Opinion individuelle de M. Elaraby

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111-20041215-JUD-01-05-EN
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1230

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE ELARABY

[Traduction]

Question de l’appartenance de la République fédérale de Yougoslavie à

l’Organisation des Nations Unies — Qualité pour ester devant la Cour en vertu
du paragraphe 1 de l’article 35 — Portée de l’expression «traités en vigueur»
figurant au paragraphe 2 de l’article 35 — Convention de Vienne sur la succes-
sion d’Etats en matière de traités — Convention sur le génocide.

I. OBSERVATIONS LIMINAIRES

Les raisons de mon désaccord avec les motifs sur lesquels la Cour s’est
appuyée pour conclure qu’elle n’était pas compétente en la présente
affaire sont exposées dans la déclaration commune; j’estime néanmoins
nécessaire d’apporter à ce sujet certaines précisions. Tout d’abord, je vou-
drais insister sur le fait que, qu’elle se déclare ou non compétente, fût-ce

dans le cadre d’un arrêt circonscrit à cette seule question, la Cour, en sa
qualité d’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies,
doit toujours être guidée par le souci d’assurer le respect du droit de la
Charte. Or, dans la présente affaire, la Cour s’est contentée, au para-
graphe 118 de son arrêt, de conclure:

«Lorsque, cependant, comme elle le fait en l’espèce, la Cour par-
vient à la conclusion qu’elle n’est pas compétente pour connaître des

demandes formulées dans la requête, elle ne peut se prononcer ni
formuler de commentaire sur l’existence d[’atteintes aux droits
d’autres Etats qui seraient imputables aux parties] ou sur la respon-
sabilité internationale qui pourrait en découler.»

Sur ce point, je serais enclin à préférer les propos plus pondérés que la
Cour a retenus en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries ,à
savoir:

«55. Il existe une distinction fondamentale entre l’acceptation par
un Etat de la juridiction de la Cour et la compatibilité de certains
actes avec le droit international. L’acceptation exige le consente-

ment. La compatibilité ne peut être appréciée que quand la Cour
examine le fond, après avoir établi sa compétence et entendu les
deux parties faire pleinement valoir leurs moyens en droit.
56. Que les Etats acceptent ou non la juridiction de la Cour, ils
demeurent en tout état de cause responsables des actes portant

atteinte aux droits d’autres Etats qui leur seraient imputables.»
(Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compé-
tence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 456.)

74 LICÉITÉ DE L’EMPLOI DE LA FORCE OP .IND .ELARABY ) 1231

II. Q UALITÉ POUR ESTER DEVANT LA C OUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 1
DE L ARTICLE 35 DU STATUT

1. La Cour estime qu’elle n’est pas compétente en l’affaire parce que la
République fédérale de Yougoslavie (RFY) 1 n’avait pas qualité pour
ester devant elle au moment où elle a introduit sa requête. C’est en se

fondant en premier lieu sur le paragraphe 1 de l’article 35 de son Statut
qu’elle est parvenue à cette conclusion.
2. Le paragraphe 1 de l’article 35 dispose que «[l]a Cour est ouverte

aux Etats parties au présent Statut». Aux termes du paragraphe 1 de
l’article 93 de la Charte des Nations Unies, tous les «Membres des
Nations Unies sont ipso facto parties» au Statut. La Cour considère que
la RFY n’était pas partie au Statut parce qu’elle n’était pas membre de

l’Organisation des Nations Unies à la date du dépôt de sa requête en
l’affaire et estime en conséquence qu’elle n’était pas «ouverte» à la
RFY. Etant d’avis que la RFY était Membre de l’Organisation des
Nations Unies au moment du dépôt de sa requête, je ne saurais faire

mienne cette conclusion.
3. Avant son éclatement, la République fédérative socialiste de You-
goslavie (RFSY) se composait de six républiques: la Serbie, la Croatie, la

Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, la Slovénie et le Monténégro. Le
25 juin 1991, la Croatie et la Slovénie déclarèrent l’une et l’autre leur
indépendance, suivies par la Macédoine le 17 septembre 1991 et par la
Bosnie-Herzégovine le 6 mars 1992. Le 22 mai 1992, la Croatie, la Slo-

vénie et la Bosnie-Herzégovine furent admises en qualité de Membres de
l’Organisation des Nations Unies et l’«ex-République yougoslave de
Macédoine» le fut le 8 avril 1993.

4. La RFY a vu le jour le 27 avril 1992, date à laquelle les participants
à une session commune de l’Assemblée nationale de la République de
Serbie et de l’Assemblée de la République du Monténégro proclamèrent
la nouvelle constitution de la «République fédérale de Yougoslavie» et

adoptèrent une déclaration exprimant, selon son préambule, la volonté
commune des citoyens de la Serbie et du Monténégro «de demeurer au
sein de l’Etat commun de Yougoslavie»; la déclaration indiquait en
outre:

«La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité
de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera stric-
tement tous les engagements que la République fédérative socialiste

de Yougoslavie a pris à l’échelon international.
.............................

Restant liée par toutes ses obligations vis-à-vis des organisations

1Le 4 février 2003, la République fédérale de Yougoslavie a officiellement changé de

nom pour prendre celui de «Serbie-et-Monténégro» (RFY-SM).

75 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1232

et institutions internationales auxquelles elle appartient, la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie ne fera rien pour empêcher les
Etats nouvellement constitués d’adhérer à ces organisations et insti-

tutions, notamment à l’Organ2sation des Nations Unies et à ses
institutions spécialisées.»

5. Cette déclaration fut portée à l’attention de l’Organisation des
Nations Unies par une note du même jour informant le Secrétaire général
que

«[d]ans le strict respect de la continuité de la personnalité interna-

tionale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera[it] à exercer tous les droits conférés à la République fédé-
rative socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-

tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa-
tions internationales et sa participation à tous les traités internatio-

naux que la Yougoslavie a[vait] ratifiés ou auxquels elle a[vait]
adhéré» .3

A cette époque, à savoir avril 1992, aucun organe compétent de l’Orga-
nisation des Nations Unies n’adopta de résolution tendant à réfuter ou

discréditer cette assertion de la RFY et la qualité de Membre de celle-ci
ne fut pas contestée. Ce fait donne à penser que la RFY était alors consi-
dérée comme Membre de l’Organisation des Nations Unies.

6. En septembre 1992, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale
adoptèrent chacun une résolution indiquant que la République fédérative
socialiste de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne pouvait pas assurer

automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’Organisa-
tion des Nations Unies de l’ancienne République fédérative socialiste de
Yougoslavie . Ces résolutions ne suspendaient pas la qualité de Membre

de la RFY à l’Organisation des Nations Unies en vertu de l’article 5 de la
Charte, pas davantage qu’elles n’entraînaient son exclusion de l’Organi-
sation en application de l’article 6 de la Charte. Or, le 30 mai 1992, le
5
Conseil de sécurité avait adopté une résolution imposant à la RFY des
sanctions, économiques notamment — ce qui revient à dire que les condi-
tions autorisant à invoquer les dispositions de l’article 6 étaient remplies;

néanmoins, la RFY ne fut pas exclue.
7. Le conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies le recon-
nut, qui, le 29 septembre 1992, adressa aux représentants permanents de

la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine une lettre dans laquelle «la posi-

2 Déclaration des participants à la session commune de l’Assemblée de la République
fédérative socialiste de Yougoslavie, de l’Assemblée nationale de la République de Serbie
et de l’Assemblée de la République du Monténégro, 27 avril 1992, Nations Unies, doc. S/
23877, annexe, p. 2.
3
4 Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I, p. 2.
5 Nations Unies, doc. S/RES/777 et A/RES/47/1.
Nations Unies, doc. S/RES/757.

76 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP .IND .ELARABY ) 1233

tion réfléchie du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies en ce
qui concerne les conséquences pratiques de l’adoption par l’Assemblée
générale de la résolution 47/1» était ainsi exposée:

«Si l’Assemblée générale a déclaré sans équivoque que la Répu-

blique fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne pouvait
pas assurer automatiquement la continuité de la qualité de Membre
de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie à

l’Organisation des Nations Unies et que la République fédérative de
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande
d’admission à l’Organisation, l’unique conséquence pratique de cette
résolution est que la République fédérative de Yougoslavie (Ser-

bie et Monténégro) ne participera pas aux travaux de l’Assemblée
générale. Il est donc clair que les représentants de la République
fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peuvent plus
participer aux travaux de l’Assemblée générale et de ses organes sub-

sidiaires, ni aux conférences et réunions organisées par celle-ci.
D’un autre côté, la résolution ne met pas fin à l’appartenance de la
Yougoslavie à l’Organisation et ne la suspend pas... La résolution

n’enlève pas à la Yougoslavie le droit de part6ciper aux travaux des
organes autres que ceux de l’Assemblée.»

8. En outre, le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies conti-
nua de faire figurer la «Yougoslavie» sur la liste des Membres de l’Orga-

nisation après septembre 1992. La «Yougoslavie» conserva également
d’autres attributs de Membre de l’Organisation, tels que son drapeau
et son siège, avec la plaque portant son nom, à l’Assemblée générale.
La RFY fut autorisée à maintenir la mission permanente de la Yougo-

slavie auprès de l’Organisation des Nations Unies et à distribuer et rece-
voir des documents. De plus, la «Yougoslavie» resta répertoriée dans le
«barème des quotes-parts» approuvé annuellement par l’Assemblée géné-

rale 7our les contributions des Etats Membres au budget de l’Organisa-
tion .
9. Ainsi, les résolutions pertinentes eurent pour seule conséquence pra-
tique d’empêcher la RFY de participer aux travaux de l’Assemblée géné-

rale et de ses organes subsidiaires, conférences et réunions. Elles lais-
sèrent inchangée sa relation avec le Conseil de sécurité et la Cour inter-
nationale de Justice. Ainsi que l’a dit cette dernière dans l’affaire de la

Demande en revision de 2003,

«[l]a résolution 47/1 ne portait notamment pas atteinte au droit de la

6 Nations Unies, doc. A/47/485, annexe, p. 2-3; les italiques sont dans l’original.
7 Dans une série de résolutions, l’Assemblée générale fixa pour la «Yougoslavie» une
nouvelle quote-part de 0,11, 0,1025 et 0,10 % pour les années 1995, 1996 et 1997, respec-
tivement (Nations Unies, doc. A/RES/49/19B), et de 0,060, 0,034 et 0,026 % pour les

années 1998, 1999 et 2000, respectivement (Nations Unies, doc. A/RES/52/215A).

77 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1234

RFY d’ester devant la Cour ou d’être partie à un différend devant
celle-ci dans les conditions fixées par le Statut» (Demande en revision
de l’arrêt du 11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’Application de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (You-
goslavie c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003 ,p .3,
par. 70).

De fait, la RFY ne resta pas inactive dans le cadre des instances engagées
devant la Cour, répondant aux demandes par des demandes reconven-
tionnelles, soulevant des exceptions préliminaires et désignant des juges

ad hoc pour participer aux délibérations. Toutes ces actions confirmèrent
que la RFY était considérée comme Membre de l’Organisation des
Nations Unies et partie au Statut.

10. Appelé lui aussi à examiner la question de savoir si la RFY était
Membre de l’Organisation des Nations Unies au cours de cette période,
le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) parvint à la
même conclusion:

«La résolution 47/1 n’a pas privé la RFY de tous ses attributs de
membre de l’Organisation des Nations Unies: son unique consé-
quence pratique fut l’incapacité de la RFY de participer aux travaux

de l’Assemblée générale et de ses organes subsidiaires, ainsi qu’aux
conférences ou réunions organisées par celle-ci. Pour le reste, la
RFY a continué de fonctionner comme un membre de l’Organisa-

tion dans de nombreux domaines... Ainsi, la RFY avait perdu son
statut de membre dans certains domaines, mais le conservait dans
d’autres... La question de l’appartenance de la RFY à l’Organisation
des Nations Unies entre 1992 et 2000 ne doit pas être résolue par une

approche dogmatique consistant à estimer à priori que l’exclusion de
cet Etat des travaux de l’Assemblée générale signifiait nécessaire-
ment qu’il n’était plus membre de l’Organisation. Etant donné que la

résolution 47/1 de l’Assemblée générale des Nations Unies n’a ni mis
fin à son appartenance ni ne l’a suspendue, il convient d’examiner
son statut de membre pendant la période en question sur une base
empirique, fonctionnelle, et au cas par cas.» 8

Appliquant cette approche «fonctionnelle», la Chambre de première ins-
tance conclut que «la RFY était de fait un membre de l’Organisation des
Nations Unies, tant à la date de l’adoption du Statut, en 1993, qu’à celle
9
de la commission des infractions alléguées, en 1999» .
11. L’admission officielle de la RFY à l’Organisation des

8Le Procureur c. Milan Milutinovic´, affaire n IT-99-37-PT, décision relative à l’excep-
tion préjudicielle d’incompétence, 6 mai 2003, par. 37-38, exception d’incompétence
rejetée, affaire n-99-37-AR72.2, décision du 12 mai 2004 (références omises).
9
Ibid., par. 39.

78 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1235

Nations Unies, le 1 er novembre 2000 , ainsi que l’a dit la Cour en

l’affaire de la Demande en revision de 2003,

«ne peut avoir rétroactivement modifié la situation sui generis dans
laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l’Organisation des

Nations Unies pendant la période 1992-2000, ni sa situation à l’égard
du Statut de la Cour» (Demande en revision de l’arrêt du
11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’ Application de la convention

pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie

c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003 , p. 31, par. 71; les
italiques sont de moi).

12. Sur ce point aussi, la Chambre du TPIY est parvenue à la même

conclusion, estimant que

«l’admission officielle de la RFY à l’Organisation en 2000 n’infirm[e]
en rien la conclusion selon laquelle il subsistait suffisamment de

marques de son appartenance à l’Organisation pendant la période
concernée pour que les résolutions adoptées par le Conseil de
sécurité en vertu de la Charte des Nations Unies dans le but de
11
maintenir la paix et la sécurité internationales lui soient applicables».

13. La Cour juge désormais que la situation sui generis de la RFY «ne
pouvait être regardée comme équivalant à la qualité de Membre de

l’Organisation» (arrêt, par. 77) et dit que l’admission de la RFY au sein
de l’Organisation des Nations Unies «n’a pas remonté et n’a pu remonter

à l’époque de l’éclatement et de la disparition de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie» (ibid.). Ce constat ne repose, à mon sens, sur
aucune base juridique solide. Si le Conseil de sécurité et l’Assemblée

générale, au moment de l’adoption des résolutions pertinentes, agissaient en
leur qualité d’organes politiques, la Cour aurait dû quant à elle, à toutes
les étapes des affaires auxquelles l’ex-Yougoslavie était partie, systé-

10 Le 27 octobre 2000, le président de la RFY adressa au Secrétaire général une lettre
ainsi libellée sollicitant l’admission de la RFY à l’Organisation:

«Après l’évolution démocratique fondamentale qui s’est produite en République
fédérale de Yougoslavie, j’ai l’honneur, en ma qualité de Président, de demander
l’admission de la République fédérale de Yougoslavie à l’Organisation des
Nations Unies, comme suite à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité.»
(Nations Unies, doc. A/55/528-S/2000/1043, annexe.)

En conséquence, le 1rnovembre 2000, l’Assemblée générale adopta la résolution 55/12,
indiquant qu’«[a]yant examiné la recommandation du Conseil de sécurité, en date du
31 octobre 2000, tendant à ce que la République fédérale de Yougoslavie soit admise à
l’Organisation des Nations Unies» et «[a]yant examiné la demande d’admission présentée
par la République fédérale de Yougoslavie», elle «[d]écid[ait] d’admettre la République

fé11rale de Yougoslavie à l’Organisation des oations Unies».
Le Procureur c. Milan Milutinovic´, affaire n IT-99-37-PT, décision relative à l’excep-
tion préoudicielle d’incompétence, 6 mai 2003, par. 44, exception d’incompétence rejetée,
affaire nIT-99-37-AR72.2, décision du 12 mai 2004.

79 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1236

matiquement dire et appliquer le droit applicable — démarche qui lui
aurait permis d’assurer la conformité avec les dispositions de la Charte et
la pratique établie de l’Organisation des Nations Unies et qui l’aurait,

selon moi, conduite à conclure que la RFY était Membre de l’Organisa-
tion des Nations Unies en 1999, date du dépôt de sa requête en la pré-
sente espèce. La Cour aurait donc dû conclure qu’elle était ouverte à la

RFY en vertu du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut.

III. Q UALITÉ POUR ESTER DEVANT LA COUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 2
DE L ’ARTICLE 35 DU STATUT

1. La RFY n’a pas invoqué le paragraphe 2 de l’article 35 du Statut de

la Cour pour fonder la compétence de celle-ci. La Cour a décidé de l’exa-
miner de sa propre initiative , et a estimé que la RFY, Etat non partie
au Statut, ne pouvait se prévaloir d’un traité entré en vigueur après le

Statut pour fonder son droit d’ester devant la Cour aux termes du para-
graphe 2 de l’article 35. J’ai expliqué pourquoi je ne saurais me rallier à la
conclusion de la Cour selon laquelle la RFY n’était pas membre de

l’Organisation des Nations Unies en 1999. Toutefois, même dans l’hypo-
thèse contraire, je ne souscrirais pas à l’idée que la Cour n’était pas non
plus ouverte à la RFY en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut.

2. Le paragraphe 2 de l’article 35 du Statut de la Cour dispose:

«Les conditions auxquelles [la Cour] est ouverte aux autres Etats
sont, sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur,

réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu’il
puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.»

3. L’examen du paragraphe 2 de l’article 35 soulève deux questions,

celles de savoir, d’une part, si la compétence de la Cour peut être fondée
sur un «trait[é] en vigueur» sans — et non sous réserve — qu’il soit satis-
fait aux exigences énoncées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 9

de 1946; et, d’autre part, si la convention sur le génocide peut être regar-
dée comme un «trait[é] en vigueur».

12
S’il lui est loisible de trancher les questions qui lui ont été soumises sur la base de
considérations autres que celles avancées par les Parties, il n’est pas souhaitable, du point
de vue de la politique judiciaire, que la Cour soulève de sa propre initiative un argument
juridique qui ne lui sert pas à se prononcer sur l’une des conclusions du demandeur, à
moins que «de puissantes considérations — tenant à la justice internationale et au déve-
loppement du droit international — [ne] militent en faveur du caractère entièrement
exhaustif» de l’examen de la question. Comparer l’affaire des Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), C.I.J. Recueil 2003 , opinion
individuelle de Me le juge Higgins, par. 27 («il est peu vraisemblable qu’il soit «sou-
haitable» de traiter de questions importantes et difficiles sans rapport avec l’établissement
d’un point de droit soulevé par le demandeur dans ses conclusions») et Lauterpacht, The
Development of International Law by the International Court , 1982, p. 37.

80 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1237

4. S’agissant de la première question, je souscris à la conclusion énon-

cée par la Cour dans une précédente décision, selon laquelle

«une instance peut être valablement introduite par un Etat contre un
autre Etat qui, sans être partie au Statut, est partie à une [telle] dis-
position particulière d’un traité en vigueur, et ce indépendamment

des conditions réglées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 9
(1946)» (Application de la convention pour la prévention et la répres-
sion du crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance

du 8 avri131993, C.I.J. Recueil 1993 , p. 14, par. 19; les italiques sont
de moi) .

5. S’agissant de la seconde, je m’associe à cette autre conclusion for-
mulée par la Cour à la même occasion, selon laquelle «l’article IX de la
convention sur le génocide ... pourrait être considér[é] prima facie comme

une disposition particulière d’un traité en vigueur [de manière que le dif-
férend relève] ... prima facie de la compétence ratione personae de la
Cour» (ibid.). Or, la Cour affirme à présent que l’expression «traités en

vigueur» vise les «traités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du
Statut de la Cour» et, la convention sur le génocide étant entrée en
vigueur après le Statut de la Cour, en conclut que cette dernière n’est pas
ouverte à la RFY en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut.

6. La Cour commence son analyse du paragraphe 2 de l’article 35 par
le constat suivant:

«Quant à l’expression «traités en vigueur», son sens naturel et
ordinaire ne fournit pas d’indication quant à la date à laquelle les

traités visés doivent être en vigueur, et par conséquent elle peut être
interprétée de différentes manières. On peut l’interpréter comme
visant les traités qui étaient en vigueur à la date à laquelle le Statut
lui-même était entré en vigueur, comme l’ont fait certains défen-

deurs; ou comme visant les traités qui étaient en vigueur à la date de
l’introduction de l’instance dans une affaire où ces traités sont invo-
qués. On peut rappeler à l’appui de cette dernière interprétation que
l’expression «traités et conventions en vigueur» se retrouve égale-

ment au paragraphe 1 de l’article 36 du Statut, et la Cour l’a inter-
prétée en ce sens... L’expression «un traité ou une convention en
vigueur» figurant à l’article 37 du Statut a elle aussi été interprétée
comme signifiant «en vigueur» à la date de l’introduction de l’ins-

tance.» (Arrêt, par. 103; références omises.)

13Voir également Société des Nations, Actes de la Première Assemblée, séances des
Commissions, vol. I, Troisième Commission, annexe 7, Rapport présenté à la Troisième
Commission par M. Hagerup, au nom de la Sous-Commission , p. 532:

«pour les autres Etats [non membres de la Société des Nations], leur accès à la Cour
dépendra ou bien des dispositions particulières des traités en vigueur (par exemple les
dispositions dans les traités de paix concernant le droit des minorités, le travail, etc.)
ou bien d’une résolution du Conseil» (les italiques sont de moi).

81 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP .IND . ELARABY ) 1238

14
7. A supposer même — sans pour autant conclure — que la Cour a
raison d’estimer que l’expression «traités en vigueur» doit être ici inter-
prétée plus étroitement que lorsqu’elle apparaît dans les articles 36 et 37,

l’interprétation retenue par la Cour — à savoir que ladite expression ren-
verrait aux seuls traités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur de son

Statut — est, à mon sens, par trop restrictive.
8. L’interprétation que donne la Cour de l’expression «traités en
vigueur» repose essentiellement sur des observations faites dans le cadre

des travaux préparatoires du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale (CPJI), dans lequel était énoncée la disposition initiale,
fondamentalement identique. La Cour infère de ces déclarations que,

pour les auteurs du paragraphe 2 de l’article 35, l’expression «traités en
vigueur» visait les traités de paix conclus avec les Etats qui s’étaient trou-

vés dans le camp ennemi au cours de la première guerre mondiale (les-
quels, n’étant pas membres de la Société des Nations, n’auraient pas eu
autrement accès à la Cour), traités conclus avant l’entrée en vigueur du

Statut de la Cour.
9. Il ressort toutefois des discussions que tinrent les rédacteurs du Sta-

tut qu’une interprétation aussi étroite n’a pas lieu d’être. Les traités de
paix étaient réputés comprendre tous les «traités de paix visant les droits
des minorités, le travail, etc.» 15 et, entre autres, tous les «traités, autres

que le traité avec l’Allemagne, [faisant] partie du règlement général de la
paix» 16 et prévoyant un règlement judiciaire des différends. Cette inter-

prétation fut confirmée en 1926 dans le cadre de l’examen par la Cour
d’amendements à son Règlement. Il fut alors précisé que l’article 35
concernait les «situations prévues par les traités de paix» (1926, C.P.J.I.
o
série D n 2, add., Actes et documents , p. 106; les italiques sont de moi),
et «décidé ... de ne point fixer dorénavant les cas où» ces traités pour-

14 L’interprétation de la Cour va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour perma-
nente en l’affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise , dans

laquelle l’expression «traités en vigueur» a implicitement été interprétée comme visant
tout traité en vigoeur à la date de l’introduction de l’instance devant la Cour
(C.P.J.I. série A n 6). Voir aussi la déclaration d’Ake Hammarskjöld, greffier:
«[L]a résolution du Conseil du 17 mai 1922 ne peut avoir aucune portée sur les

affaires dont la Cour est saisie en vertu d’un traité général; car tout Etat qui est par-
tie à un traité général peut alors, sans aucune déclaration spéciale, être partie devant
la Cour. Il ne subsiste alors, comme seul domaine d’application de la résolution du
Conseil, que le cas où la Cour est saisie par compromis.» (1926, C.P.J.I. série D n
add., «Revision du Règlement de la Cour», p. 76.)

15 e
Société des Nations, Actes de la Première Assemblée, séances plénières, 20 séance
plénière, annexe A, Rapports sur la Cour permanente de Justice internationale présentés
par la Troisième Commission à l’Assemblée , 1920, p. 463.
16 Secrétariat de la Société des Nations, «Mémorandum sur les différentes questions
concernant l’établissement de la Cour permanente de Justice internationale», réimprimé
in Cour permanente de Justice internationale, comité consultatif de juristes, Documents
présentés au comité et relatifs à des projets déjà existants pour l’établissement d’une Cour

permanente de Justice internationale , 1920, p. 16.

82 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND . ELARABY ) 1239

raient permettre aux Etats non membres de la Société des Nations d’ester
devant la Cour . 17
10. De fait, il existait nombre de traités et conventions liés au règle-

ment de la paix de 1919, parmi lesquels figuraient des traités relatifs au
travail adoptés par la Conférence internationale du Travail, des traités

portant sur les divers mandats approuvés par le Conseil de la Société d18
Nations et des traités concernant la protection des minorités .
11. Par analogie, dans le contexte de la rédaction, au lendemain de la

seconde guerre mondiale, du Statut de la Cour internationale de Justice,
la convention sur le génocide peut être considérée comme un traité lié au
règlement de la paix. Moins d’un an après la fin de la guerre, une résolu-
19
tion de l’Assemblée générale chargeait déjà le Conseil économique et
social de préparer un projet de convention interdisant le génocide en tant

que crime de droit international. La convention fut le premier traité
d’après-guerre dans le domaine des droits de l’homme et fut considérée
comme la première réponse juridique concrète de l’Organisation des

Nations Unies aux exterminations nazies. La philosophie, l’objet et le but
de la convention dans son ensemble sont la conséquence directe des évé-

nements tragiques de la seconde guerre mondiale. Ainsi, lors des travaux
de rédaction, il fut insisté sur le fait que,

«[d]ans [c]e monde troublé ... il [était] essentiel d’adopter cette

convention au plus vite, avant que les crimes atroces qui [avaie]nt été
commis ne dispar[u]ssent de la mémoire des hommes» . 20

12. Que la convention sur le génocide soit entrée en vigueur après le
Statut de la Cour ne modifie nullement cette conclusion. Les rédacteurs

du Statut de la CPJI considéraient de toute évidence que les «traités en
vigueur» au sens de l’article 35 comprendraient non seulement les instru-

ments déjà en vigueur, mais également les traités — encore à l’état de
projet et en cours de négociation — conférant à des Etats non membres
de la Société des Nations le droit d’ester devant la Cour . 21

13. La jurisprudence de la Cour permanente en l’affaire relative à Cer-
tains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (C.P.J.I. série A n o 6)

le confirme: la demanderesse en cette affaire était l’Allemagne, Etat non

17 Rapport du greffier de la Cour, réimprimé in 1936, C.P.J.I. série D n2, troisième
addendum, p. 818: «Il a été décidé ... de ne point fixer dorénavant les cas où la déclaration

se18 requise (question des traités de paix).»
Voir M. Hudson, The Permanent Court of International Justice 1920-1942 , 1972,
p. 439-444 (qui fournit des exemples).
19 Nations Unies, doc. A/96 (I), 11 décembre 1946.
20 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session,
première partie, septembre-décembre 1948, vol. 4, rapport du Conseil économique et
social, Sixième Commission, questions juridiques, 63séance, 1948, p. 5.
21 Secrétariat de la Société des Nations, «Mémorandum sur les différentes questions
concernant l’établissement de la Cour permanente de Justice internationale», op. cit.,

p. 16.

83 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1240

membre de la Société des Nations, et la compétence de la CPJI procédait
de la convention germano-polonaise relative à la Haute-Silésie, conclue
après l’adoption du Statut de la CPJI. La Pologne ne contesta pas que

l’instance eût été dûment soumise à la Cour aux termes de l’article 35, et
la Cour se déclara, sur la base de ce seul traité (l’Allemagne n’avait pas
satisfait aux conditions énoncées par le Conseil de la Société des Nations),

à même d’exercer sa compétence à l’égard des parties à l’affaire.
14. Lorsque la CPJI procéda à la revision de son Règlement en 1926,
le juge Anzilotti expliqua qu’il s’agissait, dans l’affaire relative à Certains

intérêts allemands,

«d’un traité — la convention de Haute-Silésie — rédigé sous les aus-
pices de la Société des Nations et qui devait être considéré comme un
complément [d’un traité de paix conclu au lendemain de la première

guerre mondiale, le] traité de Versailles. Il [était] donc possible
de faire rentrer le cas sur lequel la Cour a[vait] alors statué

dans l’expression générale «sous réserve des traités en vigueur»,
tout en interprétant cette expression comme visant les traités de
paix.» 22

De même, en tant que première grande convention relative aux droits de

l’homme rédigée sous les auspices des Nations Unies , la convention sur le
génocide peut être considérée comme un complément des traités de paix
conclus à l’issue de la seconde guerre mondiale et relève par conséquent

de la définition des «traités en vigueur» figurant à l’article 35, bien qu’elle
soit entrée en vigueur après le Statut de la Cour.
15. J’ajouterai, à titre subsidiaire, que même si l’on retient l’interpréta-

tion de la Cour selon laquelle l’expression «traités en vigueur» ne vise
que les traités qui, à l’instar des traités de paix, étaient en vigueur avant
l’entrée en vigueur du Statut de la Cour , une interprétation particulière,

plus large, de cette expression me semble s’imposer dans une affaire qui,
telle la présente, concerne un traité multilatéral à caractère universel des-
tiné à remédier à des violations du jus cogens. Sur ce point, je souscris au

point de vue de M. Sienho Yee, selon lequel, dans les affaires relevant du
jus cogens, il est tout particulièrement nécessaire

«de résoudre les différends ... dans les meilleurs délais. De même
qu’ils ne sauraient prévaloir sur le jus cogens , les traités ne doivent

pas gêner les efforts tendant à remédier aux violations de celui-ci. En
conséquence, il convient de donner à l’expression «traités en vigueur»

22 Procès-verbal de la séance consacrée par la CPJI à la revision de son Règlement le
21 juillet 1926, C.P.J.I. série D nadd., Actes et documents , p. 105; les italiques sont de
moi.
23 La Cour note au paragraphe 115 de son arrêt que, en ce qui concerne la présente
Cour, aucun traité de cette nature n’était en vigueur avant l’entrée en vigueur du Statut.
24 Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 53. Voir également Ian Brownlie,
Principles of Public International Law ,4d., 1990, p. 512-515.

84 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1241

une portée aussi vaste que possible, de manière à permettre à tout

Etat souverain consentant de recourir facilement à l25Cour en vue de
résoudre tout différend relevant du jus cogens.»

16. Ainsi, quand bien même les rédacteurs du Statut de la CPJI
auraient eu à l’esprit les seuls traités de paix existants, à l’exclusion de

toute autre catégorie de traités, il y aurait lieu, dans le contexte du Statut
de la CIJ, d’aller au-delà de leur intention initiale, pour privilégier une
interprétation plus large de l’expression «traités en vigueur» incluant les
traités multilatéraux relatifs à des violations du jus cogens conclus pour la

plupart après la seconde guerre mondiale.
17. Compte tenu de l’importance fondamentale qu’ils revêtent pour le
développement progressif du droit international et le maintien de la paix,
ces traités font et doivent faire l’objet d’une interprétation particulière.

(Voir le paragraphe 5 de l’article 60 de la convention de Vienne sur le
droit des traités (prévoyant l’inapplicabilité des règles relatives à l’extinc-
tion d’un traité aux dispositions relatives à la protection de la personne
humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire); l’avis

consultatif rendu par la Cour sur les Réserves à la convention sur le géno-
cide (restreignant la capacité des Etats à formuler des réserves à la
convention sur le génocide) (Réserves à la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951 ,

p. 24) et l’ordonnance sur les demandes reconventionnelles rendue en
l’affaire relative à l’Application de la convention sur le génocide (limitant
l’applicabilité des règles de réciprocité dans le contexte de la convention
sur le génocide) (Application de la convention pour la prévention et la

répression du crime de génocide, demandes reconventionnelles, ordon-
nance du 17 décembre 1997, C.I.J. Recueil 1997 , p. 258, par. 35).)
18. En résumé, la convention sur le génocide et les autres traités qui

sont ou bien liés au règlement de la paix intervenu à l’issue de la seconde
guerre mondiale, ou bien destinés à remédier à des violations du jus
cogens doivent être réputés constituer des «traités en vigueur» au sens du
paragraphe 2 de l’article 35, sous réserve d’être en vigueur à la date du

dépôt d’une requête devant la Cour.

IV. C OMPÉTENCE SUR LA BASE DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE

1. La Cour a conclu qu’elle n’était pas ouverte à la RFY et n’a, en
conséquence, pas jugé nécessaire de se prononcer sur la question de
savoir si la RFY était ou non partie à la convention sur le génocide à la
date du dépôt de sa requête. Or, à mon sens, la Cour était ouverte à la

RFY en vertu des dispositions de l’article 35 du Statut; j’examinerai donc

25S. Yee, «The Interpretation of «Treaties in Force» in Article 35 (2) of the Statute of
the ICJ», 47 ICLQ 884, p. 903, 1998.

85 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP .IND . ELARABY ) 1242

à présent dans quelle mesure la convention sur le génocide peut consti-
26
tuer une base de compétence pour la Cour .
2. Entre 1992 et 2000, les obligations conventionnelles de la RFSY
s’étendaient à chacun des Etats successeurs, et ce, indépendamment de la

question de savoir si la RFY était alors Membre ou non de l’Organisa-
tion des Nations Unies. Ainsi que le relève la Cour au paragraphe 70 de
son arrêt, le bureau des affaires juridiques de l’Organisation avait estimé,

dans son «Précis de la pratique du Secrétaire général en tant que dépo-
sitaire de traités multilatéraux» publié en 1996, que les effets juridiques
de la résolution 47/1 de l’Assemblée générale étaient limités au cadre de
l’Organisation des Nations Unies et étaient sans incidence sur les règles

relatives à la succession en matière de traités:

«[A]près la séparation de parties du territoire de l’Union des
Républiques socialistes soviétiques (qui ont acquis le statut d’Etats
indépendants), l’Union des Républiques socialistes soviétiques a

continué (sous le nom de Fédération de Russie) à exister en tant
qu’Etat prédécesseur, et tous ses droits et obligations d’origine
conventionnelle sont demeurés valables à l’égard de son territoire. Il

en va de même de la République fédérative de Yougoslavie (Ser-
bie et Monténégro), qui demeure l’Etat prédécesseur après sépara-
tion de parties du territoire de l’ex-Yougoslavie. La résolution 47/1

de l’Assemblée générale en date du 22 septembre 1992, aux termes de
laquelle la République fédérative de Yougoslavie ne pouvait pas
assumer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de

l’Organisation des Nations Unies de l’ex-Yougoslavie ..., fut adoptée
dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et dans le contexte
de la Charte de l’Organisation des Nations Unies, et non pour indi-

quer que la République fédérative de Yougoslavi27ne devait pas être
considérée comme un Etat prédécesseur.»

3. De fait, pendant cette période, la RFY continua d’affirmer qu’elle
assurait la succession de la RFSY et que, par conséquent, elle restait liée
par l’ensemble des obligations conventionnelles incombant à l’Etat pré-

décesseur. Le 27 avril 1992, la RFY soumit au Secrétaire général une note

26
La RFY a affirmé, à l’égard des huit défendeurs, que la Cour était compétente
ratione personae en vertu de la convention sur le génocide. Etant d’avis que la Cour
n’avait pas compétence ratione materiae, je n’examinerai pas les chefs de compétence sub-
sidiaires invoqués par la RFY à l’égard de certains défendeurs en particulier.
27Traduction par le Greffe de l’édition anglaise du document des Nations Unies
ST/LEG/8. Ce passage fut ultérieurement

«supprimé par le Secrétariat en réponse aux objections soulevées par un certain
nombre d’Etats, faisant valoir qu’il allait à l’encontre des résolutions du Conseil de sé-
curité et de l’Assemblée générale relatives à cette question ainsi que des avis pertinents
de la commission d’arbitrage de la conférence internationale pour la paix en Yougo-
slavie» (arrêt, par. 70, faisant référence aux documents des Nations Unies A/50/910-
S/1996/231, A/51/95-S/1996/251, A/50/928-S/1996/263 et A/50/930-S/1996/260).

86 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1243

dans laquelle elle déclarait explicitement qu’elle honorerait les obligations

assumées par la RFSY, dans les termes suivants:

«Dans le strict respect de la continuité de la personnalité interna-
tionale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera à exercer tous les droits conférés à la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-

tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa-
tions internationales et sa participation à tous les traités internatio-
naux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré.» 28

4. En vertu des règles applicables du droit international, la RFY aurait
succédé à la RFSY à l’égard de ces traités même en l’absence d’une telle

déclaration, un Etat successeur qui se sépare de l’Etat prédécesseur
n’étant pas habilité, après séparation, à méconnaître les obligations
conventionnelles dudit prédécesseur. La liberté de choisir les obligations
conventionnelles ne vaut que pour les Etats nouvellement indépendants

aux termes du paragraphe 1 de l’article 17 de la convention de Vienne sur
la succession d’Etats en matière de traités. Cette disposition prévoit que

«un Etat nouvellement indépendant peut, par une notification de
succession, établir sa qualité de partie à tout traité multilatéral qui, à
la date de la succession d’Etats, était en vigueur à l’égard du terri-

toire auquel se rapporte la succession d’Etats».
L’article 34 de la convention de Vienne dispose, quant à lui:

«Lorsqu’une partie ou des parties du territoire d’un Etat s’en
séparent pour former un ou plusieurs Etats, que l’Etat prédécesseur

continue ou non d’exister:
a) tout traité en vigueur à la date de la succession d’Etats à l’égard
de l’ensemble du territoire de l’Etat prédécesseur reste en vigueur

à l’égard de chaque Etat successeur ainsi formé[, et]
b) tout traité en vigueur à la date de la succession d’Etats à l’égard
uniquement de la partie du territoire de l’Etat prédécesseur qui
est devenue un Etat successeur reste en vigueur à l’égard de cet
29
Etat successeur seul.»
5. Ainsi existe-t-il une différence en droit international entre un Etat

nouvellement indépendant et un Etat successeur. Un Etat nouvellement
indépendant est tenu, lorsqu’il accède à l’indépendance, de clarifier sa
situation juridique à l’égard des traités conformément à la doctrine de la

«table rase» codifiée à l’article 17 de la convention de Vienne. Dans le cas
d’une séparation d’Etats, en revanche, l’Etat successeur assume automa-
tiquement les obligations conventionnelles de l’Etat prédécesseur.
6. Cette règle de succession en matière de traités s’applique aux nou-

28
29Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I, p. 2.
Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités, art. 34, par. 1.

87 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1244

veaux Etats et est totalement indépendante de la question de la qualité de
Membre de l’Organisation des Nations Unies. La Suisse, par exemple,
fut, au moment de son admission à l’Organisation, considérée comme un

nouveau Membre, mais non comme un Etat nouvellement indépendant.
Aussi n’eut-elle pas à clarifier sa situation juridique à l’égard des traités.
La RFY, quant à elle, succéda aux obligations conventionnelles de la

RFSY en 1992, et ce, qu’elle ait été Membre ou non de l’Organisation à
cette époque. L’existence de la RFY remonte à 1992, et non à 2000, une
distinction que, selon moi, la Cour aurait dû établir. Cette distinction a

été soulignée par Oscar Schachter en ces termes:
«un Etat issu d’une séparation et qui n’était pas une colonie est

réputé succéder aux obligations et droits conventionnels de l’Etat
prédécesseur sous réserve qu’il n’en résulte aucune incompatibilité
avec l’objet du traité. L’expérience, à ce jour, s’agissant du cas de

l’ancienne Union soviétique et de celui de l’ex-Yougoslavie, vient
étayer une présomption générale de continuité, présomption qui ne
vaut toutefois pas en ce qui concerne l’appartenance à l’Organisa-
tion des Nations Unies ou à d’autres organisations internationales à

vocation générale prévoyant de mettre aux voix l’admission de leurs
nouveaux membres.» 30

7. L’article 34 de la convention de Vienne doit être considéré comme
une expression du droit coutumier relatif à la succession en matière de
traités. Nul ne contestera que certaines dispositions des conventions de

Vienne relatives aux traités «sont déclaratoires du droit [international]
coutumier» (Projet Gabcˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1997, p. 62, par. 99) , et la pratique récente des Etats, par

exemple à l’égard des successeurs de la Tchécoslovaquie et de la RFSY,
tend à le confirmer en ce qui concerne les règles de succession. Ce constat
est d’autant plus vrai lorsqu’il est question de la succession à des traités
relatifs aux droits de l’homme. Pour reprendre les termes de mon éminent

collègue, le juge Weeramantry,

«[il] me paraît être un principe du droit international contempo-
rain ... que la succession d’Etats à une convention relative aux droits
de l’homme aussi vitale que la convention sur le génocide est
automatique... [Les] raisons [d’appliquer le principe de la succession

automatique] valent à fortiori pour les traités tels que la convention
sur le génocide, ... et ne laissent pas de place au doute pour ce qui est
de la succession automatique à de tels traités.» (Application de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

30O. Schachter, «State Sucession: The Once and Future Law», 33 Va. J. Int’l Law
(1992-1993), p. 257.
31Voir également Digest of United States Practice in International Law, 1980, 1041,
no 43 (avis du conseiller juridique du département d’Etat des Etats-Unis selon lequel les
règles de la convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités sont
«généralement considérées comme déclaratoires du droit coutumier existant»).

88 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1245

(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires,
C.I.J. Recueil 1996 (II) , opinion individuelle de M. le juge Weera-
mantry, p. 645, 654; voir également ibid., p. 634-637, opinion indi-

viduelle de M. le juge Shahabuddeen (reconnaissant qu’autoriser la
suspension de l’application de la convention sur le génocide serait
incompatible avec l’objet et le but de cet instrument, ainsi que
d’autres qui visent de même à sauvegarder les droits et libertés fon-
damentaux de la personne et à sanctionner les principes de morale

les plus élémentaires).)

8. Lorsque, en 2000, la RFY fut officiellement admise en tant que
Membre de l’Organisation des Nations Unies, son statut juridique en
tant que successeur de la RFSY en matière d’obligations convention-
nelles ne s’en trouva pas modifié. La RFY fut admise comme nouveau
Membre de l’Organisation des Nations Unies, mais pas, selon moi, en

tant qu’Etat nouvellement indépendant, puisque c’était le 27 avril 1992
qu’elle s’était séparée de la RFSY et avait assumé, en qualité d’Etat suc-
cesseur, les obligations juridiques de cette dernière.
9. Par conséquent, la lettre adressée le 8 décembre 2000 à la RFY par

le conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, dans laquelle
celui-ci exprimait l’avis que

«la République fédérale de Yougoslavie dev[ait] maintenant accom-
plir les formalités conventionnelles, s’il y a[vait] lieu, si elle enten-
d[ait] faire valoir les droits et assumer les obligations qui lui rev[e-
naient], en qualité d’Etat successeur, au titre des traités en cause»

(Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en l’affaire relative
àl’ Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), excep-
tions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine), arrêt,
C.I.J. Recueil 2003, p. 24, par. 51 (citant la requête de la Yougosla-

vie, annexe 27); les italiques sont de moi),

doit être lue dans son contexte: il s’agit d’une lettre type que le Secréta-
riat de l’Organisation adresse à tout nouveau Membre indépendamment
des circonstances propres à son admission. La RFY existait en tant
qu’Etat depuis 1992 et n’était pas un Etat nouvellement indépendant. Il
aurait été juste de qualifier la RFY d’Etat successeur, ce qu’elle a plu-

sieurs fois reconnu être en déclarant avoir succédé à la RFSY en matière
d’obligations juridiques le 27 février 1992.
10. La Cour a reconnu cet état de fait dans l’affaire de la Demande en
revision de 2003, soulignant

«que la résolution 55/12 de l’Assemblée générale en date du
1 novembre 2000 [admettant la RFY en tant que Membre] ne p[ou-

vait] avoir rétroactivement modifié la situation sui generis dans
laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l’Organisation des
Nations Unies pendant la période 1992-2000, ni sa situation à l’égard
du Statut de la Cour et de la convention sur le génocide. En outre, la

89 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1246

lettre du conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies en
date du 8 décembre 2000 ne p[ouvait] avoir modifié le statut de la
RFY à l’égard des traités.

La Cour rel[evait] également que, en tout état de cause, cette lettre
ne comportait pas, à l’intention de la RFY, d’invitation à adhérer
aux conventions pertinentes, mais plutôt à «accomplir les formalités
conventionnelles, s’il y a[vait] lieu, ... en qualité d’Etat successeur».»
(C.I.J. Recueil 2003, p. 31, par. 71.)

11. Dans son arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires en l’affaire

relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie) , la Cour n’a
pas tranché la question de la recevabilité de l’argument relatif à la succes-
sion automatique, se bornant à indiquer:

«Sans préjudice de l’applicabilité ou non du principe de la «suc-
cession automatique» dans le cas de certains types de traités ou

conventions internationaux, la Cour ne considère pas nécessaire,
pour décider de sa compétence en l’espèce, de se prononcer sur
les questions juridiques concernant la succession d’Etats en matière
de traités qui ont été soulevées par les Parties.» (C.I.J. Recueil
1996 (II), p. 612, par. 23.)

Le moment était venu pour la Cour de répondre à cette question et, à

mon sens, sa réponse aurait dû être que la RFY
a) avait succédé à la convention sur le génocide le 27 avril 1992, et

b) n’était pas un Etat nouvellement indépendant tenu de préciser son
statut vis-à-vis des traités multilatéraux. En conséquence, la RFY est
liée par l’article IX de la convention.

12. La RFY ayant, à mon avis, succédé à la convention sur le génocide
en 1992, la prétendue adhésion de la RFY — et sa réserve—àla conven-

tion en mars 2001 doit être déclarée nulle et non avenue ab initio.L a
Cour aurait dû, à mon sens, conclure que la RFY était tenue, depuis 1992,
d’assumer toutes les obligations juridiques de la RFSY, y compris celles
découlant de la convention sur le génocide; cette conclusion aurait été
conforme à:

— la déclaration de succession faite par la RFY en 1992;

— l’article 34 de la convention de Vienne sur la succession d’Etats en
matière de traités;
— la position adoptée par la RFY avant le 1 er novembre 2000; et
— la jurisprudence de la Cour (ibid., p. 617, 621, par. 34, 41).

13. La Cour aurait ainsi dû suivre la logique qu’elle avait adoptée en
1996 à l’égard de la Bosnie-Herzégovine, à savoir que

«[l]a Cour étant parvenue à la conclusion que la Bosnie-Herzégovine
pouvait devenir partie à la convention sur le génocide par l’effet

90 LICÉITÉ DE L’EMPLOI DE LA FORCE OP .IND .ELARABY ) 1247

d’une succession, la question de l’application des articles XI et XIII de
la convention n’a[vait] pas à être posée» C ( .I.J. Recueil 1996 (II),
p. 612, par. 24; les italiques sont de moi),

et formuler la même conclusion à l’égard de la RFY. La RFY est deve-
nue partie à la convention sur le génocide «par l’effet d’une succession»,
en conséquence de quoi la convention fournit une base à la compétence
ratione personae de la Cour.

14. S’agissant de décider de sa compétence ratione materiae, la Cour
aurait dû déterminer si les violations de la convention sur le génocide
alléguées par la RFY-SM étaient susceptibles d’entrer dans les prévisions
de cette convention (Plates-formes pétrolières (République islamique

d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J.
Recueil 1996 (II), p. 803). L’article IX de la convention confère compé-
tence à la Cour pour connaître de différends «relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution» de la convention, y compris ceux «relatifs à
la responsabilité d’un Etat en matière de génocide». Le génocide, quant à

lui, est défini à l’article II de la convention comme «l’intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux» en commettant certains actes, dont l’emploi de la force.
15. Indépendamment de la question de savoir si les actes de l’OTAN

sont imputables à chacun des Etats défendeurs, les faits allégués par la
RFY-SM, quand bien même ils seraient avérés, ne comportent pas l’élé-
ment d’intention spécifique nécessaire pour constituer des actes de géno-
cide. Pour qualifier un acte de génocide au sens de la convention, il doit
être établi qu’il a été fait usage de la force «dans l’intention de détruire»

un groupe donné, et la Cour ne devrait pas accepter de minimiser, ainsi
que la RFY-SM l’invite à le faire, l’importance du critère d’intention cou-
pable prévu par la convention, en concluant que le critère d’intentionna-
lité est rempli dès lors que les conséquences génocides étaient «aisément
prévisibles». J’estime par conséquent que la Cour n’a pas compétence

ratione materiae.

V. C ONCLUSION

La RFY pouvait en toute légitimité prétendre assurer la continuité de
la personnalité juridique de son prédécesseur à l’égard du territoire de la

Serbie-et-Monténégro. Dans le cas de la RFY, toutefois, les organes
compétents de l’Organisation des Nations Unies ont choisi de passer
outre au droit de la Charte. A mon sens, la Cour n’a pas traité comme
elle aurait dû les conséquences juridiques du statut «sui generis» de la

RFY vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies — s’il lui était effec-
tivement interdit de prendre part à certaines activités d’organes donnés,
elle n’en fut jamais exclue. En tant qu’organe judiciaire principal de
l’Organisation des Nations Unies, la Cour a pour mission, aux termes de
l’article 38 de son Statut, de régler les différends conformément au droit

international. Au cours des dix dernières années, elle a eu plus d’une fois

91 LICÉITÉ DE L’EMPLOI DE LA FORCE OP .IND .ELARABY ) 1248

l’occasion de dissiper toute ambiguïté relative au statut juridique de la
RFY vis-à-vis de l’Organisation au regard des dispositions de la Charte
des Nations Unies. Cependant, en se déclarant «amenée à conclure que la

Serbie-et-Monténégro n’était pas membre de l’Organisation des
Nations Unies ... au moment où elle a déposé sa requête», la Cour s’est
abstenue de traiter en détail «les incertitudes entourant la situation juri-
dique» de la RFY, s’agissant de sa qualité de Membre (arrêt, par. 78).
Pour cette raison, ainsi que pour les autres motifs exposés dans la pré-

sente opinion, je ne saurais faire miennes les conclusions de la Cour
quant à l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut, inter-
prétation présentée à juste titre, dans la déclaration commune, comme
«incompatible» avec les arrêts ou ordonnances déjà rendus par la Cour.

Je suis également en désaccord avec les bases sur lesquelles la Cour a
décidé de fonder sa décision d’incompétence et avec ses conclusions géné-
rales sur la portée du paragraphe 2 de l’article 35. En outre, j’estime que
la position adoptée par la Cour laisse inutilement planer un doute en ce

qui concerne l’affaire de la Convention sur le génocide , inscrite au rôle de
la Cour depuis 1993.
Toutefois, étant d’avis que la Cour n’a pas compétence ratione mate-
riae, je suis à même de souscrire au dispositif énoncé au paragraphe 119
de l’arrêt, dans lequel la Cour «[d]it qu’elle n’a pas compétence pour

connaître des demandes formulées par la Serbie-et-Monténégro dans sa
requête déposée le 29 avril 1999». Aussi ai-je pu voter en faveur de
l’arrêt.

(Signé) Nabil E LARABY .

92

Bilingual Content

1230

SEPARATE OPINION OF JUDGE ELARABY

The issue of FRY membership in the United Nations — Access to the Court
under Article 35, paragrap h 1 — Scope of reference in Article 35, paragraph 2,
to “treaties in force” — The Vienna Convention on Succession of States in
respect of Treaties — The Genocide Convention.

I. INTRODUCTORY R EMARKS

In addition to the joint declaration, which reflects my disagreement
with the grounds which led the Court to conclude that it had no jurisdic-

tion in the instant case, I deem it necessary to elaborate further on some
aspects. At the outset, I would like to emphasize that regardless of the
conclusion that the Court reaches on the issue of jurisdiction, and not-
withstanding the fact that the Judgment is confined to deciding on juris-
diction, the Court, as the principal judicial organ of the United Nations,

is always called upon to uphold the law of the Charter. The Court, how-
ever, confined its conclusion in the instant case to noting, in para-
graph 118 of the Judgment, that:

“When, however, as in the present case, the Court comes to the
conclusion that it is without jurisdiction to entertain the claims made
in the Application, it can make no finding, nor any observation
whatever, on the question whether any such violation has been com-

mitted or any international responsibility incurred.”

On this point I am inclined to favour the balance reached by the Court in
the Fisheries Jurisdiction case, where it held that:

“55. There is a fundamental distinction between the acceptance
by a State of the Court’s jurisdiction and the compatibility of par-
ticular acts with international law. The former requires consent. The
latter question can only be reached when the Court deals with the

merits, after having established its jurisdiction and having heard full
legal argument by both parties.
56. Whether or not States accept the jurisdiction of the Court,
they remain in all cases responsible for acts attributable to them that
violate the rights of other States.” (Fisheries Jurisdiction (Spain v.

Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1998,
p. 456.)

74 1230

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE ELARABY

[Traduction]

Question de l’appartenance de la République fédérale de Yougoslavie à

l’Organisation des Nations Unies — Qualité pour ester devant la Cour en vertu
du paragraphe 1 de l’article 35 — Portée de l’expression «traités en vigueur»
figurant au paragraphe 2 de l’article 35 — Convention de Vienne sur la succes-
sion d’Etats en matière de traités — Convention sur le génocide.

I. OBSERVATIONS LIMINAIRES

Les raisons de mon désaccord avec les motifs sur lesquels la Cour s’est
appuyée pour conclure qu’elle n’était pas compétente en la présente
affaire sont exposées dans la déclaration commune; j’estime néanmoins
nécessaire d’apporter à ce sujet certaines précisions. Tout d’abord, je vou-
drais insister sur le fait que, qu’elle se déclare ou non compétente, fût-ce

dans le cadre d’un arrêt circonscrit à cette seule question, la Cour, en sa
qualité d’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies,
doit toujours être guidée par le souci d’assurer le respect du droit de la
Charte. Or, dans la présente affaire, la Cour s’est contentée, au para-
graphe 118 de son arrêt, de conclure:

«Lorsque, cependant, comme elle le fait en l’espèce, la Cour par-
vient à la conclusion qu’elle n’est pas compétente pour connaître des

demandes formulées dans la requête, elle ne peut se prononcer ni
formuler de commentaire sur l’existence d[’atteintes aux droits
d’autres Etats qui seraient imputables aux parties] ou sur la respon-
sabilité internationale qui pourrait en découler.»

Sur ce point, je serais enclin à préférer les propos plus pondérés que la
Cour a retenus en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries ,à
savoir:

«55. Il existe une distinction fondamentale entre l’acceptation par
un Etat de la juridiction de la Cour et la compatibilité de certains
actes avec le droit international. L’acceptation exige le consente-

ment. La compatibilité ne peut être appréciée que quand la Cour
examine le fond, après avoir établi sa compétence et entendu les
deux parties faire pleinement valoir leurs moyens en droit.
56. Que les Etats acceptent ou non la juridiction de la Cour, ils
demeurent en tout état de cause responsables des actes portant

atteinte aux droits d’autres Etats qui leur seraient imputables.»
(Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compé-
tence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 456.)

741231 LEGALITY OF USE OF FORCE SEP. OP. ELARABY )

II. A CCESS TO THE C OURT UNDER A RTICLE 35,

PARAGRAPH 1

1. The Court finds that it has no juri1diction in this case because the
Federal Republic of Yugoslavia (FRY) did not have access to the Court
at the time it filed its Application. The first ground upon which the
Court makes this finding is Article 35, paragraph 1, of the Statute of the

Court.
2. Article 35, paragraph 1, provides that “[t]he Court shall be open to
the States parties to the present Statute”. Under Article 93, paragraph 1,
of the United Nations Charter, all “Members of the United Nations are

ipso facto [States] parties”. The Court holds that the FRY was not a
State party to the Statute because the FRY was not a Member of the
United Nations at the time it filed its Application in the instant case, and

therefore, in the view of the Court, the Court was not “open” to the
FRY. Because, in my view, the FRY was a Member of the United
Nations when it filed its Application, I disagree.

3. Prior to its fragmentation, the Socialist Federal Republic of Yugo-
slavia (SFRY) consisted of six republics: Serbia, Croatia, Bosnia and
Herzegovina, Macedonia, Slovenia, and Montenegro. On 25 June 1991,
Croatia and Slovenia both declared independence, followed by Macedo-

nia on 17 September 1991, and Bosnia and Herzegovina on 6 March 1992.
On 22 May 1992, Croatia, Slovenia and Bosnia and Herzegovina were
admitted as Members of the United Nations. The “Former Yugoslav
Republic of Macedonia” was admitted to membership in the United

Nations on 8 April 1993.
4. The FRY came into being on 27 April 1992. On that date, a joint
session of the National Assembly of the Republic of Serbia and the

Assembly of the Republic of Montenegro proclaimed a new constitution
of the “Federal Republic of Yugoslavia”, and also adopted a Declara-
tion. The preamble of the Declaration claimed to reflect the common will
of the citizens of Serbia and Montenegro “to stay in the common State of

Yugoslavia”, and also provided that:

“The Federal Republic of Yugoslavia, continuing the state, inter-
national, legal and political personality of the [Socialist Federal
Republic] of Yugoslavia, shall strictly abide by all the commitments

that the Socialist Federal Republic of Yugoslavia assumed interna-
tionally.

.............................
Remaining bound by all obligations to international organisations

1
On 4 February 2003, the Federal Republic of Yugoslavia officially changed its name
to “Serbia and Montenegro” (FRY-SM).

75 LICÉITÉ DE L’EMPLOI DE LA FORCE OP .IND .ELARABY ) 1231

II. Q UALITÉ POUR ESTER DEVANT LA C OUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 1
DE L ARTICLE 35 DU STATUT

1. La Cour estime qu’elle n’est pas compétente en l’affaire parce que la
République fédérale de Yougoslavie (RFY) 1 n’avait pas qualité pour
ester devant elle au moment où elle a introduit sa requête. C’est en se

fondant en premier lieu sur le paragraphe 1 de l’article 35 de son Statut
qu’elle est parvenue à cette conclusion.
2. Le paragraphe 1 de l’article 35 dispose que «[l]a Cour est ouverte

aux Etats parties au présent Statut». Aux termes du paragraphe 1 de
l’article 93 de la Charte des Nations Unies, tous les «Membres des
Nations Unies sont ipso facto parties» au Statut. La Cour considère que
la RFY n’était pas partie au Statut parce qu’elle n’était pas membre de

l’Organisation des Nations Unies à la date du dépôt de sa requête en
l’affaire et estime en conséquence qu’elle n’était pas «ouverte» à la
RFY. Etant d’avis que la RFY était Membre de l’Organisation des
Nations Unies au moment du dépôt de sa requête, je ne saurais faire

mienne cette conclusion.
3. Avant son éclatement, la République fédérative socialiste de You-
goslavie (RFSY) se composait de six républiques: la Serbie, la Croatie, la

Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, la Slovénie et le Monténégro. Le
25 juin 1991, la Croatie et la Slovénie déclarèrent l’une et l’autre leur
indépendance, suivies par la Macédoine le 17 septembre 1991 et par la
Bosnie-Herzégovine le 6 mars 1992. Le 22 mai 1992, la Croatie, la Slo-

vénie et la Bosnie-Herzégovine furent admises en qualité de Membres de
l’Organisation des Nations Unies et l’«ex-République yougoslave de
Macédoine» le fut le 8 avril 1993.

4. La RFY a vu le jour le 27 avril 1992, date à laquelle les participants
à une session commune de l’Assemblée nationale de la République de
Serbie et de l’Assemblée de la République du Monténégro proclamèrent
la nouvelle constitution de la «République fédérale de Yougoslavie» et

adoptèrent une déclaration exprimant, selon son préambule, la volonté
commune des citoyens de la Serbie et du Monténégro «de demeurer au
sein de l’Etat commun de Yougoslavie»; la déclaration indiquait en
outre:

«La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité
de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera stric-
tement tous les engagements que la République fédérative socialiste

de Yougoslavie a pris à l’échelon international.
.............................

Restant liée par toutes ses obligations vis-à-vis des organisations

1Le 4 février 2003, la République fédérale de Yougoslavie a officiellement changé de

nom pour prendre celui de «Serbie-et-Monténégro» (RFY-SM).

751232 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP .OP .ELARABY )

and institutions whose member it is, the Federal Republic of Yugo-
slavia shall not obstruct the newly formed states to join these organi-
sations and institutions, particularly the United Nations and its
2
specialised agencies.”

5. The Declaration was brought to the attention of the United Nations
by a Note of the same date informing the Secretary-General that

“[s]trictly respecting the continuity of the international personality

of Yugoslavia, the Federal Republic of Yugoslavia shall continue to
fulfil all the rights conferred to, and obligations assumed by, the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia in international relations,

including its membership in all international organizations and
participation in international treaties ratified or acceded to by
Yugoslavia” . 3

At that time, April 1992, no resolution purporting to oppose or under-
mine the FRY’s assertion was adopted by any competent United Nations

organ and the FRY’s membership was not challenged. This fact suggests
that the FRY was at the time considered to be a United Nations
Member.

6. In September 1992, the Security Council and the General Assembly
each adopted a resolution declaring “that the Federal Republic of Yugo-
slavia (Serbia and Montenegro) cannot continue automatically the mem-

bership of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in the
United Nations” . These resolutions did not suspend the membership of
the FRY in the United Nations in accordance with Article 5 of the Char-

ter. Nor did either resolution have the effect of expelling the FRY from
the United Nations in accordance with Article 6 of the Charter. Earlier,
the Council, on 30 May 1992, had adopted a resolution imposing eco-

nomic and other sanctions on the FRY — meaning that the conditions
for invoking the provisions of Article 6 existed — yet the FRY was not
expelled.

7. This fact was recognized by the United Nations Legal Counsel, who
on 29 September 1992, addressed a letter to the Permanent Representa-

tives of Croatia and Bosnia and Herzegovina, in which the “considered

2 Declaration of the Joint Session of the SFRY, Republic of Serbia and Republic of
Montenegro Assemblies, 27 April 1992, United Nations doc. S/23877, Annex, p. 2.

3
4 United Nations doc. A/46/915, Ann. I, p. 2.
5 United Nations docs. S/RES/777 and A/RES/47/1.
United Nations doc. S/RES/757.

76 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1232

et institutions internationales auxquelles elle appartient, la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie ne fera rien pour empêcher les
Etats nouvellement constitués d’adhérer à ces organisations et insti-

tutions, notamment à l’Organ2sation des Nations Unies et à ses
institutions spécialisées.»

5. Cette déclaration fut portée à l’attention de l’Organisation des
Nations Unies par une note du même jour informant le Secrétaire général
que

«[d]ans le strict respect de la continuité de la personnalité interna-

tionale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera[it] à exercer tous les droits conférés à la République fédé-
rative socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-

tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa-
tions internationales et sa participation à tous les traités internatio-

naux que la Yougoslavie a[vait] ratifiés ou auxquels elle a[vait]
adhéré» .3

A cette époque, à savoir avril 1992, aucun organe compétent de l’Orga-
nisation des Nations Unies n’adopta de résolution tendant à réfuter ou

discréditer cette assertion de la RFY et la qualité de Membre de celle-ci
ne fut pas contestée. Ce fait donne à penser que la RFY était alors consi-
dérée comme Membre de l’Organisation des Nations Unies.

6. En septembre 1992, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale
adoptèrent chacun une résolution indiquant que la République fédérative
socialiste de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne pouvait pas assurer

automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’Organisa-
tion des Nations Unies de l’ancienne République fédérative socialiste de
Yougoslavie . Ces résolutions ne suspendaient pas la qualité de Membre

de la RFY à l’Organisation des Nations Unies en vertu de l’article 5 de la
Charte, pas davantage qu’elles n’entraînaient son exclusion de l’Organi-
sation en application de l’article 6 de la Charte. Or, le 30 mai 1992, le
5
Conseil de sécurité avait adopté une résolution imposant à la RFY des
sanctions, économiques notamment — ce qui revient à dire que les condi-
tions autorisant à invoquer les dispositions de l’article 6 étaient remplies;

néanmoins, la RFY ne fut pas exclue.
7. Le conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies le recon-
nut, qui, le 29 septembre 1992, adressa aux représentants permanents de

la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine une lettre dans laquelle «la posi-

2 Déclaration des participants à la session commune de l’Assemblée de la République
fédérative socialiste de Yougoslavie, de l’Assemblée nationale de la République de Serbie
et de l’Assemblée de la République du Monténégro, 27 avril 1992, Nations Unies, doc. S/
23877, annexe, p. 2.
3
4 Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I, p. 2.
5 Nations Unies, doc. S/RES/777 et A/RES/47/1.
Nations Unies, doc. S/RES/757.

761233 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP.OP .ELARABY )

view of the United Nations Secretariat regarding the practical conse-
quences of the adoption by the General Assembly of resolution 47/1” was
stated to be as follows:

“While the General Assembly has stated unequivocally that the

Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) cannot
automatically continue the membership of the former Socialist
Federal Republic of Yugoslavia in the United Nations and that the

Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) should
apply for membership in the United Nations, the only practical
consequence that the resolution draws is that the Federal Repub-
lic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) shall not participate

in the work of the General Assembly. It is clear, therefore, that
representatives of the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and
Montenegro) can no longer participate in the work of the General
Assembly, its subsidiary organs, nor conferences and meetings con-

vened by it.
On the other hand, the resolution neither terminates nor suspends
Yugoslavia’s membership in the Organization...T he resolution

does not take away the right of Yugoslavia to pa6ticipate in the
work of organs other than Assembly bodies.”

8. In addition, the United Nations Secretariat continued to list
“Yugoslavia” as a Member of the United Nations after September 1992.

“Yugoslavia” also maintained other attributes of membership in the
Organization including its flag, seat and nameplate in the General
Assembly. The FRY was allowed to maintain the Yugoslav Permanent
Mission to the United Nations and to circulate and receive documents.

And “Yugoslavia” continued to be listed in the annual “Scale of Assess-
ments” approved by the General Assembly for the contributions of
Member States to the United Nations budget . 7

9. Thus, the only practical consequence of the relevant resolutions was
that the FRY was unable to participate in the work of the General

Assembly and its subsidiary organs, conferences and meetings. They left
untouched its relationship with the Security Council and with this Court.
As the Court found in the 2003 Application for Revision case,

“Resolution 47/1 did not inter alia affect the FRY’s right to

6United Nations doc. A/47/485, Annex, pp. 2-3; original emphasis.
7In a series of resolutions, the General Assembly fixed a new rate of assessment for
“Yugoslavia” of 0.11, 0.1025 and 0.10 per cent for the years 1995, 1996 and 1997 respec-
tively (United Nations doc. A/RES/49/19B) and 0.060, 0.034 and 0.026 per cent for the

years 1998, 1999 and 2000 respectively (United Nations doc. A/RES/52/215A).

77 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP .IND .ELARABY ) 1233

tion réfléchie du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies en ce
qui concerne les conséquences pratiques de l’adoption par l’Assemblée
générale de la résolution 47/1» était ainsi exposée:

«Si l’Assemblée générale a déclaré sans équivoque que la Répu-

blique fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne pouvait
pas assurer automatiquement la continuité de la qualité de Membre
de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie à

l’Organisation des Nations Unies et que la République fédérative de
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande
d’admission à l’Organisation, l’unique conséquence pratique de cette
résolution est que la République fédérative de Yougoslavie (Ser-

bie et Monténégro) ne participera pas aux travaux de l’Assemblée
générale. Il est donc clair que les représentants de la République
fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peuvent plus
participer aux travaux de l’Assemblée générale et de ses organes sub-

sidiaires, ni aux conférences et réunions organisées par celle-ci.
D’un autre côté, la résolution ne met pas fin à l’appartenance de la
Yougoslavie à l’Organisation et ne la suspend pas... La résolution

n’enlève pas à la Yougoslavie le droit de part6ciper aux travaux des
organes autres que ceux de l’Assemblée.»

8. En outre, le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies conti-
nua de faire figurer la «Yougoslavie» sur la liste des Membres de l’Orga-

nisation après septembre 1992. La «Yougoslavie» conserva également
d’autres attributs de Membre de l’Organisation, tels que son drapeau
et son siège, avec la plaque portant son nom, à l’Assemblée générale.
La RFY fut autorisée à maintenir la mission permanente de la Yougo-

slavie auprès de l’Organisation des Nations Unies et à distribuer et rece-
voir des documents. De plus, la «Yougoslavie» resta répertoriée dans le
«barème des quotes-parts» approuvé annuellement par l’Assemblée géné-

rale 7our les contributions des Etats Membres au budget de l’Organisa-
tion .
9. Ainsi, les résolutions pertinentes eurent pour seule conséquence pra-
tique d’empêcher la RFY de participer aux travaux de l’Assemblée géné-

rale et de ses organes subsidiaires, conférences et réunions. Elles lais-
sèrent inchangée sa relation avec le Conseil de sécurité et la Cour inter-
nationale de Justice. Ainsi que l’a dit cette dernière dans l’affaire de la

Demande en revision de 2003,

«[l]a résolution 47/1 ne portait notamment pas atteinte au droit de la

6 Nations Unies, doc. A/47/485, annexe, p. 2-3; les italiques sont dans l’original.
7 Dans une série de résolutions, l’Assemblée générale fixa pour la «Yougoslavie» une
nouvelle quote-part de 0,11, 0,1025 et 0,10 % pour les années 1995, 1996 et 1997, respec-
tivement (Nations Unies, doc. A/RES/49/19B), et de 0,060, 0,034 et 0,026 % pour les

années 1998, 1999 et 2000, respectivement (Nations Unies, doc. A/RES/52/215A).

771234 LEGALITY OF USE OF FORCE SEP .OP .ELARABY )

appear before the Court or to be a party to a dispute before the
Court under the conditions laid down by the Statute.” (Application
for Revision of the Judgment of 11 July 1996 in the Case concerning

Application of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia),
Preliminary Objections (Yugoslavia v. Bosnia and Herzegovina),
Judgment, I.C.J. Reports 2003 , p. 31, para. 70.)

Indeed, the FRY actively participated in proceedings before this Court:
it responded to claims with counter-claims; it submitted preliminary
objections, and it appointed an ad hoc judge to participate in the Court’s

deliberations. All these actions confirmed that the FRY was considered a
Member of the United Nations and a party to the Statute.

10. The International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia
(ICTY), when it also considered the question whether the FRY was a
member of the United Nations during this period, reached the same con-
clusion. It held that:

“Resolution 47/1 did not deprive the FRY of all the attributes of
United Nations membership: the only practical consequence was its
inability to participate in the work of the General Assembly, its sub-

sidiary organs, conferences or meetings convened by it. Apart from
that, it continued to function as a member of the United Nations in
many areas of the work of the United Nations...Thus, while the

FRY’s membership was lost for certain purposes, it was retained for
others...The proper approach to the issue of the FRY membership
of the United Nations in the period between 1992 and 2000 is not
one that proceeds on a[n] a priori, doctrinaire assumption that its

exclusion from participation in the work of the General Assembly
necessarily meant that it was no longer a member of the United
Nations. As the FRY membership was neither terminated nor sus-

pended by General Assembly resolution 47/1, it is more appropriate
to make a determination of its United Nations membership in that
period on an empirical, functional and case-by-case basis.” 8

Applying this “functional” approach, the Trial Chamber concluded that
“the FRY was in fact a member of the United Nations both at the time
of the adoption of the [ICTY] Statute in 1993 and at the time of the com-
9
mission of the alleged offences in 1999” .
11. The FRY’s formal admission to the United Nations on 1 Novem-

8Prosecutor v. Milan Milutinovic´, Case No. IT-99-37-PT, Decision on Motion Chal-
lenging Jurisdiction, 6 May 2003, paras. 37-38, appeal dismissed, Case No. IT-99-37-
AR72.2, Decision of 12 May 2004 (internal citations omitted).
9
Ibid., para. 39.

78 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1234

RFY d’ester devant la Cour ou d’être partie à un différend devant
celle-ci dans les conditions fixées par le Statut» (Demande en revision
de l’arrêt du 11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’Application de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (You-
goslavie c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003 ,p .3,
par. 70).

De fait, la RFY ne resta pas inactive dans le cadre des instances engagées
devant la Cour, répondant aux demandes par des demandes reconven-
tionnelles, soulevant des exceptions préliminaires et désignant des juges

ad hoc pour participer aux délibérations. Toutes ces actions confirmèrent
que la RFY était considérée comme Membre de l’Organisation des
Nations Unies et partie au Statut.

10. Appelé lui aussi à examiner la question de savoir si la RFY était
Membre de l’Organisation des Nations Unies au cours de cette période,
le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) parvint à la
même conclusion:

«La résolution 47/1 n’a pas privé la RFY de tous ses attributs de
membre de l’Organisation des Nations Unies: son unique consé-
quence pratique fut l’incapacité de la RFY de participer aux travaux

de l’Assemblée générale et de ses organes subsidiaires, ainsi qu’aux
conférences ou réunions organisées par celle-ci. Pour le reste, la
RFY a continué de fonctionner comme un membre de l’Organisa-

tion dans de nombreux domaines... Ainsi, la RFY avait perdu son
statut de membre dans certains domaines, mais le conservait dans
d’autres... La question de l’appartenance de la RFY à l’Organisation
des Nations Unies entre 1992 et 2000 ne doit pas être résolue par une

approche dogmatique consistant à estimer à priori que l’exclusion de
cet Etat des travaux de l’Assemblée générale signifiait nécessaire-
ment qu’il n’était plus membre de l’Organisation. Etant donné que la

résolution 47/1 de l’Assemblée générale des Nations Unies n’a ni mis
fin à son appartenance ni ne l’a suspendue, il convient d’examiner
son statut de membre pendant la période en question sur une base
empirique, fonctionnelle, et au cas par cas.» 8

Appliquant cette approche «fonctionnelle», la Chambre de première ins-
tance conclut que «la RFY était de fait un membre de l’Organisation des
Nations Unies, tant à la date de l’adoption du Statut, en 1993, qu’à celle
9
de la commission des infractions alléguées, en 1999» .
11. L’admission officielle de la RFY à l’Organisation des

8Le Procureur c. Milan Milutinovic´, affaire n IT-99-37-PT, décision relative à l’excep-
tion préjudicielle d’incompétence, 6 mai 2003, par. 37-38, exception d’incompétence
rejetée, affaire n-99-37-AR72.2, décision du 12 mai 2004 (références omises).
9
Ibid., par. 39.

781235 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP. OP. ELARABY )

10
ber 2000 , as was found in the 2003 Application for Revision case,

“cannot have changed retroactively the sui generis position which the

FRY found itself in vis-à-vis the United Nations over the period
1992 to 2000, or its position in relation to the Statute of the Court”
(Application for Revision of the Judgment of 11 July 1996 in the

Case concerning Application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze-
govina v. Yugoslavia), Preliminary Objections (Yugoslavia v. Bosnia

and Herzegovina), Judgment, I.C.J. Reports 2003 , p. 31, para. 71;
emphasis added).

12. Again the ICTY Chamber reached the same conclusion when it

held that:

“the formal admission of the FRY to membership in 2000 in no way
invalidates [the] finding that the FRY retained sufficient indicia of
membership during that period to be amenable to the regime of the

Security Council resolutions adopted under the United Nations
Charter for the maintenance of international peace and security” . 11

13. The Court has now characterized the FRY’s sui generis position as
one that “could not have amounted to its membership in the Organiza-
tion” (Judgment, para. 77) and held that the FRY’s admission to the

United Nations in 2000 “did not have and could not have had, the effect
of dating back to the time when the Socialist Federal Republic of Yugo-
slavia broke up and disappeared” (ibid.). This, in my view, lacks a solid

legal basis. Whereas the Security Council and General Assembly were
acting in a political capacity when the relevant resolutions were adopted,
the Court, throughout the various phases of the cases related to the

former Yugoslavia, should have consistently stated and applied the appli-

10On 27 October 2000, the President of the FRY addressed a letter to the Secretary-
General requesting admission of the FRY to membership, stating that

“[i]n the wake of fundamental democratic changes that took place in the Federal
Republic of Yugoslavia, in the capacity of President, I have the honour to request the
admission of the Federal Republic of Yugoslavia to membership in the United
Nations in light of the implementation of Security Council resolution 777 (1992)”
(United Nations doc. A/55/528-S/2000/1043, Annex).

As a result, on 1 November 2000, the General Assembly adopted resolution 55/12, stating
that “[h]aving received the recommendation of the Security Council of 31 October 2000
that the Federal Republic of Yugoslavia should be admitted to membership in the United
Nations” and “[h]aving considered the application for membership of the Federal Repub-
lic of Yugoslavia”, it “[d]ecides to admit the Federal Republic of Yugoslavia to mem-
bership in the United Nations”.
11Prosecutor v. Milan Milutinovic, Case No. IT-99-37-PT, Decision on Motion Chal-
lenging Jurisdiction, 6 May 2003, para. 44, appeal dismissed, Case No. IT-99-37-AR72.2,
Decision of 12 May 2004.

79 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1235

Nations Unies, le 1 er novembre 2000 , ainsi que l’a dit la Cour en

l’affaire de la Demande en revision de 2003,

«ne peut avoir rétroactivement modifié la situation sui generis dans
laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l’Organisation des

Nations Unies pendant la période 1992-2000, ni sa situation à l’égard
du Statut de la Cour» (Demande en revision de l’arrêt du
11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’ Application de la convention

pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie

c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003 , p. 31, par. 71; les
italiques sont de moi).

12. Sur ce point aussi, la Chambre du TPIY est parvenue à la même

conclusion, estimant que

«l’admission officielle de la RFY à l’Organisation en 2000 n’infirm[e]
en rien la conclusion selon laquelle il subsistait suffisamment de

marques de son appartenance à l’Organisation pendant la période
concernée pour que les résolutions adoptées par le Conseil de
sécurité en vertu de la Charte des Nations Unies dans le but de
11
maintenir la paix et la sécurité internationales lui soient applicables».

13. La Cour juge désormais que la situation sui generis de la RFY «ne
pouvait être regardée comme équivalant à la qualité de Membre de

l’Organisation» (arrêt, par. 77) et dit que l’admission de la RFY au sein
de l’Organisation des Nations Unies «n’a pas remonté et n’a pu remonter

à l’époque de l’éclatement et de la disparition de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie» (ibid.). Ce constat ne repose, à mon sens, sur
aucune base juridique solide. Si le Conseil de sécurité et l’Assemblée

générale, au moment de l’adoption des résolutions pertinentes, agissaient en
leur qualité d’organes politiques, la Cour aurait dû quant à elle, à toutes
les étapes des affaires auxquelles l’ex-Yougoslavie était partie, systé-

10 Le 27 octobre 2000, le président de la RFY adressa au Secrétaire général une lettre
ainsi libellée sollicitant l’admission de la RFY à l’Organisation:

«Après l’évolution démocratique fondamentale qui s’est produite en République
fédérale de Yougoslavie, j’ai l’honneur, en ma qualité de Président, de demander
l’admission de la République fédérale de Yougoslavie à l’Organisation des
Nations Unies, comme suite à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité.»
(Nations Unies, doc. A/55/528-S/2000/1043, annexe.)

En conséquence, le 1rnovembre 2000, l’Assemblée générale adopta la résolution 55/12,
indiquant qu’«[a]yant examiné la recommandation du Conseil de sécurité, en date du
31 octobre 2000, tendant à ce que la République fédérale de Yougoslavie soit admise à
l’Organisation des Nations Unies» et «[a]yant examiné la demande d’admission présentée
par la République fédérale de Yougoslavie», elle «[d]écid[ait] d’admettre la République

fé11rale de Yougoslavie à l’Organisation des oations Unies».
Le Procureur c. Milan Milutinovic´, affaire n IT-99-37-PT, décision relative à l’excep-
tion préoudicielle d’incompétence, 6 mai 2003, par. 44, exception d’incompétence rejetée,
affaire nIT-99-37-AR72.2, décision du 12 mai 2004.

791236 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP. OP. ELARABY )

cable law. This approach would have yielded an outcome consistent with
the law of the Charter and the established practice of the United Nations

and, I believe, would have led the Court to find that the FRY was a
member of the United Nations when, in 1999, it filed its application in
the instant case. Therefore, the Court should have concluded that it was

open to the FRY under Article 35, paragraph 1.

III. ACCESS TO THE C OURT UNDER ARTICLE 35,
PARAGRAPH 2

1. The FRY did not invoke Article 35, paragraph 2, of the Court’s
Statute as a basis for the Court’s jurisdiction. The Court decided proprio
12
motu to address it , holding that the FRY, as a non-party to the Statute,
could not invoke a treaty which entered into force after the entry into
force of the Statute as a basis for access to the Court under Article 35,

paragraph 2. I have explained the reasons for my disagreement with the
Court’s conclusion that the FRY was not a Member of the United
Nations in 1999. However, assuming that it was a non-Member, I also

cannot agree that it would not have access to the Court under the pro-
visions of Article 35, paragraph 2.
2. Article 35, paragraph 2, of the Court’s Statute provides that:

“The conditions under which the Court shall be open to other

States shall, subject to the special provisions contained in treaties in
force, be laid down by the Security Council, but in no case shall such
conditions place the parties in a position of inequality before the

Court.”

3. There are two questions relevant to an Article 35, paragraph 2,
examination: first, whether a “treaty in force” may provide a basis for the
Court’s jurisdiction instead of, rather than in combination with, compli-
ance with the requirements laid down by the Security Council in its reso-

lution 9 of 1946; and second, whether the Genocide Convention can be
considered a “treaty in force”.

12
Although the Court is free to decide the issues submitted to it by the Parties for
reasons other than those advanced by the Parties, it is undesirable as a matter of judicial
policy for the Court to raise proprio motu a legal argument that is not determinative of
one of the Applicant’s submissions, unless there are “compelling considerations of inter-
national justice and of development of international law which favour a full measure of
exhaustiveness” on the matter. Compare Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v.
United States of America), I.C.J. Reports 2003 , p. 232, para. 27, separate opinion of
Judge Higgins (“it is unlikely to be ‘desirable’ to deal with important and difficult matters,
which are gratuitous to the determination of a point of law put by the Applicant in its
submissions”) with Lauterpacht, The Development of International Law by the Interna-
tional Court, 1982, p. 37.

80 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1236

matiquement dire et appliquer le droit applicable — démarche qui lui
aurait permis d’assurer la conformité avec les dispositions de la Charte et
la pratique établie de l’Organisation des Nations Unies et qui l’aurait,

selon moi, conduite à conclure que la RFY était Membre de l’Organisa-
tion des Nations Unies en 1999, date du dépôt de sa requête en la pré-
sente espèce. La Cour aurait donc dû conclure qu’elle était ouverte à la

RFY en vertu du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut.

III. Q UALITÉ POUR ESTER DEVANT LA COUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 2
DE L ’ARTICLE 35 DU STATUT

1. La RFY n’a pas invoqué le paragraphe 2 de l’article 35 du Statut de

la Cour pour fonder la compétence de celle-ci. La Cour a décidé de l’exa-
miner de sa propre initiative , et a estimé que la RFY, Etat non partie
au Statut, ne pouvait se prévaloir d’un traité entré en vigueur après le

Statut pour fonder son droit d’ester devant la Cour aux termes du para-
graphe 2 de l’article 35. J’ai expliqué pourquoi je ne saurais me rallier à la
conclusion de la Cour selon laquelle la RFY n’était pas membre de

l’Organisation des Nations Unies en 1999. Toutefois, même dans l’hypo-
thèse contraire, je ne souscrirais pas à l’idée que la Cour n’était pas non
plus ouverte à la RFY en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut.

2. Le paragraphe 2 de l’article 35 du Statut de la Cour dispose:

«Les conditions auxquelles [la Cour] est ouverte aux autres Etats
sont, sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur,

réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu’il
puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.»

3. L’examen du paragraphe 2 de l’article 35 soulève deux questions,

celles de savoir, d’une part, si la compétence de la Cour peut être fondée
sur un «trait[é] en vigueur» sans — et non sous réserve — qu’il soit satis-
fait aux exigences énoncées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 9

de 1946; et, d’autre part, si la convention sur le génocide peut être regar-
dée comme un «trait[é] en vigueur».

12
S’il lui est loisible de trancher les questions qui lui ont été soumises sur la base de
considérations autres que celles avancées par les Parties, il n’est pas souhaitable, du point
de vue de la politique judiciaire, que la Cour soulève de sa propre initiative un argument
juridique qui ne lui sert pas à se prononcer sur l’une des conclusions du demandeur, à
moins que «de puissantes considérations — tenant à la justice internationale et au déve-
loppement du droit international — [ne] militent en faveur du caractère entièrement
exhaustif» de l’examen de la question. Comparer l’affaire des Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), C.I.J. Recueil 2003 , opinion
individuelle de Me le juge Higgins, par. 27 («il est peu vraisemblable qu’il soit «sou-
haitable» de traiter de questions importantes et difficiles sans rapport avec l’établissement
d’un point de droit soulevé par le demandeur dans ses conclusions») et Lauterpacht, The
Development of International Law by the International Court , 1982, p. 37.

801237 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP. OP. ELARABY )

4. In respect of the first question, I agree with the Court’s previous

finding that

“proceedings may validly be instituted by a State against a State
which is a party to such a special provision in a treaty in force, but
is not party to the Statute, and independently of the conditions laid

down by the Security Council in its resolution 9 of 1946” (Applica-
tion of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide, Provisional Measures, Order of 8 April 1993,
13
I.C.J. Reports 1993, p. 14, para. 19; emphasis added) .

5. In regard to the second question, I agree with the Court’s previous
finding that “Article IX of the Genocide Convention... could...be
regarded prima facie as a special provision contained in a treaty in force

[so as to come] prima facie within the jurisdiction ratione personae of the
Court” (ibid.). The Court now holds, however, that “treaty in force”
means a “treaty in force at the time that the Court’s Statute came into

force”, and therefore concludes that the Genocide Convention, having
come into force after the Court’s Statute, does not give the FRY access
to the Court under Article 35, paragraph 2.

6. The Court begins its analysis of Article 35, paragraph 2, by noting
that

“[a]s for the words ‘treaties in force’, in their natural and ordinary
meaning they do not indicate at what date the treaties contemplated

are to be in force, and thus they may lend themselves to different
interpretations. One can construe those words as referring to treaties
which were in force at the time that the Statute itself came into force,
as was contended by certain Respondents; or to those which were in

force on the date of the institution of proceedings in a case in which
such treaties are invoked. In favour of this latter interpretation, it
may be observed that the similar expression ‘treaties and conven-
tions in force’ is found in Article 36, paragraph 1, of the Statute, and

the Court has interpreted it in this sense...The expression ‘treaty
or convention in force’ in Article 37 of the Statute has also been read
as meaning in force at the date proceedings were instituted.” (Judg-
ment, para. 103; internal citations omitted.)

13See also League of Nations, Records of the First Assembly, Meetings of the Com-
mittees, Third Committee, Annex 7, Report Submitted to the Third Committee by
M. Hagerup on behalf of the Sub-Committee , p. 532:

“The access of other [non-members of the League of Nations] States to the Court
will depend either on the special provisions of the Treaties in force (for example the
provisions of the Treaties of Peace concerning the rights of minorities, labour, etc.) or
else on a resolution of the Council.” (Emphasis added.)

81 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1237

4. S’agissant de la première question, je souscris à la conclusion énon-

cée par la Cour dans une précédente décision, selon laquelle

«une instance peut être valablement introduite par un Etat contre un
autre Etat qui, sans être partie au Statut, est partie à une [telle] dis-
position particulière d’un traité en vigueur, et ce indépendamment

des conditions réglées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 9
(1946)» (Application de la convention pour la prévention et la répres-
sion du crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance

du 8 avri131993, C.I.J. Recueil 1993 , p. 14, par. 19; les italiques sont
de moi) .

5. S’agissant de la seconde, je m’associe à cette autre conclusion for-
mulée par la Cour à la même occasion, selon laquelle «l’article IX de la
convention sur le génocide ... pourrait être considér[é] prima facie comme

une disposition particulière d’un traité en vigueur [de manière que le dif-
férend relève] ... prima facie de la compétence ratione personae de la
Cour» (ibid.). Or, la Cour affirme à présent que l’expression «traités en

vigueur» vise les «traités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du
Statut de la Cour» et, la convention sur le génocide étant entrée en
vigueur après le Statut de la Cour, en conclut que cette dernière n’est pas
ouverte à la RFY en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut.

6. La Cour commence son analyse du paragraphe 2 de l’article 35 par
le constat suivant:

«Quant à l’expression «traités en vigueur», son sens naturel et
ordinaire ne fournit pas d’indication quant à la date à laquelle les

traités visés doivent être en vigueur, et par conséquent elle peut être
interprétée de différentes manières. On peut l’interpréter comme
visant les traités qui étaient en vigueur à la date à laquelle le Statut
lui-même était entré en vigueur, comme l’ont fait certains défen-

deurs; ou comme visant les traités qui étaient en vigueur à la date de
l’introduction de l’instance dans une affaire où ces traités sont invo-
qués. On peut rappeler à l’appui de cette dernière interprétation que
l’expression «traités et conventions en vigueur» se retrouve égale-

ment au paragraphe 1 de l’article 36 du Statut, et la Cour l’a inter-
prétée en ce sens... L’expression «un traité ou une convention en
vigueur» figurant à l’article 37 du Statut a elle aussi été interprétée
comme signifiant «en vigueur» à la date de l’introduction de l’ins-

tance.» (Arrêt, par. 103; références omises.)

13Voir également Société des Nations, Actes de la Première Assemblée, séances des
Commissions, vol. I, Troisième Commission, annexe 7, Rapport présenté à la Troisième
Commission par M. Hagerup, au nom de la Sous-Commission , p. 532:

«pour les autres Etats [non membres de la Société des Nations], leur accès à la Cour
dépendra ou bien des dispositions particulières des traités en vigueur (par exemple les
dispositions dans les traités de paix concernant le droit des minorités, le travail, etc.)
ou bien d’une résolution du Conseil» (les italiques sont de moi).

811238 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP .OP . ELARABY )

7. Even assuming — without deciding 14 — that the Court is correct in

holding that the term “treaties in force” should be given a more restric-
tive interpretation than the interpretation it is given when it appears in
Articles 36 and 37, in my view the interpretation adopted by the Court —

limiting “treaties in force” to treaties in force at the time the Court’s
Statute came into force — is unduly restrictive.
8. The Court’s interpretation of “treaties in force” is primarily based

on statements in the travaux préparatoires of the Statute of the Perma-
nent Court of International Justice (PCIJ), which contained the original,
and substantially identical, provision. These statements suggest to the

Court that when considering the term “treaties in force” in Article 35,
paragraph 2, the provision’s drafters had in mind the peace treaties with

former First World War enemy States (who were not Members of the
League of Nations and would otherwise not have access to the Court)
concluded before the entry into force of the Court’s Statute.

9. However, there is evidence from the discussion of the Statute’s

drafters that such a narrow interpretation is not warranted. The peace
treaties were considered to encompass all “Treaties of Peace dealing with
the rights of minorities, labour, etc.” 15 including any “Treaties other than
16
the German Treaty [that] form[ed] part of the general peace settlement”
and provided for judicial dispute settlement. This interpretation was con-

firmed in 1926 when the Court was considering amendments to the
Court’s Rules. At this juncture it was stated that Article 35 related to
“situations provided for by the treaties of peace” (1926, P.C.I.J., Series D ,

No. 2, Add., Acts and Documents , p. 106; emphasis added). And “it was
decided...nottolay down, once and for all, in what cases” such treaties

14 The Court’s interpretation conflicts with the prior jurisprudence of the Permanent
Court in the Certain German Interests in Polish Upper Silesia case, in which the Perma-
nent Court impliedly construed the expression “treaties in force” as meaning any treaty in
force at the time when the case was brought before the Court (P.C.I.J., Series A, No. 6) .

See also statement of Registrar Ake Hammarskjöld:
“The Council’s Resolution of May 17th, 1922, would have no bearing on cases
submitted to the Court under a general treaty; for any State which was a party to a
general treaty might then, without making any special declaration [as required by the
Security Council resolution], be a party before the Court. The only case, therefore, in

which the Council’s resolution applied was that in which a suit was brought before
the Court by special agreement.” (1926, P.C.I.J., Series D , No. 2, Add., Revision of
the Rules of the Court, p. 76.)
15 League of Nations, Records of the First Assembly, Plenary Meetings, Twentieth
Plenary Meeting, Annex A, Reports on the Permanent Court of [International] Justice

Pr16ented by the Third Committee to the Assembly, 1920, p. 463.
Secretariat of the League of Nations, Memorandum on the Different Questions
Arising in Connection with the Establishment of the Permanent Court of International
Justice, reprinted in PCIJ, Advisory Committee of Jurists, Documents Presented to the
Committee Relating to Existing Plans for the Establishment of a Permanent Court
of International Justice , 1920, p. 17.

82 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP .IND . ELARABY ) 1238

14
7. A supposer même — sans pour autant conclure — que la Cour a
raison d’estimer que l’expression «traités en vigueur» doit être ici inter-
prétée plus étroitement que lorsqu’elle apparaît dans les articles 36 et 37,

l’interprétation retenue par la Cour — à savoir que ladite expression ren-
verrait aux seuls traités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur de son

Statut — est, à mon sens, par trop restrictive.
8. L’interprétation que donne la Cour de l’expression «traités en
vigueur» repose essentiellement sur des observations faites dans le cadre

des travaux préparatoires du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale (CPJI), dans lequel était énoncée la disposition initiale,
fondamentalement identique. La Cour infère de ces déclarations que,

pour les auteurs du paragraphe 2 de l’article 35, l’expression «traités en
vigueur» visait les traités de paix conclus avec les Etats qui s’étaient trou-

vés dans le camp ennemi au cours de la première guerre mondiale (les-
quels, n’étant pas membres de la Société des Nations, n’auraient pas eu
autrement accès à la Cour), traités conclus avant l’entrée en vigueur du

Statut de la Cour.
9. Il ressort toutefois des discussions que tinrent les rédacteurs du Sta-

tut qu’une interprétation aussi étroite n’a pas lieu d’être. Les traités de
paix étaient réputés comprendre tous les «traités de paix visant les droits
des minorités, le travail, etc.» 15 et, entre autres, tous les «traités, autres

que le traité avec l’Allemagne, [faisant] partie du règlement général de la
paix» 16 et prévoyant un règlement judiciaire des différends. Cette inter-

prétation fut confirmée en 1926 dans le cadre de l’examen par la Cour
d’amendements à son Règlement. Il fut alors précisé que l’article 35
concernait les «situations prévues par les traités de paix» (1926, C.P.J.I.
o
série D n 2, add., Actes et documents , p. 106; les italiques sont de moi),
et «décidé ... de ne point fixer dorénavant les cas où» ces traités pour-

14 L’interprétation de la Cour va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour perma-
nente en l’affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise , dans

laquelle l’expression «traités en vigueur» a implicitement été interprétée comme visant
tout traité en vigoeur à la date de l’introduction de l’instance devant la Cour
(C.P.J.I. série A n 6). Voir aussi la déclaration d’Ake Hammarskjöld, greffier:
«[L]a résolution du Conseil du 17 mai 1922 ne peut avoir aucune portée sur les

affaires dont la Cour est saisie en vertu d’un traité général; car tout Etat qui est par-
tie à un traité général peut alors, sans aucune déclaration spéciale, être partie devant
la Cour. Il ne subsiste alors, comme seul domaine d’application de la résolution du
Conseil, que le cas où la Cour est saisie par compromis.» (1926, C.P.J.I. série D n
add., «Revision du Règlement de la Cour», p. 76.)

15 e
Société des Nations, Actes de la Première Assemblée, séances plénières, 20 séance
plénière, annexe A, Rapports sur la Cour permanente de Justice internationale présentés
par la Troisième Commission à l’Assemblée , 1920, p. 463.
16 Secrétariat de la Société des Nations, «Mémorandum sur les différentes questions
concernant l’établissement de la Cour permanente de Justice internationale», réimprimé
in Cour permanente de Justice internationale, comité consultatif de juristes, Documents
présentés au comité et relatifs à des projets déjà existants pour l’établissement d’une Cour

permanente de Justice internationale , 1920, p. 16.

821239 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP. OP. ELARABY )

might provide non-League Members access to the Court . 17

10. Indeed, there were numerous treaties and conventions connected
with the Peace Settlement of 1919, including labour treaties adopted by

the International Labour Conference, treaties regarding the various man-
dates approved by the Council of the League of Nations, and treaties
18
concerning the protection of minorities .
11. By analogy, in the context of the Statute of the International
Court of Justice drafted in the aftermath of the Second World War, the

Genocide Convention can be considered a treaty connected with the
peace settlement. Barely a year after the end of the war, there was already
19
a General Assembly resolution mandating the Economic and Social
Council to prepare a draft convention prohibiting genocide as a crime
against international law. The Convention was the first post-war treaty in

the area of human rights and was considered to be the United Nations’
first concrete legal response to the Holocaust. The philosophy, object and
purpose of the Convention as a whole are a direct outcome of the tragic

events of the Second World War. Thus, when the Convention was
drafted, it was stressed that

“Having regard to the troubled state of the world, it was essential
that the convention should be adopted as soon as possible, before

the memory of the barbarous crimes which had been committed
faded from the minds of men.” 20

12. The fact that the Genocide Convention came into force after the
Statute of the Court does not change this conclusion. The PCIJ drafters
clearly contemplated that the treaties “in force” under Article 35 included

not only those that were already in force, but also treaties granting non-
League Members access to the Court which were still in draft form and
under negotiation . 21

13. This is confirmed in the Permanent Court’s jurisprudence in the

Certain German Interests in Polish Upper Silesia case (P.C.I.J., Series A,
No. 6). In this case, Germany, a non-League Member, was the applicant

17
Report of the Registrar of the Court, reprinted in 1936, P.C.I.J., Series D, No. 2 ,
3rd Add., p. 818: “It was decided...nlydown, once and for all, in what cases
declarations were required (question of the Peace Treaties).”
18See M. Hudson, The Permanent Court of International Justice 1920-1942, 1972,
pp. 439-444 (giving examples).
19United Nations doc. A/96 (I) (11 December 1946).
20United Nations, Official Records of the General Assembly, Committees, Third Ses-
sion, Part I, Sept.-Dec. 1948, Vol. 4, Report of the Economic and Social Council ,

Si21h Committee, Legal Questions, Sixty-third Meeting (1948), p. 5.
Secretariat of the League of Nations, Memorandum on the Different Questions
Arising in Connection with the Establishment of the Permanent Court of International
Justice, op. cit., p. 17.

83 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND . ELARABY ) 1239

raient permettre aux Etats non membres de la Société des Nations d’ester
devant la Cour . 17
10. De fait, il existait nombre de traités et conventions liés au règle-

ment de la paix de 1919, parmi lesquels figuraient des traités relatifs au
travail adoptés par la Conférence internationale du Travail, des traités

portant sur les divers mandats approuvés par le Conseil de la Société d18
Nations et des traités concernant la protection des minorités .
11. Par analogie, dans le contexte de la rédaction, au lendemain de la

seconde guerre mondiale, du Statut de la Cour internationale de Justice,
la convention sur le génocide peut être considérée comme un traité lié au
règlement de la paix. Moins d’un an après la fin de la guerre, une résolu-
19
tion de l’Assemblée générale chargeait déjà le Conseil économique et
social de préparer un projet de convention interdisant le génocide en tant

que crime de droit international. La convention fut le premier traité
d’après-guerre dans le domaine des droits de l’homme et fut considérée
comme la première réponse juridique concrète de l’Organisation des

Nations Unies aux exterminations nazies. La philosophie, l’objet et le but
de la convention dans son ensemble sont la conséquence directe des évé-

nements tragiques de la seconde guerre mondiale. Ainsi, lors des travaux
de rédaction, il fut insisté sur le fait que,

«[d]ans [c]e monde troublé ... il [était] essentiel d’adopter cette

convention au plus vite, avant que les crimes atroces qui [avaie]nt été
commis ne dispar[u]ssent de la mémoire des hommes» . 20

12. Que la convention sur le génocide soit entrée en vigueur après le
Statut de la Cour ne modifie nullement cette conclusion. Les rédacteurs

du Statut de la CPJI considéraient de toute évidence que les «traités en
vigueur» au sens de l’article 35 comprendraient non seulement les instru-

ments déjà en vigueur, mais également les traités — encore à l’état de
projet et en cours de négociation — conférant à des Etats non membres
de la Société des Nations le droit d’ester devant la Cour . 21

13. La jurisprudence de la Cour permanente en l’affaire relative à Cer-
tains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (C.P.J.I. série A n o 6)

le confirme: la demanderesse en cette affaire était l’Allemagne, Etat non

17 Rapport du greffier de la Cour, réimprimé in 1936, C.P.J.I. série D n2, troisième
addendum, p. 818: «Il a été décidé ... de ne point fixer dorénavant les cas où la déclaration

se18 requise (question des traités de paix).»
Voir M. Hudson, The Permanent Court of International Justice 1920-1942 , 1972,
p. 439-444 (qui fournit des exemples).
19 Nations Unies, doc. A/96 (I), 11 décembre 1946.
20 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session,
première partie, septembre-décembre 1948, vol. 4, rapport du Conseil économique et
social, Sixième Commission, questions juridiques, 63séance, 1948, p. 5.
21 Secrétariat de la Société des Nations, «Mémorandum sur les différentes questions
concernant l’établissement de la Cour permanente de Justice internationale», op. cit.,

p. 16.

831240 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP .OP .ELARABY )

and the PCIJ’s jurisdiction was derived from the German-Polish Conven-
tion relating to Upper Silesia, which was concluded after the adoption of

the PCIJ Statute. Poland did not dispute the fact that the suit had been
duly submitted to the Court under Article 35, and the Court found itself,
on the basis of the treaty alone — (Germany had not complied with the

conditions laid down by the Council of the League of Nations) — able to
exercise jurisdiction over the parties to the case.
14. When the PCIJ considered the revision of its Rules in 1926,

Judge Anzilotti explained that the German Interests case

“related to a treaty — the Upper Silesian Convention — drawn up
under the auspices of the League of Nations which was to be consid-
ered as supplementary to [a First World War Peace Treaty,] the

Treaty of Versailles. It was therefore possible to include the case in
regard to which the Court had then to decide in the general expres-
sion ‘subject to treaties in force’, whilst construing that expression as
22
referring to the peace treaties.”

Similarly, being the first major human rights convention drawn up under
the auspices of the United Nations , the Genocide Convention can be
considered supplementary to the Second World War peace treaties and

consequently comes within the definition of Article 35’s “treaties in
force” even though it entered into force after the Statute of the Court.

15. As an additional argument, I believe that even if one adopts the
Court’s interpretation of “treaties in force” as encompassing only those
treaties which, like the Peace Treaties, were in force before the Statute of
23
the Court came into force , a special, broader interpretation of the
expression is appropriate in a case which, like the present case, involves a
multilateral treaty of a universal character which is intended to remedy

violations of jus cogens. On this point, I subscribe to the view of Pro-
fessor Sienho Yee, that in cases involving jus cogens, there is a special
need

“to... resolv[e] disputes...as soon as possible. As treaties may not
override jus cogens , they should not hinder efforts to remedy vio-

lations of jus cogens. Accordingly, the phrase ‘treaties in force’
should be given the broadest scope so as to facilitate any consenting

22Minutes of Meeting of the PCIJ on 21 July 1926 on amending its Rules of Court, at
1926, P.C.I.J., Series D, No. 2 , Add., Acts and Documents, p. 105; emphasis added.

23The Court notes in paragraph 115 that, in the context of the present Court, there
were no such treaties in force prior to the Statute.
24Vienna Convention on the Law of Treaties, Art. 53. See also Ian Brownlie, Principles
of Public International Law, 4th ed., 1990, pp. 512-515.

84 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND .ELARABY ) 1240

membre de la Société des Nations, et la compétence de la CPJI procédait
de la convention germano-polonaise relative à la Haute-Silésie, conclue
après l’adoption du Statut de la CPJI. La Pologne ne contesta pas que

l’instance eût été dûment soumise à la Cour aux termes de l’article 35, et
la Cour se déclara, sur la base de ce seul traité (l’Allemagne n’avait pas
satisfait aux conditions énoncées par le Conseil de la Société des Nations),

à même d’exercer sa compétence à l’égard des parties à l’affaire.
14. Lorsque la CPJI procéda à la revision de son Règlement en 1926,
le juge Anzilotti expliqua qu’il s’agissait, dans l’affaire relative à Certains

intérêts allemands,

«d’un traité — la convention de Haute-Silésie — rédigé sous les aus-
pices de la Société des Nations et qui devait être considéré comme un
complément [d’un traité de paix conclu au lendemain de la première

guerre mondiale, le] traité de Versailles. Il [était] donc possible
de faire rentrer le cas sur lequel la Cour a[vait] alors statué

dans l’expression générale «sous réserve des traités en vigueur»,
tout en interprétant cette expression comme visant les traités de
paix.» 22

De même, en tant que première grande convention relative aux droits de

l’homme rédigée sous les auspices des Nations Unies , la convention sur le
génocide peut être considérée comme un complément des traités de paix
conclus à l’issue de la seconde guerre mondiale et relève par conséquent

de la définition des «traités en vigueur» figurant à l’article 35, bien qu’elle
soit entrée en vigueur après le Statut de la Cour.
15. J’ajouterai, à titre subsidiaire, que même si l’on retient l’interpréta-

tion de la Cour selon laquelle l’expression «traités en vigueur» ne vise
que les traités qui, à l’instar des traités de paix, étaient en vigueur avant
l’entrée en vigueur du Statut de la Cour , une interprétation particulière,

plus large, de cette expression me semble s’imposer dans une affaire qui,
telle la présente, concerne un traité multilatéral à caractère universel des-
tiné à remédier à des violations du jus cogens. Sur ce point, je souscris au

point de vue de M. Sienho Yee, selon lequel, dans les affaires relevant du
jus cogens, il est tout particulièrement nécessaire

«de résoudre les différends ... dans les meilleurs délais. De même
qu’ils ne sauraient prévaloir sur le jus cogens , les traités ne doivent

pas gêner les efforts tendant à remédier aux violations de celui-ci. En
conséquence, il convient de donner à l’expression «traités en vigueur»

22 Procès-verbal de la séance consacrée par la CPJI à la revision de son Règlement le
21 juillet 1926, C.P.J.I. série D nadd., Actes et documents , p. 105; les italiques sont de
moi.
23 La Cour note au paragraphe 115 de son arrêt que, en ce qui concerne la présente
Cour, aucun traité de cette nature n’était en vigueur avant l’entrée en vigueur du Statut.
24 Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 53. Voir également Ian Brownlie,
Principles of Public International Law ,4d., 1990, p. 512-515.

841241 LEGALITY OF USE OF FORCE SEP. OP. ELARABY )

sovereign State to utilise the Court to resolve any disputes involving
25
jus cogens.”

16. Thus, even if the PCIJ drafters primarily had in mind the special

category of existing peace treaties, to the exclusion of all others, their
original intent should give way, in the context of the ICJ Statute, to a
broader interpretation of “treaties in force” that includes multilateral
treaties addressing jus cogens violations which have largely emerged in

the post-Second World War era.

17. Because of the overriding importance of such treaties to the pro-

gressive development of international law and the maintenance of peace,
they are, and should be, subject to a special interpretation. Cf. Article 60,
paragraph 5, of the Vienna Convention on the Law of Treaties (non-
applicability of treaty termination rules to “provisions relating to the

protection of the human person contained in treaties of a humanitarian
character”); the Court’s Advisory Opinion on Reservations to the Geno-
cide Convention (limiting ability of States to enter reservations to the
Genocide Convention) (Reservations to the Convention on the Prevention

and Punishment of the Crime of Genocide, Advisory Opinion, I.C.J. Reports
1951, p. 24), and Order on counter-claims in the Application of the Geno-
cide Convention case (limiting applicability of reciprocity rules in context
of Genocide Convention) (Application of the Convention on the Preven-

tion and Punishment of the Crime of Genocide, Counter-Claims, Order of
17 December 1997, I.C.J. Reports 1997, p. 258, para. 35).

18. In sum, the Genocide Convention and other treaties that either
relate to the peace settlement following the Second World War or are
aimed at redressing violations of jus cogens should be interpreted as

“treaties in force” under Article 35, paragraph 2, as long as they are in
force at the time an application is instituted before the Court.

IV. J URISDICTION UNDER THE G ENOCIDE C ONVENTION

1. The Court found that the FRY did not have access to the

Court and the Court did not therefore consider it necessary to decide
whether the FRY was or was not a party to the Genocide Convention
at the time it filed its Application. In my view, the FRY did have access
to the Court under the provisions of Article 35 and I shall proceed to

25
S. Yee, “The Interpretation of ‘Treaties in Force’ in Article 35 (2) of the Statute of
the ICJ”, 47 ICLQ 884, 903 (1998).

85 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1241

une portée aussi vaste que possible, de manière à permettre à tout

Etat souverain consentant de recourir facilement à l25Cour en vue de
résoudre tout différend relevant du jus cogens.»

16. Ainsi, quand bien même les rédacteurs du Statut de la CPJI
auraient eu à l’esprit les seuls traités de paix existants, à l’exclusion de

toute autre catégorie de traités, il y aurait lieu, dans le contexte du Statut
de la CIJ, d’aller au-delà de leur intention initiale, pour privilégier une
interprétation plus large de l’expression «traités en vigueur» incluant les
traités multilatéraux relatifs à des violations du jus cogens conclus pour la

plupart après la seconde guerre mondiale.
17. Compte tenu de l’importance fondamentale qu’ils revêtent pour le
développement progressif du droit international et le maintien de la paix,
ces traités font et doivent faire l’objet d’une interprétation particulière.

(Voir le paragraphe 5 de l’article 60 de la convention de Vienne sur le
droit des traités (prévoyant l’inapplicabilité des règles relatives à l’extinc-
tion d’un traité aux dispositions relatives à la protection de la personne
humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire); l’avis

consultatif rendu par la Cour sur les Réserves à la convention sur le géno-
cide (restreignant la capacité des Etats à formuler des réserves à la
convention sur le génocide) (Réserves à la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951 ,

p. 24) et l’ordonnance sur les demandes reconventionnelles rendue en
l’affaire relative à l’Application de la convention sur le génocide (limitant
l’applicabilité des règles de réciprocité dans le contexte de la convention
sur le génocide) (Application de la convention pour la prévention et la

répression du crime de génocide, demandes reconventionnelles, ordon-
nance du 17 décembre 1997, C.I.J. Recueil 1997 , p. 258, par. 35).)
18. En résumé, la convention sur le génocide et les autres traités qui

sont ou bien liés au règlement de la paix intervenu à l’issue de la seconde
guerre mondiale, ou bien destinés à remédier à des violations du jus
cogens doivent être réputés constituer des «traités en vigueur» au sens du
paragraphe 2 de l’article 35, sous réserve d’être en vigueur à la date du

dépôt d’une requête devant la Cour.

IV. C OMPÉTENCE SUR LA BASE DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE

1. La Cour a conclu qu’elle n’était pas ouverte à la RFY et n’a, en
conséquence, pas jugé nécessaire de se prononcer sur la question de
savoir si la RFY était ou non partie à la convention sur le génocide à la
date du dépôt de sa requête. Or, à mon sens, la Cour était ouverte à la

RFY en vertu des dispositions de l’article 35 du Statut; j’examinerai donc

25S. Yee, «The Interpretation of «Treaties in Force» in Article 35 (2) of the Statute of
the ICJ», 47 ICLQ 884, p. 903, 1998.

851242 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP.OP .ELARABY )

examine the Genocide Convention as a basis for the Court’s jurisdic-
26
tion .
2. During the period 1992-2000, the treaty obligations of the SFRY
extended to each of the successor States. This is true regardless of

whether or not the FRY was a member of the United Nations during this
period. As the Court notes in paragraph 70, the United Nations Office of
Legal Affairs in its “Summary of Practice of the Secretary-General as

Depositary of Multilateral Treaties” published in 1996, concluded that
the legal effects of General Assembly resolution 47/1 were limited to the
framework of the United Nations and did not affect the rules of treaty
succession:

“[A]fter the separation of parts of the territory of the Union of
Soviet Socialist Republics (which became independent States), the
Union of Soviet Socialist Republics (as the Russian Federation) con-

tinued to exist as a predecessor State, and all its treaty rights and
obligations continued in force in respect of its territory. The same
applies to the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Monte-

negro), which remains as the predecessor State upon separation of
parts of the territory of the former Yugoslavia. General Assembly
resolution 47/1 of 22 September 1992, to the effect that the Federal

Republic of Yugoslavia could not automatically continue the
membership of the former Yugoslavia in the United Nations... was
adopted within the framework of the United Nations and the con-

text of the Charter of the United Nations, and not as an indication
that the Federal Republic of Yugoslavia was not to be considered a
predecessor State.” 27

3. Indeed, during this period, the FRY continued to claim that it was
a successor State to the SFRY and that, as such, it was bound by all the
treaty obligations of the predecessor State. On 27 April 1992, the FRY

submitted a note to the Secretary-General in which it declared explicitly

26
The FRY argued in relation to all eight Respondents that the Court had jurisdiction
ratione personae under the Genocide Convention. Because I find that the Court did not
have jurisdiction ratione materiae, I will not proceed to consider the alternative grounds
raised by the FRY in relation to particular respondent parties.
27United Nations doc. ST/LEG/8. The passage was later

“deleted by the Secretariat in response to the objections raised by a number of States
that the text was contrary to the relevant Security Council and General Assembly
resolutions and the pertinent opinions of the Arbitration Commission of the Inter-
national Conference for Peace in Yugoslavia” (Judgment, para. 70, citing United
Nations docs. A/50/910-S/1996/231, A/51/95-S/1996/251, A/50/928-S/1996/263 and
A/50/930-S/1996/260).

86 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP .IND . ELARABY ) 1242

à présent dans quelle mesure la convention sur le génocide peut consti-
26
tuer une base de compétence pour la Cour .
2. Entre 1992 et 2000, les obligations conventionnelles de la RFSY
s’étendaient à chacun des Etats successeurs, et ce, indépendamment de la

question de savoir si la RFY était alors Membre ou non de l’Organisa-
tion des Nations Unies. Ainsi que le relève la Cour au paragraphe 70 de
son arrêt, le bureau des affaires juridiques de l’Organisation avait estimé,

dans son «Précis de la pratique du Secrétaire général en tant que dépo-
sitaire de traités multilatéraux» publié en 1996, que les effets juridiques
de la résolution 47/1 de l’Assemblée générale étaient limités au cadre de
l’Organisation des Nations Unies et étaient sans incidence sur les règles

relatives à la succession en matière de traités:

«[A]près la séparation de parties du territoire de l’Union des
Républiques socialistes soviétiques (qui ont acquis le statut d’Etats
indépendants), l’Union des Républiques socialistes soviétiques a

continué (sous le nom de Fédération de Russie) à exister en tant
qu’Etat prédécesseur, et tous ses droits et obligations d’origine
conventionnelle sont demeurés valables à l’égard de son territoire. Il

en va de même de la République fédérative de Yougoslavie (Ser-
bie et Monténégro), qui demeure l’Etat prédécesseur après sépara-
tion de parties du territoire de l’ex-Yougoslavie. La résolution 47/1

de l’Assemblée générale en date du 22 septembre 1992, aux termes de
laquelle la République fédérative de Yougoslavie ne pouvait pas
assumer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de

l’Organisation des Nations Unies de l’ex-Yougoslavie ..., fut adoptée
dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et dans le contexte
de la Charte de l’Organisation des Nations Unies, et non pour indi-

quer que la République fédérative de Yougoslavi27ne devait pas être
considérée comme un Etat prédécesseur.»

3. De fait, pendant cette période, la RFY continua d’affirmer qu’elle
assurait la succession de la RFSY et que, par conséquent, elle restait liée
par l’ensemble des obligations conventionnelles incombant à l’Etat pré-

décesseur. Le 27 avril 1992, la RFY soumit au Secrétaire général une note

26
La RFY a affirmé, à l’égard des huit défendeurs, que la Cour était compétente
ratione personae en vertu de la convention sur le génocide. Etant d’avis que la Cour
n’avait pas compétence ratione materiae, je n’examinerai pas les chefs de compétence sub-
sidiaires invoqués par la RFY à l’égard de certains défendeurs en particulier.
27Traduction par le Greffe de l’édition anglaise du document des Nations Unies
ST/LEG/8. Ce passage fut ultérieurement

«supprimé par le Secrétariat en réponse aux objections soulevées par un certain
nombre d’Etats, faisant valoir qu’il allait à l’encontre des résolutions du Conseil de sé-
curité et de l’Assemblée générale relatives à cette question ainsi que des avis pertinents
de la commission d’arbitrage de la conférence internationale pour la paix en Yougo-
slavie» (arrêt, par. 70, faisant référence aux documents des Nations Unies A/50/910-
S/1996/231, A/51/95-S/1996/251, A/50/928-S/1996/263 et A/50/930-S/1996/260).

861243 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP.OP .ELARABY )

that it would respect the obligations assumed by the SFRY:

“Strictly respecting the continuity of the international personality
of Yugoslavia, the Federal Republic of Yugoslavia shall continue to
fulfil all the rights conferred to, and obligations assumed by, the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia in international relations,

including its membership in all international organizations and
participation in international treaties ratified or acceded to by
Yugoslavia.” 28

4. Under applicable rules of international law, the FRY would have
succeeded to these treaties even in the absence of such a declaration

because a successor State that separates from a predecessor State is
not entitled, upon separation, to disavow the treaty obligations of the
predecessor State. The entitlement to pick and choose treaty obligations
applies only to newly independent States in conformity with Article 17,

paragraph 1, of the Vienna Convention on Succession of States in respect
of Treaties. Article 17, paragraph 1, provides that

“a newly independent State may, by a notification of succession,
establish its status as a party to any multilateral treaty which at the
date of the succession of States was in force in respect of the terri-

tory to which the succession of States relates”.
Article 34 of the Vienna Convention, on the other hand, provides that

“[w]hen a part or parts of the territory of a State separate to form
one or more States, whether or not the predecessor State continues

to exist:
(a) any treaty in force at the date of the succession of States in
respect of the entire territory of the predecessor State continues

in force in respect of each successor State so formed[, and]
(b) any treaty in force at the date of the succession of States in
respect only of that part of the territory of the predecessor State
which has become a successor State continues in force in respect
29
of that successor State alone” .
5. Thus, there is a difference in international law between a newly

independent State and a successor State. A newly independent State is
required upon independence to clarify its legal position regarding treaties
in conformity with the “clean slate” doctrine codified in Article 17 of the

Vienna Convention. In the case of the separation of States, on the other
hand, the successor State automatically assumes the treaty obligations of
the predecessor.
6. This rule of succession to treaties applies to new States and is

28
29United Nations doc. A/46/915, Ann. I, p. 2.
Vienna Convention on Succession of States in respect of Treaties, Art. 34, para. 1.

87 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1243

dans laquelle elle déclarait explicitement qu’elle honorerait les obligations

assumées par la RFSY, dans les termes suivants:

«Dans le strict respect de la continuité de la personnalité interna-
tionale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera à exercer tous les droits conférés à la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-

tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa-
tions internationales et sa participation à tous les traités internatio-
naux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré.» 28

4. En vertu des règles applicables du droit international, la RFY aurait
succédé à la RFSY à l’égard de ces traités même en l’absence d’une telle

déclaration, un Etat successeur qui se sépare de l’Etat prédécesseur
n’étant pas habilité, après séparation, à méconnaître les obligations
conventionnelles dudit prédécesseur. La liberté de choisir les obligations
conventionnelles ne vaut que pour les Etats nouvellement indépendants

aux termes du paragraphe 1 de l’article 17 de la convention de Vienne sur
la succession d’Etats en matière de traités. Cette disposition prévoit que

«un Etat nouvellement indépendant peut, par une notification de
succession, établir sa qualité de partie à tout traité multilatéral qui, à
la date de la succession d’Etats, était en vigueur à l’égard du terri-

toire auquel se rapporte la succession d’Etats».
L’article 34 de la convention de Vienne dispose, quant à lui:

«Lorsqu’une partie ou des parties du territoire d’un Etat s’en
séparent pour former un ou plusieurs Etats, que l’Etat prédécesseur

continue ou non d’exister:
a) tout traité en vigueur à la date de la succession d’Etats à l’égard
de l’ensemble du territoire de l’Etat prédécesseur reste en vigueur

à l’égard de chaque Etat successeur ainsi formé[, et]
b) tout traité en vigueur à la date de la succession d’Etats à l’égard
uniquement de la partie du territoire de l’Etat prédécesseur qui
est devenue un Etat successeur reste en vigueur à l’égard de cet
29
Etat successeur seul.»
5. Ainsi existe-t-il une différence en droit international entre un Etat

nouvellement indépendant et un Etat successeur. Un Etat nouvellement
indépendant est tenu, lorsqu’il accède à l’indépendance, de clarifier sa
situation juridique à l’égard des traités conformément à la doctrine de la

«table rase» codifiée à l’article 17 de la convention de Vienne. Dans le cas
d’une séparation d’Etats, en revanche, l’Etat successeur assume automa-
tiquement les obligations conventionnelles de l’Etat prédécesseur.
6. Cette règle de succession en matière de traités s’applique aux nou-

28
29Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I, p. 2.
Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités, art. 34, par. 1.

871244 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP.OP .ELARABY )

entirely independent of the issue of a State’s membership in the United
Nations. By way of example, when Switzerland was admitted to the
United Nations, it was considered a new Member, though not a newly

independent State. It did not therefore have to clarify its legal position
with respect to treaties. Conversely in the FRY’s case, it succeeded to the
SFRY’s treaty obligations in 1992 regardless of the status of its member-
ship in the United Nations at that time. The existence of the FRY dates

back to 1992, not to 2000, and this is a point on which, in my view, the
Court should have made the distinction. Oscar Schachter underlined this
distinction when he stated that:

“a separated state which was not a colony is presumed to succeed
to the treaty obligations and rights of the predecessor state unless

this result would be incompatible with the object of the treaty. The
experience thus far with respect to the cases of the former Soviet
Union and the former Yugoslavia supports a general presumption
of continuity. That presumption would not, however, apply to

membership in the United Nations or other general international
organizations that provide for the election of new members.” 30

7. Article 34 of the Vienna Convention should be considered reflective

of customary law on succession to treaties. It is indisputable that certain
provisions in the Vienna Conventions on treaties “are declaratory of cus-
tomary [international] law” (Gabc ˇíkovo-Nagymaros Project (Hungary/
Slovakia), Judgment, I.C.J. Reports 1997 , p. 62, para. 99) 31 and recent

State practice, for instance in respect of the successors of Czechoslovakia
and the SFRY, lends support to this proposition in respect of the rules
of succession. This is all the more true in cases involving succession

to human rights treaties. In the words of my learned colleague
Judge Weeramantry,

“[it]... seems to me to be a principle of contemporary international
law that there is automatic State succession to so vital a human

rights convention as the Genocide Convention . . . [The] reasons [for
applying the principle of automatic succession] apply with special
force to treaties such as the Genocide Convention... leaving no
room for doubt regarding automatic succession to such treaties.”

(Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia),

30O. Schachter, “State Succession: The Once and Future Law”, 33 Va. J. Int’l Law 257
(1992-1993).
31See also Digest of United States Practice in International Law , 1980, p. 1041 n. 43
(United States State Department Legal Adviser expressing opinion that the rules of the
Vienna Convention on Succession of States in respect of Treaties were “generally regarded

as declarative of existing customary law”.

88 LICÉITÉ DE L ’EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1244

veaux Etats et est totalement indépendante de la question de la qualité de
Membre de l’Organisation des Nations Unies. La Suisse, par exemple,
fut, au moment de son admission à l’Organisation, considérée comme un

nouveau Membre, mais non comme un Etat nouvellement indépendant.
Aussi n’eut-elle pas à clarifier sa situation juridique à l’égard des traités.
La RFY, quant à elle, succéda aux obligations conventionnelles de la

RFSY en 1992, et ce, qu’elle ait été Membre ou non de l’Organisation à
cette époque. L’existence de la RFY remonte à 1992, et non à 2000, une
distinction que, selon moi, la Cour aurait dû établir. Cette distinction a

été soulignée par Oscar Schachter en ces termes:
«un Etat issu d’une séparation et qui n’était pas une colonie est

réputé succéder aux obligations et droits conventionnels de l’Etat
prédécesseur sous réserve qu’il n’en résulte aucune incompatibilité
avec l’objet du traité. L’expérience, à ce jour, s’agissant du cas de

l’ancienne Union soviétique et de celui de l’ex-Yougoslavie, vient
étayer une présomption générale de continuité, présomption qui ne
vaut toutefois pas en ce qui concerne l’appartenance à l’Organisa-
tion des Nations Unies ou à d’autres organisations internationales à

vocation générale prévoyant de mettre aux voix l’admission de leurs
nouveaux membres.» 30

7. L’article 34 de la convention de Vienne doit être considéré comme
une expression du droit coutumier relatif à la succession en matière de
traités. Nul ne contestera que certaines dispositions des conventions de

Vienne relatives aux traités «sont déclaratoires du droit [international]
coutumier» (Projet Gabcˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1997, p. 62, par. 99) , et la pratique récente des Etats, par

exemple à l’égard des successeurs de la Tchécoslovaquie et de la RFSY,
tend à le confirmer en ce qui concerne les règles de succession. Ce constat
est d’autant plus vrai lorsqu’il est question de la succession à des traités
relatifs aux droits de l’homme. Pour reprendre les termes de mon éminent

collègue, le juge Weeramantry,

«[il] me paraît être un principe du droit international contempo-
rain ... que la succession d’Etats à une convention relative aux droits
de l’homme aussi vitale que la convention sur le génocide est
automatique... [Les] raisons [d’appliquer le principe de la succession

automatique] valent à fortiori pour les traités tels que la convention
sur le génocide, ... et ne laissent pas de place au doute pour ce qui est
de la succession automatique à de tels traités.» (Application de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

30O. Schachter, «State Sucession: The Once and Future Law», 33 Va. J. Int’l Law
(1992-1993), p. 257.
31Voir également Digest of United States Practice in International Law, 1980, 1041,
no 43 (avis du conseiller juridique du département d’Etat des Etats-Unis selon lequel les
règles de la convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités sont
«généralement considérées comme déclaratoires du droit coutumier existant»).

881245 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP. OP.ELARABY )

Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , pp. 654,
645, separate opinion of Judge Weeramantry; see also ibid., pp. 634-
637, separate opinion of Judge Shahabuddeen (recognizing that
allowing a suspension of the operation of the Genocide Convention

would be incompatible with the object and purpose of the treaty,
and others which, like it, exist to safeguard the fundamental rights
and freedoms of the individual and endorse the most elementary
principles of morality).)

8. When the FRY was formally admitted as a Member of the United
Nations in 2000, this did not affect its legal status as successor to the

SFRY’s treaty obligations. It was admitted as a new Member of the
United Nations, but in my view, not as a newly independent State,
because its separation from the SFRY and its assumption of the legal
obligations as a successor State took place on 27 April 1992.

9. As a result, the letter of 8 December 2000 from the United Nations
Legal Counsel to the FRY, in which he stated that, in his view,

“the Federal Republic of Yugoslavia should now undertake treaty
actions, as appropriate, in relation to the treaties concerned, if its

intention is to assume the relevant legal rights and obligations as a
successor State” (Application for Revision of the Judgment of
11 July 1996 in the Case concerning Application of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
(Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary Objections

(Yugoslavia v. Bosnia and Herzegovina), Judgment, I.C.J. Reports
2003, p. 24, para. 51 (citing Application of Yugoslavia, Ann. 27;
emphasis added)

must be read in context: it was a routine letter which the United Nations
Secretariat addresses to all new Members regardless of the particular cir-
cumstances of their admission. The FRY was a State in existence since

1992 and not a newly independent State. The appropriate characteriza-
tion would have been that the FRY was a successor State, as repeatedly
acknowledged by the FRY when it declared that it succeeded to the
SFRY’s legal obligations on 27 February 1992.
10. The Court acknowledged this in the 2003 Application for Revision

case, when it emphasized

“that General Assembly resolution 55/12 of 1 November 2000
[admitting the FRY as a Member] cannot have changed retroactively
the sui generis position which the FRY found itself in vis-à-vis
the United Nations over the period 1992 to 2000, or its position in
relation to the Statute of the Court and the Genocide Convention.

Furthermore, the letter of the Legal Counsel of the United Nations

89 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1245

(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires,
C.I.J. Recueil 1996 (II) , opinion individuelle de M. le juge Weera-
mantry, p. 645, 654; voir également ibid., p. 634-637, opinion indi-

viduelle de M. le juge Shahabuddeen (reconnaissant qu’autoriser la
suspension de l’application de la convention sur le génocide serait
incompatible avec l’objet et le but de cet instrument, ainsi que
d’autres qui visent de même à sauvegarder les droits et libertés fon-
damentaux de la personne et à sanctionner les principes de morale

les plus élémentaires).)

8. Lorsque, en 2000, la RFY fut officiellement admise en tant que
Membre de l’Organisation des Nations Unies, son statut juridique en
tant que successeur de la RFSY en matière d’obligations convention-
nelles ne s’en trouva pas modifié. La RFY fut admise comme nouveau
Membre de l’Organisation des Nations Unies, mais pas, selon moi, en

tant qu’Etat nouvellement indépendant, puisque c’était le 27 avril 1992
qu’elle s’était séparée de la RFSY et avait assumé, en qualité d’Etat suc-
cesseur, les obligations juridiques de cette dernière.
9. Par conséquent, la lettre adressée le 8 décembre 2000 à la RFY par

le conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, dans laquelle
celui-ci exprimait l’avis que

«la République fédérale de Yougoslavie dev[ait] maintenant accom-
plir les formalités conventionnelles, s’il y a[vait] lieu, si elle enten-
d[ait] faire valoir les droits et assumer les obligations qui lui rev[e-
naient], en qualité d’Etat successeur, au titre des traités en cause»

(Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en l’affaire relative
àl’ Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), excep-
tions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine), arrêt,
C.I.J. Recueil 2003, p. 24, par. 51 (citant la requête de la Yougosla-

vie, annexe 27); les italiques sont de moi),

doit être lue dans son contexte: il s’agit d’une lettre type que le Secréta-
riat de l’Organisation adresse à tout nouveau Membre indépendamment
des circonstances propres à son admission. La RFY existait en tant
qu’Etat depuis 1992 et n’était pas un Etat nouvellement indépendant. Il
aurait été juste de qualifier la RFY d’Etat successeur, ce qu’elle a plu-

sieurs fois reconnu être en déclarant avoir succédé à la RFSY en matière
d’obligations juridiques le 27 février 1992.
10. La Cour a reconnu cet état de fait dans l’affaire de la Demande en
revision de 2003, soulignant

«que la résolution 55/12 de l’Assemblée générale en date du
1 novembre 2000 [admettant la RFY en tant que Membre] ne p[ou-

vait] avoir rétroactivement modifié la situation sui generis dans
laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l’Organisation des
Nations Unies pendant la période 1992-2000, ni sa situation à l’égard
du Statut de la Cour et de la convention sur le génocide. En outre, la

891246 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP. OP.ELARABY )

dated 8 December 2000 cannot have affected the FRY’s position in
relation to treaties.

The Court also observes that, in any event, the said letter did not

contain an invitation to the FRY to accede to the relevant conven-
tions, but rather to ‘undertake treaty actions, as appropriate,...as
a successor State’.” (I.C.J. Reports 2003, p. 31, para. 71.)

11. In its 1996 Judgment on preliminary objections in Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno-
cide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), the Court left open the

question whether it accepted the automatic succession argument, and
confined its Judgment to noting that:

“Without prejudice as to whether or not the principle of ‘auto-
matic succession’ applies in the case of certain types of international
treaties or conventions, the Court does not consider it necessary, in
order to decide on its jurisdiction in this case, to make a determina-

tion on the legal issues concerning State succession in respect to trea-
ties which have been raised by the Parties.” (I.C.J. Reports 1996 (II) ,
p. 612, para. 23.)

The time has come for the Court to answer this question and, in my view,
the answer should have been that:

(a) the FRY succeeded to the Genocide Convention on 27 April 1992,
and
(b) the FRY was not a newly independent State required to establish its
status vis-à-vis multilateral treaties. Thus, it is bound by Article IX

of the Convention.

12. Because, in my view, the FRY succeeded to the Genocide Conven-
tion in 1992, the FRY’s purported accession — and reservation — to the
Convention in March 2001 must be declared void ab initio. The Court,
should, in my view, have concluded that the FRY has been bound since
1992 to assume all the legal obligations of the SFRY, including those

flowing from the Genocide Convention. Such a conclusion would have
been consistent with:

— The FRY’s declaration of succession in 1992;
— Article 34 of the Vienna Convention on Succession of States in
respect of Treaties;
— the position taken by the FRY prior to 1 November 2000; and

— the Court’s prior jurisprudence. (Ibid., pp. 617, 621, paras. 34, 41.)
13. Thus the Court should have followed the rationale that it adopted

in 1996 in respect to Bosnia, that
“[s]ince the Court has concluded that Bosnia and Herzegovina could

become a party to the Genocide Convention as a result of a succes-

90 LICÉITÉ DE L EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. ELARABY ) 1246

lettre du conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies en
date du 8 décembre 2000 ne p[ouvait] avoir modifié le statut de la
RFY à l’égard des traités.

La Cour rel[evait] également que, en tout état de cause, cette lettre
ne comportait pas, à l’intention de la RFY, d’invitation à adhérer
aux conventions pertinentes, mais plutôt à «accomplir les formalités
conventionnelles, s’il y a[vait] lieu, ... en qualité d’Etat successeur».»
(C.I.J. Recueil 2003, p. 31, par. 71.)

11. Dans son arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires en l’affaire

relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie) , la Cour n’a
pas tranché la question de la recevabilité de l’argument relatif à la succes-
sion automatique, se bornant à indiquer:

«Sans préjudice de l’applicabilité ou non du principe de la «suc-
cession automatique» dans le cas de certains types de traités ou

conventions internationaux, la Cour ne considère pas nécessaire,
pour décider de sa compétence en l’espèce, de se prononcer sur
les questions juridiques concernant la succession d’Etats en matière
de traités qui ont été soulevées par les Parties.» (C.I.J. Recueil
1996 (II), p. 612, par. 23.)

Le moment était venu pour la Cour de répondre à cette question et, à

mon sens, sa réponse aurait dû être que la RFY
a) avait succédé à la convention sur le génocide le 27 avril 1992, et

b) n’était pas un Etat nouvellement indépendant tenu de préciser son
statut vis-à-vis des traités multilatéraux. En conséquence, la RFY est
liée par l’article IX de la convention.

12. La RFY ayant, à mon avis, succédé à la convention sur le génocide
en 1992, la prétendue adhésion de la RFY — et sa réserve—àla conven-

tion en mars 2001 doit être déclarée nulle et non avenue ab initio.L a
Cour aurait dû, à mon sens, conclure que la RFY était tenue, depuis 1992,
d’assumer toutes les obligations juridiques de la RFSY, y compris celles
découlant de la convention sur le génocide; cette conclusion aurait été
conforme à:

— la déclaration de succession faite par la RFY en 1992;

— l’article 34 de la convention de Vienne sur la succession d’Etats en
matière de traités;
— la position adoptée par la RFY avant le 1 er novembre 2000; et
— la jurisprudence de la Cour (ibid., p. 617, 621, par. 34, 41).

13. La Cour aurait ainsi dû suivre la logique qu’elle avait adoptée en
1996 à l’égard de la Bosnie-Herzégovine, à savoir que

«[l]a Cour étant parvenue à la conclusion que la Bosnie-Herzégovine
pouvait devenir partie à la convention sur le génocide par l’effet

901247 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP.OP .ELARABY )

sion, the question of the application of Articles XI and XIII of
the Convention does not arise” (I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 612,
para. 24; emphasis added)

and made the same finding in respect of the FRY. The FRY became a
party to the Genocide Convention “as a result of a succession” and as a
result the Convention provides a basis for the Court’s jurisdiction ratione
personae.

14. When considering its jurisdiction ratione materiae, the Court must
ascertain whether the breaches of the Genocide Convention alleged by
the FRY-SM are capable of falling within the provisions of that Conven-
tion (Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of

America), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) ,
p. 803). Article IX of the Convention provides the Court with jurisdiction
over disputes “relating to the interpretation, application or fulfilment” of
the Convention, including disputes “relating to the responsibility of a
state for genocide”. Genocide, in turn, is defined in Article II of the Con-

vention as the “intent to destroy, in whole or in part, a national, ethnical,
racial or religious group” through certain acts, including the use of force.

15. Aside from the question of whether the acts of NATO are imput-

able to each respondent State, the facts alleged by the FRY-SM, even if
substantiated on the merits, do not satisfy the element of specific intent
necessary to constitute genocide. Genocide, as defined in the Convention,
requires evidence that force was used with “an intent to destroy” a
certain defined group, and the Court should not accept the FRY-SM’s

invitation to lower the mens rea bar set by the Convention by holding
that the requirement of genocidal intent is satisfied as long as genocidal
consequences were “readily foreseeable”. As a result, the Court, in my
view, lacks jurisdiction ratione materiae.

V. C ONCLUSION

The FRY had every right to claim the continuity of the legal person-
ality of its predecessor with respect of the territory of Serbia and Mon-

tenegro. In the FRY’s case, however, the competent United Nations
organs opted to disregard the law of the Charter. The legal consequences
of the FRY’s “sui generis” status vis-à-vis the United Nations — it was
excluded from participating in certain activities of specified organs but

was never expelled — were not, in my view, properly addressed by the
Court. As the principal judicial organ of the United Nations, the Court’s
function under Article 38 of its Statute is to decide disputes in accordance
with international law. It has been in a position more than once in the
last decade to set the record straight regarding the legal status of the

FRY’s membership in accordance with the Charter of the United Nations.

91 LICÉITÉ DE L’EMPLOI DE LA FORCE OP .IND .ELARABY ) 1247

d’une succession, la question de l’application des articles XI et XIII de
la convention n’a[vait] pas à être posée» C ( .I.J. Recueil 1996 (II),
p. 612, par. 24; les italiques sont de moi),

et formuler la même conclusion à l’égard de la RFY. La RFY est deve-
nue partie à la convention sur le génocide «par l’effet d’une succession»,
en conséquence de quoi la convention fournit une base à la compétence
ratione personae de la Cour.

14. S’agissant de décider de sa compétence ratione materiae, la Cour
aurait dû déterminer si les violations de la convention sur le génocide
alléguées par la RFY-SM étaient susceptibles d’entrer dans les prévisions
de cette convention (Plates-formes pétrolières (République islamique

d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J.
Recueil 1996 (II), p. 803). L’article IX de la convention confère compé-
tence à la Cour pour connaître de différends «relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution» de la convention, y compris ceux «relatifs à
la responsabilité d’un Etat en matière de génocide». Le génocide, quant à

lui, est défini à l’article II de la convention comme «l’intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux» en commettant certains actes, dont l’emploi de la force.
15. Indépendamment de la question de savoir si les actes de l’OTAN

sont imputables à chacun des Etats défendeurs, les faits allégués par la
RFY-SM, quand bien même ils seraient avérés, ne comportent pas l’élé-
ment d’intention spécifique nécessaire pour constituer des actes de géno-
cide. Pour qualifier un acte de génocide au sens de la convention, il doit
être établi qu’il a été fait usage de la force «dans l’intention de détruire»

un groupe donné, et la Cour ne devrait pas accepter de minimiser, ainsi
que la RFY-SM l’invite à le faire, l’importance du critère d’intention cou-
pable prévu par la convention, en concluant que le critère d’intentionna-
lité est rempli dès lors que les conséquences génocides étaient «aisément
prévisibles». J’estime par conséquent que la Cour n’a pas compétence

ratione materiae.

V. C ONCLUSION

La RFY pouvait en toute légitimité prétendre assurer la continuité de
la personnalité juridique de son prédécesseur à l’égard du territoire de la

Serbie-et-Monténégro. Dans le cas de la RFY, toutefois, les organes
compétents de l’Organisation des Nations Unies ont choisi de passer
outre au droit de la Charte. A mon sens, la Cour n’a pas traité comme
elle aurait dû les conséquences juridiques du statut «sui generis» de la

RFY vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies — s’il lui était effec-
tivement interdit de prendre part à certaines activités d’organes donnés,
elle n’en fut jamais exclue. En tant qu’organe judiciaire principal de
l’Organisation des Nations Unies, la Cour a pour mission, aux termes de
l’article 38 de son Statut, de régler les différends conformément au droit

international. Au cours des dix dernières années, elle a eu plus d’une fois

911248 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP. OP.ELARABY )

Yet the Court, in holding that it “is led to the conclusion that Serbia and
Montenegro was not a Member of the United Nations...atthe time of

filing its Application” did not address in a comprehensive manner “the
legal situation [regarding the FRY’s membership status], which was
shrouded in uncertainties” (Judgment, para. 78).

For this and other reasons set out in my opinion, I disagree with the
findings of the Court regarding the interpretation of Article 35, para-
graph 1, which the joint declaration correctly describes as being “at
odds” with the Court’s previous judgments and orders. I also do not

agree with the grounds chosen by the Court to reach its decision that
it lacks jurisdiction or its substantive conclusions on the scope of
Article 35, paragraph 2. Moreover I find that the approach adopted
by the Court casts an unnecessary shadow of doubt on the Genocide Con-

vention case which has been on the docket of the Court since 1993.

However, because I consider that the Court does not have jurisdiction

ratione materiae, I find myself in agreement with the dispositif contained
in paragraph 119 of the Judgment, which states that the Court “[f]inds
that it has no jurisdiction to entertain the claims made in the Application
filed by Serbia and Montenegro on 29 April 1999”. I was therefore able

to vote in favour of the Judgment.

(Signed) Nabil E LARABY .

92 LICÉITÉ DE L’EMPLOI DE LA FORCE OP .IND .ELARABY ) 1248

l’occasion de dissiper toute ambiguïté relative au statut juridique de la
RFY vis-à-vis de l’Organisation au regard des dispositions de la Charte
des Nations Unies. Cependant, en se déclarant «amenée à conclure que la

Serbie-et-Monténégro n’était pas membre de l’Organisation des
Nations Unies ... au moment où elle a déposé sa requête», la Cour s’est
abstenue de traiter en détail «les incertitudes entourant la situation juri-
dique» de la RFY, s’agissant de sa qualité de Membre (arrêt, par. 78).
Pour cette raison, ainsi que pour les autres motifs exposés dans la pré-

sente opinion, je ne saurais faire miennes les conclusions de la Cour
quant à l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut, inter-
prétation présentée à juste titre, dans la déclaration commune, comme
«incompatible» avec les arrêts ou ordonnances déjà rendus par la Cour.

Je suis également en désaccord avec les bases sur lesquelles la Cour a
décidé de fonder sa décision d’incompétence et avec ses conclusions géné-
rales sur la portée du paragraphe 2 de l’article 35. En outre, j’estime que
la position adoptée par la Cour laisse inutilement planer un doute en ce

qui concerne l’affaire de la Convention sur le génocide , inscrite au rôle de
la Cour depuis 1993.
Toutefois, étant d’avis que la Cour n’a pas compétence ratione mate-
riae, je suis à même de souscrire au dispositif énoncé au paragraphe 119
de l’arrêt, dans lequel la Cour «[d]it qu’elle n’a pas compétence pour

connaître des demandes formulées par la Serbie-et-Monténégro dans sa
requête déposée le 29 avril 1999». Aussi ai-je pu voter en faveur de
l’arrêt.

(Signé) Nabil E LARABY .

92

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Opinion individuelle de M. Elaraby

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