Déclaration de M. Mbaye

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082-19911112-JUD-01-02-EN
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082-19911112-JUD-01-00-EN
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DÉCLARATION DE M. MBAYE

La présente affaireest une ((Première».En effet c'estla première fois
qu'un Etat invoque devant la Cour, par voie d'action, la nullité d'une
sentencearbitrale en se fondantsur les seulesdéclarations souscritespar

lesParties en cause surla base de l'article 36,paragraphe2,du Statut de la
Cour '.Il se posait doncà celle-ciune grave question de compétence.La
Cour l'asituée avecclartéet l'arésolue avecprudence. Elle a analyséen
détaillesdéclarationsdéposéesauprès du Secrétairegénéradle I'Organi-
sation des Nations Unies le 2 décembre1985dans le cas du Sénégae lt le
7août 1989dans lecasde laGuinée-Bissau.Elleaensuite relevéque, dans
lecasd'espèce,la Guinée-Bissau aacceptésacompétence etle Sénégan le
l'apas contestée.Et c'estsur labase de l'ensemblede ces«circonstances ))
qu'ellea considérésa compétence commeétablie. C'estune sage attitude
quine préjuge enriensaposition future. En effet,ilne semblepas que l'on
puisse considérerl'article36,paragraphe 2,sous leslettres a)et b),comme
«fournissant d'ores etdéjàla basejuridique, solide etincontestable pour
la compétencede la Cour», écritEugène Borel («Les voies de recours
contre les sentences arbitrales», Recueildes coursde l'Académiede droit

internationalde LaHaye,t. 52,1935,p. 75).Beaucoup d'autres auteurs ont
partagécetteinterrogation et certains yont répondu parla négative.Je les
approuve. Je ne voispas pourquoi la Cour internationale de Justice s'éri-
gerait automatiquement en cour de cassation pour tous les Etats qui ont
souscrit la déclarationprévue à l'article 36,paragraphe 2,de son Statut,à
l'égardde toutes lessentences arbitrales dans lesquelles cesEtats seraient
parties, quand bien mêmeelle segarderait dans chaque cas de secompor-
tercomme unejuridiction d'appel ou de revision. Lefaitd'évoquer I'exis-
tence d'un «point de droit international » àtrancher ne suffirait certai-
nement pas pour justifier une telle incursion dans un autre mode de
règlementdes différendsentre Etats. Ce serait assurémentune aventure
dont lesconséquences dévastatricesne selimiteraient pasaux seules déci-
sionsrendues par des arbitres. La Cour par bonheur s'estabstenue de s'y
engager.

(Signé)KébaMBAYE.

arbitrale renduepar le roid'Espagne(C.I.J.Recueil 1960,p. 194et suiv.) éeait destiné
faire appliquer une sentence arbitraleet le Nicaragua (défendeur) avait notamment
excipéde la nullitéde laditesentence. Enl'espècela convention de Washington passée
entreles deux Etatsle 21juillet 1957résolvaittout probeompétence.

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DÉCLARATION DE M. MBAYE

La présente affaireest une ((Première».En effet c'estla première fois
qu'un Etat invoque devant la Cour, par voie d'action, la nullité d'une
sentencearbitrale en se fondantsur les seulesdéclarations souscritespar

lesParties en cause surla base de l'article 36,paragraphe2,du Statut de la
Cour '.Il se posait doncà celle-ciune grave question de compétence.La
Cour l'asituée avecclartéet l'arésolue avecprudence. Elle a analyséen
détaillesdéclarationsdéposéesauprès du Secrétairegénéradle I'Organi-
sation des Nations Unies le 2 décembre1985dans le cas du Sénégae lt le
7août 1989dans lecasde laGuinée-Bissau.Elleaensuite relevéque, dans
lecasd'espèce,la Guinée-Bissau aacceptésacompétence etle Sénégan le
l'apas contestée.Et c'estsur labase de l'ensemblede ces«circonstances ))
qu'ellea considérésa compétence commeétablie. C'estune sage attitude
quine préjuge enriensaposition future. En effet,ilne semblepas que l'on
puisse considérerl'article36,paragraphe 2,sous leslettres a)et b),comme
«fournissant d'ores etdéjàla basejuridique, solide etincontestable pour
la compétencede la Cour», écritEugène Borel («Les voies de recours
contre les sentences arbitrales», Recueildes coursde l'Académiede droit

internationalde LaHaye,t. 52,1935,p. 75).Beaucoup d'autres auteurs ont
partagécetteinterrogation et certains yont répondu parla négative.Je les
approuve. Je ne voispas pourquoi la Cour internationale de Justice s'éri-
gerait automatiquement en cour de cassation pour tous les Etats qui ont
souscrit la déclarationprévue à l'article 36,paragraphe 2,de son Statut,à
l'égardde toutes lessentences arbitrales dans lesquelles cesEtats seraient
parties, quand bien mêmeelle segarderait dans chaque cas de secompor-
tercomme unejuridiction d'appel ou de revision. Lefaitd'évoquer I'exis-
tence d'un «point de droit international » àtrancher ne suffirait certai-
nement pas pour justifier une telle incursion dans un autre mode de
règlementdes différendsentre Etats. Ce serait assurémentune aventure
dont lesconséquences dévastatricesne selimiteraient pasaux seules déci-
sionsrendues par des arbitres. La Cour par bonheur s'estabstenue de s'y
engager.

(Signé)KébaMBAYE.

arbitrale renduepar le roid'Espagne(C.I.J.Recueil 1960,p. 194et suiv.) éeait destiné
faire appliquer une sentence arbitraleet le Nicaragua (défendeur) avait notamment
excipéde la nullitéde laditesentence. Enl'espècela convention de Washington passée
entreles deux Etatsle 21juillet 1957résolvaittout probeompétence. DECLARATION OF JUDGE MBAYE

[Translation]

The present case is a "first". It marks the firsttime that a State, as an
applicant, invokesbefore the Court the nullity of an arbitralaward on the
sole basis of declarations made bythe Parties tothe case under Article 36,
paragraph 2, of the Statute of the Court l.The Court was therefore con-
fronted with a serious question of jurisdiction. It situated the question
clearly and settled it prudently. The Court analysed in detail the declar-
ations deposited with the Secretary-General of the United Nations on
2 December 1985b:ySenegal and on 7 August 1989by Guinea-Bissau. It
then noted that, in the instant case, Guinea-Bissau had accepted itsjuris-
diction and Senegal had not contested it. And it is on the basis of these

"circumstances", taken as a whole, that the Court considered itsjurisdic-
tion to havebeen founded. This is ajudicious attitude that in no way pre-
judges the Court's future position. For, as pointed out by Eugène Borel
("Les voies de recours contre lessentencesarbitrales", CollectedCourses of
theHagueAcademyof InternationalLaw,Vol. 52, 1935,p. 75),it does not
appear possible to consider that Article 36, paragraph 2, subpara-
graphs (a)and (b),"ailreadyprovides alegalbasis, sound and indisputable,
for the jurisdiction of the Court". Many other authors have asked them-
selves whether it does and some have responded in the negative. 1share
their view.1failto seewhythe International Court ofJustice should auto-
matically constitute itself asa courdecassationfor al1Stateshaving made
declarations under Article 36, paragraph 2, of its Statute, with respect to

al1arbitral awards in cases to which those States are parties, even if the
Court were each time to take care notto act as a court of appeal or as one
revising the award. 'Thatthe need to decide a "question of international
law" has been raised is surely not sufficient justification for such an
inroad into another means of settlement of disputes between States. To
deny this would be itoembark on an adventure which would have disas-
trous consequences not confined to arbitral decisions. The Court has for-
tunately refused to take this path.

(Signed) KébaMBAYE.

TheApplicationoftlheGovernmentof Hondurasin thecaseconcemingtheArbitral
Award Made by theKing ofSpain(I.C.J.Reports 1960,pp. 194et seq.)hadasitsobjectto
enforceanarbitral awartaind Nicaragua(thedefendant)hadi,n particular,pleadedthe
nullityof the award.In that case the WashingtonAgreementconcluded by thetwo
Stateson 21July 1957resolvedanyjurisdictional problem.

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Déclaration de M. Mbaye

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