdéci-
sions prises dans une marge tolérable d'appréciationquant a la compé-
tence sur des points mineurs, même sices décisions se révèlentêtre
erronées. Peut-on aller jusqu'a concevoir que les parties accepteraient

aussid'êtreliéesde lamêmemanièrepar desdécisionserronéesquant aux
pouvoirs du tribunal affectant le fond de sa mission? Certes non. Mais
alors,lorsqu'une questioncommecelle-là sepose,comme ellesepose ici,
comment la résoudre si la Cour ne peut affirmer, du point de vue de
l'interprétation des traités, que la décisiondu Tribunal était en fait la
bonne? On comprerid mal la raison pour laquelle la Cour doit considérer
le problème comme réglépar le fait que le Tribunal a donné au compro-
mis une interprétation qui aurait pu êtredonnée sans méconnaissance
manifeste de sacompétence.Cettefaçon devoirleschoseslaissesubsister
la possibilitéque si une telle interprétation peut fort bien s'avérer juste,

elle peut tout autant, du moins en théorie, être fausse.
Il peut êtreutile de se pencher sur deux affaires dans lesquelleson a
soutenu qu'une sentence arbitrale était nulle, à savoir l'affaire Orinoco
Steamship Co. et l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par le roi
d'Espagnele 23décembre1906.
Dans l'affaire de 1'OrinocoSteamship Co.,la Cour permanente d'arbi-
trage afaitvaloir que l'appréciation desfaitsetl'interprétation destextes
relevaient de la comipétencede l'arbitre )et que

«sesdécisions,lorsqu'elless'appuient surune telleinterprétation, ne
sauraient être crontestéespar ce tribunal, dont le devoir est non de
dire si l'affaire a été bienou mal jugée, maissi la sentence doit être
annulée; que si une décision arbitrale pouvait être contestée sous
prétexte d'appréciation erronée, l'appel et larevision, que les
conventions de:La Haye de 1899et 1907voulaientprécisémentéviter,
deviendraient la règle générale»(Recueil de la Cour de La Haye,

publié sousla direction de J. B.Scott, 1916,p. 231).
Ces observations, notamment celle selon laquelle ((l'appréciation des
faits et l'interprétation des textes relèvent «de la compétence de l'ar-
bitre))avaienttrait à desdécisionsprisespar luisur lefond de l'affaire,et

non àdes décisionsprises par lui dans l'exercicede la compétencede la SENTENCEARBITRALE(OP. IND. SHAHABUDDEEN) 111

compétence,l'idéeétantqu'un recoursennullitécontre une décisionde ce
genre n'autorise pas l'instance devant laquelle le recours est porté à
contrôlerl'appréciationpar letribunal desfaitsetdesdocuments donnant
lieuà la décisiondudit tribunal au fond. Quant aux décisionsprises dans
l'exercice de la compétence de la compétence (concernant, en cette
instance, l'obligatiorienvertu ducompromisd'être d'une équitéabsolue),

ilsembleraitque la Cour permanente d'arbitrage aitexaminédirectement
la question de savoir sila décisionprisepar l'arbitre quantespouvoirs,
ou à la façon de les exercer,était correcte.
Ladécisionprise par la Cour enl'affaire de la Sentencearbitrale rendue
par le roi d'Espagne1fait valoir de mêmeque «la sentence n'étant pas
susceptible d'appel? elle [la Cour] ne peut entreprendre l'examen des
objections soulevéespar le Nicaragua àla validitéde la sentencecomme
leferait une courd'appel »(C.I.J. Recueil1960,p. 214,etparagraphe 25de
l'arrêt enla présenteinstance). Cependant, il estdifficile de voir où inter-
vientcetteconsidérationlorsquela Cour envient à traiter de cequisemble
êtreune contestatioii de l'exercicede la compétencede la compétencede
l'arbitre. La Cour a réglé uélémentde l'argumentation en estimant que
certaines interprétations possibles des articles du traité Gamez-Bonilla
concernantla procé~durdee nomination de l'arbitre étaientdesinterpréta-
tions que l'on aurait pu retenir de ces dispositions dans l'exercice du

pouvoir des deux arbitres nationaux de les interpréter; mais celaconcer-
nait le pouvoir conijtitutif qu'avaient les deux arbitres ((d'interpréteret
d'appliquer les articles en question en vue de s'acquitter de leur tâche
d'organisation du tribunal arbitral (ibid.,p.06),et non lesfonctions du
tribunalune fois celui-cicrééE. n ce qui concerne cesfonctions, il est une
question qui a étésoulevée :celle de savoir sil'arbitre avait mal interprété
le compromisen supposant que celui-ci lui conféraitle pouvoir d'accor-
der des compensations pour établirune frontière naturelle bien détermi-
née.Ilne semblepas que la Cour aitabordéleproblèmeensedisantquela
seule question dont elle étaitsaisie étaitde savoir si l'interprétation faite
par l'arbitre étaituneinterprétation qui pouvaitêtradoptéesansmécon-
naissance manifeste de la compétence; la Cour a déterminé que cette
interprétation était:nfaitlabonne, etellel'afait aprèsavoirprocédéà son
propre ((examen dlu traité)) et donné sa propre interprétation (ibid.,
p. 215). Selon moi.,lorsque la Cour insiste qu'elle n'est pasune cour

d'appel etqu'elle« in'estpas appeléeàdire sil'arbitre a bien ou maljug»
(ibid.,p. 214), la decision de l'arbitàlaquelle se réfèrela Cour est sa
décisionsurlefond de l'affaire,etnon sadécisioninterprétantlecompro-
missur laquestion tiesespouvoirssur lefond.Comme je l'aidit plus haut,
j'ai la mêmeimpression en ce qui concerne la remarque correspondante
de la Cour permanente d'arbitrage dans l'affaire OrinocoSteamship Co.
Dans ces deux affaires, si l'instance saisie évoquela distinction entre
appel et recours en nullité,c'estapparemment pour ne pas perdre de vue
que dans le cadre d'un recours en nullitéelle ne saurait êteamenée à
réexaminerle fond de la décisioncontestée,la seulequestion qu'elle doit
examiner étant celle de savoir sila décisionrésultede l'exercicevalide du SENTENCE ARBITRALE (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 112

pouvoir destatuer du tribunal etnon, dansl'affirmative, celledesavoir s'il
avait raison sur le fond. Sans vouloir exclure de manière dogmatique la
possibilitéd'autres iriterprétations,je ne vois dans aucune de ces affaires
I'idéeque, lorsqu'un recours en nullité s'appuie sur la contestation de la
validitéde I'interprétation faitepar letribunaldu compromis entant que
source de sespouvoirs,l'instance saisiede cetteaffairedoit seborneràse
demander si l'interprétation faite par le tribunal étaitune interprétation
qu'ilpouvaitretenirsansméconnaîtremanifestementsacompétenceet ne
pourrait seprononcer sur lebien-fondé ou non de l'interprétation dansle
casoùl'interprétation enquestionremplitcettecondition. Dans l'exercice

despouvoirs juridictiionnels qu'il peut avoir,un tribunala manifestement
des pouvoirs d'appréciation desélémentsfactuelset documentaires dont
ilestsaisipour évaluationetdécision. Ilenva de mêmed , ans unecertaine
mesure,lorsque la compétenced'un tribunal dépenddeson appréciation
d'une question devaritêtrereplacéedanslecontextedesdispositionsjuri-
dictionnelles du coimpromis (Interprétationde l'accord gréco-turc du
le' décembre1926 ('protocole final, article IV), avisconsultatg 1928,
C.P.J.I.sérieno16, p. 19-22,et J. L.Simpson et Hazel Fox, International
Arbitration,Lawand Practice,1959,p. 252).Mais detels pouvoirsd'appré-
ciation sont de nature sensiblement différente de celle des pouvoirs
d'appréciation concernantlespouvoirsjuridictionnels que le compromis
lui-mêmeconfère directementau tribunal.
Ilsepeut fort bien que,dans lapratique, ladifférenceentre l'opinion de

la Cour et celle exposéeici soit une différenced'approche plutôt que de
résultat. Mais il faut peut-être attacher une certaine importance à
l'approche. Je souscris àl'avis qui sous-tend la décision de la Cour,à
savoir que lepouvoir qu'ellea de revoir l'interprétationdu compromis est
limité,mais je ne partage pas son point de vue sur le fondement de ces
limites. Pour moi, ces limites n'empêchent pasla Cour,en principe, de se
prononcer sur la justesse de l'interprétation du Tribunal, mais exigent
simplement que la Cour fasse preuve d'une certaine prudence en se
prononçant sur cette question:j'associerais directement et fermement ces
limitesà des considkrations relativesà la sécuritédu processus arbitral
quant au caractère définitif des sentences,eà la nécessité,qui en est le
corollairelogique,pour la Cour de suffisamment bien fonder la décision
par laquelle elle détermineraitsisapropre interprétation du compromis a

une clartési éclatante qu'elle doitsupplanter celle du Tribunal,suppo-
serque lesdeuxdiffèrent.Je penseque cepoint devues'alignesur l'orien-
tation de lajurisprudence quiexistesur cesujet.Je nevoisaucune relation
entre ces limites et I'idée,qui pourrait être implicite aux paragraphes
et 60 de l'arrêtde la Cour, que, du fait qu'il ne s'agit pas d'un appel, la
Cour devraitestimerque leTribunal estentièrementlibre dechoisirparmi
les différentes interprétations possibles du compromis concernant
l'essentiel de samisi;ionà condition qu'il s'agissed'interprétations ne
« méconnaissant manifestement pas sa compétence ».
Je ne suisdonc pasconvaincu qu'ilsoitsatisfaisant,lorsd'un recours en
nullité,de chercher à trancher la question en demandant simplement sil'interprétation du compromis retenue par le Tribunal quant à ses
pouvoirs étaitune interprétation qu'ilpouvait faire sienne sans qu'ilait
méconnaissance mainifeste de sa compétence. Plus particulièrement,
j'estime que rien, en clroit,n'empêchaitla Cour de trancherla question de
savoirsile Tribunal,en l'occurrence, pouvait légitimementinterpréterle
compromis d'arbitrage dans le sens qu'il n'étaitpastenu de répondre àla

seconde question qui lui étaitposée.

II. LETRIBUNA A-T-IL EU RAISOND'INTERPR~TERLE COMPROMIS
DANS LE SENSQUE LA SECONDEQUESTIONN'APPELAIT PAS
DE RÉPONSE DE SA PART?

J'estime que leTribunal a eu raison d'interpréterlecompromis comme
signifiant que laseconde question n'appelait pas de réponsede sa part.

L'allégationde la Guinée-Bissau qu'il fallait répondre à la seconde
question s'appuie surson argument selon lequel le but et l'objet primor-
diaux du compromis d'arbitrage, telsque lelaisse entendre notamment le
préambule, étaient qu'il devait entout étatde cause y avoir une délimita-
tion globale, par une ligne unique, de tous les espaces maritimes consti-
tuant l'objet du différend entreles Parties. C'estsur cette prémisseque le
conseil de la Guinée-Bissaua basé son argumentation :

«la premièreet la deuxième question posées àl'article 2 étaientles
parties d'unequlestionglobale :quelle estla frontièremaritime, c'est-
à-dire la frontiere de tous les espaces marins?Si elle provenait de
l'échangede lettres, la réponseà la question globale découlerait de
celleà la premiè:requestion;sinon, elledécouleraitde la réponseàla
deuxième. » (Audience publique du 9 avril 1991, après-midi,
CR 91/7, p. 58,IM. Galviio Teles.)

Cette interprétation des deux questions,fondée sur le désirde parvenirà
une délimitationglobale, est certesséduisanteet lajurisprudence permet
jusqu'à un certain point de la défendre:en effet, dans plusieurs affaires
bien connues, ellemet engarde contre lesrestrictions que représenteune

approche étroitemenitgrammaticalequi, en interdisant à la Cour de déter-
miner ceque lesparties entendaient réellementpar lesmotsretenus, pour-
rait faire échouer1'ot)jetet lebut véritablesd'un traité.
Mais, malgrétoute la souplesse qu'offre cettejurisprudence, l'interpré-
tation que fait la Guinée-Bissaude ces deux questions est-elle raisonna-
blement compatible avec leur libelléexact? Sans qu'il soit en aucune
façon nécessairede seréférer auxtravaux préparatoires,je ne disconviens
pas que lecompromi:;d'arbitrage lui-mêmetémoigne du désirgénéradles
Parties de voir réglerleur différendde manière globale. Toutefois, il me
sembleque ledispositif du compromis reflèteuneintention spécifiquequi

n'estpas totalement compatible avec cedésirgénérale,n ceci que l'inten-
tion dont ilesttémoignéétaitcerted se réaliserledésirdes Parties, et de le
réaliserpar lebiais del'arbitrage prévu, maisseulement sousréserved'unecondition préalablequi,en l'occurrence,n'a pas étsatisfaite.C'est cedéca-
lagepartiel entre lesouhaitapparent et lemécanismespécifiquequiconsti-
tue la spécificitédu problèmejuridique en cause. Comment le résoudre?
Les dispositionsdlésdu compromis d'arbitrage, figurant à l'article 2,
posent deux questions auTribunal, formuléesde façon à indiquer claire-
ment que si, en toute:circonstance, le Tribunal est tenu de répondrà la
première question, il aa répondre àla seconde question seulement ((en
cas de réponse négativea la première question ..» Ainsi, la structure
mêmede cette dispor;itionenvisageait la possibilitéque seulela première
des deux questions puisse exiger une réponse. Cela étant,pour montrer
que le Tribunal était tenude procéder à une délimitation globalequelles
que soient les circonstances, il faudrait démontrer que le Tribunal était
la foiscompétentpour procéder à cettedélimitationet tenu de le faire en
réponse a la premièirequestion si, pour une raison quelconque, il était
réponduuniquemeni: a cettequestion. Cependant, ilsembleclair (et nous

reviendronssur cepoint plusloin)qu'une délimitationglobale ne pouvait
enaucun cas constitiier une réponsea la premièrequestion.Comme ilest
clairaussi que laremièrequestionpouvait bien êtrelaseuleappelantune
réponse,ils'ensuit que, par la forcedeschoses,l'argument selonlequel le
Tribunal était tenu, en toutes circonstances, de procéder une délimita-
tion globale estmis en échec.Aveccet échec,le fondement conceptuel de
l'argumentation présentéepar laGuinée-Bissaudisparaît, etc'estlafinde
l'affaire.
Mais que se passe-t-il si cette conclusion est fausse? Comme nous
l'avons vu, 1'argume:ntde la Guinée-Bissau était qu'une délimitation
globales'imposaitquelles que soient lescirconstances etque, silaréponse
donnée par le Tribunal a la première question n'aboutissait pas a cette
délimitation,il fal1ai.tdonà cette fin passer a la seconde. Ce raisonne-
ment semblerait imlpliquer que la Guinée-Bissau était d'avis que la
premièrequestionrenfermaitlapossibilité de procéder a unedélimitation
globale. Il convient de rappeler cependant que, pendant la procédure
arbitrale, ce pays s'est opposé, avec succès,àl'affirmation du Sénégal

selonlaquelleune rélponseaffirmative àla premièrequestion confirmant
la validitéde l'accord de 1960pourrait donner lieu àune délimitation
globale. Le Sénégalp,our sa part,a acceptéla décisiondu Tribunal sur ce
point. Devantla Cour, aucune des Partiesn'a soutenu qu'ilétaitpossible,
ne serait-ce quesur leplan théorique, d'aboutirune délimitationglobale
d'aucune sorte envertu d'une réponse,quellequ'elle fût,au point soulevé
par cette question,a savoir si l'accord de 1960faisait droit dans les rela-
tions entre les Parties,.En effet,la premièrequestion ne visait tout simple-
ment pas une délimitation globale. Ainsi, encore qu'il soit parfaitement
vrai, comme l'a fait valoirà maintes reprises la Guinée-Bissau, que la
réponse du Tribuniil à la première question n'a effectivement pas
débouché surune dklimitation globale, il est inutile de le dire si, dès le
départ,cettequestion n'avait pas comme objetcettedélimitationglobale.
Il serait inutile de le:dire puisque cette affirmation reposerasur une
prémisseinexistante. En conséquence,le fait qu'aucune délimitationne SENTENCEARBITRALE (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 115

soit intervenue en vertu de la première question ne constituait pas, d'un
point de vuelogique, une raison de recourir a la seconde.

On peut soutenir qp'alors mêmeque, pour les raisons indiquées par le
Tribunal, la ligne de 1960 ne pouvait pas constituer une délimitation
globale,cela ne signifiaitpasque lapremièrequestion nepuisse êtreinter-
prétée commedemaindant au Tribunal de dire si cette ligne, a supposer
qu'ellesoitconfirmée,constituaitune telle délimitation,ni que la réponse
du Tribunal constituait une réponse partiellement négative à la question
ainsi comvrise. Tou1:efois.il est difficile de décelerdans le libelléde la
question 1;séléments d'une telleinterprétation. Un argumentpossible est
que la référence faitedans la question aux «relations » entre les Parties
était uneréférence a leursrelations au regard de la frontière départageant
tous les espacesmaritimes existants, et non seulement les espaces mari-
times qui existaient (en1960.Le résultat seraitque le Tribunal, s'il con-
firmait la validité de l'accord de 1960, serait tenu de se demander si
l'accord régissaitglobalement toutes leurs relations. Selon moi, la dif-

ficulté que suscite cet argument est qu'il paraît nécessaire d'établir une
distinction entre «les relations)>entre les Parties et le contenu desdites
relations. Le mot ((relations» est défini comme suit :«les divers modes
par lesquels un pays, un Etat, etc., est en contact avec un autre par des
intérêtspolitiquesoii commerciaux »(TheShorter OxfordEnglishDictio-
nary,3eéd.,1984,p. 1796),et: «les rapports entre ..nations » (Webster's
NewDictionaryand irhesaums,ConciseEdition,1990,p. 459).11mesemble
que ces ((rapports » peuvent concerner des intérêtsfort divers et qu'une
référenceauxpremiers ne suffit pas à identifier lesseconds. De ce fait, la
référence,à la prerriièrequestion, aux «relations» entre les Parties ne
permet pas, en soi,d'identifier les espaces maritimes spécifiques consti-
tuant l'objet de ces relations. Ceux-cidoivent se déduirede la référence
faitea cettequestion dans l'accordde 1960,quineconcernaitévidemment
que certains des espaces maritimesdes Parties. En effet,en demandant si
l'accord de 1960 faisait droit dans les relations entre les Parties, la

premièrequestiontendait en fait a savoir sil'accord faisaitdroit en ce qui
concernela frontière:délimitantlesespacesmaritimes visésdans l'accord,
et pas en ce qui conlcerneaussi les espaces maritimes qui n'y étaient pas
mentionnés. Rien dans la question ne vient étayerle point de vue selon
lequel la question demandait au Tribunal de dire si la délimitation de
1960, à supposer qu'elle soitmaintenue,devaitêtre élargiepour englober
l'ensemble desespacesmaritimes existantsdes Parties.
Onpeutsoutenir que cetteconclusion nereprésentepas l'interprétation
faite par le Tribunal de la première question. Ayant considéréque
l'accord de 1960faisaitdroit dans lesrelations entre les Parties, le Tribu-
nal s'estensuite penchésur l'application spatiale de l'accord. Le Sénégal
avait soutenu que, en raison de certains facteurs, la ligne tracée par
l'accord de 1960s'appliquait a tous les espacesmaritimes que connaît à
l'heure actuelle le diroitinternational, et n'étaitpar conséquent plus limi-
tée aux espaces mentionnés dans l'accord lui-même.A ce propos, le

Tribunal dit ceci: SENTENCE ARBITRALE (OP. IND.SHAHABUDDEEN)
116

«Le Tribunal ne cherche pas ici s'il existe une délimitation des
zoneséconomiquesexclusivesfondée surune normejuridique autre
que l'accord de 1960,telle qu'un accord tacite, une coutume bilaté-
raleou une norrriegénéraleI.lchercheseulement à voir sil'accord,en
lui-même,peut êtreinterprétd ée manière à englober la délimitation
de l'ensemble des espacesmaritimes actuellement existants. » (Sen-
tence,par. 83.)

Cesremarquessignifient-ellesque,pour leTribunal,lapremièrequestion
cherchait en fait savoir sila délimitationeffectuéepar l'accord de 1960,

au cas où sa validitk serait confirmée, régissaitl'ensemble des espaces
maritimes actuellement existants? Dans l'affirmative, la réponse qu'il a
donnée - àsavoir que l'accord ne concernait que la mer territoriale, la
zone contiguë et le plateau continental - peut fort bien être perçue
comme une réponsenégative à la première question, appelantpar consé-
quent une réponse àla seconde.
Cependant, sil'on replace cettecitation dans son contexte, je ne pense
pas qu'elle démontre queleTribunal a compris que par la premièreques-
tion on lui demandait de dire si la frontière de 1960 s'appliquait de
manière globale. En réponse àl'argumentation du Sénégal,le Tribunala
bien veilléà établir une distinction entre la délimitation effectuéepar

l'accord de 1960lui-mêmeet toute autre délimitation ultérieure fondée
« sur une normejuridique autre que l'accord de 1960,telle qu'un accord
tacite, une coutume bilatérale ou une norme généraleu.Le Tribunal a
considéré quela première question avait trait uniquement à la délimita-
tion de 1960etne coriduisait pasàs'interrogersurtoute autre délimitation
possible. Par conséquent,le Tribunal, dans le cadre de la première ques-
tion, ne s'estintéresséqu'à l'application spatialede la délimitationopérée
par l'accord de 1960lui-même,et non à l'application spatiale d'une autre
délimitation pouvant intervenir par la suite sur une base autre que cet
accord. C'est précisémentparce quele Tribunal a interprétéla première
question de cettemanièrerestrictive qu'ilarejetél'affirmation du Sénégal

que l'accord de 1960s'appliquait àtous les espaces maritimes existants.
C'étaitlà uneréponsenégative à une questionposéepar leSénégale ,tnon
une réponse négativeà la première question figurant dans le compromis
d'arbitrage. -
La réponsedu Tribunal ne peut pas être considérée non pluscomme
une réponse partielleà la première question. Le fait que l'accord de 1960
ne s'appliquait pas ,auxespaces maritimes qui n'y étaient pas visésne
signifie pas que1'acc:ordne faisaitpas pleinementdroit. Pour déterminer
dans quelle mesure l'accord faisait droit dans les relations entre les
Parties, ilfallait seférearuxespacesmaritimesqui yétaientmentionnés,
et non à ceux qui n'y étaient pas visés.L'accord faisait droit entre les
Parties dans toute la mesure envisagéepar sestermesmêmes; autrement

dit, il faisait pleinementdroit.
On pourrait prétendre - et cet argument a en fait été avancé parle
Sénégal - que la tâche du Tribunal se bornait àdire si l'accord de 1960faisaitdroit «dans 1e:srelations entre les Parties »,et qu'iln'était pas tenu

de déterminerle champ d'application de I'accord,sila validitéde celui-ci
étaitconfirmée.Jeni:m'arrête passurcettequestion,car même à supposer
que leTribunaleût ététenude lefaire, laréponsequ'iladonnée,en cequi
concerne tant l'applicabilitéque la portéede I'accord,ne pouvait,à mon
avis,être considéréecommu ene réponsenégativequi exigerait de recou-
rirà la seconde question.
Pourtoutes ces raiisons,il mesembleque les deux questions ne visaient
pas la mêmechose. Idesdeuxportaient sur lemêmesujetgénéral,qu'elles
abordaient cependant sous des aspects différents. Je conviens avec la
Cour quelapremièrequestionavaittrait àla question de savoir siI'accord
de 1960 faisait droiit dans les relations entre les Parties, alors que la
seconde avait pour objet de tracer une délimitation maritime au cas ou
I'accord ne ferait pas droit. Le Tribunal était en effet tenu de procéder

une délimitation de tous les espaces maritimes des Parties, mais seule-
ment à la condition de déciderdans un premier temps que l'accord de
1960ne faisait pas droit dans les relations entre les Parties. Commecette
condition - condition préalable - n'étaitpas remplie, l'obligation de
procéder à la délimiitationn'est jamais intervenue. Prétendre autrement
équivaut à direque 1,eTribunal était tenu de répondre àla seconde ques-
tion quelle que fût sa réponse à la première - affirmation qui tombe
d'elle-même.
L'on peut direqu'il est difficile de défendre une méthode d'interpréta-
tionà tel point rigoureusequ'elle donnerait au compromis « un sensselon
lequel ...il aurait entièrement omis de poser la véritable question liti-
gieuse..»(voirlesobservations dela Cour permanente deJusticeinterna-
tionale dans l'affaire des Zonesfranches de la Haute-Savoie etdu Pays de

Gex, C.P.J.I.sérieA/B no46, p. 139).Comme le différend réelentre les
Partiesà cetteinstances'étendait àtousleursespacesmaritimesexistants,
onpeut fairevaloir que touteinterprétation quiexcluaitlapossibilitéd'un
règlementglobal par le recours àla seconde question est une interpréta-
tion qui omet de poser la véritable question litigieuse. D'un autre côté,le
fait d'obliger recourir àla seconde question malgréla réponse affirma-
tive du Tribunal àla premièreconstitueun dédain tellementmanifeste de
l'exclusion inscrite dans la seconde question, qu'il y a lieu d'envisager
d'appliquer d'autres considérations.
En sa qualité d'aincienmembre de la Cour, M. André Gros, l'un des
deux arbitres ayant votéenfaveur de la sentence, aeu l'occasion,d'abord
en 1974 puis de riouveau en 1984, de citer le passage suivant de
Charles De Visscher (Problèmesd'interprétationjudiciairendroitinterna-

tionalpublic, 1963,p.24 et 25):

«La fonction de l'interprétation n'est pas de perfectionner un
instrument juridique envuede l'adapter plus ou moinsexactement à
ce que l'on peut être tentéd'envisager comme la pleine réalisation
d'un objectiflogiquementpostulé, mais de fairelalumièresur ceque
les Parties ont effectivement voulu.» (Compétenceen matière de SENTENCE ARBITRALE (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 118

pêcherie(sRoyaume-Unic.Islande),C.I.J.Recueil1974,opinion dissi-
dente, p. 149,etompétence enmatièredepêcherie(sRépubliquefédé-
raledAllemagne c. Islande),C.Z.J.Recueil 1974,opinion dissidente,
p. 238-239;voir égalementDélimitation de lafrontière maritimedans
la régiondu golfedu Maine,C.Z.J.Recueil1984,opinion dissidente,
p. 388.)

Comme l'a dit M. Anzilotti, la Cour permanente de Justice internatio-
nale,en selimitantà répondre à unepartie seulement de la question «qui

lui est posée», commettrait «un véritable abus de pouvoir)) (Régime
douanier entre IAllemagne et 1Autriche, avisconsultat$ 1931, C.P.J.I.
sérieA/B no41,p. 69).Cependant, pour éviterla pétitionde principe, il
convient tout d'abord de déterminer quelle est la question qui appelle
une réponse (ZonesjTanchesdelaHaute-SavoieetduPaysde Gex,C.P.J.I.
sérieC no58, p. 610.-613,M. Logoz, pour la Suisse, arguendo).Ainsi, si
un compromis peut témoigner du désir des parties d'avoir une réponse
à la totalitéde certaines questions, ilest concevable que la façon dont ces
questions sont formulées puisse empêcher le tribunal de répondre à
toutes. Face àune affaire semblable,dans laquelle la Cour permanente
de Justice internationale a considéqu'il n'état as possible de répondre
à l'une des questionsàcause de la façon dont elle étaitformulée,laCour
permanente s'estmontréeinsensibleau fait que le compromislui deman-

dait expressément de répondre à toutes les questions «par une seule
décision ».Elle n'apas cédénon plus à l'argument selon lequel:

«la conclusion du compromisreprésentait une transaction entre les
points de vues opposés des Parties,l'un des deux Etats attachant un
intérêt particulierla questionjuridique soumise àla Cour par l'ar-
ticle premier, etl'autre s'intéressantspécialementauxquestionsdont
traite l'article 2;par conséquent,si la Courne rendait son arrêtque
sur laquestion de droitellesoumisepar l'article premier, ilenrésul-
terait une injustice, car l'équilibre entre les deux Parties serait
détruit(Zonesfranchesde la Haute-Savoieet du Paysde Gex,arrêt,
1932,C.P.J.Z.&rieA/B no46,p. 163).

Cet argument, pourrait-on penser,présente une certaine analogieavec la
présente affaire.CeIpendant, sans entrer dans le détail des raisons pour
lesquelles cet argument a échouédans l'affaire en question, j'estime qu'il
échouerait égalementen l'espèce; desréflexionssur les difficultésque la
sentencerisque desusciterlorsque l'oncherchera à procéder àunedélimi-
tationglobale,tout enméritantderetenirl'attention, ne sontpas décisives.

Evoquant la façon clontla question avait étéformuléedans l'affaire des
Zonesfranches,la C~ourpermanente de Justiceinternationale dit ceci :
«Si l'obstacle qui s'opposà I'accomplissement d'une partie de la

mission que les Etats en causeentendaient confierà la Cour résulte
des termes du compromislui-même,c'estdirectement de la volonté
des Parties que cet obstacledécoule.)>(Zbid.) Il me semble qu'en l'espècecet obstacle est créépar la volontédes
Parties elles-mêmes, tellequ'elles l'ont expriméedans les premiers mots
de la seconde question. En outre, cesmotsayantétéintroduitssurl'insis-
tance de la Guinée-Bissau elle-mêmei,l semblerait qu'il ne faille pas

perdre de vue que, comme l'adit naguère M. Anzilotti, «il n'estque juste
que cegouvernement supporte lesconséquencesde la rédactionpeu claire
d'un document qui kmane de lui»(Réformeagrairepolonaise et minorité
allemande, C.P.J.I.sérieA/B no58,opinion dissidente, p. 182).Les mots
clés,en l'occurrence, sont clairs; tout effort pour les masquer se heurte
aux mots de M. Roliin,«la Cour estimera sans doute qu'ilfaut lire ce qui
est écrit(C.I.J.Mémoires,Anglo-lranianOilCo.,p. 486).
L'arbitrage international est une utile procédure de règlement paci-
fique. La communaiutéinternationale y attache de la valeur,à juste titre.
De toute évidence,il ne faut pas que son utilitésoit compromise par des
contestations sans fin du caractère définitifdes sentences. Tout aussi
manifestement, ilseraitpeujudicieux de chercher àprotégerlesystèmeen
acceptant de ne pas remédier,le cas échéant, àun grave défautde son

fonctionnement: la sauvegarde du systèmeet sa crédibilitésont liées. A
mon avis, cependant, le grief en la présente affaire n'a pas étéétabli.
Certes, la sentence cluTribunal n'apas aboutià une délimitation globale
de tous lesespacesmaritimes en litige.Celadit, cereproche s'adressenon
à la sentence, maisila façon dont les Parties ont délibérément choisdie
formuler les questions qu'elles ont poséesau Tribunal. Quantà la raison
pour laquelle ellesont formulélesquestions de cettemanière,un tribunal
n'a pasà chercherplus loin que les mots de Charles De Visscher :

« Il n'estpas rarequ'ilfailleconsidérercomme adéquateune inter-
prétation qui n'assigne au traitéqu'une efficacité restreinte,re-
mière vue peu conforme a ce qui, en bonne logique, pourrait appa-
raître comme son but. Cette inefficacitépartielle peut s'expliquer,
en fait, par la volontéréfléchiedes contractants de ne pas s'engager
au-delà d'un certain point.(De Visscher,op.cit.,p. 77.)

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

1agree with the decision reached by the Court. My thought is that, on
someaspects, itcould have beenstronger than itis.Onthe main issue asto
whetheithe Tribunal should have aniwered the secondquestionput to it
by the Arbitration Agreement, the Court sustains the Award on the
ground that, in holding that itwasnot competent to reply to that question,

the Tribunal interpreted the Agreement in a way in which it could have
been interpreted without manifest breach of its cornpetence.The Court
did not go on to consider whether the Tribunal's interpretation was
indeed correct.The explanation lies in the view which the Court took of
the scope of its own authority in these proceedings. 1give my reasons
below for holding, first, that, subjectto considerations of security of the
arbitralprocess withrespecttofinality ofawards, the scope oftheCourt's
authority did not preclude it from pronouncing on the correctness of the
Tribunal's interpretation;and, second, that the latter was in factthe cor-
rect interpretation.

Guinea-Bissau's chief complaint isthatthe ArbitrationTribunal failed

to accomplish its mission, in that it was required to answer the second
questionput to itbythe Arbitration Agreementbut did not do so,andthat
on this account the Award is a nullity. It appears to me that, the Court
having held that it had jurisdiction, the appropriate course was for it to
determine,inaccordance withtheapplicableprinciples oftreaty interpre-
tation, whether the Arbitration Agreement did require the Tribunal to
answer that question. If the Court's interpretation differed from that of
the Tribunal, the next step was to see if the latter was equally plausible
with the former. If the two were equallyplausible, as being eachjustified
by somelegitimateprocess ofinterpretation,considerations of security of
the arbitral process with respectto finality of awards would suggest that
the Court should refrain from substituting its own interpretation for that
of the Tribunal. The Court would be justified in making a substitution
only where it was satisfied that the Tribunal's interpretation disclosed a
compellingly clear and substantial error as to its powers. A marginal or
debatable case would not suffice.
1should have thought, with respect, that this approach was reasonably

straightforward; that ithad theadvantage ofenabling theCourt to resolve OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

Je suisd'accord avecla décisionde laCour. J'estimetoutefoisque celle-
ci,sur certainspoints, aurait pu se montrerplus fermeencore.Sur lepoint
capital de savoir si le Tribunal aurait dû répondrela seconde question
qui lui était poséeclans le compromis d'arbitrage, la Cour reconnaît la
validitéde la sentenceenconsidérantqu'en sedisant non compétent pour
répondre à cette question le Tribunal avait interprétéle compromis de
l'une des manières (dontil était possiblede l'interpréter sansqu'il y ait
méconnaissance manifeste de sa compétence. La Cour ne s'est pas
prononcée ensuite sur la justesse de l'interprétation du Tribunal, et ce

a cause de sa conception de laportéede sapropre compétenceencette af-
faire. Je préciseci-aprèsles raisons pour lesquellesje soutiens,première-
ment, que, sous réservedes considérations relativesala sécuritédu pro-
cessusarbitralquant au caractèredéfinitif des sentences,la compétencde
la Cour ne l'empêchait nullementde se prononcer sur la justesse deI'in-
terprétation que le Tribunal a fait sienne et, deuxièmement, que cette
interprétation était en faitl'interprétation correcte.

1. LA COUR AVAIT-EILLECOMPÉTENCEPOUR SE PRONONCER SUR LA JUSTESSE
DE L'INTERIPR~TATIONDU COMPROMIS PAR LE TRIBUNAL?

Le grief principal de la Guinée-Bissau est que le Tribunal arbitral a
failli sa tâche, car il était tenu de répondreàla seconde question du
compromisd'arbitrage et ilne l'apas fait,raison pour laquellelasentence
est nulle.Il me semble que, la Cour s'étant déclarée compétente, la
démarche à suivre était de déterminer, conformément aux principes
applicables à l'interprétation des traités,si le compromis d'arbitrage
exigeait effectivement que leTribunal réponde àcettequestion. Sil'inter-
prétationde la Cour était différentede celle du Tribunal, il fallaitensuite
déterminersicelle diuTribunal étaitaussiplausibleque celledelaCour. Si
les deux étaient également plausibles, chacune étant justifiéepar un
processus légitimed'interprétation, desconsidérationstenantà lasécurité

desprocéduresd'arbitrage quantau caractèredéfinitif dessentenceslais-
seraientsupposer qiiela Cour devraits'abstenir de remplacer I'interpréta-
tion du Tribunal par la sienne propre. La Cour pourrait le faire unique-
ment si elle s'était satisfaiteque l'interprétation du Tribunal constituait
une erreur manifestleet grave au regard de son mandat. Une argumenta-
tion marginaleou contestable ne suffirait pas.
J'aurais pensé,avec tout le respect que je dois a la Cour, qu'il s'agis-
saitlà d'une démarche relativement directe; qu'elle avait l'avantage dethe point of substance, and of obvious concern to Guinea-Bissau, as to
whether the Tribunal's interpretation was right or wrong; and that it pro-
vided al1thesafeguards fairly needed to ensure the stability ofthe interna-
tional arbitral process.
That has not however been the course followed by the Court. Thedrift
of the Court's reasoning moves, indeed, in the direction of a finding that
the Tribunal was right inholding that it was not competent to answer the
second question, and the reader of the Judgment (particularly para-
graph 56)may well think that this is the natural result. The Court, how-
ever, stops short of making a finding to that effect, limiting itself to a
holdingin these terms :

"The Tribunal could thus find, without manifest breach of its
competence,that its answer to the first question was not a negative
one, and that it was therefore not competent to answer the second
question." (Judgment,para. 60.)

TheJudgment thus stands arrested atthe threshold ofthe issuewhether
the Tribunal was correct in its interpretation of the compromison the spe-
cific point asto whether it was competent to answerthe second question.
The reason is to be found in the Court's use of the distinction between
nullity and appeal in relation to decisions made in exercise of la compé-
tencede la compétence. Referring to Guinea-Bissau's argument on the

point inquestion, the Judgment reads :
"By its argument set out above, Guinea-Bissau is in fact criticizing
the interpretation in the Award of the provisions of the Arbitration
Agreement which determine the Tribunal's jurisdiction, and propos-

ing another interpretation. However, the Court does not have to
enquire whether or not the Arbitration Agreement could, with regard
to the Tribunal's competence, be interpreted in a number of ways,
and ifsoto consider which would havebeen preferable. Byproceed-
ing in that way the Court would be treating the request as an appeal
and not asa recours en nullité T.he Court couldnot act in that way in
the present case. It has simply to ascertainwhether by renderingthe
disputed Award the Tribunal acted in manifest breach of the com-
petence conferred on it by the Arbitration Agreement, either by
deciding in excessof,orbyfailingto exercise,itsjurisdiction." (Judg-
ment, para. 47.)

The problem with this approach is that, apart from leaving undeter-
mined a question of importance to one of the litigants asto whether the
Tribunal's interpretation was in fact correct, it, at least theoretically,
leaves openthe possibility that the interpretation was not. For, to charac-
terize the Tribunal's interpretation as being merely one which could be
placed on the Arbitration Agreement "without manifest breach of its
competence" isto leaveopenthe possibility that someotherinterpretation
could also be placed on it "without manifest breach of its competence" ;permettre à la Cour de résoudrela question de fond, qui intéressait de
toute évidencela Guinée-Bissau,de savoir sil'interprétationdu Tribunal
étaitjuste ounon; et que cettedémarche aurait offert toutes les garanties
nécessaires àla stabilitéde la procédure d'arbitrage international.
LaCour toutefois n'apas adoptécettedémarche.Leraisonnement dela

Cour tend plutôt à conclure que le Tribunal avait raison d'affirmer qu'il
n'étaitpas compétentpour répondreàla seconde question et tout lecteur
de l'arrêt (tnparticulier de sonparagraphe 56)estendroitdepenser que
c'est là laconclusio~nnaturelle. La Cour, cependant, s'arrête avantde
parvenir à cette conclusion, se limitaàtdire que:

«Dès lors, le Tribunal a pu, sans méconnaître manifestement sa
compétence,juger que la réponse qu'il avait donnée àla première
question n'étaitpas négative, etque par suite il n'avait pas compé-
tente pour répondre à la seconde.» (Arrêt,par.60.)

L'arrêt n'abordedonc pas la question de savoir si le Tribunal a inter-
prété correctementle compromis pour ce qui est du point spécifique
qu'était sa compétencede répondre à la seconde question. La raison s'en
trouve dans la distinction qu'effectue la Cour entre recours en nullitéet
appel au regard de clécisionsfaites dans l'exercicedela compétencede la
compétence. Evoquant l'argumentation de la Guinée-Bissau sur cette

question, l'arrêt ditceci
«Par le moyen susmentionné,la Guinée-Bissaucritique en réalité
I'interprétationdonnéedanslasentencedesdispositions du compro-

mis qui déterminentla compétencedu Tribunal, et en propose une
autre. Mais la Cour n'a pas à se demander si le compromis était
susceptibleou non de plusieursinterprétations en cequi concerne la
compétencedu.Tribunal, etdans l'affirmative às'interroger sur celle
qui eût été préférable.n procédantde la sorte, la Cour traiterait en
effet la requêtecommeunappel etnon comme un recoursennullité.
La Cour ne salirait procéderde la sorte en l'espèce.Elle doit seule-
ment recherch~ersi le Tribunal, en rendant la sentence contestée, a
manifestementméconnu la compétencequi lui avait été donnéepar
le compromis, en outrepassant sa compétence ou en ne l'exerçant
pas.» (Arrêt,par.47.)

Le problème que:suscite cette approche est que tout en laissant sans
réponseunequestionqui importe àl'une desParties au différendà savoir
lajustesse ou non de I'interprétationdu Tribunal, elleouvrelapossibilité,

du moins en théorie, que l'interprétation ait été incorrecte.Car si l'on
prétendque l'interprétationdu Tribunal était simplement une des inter-
prétationsqu'il était possiblededonnerau compromisd'arbitrage «sans
qu'ilyaitrnéc~nnai~ssancm eanifeste de sacompétence»,on laisse subsis-
ter la possibilité'une autre interprétation du compromis fût possible,paragraph 47oftheJudgment,quoted above,acceptsas much. Al1ofsuch
possibleinterpretations could not be right.

Thefoundation ofthe Court's approach liesinthe concept of lacompé-
tencedela compétence. Certain aspects ofthe scope and basis ofthis power
may be brieflynoticed for present purposes.
First,as to the scope of the power.This is indeed wide. But, wide asis
the power, its exercise is, of course, limited by the consideration that its
purpose is to ensure that the mission authorized by the compromisdoes
not fail for want of power to interpretthe latter,ashistorically it wasonce
feared possible; the purpose is not to permit the Tribunal, through pos-
sible misinterpretations, to endow itself with an original jurisdiction
materiallydifferentfrom that contemplated by the Parties.This, ifit hap-
pened, wouldbe minoustotheolderand evenmorefundamental principle
extracompromissum arbiternihilfacerepotest.Asobsemed byone commen-
tator, recalling the position taken by the United States commissioner in
TheBetsey,"La règledela compétencedelacompétenceetl'excèsdepou-
voir ne se concevaient pas l'un sans l'autre: mieux ils s'expliquaient'un

par l'autre" (GeorgesBerlia,''Jurisprudencedestribunaux internationaux
en ce qui concerne leur compétence", CollectedCoursesof the Hague
Academy of International Law,Vol.88, p. 109,at p. 129).In the words of
another, "sil'arbitre estjuge de sa compétence,il n'en est pas le maître"
(Charles Rousseau, Droit internationalpublic, Vol. 5, 1983, p. 326,
para. 312). That the two principles referred to are in tension has been
noticed in the literature(R. Y. Jennings, "Nullity and Effectiveness in
International Law", in Cambridge EssaysinInternationalLaw,Essaysin
Honourof Lord McNair,1965,p. 64, at p. 83). In the present case, that
general tension surfaces as a specific legal problem needing to be
addressed and resolved by the Court. In short, la compétencdeelacompé-
tencebeing not absolute but qualified,the questionhere, as in al1cases,is
not whether the Tribunal has exercised the competence simpliciter,but
whether the Tribunal has exercised it within the bounds to which it is
always and necessarilysubject.

Next, as to the basis of the power. The question has been discussed in

thebooks asto whetherthe finality of an arbitralaward rests on thetreaty
ofsubmission or onthe authority whichinternational lawattachesto deci-
sions oftribunals vested withjurisdiction to decide with obligatoryforce,
or indeed on both (see, interalia, Louis Cavaré,"L'arrêtde la CIJ du
18novembre 1960et les moyens d'assurer l'exécutiondessentencesarbi-
trales", inMélangesofferts à Henri Rolin,1964,p. 39, at pp. 41-42; and
J. C. Witenberg, L'organisationjudiciairel,aprocédure et la sentenceinter-
nationales, 1937,pp. 352-353).That the treaty of submission does have a
role is, however, generally admitted. Hertz connected the two ideas this
way :109 ARBITRAL AWARD (SEP.OP. SHAHABUDDEEN)

"La source du caractère obligatoire de la sentence arbitrale ne
vient pas d'en haut, d'une autoritésupérieure, mais d'en bas, d'un
traitéconcliupar les parties, qui se soumettent ainsi a la norme du
droit coutumier international bacta suntservanda 'qui est en même
temps la norme fondamentale du droit des gens conventionnel."
(Wilhelm Gr.Hertz, "Les 'fondements' de la nullitédans la justice
internationale", Revue internationale de la théoriedu droit, 1938,
Vol. 12,p. 327,at p. 331.)

Carlston gave hi!$understanding of the position in these words :
"By entering into the arbitration agreement and participating in

the proceedings before the tribunal, the parties impliedly engage to
execute the award when rendered." (K. S. Carlston, ïAe Processof
InternationalArbitration, 1946,p. 205.)
The finality of an arbitral award is a well-settled part of customary inter-
national law; but it is a part of the law which leans on the actual or pre-
sumed willof the parties.
It is likewise tlhecase that[tlhe competence of an arbitral tribunal to
decide questions.of its own jurisdiction is unquestionably firmly estab-

lished as a principle of international arbitral law" (ibid., p. 74). Many
authorities attest tothe principle and rightly proclaim itsimportance. But
it seems to me that the law onthe point, clear and settled as it is,is itself
founded on the tlheoryof such competence being ultimately derived from
a grant presumeclby lawto have been made to the tribunal bythe parties,
who are always competent to do so expressly. This is illustrated by
Article 14 of the 1875 draft Arbitral Procedure of the Institut de droit
international, reading :

"Dans lecasoù ledoutesur la compétencedépendde I'interpréta-
tion d'une cllausedu compromis, lesparties sont censéesavoir donné
aux arbitres la facultéde trancher la question,sauf clause contraire."
(Ernest Lehr, Tableaugénérad le l'organisation,des travauxet duper-
sonne1de l'irnstitutde droit internationalpendant les deuxpremières
périodes décennaled se sonexistence (1873-1892),1893,p. 127.)

Some 80years lat.er,thissignificant "clause contraire" wasreflected inthe
Court's statemerit in the Nottebohm case (cited in paragraph 46 of the
Judgment inthe present case)to the effect
"that, inthe absenceofanyagreement tothecontrary,an international
tribunal has the right todecide as to its ownjurisdiction and has the

power to int~erpretfor this purpose the instruments which governthat
jurisdiction" (I.C.J. Reports 1953,p. 119;emphasis added; and see
Berlia, loc.cit.,p117).
Thetheory, itwoi~ldseem,isthat, wheretheyabstain from exercisingtheir
right toexclude tlhepower,the parties "sont censéesavoir donnéaux arbi-
tres la facultéde trancher la question". SENTENCE ARBITRALE (OP. IND. SHAHABUDDEEN) 108

qui seraitelleaussi une interprétationqui pouvait êtreretenuesans qu'ily
ait ((méconnaissancemanifeste de sa compétence »;le paragraphe 47 de
l'arrêt, cici-dessus,admet cesconclusions. Or,toutes lesinterprétations
possibles ne sauraient êtrejustes.
La démarchede la Cour s'appuie sur leconcept de la compétencede la
compétence.Certains aspects de la portéeet du fondement de cepouvoir

méritent qu'ons'yarrêtebrièvement.
Pour ce qui est de la portéede cepouvoir, elleestcertesrèslarge.Mais
aussilarge fût-elle, son exerciceestévidemmentlimitépar une considéra-
tion relativeà son but, qui est de faire en sorte que la mission que le
compromisconfie au Tribunal n'en vienne pas à échouerpar absence de
compétence àinterpréterle compromis - comme, historiquement, on l'a
craint - et nonde permettre auTribunal, par d'éventuelles faussesinter-
prétations, de s'arroger une compétence originelle sensiblement diffé-
rente de celle envisagéepar les Parties. Si tel était lecas, ce serait la fin
d'un principe plus ancien et plus fondamental encore, celui qu'exprime
l'adage extra compromissum arbiternihilfacere potest. Comme l'a fait
observer un commentateur, en rappelant la position prise par le délégué

des Etats-Unis dans l'affaireî7zeBetsey:«Larèglede la compétencede la
compétenceet l'excèsde pouvoir ne seconcevaient pas l'un sans l'autre :
mieux ils s'expliquaient l'un par l'autre.» (Georges Berlia, «Jurispm-
dence des tribunaux internationaux en ce qui concerne leur compé-
tence », Recueildescoursde 1Académie de droit internationalde La Haye,
t. 88,p. 129.)Ou, commel'adit un autre auteur: sil'arbitre estjugede sa
compétence,iln'en estpas lemaître » (Charles Rousseau, Droitinternatio-
nalpublic,vol. 5, 1983,p. 326,par. 312).L'antagonisme existant entre ces
deux principes a été relevé parla doctrine (R. Y.Jennings, Nullity and
Effectiveness in International Law >),dans Cambridge EssaysinZnterna-
tional Law, Essays in Honourof Lord McNair, 1965, p. 83). En cette

instance, cet antagonisme général constituele problème juridique
spécifiqueque la Cour se doit d'examiner et de résoudre.Bref, la com-
pétencede la compétencen'est pas absolue, mais qualifiée;la question
qui sepose dans cetteaffaire, comme dans toute affaire, estnon de savoir
si l'arbitre a exercé sa compétence simpliciter,mais s'il l'a exercéedans
les limites auxquelles cette compétence est toujours et nécessairement
soumise.
Quant au fondement de ce pouvoir, la question a étéposéedans de
nombreuses étudesde savoir si le caractère définitifd'une sentencearbi-
trale repose sur le compromis ou sur l'autoritéque le droit international
confère aux décisionsdes tribunaux investis du pouvoir de rendre des
décisions obligatoires, ou encore sur les deux (voir, entre autres,

Louis Cavaré,«L'arrêtde la CIJ du 18novembre 1960et les moyens
d'assurer l'exécutiondes sentences arbitrales »,dans Mélanges offerts à
Henri Rolin,1964,p. 41-42,etJ. C. Witenberg, L'organisationjudiciairel,a
procédure etla sentenceinternationales,1937,p. 352-353).Il est cependant
généralementadmis qu'un rôle revient au compromis. Hertz met en
rapport ces deux idées commesuit: ((La source du caractère obligatoire de la sentence arbitrale ne
vient pas d'en haut, d'une autorité supérieure,mais d'en bas, d'un
traité conclupar les parties, qui se soumettent ainsi à la norme du
droitcoutumierinternational ((pactasuntservanda»,qui estenmême

temps la norme fondamentale du droit des gens conventionnel. »
(Wilhelm G. Hertz, «Les ((fondements ))de la nullitédans lajustice
internationale»,, Revue internationale de la théoriedu droit, 1938,
vol. 12,p. 331.)

Quant à Carlston, sa1position est la suivante:
«En conclua.nt l'accord d'arbitrage et en participant à la procé-
dure devant letribunal, les parties s'engagentimplicitement a appli-
quer la sentence une fois prononcée. ))(K. S.Carlston, fie Processof

International Arbitration, 1946,p. 205.)
Le caractère définitifde la sentence arbitrale constitue un élémentbien
assis du droit international coutumier, mais c'estun élémentqui s'appuie
sur la volontéréelleou présuméedes parties.
IIestvrai éga1eme:nq tue «[l]acompétenced'untribunal arbitral à tran-

cher les questions (desa propre compétence est incontestablement et
fermement établi ca'mmeprincipe du droit international de l'arbitrage»
(ibid., p74). De nombreux auteurs confirment ce principe et insistent a
juste titre surson importance. Mais il me semble que le droit sur ce point,
aussiclair et établisoit-il,s'appuieàson tour sur la théorieselonlaquelle,
en dernière instance, cette compétence est censée, en droit, avoir été
conféréeau tribunal par les parties, qui ont toujours le droit de le faire
expressément.C'estcequ'illustre l'article 14du projet de procédure arbi-
trale de 1875de l'Institut de droit international, qui est le suivant:

Dans lecasoù ledoutesur lacompétencedépendde I'interpréta-
tion d'une clause du compromis, lesparties sont censéesavoir donné
auxarbitreslafacultédetrancher laquestion,saufclausecontraire. »
(Ernest Lehr, Tableau générad le l'organisation,des travaux et du

personnelde I'Iivstitutdedroit internationalpendantlesdeuxpremières
périodes décennaled se son existence(1873-1892),1893,p. 127.)
Quelquequatre-vingtsansplus tard, cette clausecontraire )significative
est reflétéedansles propos de la Cour dans l'affaire Nottebohm(citéeau

paragraphe 46de l'arrêten cetteinstance)selonlesquels
«à moinsdeconventioncontraire,un tribunal international estjuge de
sapropre compétenceet alepouvoird'interpréter à cet effetlesactes

quigouvernent celle-ci ))(C.I.J.Recueil1953,p. 119;lesitaliquessont
de moi; voir ég,alementBerlia, loc.cit.,p. 117).

11semblerait que la théorieveuille que, lorsqu'elles s'abstiennent d'exer-

cer leur droit d'exclure ce pouvoir, les parties ((sont censéesavoir donné
aux arbitres la faculté de trancher la question». From the point of view of the scope and basis of la compétence de la
compétence, the juridical problem which arises may therefore be
expressed thus whenthe parties investan arbitrator,whether expresslyor
by implication oflaw,with competence to interpret the compromisw , ithin
what limits, if any, are they to be understood as thereby engaging to be
bound by an exercise of the competence bythearbitrator which results in
a misinterpretation by him of the compromisconcerning his powers? In
the present case,the question would be whether itwasthe will ofthe Part-
iesthat they should bebound bya misinterpretation - ifthere wasany -
of the compromison the important and major issue as to whether the
second question was required to be answered. Conceivably, inthe larger
interests of securing a resolution of their dispute, the Parties might be
understood as having undertaken to be bound by decisionsmade within

sometolerable margin of appreciation asto competence in minor matters
eventhough erroneous. Should theybe understood ashaving undertaken
to be likewisebound byerroneous decisions astothe powers oftheTribu-
nal goingto the substance ofitsmission? Scarcelyso.But then, when such
a question arises, as itin effect arises here, how is itto be answered unless
theCourt can say whether, as a matter of treaty interpretation, theTribu-
nal's decision was indeed correct? It is not clear why the Court must
instead regard the matter as concluded by the fact thatthe Tribunal has
placed on the compromisan interpretation which could have been placed
on it without manifest breach of its competence. That way of putting it
leavesopenthe possibilitythat, while such an interpretation mightwellbe
right, it could, at least ineory, be also wrong.

It may be useful to consider two cases involvingcontentions of nullity
of an arbitral award, namely, the OrinocoSteamshipCo.case and the case
of the ArbitralAwardMade bythe King of Spain on 23December1906.

Inthe OrinocoSteamshipCo.case the Permanent Court of Arbitration
madethe point that "the appreciation ofthe factsofthe case and the inter-
pretation of the documents were within the competence of the umpire"
and that -

"his decisions, when based on such interpretation, are not subject to
revision by this tribunal, whose duty it is not to say if the case has
been wellor il1judged, but whether the award mustbe annulled;that
if an arbitralecision could be disputed onthe ground of erroneous
appreciation, appeal and revision, which the Conventions of the
Hague of 1899and 1907made it their object to avert, would be the
general rule" (TheHagueCourtReports,ed.J.B.Scott, 1916,p.226,at
p. 231).

These remarks, particularly about "the appreciation of the facts of the
case and the interpretation of the documents" being "within the compe-
tence ofthe umpire", related to decisions made byhim onthe merits ofthe
case, not to decisions made by him in exercise of la compétence de la Du point de vue de la portéeet du fondement de la compétencede la
compétence, le problème juridique qui se pose peut donc se formuler
comme suit: enconfiant à l'arbitre,que cesoitexpressémentou par l'effet
du droit, la compétence pour interpréter le compromis, dans quelles

limites,silimiteilya,lesparties s'engagent-elles àêtreliéespar l'exercice
de la compétencede l'arbitre qui entraînerait une interprétation erronée
du compromis à propos de ses pouvoirs? En l'occurrence, la question
serait de savoir si lesparties acceptaientd'être liépar uneinterprétation
erronée - le cas échéant - du compromis sur le point important et
majeur de savoir sila secondequestion devaitrecevoirune réponse. Il est
concevableque, danisle but plus général d'obtenirun règlementde leur
différend,lesparties soientconvenuesd'accepter d'êtreliéespar desdéci-
sions prises dans une marge tolérable d'appréciationquant a la compé-
tence sur des points mineurs, même sices décisions se révèlentêtre
erronées. Peut-on aller jusqu'a concevoir que les parties accepteraient

aussid'êtreliéesde lamêmemanièrepar desdécisionserronéesquant aux
pouvoirs du tribunal affectant le fond de sa mission? Certes non. Mais
alors,lorsqu'une questioncommecelle-là sepose,comme ellesepose ici,
comment la résoudre si la Cour ne peut affirmer, du point de vue de
l'interprétation des traités, que la décisiondu Tribunal était en fait la
bonne? On comprerid mal la raison pour laquelle la Cour doit considérer
le problème comme réglépar le fait que le Tribunal a donné au compro-
mis une interprétation qui aurait pu êtredonnée sans méconnaissance
manifeste de sacompétence.Cettefaçon devoirleschoseslaissesubsister
la possibilitéque si une telle interprétation peut fort bien s'avérer juste,

elle peut tout autant, du moins en théorie, être fausse.
Il peut êtreutile de se pencher sur deux affaires dans lesquelleson a
soutenu qu'une sentence arbitrale était nulle, à savoir l'affaire Orinoco
Steamship Co. et l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par le roi
d'Espagnele 23décembre1906.
Dans l'affaire de 1'OrinocoSteamship Co.,la Cour permanente d'arbi-
trage afaitvaloir que l'appréciation desfaitsetl'interprétation destextes
relevaient de la comipétencede l'arbitre )et que

«sesdécisions,lorsqu'elless'appuient surune telleinterprétation, ne
sauraient être crontestéespar ce tribunal, dont le devoir est non de
dire si l'affaire a été bienou mal jugée, maissi la sentence doit être
annulée; que si une décision arbitrale pouvait être contestée sous
prétexte d'appréciation erronée, l'appel et larevision, que les
conventions de:La Haye de 1899et 1907voulaientprécisémentéviter,
deviendraient la règle générale»(Recueil de la Cour de La Haye,

publié sousla direction de J. B.Scott, 1916,p. 231).
Ces observations, notamment celle selon laquelle ((l'appréciation des
faits et l'interprétation des textes relèvent «de la compétence de l'ar-
bitre))avaienttrait à desdécisionsprisespar luisur lefond de l'affaire,et

non àdes décisionsprises par lui dans l'exercicede la compétencede lacompétencet,he point beingthat achallenge ofnullityagainsta decision of
the latterkind does notentitle the reviewingforum to revisetheTribunal's
appreciation of the facts and documents leading to its decision on the
merits. Asto decisions made in exerciseof la compétence dela compétence
(relating in the particular case to a dutyunder the compromisto apply
absolute equity), it would seem that the Permanent Court of Arbitration
proceeded directly to consider whether the decision made by the umpire
as to his powers, or the way they should be exercised, was correct.

The decision of this Court in the case concerning the King of Spain's
Award likewisedid point out "that the Award isnot subjectto appeal and
that the Court cannot approach the consideration ofthe objections raised
by Nicaragua to the validity of the Award as a Court of Appeal" (Z.C.J.
Reports 1960,p.214,and paragraph 25oftheJudgment inthis case).How-
ever,itisdifficult toseethisconsideration atworkwhentheCourt cameto
deal withwhat appearedtobe achallenge to an exerciseofthe arbitrator's
compétence de la compétenceT . he Court did dispose of one branch of the

arguments by taking the viewthat certain possible interpretations of the
articles ofthe Gamez-BonillaTreatyrelatingto the procedure for appoint-
ing the arbitrator were interpretations which could have been placed on
those provisions in exerciseofthe power ofthe twonational arbitrators to
interpret them; but this concerned the constituent "power of the [two
national]arbitrators to interpret and applythe articles in question iner
to discharge their function of organizing the arbitral tribunal" (ibid.,
p. 206),and not the functions of the tribunal after it had been set up. As
regards these functions, one question which did arise was whether the
adjudicating arbitrator misconstrued the compromisin assuming that it
gave him power to grant compensations in order to establish a well-
defined natural boundary line. It does not appear that the Court
approached the problem onthe basis thatthe only questionbefore it was
whether the interpretation made by the arbitrator was one which could
have been made by him without manifest breach of competence; it deter-
mined that the interpretation made byhimwasinfact correct,and itdid so
after carrying out itsown "examination ofthe Treaty" and making itsown
interpretation (ibid.,p.215).Myunderstanding isthat whenthe Court said
that it was not a Court of Appeal and addedthat it "is not called upon to

pronounce on whether the arbitrator's decision wasright or wrong" (ibid.,
p.214),the decision ofthearbitratorto which itwasthere referring washis
decision onthe merits ofthe case,not hisdecision interpretingthe compro-
misas to his powers when dealing with the merits. As mentioned above,
my impression is similar as regards the corresponding remark by the
Permanent Court of Arbitration in the OrinocoSteamship Co.case.
In both of the two cases mentioned, the references by the reviewing
forum tothe distinction between appeal and nullity seemed intended byit
as a reminder to itself that in a case of nullity it should not stray into a
re-assessment of the merits of the decision being challenged, the only
issuebefore itbeing whether the decision resulted from a valid exerciseof SENTENCEARBITRALE(OP. IND. SHAHABUDDEEN) 111

compétence,l'idéeétantqu'un recoursennullitécontre une décisionde ce
genre n'autorise pas l'instance devant laquelle le recours est porté à
contrôlerl'appréciationpar letribunal desfaitsetdesdocuments donnant
lieuà la décisiondudit tribunal au fond. Quant aux décisionsprises dans
l'exercice de la compétence de la compétence (concernant, en cette
instance, l'obligatiorienvertu ducompromisd'être d'une équitéabsolue),

ilsembleraitque la Cour permanente d'arbitrage aitexaminédirectement
la question de savoir sila décisionprisepar l'arbitre quantespouvoirs,
ou à la façon de les exercer,était correcte.
Ladécisionprise par la Cour enl'affaire de la Sentencearbitrale rendue
par le roi d'Espagne1fait valoir de mêmeque «la sentence n'étant pas
susceptible d'appel? elle [la Cour] ne peut entreprendre l'examen des
objections soulevéespar le Nicaragua àla validitéde la sentencecomme
leferait une courd'appel »(C.I.J. Recueil1960,p. 214,etparagraphe 25de
l'arrêt enla présenteinstance). Cependant, il estdifficile de voir où inter-
vientcetteconsidérationlorsquela Cour envient à traiter de cequisemble
êtreune contestatioii de l'exercicede la compétencede la compétencede
l'arbitre. La Cour a réglé uélémentde l'argumentation en estimant que
certaines interprétations possibles des articles du traité Gamez-Bonilla
concernantla procé~durdee nomination de l'arbitre étaientdesinterpréta-
tions que l'on aurait pu retenir de ces dispositions dans l'exercice du

pouvoir des deux arbitres nationaux de les interpréter; mais celaconcer-
nait le pouvoir conijtitutif qu'avaient les deux arbitres ((d'interpréteret
d'appliquer les articles en question en vue de s'acquitter de leur tâche
d'organisation du tribunal arbitral (ibid.,p.06),et non lesfonctions du
tribunalune fois celui-cicrééE. n ce qui concerne cesfonctions, il est une
question qui a étésoulevée :celle de savoir sil'arbitre avait mal interprété
le compromisen supposant que celui-ci lui conféraitle pouvoir d'accor-
der des compensations pour établirune frontière naturelle bien détermi-
née.Ilne semblepas que la Cour aitabordéleproblèmeensedisantquela
seule question dont elle étaitsaisie étaitde savoir si l'interprétation faite
par l'arbitre étaituneinterprétation qui pouvaitêtradoptéesansmécon-
naissance manifeste de la compétence; la Cour a déterminé que cette
interprétation était:nfaitlabonne, etellel'afait aprèsavoirprocédéà son
propre ((examen dlu traité)) et donné sa propre interprétation (ibid.,
p. 215). Selon moi.,lorsque la Cour insiste qu'elle n'est pasune cour

d'appel etqu'elle« in'estpas appeléeàdire sil'arbitre a bien ou maljug»
(ibid.,p. 214), la decision de l'arbitàlaquelle se réfèrela Cour est sa
décisionsurlefond de l'affaire,etnon sadécisioninterprétantlecompro-
missur laquestion tiesespouvoirssur lefond.Comme je l'aidit plus haut,
j'ai la mêmeimpression en ce qui concerne la remarque correspondante
de la Cour permanente d'arbitrage dans l'affaire OrinocoSteamship Co.
Dans ces deux affaires, si l'instance saisie évoquela distinction entre
appel et recours en nullité,c'estapparemment pour ne pas perdre de vue
que dans le cadre d'un recours en nullitéelle ne saurait êteamenée à
réexaminerle fond de la décisioncontestée,la seulequestion qu'elle doit
examiner étant celle de savoir sila décisionrésultede l'exercicevalide duadjudicating power, not whether, if it did, it was correct on the merits.
Withoutdogmaticallyexcludingthe possibility of other interpretations1
do not understand either of the two cases to be suggesting that, where a
case of nullity is based on a challengeto the correctness of an interpreta-
tion made by the tribunal of the compromisconcerning its powers, the
reviewing forum is confined to asking merely whether the interpretation
made by the tribunal was one which could have been made by it without
manifest breach of its competence and is excludedfrom pronouncing on
the correctness of the interpretation where this is held to be one which
could have been so made. In the exercise of such powers of adjudication
as it may in fact have, a tribunal undeniably has powers of appreciation
over the factual and documentary material laid before it for evaluation
and decision. So also, to someextent, where the competence ofthe tribu-
nal depends on its appreciation of some matter in its relationship to the

jurisdictional provisions of the compromis(Interpretation of the Greco-
TurkishAgreementof 1December1926(FinalProtocol,ArticleIV),Advisory
Opinion,1928,P.C.I.J.,Series B,No. 16,pp. 19-22;and J. L. Simpson and
Hazel Fox, International Arbitration, Law and Practice, 1959,p. 252).But
such powers of appreciation are of a significantlydifferent order from
powers of appreciation as to what powers of adjudication are in the first
instance conferred on thetribunal by the compromisitself.

For practical purposes, the difference between the Court's view and
that offered here may wellbe one of approach, rather than one of result.
But perhaps some importance may be attached to the approach. 1agree
with the view,underlying the Court's decision,that itsauthority to review
the Tribunal's interpretation of the compromisislimited,but 1 differ asto
the basis of the limitation.1 regard the limitation not as one which in
principle precludesthe Court frompronouncingon the correctness ofthe
Tribunal's interpretation, but as one which requires a certain measure of
caution on the part of the Court when so pronouncing: 1would link the
limitation directly and firmlyto considerations of stability of the arbitral
process with respect to finality of awards, andto the consequential need

fortheCourt to observe appropriatestandards of cogencyindetermining
whether itsown interpretation ofthe compromisissoconvincinglyclear as
to warrant displacement of the Tribunal's, should the two be different. 1
believe this viewconformsto the tendency of suchjurisprudence asthere
ison the point. 1do not see the limitationasbeinglinked to any idea that,
as seems implied by paragraphs 47 and 60 of the Judgment of the Court,
because these are not appeal proceedings, the Tribunal should be
regarded by the Court as having an unreviewablefreedom to select any
ofa number ofpossibly differentinterpretations ofthe compromisastothe
substance ofitsmission, provided they areinterpretations which could be
made "without manifest breach of its competence".

With respect,then, 1am not persuaded that it isa satisfactory approach
to a challenge of nullity to seek to determine it by merelyking whether SENTENCE ARBITRALE (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 112

pouvoir destatuer du tribunal etnon, dansl'affirmative, celledesavoir s'il
avait raison sur le fond. Sans vouloir exclure de manière dogmatique la
possibilitéd'autres iriterprétations,je ne vois dans aucune de ces affaires
I'idéeque, lorsqu'un recours en nullité s'appuie sur la contestation de la
validitéde I'interprétation faitepar letribunaldu compromis entant que
source de sespouvoirs,l'instance saisiede cetteaffairedoit seborneràse
demander si l'interprétation faite par le tribunal étaitune interprétation
qu'ilpouvaitretenirsansméconnaîtremanifestementsacompétenceet ne
pourrait seprononcer sur lebien-fondé ou non de l'interprétation dansle
casoùl'interprétation enquestionremplitcettecondition. Dans l'exercice

despouvoirs juridictiionnels qu'il peut avoir,un tribunala manifestement
des pouvoirs d'appréciation desélémentsfactuelset documentaires dont
ilestsaisipour évaluationetdécision. Ilenva de mêmed , ans unecertaine
mesure,lorsque la compétenced'un tribunal dépenddeson appréciation
d'une question devaritêtrereplacéedanslecontextedesdispositionsjuri-
dictionnelles du coimpromis (Interprétationde l'accord gréco-turc du
le' décembre1926 ('protocole final, article IV), avisconsultatg 1928,
C.P.J.I.sérieno16, p. 19-22,et J. L.Simpson et Hazel Fox, International
Arbitration,Lawand Practice,1959,p. 252).Mais detels pouvoirsd'appré-
ciation sont de nature sensiblement différente de celle des pouvoirs
d'appréciation concernantlespouvoirsjuridictionnels que le compromis
lui-mêmeconfère directementau tribunal.
Ilsepeut fort bien que,dans lapratique, ladifférenceentre l'opinion de

la Cour et celle exposéeici soit une différenced'approche plutôt que de
résultat. Mais il faut peut-être attacher une certaine importance à
l'approche. Je souscris àl'avis qui sous-tend la décision de la Cour,à
savoir que lepouvoir qu'ellea de revoir l'interprétationdu compromis est
limité,mais je ne partage pas son point de vue sur le fondement de ces
limites. Pour moi, ces limites n'empêchent pasla Cour,en principe, de se
prononcer sur la justesse de l'interprétation du Tribunal, mais exigent
simplement que la Cour fasse preuve d'une certaine prudence en se
prononçant sur cette question:j'associerais directement et fermement ces
limitesà des considkrations relativesà la sécuritédu processus arbitral
quant au caractère définitif des sentences,eà la nécessité,qui en est le
corollairelogique,pour la Cour de suffisamment bien fonder la décision
par laquelle elle détermineraitsisapropre interprétation du compromis a

une clartési éclatante qu'elle doitsupplanter celle du Tribunal,suppo-
serque lesdeuxdiffèrent.Je penseque cepoint devues'alignesur l'orien-
tation de lajurisprudence quiexistesur cesujet.Je nevoisaucune relation
entre ces limites et I'idée,qui pourrait être implicite aux paragraphes
et 60 de l'arrêtde la Cour, que, du fait qu'il ne s'agit pas d'un appel, la
Cour devraitestimerque leTribunal estentièrementlibre dechoisirparmi
les différentes interprétations possibles du compromis concernant
l'essentiel de samisi;ionà condition qu'il s'agissed'interprétations ne
« méconnaissant manifestement pas sa compétence ».
Je ne suisdonc pasconvaincu qu'ilsoitsatisfaisant,lorsd'un recours en
nullité,de chercher à trancher la question en demandant simplement sithe tribunal's interpretation of the compromisas to its powers was one
which could have been made without manifest breach of its competence.
More particularly,1consider that there was nothing in law to prevent the
Court from pronouncing on the issue whether the Tribunal in this case
was correct in interpreting the Arbitration Agreement ton that it was
not called upon to reply to the second question put to it.

II. WHETHER THE TRIBUNAL WAS CORRECT IN INTERPRETIN GHE
COMPROM TISMEANTHATITWASNOTCALLED UPON TO ANSWER THE
SECOND QUESTION

1amofopinion that theTribunal wascorrectininterpreting the compro-
misto mean that it was not called upon to reply to the second question.
Guinea-Bissau's contention that recourse should have been had to the
second question is based on its argument that the overriding object and
purpose of the Arbitration Agreement, particularly as suggested by the
Preamble, wasthat there should in any event be a delimitation by a single

line ofal1the maritime spaces of the Parties which werethe subject ofthe
dispute between them. Thiswasthe premise on which learned counsel for
Guinea-Bissau put its case when he sai:
"the first and secondquestionsasked inArticle 2weretheparts of an
overall questionwhat is the maritime boundary, namely the boun-

dary of al1the maritime spaces? If it derived from the exchange of
letters, the reply to the overall question would stem from that to the
first question; otherwise,itwould stemfromthe replytothe second."
(Public sitting of 9 April 1991(afternoon), CR1/7, p. 58, Profes-
sor GalviioTeles.)
This interpretation ofthe twoquestions, founded on the desideratum of a

comprehensivedelimitation, isattractive;some support for itmayindeed
be claimed from the jurisprudence which, in several well-known cases,
warns ofthe limitations ofanarrow grammatical approach which,by inhi-
biting theCourt from ascertaining what the parties really did mean when
they used the words falling to be construed, could result in the defeat of
the true object andurpose of a treaty.
But,taking full account of the flexibility of that jurisprudence, is
Guinea-Bissau's reading of the two questions reasonably reconcilable
withtheir actual formulation? Withoutany necessityto cal1upon the tra-
vauxpréparatoires,1would grant that the Arbitration Agreement itself
does indicate a general desire of the Parties for a comprehensive settle-

ment oftheir dispute. Yet,itappearsto methatthe operative provisions of
the Agreement demonstrate a specificintention not fully congruent with
that generaldesire,inthe sensethatthe intention, assodemonstrated, was
indeed to realize thatesire, and to realize it throughthe arbitration pro-
vided for,but onlysubjectto aconditionprecedent which,asitturned out,l'interprétation du compromis retenue par le Tribunal quant à ses
pouvoirs étaitune interprétation qu'ilpouvait faire sienne sans qu'ilait
méconnaissance mainifeste de sa compétence. Plus particulièrement,
j'estime que rien, en clroit,n'empêchaitla Cour de trancherla question de
savoirsile Tribunal,en l'occurrence, pouvait légitimementinterpréterle
compromis d'arbitrage dans le sens qu'il n'étaitpastenu de répondre àla

seconde question qui lui étaitposée.

II. LETRIBUNA A-T-IL EU RAISOND'INTERPR~TERLE COMPROMIS
DANS LE SENSQUE LA SECONDEQUESTIONN'APPELAIT PAS
DE RÉPONSE DE SA PART?

J'estime que leTribunal a eu raison d'interpréterlecompromis comme
signifiant que laseconde question n'appelait pas de réponsede sa part.

L'allégationde la Guinée-Bissau qu'il fallait répondre à la seconde
question s'appuie surson argument selon lequel le but et l'objet primor-
diaux du compromis d'arbitrage, telsque lelaisse entendre notamment le
préambule, étaient qu'il devait entout étatde cause y avoir une délimita-
tion globale, par une ligne unique, de tous les espaces maritimes consti-
tuant l'objet du différend entreles Parties. C'estsur cette prémisseque le
conseil de la Guinée-Bissaua basé son argumentation :

«la premièreet la deuxième question posées àl'article 2 étaientles
parties d'unequlestionglobale :quelle estla frontièremaritime, c'est-
à-dire la frontiere de tous les espaces marins?Si elle provenait de
l'échangede lettres, la réponseà la question globale découlerait de
celleà la premiè:requestion;sinon, elledécouleraitde la réponseàla
deuxième. » (Audience publique du 9 avril 1991, après-midi,
CR 91/7, p. 58,IM. Galviio Teles.)

Cette interprétation des deux questions,fondée sur le désirde parvenirà
une délimitationglobale, est certesséduisanteet lajurisprudence permet
jusqu'à un certain point de la défendre:en effet, dans plusieurs affaires
bien connues, ellemet engarde contre lesrestrictions que représenteune

approche étroitemenitgrammaticalequi, en interdisant à la Cour de déter-
miner ceque lesparties entendaient réellementpar lesmotsretenus, pour-
rait faire échouer1'ot)jetet lebut véritablesd'un traité.
Mais, malgrétoute la souplesse qu'offre cettejurisprudence, l'interpré-
tation que fait la Guinée-Bissaude ces deux questions est-elle raisonna-
blement compatible avec leur libelléexact? Sans qu'il soit en aucune
façon nécessairede seréférer auxtravaux préparatoires,je ne disconviens
pas que lecompromi:;d'arbitrage lui-mêmetémoigne du désirgénéradles
Parties de voir réglerleur différendde manière globale. Toutefois, il me
sembleque ledispositif du compromis reflèteuneintention spécifiquequi

n'estpas totalement compatible avec cedésirgénérale,n ceci que l'inten-
tion dont ilesttémoignéétaitcerted se réaliserledésirdes Parties, et de le
réaliserpar lebiais del'arbitrage prévu, maisseulement sousréserved'unewasnot satisfied.It isthispartial discrepancy between apparent wishand
specific machinery which constitutes the special legal problem in this
case. How is the problem to be resolved?
The keyprovisions ofthe Arbitration Agreement, asset out in Article 2,
put two questionsto the Tribunal, stated in such a wayasto make it clear
that, while the first question had to be answeredin any event,the second
had to be answered only "[iln the event of a negative answer to the first

question ...".Thus, the very structure of the provision contemplated the
distinct possibility that onlythe first ofthe two questions might requireto
be answered.This being so, to make goodthe argument that the Tribunal
was obliged to produce a comprehensive delimitation in any event, it
would have to be shown that theTribunal wasboth competent and bound
to produce such a delimitation bywayofanswerto the firstquestion if,for
any reason, that question alone fell to be answered. However, it seems
clear (and this aspect is revisited below) that a comprehensivedelimita-
tion could in no circumstances be produced by way of answerto the first
question. It being also clear that that question could nevertheless be the
onlyquestion requiring to be answered, it follows that the argument that
the Tribunal wasobligedinany eventto produce a comprehensivedelimi-
tation fails. With that failure, the conceptual foundation of Guinea-
Bissau'scase isremoved. And the case ends.

What, however, isthe position ifthis conclusion iswrong? Ashas been
seen, Guinea-Bissau'sargument wasthis - thata comprehensivedelimi-
tation was necessary in any event, and that, accordingly, if the answer of
the Tribunal to the first question did not in factroduce such a delimita-
tion, it was necessary to passto the secondquestionin search of one. This
argument might seemto implythat Guinea-Bissau was taking theposition

that the first question did embracethe possibility of establishing a com-
prehensivedelimitation under it. However,ithasto berecalledthat,inthe
arbitral proceedings,Guinea-Bissau resisted, and successfully resisted, a
contention by Senegal that an answerto the first question,upholding the
1960Agreement, could produce a comprehensivedelimitation. Senegal,
for its part, accepted the Tribunal's decision on this point. Before this
Court neither side took the position that it was possible, even theoreti-
cally,for a comprehensivedelimitation ofany kind tobeproduced by any
conceivableanswerto the issueraised in that question as to whether the
1960Agreement had the force of law in the relations between the Parties.
That question was simply not directed to the establishment of a compre-
hensive delimitation of any kind. Thus, although it is perfectly true, as
repeatedly emphasized by Guinea-Bissau, that the Tribunal's answer to
the first question did not in factproduce a comprehensivedelimitation,
there is no point in saying so if, to begin with, that question was not
directedto the establishment ofany such delimitation.There would be no
point in sayingsobecause thestatement wouldbe based on a non-existent
premise. Accordingly, the fact that no such delimitation was effectedcondition préalablequi,en l'occurrence,n'a pas étsatisfaite.C'est cedéca-
lagepartiel entre lesouhaitapparent et lemécanismespécifiquequiconsti-
tue la spécificitédu problèmejuridique en cause. Comment le résoudre?
Les dispositionsdlésdu compromis d'arbitrage, figurant à l'article 2,
posent deux questions auTribunal, formuléesde façon à indiquer claire-
ment que si, en toute:circonstance, le Tribunal est tenu de répondrà la
première question, il aa répondre àla seconde question seulement ((en
cas de réponse négativea la première question ..» Ainsi, la structure
mêmede cette dispor;itionenvisageait la possibilitéque seulela première
des deux questions puisse exiger une réponse. Cela étant,pour montrer
que le Tribunal était tenude procéder à une délimitation globalequelles
que soient les circonstances, il faudrait démontrer que le Tribunal était
la foiscompétentpour procéder à cettedélimitationet tenu de le faire en
réponse a la premièirequestion si, pour une raison quelconque, il était
réponduuniquemeni: a cettequestion. Cependant, ilsembleclair (et nous

reviendronssur cepoint plusloin)qu'une délimitationglobale ne pouvait
enaucun cas constitiier une réponsea la premièrequestion.Comme ilest
clairaussi que laremièrequestionpouvait bien êtrelaseuleappelantune
réponse,ils'ensuit que, par la forcedeschoses,l'argument selonlequel le
Tribunal était tenu, en toutes circonstances, de procéder une délimita-
tion globale estmis en échec.Aveccet échec,le fondement conceptuel de
l'argumentation présentéepar laGuinée-Bissaudisparaît, etc'estlafinde
l'affaire.
Mais que se passe-t-il si cette conclusion est fausse? Comme nous
l'avons vu, 1'argume:ntde la Guinée-Bissau était qu'une délimitation
globales'imposaitquelles que soient lescirconstances etque, silaréponse
donnée par le Tribunal a la première question n'aboutissait pas a cette
délimitation,il fal1ai.tdonà cette fin passer a la seconde. Ce raisonne-
ment semblerait imlpliquer que la Guinée-Bissau était d'avis que la
premièrequestionrenfermaitlapossibilité de procéder a unedélimitation
globale. Il convient de rappeler cependant que, pendant la procédure
arbitrale, ce pays s'est opposé, avec succès,àl'affirmation du Sénégal

selonlaquelleune rélponseaffirmative àla premièrequestion confirmant
la validitéde l'accord de 1960pourrait donner lieu àune délimitation
globale. Le Sénégalp,our sa part,a acceptéla décisiondu Tribunal sur ce
point. Devantla Cour, aucune des Partiesn'a soutenu qu'ilétaitpossible,
ne serait-ce quesur leplan théorique, d'aboutirune délimitationglobale
d'aucune sorte envertu d'une réponse,quellequ'elle fût,au point soulevé
par cette question,a savoir si l'accord de 1960faisait droit dans les rela-
tions entre les Parties,.En effet,la premièrequestion ne visait tout simple-
ment pas une délimitation globale. Ainsi, encore qu'il soit parfaitement
vrai, comme l'a fait valoirà maintes reprises la Guinée-Bissau, que la
réponse du Tribuniil à la première question n'a effectivement pas
débouché surune dklimitation globale, il est inutile de le dire si, dès le
départ,cettequestion n'avait pas comme objetcettedélimitationglobale.
Il serait inutile de le:dire puisque cette affirmation reposerasur une
prémisseinexistante. En conséquence,le fait qu'aucune délimitationne115 ARBITRAL AWARD (SEP.OP. SHAHABUDDEEN)

under the first question did not in logic provide a reason for having
recourse to the second question.
It may be argued that, although,forthe reasons given by the Tribunal,

the 1960line could not constitute a comprehensive delimitation, this did
not mean that the first question could not be construed as askingtheTribu-
nal to Saywhether that line, if upheld, constituted such a delimitation,
and that theanswer which theTribunal gaveamounted to apartially nega-
tive answer to the question thus understood. It is difficult, however, to
discover inthe wording of the question the ingredients of such aconstruc-
tion. Apossible argument isthatthe reference in the question to "the rela-
tions" between the Parties was a reference to their relations in respect of
the boundary throughout al1 of the existing maritime spaces, and not
merely those maritime spaces which existed in 1960,with the result that
the Tribunal, if it upheld the 1960Agreement, would be required to con-
sider whether the Agreement governed al1of their relations in this com-
prehensive sense. My difficulty with the argument is that it seems
necessary to distinguish "the relations" between the Parties from the sub-
ject-matter of the relations. The word "relations" by itselfmeans the "var-
ious modes in which one country, state, etc., is brought into contact with
another by political or commercial interests" (TheShorter OxfordEnglish

Dictionary, 3rd ed., 1984, p. 1796), or "the connections between . . .
nations" (Webster'sNew Dictionary and Thesaurus,ConciseEdition,1990,
p. 459).It appears to methat these "connections" may concern avariety of
interests and that a reference to the former does not by itself suffice to
identify the latter. Accordingly, the reference in the first question to "the
relations" between the Parties does not by itself identify the particular
maritime spaces which those relations concern. These are to be collected
from the reference inthe question tothe 1960Agreement, which of course
concerned only some of the existing maritime spaces of the Parties. In
effect, in asking whether the 1960Agreement had the force of law in the
relations between the Parties, the first question was asking whether the
Agreement had such force as regards the boundary delimiting the mari-
timespacesreferred to inthe Agreement, and not alsoasregardsmaritime
spacesnot therein referred to. There isnothing in the question which sup-
portsthe viewthat itwas asking theTribunal to Saywhether the 1960line,
ifupheld, wasto have an extendedapplicationthroughout al1ofthe exist-

ing maritime spaces of the Parties.

It may be said that this conclusion does not represent the Tribunal's
own interpretation of thefirstquestion. Havingheld that the 1960Agree-
ment hadthe forceoflawinthe relations between the Parties, theTribunal
passed on to consider the spatial application of the Agreement. Senegal
had contendedthat, by reason of certain factors, the linelaid down bythe
1960Agreement applied to al1ofthe maritime spacesof the Partiesasnow
known to international law, and was accordingly no longer restricted to
the spaces specified in the Agreement itself. Speaking in this connection,
the Tribunal said : SENTENCEARBITRALE (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 115

soit intervenue en vertu de la première question ne constituait pas, d'un
point de vuelogique, une raison de recourir a la seconde.

On peut soutenir qp'alors mêmeque, pour les raisons indiquées par le
Tribunal, la ligne de 1960 ne pouvait pas constituer une délimitation
globale,cela ne signifiaitpasque lapremièrequestion nepuisse êtreinter-
prétée commedemaindant au Tribunal de dire si cette ligne, a supposer
qu'ellesoitconfirmée,constituaitune telle délimitation,ni que la réponse
du Tribunal constituait une réponse partiellement négative à la question
ainsi comvrise. Tou1:efois.il est difficile de décelerdans le libelléde la
question 1;séléments d'une telleinterprétation. Un argumentpossible est
que la référence faitedans la question aux «relations » entre les Parties
était uneréférence a leursrelations au regard de la frontière départageant
tous les espacesmaritimes existants, et non seulement les espaces mari-
times qui existaient (en1960.Le résultat seraitque le Tribunal, s'il con-
firmait la validité de l'accord de 1960, serait tenu de se demander si
l'accord régissaitglobalement toutes leurs relations. Selon moi, la dif-

ficulté que suscite cet argument est qu'il paraît nécessaire d'établir une
distinction entre «les relations)>entre les Parties et le contenu desdites
relations. Le mot ((relations» est défini comme suit :«les divers modes
par lesquels un pays, un Etat, etc., est en contact avec un autre par des
intérêtspolitiquesoii commerciaux »(TheShorter OxfordEnglishDictio-
nary,3eéd.,1984,p. 1796),et: «les rapports entre ..nations » (Webster's
NewDictionaryand irhesaums,ConciseEdition,1990,p. 459).11mesemble
que ces ((rapports » peuvent concerner des intérêtsfort divers et qu'une
référenceauxpremiers ne suffit pas à identifier lesseconds. De ce fait, la
référence,à la prerriièrequestion, aux «relations» entre les Parties ne
permet pas, en soi,d'identifier les espaces maritimes spécifiques consti-
tuant l'objet de ces relations. Ceux-cidoivent se déduirede la référence
faitea cettequestion dans l'accordde 1960,quineconcernaitévidemment
que certains des espaces maritimesdes Parties. En effet,en demandant si
l'accord de 1960 faisait droit dans les relations entre les Parties, la

premièrequestiontendait en fait a savoir sil'accord faisaitdroit en ce qui
concernela frontière:délimitantlesespacesmaritimes visésdans l'accord,
et pas en ce qui conlcerneaussi les espaces maritimes qui n'y étaient pas
mentionnés. Rien dans la question ne vient étayerle point de vue selon
lequel la question demandait au Tribunal de dire si la délimitation de
1960, à supposer qu'elle soitmaintenue,devaitêtre élargiepour englober
l'ensemble desespacesmaritimes existantsdes Parties.
Onpeutsoutenir que cetteconclusion nereprésentepas l'interprétation
faite par le Tribunal de la première question. Ayant considéréque
l'accord de 1960faisaitdroit dans lesrelations entre les Parties, le Tribu-
nal s'estensuite penchésur l'application spatiale de l'accord. Le Sénégal
avait soutenu que, en raison de certains facteurs, la ligne tracée par
l'accord de 1960s'appliquait a tous les espacesmaritimes que connaît à
l'heure actuelle le diroitinternational, et n'étaitpar conséquent plus limi-
tée aux espaces mentionnés dans l'accord lui-même.A ce propos, le

Tribunal dit ceci: "The Tribunal isnot attempting to detemine at thispoint whether
thereexists adelimitation ofthe exclusiveeconomiczonesbased ona
legalnom other than the 1960Agreement,such as atacit agreement,
abilateral custom orageneral nom. It ismerely seekingto determine
whether the Agreement in itself can be interpreted so asto coverthe

delimitation ofthewholebody ofmaritime areas existingatpresent."
(Award,para. 83.)

Do these remarks mean thattheTribunal understood the first question to
be asking it to Saywhether the delimitation effected by the 1960Agree-
ment, ifupheld, governed al1of the maritime areas existing at present? If
so, the answer which it gave - that the Agreement applied only to the
territorial sea, the contiguous zone and the continental shelf- may well
be regarded as a negative answer to the first question and as therefore
requiring recourse to the second.

However, reading the quoted statement in context, 1 do not think it
showsthat the Tribunal understood the firstquestion tobe askingitto say
whether the 1960line applied comprehensively. In response to Senegal's

contention, the Tribunal carefullydifferentiatedbetween the delimitation
effected by the 1960Agreementitself and any possible additional delimi-
tation subsequently effected on the basis of "a legal nom other than the
1960Agreement, such as atacit agreement, abilateral custom or a general
nom". The Tribunal held that the first question was confined to the
1960delimitation and raised no issue about any other possible delimita-
tion. Consequently, the Tribunal was concerned under the first question
only with the spatial application of the delimitation effected by the
1960Agreement itself, and not also with the spatial application of any
possible additional delimitation subsequently effected on a basis other
than that Agreement. It was precisely because the Tribunal understood
the first question in this limited way that itjected Senegal'scontention
that the 1960Agreement appliedto al1existingmaritimespaces. That was
a negative answer to a question raised by Senegal; it was not a negative

answer to the first question presented by the Arbitration Agreement.

Nor couldtheTribunal's answer be regarded as apartial answer to the
first question. The non-applicability of the 1960Agreement to maritime
spaces not referred to in it does not mean that the Agreement was not
wholly in force. How far the Agreementhad the force of law in the rela-
tionsbetween the Parties wasto be measured by reference tothe maritime
spaces to whichitreferred, not by reference to maritimespaces to which it
did notrefer. The Agreement wasinforcebetweenthe Parties tothe entire
extent visualized by itsown terms; it was fully in force.

Therecould be argument - and such argument wasin factadvanced by
Senegal - that the Tribunal's task was merely to Say whether the SENTENCE ARBITRALE (OP. IND.SHAHABUDDEEN)
116

«Le Tribunal ne cherche pas ici s'il existe une délimitation des
zoneséconomiquesexclusivesfondée surune normejuridique autre
que l'accord de 1960,telle qu'un accord tacite, une coutume bilaté-
raleou une norrriegénéraleI.lchercheseulement à voir sil'accord,en
lui-même,peut êtreinterprétd ée manière à englober la délimitation
de l'ensemble des espacesmaritimes actuellement existants. » (Sen-
tence,par. 83.)

Cesremarquessignifient-ellesque,pour leTribunal,lapremièrequestion
cherchait en fait savoir sila délimitationeffectuéepar l'accord de 1960,

au cas où sa validitk serait confirmée, régissaitl'ensemble des espaces
maritimes actuellement existants? Dans l'affirmative, la réponse qu'il a
donnée - àsavoir que l'accord ne concernait que la mer territoriale, la
zone contiguë et le plateau continental - peut fort bien être perçue
comme une réponsenégative à la première question, appelantpar consé-
quent une réponse àla seconde.
Cependant, sil'on replace cettecitation dans son contexte, je ne pense
pas qu'elle démontre queleTribunal a compris que par la premièreques-
tion on lui demandait de dire si la frontière de 1960 s'appliquait de
manière globale. En réponse àl'argumentation du Sénégal,le Tribunala
bien veilléà établir une distinction entre la délimitation effectuéepar

l'accord de 1960lui-mêmeet toute autre délimitation ultérieure fondée
« sur une normejuridique autre que l'accord de 1960,telle qu'un accord
tacite, une coutume bilatérale ou une norme généraleu.Le Tribunal a
considéré quela première question avait trait uniquement à la délimita-
tion de 1960etne coriduisait pasàs'interrogersurtoute autre délimitation
possible. Par conséquent,le Tribunal, dans le cadre de la première ques-
tion, ne s'estintéresséqu'à l'application spatialede la délimitationopérée
par l'accord de 1960lui-même,et non à l'application spatiale d'une autre
délimitation pouvant intervenir par la suite sur une base autre que cet
accord. C'est précisémentparce quele Tribunal a interprétéla première
question de cettemanièrerestrictive qu'ilarejetél'affirmation du Sénégal

que l'accord de 1960s'appliquait àtous les espaces maritimes existants.
C'étaitlà uneréponsenégative à une questionposéepar leSénégale ,tnon
une réponse négativeà la première question figurant dans le compromis
d'arbitrage. -
La réponsedu Tribunal ne peut pas être considérée non pluscomme
une réponse partielleà la première question. Le fait que l'accord de 1960
ne s'appliquait pas ,auxespaces maritimes qui n'y étaient pas visésne
signifie pas que1'acc:ordne faisaitpas pleinementdroit. Pour déterminer
dans quelle mesure l'accord faisait droit dans les relations entre les
Parties, ilfallait seférearuxespacesmaritimesqui yétaientmentionnés,
et non à ceux qui n'y étaient pas visés.L'accord faisait droit entre les
Parties dans toute la mesure envisagéepar sestermesmêmes; autrement

dit, il faisait pleinementdroit.
On pourrait prétendre - et cet argument a en fait été avancé parle
Sénégal - que la tâche du Tribunal se bornait àdire si l'accord de 19601960Agreement had the force of law "in the relations betweenthe" Part-
ies,and that itwasnotrequired to determine the field ofapplication ofthe

Agreement, if upheld. 1do not pursue that question, because even if the
Tribunal was sorequired,the answer which itgave,both as tothe applica-
bility and the scope of the Agreement, could not, in my opinion, be
regarded as a negative answer so as to require recourse to the second
question.
For the reasons given, it appears to me that the two questions were not
directed to the achievement of the same thing. Theywereboth concerned
withthe samegeneralsubject,butthey wereaddressed to differentaspects
of it. agree with the Court that the first question was concerned with the
issue whether the 1960Agreement had the force of law in the relations
between the Parties,while the second wasdirected tothe makingofamar-
itimedelimitation inthe eventthat the Agreementdidnothave such force.
The Tribunal was indeed required to undertake a delimitation of al1the
maritime areas ofthe Parties, but only on condition that itfirst foundthat

the 1960Agreement did not have the force of lawinthe relations between
them. Asthis condition - a condition precedent - was not satisfied,the
duty to undertake such a delimitation was never triggered off. To hold
otherwise is effectivelyto say that the Tribunal was bound to answer the
second question whatever was its answer to the first - a proposition
needing only to be stated to be dismissed.
It may be said that there is little to recommend a method of interpreta-
tion which issostrictas to lead toa construction ofthe Arbitration Agree-
ment "according to which it would . . .fail entirely to enunciate the
question really in dispute ..." (see remarks of the Permanent Court of
International Justice in the FreeZones of UpperSavoy and the Districtof
Gex, P.C.I.J.,SeriesA/B, No. 46,p. 96,at p. 139).Sincethe actual dispute
between the Parties in this case extended to al1of their existingmaritime
spaces, it may be contended that any interpretation which excluded the

possibility of a comprehensivesettlementthrough recourse to the second
question isan interpretation which failsto enunciatethe question really in
dispute. On the other hand, to require recourse to be had to the second
question notwithstanding the Tribunal's affirmativeanswer to the first is
so palpable a disregard of the preclusive words with which the second
question begins as to invite attention to other applicable considerations.
In his earlier capacity as a Member of this Court, Judge AndréGros,
one ofthe two arbitrators who voted forthe Award, had occasion,first in
1974 and then again in 1984, to refer to the following passage from
Charles De Visscher (Problèmesd'interprétationjudiciaire endroitinterna-
tionalpublic,1963,at pp. 24and 25):

"The function of interpretation is not to perfect a legal instru-
ment with a viewto adapting it moreor lesspreciselyto what one may
be tempted to envisage as the full realisation of an objective which

was logically postulated, but to shed light on what was in fact the
willofthe Parties." (FisheriesJurisdiction (Unitedingdomv. Zeeland),faisaitdroit «dans 1e:srelations entre les Parties »,et qu'iln'était pas tenu

de déterminerle champ d'application de I'accord,sila validitéde celui-ci
étaitconfirmée.Jeni:m'arrête passurcettequestion,car même à supposer
que leTribunaleût ététenude lefaire, laréponsequ'iladonnée,en cequi
concerne tant l'applicabilitéque la portéede I'accord,ne pouvait,à mon
avis,être considéréecommu ene réponsenégativequi exigerait de recou-
rirà la seconde question.
Pourtoutes ces raiisons,il mesembleque les deux questions ne visaient
pas la mêmechose. Idesdeuxportaient sur lemêmesujetgénéral,qu'elles
abordaient cependant sous des aspects différents. Je conviens avec la
Cour quelapremièrequestionavaittrait àla question de savoir siI'accord
de 1960 faisait droiit dans les relations entre les Parties, alors que la
seconde avait pour objet de tracer une délimitation maritime au cas ou
I'accord ne ferait pas droit. Le Tribunal était en effet tenu de procéder

une délimitation de tous les espaces maritimes des Parties, mais seule-
ment à la condition de déciderdans un premier temps que l'accord de
1960ne faisait pas droit dans les relations entre les Parties. Commecette
condition - condition préalable - n'étaitpas remplie, l'obligation de
procéder à la délimiitationn'est jamais intervenue. Prétendre autrement
équivaut à direque 1,eTribunal était tenu de répondre àla seconde ques-
tion quelle que fût sa réponse à la première - affirmation qui tombe
d'elle-même.
L'on peut direqu'il est difficile de défendre une méthode d'interpréta-
tionà tel point rigoureusequ'elle donnerait au compromis « un sensselon
lequel ...il aurait entièrement omis de poser la véritable question liti-
gieuse..»(voirlesobservations dela Cour permanente deJusticeinterna-
tionale dans l'affaire des Zonesfranches de la Haute-Savoie etdu Pays de

Gex, C.P.J.I.sérieA/B no46, p. 139).Comme le différend réelentre les
Partiesà cetteinstances'étendait àtousleursespacesmaritimesexistants,
onpeut fairevaloir que touteinterprétation quiexcluaitlapossibilitéd'un
règlementglobal par le recours àla seconde question est une interpréta-
tion qui omet de poser la véritable question litigieuse. D'un autre côté,le
fait d'obliger recourir àla seconde question malgréla réponse affirma-
tive du Tribunal àla premièreconstitueun dédain tellementmanifeste de
l'exclusion inscrite dans la seconde question, qu'il y a lieu d'envisager
d'appliquer d'autres considérations.
En sa qualité d'aincienmembre de la Cour, M. André Gros, l'un des
deux arbitres ayant votéenfaveur de la sentence, aeu l'occasion,d'abord
en 1974 puis de riouveau en 1984, de citer le passage suivant de
Charles De Visscher (Problèmesd'interprétationjudiciairendroitinterna-

tionalpublic, 1963,p.24 et 25):

«La fonction de l'interprétation n'est pas de perfectionner un
instrument juridique envuede l'adapter plus ou moinsexactement à
ce que l'on peut être tentéd'envisager comme la pleine réalisation
d'un objectiflogiquementpostulé, mais de fairelalumièresur ceque
les Parties ont effectivement voulu.» (Compétenceen matière de I.C.J.Reports 1974d ,issenting opinion, p. 149;and, FisheriesJurisdic-
tion (FederalRepublicof Germanyv. Iceland),I.C.J. Reports 1974,
dissenting opinion, pp. 238-239. See likewise the Delimitation of
theMaritime Boundaryinthe GulfofMaineArea,I.C.J.Reports1984,
dissenting opinion, p. 388, where the English translation is slightly
different.)

Judge Anzilotti is on record as obseming that, were the Permanent
Court of International Justice to confine itself to answering only part of

the question "which has been put to it", the Court would be committing
"an abuse of its powers" (CustomsRégime between Germana yndAustria,
Advisory Opinion,1931P , .C.I.J.,SeriesA/B, No. 41,p. 37,at p. 69). How-
ever,to avoid apetitioprincipii,itmustfirst bedetermined what isthe ques-
tion requiring tobeanswered (FreeZones ofUpperSavoyandtheDistrictof
Gex, P.C.I.J.,Series C, No. 58, at pp. 445, 610-613,Professor Logoz, for
Switzerland, arguendo).Thus, although a compromismay show that the
parties desire an answer to al1of certain questions, the way in which the
questions are actually framed can conceivablyprevent the tribunal from
dealing with al1of them. Treating of a case of this kind, in which it held
thatone of certain questions could not be answered because of the wayit
was constructed, the Permanent Court of International Justice seemed
unmoved by the circumstance that the Court was expressly required by
the compromisto answer al1of the questions "by a singlejudgment". Nor
did it yield to argument that -

"the conclusion ofthe SpecialAgreementrepresented a compromise
between the opposing views of the Parties - one of the two States
being particularly interested in the legal question submitted to the
Court in Article 1, and the other in the subjects dealt with in
Article 2 - and that to givejudgment only on the question of law
submitted by Article 1 was unjust, as it destroyed the balance
between the two Parties" (FreeZonesof UpperSavoyand theDistrict
of Gex,Judgment, 1932, P.C.I.J., SeriesA/B, No. 46,p. 96,at p. 163).

That argument,it maybethought, carries acertain analogicalforce inthis
case. However,without entering into the reasons whyitfailedinthat case,
1 take the view that it would fail equally in this case; reflections about
possibledifficultiescreated bythe Award for the completion ofa compre-
hensivedelimitation, though deserving of consideration, are not decisive.
Referring to the way the particular question had been formulated in the
FreeZonescase,the Permanent Court of International Justice said :

"If the obstacle to fulfilling part of the mission which the Parties
intendedto submit to the Court resultsfrom the terms of the Special
Agreement itself,it results directly from the will of the Parties ..."
(Ibid.) SENTENCE ARBITRALE (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 118

pêcherie(sRoyaume-Unic.Islande),C.I.J.Recueil1974,opinion dissi-
dente, p. 149,etompétence enmatièredepêcherie(sRépubliquefédé-
raledAllemagne c. Islande),C.Z.J.Recueil 1974,opinion dissidente,
p. 238-239;voir égalementDélimitation de lafrontière maritimedans
la régiondu golfedu Maine,C.Z.J.Recueil1984,opinion dissidente,
p. 388.)

Comme l'a dit M. Anzilotti, la Cour permanente de Justice internatio-
nale,en selimitantà répondre à unepartie seulement de la question «qui

lui est posée», commettrait «un véritable abus de pouvoir)) (Régime
douanier entre IAllemagne et 1Autriche, avisconsultat$ 1931, C.P.J.I.
sérieA/B no41,p. 69).Cependant, pour éviterla pétitionde principe, il
convient tout d'abord de déterminer quelle est la question qui appelle
une réponse (ZonesjTanchesdelaHaute-SavoieetduPaysde Gex,C.P.J.I.
sérieC no58, p. 610.-613,M. Logoz, pour la Suisse, arguendo).Ainsi, si
un compromis peut témoigner du désir des parties d'avoir une réponse
à la totalitéde certaines questions, ilest concevable que la façon dont ces
questions sont formulées puisse empêcher le tribunal de répondre à
toutes. Face àune affaire semblable,dans laquelle la Cour permanente
de Justice internationale a considéqu'il n'état as possible de répondre
à l'une des questionsàcause de la façon dont elle étaitformulée,laCour
permanente s'estmontréeinsensibleau fait que le compromislui deman-

dait expressément de répondre à toutes les questions «par une seule
décision ».Elle n'apas cédénon plus à l'argument selon lequel:

«la conclusion du compromisreprésentait une transaction entre les
points de vues opposés des Parties,l'un des deux Etats attachant un
intérêt particulierla questionjuridique soumise àla Cour par l'ar-
ticle premier, etl'autre s'intéressantspécialementauxquestionsdont
traite l'article 2;par conséquent,si la Courne rendait son arrêtque
sur laquestion de droitellesoumisepar l'article premier, ilenrésul-
terait une injustice, car l'équilibre entre les deux Parties serait
détruit(Zonesfranchesde la Haute-Savoieet du Paysde Gex,arrêt,
1932,C.P.J.Z.&rieA/B no46,p. 163).

Cet argument, pourrait-on penser,présente une certaine analogieavec la
présente affaire.CeIpendant, sans entrer dans le détail des raisons pour
lesquelles cet argument a échouédans l'affaire en question, j'estime qu'il
échouerait égalementen l'espèce; desréflexionssur les difficultésque la
sentencerisque desusciterlorsque l'oncherchera à procéder àunedélimi-
tationglobale,tout enméritantderetenirl'attention, ne sontpas décisives.

Evoquant la façon clontla question avait étéformuléedans l'affaire des
Zonesfranches,la C~ourpermanente de Justiceinternationale dit ceci :
«Si l'obstacle qui s'opposà I'accomplissement d'une partie de la

mission que les Etats en causeentendaient confierà la Cour résulte
des termes du compromislui-même,c'estdirectement de la volonté
des Parties que cet obstacledécoule.)>(Zbid.) It seemsto methat inthe caseat bar such an obstacle ispresented bythe
willofthe Partiesthemselves as expressed bythem in the prefatory words

ofthe second question. Moreover, those wordshavingbeen introduced at
the instance of Guinea-Bissau itself,there isa sensein which itisapposite
to bear in mind that, as was once said by Judge Anzilotti, "it is only fair
that agovernment should bearthe consequencesof the wording ofadocu-
ment for which it is responsible" (PolishAgrarian Reformand German
Minority, P.C.Z.J.,eriesA/B, No.58,p. 175,dissenting opinion, at p. 182).
The controlling words in this case are clear. Everyeffort to put aglosson
them founders on Professor Rolin'sremark, "la Cour estimera sans doute
qu'ilfautlirecequiestécrit" (I.C.J.Pleadings,Anglo-IranianOilCo.,p.486).
The international arbitral process provides auseful procedure ofpeace-
ful settlement. The international community rightly values the process.
Clearly, its utilitymust be protected against open-ended challenges to the
finality of awards. Equally clearly, it would be misconceived to seek to
protect the systembysuffering any serious fault in itsoperation to remain
remediless :the preservation of the systemand the vindication of its credi-
bility are interlinked. In my opinion, however, the complaintin this case
has not been madeout. True,the Award oftheTribunaldid not result ina

delimitation of al1the maritime areas in dispute. However, this is a com-
ment not on the Award, but on the way the Parties chose to frame the
questions putto theTribunal. As towhy they framedthe questions in the
way they did, a court of law need not look beyond the words of
Charles De Visscher :

"Il n'estpas rare qu'ilfailleconsidérer commeadéquateuneinter-

prétation qui n'assigne au traitéqu'une efficacité restreinte, à pre-
mièrevue peu conforme a ce qui, en bonne logique, pourrait appa-
raître comme son but. Cette inefficacité partielle peut s'expliquer,
en fait, par la volontéréfléchiedes contractants de ne pas s'engager
au-delàd'un certain point." (De Visscher, op.cit.,p. 77.)

(Signed) Mohamed SHAHABUDDEEN. Il me semble qu'en l'espècecet obstacle est créépar la volontédes
Parties elles-mêmes, tellequ'elles l'ont expriméedans les premiers mots
de la seconde question. En outre, cesmotsayantétéintroduitssurl'insis-
tance de la Guinée-Bissau elle-mêmei,l semblerait qu'il ne faille pas

perdre de vue que, comme l'adit naguère M. Anzilotti, «il n'estque juste
que cegouvernement supporte lesconséquencesde la rédactionpeu claire
d'un document qui kmane de lui»(Réformeagrairepolonaise et minorité
allemande, C.P.J.I.sérieA/B no58,opinion dissidente, p. 182).Les mots
clés,en l'occurrence, sont clairs; tout effort pour les masquer se heurte
aux mots de M. Roliin,«la Cour estimera sans doute qu'ilfaut lire ce qui
est écrit(C.I.J.Mémoires,Anglo-lranianOilCo.,p. 486).
L'arbitrage international est une utile procédure de règlement paci-
fique. La communaiutéinternationale y attache de la valeur,à juste titre.
De toute évidence,il ne faut pas que son utilitésoit compromise par des
contestations sans fin du caractère définitifdes sentences. Tout aussi
manifestement, ilseraitpeujudicieux de chercher àprotégerlesystèmeen
acceptant de ne pas remédier,le cas échéant, àun grave défautde son

fonctionnement: la sauvegarde du systèmeet sa crédibilitésont liées. A
mon avis, cependant, le grief en la présente affaire n'a pas étéétabli.
Certes, la sentence cluTribunal n'apas aboutià une délimitation globale
de tous lesespacesmaritimes en litige.Celadit, cereproche s'adressenon
à la sentence, maisila façon dont les Parties ont délibérément choisdie
formuler les questions qu'elles ont poséesau Tribunal. Quantà la raison
pour laquelle ellesont formulélesquestions de cettemanière,un tribunal
n'a pasà chercherplus loin que les mots de Charles De Visscher :

« Il n'estpas rarequ'ilfailleconsidérercomme adéquateune inter-
prétation qui n'assigne au traitéqu'une efficacité restreinte,re-
mière vue peu conforme a ce qui, en bonne logique, pourrait appa-
raître comme son but. Cette inefficacitépartielle peut s'expliquer,
en fait, par la volontéréfléchiedes contractants de ne pas s'engager
au-delà d'un certain point.(De Visscher,op.cit.,p. 77.)

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

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Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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