Opinion dissidente de M. Rezek

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098-19991213-JUD-01-09-EN
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098-19991213-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. REZEK

Identification du chenalprincipal du Chobe dans larégion deKasikililSedudu
- Ambigui'téde la géographie locale - Critique des arguments ayant trait Ù la
navigabilité,à la visibilitéet auprolongement naturel- Interprétationdu traité
anglo-allemand de 1890 à la lumière de l'histoire- Conduite des parties -

Partage équitable des ressourced su coursd'eau - Cartographie - Occupation
effective de l'î-e Prééminence des élémentsconduisant à la déterminationde
lafrontière dansle chenal sudet de la souveraineté de la Namibie sur Kasikilil
Sedudu.

1. Je regrette de me trouver en complet désaccord avecla majorité.Je
regrette particulièrement de me rendre compte de l'étenduede la distance
qui sépareles convictions qui ont prévaludans cet arrêt etmes propres
convictions au sujet du principe de I'uti possidetis,dans le contexte du

phénomène colonialet de l'accès des peuples à l'indépendance.Au fildes
annéespasséesau sein de l'instance suprême demon pays j'ai appris que
la majorité atoujours raison, et le temps a extirpéles dernières tracesde
doute que j'entretenais au début sur le bien-fondé de cet aphorisme. Ce
qui suit n'est donc pas un plaidoyer en faveur de la cause perdue,
d'autant plus que les deux Parties ont été représentée isi d'une manière

irréprochable, leurs thèses ayant bénéficié de la part de leurs conseils
d'une défense aussicomplète que tenace. Je serais en mesure de souscrire
très largement à celles de la Namibie, tout en rendant hommage à l'avis
de la plupart des membres de la Cour. Je me bornerai à faire connaître de
la façon la plus concise la portée demon dissentiment.

2. La Cour a bien compris, à la lumièrede l'article III du traitéanglo-
allemand de 1890,que sa tâche n'était point de déterminertout simple-
ment le thalweg du Chobe, mais plutôt d'identifier d'abord le chenal
principal de la rivièrelà où son cours bifurque, pour déterminer ensuitele
thalweg de ce chenal - « im Thalweg des Hauptlaufes» - suivant la ver-
sion allemande qui précise,pour le lecteur de la version anglaise, de quel

((centre» il s'agit.
3. Dans l'identification du chenal principal, lorsque les deux bras du
Chobe se séparent pour enserrer l'île de KasikiliISedudu, l'arrêt paraît
entendre privilégier la géographie,pourtant assortie d'ambiguïtés. Le
chenal nord l'emporte en profondeur moyenne et serait donc plus aisé-
ment navigable que le chenal sud, lorsque les eaux du Chobe suffiraient à

permettre une navigation quelconque. On parle néanmoins de navigabi-
litédans l'abstrait, puisqu'il est certain que le chenal sud a toujours
connu, en matière de navigation effective, une plus grande affluence.
C'est bien là, par ailleurs, que se situe la plus large part des ressources du
Chobe, qui devraient êtreaccessiblesdans des conditions égalesaux deux1234 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSR. EZEK)

Parties, suivant un principe de base du droit des gens en matièrede fron-
tière fluviale.
4. Le chenal nord aurait encore le bénéficede la plus grande ((visibi-
lité» de son dessein, de ses rivages, apparaissant ainsi, malgréI'incerti-
tude qu'il n'a pas été possiblede surmonter quant au volume comparé
des eaux, comme le plus important des deux bras du Chobe qui entourent
l'îlede KasikililSedudu. Je me demande si cela a pu signifier quoi que ce
soit pour les puissances coloniales qui ont négocile traitéde 1890,ainsi

que pour leurs agents dans la régioncontroverséeou pour les commu-
nautésindigènesdurant les décennies subséquentes.II s'agit d'une «visi-
bilité»que seule la photographie aérienne permetd'appréhender, et qui
n'avait donc pas d'existence a l'époqueou l'engagement bilatérala été
conclu et mis en Œuvre.
5. Je ne suis pas en mesure de comprendre pourquoi le chenal nord
constituerait le ((prolongement naturel)) du cours du Chobe lorsque le
cours de ce dernier atteint l'îledeasikiliISedudu. Nous ne sommes pas
en présenced'une voie ferrée oud'une route, mais d'un cours d'eau natu-
rel, dont le cheminement échappe aux lois de l'orthodromie. Mais si
j'admettais qu'une telle considération morphologique doit êtreprise en
compte, il me serait difficilede dire pourquoi le prolongement en amont
mériterait de l'emporter sur le prolongement en aval: en effet, quand les
deux chenaux se rejoignent, c'est bien l'orientation du chenal sud qui
paraît se perpétuerdans le cours d'eau réunifié.

6. L'hétérogénéitd éu cadre géographique souligne l'importance du
facteur historique, dèslors qu'il s'agitde bien interpréterle traitéde 1890.
Les parties ont vraisemblablement utiliséles formules usuelles de déter-
mination de la ligne limitrophe, lorsque celle-ci suit un cours d'eau sur
lequel se trouvent des îles, sans accorder une attention particulière aux
caractéristiques propres de la régiondeKasikililSedudu. 11est néanmoins
certain que les deux puissances ont pris conscience, avec le temps, du
besoin de parvenir à une interprétation correcte du traité pour ce qui est
de la déterminationde la frontièredans ce site précis.Plutôt que d'essayer
de savoir ce que les parties ont voulu dire avec les mots «chenal princi-
pal», puisqu'elles n'ont probablement rien entendu dire de spécial,il
revenait à la Cour de déterminer, dans les limites de l'aire controversée,
ce qu'elles ont lu dans ces mots durant les décenniesqui ont suivi la
conclusion du traité de 1890.
7. Il me semble tout de mêmeétablique l'accèsfluvial au Zambèzen'a
pas représenté l'objectif essentiel pour les parties au traité de 1890, en

particulier pourl'Allemagne. J'admets que le traité aété négocisé urtout
pour délimiterles sphères d'influenceentre les deux puissances. Un tel
but devait êtreatteint à la lumièrede certains principes sur la frontière
fluviale, au premier rang desquels figure celui de l'égalité d'accèasux
ressources du cours d'eau. L'analyse de l'objet et du but du traité de
1890 conduit elle aussi à l'identification du chenal sud comme chenal
principal:1235 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.REZEK)

«Car, s'il faut retracer la frontière suivant le chenal nord, la

Namibie se trouverait totalement coupée du chenal sud - ce qu'elle
est en fait aujourd'hui en raison de I'occupation militaire illégalede
l'île. Elleserait alors privéede l'utilisation du Chobeà ou il répond
effectivement aux besoins et aux intérêtsdes deux Etats riverains.
Prolonger cette situation en traçant de nouvelles frontièrescomme le
revendique le Botswana serait incompatible avec l'objet et le but du
traitéde 1890.Ce serait égalementporter atteinte au principe général
de la répartition équitable et raisonnable des ressources d'un
cours d'eau frontiére énoncé parla Cour dans l'affaire relative au
Projet GabFikovo-Nagymaros. )) (Delbrück, pour la Namibie,
CR 9911,p. 66.)

8. Dans son ensemble, la pratique qui a suivi la conclusion du traité de
1890indique que. depuis les premières décennies,les parties ont identifié
le chenal sud comme étantle chenal principal du Chobe, lorsque ce der-

nier atteint l'île de KasikililSedudu. L'arrêt I'adniet d'ailleurse,n disant
que jusqu'en 1947la frontière ((étaitjusque-la supposéese situer dans le
chenal sud du Choben (par. 62).

9. Les accords entre les parties concernant l'interprétationdu traité de
1890ou l'application de ses règlesdonnent des indications variéesdans
leur sens. En ce qui concerne tant l'opinion de M. Eason que le rapport
Trollope-Redman de 1948,je pense que la Namibie a raison lorsqu'elle
affirme que:

((La question de savoir si le chenal le plus profond est le ((chenal
principal)) au sens du traité appelle une déduction sur un point de
droit, au sujet duquel les fonctionnaires n'avaient aucune compé-
tence particulière. Si, comme l'affirme la Namibie, la profondeur
n'est pas le critèreapproprié aux fins d'identifier le chenal principal,

alors les rapports de ces fonctionnaires ne nous sont d'aucun secours
pour déterminer quel est le chenal principal.)) (Chayes, pour la
Namibie, CR 99111, p. 56.)

L'accord Trollope-Dickinson de 1951préservele statu quo unte, notam-
ment pour ce qui est de l'occupation de l'île par les Masubia, ainsi
que pour l'ouverture «à tous)) du chenal nord. Les parties ((réservent
leurs droits)). Ce gentlemen's agreement m'a paru surtout indicatif de
l'inutilité de déclarer ouvert le chenal sud, entendu comme frontière
internationale.
10. Les élémentsde preuve cartographiques sont nombreux et il est
vrai qu'ils manquent d'une parfaite uniformité. Mais il n'ya pas qu'une
majorité numérique de cartesselon lesquelles le chenal sud représentela
frontière à KasikililSedudu. J'ai été sensibleà la variété d'origineetà la
continuitédans le temps que traduisent ces pièces: lacarte allemande de

1909; la carte britannique GSGS 391 5 de 1933; la carte sud-africaine
TSO 4001558de 1949; la carte no 3158 de l'ONU, publiéeen 1985).Les1236 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS .EZEK)

pièces les plus remarquables de la cartographie dressée durant cette
longue périodecorrespondent à I'occupation effectivede I'îleet confortent
a mon avis le droit de la Namibie.
11. Il y a place, en principe, pour l'application, en l'espèce,des doc-
trines de la prescription et de I'acquiescement. Une telle application
entre pleinement dans les prévisionsdu compromis, on l'admettra volon-
tiers.
Ces doctrines expriment des règlescoutumières du droit des gens, par
ailleurs de très anciennes règles coutumières, fondéessur des principes

générauxcommecelui de I'effectivitéet celuide la bonne foi, ainsi que sur
des impératifs dela raison tels que la considérationdu temps qui passe et
de l'inertie. La Cour est compétente, suivant le compromis, pour statuer
((sur la base du traité anglo-allemand du 1"'juillet 1890et des règleset
principes du droit international)).
12. J'estime que l'occupation de I'île par les Masubia venus du côté
caprivien du Chobe, réalitéincontestable, remontant dans le temps à un
moment proche de l'entrée en vigueurdu traitéde 1890,et ayant duré au
moins jusqu'a une date proche de l'indépendancedu Botswana et peut-
êtremêmepostérieure à celle-ci,serait de natureà justifier la prescription
acauisitive. Mais I'interurétationdu traité de 1890a la lumièrede l'his-
toire, et d'une façon au moins parfaitement compatible avec I'hydromor-
phologie de l'aire contestée,me suffit à reconnaître le droit du bénéficiair-

e potentiel de la prescription, c'est-à-dire la Namibie. S'il en était
autrement - en ~articulier. si l'interurétation du traité conduisait effec-
tivement à la localisationdu chenal Gincipal du Chobe au nord de Kasi-
kililSedudu - je serais en mesure d'affirmer que la prescription acquisi-
tive de la Namibie étaitparachevéeavant même l'indépendance des deux
anciennes colonies: une prescription assortie de tous ses éléments, y com-
pris I'acquiescement de l'autre puissance coloniale.

13. L'arrêtne nie pas que «des liens d'allégeanceont pu exister entre
les Masubia et les autorités du Caprivi))(par. 98). 11considère pourtant
qu'il n'apas été ((établique les membres de cette tribu occupaient I'île((à
titre de souverain)).Pour moi, l'at~imusde I'occupation, sa nature et ses

effets doivent êtreappréciéssuivant le milieuet l'époque.Je me demande,
ainsi, de quels gestes, de quels signes les Masubia auraient dû assortir leur
présence sur I'île de KasikiliISedudu, pour que l'on reconnaisse qu'ils
étaientla «à titre de souverain)). Vider de toute valeur juridique l'occupa-
tion indigène deI'île,considérerque ce peuple étaitdépourvudes droits
nécessairespour s'y trouver ((atitre de souverain)), c'est quelque chose
qui a mon avis n'aurait de sens que si l'on était encore a la première
moitiédu siècleet si la controverse sur la frontière n'opposait pas les suc-
cesseurs de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, mais les deux puis-
sances elles mêmes.
14. Les Masubia étaient des ((personnes privées)),soutient l'arrêt.
Leur allégeancene suffisait donc pas. 11aurait fallu peut-être une pré-
sence continue d'agents de 1'Etatallemand pour justifier soit la prescrip-tion acquisitive, soit l'idéed'une conduite apportant la démonstration
d'une certaine interprétation du traité de 1890. Je suis tout de même
porté a croire que les personnes privéessont la plus parfaite évidence
d'une occupation pacifique, qui mérite laprotection du droit. Des per-
sonnes privées - non pas des agents d'Etat - ont écritl'histoire de l'uti
possidetis dans une partie considérable du continent américain, où elles
ont modifiéle tracédes frontières, souvent a rebours des titres des puis-
sances coloniales.

15. J'admettrais volontiers que l'occupation par des personnes privées
serait dépourvue d'unevaleur pareille si la communauté en question s'y
trouvait sous l'autorité de l'autrepuissance, ou si à tout le moins elle y
coexistait avec des agents de l'autre puissance. Dans l'espèce, même
la présence de personnes privées d'allégeancebritannique n'a pas
étéconfirméesur l'île de KasikiliISedudu avec un minimum de cons-
tance. De la la pertinence de l'enseignement de la Cour permanente de
Justice internationale dans l'affaire du Statut juridique du Groënland
oriental:

((11est impossible d'examiner les décisions renduesdans les affai-
res visant la souveraineté territoriale sans observer que, dans beau-
coup de cas, le tribunal n'a pas exigéde nombreuses manifestations
d'un exercice de droits souverains pourvu que l'autre Etat en cause
ne pût faire valoir une prétention supérieure.Ceci est particulière-
ment vrai des revendicationsde souveraineté sur des territoires situés
dans des pays faiblement peuplésou non occupéspar des habitants
à demeure.)) (C.P.J.I. sérieAIBno53, p. 46, arrêt du 5 avril 1933.)

16. Avec respect et non sans regret, je me dissocie de la majorité dela
Cour. J'aurais donné àl'affaire la solution contraire.

(Signé) Francisco REZEK.

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OPINION DISSIDENTE DE M. REZEK

Identification du chenalprincipal du Chobe dans larégion deKasikililSedudu
- Ambigui'téde la géographie locale - Critique des arguments ayant trait Ù la
navigabilité,à la visibilitéet auprolongement naturel- Interprétationdu traité
anglo-allemand de 1890 à la lumière de l'histoire- Conduite des parties -

Partage équitable des ressourced su coursd'eau - Cartographie - Occupation
effective de l'î-e Prééminence des élémentsconduisant à la déterminationde
lafrontière dansle chenal sudet de la souveraineté de la Namibie sur Kasikilil
Sedudu.

1. Je regrette de me trouver en complet désaccord avecla majorité.Je
regrette particulièrement de me rendre compte de l'étenduede la distance
qui sépareles convictions qui ont prévaludans cet arrêt etmes propres
convictions au sujet du principe de I'uti possidetis,dans le contexte du

phénomène colonialet de l'accès des peuples à l'indépendance.Au fildes
annéespasséesau sein de l'instance suprême demon pays j'ai appris que
la majorité atoujours raison, et le temps a extirpéles dernières tracesde
doute que j'entretenais au début sur le bien-fondé de cet aphorisme. Ce
qui suit n'est donc pas un plaidoyer en faveur de la cause perdue,
d'autant plus que les deux Parties ont été représentée isi d'une manière

irréprochable, leurs thèses ayant bénéficié de la part de leurs conseils
d'une défense aussicomplète que tenace. Je serais en mesure de souscrire
très largement à celles de la Namibie, tout en rendant hommage à l'avis
de la plupart des membres de la Cour. Je me bornerai à faire connaître de
la façon la plus concise la portée demon dissentiment.

2. La Cour a bien compris, à la lumièrede l'article III du traitéanglo-
allemand de 1890,que sa tâche n'était point de déterminertout simple-
ment le thalweg du Chobe, mais plutôt d'identifier d'abord le chenal
principal de la rivièrelà où son cours bifurque, pour déterminer ensuitele
thalweg de ce chenal - « im Thalweg des Hauptlaufes» - suivant la ver-
sion allemande qui précise,pour le lecteur de la version anglaise, de quel

((centre» il s'agit.
3. Dans l'identification du chenal principal, lorsque les deux bras du
Chobe se séparent pour enserrer l'île de KasikiliISedudu, l'arrêt paraît
entendre privilégier la géographie,pourtant assortie d'ambiguïtés. Le
chenal nord l'emporte en profondeur moyenne et serait donc plus aisé-
ment navigable que le chenal sud, lorsque les eaux du Chobe suffiraient à

permettre une navigation quelconque. On parle néanmoins de navigabi-
litédans l'abstrait, puisqu'il est certain que le chenal sud a toujours
connu, en matière de navigation effective, une plus grande affluence.
C'est bien là, par ailleurs, que se situe la plus large part des ressources du
Chobe, qui devraient êtreaccessiblesdans des conditions égalesaux deux DISSENTING OPINION OF JUDGE REZEK

Ident~jicationof the main channelof the Chobein the KasikililSedudu region
- Ambiguous nature of local geography - Criticism of the arguments relating
to navigahility, visibility andnaturalprolongation - Interpretation of the 1890
Anglo-German Treaty in the light ofhistory - Conduct of the Parties - Equi-
table sharing of ,va6ercourseresources - Cartography - Effective occupation
of the Island - Prepoizderanceof evidence in favour of thejinding that the
boundary lies in the soiithern chunnel and that Namihia has sovereignty oiJer
KasikililSedudu.

1. 1am sorry to find myself in complete disagreement with the major-

ity. A particular source of regret is the gulf between the position taken by
the Judgment and my own viewsconcerning the principle of utipossidetis
in the context of a colonial situation and the accession of peoples to inde-
pendence. Over the course of my years of service on the Supreme Court
of my own country, 1learned that the majority is always right, and time
has effaced any vestigesof doubt 1entertained early on about the validity
of that maxim. What follows, therefore, is not a plea in support of the

losing side, particularly since both Parties had the benefit of impeccable
representation in these proceedings, and their cases were argued
thoroughly and tenaciously by their respective counsel. 1 could set
out at length my support for the case put by Namibia, while paying
tribute to the opinion of the majority of the Court's Members. How-
ever, 1 shall confine myself to indicating as succinctly as possible the
substance of my dissent.

2. The Court correctly understood, in the light of Article III of the
1890Anglo-German Treaty, that its task was not simply to determine the
thalweg of the Chobe, but rather first of al1to identify the point at which
the main channel of the river bifurcates, and then to determine the thal-
weg of this channel - "im Thalweg des Hauptlaufes" - on the basis of
the German version, which makes it clear, to readers of the English ver-
sion, what is meant by the term "centre".

3. In identifying the main channel, where the two branches of the
Chobe separate in order to encircle KasikiliISedudu Island, the Judgment
appears to seek to attach more importance to geographical considera-
tions, despite the attendant ambiguities. The northern channel has a
greater mean depth and is therefore said to be more easily navigable than
the southerii channel, when the Chobe carries sufficient water to permit
navigation at all. However, navigability is referred to in the abstract,

since it is clear that, as far as actual traffic is concerned, the southern
channel has always been more heavily used. It is there, moreover,
that most of the Chobe's water resources are found, which should be1234 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSR. EZEK)

Parties, suivant un principe de base du droit des gens en matièrede fron-
tière fluviale.
4. Le chenal nord aurait encore le bénéficede la plus grande ((visibi-
lité» de son dessein, de ses rivages, apparaissant ainsi, malgréI'incerti-
tude qu'il n'a pas été possiblede surmonter quant au volume comparé
des eaux, comme le plus important des deux bras du Chobe qui entourent
l'îlede KasikililSedudu. Je me demande si cela a pu signifier quoi que ce
soit pour les puissances coloniales qui ont négocile traitéde 1890,ainsi

que pour leurs agents dans la régioncontroverséeou pour les commu-
nautésindigènesdurant les décennies subséquentes.II s'agit d'une «visi-
bilité»que seule la photographie aérienne permetd'appréhender, et qui
n'avait donc pas d'existence a l'époqueou l'engagement bilatérala été
conclu et mis en Œuvre.
5. Je ne suis pas en mesure de comprendre pourquoi le chenal nord
constituerait le ((prolongement naturel)) du cours du Chobe lorsque le
cours de ce dernier atteint l'îledeasikiliISedudu. Nous ne sommes pas
en présenced'une voie ferrée oud'une route, mais d'un cours d'eau natu-
rel, dont le cheminement échappe aux lois de l'orthodromie. Mais si
j'admettais qu'une telle considération morphologique doit êtreprise en
compte, il me serait difficilede dire pourquoi le prolongement en amont
mériterait de l'emporter sur le prolongement en aval: en effet, quand les
deux chenaux se rejoignent, c'est bien l'orientation du chenal sud qui
paraît se perpétuerdans le cours d'eau réunifié.

6. L'hétérogénéitd éu cadre géographique souligne l'importance du
facteur historique, dèslors qu'il s'agitde bien interpréterle traitéde 1890.
Les parties ont vraisemblablement utiliséles formules usuelles de déter-
mination de la ligne limitrophe, lorsque celle-ci suit un cours d'eau sur
lequel se trouvent des îles, sans accorder une attention particulière aux
caractéristiques propres de la régiondeKasikililSedudu. 11est néanmoins
certain que les deux puissances ont pris conscience, avec le temps, du
besoin de parvenir à une interprétation correcte du traité pour ce qui est
de la déterminationde la frontièredans ce site précis.Plutôt que d'essayer
de savoir ce que les parties ont voulu dire avec les mots «chenal princi-
pal», puisqu'elles n'ont probablement rien entendu dire de spécial,il
revenait à la Cour de déterminer, dans les limites de l'aire controversée,
ce qu'elles ont lu dans ces mots durant les décenniesqui ont suivi la
conclusion du traité de 1890.
7. Il me semble tout de mêmeétablique l'accèsfluvial au Zambèzen'a
pas représenté l'objectif essentiel pour les parties au traité de 1890, en

particulier pourl'Allemagne. J'admets que le traité aété négocisé urtout
pour délimiterles sphères d'influenceentre les deux puissances. Un tel
but devait êtreatteint à la lumièrede certains principes sur la frontière
fluviale, au premier rang desquels figure celui de l'égalité d'accèasux
ressources du cours d'eau. L'analyse de l'objet et du but du traité de
1890 conduit elle aussi à l'identification du chenal sud comme chenal
principal: KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P.REZEK) 1234

accessible to both Parties equally, in accordance with a basic principle of
international law relating to river boundaries.
4. The northern channel is also said to have greater "visibility" in
terms of its contours and banks. and is thus regarded, despite the linger-
ing uncertainty about comparative volumes of water, as the more sub-
stantial of the two branches of the Chobe surrounding KasikiliISedudu.
1ask myself whether this could have had any significance whatsoever to
the colonial powers who negotiated the 1890Treaty, or to their agents in
the disputed region or to the indigenous communities over subsequent
decades. This "visibility" is evidenced only by aerial photography, and
was therefore non-existent at the time when the bilateral agreement was
concluded and implemented.

5. 1am unable to understand why the northern channel is considered
to constitute the "natural prolongation" of the course of the Chobe
when it reaches KasikiliISedudu Island. We are dealing here not with a
railway or a road, but with a natural watercourse, which does not neces-
sarily follow the most direct route. However, were 1 to accept that such
morphological considerations should be taken iiito account, itwould
be difficult for me to Say why the upstream prolongation should be
given more importance than the downstream prolongation: indeed, when
the two channels come together again, it is in fact the southern
channel which appears to determine the orientation of the reunited water-
course.
6. The variability of the geographical aspect highlights the importance

of the historical factor, when itomes to interpreting the 1890Treaty cor-
rectly. It is likely that the parties used the conventional formulas for
determination of the boundary line when it follows a watercourse on
which islands are located, without according any particular attention to
the features specificto theKasikiliISedudu area. There is no doubt, how-
ever, that the two powers became aware, with the passage of time, of the
need to arrive at a proper interpretation of the Treaty in regard to the
determination of the boundary at that precise location. Rather than seek
to ascertain what the parties concerned meant by the words "main chan-
nel", since they probably had nothing special in mind, it fell to the Court
to determine, with specific reference to the disputed area, what they read
into those words during the decades following the conclusion of the 1890
Treaty.

7. All the same, itseems to me proven that access by river to the Zam-
bezi was not the key objective for the parties to the 1890Treaty, particu-
larly for Germany. 1accept that the main aim in the treaty negotiation
was to delinlit spheres of influence between the two powers. That aim was
to be attained in the light of certain principles governing river bound-
aries, foremost among which is that of equality of access to the resources
of a watercourse. An examination of the object and purpose of the 1890
Treaty also results in the identification of the southern channel as the
main channel :1235 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.REZEK)

«Car, s'il faut retracer la frontière suivant le chenal nord, la

Namibie se trouverait totalement coupée du chenal sud - ce qu'elle
est en fait aujourd'hui en raison de I'occupation militaire illégalede
l'île. Elleserait alors privéede l'utilisation du Chobeà ou il répond
effectivement aux besoins et aux intérêtsdes deux Etats riverains.
Prolonger cette situation en traçant de nouvelles frontièrescomme le
revendique le Botswana serait incompatible avec l'objet et le but du
traitéde 1890.Ce serait égalementporter atteinte au principe général
de la répartition équitable et raisonnable des ressources d'un
cours d'eau frontiére énoncé parla Cour dans l'affaire relative au
Projet GabFikovo-Nagymaros. )) (Delbrück, pour la Namibie,
CR 9911,p. 66.)

8. Dans son ensemble, la pratique qui a suivi la conclusion du traité de
1890indique que. depuis les premières décennies,les parties ont identifié
le chenal sud comme étantle chenal principal du Chobe, lorsque ce der-

nier atteint l'île de KasikililSedudu. L'arrêt I'adniet d'ailleurse,n disant
que jusqu'en 1947la frontière ((étaitjusque-la supposéese situer dans le
chenal sud du Choben (par. 62).

9. Les accords entre les parties concernant l'interprétationdu traité de
1890ou l'application de ses règlesdonnent des indications variéesdans
leur sens. En ce qui concerne tant l'opinion de M. Eason que le rapport
Trollope-Redman de 1948,je pense que la Namibie a raison lorsqu'elle
affirme que:

((La question de savoir si le chenal le plus profond est le ((chenal
principal)) au sens du traité appelle une déduction sur un point de
droit, au sujet duquel les fonctionnaires n'avaient aucune compé-
tence particulière. Si, comme l'affirme la Namibie, la profondeur
n'est pas le critèreapproprié aux fins d'identifier le chenal principal,

alors les rapports de ces fonctionnaires ne nous sont d'aucun secours
pour déterminer quel est le chenal principal.)) (Chayes, pour la
Namibie, CR 99111, p. 56.)

L'accord Trollope-Dickinson de 1951préservele statu quo unte, notam-
ment pour ce qui est de l'occupation de l'île par les Masubia, ainsi
que pour l'ouverture «à tous)) du chenal nord. Les parties ((réservent
leurs droits)). Ce gentlemen's agreement m'a paru surtout indicatif de
l'inutilité de déclarer ouvert le chenal sud, entendu comme frontière
internationale.
10. Les élémentsde preuve cartographiques sont nombreux et il est
vrai qu'ils manquent d'une parfaite uniformité. Mais il n'ya pas qu'une
majorité numérique de cartesselon lesquelles le chenal sud représentela
frontière à KasikililSedudu. J'ai été sensibleà la variété d'origineetà la
continuitédans le temps que traduisent ces pièces: lacarte allemande de

1909; la carte britannique GSGS 391 5 de 1933; la carte sud-africaine
TSO 4001558de 1949; la carte no 3158 de l'ONU, publiéeen 1985).Les KASIKII~I/SEDU IDLUND (DISS . P. REZEK) 1235

"For, if the boundary were to be redrawn along the northern
channel, Namibia would be entirely shut off from the southern chan-
ne1- as it is, indeed, today because of the illegal military occupa-
tion of the Island. It would thereby be denied the use of the Chobe

River where it actually serves the needs and interests of bothripar-
ian States. To continue this state of affairs by redrawing the bound-
ary according to Botswana's claims would be incompatible with the
object and purpose of the 1890 Treaty. It would also subvert the
general principle ofequitable and reasonable sharing of the resources
of a boundary river enunciated by this Court in the case concerning
the Gabtikovo-Nugymaros Projecl." (CR9911, p. 66 (Delbrück, for
Namibia)).

8. Practice subsequent to the conclusion of the 1890Treaty indicates
as a whole that, as from the firstecades after that date, the parties iden-
tified the southern channel as the main channel of the Chobe, where the
latter reachesKasikili/Sedudu Island. This is, moreover, acknowledged in
the Judgment, which States that prior to 1947 the boundary "had until
then been supposed to be located in the southern channel of the Chobe"

(para. 62).
9. The agreements between the parties concerningthe interpretation of
the 1890 Treaty or the application of its rules contain information of
varying import. As far as both Captain Eason's opinion and the 1948
Trollope-Redman report are concerned, 1 consider that Namibia is cor-
rect in its assertion that:

"The question whether the deeper channel is 'the main channel'
within the meaning of the Treaty is an inference of law, as to which
the officials have no particular expertise. If, as Namibia contends,
the criterion of depthis not the correct one for identifying the main
channel. then the reports of the officialsare of no assistance in deter-
mining the main channel." (CR 99/11, p. 56 (Chayes).)

The Trollope-Dickinson agreement of 1951 confirmed the stntus quo
ante, particularly as regards occupation of the Island by the Masubia, as

well as the designation of the northern channel as "free for all". The
parties "reserved their rights".1 regarded this "gentlemen's agreement"
as primarily indicative of the redundancy of declaring open the southern
channel, which was understood to be the international boundary.
10. The map evidence is copious, but admittedly is not totally consist-
ent. However, it is not just a matter of there being a numerical majority
of maps on which the boundary at KasikililSedudu is depicted as the
southern channel; 1was struck by the variety of sources and the temporal
continuity displayed by these documents: the 1909 German map; the
1933 British map GSGS 3915; the 1949 South African map TSO 4001
558; the United Nations map No. 3158, published in 1985. The most1236 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS .EZEK)

pièces les plus remarquables de la cartographie dressée durant cette
longue périodecorrespondent à I'occupation effectivede I'îleet confortent
a mon avis le droit de la Namibie.
11. Il y a place, en principe, pour l'application, en l'espèce,des doc-
trines de la prescription et de I'acquiescement. Une telle application
entre pleinement dans les prévisionsdu compromis, on l'admettra volon-
tiers.
Ces doctrines expriment des règlescoutumières du droit des gens, par
ailleurs de très anciennes règles coutumières, fondéessur des principes

générauxcommecelui de I'effectivitéet celuide la bonne foi, ainsi que sur
des impératifs dela raison tels que la considérationdu temps qui passe et
de l'inertie. La Cour est compétente, suivant le compromis, pour statuer
((sur la base du traité anglo-allemand du 1"'juillet 1890et des règleset
principes du droit international)).
12. J'estime que l'occupation de I'île par les Masubia venus du côté
caprivien du Chobe, réalitéincontestable, remontant dans le temps à un
moment proche de l'entrée en vigueurdu traitéde 1890,et ayant duré au
moins jusqu'a une date proche de l'indépendancedu Botswana et peut-
êtremêmepostérieure à celle-ci,serait de natureà justifier la prescription
acauisitive. Mais I'interurétationdu traité de 1890a la lumièrede l'his-
toire, et d'une façon au moins parfaitement compatible avec I'hydromor-
phologie de l'aire contestée,me suffit à reconnaître le droit du bénéficiair-

e potentiel de la prescription, c'est-à-dire la Namibie. S'il en était
autrement - en ~articulier. si l'interurétation du traité conduisait effec-
tivement à la localisationdu chenal Gincipal du Chobe au nord de Kasi-
kililSedudu - je serais en mesure d'affirmer que la prescription acquisi-
tive de la Namibie étaitparachevéeavant même l'indépendance des deux
anciennes colonies: une prescription assortie de tous ses éléments, y com-
pris I'acquiescement de l'autre puissance coloniale.

13. L'arrêtne nie pas que «des liens d'allégeanceont pu exister entre
les Masubia et les autorités du Caprivi))(par. 98). 11considère pourtant
qu'il n'apas été ((établique les membres de cette tribu occupaient I'île((à
titre de souverain)).Pour moi, l'at~imusde I'occupation, sa nature et ses

effets doivent êtreappréciéssuivant le milieuet l'époque.Je me demande,
ainsi, de quels gestes, de quels signes les Masubia auraient dû assortir leur
présence sur I'île de KasikiliISedudu, pour que l'on reconnaisse qu'ils
étaientla «à titre de souverain)). Vider de toute valeur juridique l'occupa-
tion indigène deI'île,considérerque ce peuple étaitdépourvudes droits
nécessairespour s'y trouver ((atitre de souverain)), c'est quelque chose
qui a mon avis n'aurait de sens que si l'on était encore a la première
moitiédu siècleet si la controverse sur la frontière n'opposait pas les suc-
cesseurs de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, mais les deux puis-
sances elles mêmes.
14. Les Masubia étaient des ((personnes privées)),soutient l'arrêt.
Leur allégeancene suffisait donc pas. 11aurait fallu peut-être une pré-
sence continue d'agents de 1'Etatallemand pour justifier soit la prescrip- KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P. REZEK) 1236

impressive cartographic materials produced over that lengthy period date
from the period of effective occupation of the Island and, in my view,
confirm Namibia's rights.
11. There is scope, in principle, for the application in this case of the
doctrines of prescription and acquiescence. Such application is fully in

keeping with the provisions of the Special Agreement, as readily acknow-
ledged.
These doctrines give expression to customary rules of international
law, which are moreover of long standing, based on general principles
such as "effectivité"and good faith, as well as on the dictates of reason,
such as consideration of the passage of time and of failure to act. The
Court has jurisdiction, under the terms of the Special Agreement, to give
a ruling "on the basis of the Anglo-German Treaty of 1July 1890and the
rules and principles of international law".
12. 1consider that the occupation of the Island by the Masubia from
the Caprivi side of the Chobe, an indisputable fact, dating back to a
point in time close to the entry into force of the 1890Treaty, and con-
tinuing at least until-- and perhaps even beyond - a date close to that

of Botswana's independence, can be considered to provide justification
for acquisitive prescription. However, in my view interpretation of the
1890Treaty in the light of history, and in a manner at least fully com-
patible with the hydromorphology of the disputed area, in itself provides
sufficient groundsfor recognition of the rights of the potential beneficiary
of prescription, Le., Namibia. Even if that were not so - in particular, if
the interpretation of the Treaty effectively resulted in placing the main
channel of the Chobe to the north of KasikiliISedudu - 1would find
myself able to take the view that the process of acquisitive prescription in
favour of Namibia was completed even before the two former colonies
became independent: a process involving al1 the attendant elements of
prescription, including acquiescence by the other colonial power.

13. The Judgment does not deny that "links of allegiance may have
existed between the Masubia and the Caprivi authorities" (para. 98). It
does not, however, consider it "proven that the members of this tribe
occupied the Island à titre de souverain". To my mind, the aninlus of the
occupation, its nature and its effects must be evaluated in the light of the
surrounding circumstances and the period. What actions or indicia would
have had to mark the Dresenceof the Masubia on KasikiliISedudu Island
in order for it to be recognized that they were there à titre de souverrrin?
In my opinion, to deny that the indigenous occupation of the Island has
any legal legitimacy and to take the view that this people lacked the
necessary rights to live thereù titre de souverain is an approach which
would only make senseif we were still livingin the first half of the century

and the boundary dispute was not between the successors of Germany
and Great ri tainbut between the two powers themselves.
14. The Masubia were "private persons" according to the Judgment.
Their allegiance did not, therefore, constitute sufficient title. It wouldr-
haps have required the continued presence of agents of the German Statetion acquisitive, soit l'idéed'une conduite apportant la démonstration
d'une certaine interprétation du traité de 1890. Je suis tout de même
porté a croire que les personnes privéessont la plus parfaite évidence
d'une occupation pacifique, qui mérite laprotection du droit. Des per-
sonnes privées - non pas des agents d'Etat - ont écritl'histoire de l'uti
possidetis dans une partie considérable du continent américain, où elles
ont modifiéle tracédes frontières, souvent a rebours des titres des puis-
sances coloniales.

15. J'admettrais volontiers que l'occupation par des personnes privées
serait dépourvue d'unevaleur pareille si la communauté en question s'y
trouvait sous l'autorité de l'autrepuissance, ou si à tout le moins elle y
coexistait avec des agents de l'autre puissance. Dans l'espèce, même
la présence de personnes privées d'allégeancebritannique n'a pas
étéconfirméesur l'île de KasikiliISedudu avec un minimum de cons-
tance. De la la pertinence de l'enseignement de la Cour permanente de
Justice internationale dans l'affaire du Statut juridique du Groënland
oriental:

((11est impossible d'examiner les décisions renduesdans les affai-
res visant la souveraineté territoriale sans observer que, dans beau-
coup de cas, le tribunal n'a pas exigéde nombreuses manifestations
d'un exercice de droits souverains pourvu que l'autre Etat en cause
ne pût faire valoir une prétention supérieure.Ceci est particulière-
ment vrai des revendicationsde souveraineté sur des territoires situés
dans des pays faiblement peuplésou non occupéspar des habitants
à demeure.)) (C.P.J.I. sérieAIBno53, p. 46, arrêt du 5 avril 1933.)

16. Avec respect et non sans regret, je me dissocie de la majorité dela
Cour. J'aurais donné àl'affaire la solution contraire.

(Signé) Francisco REZEK. KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. REZEK) 1237

to justify either acquisitive prescription or the idea of conduct serving to
confirm a particular interpretation of the 1890 Treaty. 1 nevertheless
incline to the view that private persons provide perfect evidence of a
peaceful occupation which deserves the protection of the law. Private
persons - not agents of the State- wrote the history of utpossidefis in

much of the American continent, where they altered the course of fron-
tiers, frequently in defiance of the claims of the colonial powers.

15. 1 would readily admit that occupation by private persons would
have no such legitimacy if the community in question was there under the
authority of the other power or, at the very least, if it lived side by side
with agents of the other power. In this case, even the presence on
KasikiliISedudu Island of private persons bearing allegiance to Great
Britain has not been confirmed with a minimum degree of permanency.
Hence the relevance of the lesson drawn by the Permanent Court of
International Justice in the case concerning the Legal Status of Eastern
Greenland:

"It is impossible to read the records of the decisions in casesas to
territorial sovereignty without observing that in many cases the tri-
bunal has been satisfied with very little inthe way of the actualer-
cise of sovereign rights, provided that the other State could not
make out a superior claim. This is particularly true in the case of
claims to sovereignty over areas in thinly populated or unsettled

countries." (Judgment of 5 April 1933,P.C ..J., Series AIB, No. 53,
p. 46.)
16. With al1 due respect and not without regret, 1 dissociate myself
from the majority of the Court. 1 would have reached the opposite con-
clusion in this case.

(Signed) Francisco REZEK.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Rezek

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