Déclaration de M. Vereshchetin (traduction)

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087-20010316-JUD-01-04-EN
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087-20010316-JUD-01-00-EN
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DÉCLARATION DE M. VERESHCHETIN

/ Truduction]

Choi-Yfait par laCour de sefonder exclusivement sur ladécisionhritanriique
de 1939 relativeaux fies Hatz~ar- Choix sefondant sur le consentement pré-
sumé des souverainsde Qatar et de Bahreïn - Contexte historique et juridique
de la décisionbrifannique de 1939 - Défautde la Cour d'apprécierla légalité
matériellede lu décisionde 1939 - Désaccord avecla conclusion à laquelle est
parvenue la Cotirsur Iéstatut de Qit'at Jaradalz.

1. Le différend dont est saisie la Cour porte essentiellement sur la
question de savoir ii qui appartiennent les îles Hawar. Parmi tous les
moyens auxquels elle pouvait recourir pour réglerce principal point de
désaccordentre les Parties - le titre originaire, le principe de proximité

et d'unité territoriale, les effectivités,le principe del'utipossidetis et la
décisionbritanniaue de 1939 -. c'est sur cette dernière aue la Cour a
choisi de s3appuyérexclusivement. J'estime dans les circon'stancesparti-
culièresde la présenteaffaire que se fonder sur la décisionde l'ancienne
puissance protectrice n'était possible et juridiquement exact que si la
Cour avait invoqué parallèlement le principe de l'uti possidetiqui, sous
son aspect essentiel, selon la jurisprudence de la Cour, «vise, avant tout,
à assurer le respect des limites territoriales au moment de l'accession à
l'indépendance)) (Diprend frontalier, urrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 566).

2. Or la Cour a choisi de fonder son arrêtexclusivement sur le fait que
les souverains de Qiitar et de Bahreïn auraient consenti à soumettri le
différend,néentre eux au milieu des années trente,au Gouvernement bri-
tannique. La Cour fonde ainsi le volet de son arrêt concernant la souve-
raineté surles îles Hawar purement et simplement sur la décision rendue
par le Gouvernemerit britannique en 1939. Elle y préciseque cette déci-
sion étaitobligatoire à l'époque à laquelle elle a étérendue et «a continué
de l'êtrepour [Bahreïn et Qatar] après 1971,annéeau cours de laquelle ils
ont cessé d'êtredes Etats protégéspar la Grande-Bretagne)) (para-

graphe 139de l'arrêt).
3. En la qualifiant ainsi, la Cour laisseentendre que la décisionbritan-
nique constituait et continue de constituer en quelque sorte un règlement
par tierce partie juridiquement contraignant d'un conflit territorial entre
deux Etats souveraiins.Ce postulat suppose aussi nécessairementque les
deux Etats placéssous la protection britannique à l'époqueconsidérée
pouvaient exprimer librement leur volonté souveraine d'êtrejuridique-
ment obligéspar la décisionbritannique. Ils doivent effectivement avoir
pris sous une forme ou sous une autre l'engagement de respecter cette

décision. Les autorités britanniques qui ont rendu la décisiondoivent,
pour leur part, être icenséesavoir été une((tierce partie)) neutre et impar-
tiale, agissantà la demande des parties au litige. 4. Pour apprécier la véritable nature de I'«accord» présuméentre

Qatar et Bahreïn aux termes duquel «la question [de la souveraineté sur
les îles Hawar] serait tranchée par «le gouvernement de Sa Majesté))
(paragraphe 114de l'arrêt)et pour apprécieren conséquencela nature et
la validité de la décisionbritannique, il serait utile d'examiner les critères
dégagéspar l'Institut de droit international qui a étudiépendant un cer-
tain nombre d'années la question de la distinction à opérer entre les
textes internationaux ayant une portée juridique et ceux qui en sont
dépourvus. L'Institut n'est parvenu à aucune conclusion définitive. Mais
il vaut la peine de relever que son rapporteur, M. Virally, en 1982, a
notamment tiréla canclusion suivante des débatsde l'Institut:

«Le caractère,juridique ou purement politique, d'un engagement
figurant dans uri texte international de nature incertaine dépend de
l'intention des parties telle qu'elle peut être établiepar les règles
habituelles en matière d'interprétation et notamment par l'examen
des termes empk~yéspour e.rprimer cette intention, des circonstances
dans lesquelles le texte a été adoptet du comportement ultérieurdes
parties» (Annuaire de l'Institut de droit international, 1992, Tableau
des résolutions udoptées (3957-I991/, p. 158; les italiques sont de

moi.)
5. Au regard desdiitesrèglesd'interprétation, force est de constater que
lescirconstances dans lesquellesles souverainsde Qatar et de Bahreïn ont
pris des engagements n'étaient pas - c'est le moins qu'on puisse dire-
propices à l'expression authentiquement libre de leur volontéet au choix

libre d'une tierce ~artie. le recours à tout autre Etat aue la Grande-
Bretagne ou à toit organe international étant pratiq;ement interdit
par les termes même:d ses ((relations spéciales))existant entre la Grande-
Bretagne et les «Eta.tsprotégés)).
6. La Cour ne peut faire abstraction du contexte historique dans lequel
ce ((consentement)) a.étédonné.Le Gouvernement britannique a dans le
passé qualifiéà maintes reprises Bahreïn et Qatar dl«Etats indépendants
placés sous la protection du gouvernement de Sa Majesté)) (voir par
exemple la déclaration faite a la Chambre des communes en 1947par le
secrétaired'Etat aux affaires étrangères,Débatsde la Chambre des com-
munes (5' série), vol. 445, col. 1681-1682). Or cette qualification ne

concorde ni avec les termes des «accords exclusifs))conclus en 1880 et
1892entre Bahreïn et la Grande-Bretagne et du «traité général))de1916
conclu entre Qatar eitla Grande-Bretagne, ni avec les engagements moins
formels acceptésultérieurementpar les deux «Etats protégés))c,onsidérés
en liaison avec les ]pratiques des résidents et agents politiques britan-
niques. Non seulemeintleRoyaume-Uni dirigeait toutes lesrelations étran-
gèresde ces deux El.ats, mais il exerçait aussi son autorité sur de nom-
breux domaines des affaires intérieures de Bahreïn et de Qatar d'impor-
tance cruciale. Ce n'est qu'au cours du processus de décolonisation en
1971que Bahreïn et Qatar ont acquis une souverainetépleine et entière,
tant sur le planintérieurque sur le plan extérieur. DÉCLARKTION ET QUESTIONS (DÉCLV . ERESHCHETIN) 219

7. Les termes employéspar les souverains de Bahreïn et de Qatar face
à l'initiative prise par la Grande-Bretagne ne sont guèrenon plus d'une
clartépermettant de se prononcer sur la nature des engagements contrac-
tés.Comme l'indique l'arrêt(par. 118), le souverain de Qatar écrivitle
10mai 1938 à l'agent politique britannique pour se plaindre de ce que «le
Gouvernement de Bahreïn [voulait] s'ingérerdans les affaires de Hawar))
et pour demander aux Britanniques de (([faire] le nécessairedans cette
affaire».On ne saurait guère voirdans ces phrases un engagement précis
du souverain de Qatar d'être juridiquementliépar les actes du Gouver-
nement britannique en cequi concerne l'attribution des îles litigieuses. Le
souverain de Qatar a exprimé à maintes reprises par la suite son espoir de
voir leGouvernemenit britannique aborder la question «dans un esprit de

véritéet de justice))(ou«en s'inspirant de la justice et de l'équité)).
8. Les Etats intéressés nese souciaient certes pas particulièrement de la
qualificationjuridique à donner àla participation de la Grande-Bretagne
au règlementdu diffcirend.Pour les autoritésbritanniques, il étaitévident
qu'elles pouvaient agir de leur propre initiative. Pour Bahreïn et Qatar,
s'adresser au Gouvernement britannique n'étaitpas une faculté, c'était
leur seule option, la seulevoie qui s'offraiteux. Il est regrettable que la
Cour, s'étant fondée entièrementsur le consentement qu'auraient donné
lessouverains de Qatar et de Bahreïn àêtrejuridiquementliéspar la déci-
sion britannique, n'ait pas tenu compte comme il se doit de documents
très révélateursd'un fonctionnaire du Foreign Office qui est parvenu en
1964a la conclusion suivante à l'issued'une étude approfondie de l'his-

torique de la décisionbritannique:
«Aucun des deux souverains n'a été invité a s'engager au préa-
lableà reconnaître la sentence, nà le faire par la suite. Le gouverne-
ment de Sa Ma-iestéa simplement «rendu» la sentence. Si celle-ci a
pris la forme d'un arbitrage dans une certaine mesure, elle a néan-

moins été imposée d'en haut, et aucune question n'a été soulevée
quant à sa validitépar exemple. Il s'agissait simplement d'une déci-
sion prise pour des raisons pratiques afin de préparerle terrain pour
les concessions pétrolières.))(Réplique deBahreïn, vol. 2, annexe 2,
P. 4.)

9. Quant à l'autre: critèrementionnépar le rapporteur de l'Institut de
droit international -- le comportement ultérieur des Parties - pour
apprécierla portée detextes internationaux de nature incertaine, les pro-
testations continuelles élevéesar le souverain de Qatar contre la décision
britannique se passent de commentaires. Qatar a immédiatement protesté
contre la décisionbriitanniquedès qu'ellea été rendue,la qualifiant d'«in-
juste et inéquitable)).Qatar l'a qualifiéed'«avis» du Gouvernement bri-
tannique sur la ques1:ionet a demandé«que la question puisse êtreréexa-
minéeet que des reclnerchessupplémentairespuissent être effectuées))L .e
souverain de Qatar a ajouté: «je réservemes droits sur les îles Hawar
jusqu'à ce que la question soit véritablement éclaircie))(paragraphe 134
de l'arrêt). 10. Ce qui précèdene m'amène pasa conclure que la décisionbritan-
nique de 1939 est ((nulle et non avenue))ou qu'elle n'a pas la moindre
incidence sur lasitual.ionjuridique actuelle comme le prétendQatardans
ses écritures etplaidc~iries.Je veux simplement dire que cette décisionne
saurait être tenuepour un règlementjuridique en bonne et due forme du
différendpar tierce partie, et la Cour pouvait encore moins la considérer
comme automatiquement revêtuede l'autoritéde la chose jugée.L'effet
juridique de cette décisionadministrative de I'ancienne puissanceprotec-
trice (abstraction fai1.edu principe de l'uti possidetis) ne saurait êtrele
mêmeaux yeux de la Cour internationale de Justice en 2001 que celui

qu'elle apu avoir pour lesdeux ~Etats protégés)) a l'époque oùelle a été
rendue, en 1939,dans un contexte juridique et politique totalement dif-
férent. Même en supposant et présumantque les souverains de Bahreïn et
de Qatar ont donné leur consentement, la Cour n'avait pas nécessaire-
ment a entériner la décisionbritannique sans examiner son fondement
matériel juridique. Sans l'exiger expressément, la prétendue «formule
bahreïnite)) n'interdisait pas a la Cour de réexaminerla décisionbritan-
niaue.
11. La Cour aurait dû se livrer a une analyse plus approfondie non
seulement des aspec1:sprocéduraux formels de la décisionbritannique
mais aussi plus particulièrement de son fondement et rechercher si elle
étaitbien fondéeen droit et la corriger le cas échéant.En examinant les
moyens traditionnels sur lesquels se fonde une attribution territoriale,
dont certains sont égalementles moyens sur lesquels les autorités britan-
niques se seraient appuyées,comme le montre le rapport Weightman, la
Cour aurait pu contrôler et modifier le cas échéantla décisionbritan-
nique de 1939avant de l'entériner.
12. La dialectique subtile du principe de proximité,des effectivitéset

du titre originaire (en l'absence d'un moyen unique primant clairement
les autres) aurait pu amener la Cour à confirmer ou infirmer la décision
britannique ou encore a la modifier ainsi que l'ont proposédes membres
de la Cour (voir l'opinion dissidente commune de MM. Bedjaoui, Ran-
jeva et Koroma). Pareille démarche,malgrétous lesécueilset incertitudes
qui l'entourent, auraüt bien moins prêtéle flancà la critique que le fait de
se fonder simplement sur la décisionadministrative de l'ancienne «puis-
sance protectrice».
13. Je regrette égalementde ne pouvoir me rallier a une autre conclu-
sion de la Cour, celle dans laquelle elle a qualifie la formation maritime
de Qit'at Jaradah d'«île» (paragraphes 195 et 252 4) de l'arrêt).Les
divergences de vues entre experts, l'absence de toute preuve indiquant
que Qit'at Jaradah ait jamais étéqualifié d'îlesur des cartes marines, les
efforts qu'auraient déployésles deux Etats pour modifier artificiellement
la couche supérieure de sa surface, tout cela ne me permet pas de
conclure que Qit'at Jaradah a le statut juridique d'île au sens de la
convention de 1982 sur le droit de la mer. Pour moi, cette formation
maritime minuscule (voir paragraphe 197 de l'arrêt),dont l'aspect phy-

sique ne cessede changer, ne saurait êtreconsidéréecomme une île dotée DÉCLARATION ET QUESTIONS (DÉCL.VERESHCHETIN) 22 1

de sa propre mer teri:itorialIls'agit plutôt d'un haut-fond découvrant
qui appartiendra à Qatar ou à Bahreïn selon qu'il se trouve dans la mer
territoriale du premier ou du second. Partant, l'attribution de Qit'at Jara-
dah aurait dû se faire après la délimitation des mers territoriales des
Parties et non avant.

(Signé) Vladlen S.VERESHCHETIN.

Bilingual Content

DECLARATION OF JUDGE VERESHCHETIN

Exclusive relianceof the Court on the 1939 decision by Great Britain relating
to the Hawar Islands - Presumed consentby the Rulers of Qatar and Bahrain
as the basis of this relianc- Historical and legal context of the 1939 British
decision - Failure of the Court to assess the substantive legality of the 1939
decision - Disagreement with theCourt'sjnding on the status of Qit'at Jara-
dah.

1. The core issue of the dispute before the Court is the appurtenance
of the Hawar Islands. Of al1the possible grounds for the resolution of
this principal disagreement between the Parties (original title, the prin-
ciple of proximity and territorial unity, effectivités,the principle of uti
possidetis, and the 1939 decision by Great Britain), the Court has
chosen exclusive reliance on the latter. In my view, in the particular
circumstances of the case, reliance on the decision of the former

protecting Power could be possible and legally correct only in com-
bination with recourse by the Court to the principle of uti possidetis,
the essence of which, according to the Court's jurisprudence, lies "in
its primary aim of securing respect for the territorial boundaries at the
moment when independence is achieved" (Frontier Dispute, Judgment,
I.C.J. Reports 1986, p. 566).
2. However, the Court has opted to found its Judgment purely on the
presumed consent by the Rulers of Qatarand Bahrain to refer their dis-
pute, which originated in the mid-1930s, to the British Government. Thus

the Judgment of the Court on sovereignty over the Hawar Islands rests
plainly and simply on the decision taken by the British Government in
1939. The Judgment States that the decision was binding at the time it
was taken and "continued to be binding on [Bahrain and Qatar] after
1971, when they ceased to be British protected States" (paragraph 139of
the Judgment).

3. This characterization by the Court of the 1939 British decision
implies that it was and remains a sort of legally binding third-party

settlement of a territorial dispute between two sovereign States. Of
necessity, this assumption must also imply that the two States under
British protection at the relevant time could freelyexpress their sovereign
will to be legally bound by the British decision. They must actually, in
one form or another, have made their commitments to be legally bound
by this decision. In turn, the British authorities which rendered the
decision must be presumed to be a neutral and impartial "third party",
acting at the request of the Parties in dispute. DÉCLARATION DE M. VERESHCHETIN

/ Truduction]

Choi-Yfait par laCour de sefonder exclusivement sur ladécisionhritanriique
de 1939 relativeaux fies Hatz~ar- Choix sefondant sur le consentement pré-
sumé des souverainsde Qatar et de Bahreïn - Contexte historique et juridique
de la décisionbrifannique de 1939 - Défautde la Cour d'apprécierla légalité
matériellede lu décisionde 1939 - Désaccord avecla conclusion à laquelle est
parvenue la Cotirsur Iéstatut de Qit'at Jaradalz.

1. Le différend dont est saisie la Cour porte essentiellement sur la
question de savoir ii qui appartiennent les îles Hawar. Parmi tous les
moyens auxquels elle pouvait recourir pour réglerce principal point de
désaccordentre les Parties - le titre originaire, le principe de proximité

et d'unité territoriale, les effectivités,le principe del'utipossidetis et la
décisionbritanniaue de 1939 -. c'est sur cette dernière aue la Cour a
choisi de s3appuyérexclusivement. J'estime dans les circon'stancesparti-
culièresde la présenteaffaire que se fonder sur la décisionde l'ancienne
puissance protectrice n'était possible et juridiquement exact que si la
Cour avait invoqué parallèlement le principe de l'uti possidetiqui, sous
son aspect essentiel, selon la jurisprudence de la Cour, «vise, avant tout,
à assurer le respect des limites territoriales au moment de l'accession à
l'indépendance)) (Diprend frontalier, urrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 566).

2. Or la Cour a choisi de fonder son arrêtexclusivement sur le fait que
les souverains de Qiitar et de Bahreïn auraient consenti à soumettri le
différend,néentre eux au milieu des années trente,au Gouvernement bri-
tannique. La Cour fonde ainsi le volet de son arrêt concernant la souve-
raineté surles îles Hawar purement et simplement sur la décision rendue
par le Gouvernemerit britannique en 1939. Elle y préciseque cette déci-
sion étaitobligatoire à l'époque à laquelle elle a étérendue et «a continué
de l'êtrepour [Bahreïn et Qatar] après 1971,annéeau cours de laquelle ils
ont cessé d'êtredes Etats protégéspar la Grande-Bretagne)) (para-

graphe 139de l'arrêt).
3. En la qualifiant ainsi, la Cour laisseentendre que la décisionbritan-
nique constituait et continue de constituer en quelque sorte un règlement
par tierce partie juridiquement contraignant d'un conflit territorial entre
deux Etats souveraiins.Ce postulat suppose aussi nécessairementque les
deux Etats placéssous la protection britannique à l'époqueconsidérée
pouvaient exprimer librement leur volonté souveraine d'êtrejuridique-
ment obligéspar la décisionbritannique. Ils doivent effectivement avoir
pris sous une forme ou sous une autre l'engagement de respecter cette

décision. Les autorités britanniques qui ont rendu la décisiondoivent,
pour leur part, être icenséesavoir été une((tierce partie)) neutre et impar-
tiale, agissantà la demande des parties au litige.218 DELIMITATION AND QUESTIONS (DECLV . ERESHCHETIN)

4. To assess the real nature of the presumed "agreement" between
Qatar and Bahrain to the effect "that the issue [ofsovereignty over the
Hawar Islands] would be decided by 'His Majesty'sGovernment'" (para-
graph 114 of the Judgment) and accordingly to assess the nature
and validity of the British decision, it would be pertinent to look at
the criteria developed in the Institut de droit international, which for a
number of years studied the topic of the distinction between international

texts with or without legal import. The Institute could not come to any
definitive conclusions. Nevertheless, it is interesting to note that its
Rapporteur, Professor M. Virally, in the light of the debates there, in
1982concluded, inter uliu, that:
"The legal or purely political character of a commitment set forth
in an international text of uncertain character devends uvon the

intention of the parties as may be established by th'eusual iules of
interpretation, including an esurninatiorof the ternis used to express
such intention, the circumstances in i~~hicthe test ii'asudopted und
the subsequent behuviour of the parties." (Annuaire de l'Institut de
droit internationul,1992, Tableau des résolutionsadopt6es (1957-
1991), p. 159; emphasis added.)

5. With reference to the above standards of interpretation, one inevi-
tably seesthat the circumstances in which the undertakings by the Rulers
of Qatar and Bahrain were assumed were to Saythe very least not con-
ducive to the genuinely free expression of will and the free choice of a
third Party: the recourse to any other State but Britain, or to any inter-
national organ, being practically precluded by the terms of the "special
relationship" existing between Britain and the "protected States".

6. The Court cannot ignore the historical context in which the "con-
sent" was given. In the past, the British Government repeatedly charac-
terized Bahrain and Qatar as "independent States under the protection of
His Majesty's Government" (see, for instance, the statement of the
Secretary of State for Foreign Affairs in theHouse of Commons in 1947,
445 H.C. Deb. (5th Ser.),cols. 1681-1682).However, this characterization
did not accord with the terms of the "Exclusive Agreements" of 1880and

1892 between Bahrain and Great Britain and of the 1916 "General
Treaty" between Qatar and Great Britain, as well as with less formal
engagements later accepted by the two "protected States" combined with
the practices of the British political residents and agents. Not only1the
foreign relations of the two States were conducted by the United King-
dom, but also many vital areas of the internal life of Bahrain and Qatar
were placed under British control. It was only in the process of decolo-
nization, in 1971,that Bahrain and Qatar attained a full measure of sov-
ereignty, both internal and external. 4. Pour apprécier la véritable nature de I'«accord» présuméentre

Qatar et Bahreïn aux termes duquel «la question [de la souveraineté sur
les îles Hawar] serait tranchée par «le gouvernement de Sa Majesté))
(paragraphe 114de l'arrêt)et pour apprécieren conséquencela nature et
la validité de la décisionbritannique, il serait utile d'examiner les critères
dégagéspar l'Institut de droit international qui a étudiépendant un cer-
tain nombre d'années la question de la distinction à opérer entre les
textes internationaux ayant une portée juridique et ceux qui en sont
dépourvus. L'Institut n'est parvenu à aucune conclusion définitive. Mais
il vaut la peine de relever que son rapporteur, M. Virally, en 1982, a
notamment tiréla canclusion suivante des débatsde l'Institut:

«Le caractère,juridique ou purement politique, d'un engagement
figurant dans uri texte international de nature incertaine dépend de
l'intention des parties telle qu'elle peut être établiepar les règles
habituelles en matière d'interprétation et notamment par l'examen
des termes empk~yéspour e.rprimer cette intention, des circonstances
dans lesquelles le texte a été adoptet du comportement ultérieurdes
parties» (Annuaire de l'Institut de droit international, 1992, Tableau
des résolutions udoptées (3957-I991/, p. 158; les italiques sont de

moi.)
5. Au regard desdiitesrèglesd'interprétation, force est de constater que
lescirconstances dans lesquellesles souverainsde Qatar et de Bahreïn ont
pris des engagements n'étaient pas - c'est le moins qu'on puisse dire-
propices à l'expression authentiquement libre de leur volontéet au choix

libre d'une tierce ~artie. le recours à tout autre Etat aue la Grande-
Bretagne ou à toit organe international étant pratiq;ement interdit
par les termes même:d ses ((relations spéciales))existant entre la Grande-
Bretagne et les «Eta.tsprotégés)).
6. La Cour ne peut faire abstraction du contexte historique dans lequel
ce ((consentement)) a.étédonné.Le Gouvernement britannique a dans le
passé qualifiéà maintes reprises Bahreïn et Qatar dl«Etats indépendants
placés sous la protection du gouvernement de Sa Majesté)) (voir par
exemple la déclaration faite a la Chambre des communes en 1947par le
secrétaired'Etat aux affaires étrangères,Débatsde la Chambre des com-
munes (5' série), vol. 445, col. 1681-1682). Or cette qualification ne

concorde ni avec les termes des «accords exclusifs))conclus en 1880 et
1892entre Bahreïn et la Grande-Bretagne et du «traité général))de1916
conclu entre Qatar eitla Grande-Bretagne, ni avec les engagements moins
formels acceptésultérieurementpar les deux «Etats protégés))c,onsidérés
en liaison avec les ]pratiques des résidents et agents politiques britan-
niques. Non seulemeintleRoyaume-Uni dirigeait toutes lesrelations étran-
gèresde ces deux El.ats, mais il exerçait aussi son autorité sur de nom-
breux domaines des affaires intérieures de Bahreïn et de Qatar d'impor-
tance cruciale. Ce n'est qu'au cours du processus de décolonisation en
1971que Bahreïn et Qatar ont acquis une souverainetépleine et entière,
tant sur le planintérieurque sur le plan extérieur. 7. Also, less than clear for determining the nature of the undertakings
are the terms used by the Rulers of Bahrain and Qatar in response to the
initiative taken by Great Britain. Thus, as reflected in the Judgment
(para. 118), on 10 May 1938 the Ruler of Qatar wrote to the British
political Agent to complain that "the Bahrain Government [were] making

interferences at Hawar" and to ask the British to "do what is necessary in
the matter". One can hardly read into these words a specificcommitment
by the Ruler of Qatar to be legally bound by the British actions relating
to the attribution of the disputed Islands. In the later stages of the
process the Ruler of Qatar repeatedly expressed his expectations that
the British Government would approach the matter "in the light of
truth and justice" or "in the light of justice and equity".

8. Certainly, legal characterization of the British involvement in the
settlement of the dispute was not a matter of special consideration by the
States concerned. For the British authorities it was a matter of course
that they could act on their own authority. For Bahrain and Qatar the
appeal to the British Government was not a choice, it was the only
option, the single avenue open to them. It is regrettable that the Court,

having placed complete reliance on the presumed consent by the Rulers
of Qatarand Bahrain to be legallybound by the British decision, has not
paid due attention to a very revealing document prepared by an officia1
of the British Foreign Office,who in 1964arrived at the following conclu-
sion based on a thorough study of the history of the British decision:

"Neither of the two Rulers was asked beforehand to promise his

consent to the award, nor afterwards to give it. H.M.G. simply
'made'the award. Although it followed the form of an arbitration to
some extent, it was imposed from above, and no question of its
validity or otherwise was raised. It wasquite simply a decision which
was taken for practical purposes in order to clear the ground for oil
concessions." (Reply of Bahrain, Vol. 2, Ann. 2, p. 4.)

9. As to another criterion for the assessment of international texts of
uncertain character mentioned by the Rapporteur of the Institut de droit
international - the subsequent behaviour of the Parties - the constant
protests of the Ruler of Qatar against the British decision speak for them-
selves.When the British decision was taken it was immediately protested
against by Qatar as "unjust and inequitable". It was termed by Qatar the
"opinion of the British Government on the matter and the request was
made that "the question may be considered again and that enquiries may
again be made into it". The Ruler of Qatar stated that he "reserve[d] for
[himself his] rights to the Hawar Islands until the true position ha[d]
become clear" (paragraph 134of the Judgment). DÉCLARKTION ET QUESTIONS (DÉCLV . ERESHCHETIN) 219

7. Les termes employéspar les souverains de Bahreïn et de Qatar face
à l'initiative prise par la Grande-Bretagne ne sont guèrenon plus d'une
clartépermettant de se prononcer sur la nature des engagements contrac-
tés.Comme l'indique l'arrêt(par. 118), le souverain de Qatar écrivitle
10mai 1938 à l'agent politique britannique pour se plaindre de ce que «le
Gouvernement de Bahreïn [voulait] s'ingérerdans les affaires de Hawar))
et pour demander aux Britanniques de (([faire] le nécessairedans cette
affaire».On ne saurait guère voirdans ces phrases un engagement précis
du souverain de Qatar d'être juridiquementliépar les actes du Gouver-
nement britannique en cequi concerne l'attribution des îles litigieuses. Le
souverain de Qatar a exprimé à maintes reprises par la suite son espoir de
voir leGouvernemenit britannique aborder la question «dans un esprit de

véritéet de justice))(ou«en s'inspirant de la justice et de l'équité)).
8. Les Etats intéressés nese souciaient certes pas particulièrement de la
qualificationjuridique à donner àla participation de la Grande-Bretagne
au règlementdu diffcirend.Pour les autoritésbritanniques, il étaitévident
qu'elles pouvaient agir de leur propre initiative. Pour Bahreïn et Qatar,
s'adresser au Gouvernement britannique n'étaitpas une faculté, c'était
leur seule option, la seulevoie qui s'offraiteux. Il est regrettable que la
Cour, s'étant fondée entièrementsur le consentement qu'auraient donné
lessouverains de Qatar et de Bahreïn àêtrejuridiquementliéspar la déci-
sion britannique, n'ait pas tenu compte comme il se doit de documents
très révélateursd'un fonctionnaire du Foreign Office qui est parvenu en
1964a la conclusion suivante à l'issued'une étude approfondie de l'his-

torique de la décisionbritannique:
«Aucun des deux souverains n'a été invité a s'engager au préa-
lableà reconnaître la sentence, nà le faire par la suite. Le gouverne-
ment de Sa Ma-iestéa simplement «rendu» la sentence. Si celle-ci a
pris la forme d'un arbitrage dans une certaine mesure, elle a néan-

moins été imposée d'en haut, et aucune question n'a été soulevée
quant à sa validitépar exemple. Il s'agissait simplement d'une déci-
sion prise pour des raisons pratiques afin de préparerle terrain pour
les concessions pétrolières.))(Réplique deBahreïn, vol. 2, annexe 2,
P. 4.)

9. Quant à l'autre: critèrementionnépar le rapporteur de l'Institut de
droit international -- le comportement ultérieur des Parties - pour
apprécierla portée detextes internationaux de nature incertaine, les pro-
testations continuelles élevéesar le souverain de Qatar contre la décision
britannique se passent de commentaires. Qatar a immédiatement protesté
contre la décisionbriitanniquedès qu'ellea été rendue,la qualifiant d'«in-
juste et inéquitable)).Qatar l'a qualifiéed'«avis» du Gouvernement bri-
tannique sur la ques1:ionet a demandé«que la question puisse êtreréexa-
minéeet que des reclnerchessupplémentairespuissent être effectuées))L .e
souverain de Qatar a ajouté: «je réservemes droits sur les îles Hawar
jusqu'à ce que la question soit véritablement éclaircie))(paragraphe 134
de l'arrêt). 10. The foregoing does not lead me to conclude that the 1939 British
decision is "nul1 and void" or that it has no impact at al1on the present
legal situation, as contended by Qatar in its pleadings before the Court.
1merely wish to Saythat this decision cannot be viewed as a fully-fledged

third-party legal settlement of the dispute;much less can it be mechani-
cally treated by the Court as if it had the character ofresjudicata. The
legal effect of this administrative decision of the former protecting Power
(the principle ofutipossidet ses aside) cannot be the same in the assess-
ment of the International Court of Justice in 2001as it could have been
for the two "protected States" at the time of its adoption in 1939,in an
absolutely different legal and political setting. Even with the assumptions
and presumptions of the consent by the Rulers of Bahrain and Qatar, the
Court did not necessarily have to lend its imprimatur to the Britishdeci-
sion without looking into its substantive grounding in law. The so-called
"Bahraini formula", although not specificallyrequired to do so, did not
exclude a review by the Court of the British decision.

11. The Court should have analysed more deeply not only the forma1
procedural aspects of the British decision but also, and especially,whether
it was well founded in law. in other words. the substance of the decision.
and should have rectified it ifppropriate.'~y resorting to the traditional
grounds of territorial attribution, some of which were also the grounds
allegedly relied on by the British authorities, as evidenced by theight-
man Report, the Court could have verified and if necessary modified the
1939British decision before lending its authority to it.

12. The subtle interplay of the principle of proximity,eflectivi anés
original title (in the absence of one single clearly prevailing ground)
might have led the Court either to confirm or reversethe British decision,
or else to modify it in the manner proposed by a group ofjudges (seethe
joint dissenting opinion of Judges Bedjaoui, Ranjeva and Koroma). In

spite of al1the pitfalls and uncertainty involved, such an approach would
have been much lesssubject to criticism than mere reliance on the admin-
istrativedecision of the former "protecting Power".

13. 1 regret also being unable to concur with another finding of the
Court relating to the characterization of the maritime feature Qit'atara-
dah as "an island" (paragraphs 195 and 252 (4) of the Judgment). The
opposing viewsof the experts, the absence of any evidence whatsoever to
the effect that Qit'atJaradah has ever been shown on nautical charts as
an island, the alleged attempts of both States to artificially change the
upper part of its surface, do notllow me to conclude that Qit'at Jaradah
has the legal status of an island as provided for in the 1982Convention
on the Law of the Sea. In my assessment, this tiny maritime feature (see
paragraph 197of the Judgment), constantly changing its physical condi-
tion, cannot be considered an island having its territoriala. Rather, it is 10. Ce qui précèdene m'amène pasa conclure que la décisionbritan-
nique de 1939 est ((nulle et non avenue))ou qu'elle n'a pas la moindre
incidence sur lasitual.ionjuridique actuelle comme le prétendQatardans
ses écritures etplaidc~iries.Je veux simplement dire que cette décisionne
saurait être tenuepour un règlementjuridique en bonne et due forme du
différendpar tierce partie, et la Cour pouvait encore moins la considérer
comme automatiquement revêtuede l'autoritéde la chose jugée.L'effet
juridique de cette décisionadministrative de I'ancienne puissanceprotec-
trice (abstraction fai1.edu principe de l'uti possidetis) ne saurait êtrele
mêmeaux yeux de la Cour internationale de Justice en 2001 que celui

qu'elle apu avoir pour lesdeux ~Etats protégés)) a l'époque oùelle a été
rendue, en 1939,dans un contexte juridique et politique totalement dif-
férent. Même en supposant et présumantque les souverains de Bahreïn et
de Qatar ont donné leur consentement, la Cour n'avait pas nécessaire-
ment a entériner la décisionbritannique sans examiner son fondement
matériel juridique. Sans l'exiger expressément, la prétendue «formule
bahreïnite)) n'interdisait pas a la Cour de réexaminerla décisionbritan-
niaue.
11. La Cour aurait dû se livrer a une analyse plus approfondie non
seulement des aspec1:sprocéduraux formels de la décisionbritannique
mais aussi plus particulièrement de son fondement et rechercher si elle
étaitbien fondéeen droit et la corriger le cas échéant.En examinant les
moyens traditionnels sur lesquels se fonde une attribution territoriale,
dont certains sont égalementles moyens sur lesquels les autorités britan-
niques se seraient appuyées,comme le montre le rapport Weightman, la
Cour aurait pu contrôler et modifier le cas échéantla décisionbritan-
nique de 1939avant de l'entériner.
12. La dialectique subtile du principe de proximité,des effectivitéset

du titre originaire (en l'absence d'un moyen unique primant clairement
les autres) aurait pu amener la Cour à confirmer ou infirmer la décision
britannique ou encore a la modifier ainsi que l'ont proposédes membres
de la Cour (voir l'opinion dissidente commune de MM. Bedjaoui, Ran-
jeva et Koroma). Pareille démarche,malgrétous lesécueilset incertitudes
qui l'entourent, auraüt bien moins prêtéle flancà la critique que le fait de
se fonder simplement sur la décisionadministrative de l'ancienne «puis-
sance protectrice».
13. Je regrette égalementde ne pouvoir me rallier a une autre conclu-
sion de la Cour, celle dans laquelle elle a qualifie la formation maritime
de Qit'at Jaradah d'«île» (paragraphes 195 et 252 4) de l'arrêt).Les
divergences de vues entre experts, l'absence de toute preuve indiquant
que Qit'at Jaradah ait jamais étéqualifié d'îlesur des cartes marines, les
efforts qu'auraient déployésles deux Etats pour modifier artificiellement
la couche supérieure de sa surface, tout cela ne me permet pas de
conclure que Qit'at Jaradah a le statut juridique d'île au sens de la
convention de 1982 sur le droit de la mer. Pour moi, cette formation
maritime minuscule (voir paragraphe 197 de l'arrêt),dont l'aspect phy-

sique ne cessede changer, ne saurait êtreconsidéréecomme une île dotée221 DELIMITATION AND QUESTIONS (DECLV . ERESHCHETIN)

a low-tide elevation, whose appurtenance depends on its location in the
territorial sea of one State or the other. Therefore the attribution of
Qit'atJaradah should have been effected after the delimitation of the ter-
ritorialeas of the Parties and not vice versa.

(Signed) Vladlen S. VERESHCHETIN. DÉCLARATION ET QUESTIONS (DÉCL.VERESHCHETIN) 22 1

de sa propre mer teri:itorialIls'agit plutôt d'un haut-fond découvrant
qui appartiendra à Qatar ou à Bahreïn selon qu'il se trouve dans la mer
territoriale du premier ou du second. Partant, l'attribution de Qit'at Jara-
dah aurait dû se faire après la délimitation des mers territoriales des
Parties et non avant.

(Signé) Vladlen S.VERESHCHETIN.

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Déclaration de M. Vereshchetin (traduction)

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