Opinion dissidente de M. Fleischhauer (traduction)

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098-19991213-JUD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. FLEISCHHAUER

[Traduction]

Interprétation de l'expression ((chenal principal» (c<Hauptlauf») à l'article
III du traitéde 1890 - Le droit applicable - Le sens ordinaire du terme -
Objet et but du traitéde 1890 - Le contexte dans lequelI'e'cpressionest utilisée
- L,'erreurcornrni.separ les Parties au traitéde 1890 quand ellesorztupprécié
les uti1isation.spossibles du Chobe - Le troisièmeparagraplle du dispositifde
l'arrêt- Une dernigre observation sur le rôle de lu prescription enl'espèce.

J'ai votécontre les paragraphes 1 et 2 du dispositif de I'arrêtde la
Cour. Pour les raisons que je vais exposer, je ne souscris pas à I'interpré-
tation que donne la Cour de I'expression ((chenal principal du fleuve))
(« Huupflauf dieses Flusses))) ' figurant au paragraphe 2 de I'article III
du traitéde 1890,laquelle viserait le chenal nord plutôt que le chenal sud

du Chobe contournant I'îlede KasikiliISedudu. Pour le reste de l'arrêt,
j'y souscris presque intégralement, y compris quand la Cour conclut que
les règlesexposées à I'article 31de la convention de Vienne s'appliquent à
l'interprétation du traitéde 1890et aussi quand elleconstate que la fron-
tière définieau paragraphe 2 de I'article III dudit traité suit le thalweg
plutôt que la lignemédianedu chenal principal. Comme la Cour n'accepte
pas la thèse présentéepar la Namibie sur la prescription acquisitive, le
statut territorial de l'îleest totalement tributaire du tracéde la frontière.

Refuser comme je le fais l'interprétation del'expression ((chenal principal
du fleuve)) (« Hauptl~zuf dieses Flusses») engage par conséquentnon seu-
lement ce que je pense de l'emplacement de la frontière mais aussi ce que
je pense du statut de I'île.Ce qui explique pourquoi j'ai voténon seule-
ment contre le premier paragraphe du dispositif mais aussi contre le
deuxième. En raison de considérations que je vais également exposer ci-
après, toutefois, j'ai votépour le troisième paragraphe.

Au nombre des multiples sections de l'arrêtauxquelles je souscris
figure la conclusion par laquelle la Cour dit que la Namibie n'a pas de
titre sur I'îlequ'elle puissefonder sur la prescription, car
<<LaNamibie n'a pas prouvéavec le degré deprécisionet de cer-

titude nécessaireque des actes d'autorité étatiquesusceptibles de
fonder autrement l'acquisition d'un titre par prescription selon les
conditions qu'elle a énoncéesauraient été accomplis par ses prédé-
cesseurs ou par elle-mêmesur I'île de Kasikili/Sedudu.» (Arrêt,
par. 99.)

'Au paragraphe 2 de I'article III du traité de 1890, l'expression est utiliséeau génitif.
C'est-à-dire qu'en allemand on lit des Hauptlaufes dieses Flusses. Par commodité,je cite
l'expression en allemand au nominatifauptlauf dieses Flusses. ÎLE DE KASIKILI~SEDUDU (OP.DISS.FLEISCHHAUER) 1197

Mais a mon avis, la Cour aurait dû dire aussi que le prédécesseur immé-
diat de la Namibie dans la bande de Caprivi, c'est-à-dire l'Afrique du
Sud, ne pouvait pas non plus avoir acquis par prescription de titre sur
l'île.
Ma motivation est la suivante

1. L'INTERPRÉTATI DOENL'EXPRESSION ((CHENAL PRINCIPAL))
(« HAUPTLAUF)) )IGURANT AU PARAGRAPHE 2 DE L'ARTICLE III
DU TRAITÉ DE 1890

Le droit applicable

1. La Cour dit très justement au débutde l'arrêtque si

«ni le Botswana ni la Namibie ne sont parties à la convention de
Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités ... l'un et l'autre
estiment que I'article 31 de la convention de Vienne est applicable en
tant qu'expression du droit international coutumier))(arrêt, par. 18).

La Cour ajoute qu'(<elle-même a déjà eu l'occasion de rappeler par le
passéque le droit international coutumier avait trouvé son expression
dans I'article31 de la convention de Vienne)) (ibid.) elle dit en outre:

((L'article4 de la convention, selon lequel ((celle-cis'applique uni-
quement aux traités conclus par des Etats après son entrée en
vigueur..» ne constitue donc pas un obstacle à ce que la Cour inter-
prète le traitéde 1890suivant les règlesexprimées a I'article 31de la
convention. » (lbid.)

2. La convention de Vienne sur le droit des traités établit auxar-
ticles 31à 33 un systèmed'interprétation des traités.L'article 31 dispose
au paragraphe 1que l'on doit, en se fondant sur le principe de la bonne
foi, rechercher le sens ordinaire attribuer aux termes à interpréter à la
lumièrede l'objet etdu but du traitédans lequel ces termes sont utilisés et
du contexte dans lequel ils sont utilisés.Tout en disant que les parties
sont censéesavoir eu l'intention qui ressort des termes qu'elles ont utili-
sés,la convention de Vienne n'oblige donc pas la Cour à rechercher le

sens abstrait de certains termes contestéset de s'y tenir dans la suite de
ses recherches; il est plutôt demandé à la Cour de rechercher l'intention
des parties, la raison pour laquelle elles ont retenu le terme particulier
dont il s'agit et d'instruire l'affaire sur ces bases plus nuancées.

Le sens ordinaire de l'expression ((chenal principal dujeuve))
(«Hauptlauf dieses Flusses~~)

3. En constatant comment l'expression est utiliséeau paragraphe 2 de
I'articleII du traitéde 1890,je note que, suivant son sens ordinaire, elle

ne donne aucune indication précise, fût-elleapproximative, du chenal du D L EE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1198

Chobe dans leauel il faut situer la délimitationentre les svhèresd'intérêt
britannique et allemande. Il semble que les parties appelées à négocier
n'aient eu, grâce à des récitsde voyageurs et d'explorateurs et des pre-
mières cartes établiespar ces derniers, qu'une connaissance tout à fait
superficiellede la topographie à laquelle elles avaient affaire (voir Benja-
min Bradshaw, ((Notes on the Chohe River, South Central Africu)), Actes
de lu Royal Geogruphic Society (1881), p. 208 et suiv., mémoirede la
Namibie, vol. V, annexe 115, p. 117 et suiv. ; carte 112,ibid.,vol. VII,
p. 4). Comme les parties font mention du «chenal principal du fleuve))
(«Hatiptlauj' dieses Flussrs»), elles savaient que le Chobe présente, en
différentsendroitsdu moins. vlusieurs chenaux. et ellesvoulaient situer la
2.
délimitation dans le chenal principal parmi ce; différents chenaux. Mais
les indications fournies s'arrêtentla.l n'y a ni en anglais ni en allemand
d'interprétation commune de I'expression qui s'appliquerait systémati-
quement, en cas de doute, à la détermination du chenal principal parmi
les différents chenaux d'un même fleuve. Il n'existe pas mêmed'entente,
comme le montre le débat surle rôle de la navigabilitédans la détermina-
tion du chenal principal du Chobe, sur la totalitédes critères qui jouent
un rôle aux fins de cette évaluation et l'on nes'entend pas non plus sur le
sens ou le poids a attribuerà certains de ces critères. ilen va de même
pour le terme allemand «Huuptluuf».

11n'existe pas non plus de sens ordinaire à attribuer à l'expression
«chenal principal du fleuve))(« Hauptlauf dicses Flusses») du point de
vue hydrologique. Sur ce plan, le débat animéqui oppose les Parties
depuis des annéeset aussi pendant l'instance devant la Cour a notam-
merit porté surle débit annuel del'eau qui s'écouledans lesdeux chenaux
et, dans ce contexte, sur ce qui constitue avec précisionle chenal sud, la
visibilitécomparéedes deux chenaux pendant la saison des crues et la sai-
son sèchede l'annéeet sur la configuration du profil du lit des mêmes
chenaux. Sur ces questions, non seulement les Parties s'opposent quant
au fond, elless'opposent aussi quant à leur pertinence et leur applicabilité
à la détermination du chenal principal du Chobe à la hauteur de l'îlede

KasikiliISedudu.
4. L'arrêt accorde beaucoup d'importance au sens ordinaire de
I'expression «chenal principal du fleuve)) («Huuptluuf dieses Flussesb).
Pour définirce sens ordinaire, la Cour se fonde sur «les critéresles plus
couramment utilisésen droit international et dans la pratique des Etats,
que les Parties ont invoqués))(arrêt,par. 27).
La Cour s'interroge donc sur les critères utiliséspar les Parties et ana-
lyse l'avis qu'ellesformulent sur chacun d'eux avant d'énoncer debrèves
conclusions qui lui sont propres (arrêt, par.29-41).Au bout du compte,
la Cour ne parvient pas mieux à établirle sens ordinaire de I'expression

«chenal principal du fleuve))(« Hauptlauf dieses Flusses») que les Parties
elles-mêmes àla suite de leurs propres recherches. Un certain nombre des
conclusions qu'énonce la Cour ne sont pas arbitraires puisqu'elles sont
fondéessur les thèses desParties mais elles sont néanmoinssubjectives et
ne sont pas clairement justifiées.Finalement, la Cour conclut que LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1199

«le chenal nord du Chobe autour de I'île de KasikiliISedudu doit
être considéré comme son chenalprincipal suivant le sens ordinaire
des termes figurant dans la disposition pertinente du traité de 1890))
(arrêt, par. 41)

mais cette conclusion demeure peu convaincante.

Reconnaissant apparemment que ses recherches n'aboutissent pas vrai-
ment, la Cour fait sans cesse appel aux constatations du capitaine Eason
qui datent de 1912, de MM. Trollope et Redman, lesquelles datent de
1948,et de l'étudeconjointe de 1985, qui visent toutes à dire qu'à la hau-
teur de I'île deKasikiliISedudu, c'est le chenal nord du Chobe qui doit
êtreconsidérécomme le «chenal principal du fleuve)) (« ~uu~tlauf dieses

Flus.~es») (arrêt, par. 33, 42 et 80). Il est dit fort justement dans l'arrêt
que ces constatations ne constituent pas des accords ultérieurs ni une
conduite ultérieure au sens de l'article31, paragraphe 3 de la convention
de Vienne, mais ces élémentsappuieraient la conclusion propre de la
Cour pour qui le chenal nord est le chenal principal du Chobe aux alen-
tours de I'île de KasikiliISedudu :

«La Cour estime que ces faits, mêmes'ils ne constituent pas une

((pratique ultérieure)) des parties au traité de 1890 quant à l'inter-
prétation de celui-ci, n'en étayent pas moins les conclusions aux-
quelles elle est parvenue en interprétant le paragraphe 2 de l'ar-
ticle III du traité suivant le sens ordinaire à attribuer à ses
termes ...»(Arrêt, par. 80.)

En énonçant cette conclusion toutefois, la Cour ne tient pas compte du
fait que ni Eason ni Trollope et Redman n'étaientdes experts en hydro-

logie et qu'il ne lui a pas étédit d'après quels élémentsils ont formulé
leurs conclusions; en outre, le rapport de la commission mixte, d'après
l'Afrique du Sud, n'a pas prouvé de façon déterminante que l'île appar-
tient au Botswana.
En voulant attribuer un sens ordinaire à l'expression qu'il faut inter-
préter de façon que la Cour puisse poursuivre sa recherche, l'arrêtn'est

pas parfaitement compatible avec le systèmed'interprétation mis en place
par la convention de Vienne. L'arrêtn'évoque que certains aspects de
l'objet et du but du traité de 1890 et ne traite pas du tout du contexte
dans lequel l'expression «chenal principal du fleuve» (« Huuptlauf dieses
Flusses))) est utiliséedans le traité (arrêt,par. 43-45). Or, l'objet et le but
du traité dans lequel figurent les termes à interpréter et le contexte dans

lequel les termes sont utiliséssont des élémentsimportants de I'interpré-
tation du traité parce qu'ils éclairentles intentions des parties, intentions
qui sont une cléindispensable de l'interprétation du traité en vertu des
dispositions de la convention de Vienne. Or, une interprétation deI'expres-
sion «chenal principal du fleuve)) (« Huuptlaufdieses Fiusses))) qui tient
comme ilfaut compte de l'objet et du but du traité et du contexte dans

lequel l'expression est utiliséeau paragraphe 2 de l'article III du traité
aboutit à un autre résultat que celui qu'enregistre la Cour dans son arrêt. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1200

Objet et but du traité de1890

5. En ce qui concerne l'objet et le but du traité de1890,je tienà faire
tout d'abord observer que ce traitéde 1890est un traité bilatéralet que,
comme c'est souvent le cas avec les traités bilatéraux,l'objet etle but que
ses parties assignent au traitéressortent assez clairement du texte. L'objet
du traité de 1890 portait sur les sphères d'influence des deux parties
contractantes en Afrique et le but était dedélimiterd'un commun accord
lesdites sphères (art.1a IV du traité)pour que chacune des parties res-
pecte la sphère de l'autre (art. VII). Les délimitationsenvisagéesdans le
traité ont évoluépour devenir aujourd'hui des frontières entre des Etats
d'Afrique, notamment la frontière entre la Namibie et le Botswana, mais
le traité ne doit pas être considéré comme un traité frontalier au sens
technique; cetraitéétaitcenséépargner auxdeux Etats contractants desper-

turbations de leurs relations politiques dues à leurs rivalitésen Afrique.
C'est là un élémenta ne pas omettre quand on interprète le traité;
celui-ci ne doit pas être entendu commeréglantdans tous les détailstou-
tes les questions que peut soulever le tracé concretdes délimitationsdéfi-
nies dans l'accord.Il paraît tout à fait compatible avec I'objetet le but du
traité que celui-ci ne donne à certains endroits qu'une idée générald eu
tracéde la délimitation des sphères d'intérêt, remettant à plus tard, lors
de l'application ultérieuredu traité,le soin de fixer cetracédans le détail.
Ce qui vient d'être ditsur l'objet etle but du traité de 1890 signifiece
qui suit ci-dessous pour la détermination du sens de l'expression ((chenal
principal du fleuve))figurant au paragraphe 2 de l'article IIIdudit traité.
6. L'objet et le but du traité de1890étaitque les parties voulaient éta-

blir une délimitation facile a définirde leurs zones d'influence dans la
régionnord-est du Sud-Ouest africain et ailleurs également enAfrique.
Après avoir donné pour point de référence,aux fins du tracéde la déli-
mitation, les parallèles de latitude et de longitude, le meilleur moyen
d'êtreclair aurait consistéensuite à situer, dans la zone de I'îlede Kasi-
kililsedudu, la ligne de délimitation au sommet de l'arêtedu Chobe.
Cette arêtesuit la rive sud du Chobe, c'est-à-dire la rive droite, et était
connue à l'époque dela négociation du traité (voir B. F. Bradshaw,
((Notes on the Chobe River, South Central Africa)), Actes de la Royal
Geographic Society (1881), p. 208 et suiv.). Cette arête est clairement
visible et n'est pas submergéeà la saison des crues. Toutefois, sans doute
parce que les parties supposaient que le Chobe est navigable et permet
d'accéderau Zambèzepar une voie d'eau, les parties au traitéde 1890ont

précisé qu'iflallait situer la lignede délimitationdans lechenal principal
du fleuve ))(« Hauptlauf' dieses Flusses)), c'est-à-dire le Chobe.

11faut en déduireque c'est le chenal sud qui est le ((chenal principal du
fleuve)) («Hauptlauf») au sens du paragraphe 2 de l'article III. Pour-
quoi? Parce que, danstoute la zone de I'îlede KasikiliISedudu, le chenal
sud suit l'arêtedu Chobe. Cette arête du Chobe fait en quelque sorte
fonction de barrage le long duquel les eaux du Chobe remontent versl'amont au débutde la saison des crues quand ces eaux sont étofféespar
les rapides de Mambova et elles s'écoulent vers l'aval à la fin de ladite
saison. L'arête faitégalementobstacle à la crue qui descend du Zambèze
et en dirige l'évacuation par le chenal sud. C'est pourquoi le courant
annuel dans le chenal sud est tel que les Parties s'opposent sur le point de
savoir quel chenal, le chenal nord ou le chenal sud, a le plus fort débit.

L'arete du Chobe permet aussi d'identifier l'emplacement du chenal sud
et par conséquent de toute frontière situéedans ledit chenal; même en
période de crue, quand la rive gauche du chenal sud est submergée,
l'emplacement exact du thalweg peut être établi à partir de l'arête,une
fois que lesmesures voulues ont été prisespendant la saison sèche.On ne
peut pas en faire autant facilement dans le chenal nord, dont les deux
rives sont submergéespendant la saison des crues.
L'objet et le but du traité de 1890 montrent par conséquent que le
«chenal principal du fleuve)) («Haupt/auf») du Chobe dans lequel la
frontière doit êtresituée estle chenal sud.
Cette conclusion est étayéepar le fait qu'à la suite de la conclusion du
traitéde 1890on a tout d'abord estimé enrèglegénérale qu'ié l tait tout
fait naturel que la ligne de délimitation établiepar le traitése situe dans
le chenal sud, et cette présomption s'est expriméedans les premières
cartes de la région.

Le conte-utedans lequel l'expression ((chenalprincipal dujeuve))
(«Hauptlauf dieses Flusses ») est utiliséeau paragraphe 2 de l'article III
du traitéde 1890

7. Le contexte dans lequel les termes d'un traité sont utilisés estnéces-
sairement liéavec l'objet et le but du traitélui-même. Cela ne veuttou-
tefois pas dire que ce contexte s'identifie I'objet et au but du traitéou
qu'il en est indissociable. Le contexte dans lequel un certain terme est uti-
lisédans un traité peut êtreen rapport avec la réalisation globale de
I'objet et du but du traité; mais ce contexte peut égalementconcerner la
réalisationd'un caractère particulier ou d'un aspect particulier du traité.
Tel est le cas avec l'expression «chenal principal duleuve)) («Hauptlauf
dieses Flusses))) figurant au paragraphe 2 de l'article III du traité de
1890.

L'articleIII en question porte sur les sphères d'influence des deux
parties contractantes dans le sud-ouest africain et le paragraphe2 de cet
article porte en particulier sur la délimitation orientale de la sphère
d'influence réservée à l'Allemagne. En établissant cette délimitation,les
deux parties voulaient répondre favorablement à une demande de 1'Alle-
magne, acceptéepar la Grande-Bretagne, qui était que«l'Allemagne [ait]
libre accèsau Zambèze depuis son protectorat »(deuxièmealinéadu para-
graphe 2 de l'article III).
Les fleuvesétaient considéré sl'époque commedes moyens potentielle-
ment importants d'explorer plus avant l'Afriqueet de développerle conti-
nent. Comme il est dit dans l'arrêt: «Les grands fleuves de l'Afrique ont LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. FLEISCHHAUER) 1202

traditionnellement offert aux puissancescolonisatricesdes voies depénétra-
tion i l'intérieur du continent africain.))(Arrêt, par.44.) Ce sont ces ambi-
tions qui incitaient l'Allemagneà vouloir accéderau Zambèze. Et la voie
d'accèsde l'Allemagneau Zambèze devaitêtredouble: terrestre et fluviale.
En cequi concerne la voie d'accèsterrestre, le deuxièmealinéadu para-
graphe 2 de l'article111du traitéde 1890précise qu'elleemprunte «une
bande de territoire qui en aucun point ne doit avoir une largeur inférieure
à 20 miles anglais)). La voie d'accès fluvialeemprunterait le fleuveChobe
et la délimitation entre les sphères d'influencebritannique et allemande
suivrait «le centre du chenal principal de ce fleuve)) (« Tllahveg des

Hauptlaufes dieses Flusses))) «jusqu7à son confluent avec le Zambèzeoù
elle s'arrête» (par. de l'art. III du traité de 1890),de sorte que les deux
parties accédaientdans des conditions d'égalitéau Chobe et à ses utilisa-
tions. Initialement,ln'était fait mentionque de la voie d'accès fluvialeau
Zambèze, par le Chobe. Le passage concernant l'accèsterrestre ne figu-
rait pas encore dans le texte paraphé par les négociateursbritannique et
allemand le 17juin 1890,soit treizejours avant la signature du traité.Jus-
que là, seul le Chobe était mentionné,dans les termes ci-après:

«La frontière entre le territoire allemand et le territoire anglais du
sud-ouest de l'Afrique suivra, a partir du point qui a étéconvenu
dans des arrangements antérieurs, le 22e degréde latitude sud (en
laissant le lac Ngami à l'Angleterre), à l'est jusqu'au 21" degréde
longitude, allant delà au nord où ce degrétouche le 18"degréde
latitude sud.De la, la ligne de démarcationse porteru à l'est, lon-
geant le centre d~lfleuve Tschobijusqu'à son confluent avec le Zam-
bèze.» (Accord paraphé entre les représentants del'Allemagne et de
la Grande-Bretagne le 17 juin 1890 (PRO, FO 88116146,no 48),
mémoirede la Namibie, vol. IV, annexe 21, p. 114; les italiques sont
de moi.)

L'historique de la négociation de l'expression «chenal principal de ce
fleuve))(« Htruptluuf dieses Flusses~) utiliséeau paragraphe 2 de l'article
III du traité de 1890confirme par conséquent que I'expression a étéuti-
liséedans le cadre d'une action menéepour donner dans des conditions
d'égalité accèasu Zambèze par le fleuveChobe. La navigabilitéconstitue
donc un élémentimportant aux fins de l'interprétation deI'expression.
8. Le cadre dans lequel I'expression((lechenal principal)(« Hauptlauf
dkses Flusse.r») est utiliséeau paragraphe 2 de l'article III du traitéplai-

derait plutôt en faveur du chenal nordà titre de chenal principal. Dans ce
chenal nord en effet, les conditions de navigation paraissent meilleures
qu'elles ne sont dans le chenal sud en ce sens que le chenal nord est, pen-
dant les saisons sèches, plusprofond et plus large que le chenal sud. Cela
engagerait à interpréter I'expression chenal principal de «ce fleuve))
(«Hauptlauj'dieses Flusses ») comme visant le chenal nord.
En tant que mode d'interprétation, le cadre dans lequel I'expression
«chenal principal de ce fleuve))(«Hauptlauf dieses Flusses))) est utilisée
au paragraphe 2 de I'articleIII du traitéde 1890contredit par conséquent LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1203

l'interprétation de l'expressionconformément à l'objet etaubut du traité,
laquelle indique que c'est le chenal sud qui est le chenal principal. Tou-
tefois, cette contradiction n'a pasêtreanalysée plusavant parce que les
parties se trompaient au sujet de la navigabilitédu Chobe.

L'erreur commise par les parties au truitéde 1890
quand elles ont apprécié lesutilisations possibles du,fiuChobe

9. En mettant leurs espoirs dans l'exploitation du Chobe à des fins de
navigation, les parties se trompaient; le cadre dans lequel elles ont
appréciéle ((chenal principal de ce fleuve(« Hauptluuf dieses Flusses)))
ne correspondait pas àla réalité.Nous savons maintenant, plus de cent
ans après la conclusion du traité, que le fleuve n'a pas été utilisé et n'est
pas utilisable pour la navigation grande échelle. Cela s'explique princi-
palement par le fait que si leChobe était parfaitement navigable en par-
tie, ceserait entre un point non repérableet un autre point non repérable,
c'est-à-dire entre un point situé en amont de I'île de KasikiliISedudu
jusqu'au point où, en aval de I'île,les rapides de Mambova bloquent la

navigation. Mais il faut compter aussi avec le fait que la situation hydro-
logique particulière qui règnedans le Chobe àla hauteur de I'îlede Kasi-
kililsedudu ne permettrait pas àcet endroit du fleuve de l'utiliser pleine-
ment pour la navigation. Cela est confirmépar le fait que si M. Ker a
tentéen 1947-1948une opération de flottaison de bois d'Œuvre, laCour
n'a pas été informée que la tentative ait été renouveléaprès cette pre-
mière expérience.Quant au Zambezi Queen, il ne voyage pas régulière-
ment, il està l'ancre dans le chenal nord et est exploitécomme un hôtel
flottant. Le seul type de navigation qui aitjamais eu un caractère régulier
sur le Chobe correspond à l'activité desbateaux à fond plat utiliséspar
les touristes et exploitésdepuis un certain temps,résentsurtout dans le
chenal sud, car l'îleest de plus en plus connue comme une grande réserve

animalière facilement accessibleà des touristes désireuxde voir les ani-
maux qui viennent principalement du Botswana. Les parties au traitéde
1890 se trompaient par conséquent quand elles ont rédigéce traité en
espérant pouvoir utiliser le Chobe pour la navigation à grande échelle,
qui donnerait en particulier accèsau Zambèze.
L'erreur faceàlaquelle la Cour se trouve ici n'est pas l'erreur «dans un
traité))dont traite l'article 48de la convention de Vienne sur le droit des
traités,que l'un desEtats parties au traitéveut invoquer «comme viciant
son consentement à êtreliépar le traité)). Il s'agit plutôt d'une erreur
commise dans les motifs incitant à utiliser l'expression ((chenal principal
de ce fleuve)) (Hauptlauf dieses Flusses))) au paragraphe 2 de l'article
III du traité de 1890, erreur commise par les deux parties au traité. La
question qui se pose alors ne concerne pas la validitédu consentement à

êtreliépar le traité;l'erreur pose plutôt la question de savoir si un espoir
erronéde la part des parties au moment où elles ont rédigéle traitépeut
encore êtreutile pour l'interprétationudit traitéplus d'un siècleaprèssa
conclusion et longtemps après que l'erreur soit apparue clairement. Dans lescirconstances de la présenteespèce, on nepeut pas interpréter
à l'encontre de la Namibie l'expression «chenal principal)) («Hauptlauf
dieses Flusses))) en se fondant sur l'espoir erroné que le Chobe étaituti-
lisable pour la navigationà grande échelleparce que cela signifierait que
la Namibie supporterait seule les conséquencesde l'erreur. La navigation
de bateaux à fond plat liéeaux activitéstouristiques qui se sont orga-
niséessur l'îlede KasikililSedudu et autour de l'îlea lieu pour l'essentiel

dans le chenal sud. Interpréter I'expression «le chenal principal de ce
fleuve)) («Hauptlaufdieses Flusses))) en faveur du chenal nord priverait
la Namibie d'une participation équitable au seul type d'utilisation du
Chobe à des fins de navigation qu'il soit possible de partager. Cela serait
tout à fait contrairà l'intention desparties qui était de se partager éga-
lement le fleuve. Interpréter en faveur du chenal nord I'expression((che-
nal principal de ce fleuve)) («Hauptlauf dieses Flusses))) ne serait donc
pas compatible avec le principe de la bonne foi, lequel, conformément au
paragraphe 1de l'article 31 de la convention de Vienne, régittoute inter-
prétation des traités. En revanche, interpréter I'expression en faveur du
chenal sud correspondrait à ce que voulaient les parties au sujet du fleuve
Chobe. Ce serait une interprétation de bonne foi de l'expression parce

que cette interprétation partagerait égalemententre lesparties le seul che-
nal qui présenteun intérêt quelconquedu point de vue de la navigation.
Comme la Cour a constaté, et elle a raison, que la Namibie n'a pas
acquis de titre par prescription sur l'îledesikiliISedudu, déciderque le
chenal principal est le chenal nord revient automatiquement à dire que
l'îlede KasikililSedudu ne fait pas partie de la Namibie mais fait partie
du Botswana. Parvenir à pareille conclusion importante a partir d'une
interprétation d'une expression figurant dans le traitéde 1890fondée sur
une attente erronéeconcernant les possibilitésd'utiliser le fleuveChobeà
des fins de navigation n'est pas non plus compatible avec l'obligation
d'interpréter les traitésde bonne foi.
En bref, le cadre dans lequel l'expression «chenal principal de ce

fleuve»(((Hazrptld diesrs Flusses))) est utilisée au paragraphe 2 de
l'article III du traité de 1890 nejustifie pas d'interpréter l'expression en
faveur du chenal nord.

II. LE TROISIÈME PARAGRAPHE DU DISPOSITIF DE L'ARRÈT

IO. Le fait qu'au troisième paragraphe du dispositif de son arrêt,la
Cour dit que

«dans les deux chenaux autour de l'île de KasikililSedudu, les res-
sortissants et les bateaux battant pavillon de la République du
Botswana et de la République de Namibie doivent bénéficiers ,ur un
pied d'égalité, u régimedu traitement national))

ne compense pas pleinement les insuffisances liéesà une interprétation de
l'expression «chenal principal de ce fleuve)) (cHauptlauf dieses Flus-
ses») qui est favorable au chenal nord. Du point de vue du statut terri- LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1205

torial de I'îleelle-mêmel,e troisièmeparagraphe du dispositif de l'arrêtne
modifie pas la conclusion énoncéeau deuxièmeparagraphe du dispositif
selon laquelle I'île fait partie du territoire du Botswana. En ce qui
concerne les eaux entourant l'île,concéderle bénéfice du régimedu trai-
tement national, sur un pied d'égalitéa,ux ressortissants de l'autre Partie
et aux bateaux battant pavillon de l'autre Partie ne revient pas exacte-
ment à partager le ((chenal principal))(«Hauptlaufl) du Chobe autour

de I'île,comme les Parties l'ont envisagéinitialement.
Mais le fait que je neconsidère pas que cette troisième conclusion du
dispositif de I'arrêtcompense la décisionerronéeprise en faveur du che-
nal nord ne m'a pas empêché de voter pour ce troisième paragraphe. Je
souscris aux motifs de cette conclusion qui sont exposés aux para-
graphes 100et 103de l'arrêtet le fait d'accorder, dans leschenaux entou-
rant I'île deKasikiliISedudu, sur un pied d'égalité,le régimedu traite-
ment national aux ressortissants des deux Parties et aux bateaux battant
leur pavillon sera peut-êtreassez utile aux Parties et aidera peut-être a
éviterles tensions ou a les atténuer.
J'ai égalementabouti a la conclusion que la Cour a compétencepour
se prononcer à ce sujet, puisqu'elle est mandatée par l'articl1 du com-
promis en vertu duquel elle a étésaisie du différendpour ((déterminer ...

le statut juridique de cette île)); et ce mandat consiste ausàdéterminer
le statut juridique des eaux entourant I'îledeKasikiliISedudu.

III. UNE DERNIÈRE OBSERVATION SUR LE ROLE DE

LA PRESCRIPTION EN L'ESPÈCE
11. Je voudrais ajouter une dernière observation qui a trait au rôle de

la prescription en la présente espèce. Jesouscrisà la conclusion formulée
dans I'arrêtqui est que la prescription acquisitive ne joue ici aucun rôle.
Je souscris égalementaux raisons motivant cette conclusion. Toutefois, il
existeà cet égard uneraison supplémentaireet parfaitement déterminante
qui exclut de pouvoir faire appel en la présente espèce à la prescription
acquisitive.
Comme la Cour le déclare,le Botswana et la Namibie

((conviennententre [eux]que la prescription acquisitive est reconnue
en droit international, et...conviennent de surcroît des conditions
auxquelles un titre territorial peut être acquispar prescription mais
[ils]s'opposent sur le point de savoir si ces conditions sont réunies
dans le cas d'espèce))(arrêt,par. 96).
«Aux fins de la présente espèce,la Cour n'a pas à s'attarder sur le
statut de la prescription acquisitive en droit international ou sur les
conditions d'acquisition d'un titre territorial par prescription. En
effet, elle considère..que les conditions énoncéespar la Namibie
elle-mêmene sont pas remplies et que l'argumentation namibienne

relativea la prescription acquisitive ne peut en conséquence être
retenue.» (Arrêt,par. 97.) LE DE KASIKILI~SEDUDU(OP. DISS. FLEISCHHAUER) 1206

Ces conclusions ne prêtentpar elles-mêmes à aucune objection. Mais la
Cour aurait dû envisager lesconditions auxquelles il est possible d'acqué-
rir un titre territorial par prescription et pousser assez loin son analyse
pour dire que l'Afrique du Sud n'aurait pas pu acquérir de titre sur l'île
par prescription. L'Afrique du Sud, dont la présencedans la bande de
Caprivi y compris l'île a duréplus longtemps que la présencede ]'Alle-
magne ou de la Grande-Bretagne avant que l'Assembléegénérale ne

mette fin au mandat en 1966,a exercéson autorité sur ces territoires non
pas à titre de souverain mais à titre de mandataire. Or, en qualité de
mandataire, l'Afrique du Sud était incontestablement investie, en vertu
de l'instrument de mandat adopté le 17 décembre 1920 (Journal ofJiciel
de la Société desNations, 2" année, no 1, p. 89) de ((pleins pouvoirs
d'administration et de législation sur le territoire faisant l'objet
du mandat, [lequel] sera administré selon la Iégislationdu mandataire
comme partie intégrante de son territoire)); toutefois, comme la Cour
le fait observer dans I'avis consultatif qu'elle a rendu sur le Statut
international du Sud-Ouest africain (C.I.J. Recueil 1950, p. 128 à la
p. 132):

((D'autre part, le mandataire était tenu de respecter un certain
nombre d'obligations, et le Conseil de la Société desNations devait
surveiller l'administration et veillerce que ces obligations fussent
respectées.

Et la Cour a.joutait:

((11ressort des termes de ce mandat, ainsi que des dispositions de
l'article 22du Pacte et des principes qui y sont énoncés,que la créa-
tion de cette nouvelle institution internationale n'impliquait ni ces-
sion de territoire ni transfert de souveraineté'Union sud-africaine.
Le gouvernement de l'Union devait exercer une fonction d'admini-
stration internationale au nom de la Société desNations, aux fins de
favoriser le bien-être etle développementdes habitants.)) (Ibid.)

Pareille conception de la nature du mandat est incompatible avec l'idée
d'accorder au mandataire le bénéfice de la prescription acquisitive. Une

fois que le mandat avait pris fin, la présencecontinue de l'Afrique du Sud
au Sud-Ouest africain (Namibie) n'était plus «pacifique», c'est-à-dire
non contestée.comme le confirment la résolution276 (1970) du Conseil
de sécurité ainsique I'avisconsultatif que la Cour a rendu sir les Consé-
quencesjuritliques pour les Etats de la présence continue del'Afrique du
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970)
du Conseil de securitL;(C.I.J. Recueil 1971, p. 16).
J'admets que la présente instance ne représente pas vraiment pour la
Cour l'occasion de se pencher sur le rôle de la prescription acquisitive en
droit international ou sur les règlesgénéralesd'acquisition d'un titre ter-
ritorial par prescription. Néanmoins, ileut été utile,afin de préciser ILEDE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. FLEISCHHAUER) 1207

davantage le droit régissantle régime desmandats ou le régimede tutelle,
que la Cour dise que la prescription acquisitive nejoue pas en faveur d'un
mandataire.

(Signé) Carl-August FLEISCHHAUER.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE FLEISCHHAUER

Interpretation of the terrn "main channe1"l"Hauptlauf' in Article III of the
1890 Treaty - The applicable law - The ordinary meuning of the terrn -
Object andpurpose of the 1890 Treatjs - The conte.rt in whick the term is used
- The error of theParties to the 1890Treaty in the uppreciation ufthe possible
uses of the Chobe River - The third paragraph of the dispositifof the Judg-
ment - Final remark on the role of prescription in the case.

1have voted against paragraphs 1and 2 of the dispositifof the Court's
Judgment. For the reasons which 1will explain below, 1dissent from the

Court's interpretation of the term the "main channel of that river"/
"Hauptlauf dieses Flusses"' in Article III (2) of the 1890Treatyas mean-
ing the northern rather than the southern channel of the Chobe around
KasikililSedudu Island. As for the rest of the Judgment, 1 agree with
almost al1its other parts, including the conclusion that the rules reflected
in Article 31 of the Vienna Convention are applicable to the interpreta-
tion of the 1890Treaty and the finding that the boundary established by

Article III (2) of that Treaty follows the thalweg rather than the median
line of the main channel. As the Court does not accept Namibia's argu-
ment on acquisitive prescription, the territorial status of the Island
depends entirely on the course of the boundary. My dissent on the inter-
pretation of the term "main channel of that river"l"Haz~pt1auf dieses
Flusses" therefore affects not only my viewon the location of the bound-
ary, but also my view on the status of the Island. This explains why

1 voted not only against the first but also against the second paragraph of
the di.~po.~itifFor considerations which 1willalso explain below, 1voted,
however, in favour of the third paragraph.

Among the many parts of the Judgment with which 1 agree, is the
Court's conclusion that Namibia has no title to the Island based on pre-

scription, as
"Namibia has not established with the necessary degree of preci-
sion and certainty that acts of State authority capable of providing
alternative justification for prescriptive title, in accordance with the

conditions set out by Namibia, were carried out by its predecessors
or by itself with regard to KasikililSedudu Island" (Judgment,
para. 99).

' In Article III (2) of the 1890Treaty the term is used in the genitive.That makes it read
iti German des Hauptlaufrs diesrs Flussrs. For reasons of conven1quote the term in
German in the nominative Hauptlauf'dirses Flu~srs.

155 OPINION DISSIDENTE DE M. FLEISCHHAUER

[Traduction]

Interprétation de l'expression ((chenal principal» (c<Hauptlauf») à l'article
III du traitéde 1890 - Le droit applicable - Le sens ordinaire du terme -
Objet et but du traitéde 1890 - Le contexte dans lequelI'e'cpressionest utilisée
- L,'erreurcornrni.separ les Parties au traitéde 1890 quand ellesorztupprécié
les uti1isation.spossibles du Chobe - Le troisièmeparagraplle du dispositifde
l'arrêt- Une dernigre observation sur le rôle de lu prescription enl'espèce.

J'ai votécontre les paragraphes 1 et 2 du dispositif de I'arrêtde la
Cour. Pour les raisons que je vais exposer, je ne souscris pas à I'interpré-
tation que donne la Cour de I'expression ((chenal principal du fleuve))
(« Huupflauf dieses Flusses))) ' figurant au paragraphe 2 de I'article III
du traitéde 1890,laquelle viserait le chenal nord plutôt que le chenal sud

du Chobe contournant I'îlede KasikiliISedudu. Pour le reste de l'arrêt,
j'y souscris presque intégralement, y compris quand la Cour conclut que
les règlesexposées à I'article 31de la convention de Vienne s'appliquent à
l'interprétation du traitéde 1890et aussi quand elleconstate que la fron-
tière définieau paragraphe 2 de I'article III dudit traité suit le thalweg
plutôt que la lignemédianedu chenal principal. Comme la Cour n'accepte
pas la thèse présentéepar la Namibie sur la prescription acquisitive, le
statut territorial de l'îleest totalement tributaire du tracéde la frontière.

Refuser comme je le fais l'interprétation del'expression ((chenal principal
du fleuve)) (« Hauptl~zuf dieses Flusses») engage par conséquentnon seu-
lement ce que je pense de l'emplacement de la frontière mais aussi ce que
je pense du statut de I'île.Ce qui explique pourquoi j'ai voténon seule-
ment contre le premier paragraphe du dispositif mais aussi contre le
deuxième. En raison de considérations que je vais également exposer ci-
après, toutefois, j'ai votépour le troisième paragraphe.

Au nombre des multiples sections de l'arrêtauxquelles je souscris
figure la conclusion par laquelle la Cour dit que la Namibie n'a pas de
titre sur I'îlequ'elle puissefonder sur la prescription, car
<<LaNamibie n'a pas prouvéavec le degré deprécisionet de cer-

titude nécessaireque des actes d'autorité étatiquesusceptibles de
fonder autrement l'acquisition d'un titre par prescription selon les
conditions qu'elle a énoncéesauraient été accomplis par ses prédé-
cesseurs ou par elle-mêmesur I'île de Kasikili/Sedudu.» (Arrêt,
par. 99.)

'Au paragraphe 2 de I'article III du traité de 1890, l'expression est utiliséeau génitif.
C'est-à-dire qu'en allemand on lit des Hauptlaufes dieses Flusses. Par commodité,je cite
l'expression en allemand au nominatifauptlauf dieses Flusses.1197 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.FLEISCHHAUER)

But, in my view, the Court should also have found that Namibia's imme-
diate predecessor in the Caprivi Strip, South Africa, could not have
acquired prescriptive title over the Island.

My reasoning is as follows:

1. THEINTERPRETATI OONTHE TERM"MAINCHANNEL"/"HAUPTLAUF"
INARTICLE III (2)OF THE
1890TREATY

The Applicable Law

1. The Judgment correctly starts from the fact that although

"neither Botswana nor Namibia are parties to the Vienna Conven-
tion on the Law of Treaties of 23 May 1969, . . both of them con-
sider that Article 31of the Vienna Convention isapplicable inasmuch
as it reflectscustomary international law" (Judgment, para. 18).

The Judgment goes on to say that "[tlhe Court itself has already had
occasion in the past to hold that customary international law found
expression in Article 31 of the Vienna Convention" (ibid.); it further says
"Article 4 of the Convention, which provides that it 'applies only
to treaties which are concluded by States after the entry into force of

the ...Convention . .'does not, therefore, prevent the Court from
interpreting the 1890Treaty in accordance with the rules reflected in
Article 31 of the Convention." (Ibid.)
2. The Vienna Convention on the Law of Treaties establishes in its
Articles 31-33 a system of treaty interpretation. Article 31, paragraph 1,

provides that, based on the principle of good faith, the ordinary meaning
of the term to be interpreted has to be explored in the light of the object
and purpose of the treaty in which the term finds itself and the context in
which it is used. While upholding that the parties are to be presumed to
have that intention, which appears from the terms used by them, the
Vienna Convention thus does not force the Court to find the abstract
meaning of contested terms and to proceed on that basis; what the Court
is asked is rather to explore the intention of the Parties, the reason why
they used the particular term, and to proceed on that more nuanced
basis.

The Ordinary Meaning of the Term "the Main Channel of Thut
River"l"Haupt1auf dieses Flusses"
3. Looking at the term as used in Article III (2) of the 1890Treaty,

1note that in its ordinary meaning it does not givean even approximately
precise indication of the channel of the Chobe River in which the delimi- ÎLE DE KASIKILI~SEDUDU (OP.DISS.FLEISCHHAUER) 1197

Mais a mon avis, la Cour aurait dû dire aussi que le prédécesseur immé-
diat de la Namibie dans la bande de Caprivi, c'est-à-dire l'Afrique du
Sud, ne pouvait pas non plus avoir acquis par prescription de titre sur
l'île.
Ma motivation est la suivante

1. L'INTERPRÉTATI DOENL'EXPRESSION ((CHENAL PRINCIPAL))
(« HAUPTLAUF)) )IGURANT AU PARAGRAPHE 2 DE L'ARTICLE III
DU TRAITÉ DE 1890

Le droit applicable

1. La Cour dit très justement au débutde l'arrêtque si

«ni le Botswana ni la Namibie ne sont parties à la convention de
Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités ... l'un et l'autre
estiment que I'article 31 de la convention de Vienne est applicable en
tant qu'expression du droit international coutumier))(arrêt, par. 18).

La Cour ajoute qu'(<elle-même a déjà eu l'occasion de rappeler par le
passéque le droit international coutumier avait trouvé son expression
dans I'article31 de la convention de Vienne)) (ibid.) elle dit en outre:

((L'article4 de la convention, selon lequel ((celle-cis'applique uni-
quement aux traités conclus par des Etats après son entrée en
vigueur..» ne constitue donc pas un obstacle à ce que la Cour inter-
prète le traitéde 1890suivant les règlesexprimées a I'article 31de la
convention. » (lbid.)

2. La convention de Vienne sur le droit des traités établit auxar-
ticles 31à 33 un systèmed'interprétation des traités.L'article 31 dispose
au paragraphe 1que l'on doit, en se fondant sur le principe de la bonne
foi, rechercher le sens ordinaire attribuer aux termes à interpréter à la
lumièrede l'objet etdu but du traitédans lequel ces termes sont utilisés et
du contexte dans lequel ils sont utilisés.Tout en disant que les parties
sont censéesavoir eu l'intention qui ressort des termes qu'elles ont utili-
sés,la convention de Vienne n'oblige donc pas la Cour à rechercher le

sens abstrait de certains termes contestéset de s'y tenir dans la suite de
ses recherches; il est plutôt demandé à la Cour de rechercher l'intention
des parties, la raison pour laquelle elles ont retenu le terme particulier
dont il s'agit et d'instruire l'affaire sur ces bases plus nuancées.

Le sens ordinaire de l'expression ((chenal principal dujeuve))
(«Hauptlauf dieses Flusses~~)

3. En constatant comment l'expression est utiliséeau paragraphe 2 de
I'articleII du traitéde 1890,je note que, suivant son sens ordinaire, elle

ne donne aucune indication précise, fût-elleapproximative, du chenal du1198 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. FLEISCHHAUER)

tation between the British and the German spheres of interest is to be
placed. It seems that the negotiating parties had, through reports of trav-
ellers and explorers and early maps prepared by them, a superficial
knowledge of the topography they were dealing with (see Benjamin Brad-
shaw, "Notes on the Chobe River, South Central Africa", Proceedings of

the Royal Geographic Society (1881), pp. 208 ff., Memorial of Namibia,
Vol. V, Ann. 115,pp. 117ff.; Map 112,ibid.,Vol. VII, p. 4). The reference
to the "main channel of that river"1"Hauptlauf dieses Flusses" indicates
that they knew that the Chobe has, at different locations at least, several
channels, and that they wanted to place the line of delimitation into
the principal one of these channels. But there the matter ends. There is
neither in English nor in German a common understanding of the term
which would apply in a general fashion to the determination, in case of
doubt, which among several channels of a river is the main one. There is
- as the discussion about the role of navigability in the determination of
the main channel of the Chobe shows - not even agreement on al1of the
criteria which play a role for that evaluation and disagreement on the
meaning or weight to be given to some of them. And the same is true for

the German word "Hauptluuf '.

Nor is there an ordinary meaning of the term "main channel of that
river"l"Huupt1auf dieses Flusses" in a hydrological sense. The intense
hydrological debate which has taken place for years between the Parties
and during these proceedings before the Court, was about, inter alia, the
annual flow of water that goes through either of the two channels and in
this context about what precisely constitutes the southern channel, the
comparative visibility of the two channels during the flow seasons and
during the dry parts of the year and the bed profile configuration of the
channels. The Parties did not only disagree in substance on these matters,

but also on their relevance and applicability in the determination of the
main channel of the Chobe at KasikiliISedudu Island.

4. The Judgment lays much weight on the ordinary meaning of the
term "main channel of that river"l"HuuptluujJdiesesFlusses". In order to
define that meaning, the Court bases itself on "the most commonly used
criteria in international law and practice, to which the Parties have
referred" (Judgment, para. 27).
Accordingly, the Court addresses the criteria relied on by the Parties
and analyses their views on each of them before formulating brief con-
clusions of its own (Judgment, paras. 29-41).As a result, the Court is no
more successful in establishing the ordinary meaning of "main channel
of that river"1"Hauptlauf dieses Flusses" than the Parties are in their

parallel efforts.A number of the conclusions arrived at by the Court
are not arbitrary as they are based on presentations by the Parties, but
nevertheless subjective in nature and without a clear justification. In
the end the Court's conclusion that D L EE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1198

Chobe dans leauel il faut situer la délimitationentre les svhèresd'intérêt
britannique et allemande. Il semble que les parties appelées à négocier
n'aient eu, grâce à des récitsde voyageurs et d'explorateurs et des pre-
mières cartes établiespar ces derniers, qu'une connaissance tout à fait
superficiellede la topographie à laquelle elles avaient affaire (voir Benja-
min Bradshaw, ((Notes on the Chohe River, South Central Africu)), Actes
de lu Royal Geogruphic Society (1881), p. 208 et suiv., mémoirede la
Namibie, vol. V, annexe 115, p. 117 et suiv. ; carte 112,ibid.,vol. VII,
p. 4). Comme les parties font mention du «chenal principal du fleuve))
(«Hatiptlauj' dieses Flussrs»), elles savaient que le Chobe présente, en
différentsendroitsdu moins. vlusieurs chenaux. et ellesvoulaient situer la
2.
délimitation dans le chenal principal parmi ce; différents chenaux. Mais
les indications fournies s'arrêtentla.l n'y a ni en anglais ni en allemand
d'interprétation commune de I'expression qui s'appliquerait systémati-
quement, en cas de doute, à la détermination du chenal principal parmi
les différents chenaux d'un même fleuve. Il n'existe pas mêmed'entente,
comme le montre le débat surle rôle de la navigabilitédans la détermina-
tion du chenal principal du Chobe, sur la totalitédes critères qui jouent
un rôle aux fins de cette évaluation et l'on nes'entend pas non plus sur le
sens ou le poids a attribuerà certains de ces critères. ilen va de même
pour le terme allemand «Huuptluuf».

11n'existe pas non plus de sens ordinaire à attribuer à l'expression
«chenal principal du fleuve))(« Hauptlauf dicses Flusses») du point de
vue hydrologique. Sur ce plan, le débat animéqui oppose les Parties
depuis des annéeset aussi pendant l'instance devant la Cour a notam-
merit porté surle débit annuel del'eau qui s'écouledans lesdeux chenaux
et, dans ce contexte, sur ce qui constitue avec précisionle chenal sud, la
visibilitécomparéedes deux chenaux pendant la saison des crues et la sai-
son sèchede l'annéeet sur la configuration du profil du lit des mêmes
chenaux. Sur ces questions, non seulement les Parties s'opposent quant
au fond, elless'opposent aussi quant à leur pertinence et leur applicabilité
à la détermination du chenal principal du Chobe à la hauteur de l'îlede

KasikiliISedudu.
4. L'arrêt accorde beaucoup d'importance au sens ordinaire de
I'expression «chenal principal du fleuve)) («Huuptluuf dieses Flussesb).
Pour définirce sens ordinaire, la Cour se fonde sur «les critéresles plus
couramment utilisésen droit international et dans la pratique des Etats,
que les Parties ont invoqués))(arrêt,par. 27).
La Cour s'interroge donc sur les critères utiliséspar les Parties et ana-
lyse l'avis qu'ellesformulent sur chacun d'eux avant d'énoncer debrèves
conclusions qui lui sont propres (arrêt, par.29-41).Au bout du compte,
la Cour ne parvient pas mieux à établirle sens ordinaire de I'expression

«chenal principal du fleuve))(« Hauptlauf dieses Flusses») que les Parties
elles-mêmes àla suite de leurs propres recherches. Un certain nombre des
conclusions qu'énonce la Cour ne sont pas arbitraires puisqu'elles sont
fondéessur les thèses desParties mais elles sont néanmoinssubjectives et
ne sont pas clairement justifiées.Finalement, la Cour conclut que1199 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. FLEISCHHAUER)

"in accordance with the ordinary meaning of the terms that appear
in the pertinent provision of the 1890Treaty, the northern channel
of the River Chobe around KasikiliISedudu Island must be regarded
as its main channel" (Judgment, para. 41)

remains unconvincing.
Apparently recognizing the shortcomings of its efforts, the Court
repeatedly refers to the findings of Captain Eason in 1912,Messrs. Trol-
lope and Redman in 1948,and the Joint Survey of 1985,al1of which are
to the effect that, atKasikiliISedudu Island, the northern channel of the
Chobe has to be regarded as the "main channel of that river"1"Hauptlauf

dieses Flusses" (Judgment para. 33, para. 42, and para. 80). The Judg-
ment correctly states that those findings do not constitute subsequent
agreements or subsequent practice in the sense of Article 31,paragraph 3,
but refers to them as giving support to its own conclusion on the north-
ern channel as the main channel of the Chobe around KasikiliISedudu
Island :

"The Court finds that these facts, while not constituting subse-
quent practice by the parties in the interpretation of the 1890Treaty,
nevertheless support the conclusions which it has reached by inter-
preting Article III, paragraph 2, of the 1890 Treaty in accordance
with the ordinary meaning to be given to its terms . . ."(Judgment,
para. 80.)

In making this statement however, the Court does not take account of
the fact that neither Eason nor Trollope and Redman were hydrological
experts and that the Court has not been informed of the basis on which
they reached their conclusions; moreover, the report on the Joint Survey,
according to South Africa, did not prove conclusively that the Island
belongs to Botswana.
In its effort to establish an ordinary meaning of the term to be inter-
preted, on which the Court could proceed, the Judgment is not fully con-
sonant with the system of interpretation provided for by the Vienna Con-
vention. It discusses only certain aspects of the object andpurpose of the
1890Treaty and does not deal at al1with the context in which the term

"main channel of that river"l"Huuptlauf dieses Flussrs" is used in that
Treaty (Judgment, paras. 43-45). Object and purpose of the Treaty in
which the term to be interpreted finds itself and the context in which the
term has been used, are important elements of treaty interpretation as
they throw light on the intentions of the Parties which are a key factor for
treaty interpretation as foreseen by the Vienna Convention. An interpre-
tation of the term "main channel of that river"l"Haupt1auf diesesFlusses",
which properly takes into account the object and purpose of the Treaty
and the context in which this term is used in Article III (2), leads to a
result thatis different from the one reached by the Court in its Judgrnent. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1199

«le chenal nord du Chobe autour de I'île de KasikiliISedudu doit
être considéré comme son chenalprincipal suivant le sens ordinaire
des termes figurant dans la disposition pertinente du traité de 1890))
(arrêt, par. 41)

mais cette conclusion demeure peu convaincante.

Reconnaissant apparemment que ses recherches n'aboutissent pas vrai-
ment, la Cour fait sans cesse appel aux constatations du capitaine Eason
qui datent de 1912, de MM. Trollope et Redman, lesquelles datent de
1948,et de l'étudeconjointe de 1985, qui visent toutes à dire qu'à la hau-
teur de I'île deKasikiliISedudu, c'est le chenal nord du Chobe qui doit
êtreconsidérécomme le «chenal principal du fleuve)) (« ~uu~tlauf dieses

Flus.~es») (arrêt, par. 33, 42 et 80). Il est dit fort justement dans l'arrêt
que ces constatations ne constituent pas des accords ultérieurs ni une
conduite ultérieure au sens de l'article31, paragraphe 3 de la convention
de Vienne, mais ces élémentsappuieraient la conclusion propre de la
Cour pour qui le chenal nord est le chenal principal du Chobe aux alen-
tours de I'île de KasikiliISedudu :

«La Cour estime que ces faits, mêmes'ils ne constituent pas une

((pratique ultérieure)) des parties au traité de 1890 quant à l'inter-
prétation de celui-ci, n'en étayent pas moins les conclusions aux-
quelles elle est parvenue en interprétant le paragraphe 2 de l'ar-
ticle III du traité suivant le sens ordinaire à attribuer à ses
termes ...»(Arrêt, par. 80.)

En énonçant cette conclusion toutefois, la Cour ne tient pas compte du
fait que ni Eason ni Trollope et Redman n'étaientdes experts en hydro-

logie et qu'il ne lui a pas étédit d'après quels élémentsils ont formulé
leurs conclusions; en outre, le rapport de la commission mixte, d'après
l'Afrique du Sud, n'a pas prouvé de façon déterminante que l'île appar-
tient au Botswana.
En voulant attribuer un sens ordinaire à l'expression qu'il faut inter-
préter de façon que la Cour puisse poursuivre sa recherche, l'arrêtn'est

pas parfaitement compatible avec le systèmed'interprétation mis en place
par la convention de Vienne. L'arrêtn'évoque que certains aspects de
l'objet et du but du traité de 1890 et ne traite pas du tout du contexte
dans lequel l'expression «chenal principal du fleuve» (« Huuptlauf dieses
Flusses))) est utiliséedans le traité (arrêt,par. 43-45). Or, l'objet et le but
du traité dans lequel figurent les termes à interpréter et le contexte dans

lequel les termes sont utiliséssont des élémentsimportants de I'interpré-
tation du traité parce qu'ils éclairentles intentions des parties, intentions
qui sont une cléindispensable de l'interprétation du traité en vertu des
dispositions de la convention de Vienne. Or, une interprétation deI'expres-
sion «chenal principal du fleuve)) (« Huuptlaufdieses Fiusses))) qui tient
comme ilfaut compte de l'objet et du but du traité et du contexte dans

lequel l'expression est utiliséeau paragraphe 2 de l'article III du traité
aboutit à un autre résultat que celui qu'enregistre la Cour dans son arrêt.1200 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. FLEISCHHAUER)

Object and Purpose of the 1890 Treaty

5. As to object and purpose of the 1890Treaty, 1 would like to first
observe that the 1890Treaty is a bilateral treaty and that, as is often the
case with bilateral treaties, object andpurpose pursued with the Treaty
by its parties follow fairly clearly from its text. The object of the 1890
Treaty were the spheres of influence of the two contracting parties in
Africa and the purpose was their agreed delimitation (Arts. 1-IV of the

Treaty) in order to secure the respect by each of the parties of the sphere
of the other (Art. VII). Although the delimitations provided for in the
Treaty have evolved to become existing boundaries between African
States, including the boundary between Namibia and Botswana. the
Treatyhas not to be regarded as a boundary treaty in the technical sense;
the Treaty was meant to keep the political relations between the two con-
tracting States undisturbed by rivalry in Africa. This cannot be over-
looked in its interpretation; the Treaty must not be understood as mean-
ing a comprehensive settlement of al1 questions regarding the actual
course of the delimitations it establishes. It seemsquite compatible with
the Treaty's object and purpose that, in certain places, it sets forth only in
broad lines where the delimitation of the spheres of interests runs but
leaves the fixation of its course inetail to the future application of the
Treaty.
What has just been said on the object and purpose of the 1890Treaty

means what follows for the determination of the meaning of the term
"main channel of that river" in Article III (2) of that Treaty.
6. The object and purpose of the 1890 Treaty were that the parties
wanted to establish an easily definable delimitation of their zones of
influence in the north-eastern corner of South West Africa as wellas else-
where in Africa. Once they had given up the reference to parallels of lati-
tude and longitude in the drawing of the line of delimitation, the next
best method from the point of view of clarity would have been to fix, in
the area of KasikiliISedudu Island, the line of delimitation on the crest of
the Chobe Ridge. The Chobe Ridge runs on the south bank of the Chobe
River, which is the right bank, and was known at the time of the negotia-
tion of the Treaty (seeB. F. Bradshaw, "Notes on the Chobe River, South
Central Africa", Proceedings of the Royal Geogruphic Society (1881),
pp. 208 ff.). The Ridge is clearly visible and does not disappear under
water in the flood season. However, for reasons which have to do with

the supposition of the parties that the Chobe is navigable and gives access
to the Zambezi by river, the parties to the 1890Treaty specifiedthat the
line of delimitation had to be in the "main channel of thatriver"l"Haupt-
laufdieses Flusses", meaning the Chobe.
This now makes the southern channel the "main channel"1"Huuptlauf'
in the sense of Article 111 (2). This is so because in the entire area of
KasikiliISedudu Island the southern channel runs along the Chobe Ridge.
The Chobe Ridge acts like a dam along which the waters of the Chobe
run upstream in the beginning of the Hood season when they are backed LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1200

Objet et but du traité de1890

5. En ce qui concerne l'objet et le but du traité de1890,je tienà faire
tout d'abord observer que ce traitéde 1890est un traité bilatéralet que,
comme c'est souvent le cas avec les traités bilatéraux,l'objet etle but que
ses parties assignent au traitéressortent assez clairement du texte. L'objet
du traité de 1890 portait sur les sphères d'influence des deux parties
contractantes en Afrique et le but était dedélimiterd'un commun accord
lesdites sphères (art.1a IV du traité)pour que chacune des parties res-
pecte la sphère de l'autre (art. VII). Les délimitationsenvisagéesdans le
traité ont évoluépour devenir aujourd'hui des frontières entre des Etats
d'Afrique, notamment la frontière entre la Namibie et le Botswana, mais
le traité ne doit pas être considéré comme un traité frontalier au sens
technique; cetraitéétaitcenséépargner auxdeux Etats contractants desper-

turbations de leurs relations politiques dues à leurs rivalitésen Afrique.
C'est là un élémenta ne pas omettre quand on interprète le traité;
celui-ci ne doit pas être entendu commeréglantdans tous les détailstou-
tes les questions que peut soulever le tracé concretdes délimitationsdéfi-
nies dans l'accord.Il paraît tout à fait compatible avec I'objetet le but du
traité que celui-ci ne donne à certains endroits qu'une idée générald eu
tracéde la délimitation des sphères d'intérêt, remettant à plus tard, lors
de l'application ultérieuredu traité,le soin de fixer cetracédans le détail.
Ce qui vient d'être ditsur l'objet etle but du traité de 1890 signifiece
qui suit ci-dessous pour la détermination du sens de l'expression ((chenal
principal du fleuve))figurant au paragraphe 2 de l'article IIIdudit traité.
6. L'objet et le but du traité de1890étaitque les parties voulaient éta-

blir une délimitation facile a définirde leurs zones d'influence dans la
régionnord-est du Sud-Ouest africain et ailleurs également enAfrique.
Après avoir donné pour point de référence,aux fins du tracéde la déli-
mitation, les parallèles de latitude et de longitude, le meilleur moyen
d'êtreclair aurait consistéensuite à situer, dans la zone de I'îlede Kasi-
kililsedudu, la ligne de délimitation au sommet de l'arêtedu Chobe.
Cette arêtesuit la rive sud du Chobe, c'est-à-dire la rive droite, et était
connue à l'époque dela négociation du traité (voir B. F. Bradshaw,
((Notes on the Chobe River, South Central Africa)), Actes de la Royal
Geographic Society (1881), p. 208 et suiv.). Cette arête est clairement
visible et n'est pas submergéeà la saison des crues. Toutefois, sans doute
parce que les parties supposaient que le Chobe est navigable et permet
d'accéderau Zambèzepar une voie d'eau, les parties au traitéde 1890ont

précisé qu'iflallait situer la lignede délimitationdans lechenal principal
du fleuve ))(« Hauptlauf' dieses Flusses)), c'est-à-dire le Chobe.

11faut en déduireque c'est le chenal sud qui est le ((chenal principal du
fleuve)) («Hauptlauf») au sens du paragraphe 2 de l'article III. Pour-
quoi? Parce que, danstoute la zone de I'îlede KasikiliISedudu, le chenal
sud suit l'arêtedu Chobe. Cette arête du Chobe fait en quelque sorte
fonction de barrage le long duquel les eaux du Chobe remontent vers1201 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. FLEISCHHAUER)

up by the Mambova Rapids and downstream at the end of that season.
The Ridge also backs up the overflow waters that come down from the
Zambezi and directs them to flow off through the southern channel. Con-
sequently the yearly flow ofwater in the southern channel is such that the
Parties disagree whether the northern or the southern channel has the
greater flow. The Chobe Ridge also identifiesthe location of the southern

channel and thereby a boundary located in that channel; even intimes of
high water, when the left bank of the southern channel is under water,
the exact location of thethalweg can be established from the Ridge, once
the necessary measurements have been taken during the dry season. This
could not be easily done in the northern channel, both banks of which
are under water in the flood season.

Object and purpose of the 1890Treaty therefore show that the "main
channel"l"Haupt1auf' of the Chobe in which the boundary is meant to
run is the southern channel.
This finding is supported by the fact that after the conclusion of the
1890 Treaty it was at first generally assumed as quite natural that the
delimitation line established by the Treaty liesin the southern channel, an
assumption that found its way into early maps.

The Context in Whichthe Term "Main Channel of That
River"l"Hauptlauf dieses Flusses" 1s Used in Article III (2) of the
1890 Treaty

7. The context in which the terms of a treaty are used is necessarily
connected with the object and purpose of the treaty itself. That does not
mean, however, that the context is always identical with, or indistinguish-
able from, object and purpose of the treaty. The context in which a term
is used in a treaty may relate to the overall realization of the object and
purpose of the treaty; but the context may as wellconcern the realization
of a particular feature or aspect of the treaty. This is the case with the
term "main channel of that river"l"Haupl1auf dieses Flusses" in
Article II1(2) of the 1890Treaty.

Article III deals with the spheres of influence of the two contracting
parties in South West Africa, and paragraph 2 of this Article in particular
with the eastern delimitation of the sphere of influence reserved forGer-
many. In establishing that delimitation, the two parties intended to meet
a particular German request, accepted by Great Britain, namely that
"Germany shall have free access from her Protectorate to the Zambesi"
(second subparagraph of Article 111(2)).

Rivers were regarded at the time as potentially important means for
the further exploration and the development of Africa. As the Judgment
States: "The great rivers of Africa traditionally offered the coloniall'amont au débutde la saison des crues quand ces eaux sont étofféespar
les rapides de Mambova et elles s'écoulent vers l'aval à la fin de ladite
saison. L'arête faitégalementobstacle à la crue qui descend du Zambèze
et en dirige l'évacuation par le chenal sud. C'est pourquoi le courant
annuel dans le chenal sud est tel que les Parties s'opposent sur le point de
savoir quel chenal, le chenal nord ou le chenal sud, a le plus fort débit.

L'arete du Chobe permet aussi d'identifier l'emplacement du chenal sud
et par conséquent de toute frontière situéedans ledit chenal; même en
période de crue, quand la rive gauche du chenal sud est submergée,
l'emplacement exact du thalweg peut être établi à partir de l'arête,une
fois que lesmesures voulues ont été prisespendant la saison sèche.On ne
peut pas en faire autant facilement dans le chenal nord, dont les deux
rives sont submergéespendant la saison des crues.
L'objet et le but du traité de 1890 montrent par conséquent que le
«chenal principal du fleuve)) («Haupt/auf») du Chobe dans lequel la
frontière doit êtresituée estle chenal sud.
Cette conclusion est étayéepar le fait qu'à la suite de la conclusion du
traitéde 1890on a tout d'abord estimé enrèglegénérale qu'ié l tait tout
fait naturel que la ligne de délimitation établiepar le traitése situe dans
le chenal sud, et cette présomption s'est expriméedans les premières
cartes de la région.

Le conte-utedans lequel l'expression ((chenalprincipal dujeuve))
(«Hauptlauf dieses Flusses ») est utiliséeau paragraphe 2 de l'article III
du traitéde 1890

7. Le contexte dans lequel les termes d'un traité sont utilisés estnéces-
sairement liéavec l'objet et le but du traitélui-même. Cela ne veuttou-
tefois pas dire que ce contexte s'identifie I'objet et au but du traitéou
qu'il en est indissociable. Le contexte dans lequel un certain terme est uti-
lisédans un traité peut êtreen rapport avec la réalisation globale de
I'objet et du but du traité; mais ce contexte peut égalementconcerner la
réalisationd'un caractère particulier ou d'un aspect particulier du traité.
Tel est le cas avec l'expression «chenal principal duleuve)) («Hauptlauf
dieses Flusses))) figurant au paragraphe 2 de l'article III du traité de
1890.

L'articleIII en question porte sur les sphères d'influence des deux
parties contractantes dans le sud-ouest africain et le paragraphe2 de cet
article porte en particulier sur la délimitation orientale de la sphère
d'influence réservée à l'Allemagne. En établissant cette délimitation,les
deux parties voulaient répondre favorablement à une demande de 1'Alle-
magne, acceptéepar la Grande-Bretagne, qui était que«l'Allemagne [ait]
libre accèsau Zambèze depuis son protectorat »(deuxièmealinéadu para-
graphe 2 de l'article III).
Les fleuvesétaient considéré sl'époque commedes moyens potentielle-
ment importants d'explorer plus avant l'Afriqueet de développerle conti-
nent. Comme il est dit dans l'arrêt: «Les grands fleuves de l'Afrique ont1202 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS.OP.FLEISCHHAUER)

powers a highway penetrating deep into the African continent." (Judg-
ment, para. 44.) The German interest in access to the Zambezi was
motivated by such conceptions. The access of Germany to the Zambezi
was to be twofold: by land and by river.
As to the access by land, the second subparagraph of Article III (2) of
the 1890Treaty states that the access of Germany to the Zambezi shall be
"by a strip of territory which shall at no point be less than 20 English
miles in width". The access by river was to be through the River Chobe

and the delimitation between the British and the German sphere of inter-
est was to run in the "centre of the main channel of thatriver"1"Thaliveg
des Huuptluufes dieses Flusses" to "its junction with the Zambesi, where
it terminates" (Art. II1 (2) of the 1890Treaty), so that both parties had
equal access to the Chobe and its uses. Originally there was only the ref-
erence to access to the Zambezi by the Chobe. The passage regarding
access by land did not yet figure in the textinitialled by the British and
German negotiators on 17 June 1890, 13days before the signature of
the Treaty. Until then, there was only the following reference to the
Chobe:

"The frontier between the German territory and the English ter-
ritory in the south-west of Africa shall follow, from the point which
has been agreed upon in previous arrangements, the 22nd degree of
south latitude (leaving Lake Ngami to England), to the east up to
the 21st degree of longitude; from thence to the north to where that
degree touches the 18th degree of south latitude. Thence the line of
demarcation shull be carried to the east along the centre of the River
Tschobi, up to the point where itflows into the Zambesi." (Initialled
Agreement between the representatives of Germany and Great
Britain, 17 June 1890 (PRO, FO 88116146,No. 48), Memorial of
Namibia, Vol. IV, Ann. 21, p. 114; emphasis added.)

The negotiating history of the term "main channel of that riverw/
"Hauptlauf dieses Flusses" in Article III (2) of the 1890Treaty thus con-
firms that this term has been used inthe context of an effort to giveequal
access to the Zambezi by the River Chobe. Navigability therefore is an
important factor for the interpretation of the meaning of the term.

8. The context in which the term "the main channel"l"Haupt1auf
dieses Flusses" is used in Article III (2) of the Treaty speaks rather in

favour of the northern channel as the main channel. In that channel, con-
ditions for navigation seemingly are better than in the southern channel
to the degree that the northern channel is, in the dry periods, deeper and
wider than the southern channel. That would speak in favour of inter-
preting the term main channel of "that river"l"Huupt1auf dieses Flusses"
as referring to the northern channel.
As a means of interpretation, the context in which the term "main
channel of that river"1"Hauptlauf dieses Flusses" is used in Article III (2)
of the 1890Treaty, is therefore at cross purposes with interpretation of LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. FLEISCHHAUER) 1202

traditionnellement offert aux puissancescolonisatricesdes voies depénétra-
tion i l'intérieur du continent africain.))(Arrêt, par.44.) Ce sont ces ambi-
tions qui incitaient l'Allemagneà vouloir accéderau Zambèze. Et la voie
d'accèsde l'Allemagneau Zambèze devaitêtredouble: terrestre et fluviale.
En cequi concerne la voie d'accèsterrestre, le deuxièmealinéadu para-
graphe 2 de l'article111du traitéde 1890précise qu'elleemprunte «une
bande de territoire qui en aucun point ne doit avoir une largeur inférieure
à 20 miles anglais)). La voie d'accès fluvialeemprunterait le fleuveChobe
et la délimitation entre les sphères d'influencebritannique et allemande
suivrait «le centre du chenal principal de ce fleuve)) (« Tllahveg des

Hauptlaufes dieses Flusses))) «jusqu7à son confluent avec le Zambèzeoù
elle s'arrête» (par. de l'art. III du traité de 1890),de sorte que les deux
parties accédaientdans des conditions d'égalitéau Chobe et à ses utilisa-
tions. Initialement,ln'était fait mentionque de la voie d'accès fluvialeau
Zambèze, par le Chobe. Le passage concernant l'accèsterrestre ne figu-
rait pas encore dans le texte paraphé par les négociateursbritannique et
allemand le 17juin 1890,soit treizejours avant la signature du traité.Jus-
que là, seul le Chobe était mentionné,dans les termes ci-après:

«La frontière entre le territoire allemand et le territoire anglais du
sud-ouest de l'Afrique suivra, a partir du point qui a étéconvenu
dans des arrangements antérieurs, le 22e degréde latitude sud (en
laissant le lac Ngami à l'Angleterre), à l'est jusqu'au 21" degréde
longitude, allant delà au nord où ce degrétouche le 18"degréde
latitude sud.De la, la ligne de démarcationse porteru à l'est, lon-
geant le centre d~lfleuve Tschobijusqu'à son confluent avec le Zam-
bèze.» (Accord paraphé entre les représentants del'Allemagne et de
la Grande-Bretagne le 17 juin 1890 (PRO, FO 88116146,no 48),
mémoirede la Namibie, vol. IV, annexe 21, p. 114; les italiques sont
de moi.)

L'historique de la négociation de l'expression «chenal principal de ce
fleuve))(« Htruptluuf dieses Flusses~) utiliséeau paragraphe 2 de l'article
III du traité de 1890confirme par conséquent que I'expression a étéuti-
liséedans le cadre d'une action menéepour donner dans des conditions
d'égalité accèasu Zambèze par le fleuveChobe. La navigabilitéconstitue
donc un élémentimportant aux fins de l'interprétation deI'expression.
8. Le cadre dans lequel I'expression((lechenal principal)(« Hauptlauf
dkses Flusse.r») est utiliséeau paragraphe 2 de l'article III du traitéplai-

derait plutôt en faveur du chenal nordà titre de chenal principal. Dans ce
chenal nord en effet, les conditions de navigation paraissent meilleures
qu'elles ne sont dans le chenal sud en ce sens que le chenal nord est, pen-
dant les saisons sèches, plusprofond et plus large que le chenal sud. Cela
engagerait à interpréter I'expression chenal principal de «ce fleuve))
(«Hauptlauj'dieses Flusses ») comme visant le chenal nord.
En tant que mode d'interprétation, le cadre dans lequel I'expression
«chenal principal de ce fleuve))(«Hauptlauf dieses Flusses))) est utilisée
au paragraphe 2 de I'articleIII du traitéde 1890contredit par conséquent1203 KASIKIL~SEDUDU ISLAND (DISS .P. FLEISCHHAUER)

the term in accordance with object and purpose of the Treaty which indi-
cates the southern channel as the main channel. This contradiction does
not however have to be addressed because the expectations of the parties
regarding the navigability of the Chobe were mistaken.

The Error of the Parties to the 1890 Treaty in the Appreciution of the
Possible Uses of the Chohe River

9. In placing hopes in the expected navigational use of the Chobe
River, the parties were in error; the context in which they perceivedthe
"main channel of that river"l"Haupt1auf dieses Flusses" was unreal. We
know now, more than hundred years after the conclusion of the Treaty,
that the river has not been used, and is not usable, for larger-scale navi-
gation. This is mainly due to the fact that if there was a fully navigable
part of the Chobe, it would run from nowhere to nowhere, Le., from
some point upstream from KasikiliISedudu Island to the point where -

downstream from the Island - the Mambova Rapids block navigation.
But also the particular hydrological conditions prevailing in the Chobe in
the area around KasikiliISedudu Island would not permit full naviga-
tional use of the river there. This is supported by the fact that while
an attempt at lumber floating was undertaken by Mr. Ker in 1947-1948,
the Court has not been informed that this attempt was repeated after
Mr. Ker's first experience. The Zumbezi Queen is not operated on a regu-
lar schedule but is moored in the northern channel as a floating hotel.
The only navigational activity which has ever, in a sustained way, been
carried out on the River Chobe, is the operation of the tourist flatboats

that has taken place, for some time now, mainly in the southern chan-
nel, as the Island is becoming known as a major wildlife feeding ground
readily accessible to safe viewing by tourists who mainly corne from
Botswana. The parties to the Treaty were thus in error when they drafted
the Treaty in the expectation of larger-scale navigational usability of the
Chobe, in particular in giving access to the Zambezi.

The error with which the Court is confronted here is not an error "in a
treaty" as dealt with by Article 48 of the Vienna Convention on the Law

of Treaties, which one State party to the treaty wishes to invoke "as
invalidating its consent to be bound by the treaty". It is rather an error in
motivation which led to the use of the term "main channel of that riverw/
"Hauptluuf dieses Flusses" in Article III (2) of the 1890 Treaty, an error
made by both parties to the Treaty. The question that arises does not
concern the validity of the consent to be bound by the Treaty; the error
rather raises the question whether a mistaken expectation of the parties
when they drew up the Treaty can still serve, more than 100years after
the conclusion of the Treaty and a long time after the error has become
clear, in the interpretation of the Treaty. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1203

l'interprétation de l'expressionconformément à l'objet etaubut du traité,
laquelle indique que c'est le chenal sud qui est le chenal principal. Tou-
tefois, cette contradiction n'a pasêtreanalysée plusavant parce que les
parties se trompaient au sujet de la navigabilitédu Chobe.

L'erreur commise par les parties au truitéde 1890
quand elles ont apprécié lesutilisations possibles du,fiuChobe

9. En mettant leurs espoirs dans l'exploitation du Chobe à des fins de
navigation, les parties se trompaient; le cadre dans lequel elles ont
appréciéle ((chenal principal de ce fleuve(« Hauptluuf dieses Flusses)))
ne correspondait pas àla réalité.Nous savons maintenant, plus de cent
ans après la conclusion du traité, que le fleuve n'a pas été utilisé et n'est
pas utilisable pour la navigation grande échelle. Cela s'explique princi-
palement par le fait que si leChobe était parfaitement navigable en par-
tie, ceserait entre un point non repérableet un autre point non repérable,
c'est-à-dire entre un point situé en amont de I'île de KasikiliISedudu
jusqu'au point où, en aval de I'île,les rapides de Mambova bloquent la

navigation. Mais il faut compter aussi avec le fait que la situation hydro-
logique particulière qui règnedans le Chobe àla hauteur de I'îlede Kasi-
kililsedudu ne permettrait pas àcet endroit du fleuve de l'utiliser pleine-
ment pour la navigation. Cela est confirmépar le fait que si M. Ker a
tentéen 1947-1948une opération de flottaison de bois d'Œuvre, laCour
n'a pas été informée que la tentative ait été renouveléaprès cette pre-
mière expérience.Quant au Zambezi Queen, il ne voyage pas régulière-
ment, il està l'ancre dans le chenal nord et est exploitécomme un hôtel
flottant. Le seul type de navigation qui aitjamais eu un caractère régulier
sur le Chobe correspond à l'activité desbateaux à fond plat utiliséspar
les touristes et exploitésdepuis un certain temps,résentsurtout dans le
chenal sud, car l'îleest de plus en plus connue comme une grande réserve

animalière facilement accessibleà des touristes désireuxde voir les ani-
maux qui viennent principalement du Botswana. Les parties au traitéde
1890 se trompaient par conséquent quand elles ont rédigéce traité en
espérant pouvoir utiliser le Chobe pour la navigation à grande échelle,
qui donnerait en particulier accèsau Zambèze.
L'erreur faceàlaquelle la Cour se trouve ici n'est pas l'erreur «dans un
traité))dont traite l'article 48de la convention de Vienne sur le droit des
traités,que l'un desEtats parties au traitéveut invoquer «comme viciant
son consentement à êtreliépar le traité)). Il s'agit plutôt d'une erreur
commise dans les motifs incitant à utiliser l'expression ((chenal principal
de ce fleuve)) (Hauptlauf dieses Flusses))) au paragraphe 2 de l'article
III du traité de 1890, erreur commise par les deux parties au traité. La
question qui se pose alors ne concerne pas la validitédu consentement à

êtreliépar le traité;l'erreur pose plutôt la question de savoir si un espoir
erronéde la part des parties au moment où elles ont rédigéle traitépeut
encore êtreutile pour l'interprétationudit traitéplus d'un siècleaprèssa
conclusion et longtemps après que l'erreur soit apparue clairement.1204 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. FLEISCHHAUER)

In the circumstances of the present case, the interpretation of the term
"main channe1"l"Hauptlauf dieses Flusses" based on the mistaken expec-
tation of large-scale navigational usability of the Chobe cannot be held
against Namibia because that would mean that Namibia alone would be
burdened with the consequences of the error. The flatboat navigation

connected to the tourist activities that have evolved on and around
Kasikili/Sedudu Island is concentrated in the southern channel. Interpre-
tation of the term "the main channel of that river"1"Hauptluuf'dieses
Flusses" in favour of the northern channel would deprive Namibia from
having an equitableshare in the only navigational use of the Chobe there
is to share. That would run directly counter to the intention of the parties
to split the river evenly. Therefore the interpretation of the term "main
channel of that river"l"Hauptlauf dieses Flusses" in favour of the north-
ern channel would not be compatible with the principle of good faith
which, according to Article 31, paragraph 1, of the Vienna Convention,
governs al1treaty interpretation. Interpretationof the term "main chan-

ne1 of that river"/"Hauptlauf dieses Flusses" in favour of the southern
channel, however, would correspond to what the parties wanted to
achieve regarding the River Chobe. It would be a good faith interpreta-
tion of the term because it would split evenly between the Parties the only
channel that is of some navigational interest.
Since the Court has found - correctly - that Namibia does not have
a prescriptive title toKasikiliISedudu Island, the finding that the main
channel is the northern channel automatically clarifies that Kasikilil
Sedudu Island is not part of Namibia, but part of Botswana. To arrive at
such an important conclusion from the interpretation of a term of the

1890Treaty based on a mistaken expectation of the navigational useful-
ness of the Chobe River is equally not compatible with the requirement
of good faith in the interpretation of treaties.

In sum, the context in which the term "main channel of that river"/
"Hauptlauf'dieses Flusses" is used in Article III(2) of the 1890 Treaty
does not justify the interpretation of the term in favour of the northern
channel.

II. THETHIRDPARAGRAPH OF THE DISPOSITIF OF THE JUDGMENT

10. The fact that the Court finds in the third paragraph of the disposi-
tifof its Judgment that
"in the two channels around KasikililSedudu Island, the nationals
of, and vesselsflying the flags of, the Republic of Botswana and the

Republic of Namibia shall enjoy equal national treatment"

does not fully overcome the shortcomings of interpreting the term
"main channel of that river"l"Huuptlauf dieses Flusses" in favour of the
northern channel. As far as the territorial status of the Island itself is Dans lescirconstances de la présenteespèce, on nepeut pas interpréter
à l'encontre de la Namibie l'expression «chenal principal)) («Hauptlauf
dieses Flusses))) en se fondant sur l'espoir erroné que le Chobe étaituti-
lisable pour la navigationà grande échelleparce que cela signifierait que
la Namibie supporterait seule les conséquencesde l'erreur. La navigation
de bateaux à fond plat liéeaux activitéstouristiques qui se sont orga-
niséessur l'îlede KasikililSedudu et autour de l'îlea lieu pour l'essentiel

dans le chenal sud. Interpréter I'expression «le chenal principal de ce
fleuve)) («Hauptlaufdieses Flusses))) en faveur du chenal nord priverait
la Namibie d'une participation équitable au seul type d'utilisation du
Chobe à des fins de navigation qu'il soit possible de partager. Cela serait
tout à fait contrairà l'intention desparties qui était de se partager éga-
lement le fleuve. Interpréter en faveur du chenal nord I'expression((che-
nal principal de ce fleuve)) («Hauptlauf dieses Flusses))) ne serait donc
pas compatible avec le principe de la bonne foi, lequel, conformément au
paragraphe 1de l'article 31 de la convention de Vienne, régittoute inter-
prétation des traités. En revanche, interpréter I'expression en faveur du
chenal sud correspondrait à ce que voulaient les parties au sujet du fleuve
Chobe. Ce serait une interprétation de bonne foi de l'expression parce

que cette interprétation partagerait égalemententre lesparties le seul che-
nal qui présenteun intérêt quelconquedu point de vue de la navigation.
Comme la Cour a constaté, et elle a raison, que la Namibie n'a pas
acquis de titre par prescription sur l'îledesikiliISedudu, déciderque le
chenal principal est le chenal nord revient automatiquement à dire que
l'îlede KasikililSedudu ne fait pas partie de la Namibie mais fait partie
du Botswana. Parvenir à pareille conclusion importante a partir d'une
interprétation d'une expression figurant dans le traitéde 1890fondée sur
une attente erronéeconcernant les possibilitésd'utiliser le fleuveChobeà
des fins de navigation n'est pas non plus compatible avec l'obligation
d'interpréter les traitésde bonne foi.
En bref, le cadre dans lequel l'expression «chenal principal de ce

fleuve»(((Hazrptld diesrs Flusses))) est utilisée au paragraphe 2 de
l'article III du traité de 1890 nejustifie pas d'interpréter l'expression en
faveur du chenal nord.

II. LE TROISIÈME PARAGRAPHE DU DISPOSITIF DE L'ARRÈT

IO. Le fait qu'au troisième paragraphe du dispositif de son arrêt,la
Cour dit que

«dans les deux chenaux autour de l'île de KasikililSedudu, les res-
sortissants et les bateaux battant pavillon de la République du
Botswana et de la République de Namibie doivent bénéficiers ,ur un
pied d'égalité, u régimedu traitement national))

ne compense pas pleinement les insuffisances liéesà une interprétation de
l'expression «chenal principal de ce fleuve)) (cHauptlauf dieses Flus-
ses») qui est favorable au chenal nord. Du point de vue du statut terri-concerned, the third paragraph of the dispositif of the Judgment does not
affect the finding in the second paragraph of the dispositifthat the Island
forms part of Botswana. As to the waters around the Island, conceding
equal national treatment to the nationals of the other Party and to boats
flying the flag of that Party, is not theme as the splitting of the "main
channel"l"Haupt1auf' of the Chobe around the Island, as originally
envisaged by the Parties.

However, the fact that 1do not regard the third finding in the dispositif
of the Judgment as compensating for the erroneous decision in favour of
the northern channel, has not prevented me from voting in favour of that
finding. 1agree with the reasons for the finding which are given in para-

graphs 100and 103of the Judgment and the attribution, in the channels
around KasikiliISedudu Island, of equal,national treatment to the nation-
als of both Parties and the boats flyingtheir flagsmay be of some help to
the Parties and contribute to avoiding or lessening tensions.

1 have also come to the conclusion that the Court had jurisdiction to
make the finding, as the Court is mandated by Article 1 of the Special
Agreement by virtue of which it wasseisedwith this dispute, "to determine
.. .the legal status of the island"; that mandate comprises the determina-
tion of the legal status of the waters around KasikiliISedudu Island.

III. FINAL REMARKT :HEROLE OF PRESCRIPTION
IN THISCASE

11. As a final remark, 1would like to add with regard to the role of
prescription in this case, thatagree with the conclusion of the Judgment
that acquisitive prescription does not play a role. 1 also agree with the
reasons given for that conclusion. However, there is an additional and
quite decisive reason why acquisitive prescription could not come into
play in this case.

As the Court States, Botswana and Namibia

"agree between themselvesthat acquisitive prescription is recognized
in international law and they further agree on the conditions under
which title to territory may be acquired by prescription, but their
views differ on whether those conditions are satisfied in this case"
(Judgment, para. 96).
"For present purposes, the Court need not concern itself with the
status of acquisitive prescription in international law or with the

conditions for acquiring title to territory by prescription. It considers
...that theconditions cited by Namibia itself arenot satisfied in this
case and that Namibia's argument on acquisitive prescription there-
fore cannot be accepted." (Judgment, para. 97.) LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.FLEISCHHAUER) 1205

torial de I'îleelle-mêmel,e troisièmeparagraphe du dispositif de l'arrêtne
modifie pas la conclusion énoncéeau deuxièmeparagraphe du dispositif
selon laquelle I'île fait partie du territoire du Botswana. En ce qui
concerne les eaux entourant l'île,concéderle bénéfice du régimedu trai-
tement national, sur un pied d'égalitéa,ux ressortissants de l'autre Partie
et aux bateaux battant pavillon de l'autre Partie ne revient pas exacte-
ment à partager le ((chenal principal))(«Hauptlaufl) du Chobe autour

de I'île,comme les Parties l'ont envisagéinitialement.
Mais le fait que je neconsidère pas que cette troisième conclusion du
dispositif de I'arrêtcompense la décisionerronéeprise en faveur du che-
nal nord ne m'a pas empêché de voter pour ce troisième paragraphe. Je
souscris aux motifs de cette conclusion qui sont exposés aux para-
graphes 100et 103de l'arrêtet le fait d'accorder, dans leschenaux entou-
rant I'île deKasikiliISedudu, sur un pied d'égalité,le régimedu traite-
ment national aux ressortissants des deux Parties et aux bateaux battant
leur pavillon sera peut-êtreassez utile aux Parties et aidera peut-être a
éviterles tensions ou a les atténuer.
J'ai égalementabouti a la conclusion que la Cour a compétencepour
se prononcer à ce sujet, puisqu'elle est mandatée par l'articl1 du com-
promis en vertu duquel elle a étésaisie du différendpour ((déterminer ...

le statut juridique de cette île)); et ce mandat consiste ausàdéterminer
le statut juridique des eaux entourant I'îledeKasikiliISedudu.

III. UNE DERNIÈRE OBSERVATION SUR LE ROLE DE

LA PRESCRIPTION EN L'ESPÈCE
11. Je voudrais ajouter une dernière observation qui a trait au rôle de

la prescription en la présente espèce. Jesouscrisà la conclusion formulée
dans I'arrêtqui est que la prescription acquisitive ne joue ici aucun rôle.
Je souscris égalementaux raisons motivant cette conclusion. Toutefois, il
existeà cet égard uneraison supplémentaireet parfaitement déterminante
qui exclut de pouvoir faire appel en la présente espèce à la prescription
acquisitive.
Comme la Cour le déclare,le Botswana et la Namibie

((conviennententre [eux]que la prescription acquisitive est reconnue
en droit international, et...conviennent de surcroît des conditions
auxquelles un titre territorial peut être acquispar prescription mais
[ils]s'opposent sur le point de savoir si ces conditions sont réunies
dans le cas d'espèce))(arrêt,par. 96).
«Aux fins de la présente espèce,la Cour n'a pas à s'attarder sur le
statut de la prescription acquisitive en droit international ou sur les
conditions d'acquisition d'un titre territorial par prescription. En
effet, elle considère..que les conditions énoncéespar la Namibie
elle-mêmene sont pas remplies et que l'argumentation namibienne

relativea la prescription acquisitive ne peut en conséquence être
retenue.» (Arrêt,par. 97.)1206 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.FLEISCHHAUER)

These conclusions are not objectionable in themselves. The Court
should however have gone into the conditions under which title to terri-
tory may be acquired by prescription, far enough to state that South
Africa could not have acquired title to the Island by prescription. South
Africa, whose presence in the Caprivi Strip including the Island lasted
longer than the presence there of Germany or Britain, prior to the termi-
nation of the Mandate by the General Assembly in 1966 exercised
authority there not (Ititre de souverain but ri titre de mandataire. As

mandatory, South Africa certainly was vested by virtue of the Mandate
instrument of 17 December 1920 (League of Nations, Journal Officiel,
2nd Year, No. 1,p. 89) with the "full power of administration and legis-
lation over the territory subject to the present Mandate as an integral
portion of the Union of South Africa"; however, as the Court observes in
its Advisory Opinion on the International Status of South West Africa
(1.C.J. Reports 1950, p. 128,at p. 132):

"On the other hand, the Mandatory was to observe a number of
obligations, and the Council of the League was to supervise the
administration and see to it that these obligations were fulfilled."

And the Court added:

"The terms of this Mandate, as wellas the provisions of Article 22
of the Covenant and the principles embodied therein, show that the
creation of this new international institution did not involve any
cession of territory or transfer of sovereignty to the Union of South

Africa. The Union Government was to exercise an international
function of administration on behalf of the League, with the object
of promoting the well-being and development of the inhabitants."
(Ibid.)

This perception of the nature of the Mandate is incompatible with
acquisitive prescription working in favour of the Mandatory. After the
termination of the Mandate, the continued presence of South Africa in
South West Africa (Namibia) was no longer "peaceful", i.e., uncontested,
as is confirmed by Security Council resolution 276 (1970) and by the
Court's Advisory Opinion on the Legal Consequencesfor States of the
Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa)
notwitlzstanding Security Council Resolution 276 (1970) (1.C.J. Reports
1971.. A 16)..
1agree that the present case is not a suitable occasion for the Court to
concern itself with the status of acquisitive prescription in international
law or with the general conditions under which title to territory may be

acquired by prescription. Nevertheless, in order to further clarify the law LE DE KASIKILI~SEDUDU(OP. DISS. FLEISCHHAUER) 1206

Ces conclusions ne prêtentpar elles-mêmes à aucune objection. Mais la
Cour aurait dû envisager lesconditions auxquelles il est possible d'acqué-
rir un titre territorial par prescription et pousser assez loin son analyse
pour dire que l'Afrique du Sud n'aurait pas pu acquérir de titre sur l'île
par prescription. L'Afrique du Sud, dont la présencedans la bande de
Caprivi y compris l'île a duréplus longtemps que la présencede ]'Alle-
magne ou de la Grande-Bretagne avant que l'Assembléegénérale ne

mette fin au mandat en 1966,a exercéson autorité sur ces territoires non
pas à titre de souverain mais à titre de mandataire. Or, en qualité de
mandataire, l'Afrique du Sud était incontestablement investie, en vertu
de l'instrument de mandat adopté le 17 décembre 1920 (Journal ofJiciel
de la Société desNations, 2" année, no 1, p. 89) de ((pleins pouvoirs
d'administration et de législation sur le territoire faisant l'objet
du mandat, [lequel] sera administré selon la Iégislationdu mandataire
comme partie intégrante de son territoire)); toutefois, comme la Cour
le fait observer dans I'avis consultatif qu'elle a rendu sur le Statut
international du Sud-Ouest africain (C.I.J. Recueil 1950, p. 128 à la
p. 132):

((D'autre part, le mandataire était tenu de respecter un certain
nombre d'obligations, et le Conseil de la Société desNations devait
surveiller l'administration et veillerce que ces obligations fussent
respectées.

Et la Cour a.joutait:

((11ressort des termes de ce mandat, ainsi que des dispositions de
l'article 22du Pacte et des principes qui y sont énoncés,que la créa-
tion de cette nouvelle institution internationale n'impliquait ni ces-
sion de territoire ni transfert de souveraineté'Union sud-africaine.
Le gouvernement de l'Union devait exercer une fonction d'admini-
stration internationale au nom de la Société desNations, aux fins de
favoriser le bien-être etle développementdes habitants.)) (Ibid.)

Pareille conception de la nature du mandat est incompatible avec l'idée
d'accorder au mandataire le bénéfice de la prescription acquisitive. Une

fois que le mandat avait pris fin, la présencecontinue de l'Afrique du Sud
au Sud-Ouest africain (Namibie) n'était plus «pacifique», c'est-à-dire
non contestée.comme le confirment la résolution276 (1970) du Conseil
de sécurité ainsique I'avisconsultatif que la Cour a rendu sir les Consé-
quencesjuritliques pour les Etats de la présence continue del'Afrique du
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970)
du Conseil de securitL;(C.I.J. Recueil 1971, p. 16).
J'admets que la présente instance ne représente pas vraiment pour la
Cour l'occasion de se pencher sur le rôle de la prescription acquisitive en
droit international ou sur les règlesgénéralesd'acquisition d'un titre ter-
ritorial par prescription. Néanmoins, ileut été utile,afin de préciser1207 KASIKILI/SEDUDU ISLAND (DISS. OP. FLEISCHHAUER)

governing mandates or trusteeships, a statement of the Court that acquisi-
tive prescription does not work in favour of a Mandatory would have
been desirable.

(Signed) Carl-August FLEISCHHAUER. ILEDE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. FLEISCHHAUER) 1207

davantage le droit régissantle régime desmandats ou le régimede tutelle,
que la Cour dise que la prescription acquisitive nejoue pas en faveur d'un
mandataire.

(Signé) Carl-August FLEISCHHAUER.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Fleischhauer (traduction)

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