Déclaration de M. le juge ad hoc Guillaume

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151-20131111-JUD-01-03-EN
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151-20131111-JUD-01-00-EN
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346

DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC GUILLAUME

1) Interprétation du point 2 du dispositif de l’arrêt de 1962 imposant à la
Thaïlande une obligation d’évacuation des environs du temple si▯tués en territoire
cambodgien — Territoire cambodgien s’étendant au nord jusqu’à la ligne d▯e la
carte de l’annexe I — Territoire thaïlandais commençant au‑delà de cette ligne —

Frontière ainsi fixée par la Cour avec force obligatoire dans le d▯ispositif de son
nouvel arrêt — 2) Non‑lieu à statuer sur les conclusions du Cambodge tendant à
ce que force obligatoire soit reconnue de manière plus générale▯ à cette ligne —
3) Obligation de la Thaïlande de respecter la souveraineté du Cambodg▯e sur le
territoire ainsi reconnu cambodgien — Non‑lieu à statuer sur la question de savoir
si l’obligation d’évacuation mise à la charge de la Thaïl▯ande en 1962 avait un
caractère continu ou instantané.

1. Je souscris à la décision unanime de la Cour telle que figurant aufix
paragraphes 98 et 108 de l’arrêt. Je pense cependant utile de préciser
quelque peu la portée de cette décision.
2. Je rappellerai tout d’abord qu’en 1962 la Cour était saisie, sefilon ses

propres termes, d’une contestation entre le Cambodge et la Thaïlanfide
«relative à la souveraineté dans la région du temple de Préahfi Vihéar ».
Elle précise dans l’arrêt rendu alors que, « [p]our trancher cette question
de souveraineté territoriale, [elle] devra faire état de la frontière entre les
deux Etats » (C.I.J. Recueil 1962, p. 14). Après une longue analyse qui

forme l’essentiel du jugement, la Cour « se prononc[e] en faveur de la
frontière indiquée sur la carte [dite carte de l’annexe I] pour la zone liti -
gieuse » (ibid., p. 35).
Dans le même arrêt, la Cour observe cependant qu’initialement lfie

Cambodge lui avait seulement demandé de juger que le temple était sur
son territoire et ne lui avait pas demandé de fixer la frontière. Il n’avait
présenté de conclusions à cet effet qu’au cours des audiencesfi. Dans ces
conditions, la Cour a estimé ne pouvoir statuer sur cette extension dfie la

demande primitive. Elle ne s’est donc prononcée sur la frontièrfie que dans
les motifs de son arrêt et ne l’a pas fait dans le dispositif lui-même. Puis,
sur la base de ces motifs, elle a conclu dans le dispositif :

1) «dit que le temple de Préah Vihéar est situé en territoire relevant de la
souveraineté du Cambodge » ;

2) «dit en conséquence … que la Thaïlande est tenue de retirer tous les
éléments de forces armées ou de police ou autres gardes ou gardfiiens
qu’elle a installés dans le temple ou dans ses environs situés fien territoire
cambodgien ».

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8 Ord 1050.indb 134 25/06/14 13:11 347 demande en interprétafition (décl. guillaume)

Tel était l’arrêt dont le Cambodge a sollicité l’interpréfitation en vertu de
l’article 60 du Statut.

3. Au vu des conclusions finales du Cambodge et de la Thaïlande, il
apparaît qu’il existe en l’espèce plusieurs contestations sufir le sens et la
portée de l’arrêt de 1962. Comme la Cour l’a noté au parafigraphe 31 de
son ordonnance du 18 juillet 2011, et comme elle le rappelle au para -
graphe 35 de son arrêt, les divergences entre les Parties portent :

a) «sur la question de savoir si l’arrêt a ou non reconnu avec force ofibli-
gatoire la ligne tracée sur la carte de l’annexe I comme représentant la
frontière » ;

b) «sur le sens et la portée de l’expression « environs situés en territoire
cambodgien» utilisée au deuxième [point] du dispositif de l’arrêt »;

c) «sur la nature de l’obligation imposée à la Thaïlande … defi « retirer
tous les éléments de forces armées ou de police ou autres gardefis ou

gardiens», et notamment sur le point de savoir si cette obligation est
de caractère continu ou instantané ».

4. Dans le présent arrêt, la Cour écarte tout d’abord les excepfitions
d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par la Thaïfilande. Puis elle se
penche sur les conclusions du Cambodge concernant le point 2 du dispo -
sitif de l’arrêt de 1962. Elle cherche donc à déterminer le sens et la portée
de l’expression «environs situés en territoire cambodgien» utilisée dans ce
point.

5. Le Cambodge soutient que les « environs du temple situés en terri -
toire cambodgien » correspondent à une zone d’environ 4,6 kilomètres
carrés comprise entre la ligne de la carte de l’annexe I et la ligne de par -
tage des eaux selon le tracé revendiqué en 1962 par la Thaïlandfie. La zone
ainsi revendiquée comprend l’intégralité de l’éperon dfie Préah Vihéar, la

colline de Phnom Trap et la vallée séparant l’éperon de la colline (par. 83).
6. La Thaïlande prétend, pour sa part, que les environs du temple corfi -
respondent au temple lui-même et à une bande étroite de terrain entou -
rant l’édifice, tels que définis dans la résolution du consefiil des ministres
thaïlandais du 10 juillet 1962 et concrétisés sur le terrain par une clôture

de barbelés érigée par ses soins en 1962. Les environs ainsi défifinis ont une
surface d’environ 0,25 kilomètre carré (par. 84).
7. La Cour a adopté une solution intermédiaire. Elle a décidé qfiue les
«environs du temple situés en territoire cambodgien » comprenaient le
temple lui-même, l’éperon sur lequel il est construit et la vallée séfiparant
cet éperon de la colline de Phnom Trap. Il en résulte que cette dernière ne

fait pas partie des environs au sens du point 2 de l’arrêt de 1962 (para -
graphe 98, repris au paragraphe 108).

8. La Cour a en outre précisé que, « [a]u nord, la limite » des environs
ainsi définis « est la ligne de la carte de l’annexe I » (paragraphe 98, repris

au paragraphe 108). Le territoire cambodgien s’étend donc « jusqu’à
[cette] ligne» (par. 90). Au-delà commence le territoire thaïlandais (ibid.).

70

8 Ord 1050.indb 136 25/06/14 13:11 348 demande en interprétafition (décl. guillaume)

La ligne de la carte de l’annexe I constitue donc dans cette zone la fron -
tière entre les deux Etats. De ce fait, la Thaïlande était tenufie en 1962 de

retirer les forces armées et de police et autres gardes ou gardiens qfiui se
trouvaient dans les environs du temple situés en territoire cambodgiefin au
sud de la ligne de la carte de l’annexe I pour les ramener « jusqu’à son
propre territoire» au nord de cette ligne (par. 98).
9. Je souscris à ces conclusions pour les raisons géographiques et hifisto -

riques exposées par la Cour aux paragraphes 86 à 97 de l’arrêt. J’ajouterai
que, en adoptant cette interprétation du point 2 de l’arrêt de 1962, la
Cour :

a) fixe dans le dispositif même de son arrêt (par. 108 et 98) les limites des
territoires cambodgien et thaïlandais, c’est-à-dire la frontière entre les
deux pays. De ce fait, elle reconnaît force obligatoire à la lignefi de la
carte de l’annexe I dans le secteur concerné ;
b) détermine l’étendue des « environs situés en territoire cambodgien »

dans des conditions telles qu’elle permet au Cambodge d’avoir aisé -
ment accès au temple depuis la plaine cambodgienne par la vallée sépa-
rant l’éperon de Préah Vihéar de la colline de Phnom Trap et d’en
assurer ainsi librement l’entretien et la surveillance (par. 89, 98 et 106);
c) ne tranche pas la question de savoir si la colline de Phnom Trap se

trouve en territoire cambodgien ou en territoire thaïlandais (par. 97).
10. Ayant ainsi fourni l’interprétation requise du point 2 du dispositif
de l’arrêt de 1962, la Cour n’a pas cru devoir se prononcer sur les autres

conclusions du Cambodge mentionnées au paragraphe 3 ci-dessus.

11. En premier lieu, la Cour a rappelé qu’elle avait jugé que la sofiuvera -i
neté du Cambodge «s’étend au nord [dans les environs du temple] jusqu’à la
ligne de la carte de l’annexe I, mais pas au-delà» (par. 104). Elle a constaté

qu’elle avait fixé avec force obligatoire dans le dispositif de sofin arrêt la fron
tière entre les deux Etats dans le secteur ayant fait l’objet du dfiifférend qui lui
avait été soumis en 1962. Il ne lui appartenait pas de se prononcefir de manière
plus générale sur la force obligatoire de la ligne de la carte de fil’annexe I en
dehors de ce secteur. Il lui suffisait de constater qu’elle avait trfianché la ques

tion dans le secteur du temple. Il n’y avait donc pas lieu pour elle fide statuer
sur le surplus des premières conclusions du Cambodge (ibid.).
12. J’ajouterai que, si la Cour avait estimé nécessaire de se prononcer
sur l’argumentation développée à cet égard par le Cambodgfie, j’aurais eu
pour ma part tendance à l’accueillir. En effet, la Cour s’étafiit en 1962 clai -
rement prononcée dans les motifs de son arrêt en faveur de la frontière

indiquée sur la carte de l’annexe I (C.I.J. Recueil 1962, p. 35). Ce motif
était inséparable du dispositif, il en constituait la « condition absolue »
(arrêt, par. 34), c’est-à-dire la ratio decidendi. Ce motif n’avait certes pas
la force exécutoire qui s’attache au dispositif des arrêts, maifis il avait l’au -
torité de la chose jugée, c’est-à-dire force obligatoire.

13. En dernier lieu, la Cour n’a pas davantage jugé nécessaire de tfiran -
cher la question de savoir si l’obligation imposée à la Thaïfilande par l’arrêt

71

8 Ord 1050.indb 138 25/06/14 13:11 349 demande en interprétafition (décl. guillaume)

de 1962 d’évacuer le temple et ses environs situés en territoirfie cambodgien

avait un caractère continu ou instantané. Elle a observé que la Thaïlande
avait reconnu devant la Cour qu’elle est dans l’obligation de respfiecter
l’intégrité du territoire cambodgien. Elle a relevé que cettfie obligation
«s’applique à tout territoire en litige dont la Cour a jugé qu’fiil relevait de
la souveraineté du Cambodge » (par. 105), donc aux « environs du temple

situés en territoire cambodgien» tels que définis par la Cour. De ce fait, la
Thaïlande ne peut y réintroduire forces armées ou de police, gafirdes ou
gardiens. Dès lors, il n’y avait pas lieu de s’interroger sur lfia question de
savoir si l’arrêt de 1962 impose encore aujourd’hui à la Thafiïlande cette
même obligation.

14. En définitive, la Cour a fixé dans le dispositif de son arrêt (par. 108
et 98) l’étendue des « environs du temple situés en territoire cambodgien »
visés au point 2 de l’arrêt de 1962. Elle a précisé dans ce même disposifitif
que ce territoire s’étend au nord jusqu’à la ligne de la carfite de l’an -
nexe I. Au-delà commence le territoire thaïlandais. La Cour a ainsi fixé lfia

frontière entre les deux Etats dans le secteur en cause et reconnu defi ce fait
force obligatoire à la ligne de la carte de l’annexe I dans ce secteur. Elle a
en outre précisé l’étendue des environs du temple dans des cfionditions per -
mettant de garantir au Cambodge le libre accès à ce dernier depuisfi la
plaine cambodgienne.

(Signé) Gilbert Guillaume.

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8 Ord 1050.indb 140 25/06/14 13:11

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DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC GUILLAUME

1) Interprétation du point 2 du dispositif de l’arrêt de 1962 imposant à la
Thaïlande une obligation d’évacuation des environs du temple si▯tués en territoire
cambodgien — Territoire cambodgien s’étendant au nord jusqu’à la ligne d▯e la
carte de l’annexe I — Territoire thaïlandais commençant au‑delà de cette ligne —

Frontière ainsi fixée par la Cour avec force obligatoire dans le d▯ispositif de son
nouvel arrêt — 2) Non‑lieu à statuer sur les conclusions du Cambodge tendant à
ce que force obligatoire soit reconnue de manière plus générale▯ à cette ligne —
3) Obligation de la Thaïlande de respecter la souveraineté du Cambodg▯e sur le
territoire ainsi reconnu cambodgien — Non‑lieu à statuer sur la question de savoir
si l’obligation d’évacuation mise à la charge de la Thaïl▯ande en 1962 avait un
caractère continu ou instantané.

1. Je souscris à la décision unanime de la Cour telle que figurant aufix
paragraphes 98 et 108 de l’arrêt. Je pense cependant utile de préciser
quelque peu la portée de cette décision.
2. Je rappellerai tout d’abord qu’en 1962 la Cour était saisie, sefilon ses

propres termes, d’une contestation entre le Cambodge et la Thaïlanfide
«relative à la souveraineté dans la région du temple de Préahfi Vihéar ».
Elle précise dans l’arrêt rendu alors que, « [p]our trancher cette question
de souveraineté territoriale, [elle] devra faire état de la frontière entre les
deux Etats » (C.I.J. Recueil 1962, p. 14). Après une longue analyse qui

forme l’essentiel du jugement, la Cour « se prononc[e] en faveur de la
frontière indiquée sur la carte [dite carte de l’annexe I] pour la zone liti -
gieuse » (ibid., p. 35).
Dans le même arrêt, la Cour observe cependant qu’initialement lfie

Cambodge lui avait seulement demandé de juger que le temple était sur
son territoire et ne lui avait pas demandé de fixer la frontière. Il n’avait
présenté de conclusions à cet effet qu’au cours des audiencesfi. Dans ces
conditions, la Cour a estimé ne pouvoir statuer sur cette extension dfie la

demande primitive. Elle ne s’est donc prononcée sur la frontièrfie que dans
les motifs de son arrêt et ne l’a pas fait dans le dispositif lui-même. Puis,
sur la base de ces motifs, elle a conclu dans le dispositif :

1) «dit que le temple de Préah Vihéar est situé en territoire relevant de la
souveraineté du Cambodge » ;

2) «dit en conséquence … que la Thaïlande est tenue de retirer tous les
éléments de forces armées ou de police ou autres gardes ou gardfiiens
qu’elle a installés dans le temple ou dans ses environs situés fien territoire
cambodgien ».

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8 Ord 1050.indb 134 25/06/14 13:11 346

DECLARATION OF JUDGE AD HOC GUILLAUME

[Translation]

(1) Interpretation of second operative paragraph of 1962 Judgment requiring ▯
Thailand to withdraw from vicinity of Temple on Cambodian territory —
Cambodian territory extending to north as far as line on Annex I map — Thai
territory commencing beyond that line — Frontier thus fixed by Court with binding
force in operative part of new Judgment — (2) Unnecessary to rule on Cambodia’s
submissions seeking attribution of binding force to that line more gener▯ally —
(3) Obligation on Thailand to respect sovereignty of Cambodia over territory▯ thus
recognized as Cambodian — Unnecessary to decide whether Thailand’s 1962

obligation to withdraw was continuing or instantaneous.

1. I agree with the Court’s unanimous decision as set out in para -
graphs 98 and 108 of the Judgment. I believe it useful, however, to pro -

vide some clarification of the scope of that decision.
2. I will begin by recalling that in 1962 the Court was seised, as it put
it, of a “difference of view about sovereignty over the region of the Tem -
ple of Preah Vihear”. The Court stated in the Judgment which it delivered
at that time that “[t]o decide this question of territorial sovereignfity,

[it] must have regard to the frontier line between the two States”
(I.C.J. Reports 1962, p. 14). After a long analysis that forms the core of
the Judgment, the Court “pronounce[d] in favour of the line as mappedfi
[on what it called ‘the Annex I map’] in the disputed area” (ibid., p. 35).

In the same Judgment, the Court observed, however, that Cambodia
had initially requested it only to declare that the Temple was situated fiin
its territory and had not asked it to fix the line of the frontier. It hfiad pre
sented submissions on the latter point only during the hearings. In thosfie

circumstances, the Court considered that it was unable to adjudicate on fi
this enlargement of the original claim. Therefore it ruled on the line ofif the
frontier only in the reasoning of its Judgment and did not do so in the fi
operative part itself. Then on the basis of that reasoning, it concludedfi in
the operative part :

(1) that “the Temple of Preah Vihear is situated in territory under the

sovereignty of Cambodia” ;
(2) “finds in consequence . . . that Thailand is under an obligation to
withdraw any military or police forces, or other guards or keepers,
stationed by her at the Temple, or in its vicinity on Cambodian
territory”.

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8 Ord 1050.indb 135 25/06/14 13:11 347 demande en interprétafition (décl. guillaume)

Tel était l’arrêt dont le Cambodge a sollicité l’interpréfitation en vertu de
l’article 60 du Statut.

3. Au vu des conclusions finales du Cambodge et de la Thaïlande, il
apparaît qu’il existe en l’espèce plusieurs contestations sufir le sens et la
portée de l’arrêt de 1962. Comme la Cour l’a noté au parafigraphe 31 de
son ordonnance du 18 juillet 2011, et comme elle le rappelle au para -
graphe 35 de son arrêt, les divergences entre les Parties portent :

a) «sur la question de savoir si l’arrêt a ou non reconnu avec force ofibli-
gatoire la ligne tracée sur la carte de l’annexe I comme représentant la
frontière » ;

b) «sur le sens et la portée de l’expression « environs situés en territoire
cambodgien» utilisée au deuxième [point] du dispositif de l’arrêt »;

c) «sur la nature de l’obligation imposée à la Thaïlande … defi « retirer
tous les éléments de forces armées ou de police ou autres gardefis ou

gardiens», et notamment sur le point de savoir si cette obligation est
de caractère continu ou instantané ».

4. Dans le présent arrêt, la Cour écarte tout d’abord les excepfitions
d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par la Thaïfilande. Puis elle se
penche sur les conclusions du Cambodge concernant le point 2 du dispo -
sitif de l’arrêt de 1962. Elle cherche donc à déterminer le sens et la portée
de l’expression «environs situés en territoire cambodgien» utilisée dans ce
point.

5. Le Cambodge soutient que les « environs du temple situés en terri -
toire cambodgien » correspondent à une zone d’environ 4,6 kilomètres
carrés comprise entre la ligne de la carte de l’annexe I et la ligne de par -
tage des eaux selon le tracé revendiqué en 1962 par la Thaïlandfie. La zone
ainsi revendiquée comprend l’intégralité de l’éperon dfie Préah Vihéar, la

colline de Phnom Trap et la vallée séparant l’éperon de la colline (par. 83).
6. La Thaïlande prétend, pour sa part, que les environs du temple corfi -
respondent au temple lui-même et à une bande étroite de terrain entou -
rant l’édifice, tels que définis dans la résolution du consefiil des ministres
thaïlandais du 10 juillet 1962 et concrétisés sur le terrain par une clôture

de barbelés érigée par ses soins en 1962. Les environs ainsi défifinis ont une
surface d’environ 0,25 kilomètre carré (par. 84).
7. La Cour a adopté une solution intermédiaire. Elle a décidé qfiue les
«environs du temple situés en territoire cambodgien » comprenaient le
temple lui-même, l’éperon sur lequel il est construit et la vallée séfiparant
cet éperon de la colline de Phnom Trap. Il en résulte que cette dernière ne

fait pas partie des environs au sens du point 2 de l’arrêt de 1962 (para -
graphe 98, repris au paragraphe 108).

8. La Cour a en outre précisé que, « [a]u nord, la limite » des environs
ainsi définis « est la ligne de la carte de l’annexe I » (paragraphe 98, repris

au paragraphe 108). Le territoire cambodgien s’étend donc « jusqu’à
[cette] ligne» (par. 90). Au-delà commence le territoire thaïlandais (ibid.).

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8 Ord 1050.indb 136 25/06/14 13:11 request for interprefitation (decl. guillaufime) 347

Such was the Judgment whose interpretation has been sought by Cam -
bodia under Article 60 of the Statute.

3. In light of the final submissions of Cambodia and Thailand, it is
apparent that there are in this case several disputes regarding the meanfiing
and scope of the 1962 Judgment. As the Court noted in paragraph 31 of
its Order of 18 July 2011, and as it recalls in paragraph 35 of its Judg -
ment, the differences between the Parties relate :

(a) “to the question of whether the Judgment did or did not recognize
with binding force the line shown on the AnnexI map as representing
the frontier between the two Parties” ;

(b) “to the meaning and scope of the phrase ‘vicinity on Cambodian
territory’ used in the second paragraph of the operative clause of the
Judgment” ;
(c) “to the nature of the obligation imposed on Thailand. . . to ‘withdraw
any military or police forces, or other guards or keepers’, and, in

particular, to the question of whether this obligation is of a continuinfig
or an instantaneous character”.

4. In the present Judgment, the Court first of all dismisses the objec -
tions to jurisdiction and admissibility raised by Thailand. It then consfiid-
ers Cambodia’s submissions regarding the second paragraph of the
operative part of the 1962 Judgment. The Court thus seeks to determine
the meaning and scope of the phrase “vicinity on Cambodian territory”
used in that paragraph.

5. Cambodia contends that the “vicinity of the Temple situated in
Cambodian territory” corresponds to an area of approximately 4.6 square
kilometres between the line on the Annex I map and the watershed line
claimed by Thailand in 1962. The area so claimed includes the entirety of
the promontory of Preah Vihear, the hill of Phnom Trap and the valley

separating the promontory from the hill (para. 83).
6. For its part, Thailand claims that the vicinity of the Temple corre -
sponds to the Temple itself and a narrow strip of land around the Tem -
ple, as defined in the resolution of the Thai Council of Ministers of
10 July 1962 and implemented on the ground by means of a barbed wire

fence erected by Thailand in 1962. The vicinity thus defined has an areafi
of 0.25 square kilometres (para. 84).
7. The Court has adopted an intermediate solution. It has decided that
“the vicinity of the Temple situated in Cambodian territory” inclufided the
Temple itself, the promontory on which it is built and the valley separafi-
ting the promontory from the hill of Phnom Trap. Accordingly, the hill

of Phnom Trap did not form part of the vicinity within the meaning of
the second operative paragraph of the 1962 Judgment (paragraph 98 as
cited in paragraph 108).
8. The Court has further stated that “[i]n the north, the limit” of tfihe
vicinity thus defined “is the Annex I map line” (paragraph 98 as cited in

paragraph 108). Cambodian territory thus extends “as far as [that] line”
(para. 90). Beyond that line, Thai territory begins (ibid.). Therefore, in

70

8 Ord 1050.indb 137 25/06/14 13:11 348 demande en interprétafition (décl. guillaume)

La ligne de la carte de l’annexe I constitue donc dans cette zone la fron -
tière entre les deux Etats. De ce fait, la Thaïlande était tenufie en 1962 de

retirer les forces armées et de police et autres gardes ou gardiens qfiui se
trouvaient dans les environs du temple situés en territoire cambodgiefin au
sud de la ligne de la carte de l’annexe I pour les ramener « jusqu’à son
propre territoire» au nord de cette ligne (par. 98).
9. Je souscris à ces conclusions pour les raisons géographiques et hifisto -

riques exposées par la Cour aux paragraphes 86 à 97 de l’arrêt. J’ajouterai
que, en adoptant cette interprétation du point 2 de l’arrêt de 1962, la
Cour :

a) fixe dans le dispositif même de son arrêt (par. 108 et 98) les limites des
territoires cambodgien et thaïlandais, c’est-à-dire la frontière entre les
deux pays. De ce fait, elle reconnaît force obligatoire à la lignefi de la
carte de l’annexe I dans le secteur concerné ;
b) détermine l’étendue des « environs situés en territoire cambodgien »

dans des conditions telles qu’elle permet au Cambodge d’avoir aisé -
ment accès au temple depuis la plaine cambodgienne par la vallée sépa-
rant l’éperon de Préah Vihéar de la colline de Phnom Trap et d’en
assurer ainsi librement l’entretien et la surveillance (par. 89, 98 et 106);
c) ne tranche pas la question de savoir si la colline de Phnom Trap se

trouve en territoire cambodgien ou en territoire thaïlandais (par. 97).
10. Ayant ainsi fourni l’interprétation requise du point 2 du dispositif
de l’arrêt de 1962, la Cour n’a pas cru devoir se prononcer sur les autres

conclusions du Cambodge mentionnées au paragraphe 3 ci-dessus.

11. En premier lieu, la Cour a rappelé qu’elle avait jugé que la sofiuvera -i
neté du Cambodge «s’étend au nord [dans les environs du temple] jusqu’à la
ligne de la carte de l’annexe I, mais pas au-delà» (par. 104). Elle a constaté

qu’elle avait fixé avec force obligatoire dans le dispositif de sofin arrêt la fron
tière entre les deux Etats dans le secteur ayant fait l’objet du dfiifférend qui lui
avait été soumis en 1962. Il ne lui appartenait pas de se prononcefir de manière
plus générale sur la force obligatoire de la ligne de la carte de fil’annexe I en
dehors de ce secteur. Il lui suffisait de constater qu’elle avait trfianché la ques

tion dans le secteur du temple. Il n’y avait donc pas lieu pour elle fide statuer
sur le surplus des premières conclusions du Cambodge (ibid.).
12. J’ajouterai que, si la Cour avait estimé nécessaire de se prononcer
sur l’argumentation développée à cet égard par le Cambodgfie, j’aurais eu
pour ma part tendance à l’accueillir. En effet, la Cour s’étafiit en 1962 clai -
rement prononcée dans les motifs de son arrêt en faveur de la frontière

indiquée sur la carte de l’annexe I (C.I.J. Recueil 1962, p. 35). Ce motif
était inséparable du dispositif, il en constituait la « condition absolue »
(arrêt, par. 34), c’est-à-dire la ratio decidendi. Ce motif n’avait certes pas
la force exécutoire qui s’attache au dispositif des arrêts, maifis il avait l’au -
torité de la chose jugée, c’est-à-dire force obligatoire.

13. En dernier lieu, la Cour n’a pas davantage jugé nécessaire de tfiran -
cher la question de savoir si l’obligation imposée à la Thaïfilande par l’arrêt

71

8 Ord 1050.indb 138 25/06/14 13:11 request for interprefitation (decl. guillaufime) 348

this area the Annex I map line constitutes the frontier between the two
States. As a result, Thailand was under an obligation in 1962 to withdrafiw

the military or police forces, or other guards or keepers present in thefi
vicinity of the Temple on Cambodian territory south of the Annex I map
line, to “Thai territory” north of that line (para. 98).

9. I agree with these findings for the geographical and historical rea -

sons set out by the Court in paragraphs 86 to 97 of the Judgment. I
should add that, in adopting this interpretation of the second operative
paragraph of the 1962 Judgment, the Court :

(a) fixes in the actual operative part of its Judgment (paras. 108 and 98)
the limits of the territories of Cambodia and Thailand, that is to say, fi
the frontier between the two countries. In so doing, it accords binding
force to the line on the Annex I map in the sector in question ;
(b) determines the extent of the “vicinity on Cambodian territory” in fi

such a way that it enables Cambodia to have ready access to the
Temple from the Cambodian plain by the valley separating the prom -
ontory of Preah Vihear from the hill of Phnom Trap, and thus freely
to undertake its upkeep and supervision (paras. 89, 98 and 106) ;
(c) leaves open the question as to whether the hill of Phnom Trap is in
Cambodian territory or Thai territory (para. 97).

10. Having thus provided the required interpretation of the second

operative paragraph of the 1962 Judgment, the Court did not feel that it
was incumbent upon it to rule on the rest of Cambodia’s submissions afis
referred to in paragraph 3 above.
11. In the first place, the Court recalled that it had concluded that
Cambodia’s sovereignty “extend[ed] in the north [in the vicinity ofif the
Temple] to the Annex I map line but not beyond it” (para. 104). It found

that in the operative part of its Judgment it had fixed with binding forfice
the frontier in the sector which had been the subject of the dispute subfi -
mitted to it in 1962. It was not for the Court to rule more generally on the
binding force of the Annex I line outside that sector. It sufficed for it to
find that it had decided the matter in the Temple sector. There was thusfi

no need for it to rule on Cambodia’s remaining initial submissions (ibid.).

12. I would add that, if the Court had considered it necessary to rule
on the arguments developed by Cambodia in that regard, I would for my
part have been inclined to accept them. In 1962, the Court ruled clearly in
the reasoning of its Judgment in favour of the Annex I line (I.C.J. Reports

1962, p. 35). This reasoning was inseparable from the operative part ; it
constituted the “condition essential” thereto (Judgment, para. 34fi), that is
to say, the ratio decidendi. It is true that the reasoning did not have the
executory force attaching to the operative parts of judgments, but it hafid
the authority of res judicata, that is to say, binding force.

13. Finally, nor did the Court consider it necessary to decide the ques -
tion of whether or not the obligation on Thailand under the 1962 Judg -

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8 Ord 1050.indb 139 25/06/14 13:11 349 demande en interprétafition (décl. guillaume)

de 1962 d’évacuer le temple et ses environs situés en territoirfie cambodgien

avait un caractère continu ou instantané. Elle a observé que la Thaïlande
avait reconnu devant la Cour qu’elle est dans l’obligation de respfiecter
l’intégrité du territoire cambodgien. Elle a relevé que cettfie obligation
«s’applique à tout territoire en litige dont la Cour a jugé qu’fiil relevait de
la souveraineté du Cambodge » (par. 105), donc aux « environs du temple

situés en territoire cambodgien» tels que définis par la Cour. De ce fait, la
Thaïlande ne peut y réintroduire forces armées ou de police, gafirdes ou
gardiens. Dès lors, il n’y avait pas lieu de s’interroger sur lfia question de
savoir si l’arrêt de 1962 impose encore aujourd’hui à la Thafiïlande cette
même obligation.

14. En définitive, la Cour a fixé dans le dispositif de son arrêt (par. 108
et 98) l’étendue des « environs du temple situés en territoire cambodgien »
visés au point 2 de l’arrêt de 1962. Elle a précisé dans ce même disposifitif
que ce territoire s’étend au nord jusqu’à la ligne de la carfite de l’an -
nexe I. Au-delà commence le territoire thaïlandais. La Cour a ainsi fixé lfia

frontière entre les deux Etats dans le secteur en cause et reconnu defi ce fait
force obligatoire à la ligne de la carte de l’annexe I dans ce secteur. Elle a
en outre précisé l’étendue des environs du temple dans des cfionditions per -
mettant de garantir au Cambodge le libre accès à ce dernier depuisfi la
plaine cambodgienne.

(Signé) Gilbert Guillaume.

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8 Ord 1050.indb 140 25/06/14 13:11 request for interprefitation (decl. guillaufime) 349

ment to withdraw from the Temple and its vicinity on Cambodian

territory was of a continuing or instantaneous character. It noted that fi
Thailand had recognized before the Court that it had an obligation to
respect the integrity of Cambodian territory. It noted that this obligation
“applies to any disputed territory found by the Court to be under Camfi -
bodian sovereignty” (para. 105), and hence to the “vicinity on Cfiambo -

dian territory” as defined by the Court. As a result, Thailand cannotfi
reintroduce military or police forces, or other guards or keepers, to thfiat
territory. Accordingly, it was not necessary to address the question of fi
whether the 1962 Judgment still imposes today the same obligation on
Thailand.

14. In conclusion, in the operative part of its Judgment (paras. 108 and
98), the Court has determined the extent of “the vicinity of the temfiple on
Cambodian territory” as referred to in the second operative paragraphfi of
the 1962 Judgment. In that same operative part, the Court has made it
clear that that territory extends to the north as far as the Annex I map

line. Beyond that line, Thai territory starts. The Court has thus deter -
mined the line of the frontier in the sector in question, thereby accordfiing
binding force to the line on the Annex I map in that sector. It has, fur -
thermore, clarified the extent of the vicinity of the Temple in such a wfiay
as to ensure that Cambodia has free access to the Temple from the Cam -

bodian plain.

(Signed) Gilbert Guillaume.

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8 Ord 1050.indb 141 25/06/14 13:11

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Déclaration de M. le juge ad hoc Guillaume

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