Opinion dissidente de M. Ago

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068-19840321-JUD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. AG0

1. A mon vif regret je me vois obligéde me dissocier de la décision
rendue par la majorité de la Cour.
Cela ne veut pas dire queje n'apprécie pas à leurjuste valeur les efforts
que les rédacteursde l'arrêtont déployéspour apaiser dans une certaine
mesure lescraintes, àmon avistout àfaitjustifiées,del'Etat qui enl'espèce
demandait à êtreadmis àinterveniret lescraintesausside ceuxqui,au sein
delaCour elle-mêmeo ,nt exprimélapréoccupation quelesintérêtd s'ordre
juridique de cet Etat ne soientpas adéquatement sauvegardésau cas où la

Cour rejetterait sa demande d'intervention.
Les assurances ainsi reçues peuvent réduire en fait certaines appréhen-
sions,mais n'ont pas pour effet d'éliminerles motifs de dissentiment qui
subsistent parrapport au dispositif del'arrêt età la motivationsurlaquelle
il est fondé.
2. Toutefois, avant de m'attacher plus spécifiquement à relever les
points sur lesquels monjugement diffère de celui qu'a expriméla majorité

dela Cour, j'estime nécessairede soumettrequelquesconsidérations d'or-
dre généralsurl'institutiondel'intervention tellequ'elleseprésentedans le
cadre du droit de la procédure internationale.
Dans la longuepériode qui a suivi l'arrêtde la Cour internationale de
Justice dans l'affaireHaya dela Torre,quiremonte à 1951,cetteinstitution
n'avait plus fait parler d'elle.Mais soudain un regain d'intérêt à son sujet
s'estmanifestédans lesannéessoixante-dixetquatre-vingt, d'abord avecla
demande d'intervention soumise à la Cour en 1973 par Fidji en ce qui

concernait lesaffairesdes Essaisnucléairesp , uisen 1981avecla requêtede
Malte à fin d'intervention dans l'affaire du Plateau continental(Tunisie/
Jamahiriya arabe libyenne)et dernièrement (fin 1983)avec la requêtede
l'Italieàfin d'intervention dans la nouvelle affaire du Plateau continental
(Jamahiriyaarabelibyenne/Malte), requêtequifait l'objetde l'arrêt auquel
la présente opinion est rattachée.

Parallèlement àces essais concrets d'utilisation de l'institution par des

Etats dans la pratique judiciaire internationale, un renouveau d'intérêt
théorique pour l'intervention s'est aussi fait jour dans la littératurejuri-
dique,notamment grâce à une séried'études très récenteset spécialement
consacrées à ce sujet et- ce qui mérite d'êtrerelevé - émanant pour la
plupart de juges ou anciens juges de la Cour l.

' Voir Ph.Jessup<(Intervention in the International O,dans AmericanJournal
of InternationLaw,1981,p. 908 et suiv.T. O. Elias<(The Limits of the Right of
Intervention in a Case before the International Court of)>dans Volkerrechtals 3. Cela dit, on est frappé par le fait que, tout en partant des mêmes
donnéeshistoriques etjuridiques et tout en se fondant sur l'exégèse des

mêmestextes, ces analyses parviennent surcertainsdespoints essentiels à
des conclusions fort différentes,sinon nettement opposées.Et l'on doit
aussi relever la persistance au sein mêmede la Cour d'une divergence
d'opinions sur certaines au moins des conditions requises pour que l'in-
tervention d'un Etat dans une procédurejudiciaire entamée par d'autres

puisse êtreautorisée.Cette divergenced'opinions est à peine voiléepar le
souci,montréou prôné,d'éviterdans lescasconcrets deprendre position à
leur égard ; qu'on y réussisseou non, cela est autre chose.
4. On peut alors sedemander si, àl'originedes divergencesen question,
il n'y aurait pas le fait déterminant d'une différencede nature entre des

situations distinctes que l'on continue néanmoinsde prendre en considé-
ration ensemble, comme s'il ne s'agissait que des diverses facettes d'un
même phénomène, alors qu'ellesse placent, à mon avis, dans des cadres
entièrement différents.Jem'empressedepréciserqu'endisant celaje ne me
réfèrepas à la distinction, consacréepar les textes, entre l'intervention

prévue à l'article 62duStatut et cellequifait l'objetdel'article 63.Cequeje
me demande, c'estplutôt s'iln'est pas essentiel de mieux préciser, etceci
justement par rapport aux prévisionsde l'article 62, les contours de l'ins-
titution de l'intervention, et de bien séparercequi est à proprement parler
une intervention au regard dela disposition citéede ce qui est tout autre
chose. A ce sujet,je voudrais aussi faire remarquer que cette tâche essen-

tiellede clarification risque de n'êtrepas facilitéepar unelecture du libellé
de l'article 81, paragraphe 2 c), du Règlementde la Cour, si cette lecture
n'estpas accompagnéed'une priseenconsidérationdescirconstances dans
lesquelles l'adoption du texte s'estproduite et des finalitésdont elle s'est
inspirée.

5. En effet, les rédacteurs de cette disposition du Règlement revisé
adoptéle 14avril 1978ne pouvaient pas ne pas avoir à l'esprit les aspects
du seul cas concret dans lequel l'article 62du Statut avaitjusqu'alors été
invoquéparun Etat dans toute l'histoiredela Cour, casquiétaitmêmetrès

Rechtsordnunn, Internationale GerichtsbarkeitMenschenrechte, FestschrHr.Mosler,
Berlin, 1983p.159et suiv. E.JiménezdeAréchaga,<< ~nterventionunder Article 62of
the Statute of the International Court of Justi>),ibid., p. 453 et suiv. ; S. Oda,
<(Intervention in the International Court of JuO,ibid.,p. 629et suiv. ; G. Morelli,
<<Note sull'intervento ne1processo internazionaD,dans Rivista di diritto internazio-
nale, 1982,p. 805et suiv.Endehors de cescontributions de personnalitésquisont ouont
été directementliéesà l'activitéde la Cour, on peut encore mentionner l'article de
Miller,<(Intervention in Proceedings before the International Court of JO,dans
<(Intervento in causa davanti alla Corte internazionale di Giustizia e lienjuridictionnel
tra interveniente eparti onginane del procesD,dans Rivista di diritto internazionale,
1983 (66), p. 291 et suiv. (aussi pour les références bibliographiques donnéesà la
note 1); et finalement les considérations relativesà l'intervention contenues dans le
CommentaireduRèglement dela CourinternationaledeJusticeadoptéle14avril1978,par
G. Guyomar, Pans, 1983,p. 526 et suiv. 117 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

récent l.Leur souci principal,louabled'ailleurs,n'a pu êtrequedeprévoir
une réglementationapte avanttout à protégerl'institutionproprementdite
de l'intervention des abus d'utilisation possibles, puisque abus il y avait

manifestement eu dans le cas en question et que la situationrisquait de se
produire à l'avenir.Au paragraphe 2de l'article81,on a donc prévu, àcôté
de l'exigenceimposée à 1'Etatdemandant à intervenir de décrirel'intérêt
d'ordre juridique susceptibled'après lui d'être affecté parla décisionde
l'affaireen cours(al. a)),l'exigencesupplémentaired'indiquer l'objet pré-
cis de son intervention (al. b)). Si on l'a fait, c'est évidemment pour

s'assurer que 1'Etatdésireuxd'intervenir ne se propose réellement que de
protéger l'intérêd t 'ordre juridique alléguécontre les atteintes pouvant
découlerde la décisionen l'affaire opposant entre elles les parties princi-
pales, sans chercher à introduire - sous apparenced'intervention mais en
réalité surune tout autre base - une instance nouvelle et distincte contre
l'uneou l'autre desparties à l'affaire en cours ou contre les deuxàla fois.

Ensuite, à l'alinéac),on a requis de l'Etat demandant à intervenir qu'il
mentionne aussi toutebasedejuridiction qui, à son avis,existeraitentre lui
et lespartiesà l'affaireen cours. Cela aencoreétéfaitpouréviterque 1'Etat
enquestion n'essaied'introduire,par lebiaiscommeje l'aidit d'une pure et
simple prétendue intervention dans une affaire en cours entre d'autres
Etats, une instance nouvelle et distincte que ledit Etat, en l'absence d'un
lien dejuridiction préétabliavec 1'Etatcontre lequel elle serait dirigée,ne

sauraitsoumettre à laCour,que cesoit de façonentièrementindépendante
ou en s'associant à l'instanceparallèleintroduite par un autreEtat, cecien
faisant cause commune avec-ce dernier.

6. Pour résumer,la réformeintroduite à ce sujet dans le Règlement
reviséde 1978 a eu, à mes yeux, pour but et pour effet de protéger

l'institution proprement dite de l'intervention contre toute tentative abu-
sivede s'en prévaloir à de toutes autres fins. Mais elle n'aeu que cebut et,
surtout, n'a-pu avoir que cet effet.
Tout en sefélicitantdoncdes sauvegardes ainsiétablies,ilimporteavant
tout de ne pas se méprendresurdes prescriptionsadoptéespour aboutir à
un certain résultat, prescription ayant l'avantage d'éviter à l'avenir les

L'un desconseilsde l'ItaM.eVirally,a bien relevécefait dans son exposéoraldu
indiquer que ma façon de voir diffèredu moins partiellement de la sienne, puisqu'il
semble estimer que, malgré les différencesqu'il a lui-mêmecontribuéettre en
évidenceentre deux hypothèses nettement distinctesd'action de la part d'un Etat tiers
par rapport àun procèsencoursentre deuxautresEtats, cesdeuxhypothèsespourraient
néanmoinsêtreencore rattachées toutesles deuàl'institution de l'intervention, lato
sensudu moins. Quant àmoi,je penseplutôt qu'iln'yadans lesprévisionsde l'article62
qu'une seule hypothèse d'intervention proprementdite et pouvant êtreprise comme
telleen considérationà titre d'incident de procédure.A mon avis, une requête comme
cellequi avait avancéeen1973par Fidji, commel'adéclaréàl'époqueM. Gros, <ne
pouvait à aucun titre êtreconsidérée comme unedemande d'interventio))et était
plutôt une manifestation del'intention d'introduire par une voiedétournéeuneinstance
principale contre la France, instance parallèleà celle de l'Australie et de la Nouvelle-
Zélande. 118 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

difficultésque la requête présentép ear Fidji avait provoquées,et ayant
aussi en définitive le mérite de favoriser, pourvu qu'on les interprète
correctement, l'établissement d'unedistinctionplus netteentre cequipeut
êtreadmis à titred'intervention et cequi nepeut pas l'être. e qu'ilfaut par

contre absolument éviter,c'estde voir dans l'adoption de cesprescriptions
une modification substantielle de l'institution mêmede l'intervention telle
qu'elle estprévuepar leStatut - modification quiaurait manifestementété
irréalisableparla voiepurement réglementaire - ou mêmeune prétendue
<interprétation de la règlestatutaire qui en aurait en réalité changé la
portée. Parlàj'entends surtout dire qu'ilétait certainement aviséde faire
en sorte que le nouveau texte exigede l'Etat manifestant l'intention d'être
admis à effectuer une intervention qu'il fournisse au préalable à la Cour

toutes les informations qui pourraient lui êtrenécessairespour clarifier la
situation réelledans toutes les hypothèses possibles.Il fallait éviterque la
Cour ne soit prise au dépourvupar l'action d'un Etat qui essaierait de se
fonder sur l'article62du Statut pour soumettre en réalitéà lajuridiction de
laCour, sansen avoirlafaculté,une affairenouvelleetdistincte de l'affaire
déjàportéedevant elle. Il étaitcorrect d'estimer que, dans un cas de ce
genre,larecevabilitédela demande de l'Etat exigerait avant tout - et toute
autre condition mise àpart - l'existence préalable,à la lumière de l'ar-

ticle 36du Statut,d'un lien dejuridiction valable entrel'Etat enquestionet
celui ou ceux contre qui la nouvelle instance serait dirigée. Maisil aurait
par contreétéinadmissible de vouloir étendrecette exigenceaux cas dans
lesquels l'onne serait ni dans lesformes ni dans lesfaits en présence d'une
requête introductive d'unenouvelle instance, àsavoir aux cas de requêtes
enadmissiond'intervention proprementdits oùla demande de l'Etat serait
rigoureusement contenue dans le cadre qui est le sien - celui d'une pro-
cédure purement incidente.

7. Je regrette de devoir constater l'étendueque prennent ces considé-
rations de principe, mais j'estime qu'il faut encore pousser plus avant
l'analyse à propos du point que je viens de mentionner si l'on veutêtre à
mêmede situerlecas d'espècedans sa perspective propre. Comme la Cour
l'arappelédans sonarrêtdu 13juin 1951relatif à l'affaireHaya dela Torre
(C.I.J. Recueil 1951,p. 70), (toute intervention est un incident de procé-
dure O,à savoir un incident se produisant pendant le déroulementde la
procédure sur une instance encours et à propos de laquelle la compétence

de la Cour est hors de doute. Cette définition de l'intervention comme
incident de procédure constitue la raison pour laquelle les articles 62et 63
du Statut, relatifsà l'intervention, setrouvent insérésdans le chapitre III
dont le titre est<<Procédure ))'.

mon avis, que l'institution de l'intervention reste, comme il se doit, une institution
unique,dont on envisageseulementdeuxhypothèsesdistinctes. Cette constatation serait
elleaussi susceptible d'amener àdes conclusions touchant aux problèmes examinésici.
Toutefois, commel'arrêtadoptépar la majoritén'apas pris en considération cet aspect,
je m'abstiens égalementde le faire pour ne pas alourdir davantage les proportions de
cette opinion.

119 8. Le classement de l'intervention dans le cadre des procédures inci-
dentes me paraît êtreune constatation essentielle dont l'effet ne peut être
aue déterminant.
Je prendrai comme point dedépart de mon raisonnementl'article 36du

Statut.Cette dispositionfondamentale du système indique les conditions
nécessairespour que la Cour ait compétencepour statuer sur une affaire
portée devant elle sur un différendjuridique soumis à son examen et àsa
décision.Cesconditions - personne ne songe à lecontester - sebasent sur
le critère fondamental du caractère consensuel de lajuridiction interna-
tionale. Le consentement qui doit se trouver à leur origine peut êtreun
consentement exprimépar rapport à un différendspécifiquementdéter-

miné ; il peut avoir été donné préalablement par rapport à une série
indéterminéed'hypothèses ;il peut d'autre part résulter d'unedisposition
spécialede la Charte des Nations Unies dont, en vertu de son article 92,le
Statut de la Cour fait partie intégrante, ou encore découlerd'une clause
d'un traitéou d'une convention en vigueur '.
9. Or,ce qui meparaît essentiel dupoint de vue qui nous intéresse,c'est
que les conditions définies à l'article 36 sont celles qui sont requises pour

pouvoir soumettre à la décisionde la Cour une affaire déterminée,pour
pouvoir introduire à son sujet une procédure contentieuse nouvelle et
principale. Mais il ne s'agitpoint deconditionsdevantêtre remplies pour
que l'on puisse engager une procédure incidente en relation avec une
affaire déjà en cours et à propos de laquelle la compétence à statuer se
trouve déjà établie. Une fois que l'on se trouve en présence de cette
situation nécessairement préalable,les dispositionsdu Statut concernant

le déroulement du procès, les éventuelsincidents de procédure et les
procéduresincidentes qu'ilsprovoquent, les effets dujugement, son inter-
prétation éventuelle, etc., s'appliquent automatiquement. Et l'Etat tiers
qui entendrait seprévaloirde l'une decesdispositions n'apasbesoin,pour
qu'illuisoit permis delefaire,d'obtenir un actedeconsentement spécialde
lapart desparties au procèsprincipal,ni la Cour de s'assurerde l'existence
d'un titrespécialde compétence 2.

A ce sujet,je tiens à rappeler que la convention de Vienne sur le droit des traités
contient précisémentune clause attribuant à la Cour internationale de Justice la com-
pétencedejuger d'unecatégoriede différendsportant sur un objet particulier que l'une
des parties à ce différend lui soumettrait.
* M. Virally, dans son exposé orald26 janvier 1984, a eu raison de relever que
l'affirmation selon laquelle l'existen<(droit à interven)serait subordonnéeà
d'autres conditions que celles qui sont définiesà l'article 62 est une pure pétition de
principe qui ne trouve aucune base dans lestermes de cet article. DeM.oConti,,
dans son exposéoral du 25janvier 1984,a justement soulignéque :
<(Accepter lajuridiction de laCour équivautdonc nécessairementàaccepter que
cette juridiction soit exercéeen conformité avectoutes les dis~ositions du Statut.
~utrement dit, la juridiction de la Cour ne peut êtreaccepté; qu'avec toutes les
caractéristiquesqui lui sont conféréespar les dispositions du Statut et qui ne sont
pas àla simpledisponibilité desparties. Ellene peut doncêtreacceptéequ'avec sa

120 Seréférantspécialement à l'intervention, lesconseilsqui ont plaidépour
l'Italie ont aussi fait valoir que les articles 62et 63 confèrenteux-mêmes à
la Cour un (<titre de compétence suffisant )pour connaître de cet incident

de procédure.Pour ma part je vais plus loin etj'estime qu'il faudrait dire
plus nettement - j'insiste sur ce point- que, pour connaître de l'inter-
vention, la Cour n'a pas besoin qu'un titre spécialde compétencelui soit
fourni, mêmepar les articles en question. Elle est simplement tenue d'ob-
server les prescriptions qui gouvernent sa conduite dans les hypothèses
envisagées ; elle ne fait qu'agir sur la base de la compétencequi lui est
conféréepar rapport au procès principal et exercer dans ce cadre ses
fonctions telles qu'ellessont prévuespar le Statut. D'ailleurs celaest vrai

aussi, et on l'a relevé,pour d'autres exemples de procédures incidentes,
comme celles qui concernent l'indication de mesures conservatoires (ar-
ticle 41 du Statut) ou la revision de l'arrêtà la suite de la découverted'un
fait nouveau (ibid art, 61).
10. Cela dit,je m'empressede réitérer l'observationquej'ai déjà faite, à
savoirquelesconclusionsformuléesicivalentpour autant que, dans un cas
d'espècedéterminé, l'intervention qu'uE ntat tiers demande àfaire soitune

<(véritable intervention qui s'inscrive etreste comme telle dans lecadre
dela procédureincidente. Sipar contre cette demande se veut carrément
autre chose, si, à supposer mêmequ'on lui donnéeles apparences d'une
intervention dans une affaire principale donnée, elleréponden réalité à
l'intention évidented'introduire une nouvelle affaire principale distincte
devant nécessairementfaire l'objet d'uneprocédurecontentieusedistincte

et autonome, il est évident qu'ellen'a pas sa source dans le domaine de la
procédureincidente. L'existencepour la Cour d'un titre distinct et appro-
prié,fondésur l'article 36, s'avérerait alors indispensable.
11. Mais - et de là je passe finalement à l'application des principes
ci-dessus énoncésau cas qui nous préoccupe - j'estime que l'hypothèse
théorique formuléeen dernier lieu n'a absolument aucun rapport avec la
demandeitalienned'intervention dans leprocès en coursentre la Libye et
Malte pour la délimitation de leurs parties respectives de plateau conti-

nental.
Lecas de la prétenduedemande d'intervention de Fidji par rapport aux
affaires des Essais nucléairesapu êtreconsidéré à juste titre commeun cas
typique d'utilisation abusive de l'institution, d'une << non-intervention
présentée comme intervention, enfait commeune tentative manifeste pour
introduire devant la Cour une instance entièrement nouvelleet principale

caractéristique essentiellequi est d'êtreune juridiction ouverte, à des conditions
déterminées, auxEtats tiers, et plus précisémentà ces Etats qui sont titulaires
d'intérêtsimpliquédsans l'affaireet susceptibles d'êtreaffectésparla décisiondela
Cour. >)
Il en a tiréla conséquenceque :

La compétencede la Cour en matière d'intervention n'estdonc qu'une pro-
jection de la compétencequi lui appartient sur la base des actes visésàl'article 36
du Statut quant au différend princip>).contre l'une des parties à d'autres procès, parallèle aux instances intro-
duites par d'autres parties, et cela sans que les conditions soient réunies
pour le faire. Par contre, je suis et je reste convaincu que la demande
actuelle de l'Italie cadrait exactement aveclesprévisionsde l'article62et y
entrait presque comme dans un vêtementtaillésur mesure. Cette demande
me paraît pouvoir être considérée comme un exemple type d'a interven-
tion ))en tant que procédure incidente.
12. En effet, l'objet de cette demande, déjà énoncéet défini dans la
requête,a été précisé àsatiétépar les porte-parole de l'Italie au cours des
audiences.
Tout d'abord l'agent, M. Gaja, a tenu à souligner dans son exposéoral
du 25janvier 1984(matin) :

a) que la demande italienne ne cherchait en aucune manière à modifier,
élargirou remettre en question le compromis entre la Libye et Malte,
sur lequel se fonde le différend qui est soumis à la Cour ;
b) que l'Italie ne demandait nullement à la Cour de procéder à une déli-
mitation entre elle et la Libye ou entre elle et Malte;et

c) que l'Italiene demandait nullement àlaCour de prendre unedécision à
l'égarddes zones dans lesquelles cet Etat estimait avoir des intérêts
d'ordre juridique.
Par la suite le coagent, M. Monaco, a pris précisément commepoint de
départde son exposéla réaffirmation qu'une requête àfin d'intervention
ne revêtson caractère incident que si elle a traitàce qui est l'objet de

l'instance en cours. Ayant donc repris et préciséultérieurementles points
déjàénoncép sar l'agent,ils'estsouciédemettre avant tout enévidenceque
leGouvernementitalienne seproposait nidemodifierl'objet del'instance
actuellement pendante devant la Cour, ni et encore moins d'instituer
devant celle-ciuneinstancedistincte de cellequ'avaient engagéelesParties
principales. Il ne s'agissait nullement d'introduire en fait, sous couvert
d'intervention, un procèsentre l'Italie et Malte et entre l'Italie et la Libye,
parallèleà celuiquiétait déjàen cours entre lesdeuxpays, ou de provoquer
la transformation de ceprocèsbilatéralen un procèstripartite. Reprenant
au négatif lestermes mêmesdu compromis m-alto-libyen,il a spécifié lui
aussiquel'Italie ne demandait en aucunemanière àla Cour de procéder à
une délimitationentre les zones de plateau continental relevant de l'Italie

et les zones relevant respectivement de Malte et de la Libye, ni d'indiquer
les principes selon lesquels une telle délimitation devrait s'effectuer.
Ayantainsidébarrassélechamp de tout cequin'était pascenséyrentrer,
lecoagentitalien s'enest rapporté à la démonstration faite auparavant, et
amplement par M. Arangio-Ruiz, de l'existence dans la Méditerranée
centrale d'un certain nombre de zones de plateau continental concernées
par ladélimitationdontla Courdevait s'occuperauxtermes du compromis
malto-libyen,où l'onconstatait non seulement un chevauchement des pré-
tentions de Malte et de la Libye mais aussi un chevauchement des pré-
tentions de cesdeux Etats et de l'Italie. M. Monaco a donc précisé,t cette
fois-ciau positif,l'objet de l'intervention demandéepar l'Italiàsavoir laprotection des intérêts d'ordrejuridiqueque l'Italie estimait avoir dans la
région où Malte et la Libye recherchaient la délimitation de leurs zones

respectives,et ceci dans les limites strictes d'une procédure d'intervention
proprement dite.
Par la suite encore M. Virally est revenu sur ces aspects (le 26janvier
1984) et les a surtout résumésdans sa réplique finale. L'intervention
italienne, a-t-il déclaré,est greffeurune affaire pendante devant la Cour
entre deux autres Etats. Elle ne se conçoit pas sans l'existence de cette
affaire et autrement que comme intervention, c'est-à-dire comme procé-
dure incidente. Elle porte exclusivement sur l'objet de cette affaire telle
qu'elle a étésoumise a la Cour par les Parties principales. En d'autres
termes, a-t-il conclu, l'intervention italienne, telle qu'elle seprésente, ne
concerne pas, et ne peut pas concerner un différend autonome auquel
l'Italie serait partie.

13. Sij'ai étéobligéde me référer aussi largement à la manièredont la
demande italienne a étéprésentéedevant la Cour, c'est qu'à mon avisil
était essentielquela demandeitalienne fût comprise pour cequ'elleétaitet
non pas pour ce qu'elle n'était sûrement pas.
Telle queje vois la situation sur la base de tous les élémentsdont nous
avons pu disposer, attentivement réexaminés, il me semblehors de doute
que le gouvernement qui demandait a intervenir entendait que la mission
confiée àla Courpar lecompromis malto-libyen ne changeabsolumentpas
denature à la suitede son intervention, une foiscelle-ciadmise.Les Etatsà
l'égarddesquels la Cour serait censée remplir cette mission resteraient
toujours lesdeux mêmes ;la délimitationà effectuersous lesauspices de la
Cour, d'après les critères et dans les limites qu'elle indiquerait, serait
toujours et uniquement la délimitation des zones respectivesde plateau

continental entre La Libye et Malte. Point n'était besoin d'yajouter une
délimitationde zonesreconnues comme appartenant àl'Italie. Ce pays ne
demandait pas qu'on lui reconnaisse desdroits, mais uniquement que l'on
prenne note du fait qu'il estimait en avoir.
14. Yen conclus donc que l'Italie, si j'ai bien compris sa démarche,
demandait àêtreprésentea l'opération qui acommencé à se dérouler en
exécutiondu compromis malto-libyen, afin d'être à même,avant que la
Cour ne s'acquitte définitivementde sa tâche :

a) de signaler- d'unemanièrenon seulementplus précise,mais aussiplus
documentéequ'on ne luia permis de lefairejusqu'ici, vu le refus de lui

communiquer lespiècesdelaprocédureécritequilui aété opposé - que,
sur certaines des zones du plateau continental dela Méditerranéecen-
trale susceptibles d'êtrprises enconsidérationparla Libyeetpar Malte
aux fins de la délimitationa effectuer entre ces deux Etats, il existedes
intérêts d'ordre juridiquede l'Italie, et lesquel;

b)d'indiquer l'étenduede sesrevendications ainsi quelesbases de droitsur
lesquellesl'Italielesétaie,maiscecidans leseulbut d'enfaire ressortir le sérieuxet certes pas d'obtenir une reconnaissance définitive par la
Cour ;et
c) d'éviter que,la Cour n'étantpas dûment renseignée surces différents
sujets, sa décisiondans leprocèsprincipal ne puissepréjugerdes droits
que l'Italiepourrait légitimementfaire valoir à d'autres occasions ;plus
spécifiquementd'éviterque,par lesindications quela Cour donnera aux
Parties aux fins de la délimitation entre elles des zones de plateau
continental relevant respectivement de Malte et de la Libye, l'on
empiètesur les zones où lesprétentions deces deux pays s'entremêlent

avec des prétentions de l'Italie, ces zones devant donc, de l'avis de ce
pays, êtreréservées pour d'autres délimitations.

Mais attention, etje m'excusesije semblemerépéter surun point qui me
parait essentiel:nulle part ilne m'apparaît que l'Italieait demandéque les
droits qu'elleestime avoir soient actuellement reconnuspar la Cour comme
fondés.Il me semble résulter incontestablement de toute la présentation
de sa thèse que, d'après ce pays, ce ne sera que plus tard, après que la
délimitation entre la Libye et Malte aura été effectuée selonles critères
fixés par la Cour et sera entréedans le domaine public, que l'Italie s'ef-
forcera de parvenir, pour la partie du plateau continental concernée qui

sera restéeen dehors de la délimitation en question, à la délimitation
ultérieuredeszones quidevront êtreconsidéréec somme relevant d'elleou
relevant de la Libye et de Malte, et ceci soit par voie de négociation et
d'accord, soit par voie d'arbitrage ou de décisionpar la Cour.
15. Au vu de ces conclusions, l'oncomprendra queje ne peux vraiment
pas souscrire au raisonnement qui figure au paragraphe 29 de l'arrêt.

Ceraisonnement part en effetexplicitement de la reconnaissancedufait
que l'Italie déclare n'introduire devant la Cour aucun différend distinct

l'opposant à l'une ou à l'autre des deux Parties principales et qu'elle ne
demande à la Cour nide délimiterleszonesduplateau continentalrelevant
de l'Italie ni de dire dans sa décision quelssont les principes et règlesde
droit international applicablesà une telledélimitation.LaCournemanque
pas de relever aussique (normalement,la portée desdécisionsde la Cour
est définiepar les prétentions ou conclusionsdes parties ))et que

dans lecas d'uneintervention, c'estdonc par rapport à la définition
de l'intérêdt'ordrejuridique et de l'objet indiquépar 1'Etatdeman-
dant à intervenir que la Cour devrait juger si l'intervention peut ou
non êtreadmise ».

Cependant, enrappelant unpassage d'une précédente décisionoùilétait
dit que <<c'està la Cour qu'il appartient de s'assurer du but et de l'objet
véritablesde la demande )),elle relèveque <(dans le cas de la présente

requête à fin d'intervention, la Cour doit ... tenir compte de toutes ces
circonstances >(ensemble de la requête, argumentsdéveloppésdevant la
Courpar ledemandeur, échangesdiplomatiques) (<en mêmetemps que de 124 PLATEAU CONTINENTA (OP. DISS. AGO)

la nature de l'objet de l'instance introduite par la Libye et Malte ))et en
arrive directement àla conclusion quelque peu surprenante que :

«si,sur leplan formel,l'Italieluidemandedesauvegarder ses droits,sa
requête apour effetpratique inéluctable d'invitelra Coura reconnaître
ceux-ci et,pour cefaire, a statuer au moinspartiellementsur lesdiffé-
rendsentrel'Italieetl'une desParties ou lesdeux »(lesitaliques sont de
moi).

Par ce biais, donc, ce qui semblait avoir toutes les caractéristiquesd'une
intervention au sens strict du terme, et que la Partie intéresséeavait sans
doute conçu comme telle, se trouve d'un coup transformé - un peu rapi-
dement, on lereconnaîtra - en tout autre chose. En définitive, elledevient

ni plus ni moins une demande à statuer sur des différendsentre l'Italie et
Malte et entre l'Italie et la Libye, différends qu'elle introduirait ainsi
devant la Cour sans qu'il y ait naturellement entre ces parties la base
consensuelle nécessaire.
16. Alasuite de cela,lamajoritécontinue auparagraphe 33 àconsidérer
commeun (fait )que l'Italie aurait demandé àla Cour de (<seprononcer
sur ses droits o.Pour confirmer cette assertion, elle croit pouvoir citer, à

défautde mieux, certains passages des plaidoiries des conseils de l'Italie.
Mais làserévèle , mon avis,l'équivoquequi est à labase de laposition que
je me permets de critiquer. Certes, dans lespassages dont il s'agit,on parle
de 1'0existence dedroitsde l'Italie )),on yfait valoir qu'ily a des zones où
l'Italieinvoquedesdroits à côtéde ceuxqu'invoquent la Libyeou Malte,et
on y suggèreque ces zones fassent à l'avenir <l'objet soit d'une délimita-
tion entre l'Italie et Malte, soit d'une délimitationentre l'Italie et la Libye,

soit le cas échéant d'unaccord de délimitation entre les trois pays D.

Mais l'on me semble oublier que le fait pour un Etat tiers d'affirmer
l'existenced'un droit propre (un intérêt d'ordre juridiquen'est pas autre
chose qu'un droit) dans un domaine faisant l'objet d'undifférendentre
deux autres Etats est l'essence mêmel,a raison d'êtrede l'institution de
l'intervention dans son sens le plus strict et le plus indiscutable. C'est

précisémentpour protégerles droits éventuelsdes tiers que cette institu-
tion a étéconçue et consacrée à l'article 62du Statut.

Dans lecas d'espèce,il n'estpas douteuxque l'Italie demande à la Cour
de ((protéger >),de <(sauvegarder ))les droits qu'elleprétendavoir sur des
zonesde plateau continental déterminées, ceca ifin d'éviter qu'ilne soient
affectéspar la décisionque la Cour doit prendre sur l'affaire malto-

libyenne. Jusque-là l'arrêtrendu par la majoriténe paraît trouver rien à
redire :sil'onenrestait là,à son avisaussi,ilmesemble,on serait bien dans
les limites d'une intervention (véritable )),ne nécessitantpas d'actes spé-
ciaux de consentement de la part desparties principales pour pouvoir être
acceptée. Maisl'Italie demande-t-elle davantage ? Au fait, par quoi la
<<protection requise peut-elle se traduire ? Evidemment les droits que l'Italie croit avoir ne seraient pas sauvegardés,si, dans la décisiondu
procèsprincipal, l'onnesesouciaitnullementdesrevendicationsitaliennes
et si par suite les zones auxquelles ces revendications se rapporteraient
étaient attribuées tout simplement à Malte ou à la Libye. La Cour nepeut
quesesentirtenue,je pense, d'éviter quelesort futur desdroits que l'Italie

estimeêtreles sienssoit ainsi préjugé. Ellene peut y parvenir qu'en faisant
en sorte d'éviterque la délimitation entrela Libye et Malte porte sur des
zonesoùiln'estpas dit que seulscesdeuxpays ont desdroits et où il sepeut
tout au moins qu'il y ait des droits de l'Italie. Ces zones pour ainsi dire
<grises ))doivent êtreréservéep sour desdélimitationsfutures entre toutes
lesparties intéresséess,inon on risquerait d'attribuer aujourd'hui Malte ou
àla Libye des droits souverainssur des parties de plateau continental qui

demain,aprèsuneanalyseplusapprofondieetouverte à laparticipation de
l'Italie, paraîtraient plutôt devoir revenir en droit à ce dernier pays.
Toutefois, lefait de demander à la Courdesauvegarder, par cettesimple
mesure deprudence et de protection, les droits que l'Italie estimeavoir, ne
signifie d'aucune manière,et je me permets de le souligner, qu'on lui
demande de <(reconnaître >cesdroits, de statuerd'oresetdéjà à leurégard,
de déciderque certaines zones du plateau continental de la Méditerranée

centrale sont soumises aux droits souverainsdel'Italie et derésoudreainsi
judiciairement les différendsentre l'Italie et Malte ou entre l'Italie et la
Libye. Rien, àmon avis,nepermet dedire que, en demandant àintervenir
dans le procès entrela Libye et Malte, l'Italie ait entendu introduire << un
nouveau différend ))(par. 34), àsavoir une instance en vue du règlement
actuel de différends distincts de celui qui, d'après ses déclarationsexpli-
cites, demeure le seul à être portédevant la Cour.

17. Aun momentdonné,ilestvrai, l'arrêtauquel laprésenteopinionest
jointe semblerait vouloir serapprocher de ce queje pense êtrela réalitéde
la demande italienne. C'est au paragraphe 30, là où il est dit que l'Italie
demande à la Cour <de ne statuer que surcequi relèvevraimentde Malte
et de la Libye ))et de s'abstenir d'attribuer à ces Etats des zones de
plateau continental sur lesquelles l'Italiea desdroits ))Mais sionfait bien
attention, on s'aperçoit que là encore la portée de la demande italienne a

étéen quelque sorte <sollicitée))pour pouvoir êtreajustée à la thèse
préétablie d'après laquelle l'Italie aurait demandé àla Cour de statuer sur
l'existencede ses droits. Pour décrire correctement la position de YEtat
demandant à intervenir, il aurait fallu dire <l'Italie prétend avoir des
droits )etnon pas a desdroits ); et,contrairement auxapparences, il ne
s'agit pas d'une petite nuance. Car ce n'est que sur la base de cette <<re-
définition !)delaposition en question quel'arrêt peut poursuivre,commeil

lefait, en disant que (pour quela Cour puisse procéder à l'opération ainsi
définie,ilfaudrait qu'elledétermineenpremierlieuleszones sur lesquelles
l'Italieadesdroitsetcellessurlesquellesellen'enapas ))Ilya là,je regrette
de le dire, des déductions purement arbitraires, car l'Italie, à ce qu'il
m'apparaît certain, ne demandait pas du tout que la Cour aille jusqu'à
établir quelleportion des zones <<grises))doit finalement êtreconsidérée
comme blanche,noire ou verte. Ellevisait, etellevisetoujours,seulement à 126 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

obtenir que ceszonesrestent actuellement grises,qu'ellesrestent deszones
àconsidéreret àgarderpour lemoment comme des zones contestéesentre
les trois pays et qu'il ne faut pas partager seulement entre deux d'entre
eux.
Une foisautorisée àintervenir,la tâche de l'Italie aurait essentiellement
été,à mon avis, de préciser,sur la base de la connaissance finalement
acquisedes revendicationsactuelles de la Libye et de Malte, les zones où
ses prétentions coexistent avec celles des deux autres pays, à savoir les
zonesqu'elleestimedevoirêtreexclues,commeje viensdeledire,etpour le

moment du moins, d'une délimitationpurement bilatéraleentre la Libyeet
Malte. Jeconçois aussi,commeje l'aiindiqué,quel'Italiesesoitconsidérée
tenue, à ce moment, d'exposer à la Cour les fondements de droit sur
lesquels elle croit pouvoir étayer lesdites prétentions, mais cela unique-
ment pour faire ressortir le caractère <juridique )>des <<intérêts))qu'elle
estime avoir dans la régionet quijustifient en tant que tels son recours à
l'article62du Statut. Parcontreje ne voispas du tout l'Italie demander à la
Cour, mêmedans cette nouvelle phase, de statuer actuellement sur ses

prétentionspar opposition à cellesde la Libyeet de Malte, de lui assigner
certaines portions définiesde plateau continental, de lui reconnaître sur
elles des droits souverains.Il va de soi que la Cour ne fera pas cela de sa
propre initiative. J'avoue donc ne pas voir sur quelles bases l'arrêta pu
s'appuyer pour soutenir, au paragraphe 3 1,que :

<(sil'Italie était admisàintervenir dans laprésenteprocédureen vue
de poursuivre l'objet qu'elle-mêmea dit vouloir rechercher, la Cour
serait appelée,pour donner effet à l'intervention,à trancher un dif-
férend ..entre l'Italie et l'uneou l'autre desPartiesprincipales, ou les
deux )).

18. Les interprétations tendancieuses et à mon avis tout à fait incor-
rectesqueje doismalheureusement relever dans l'arrêt constituent d'autre
part la base sinequanondesconclusionsauxquellesilparvient et queje ne
puis que rejeterfermement. Cette constatation ne m'empêchepas de noter
qu'un peu plus loin, au paragraphe 32, l'arrêt admet expressément, et
presque en contradiction avec ses précédentes observations, que

<(l'Italie s'est efforcéede distinguer entre une demande faite à la
Cour de tenir comptede sesintérêtd s'ordrejuridique ou de les sauve-
garder et une demande tendant à ce que la Cour reconnaisse ou dé-
finisse ses intérêts juridiques,ce qui reviendraità lui soumettre un

autre litigeo.
Plus loin, au paragraphe 36, l'arrêtadmettra aussi que l'argumentation
italienne a mis en évidenceque l'Italie entendait clairement situer sa
demande dans la première catégorie,qu'elle estimait que cette requête

prenait <<incontestablement place dans les limitesde l'intervention stricto
sensu ..à l'égardde laquelle ...l'article 62fournit par lui-mêmele titre de
compétencenécessaireo.Mais l'arrêt croit pouvoirse débarrasser de ces
admissionsgênantesenfaisant au paragraphe 32cetteremarque étonnanteetsibylline :<(Maiscettedistinction n'estpasvalable ..dansla perspective
de la tâche que le compromis assigne à la Cour en l'espèce. ))Après quoi,
comme si l'opinion expressémentmanifestéepar l'Italie quant à la signi-
fication et à la portée de sa propre demande était dépourvue de toute

importance, on classe arbitrairement et contre l'intention de son auteurla
demandeitalienne en intervention dans l'autre catégorie, à savoir celledes
requêtespar lesquelles l'Etat demandant à intervenir chercherait

(à sefairereconnaîtreun droit contre lesparties àl'instance, dansdes
conditions comparables à ce qu'il aurait pu faire en instituant lui-
mêmeune instance à titre principal contre ces deux Etats ))(par. 36).

Par là le sort de la demande italienne ainsi transformée en une requête
principale est nécessairementscellé.
19. Cela ressort en effet des <(conséquences ))à tirer du raisonnement
que l'arrêtexpose au paragraphe 34. D'après ce texte, ces conséquences

<(peuvent êtreexprimées selon deuxmanières d'interpréter l'article62 du
Statut o.J'hésite àm'aventurer dans les méandres quelquepeu obscurs -
que l'on me passe l'expression - des explications que l'arrêtdonne de la
double approche àlaquelle il seréfère à cesujet. Sije ne me trompepas, le
point de départde ces explicationsest l'exigencedu respect des principes
du consentement, de laréciprocitéetde l'égalité desparties. Surcettebase

commune,deux approches seraient donc possibles, qui amèneraient tou-
tefois toutes les deux au mêmerésultat dans le cas d'espèce.D'après la
première, une demande en intervention qui introduirait en fait une ins-
tancedistinctepourrait quand mêmeêtreadmise, mais àlacondition qu'il
existe préalablement un lien de juridiction entre 1'Etat introduisant la
demande en question et les Etats parties au procès principal. D'après la

seconde, cette demande ne saurait êtreadmise, qu'un lien de juridiction
existe ou non, parce qu'elle se situerait en dehors des prévisions de I'ar-
ticle 62 relatives à l'intervention.

Au sein de la majorité, la conciliation entre les deux courants qui
traditionnellement se heurtent sur le sujet du <<lien juridictionnel )>se

serait donc faite là-dessus.
J'espèreavoir bien compris,mais si tel n'était pas lecas,je ne pense pas
que cela aurait d'influence sur mes conclusions. Quelle que soit l'idée
exacte que l'arrêt entend traduire à ce sujet, le seul commentaireque j'ai à
faire ne change pas et c'est celui-ci : les deux conséquencespossibles et
également négativespour la demandeitalienne que l'arrêta envisagéesne

tiennent que pour autant que la prémisseindispensable dont ellespartent
l'une et l'autre est exacte. Cette prémisseest quela demande en interven-
tion de l'Italie doitêtreconsidéréceomme une <(instance à titre principal>)
introduite par ce pays contre la Libye et Malte et que cette instance
requiert la Cour de <(statuer sur les droits ))que l'Italie a revendiqués à
l'encontre desdeux pays (et pas seulement de faire en sorte que cesdroits

ne soient pas lésés ))(par. 35). Cette prémisse,j'espère l'avoirclairement montré,est pour moi gratuite et nettement contredite par la forme et le

fond de la demande en intervention del'Italie. Il s'ensuit,pour moi, que la
double conséquence que l'on a voulu en tirer s'effondre avec elle.
20. Une petite note en marge de cecommentaireet de sa conclusion. Si
vraimentdesimpropriétésde langage, desdépassementsou desobscurités
de penséeéventuellementéchappés à tel ou tel des porte-parole du Gou-
vernement italien dans leurs exposésoraux avaient pu créer des appré-
hensionschez certainsjuges, ou encore siquelque expression susceptiblede
diverses interprétations figurant dans la réponseenvoyéepar l'agent du
Gouvernement italien à la question poséepar M. de Lacharrière avait pu
susciterdesdoutesdansleuresprit, leremèdeaurait étébienfacile.11aurait

été aisépour la Cour, au moment où elle aurait admis l'Italie à intervenir
sur la base de l'article 62 du Statut, de rappeleàce pays les limites des
dispositions de cet articleet la nécessitpour la partie intervenante de s'y
tenir strictement. Je nepensevraimentpas qu'on puisse objecter à cela que
la Cour n'a pas à corriger les termes de la demande d'un Etat, surtout
lorsque l'intention du demandeur est claire. Le rappel auquelje fais allu-
sion ne comporterait aucune <<correction )>de la demande ;il serait par-
faitement légitime,clarificateuret opportun, beaucoupplus légitimequele
château qu'à mon avis on a en fait échafaudé pour <transformer )>la
demande italienne en quelque chose de différent de ce que l'Italie avait

explicitement entendu qu'elle fût.

21. Par devoir d'objectivité,je ne voudrais pas manquer d'ajouter que
j'ai tout de même prisnote du passage du paragraphe 32 où il est dit
que :

<SilaCourdoitremplircettetâche [celleque lecompromis assigne
à la Cour] et sauvegarder en mêmetemps les intérêts juridiquesde
l'Italie (au-delà de ce qui résulterait automatiquement, comme on le
verra plus loin, de l'application de l'article 59 du Statut), alors, en
indiquant jusqu'où les Parties pourront prolonger leur délimitation
purement bilatérale, elledevra tenir compte, autant qu'il sera besoin,
de l'existence et de l'étendue des prétentions italiennes>)

Jenem'arrête pas àme demanderquellepeut êtrela significationdesmots
<autant qu'ilserabesoin )>étantconvaincu qu'ilsnepeuventavoiraucune
portée restrictive. Personne ne saurait contester, en effet, qu'une cour de
justice se doit de sauvegarder en entier et dans toute la mesure de ses
possibilitésles droits dont l'existence est signaléeson attention ; elle se
doit de ne pas prêtersa collaboration à ce que, sousprétexte du caractère
purement bilatéral du différend sur lequel elle statue, les parties à ce
différend empiètenten fait sur les droits d'autrui.

Maisje ne veuxpas d'autre partdonner l'impression de nepas apprécier
à sa juste valeur le souci que révèlentcertains passages de l'arrêt - aux
paragraphes 32 et 43 notamment - de donner certaines assurances à la
partie qui ademandésanssuccès àintervenir dans un procèsdont lesissues
possibles lapréoccupentvivement.Jevoisavecsatisfaction dans cesoucila 129 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

preuve d'un scrupule :celui d'éviterque la décision qu'on a prise soit à
l'origine de graves injusticesau détriment du pays qui se trouve exclu du
prétoire etdont on semblefinalementregretter quelque peu l'absence.Car

l'arrêt reconnaît,en effet, au paragraphe 40 que
sila Cour était pleinementinstruite desprétentions et des thèsesde
l'Italie,elleserait mieuà mêmede donner auxPartiesdesindications
telles qu'elles puissent délimiter leurs zones de plateau continental

<(sans difficultéO,comme l'envisagel'article 1du compromis, même
si des renseignements sur les revendications formulées par l'Italie et
suffisantspour la sauvegarde de sesdroits lui ont étédonnéspendant
laprocéduresurlademanded'intervention italienne.Mais la question
n'estpas de savoirsilaparticipation del'Italiepeut êtreutileou même
nécessaire à la Cour ; elle est de savoir,à supposer que l'Italie ne
participe pas à l'instance, si l'intérêtjuridiquede l'Italie est en cause
ou s'ilest susceptible d'êtreaffectépar ladécision.Vul'absence, dans
laprocéduredelaCour,detout systèmed'intervention obligatoire par
lequel un Etat tiers pourrait être citépar la Cour àester en tant que

partie, la Cour doit avoir la faculté,etelle a en fait l'obligation, de se
prononcer aussi complètementquepossible dans les circonstances de
chaque espèce ..))
J'espèreque le Gouvernement italien trouvera là quelque apaisement à la
déception certainement très vive qu'il éprouvera du fait qu'il n'a pas été

admis à intervenir, et cecipour desmotifs quinepourront que luiparaître
artificiels.
22. Celadit,je ne peux conclurelaprésenteopinion que sur une note de
regret,non pas seulementpour ce qui a trait au sort qu'on a réservé au cas
d'espèce, mais aussi et surtout pour ce qui concerne les conséquences
d'ordre généralqui peuvent en découler.
La Cour avait une occasion unique d'admettre à intervenir devant elle
un paysquidemandait à faire entendre sesraisons dans un procèsen cours
entre deux autres et qui porte manifestement sur un objet qui est même
physiquement commun àtous les trois. Au-delà des objections formelles

au fondement très discutable qui ont été opposéesje , crois pouvoir dire
qu'ily avait là l'exempletypique d'une situationpour laquellel'institution
del'intervention avaitétéconçueetprévueauStatut. Parson arrêtactuella
Cour -je ne ledispas de gaietédecŒur,carj'aurais été ravidepouvoir être
d'accord comme dans tant d'autres cas avec sa décision - a manqué une
occasion et par là aussi la possibilitéqui lui était offerte de résoudre une
bonne fois lesproblèmesde droit qui seposentdepuisl'origine àpropos de
l'institution dont il s'agit et qui continuent de la diviser. Par là elle pense
avoir fait Œuvre de sagesse :je ne suis pas convaincu que cet avis sera
largement partagé dans le milieu desjuristes internationaux.

Je ne peux, d'autre part, que constater avec beaucoup de perplexitéla
tendance de la Cour, que le présentarrêtme semble révéler, à s'estimer
convaincueque les buts auxquels la procédure d'intervention proprementdite étaitcenséerépondreseraienten fait déjàpratiquement atteints par le
simple déroulementde la procédure préliminaire sur la question de l'ad-
mission àl'intervention. Indépendamment du bien-fondé enfait de cette
conviction, qui me paraît fort contestable, par exemple en rapport avec le
cas d'espèce,c'est surtout l'aspect de droit qui me préoccupe. Car le
remplacement d'une procédure expressément prévue par le Statut, et
devant sedéroulerdans lesformesappropriées,par une sortede procédure

provisoire et sommaire, aux résultats véritablement approximatifs, me
paraît constituer une déformationabsolument arbitraire et, en définitive,
une violation difficilement contestable de l'article 62.
La décision relativàlaprésenteinstancepourrait donc sonnerle glasde
l'institution de l'intervention dans lesprocèsinternationaux, du moins de
cette institution telle qu'elle avait été entendueet définiepar les textes
pertinents. Après cette expérience,dont le moins qu'on puisse dire est
qu'elle n'estpas révélatriced'un esprit favorableà cette forme de procé-
dure incidente, l'oubli va probablement tomber, aprèsle regain passager
d'intérêqtuej'avais relevéau débutde la présente opinion, sur cette voie
qui s'ouvraitthéoriquement encoresur une conceptionpluslibéraleetplus
ample de lajuridiction internationale. La Cour semblepréférers'enfermer
avecprudence dans l'enclosabritéd'une conceptionpurement bilatéraleet
relativiste de sa tâche. Je doute que cela corresponde aux vrais besoins
actuels d'une communautéinternationale toujours plus interdépendante ;

je douteque cela soitconformeauxvŒuxet aux espoirs qui ont présidé à la
créationde la Cour et plus tard à sa confirmation par la Charte en tant
qu'organe judiciaire principal des Nations Unies.

(Signé R)oberto AGO.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. AG0

1. A mon vif regret je me vois obligéde me dissocier de la décision
rendue par la majorité de la Cour.
Cela ne veut pas dire queje n'apprécie pas à leurjuste valeur les efforts
que les rédacteursde l'arrêtont déployéspour apaiser dans une certaine
mesure lescraintes, àmon avistout àfaitjustifiées,del'Etat qui enl'espèce
demandait à êtreadmis àinterveniret lescraintesausside ceuxqui,au sein
delaCour elle-mêmeo ,nt exprimélapréoccupation quelesintérêtd s'ordre
juridique de cet Etat ne soientpas adéquatement sauvegardésau cas où la

Cour rejetterait sa demande d'intervention.
Les assurances ainsi reçues peuvent réduire en fait certaines appréhen-
sions,mais n'ont pas pour effet d'éliminerles motifs de dissentiment qui
subsistent parrapport au dispositif del'arrêt età la motivationsurlaquelle
il est fondé.
2. Toutefois, avant de m'attacher plus spécifiquement à relever les
points sur lesquels monjugement diffère de celui qu'a expriméla majorité

dela Cour, j'estime nécessairede soumettrequelquesconsidérations d'or-
dre généralsurl'institutiondel'intervention tellequ'elleseprésentedans le
cadre du droit de la procédure internationale.
Dans la longuepériode qui a suivi l'arrêtde la Cour internationale de
Justice dans l'affaireHaya dela Torre,quiremonte à 1951,cetteinstitution
n'avait plus fait parler d'elle.Mais soudain un regain d'intérêt à son sujet
s'estmanifestédans lesannéessoixante-dixetquatre-vingt, d'abord avecla
demande d'intervention soumise à la Cour en 1973 par Fidji en ce qui

concernait lesaffairesdes Essaisnucléairesp , uisen 1981avecla requêtede
Malte à fin d'intervention dans l'affaire du Plateau continental(Tunisie/
Jamahiriya arabe libyenne)et dernièrement (fin 1983)avec la requêtede
l'Italieàfin d'intervention dans la nouvelle affaire du Plateau continental
(Jamahiriyaarabelibyenne/Malte), requêtequifait l'objetde l'arrêt auquel
la présente opinion est rattachée.

Parallèlement àces essais concrets d'utilisation de l'institution par des

Etats dans la pratique judiciaire internationale, un renouveau d'intérêt
théorique pour l'intervention s'est aussi fait jour dans la littératurejuri-
dique,notamment grâce à une séried'études très récenteset spécialement
consacrées à ce sujet et- ce qui mérite d'êtrerelevé - émanant pour la
plupart de juges ou anciens juges de la Cour l.

' Voir Ph.Jessup<(Intervention in the International O,dans AmericanJournal
of InternationLaw,1981,p. 908 et suiv.T. O. Elias<(The Limits of the Right of
Intervention in a Case before the International Court of)>dans Volkerrechtals DISSENTING OPINION OF JUDGE AG0

[Translation]

1. To my great regret, 1 find myself compelled to disagree with the
majority decision of the Court.
This does not imply any lack of appreciation on my part for the efforts
made by thosewho drafted theJudgment to allay to someextent the fears-
in myopinionfullyjustified - of the State which wasseelungpermission to

intervene in this case, and also the fears of those Members of the Court
itself who have expressed concern lest the interests of a legalnature of the
State in question might not be adequatelysafeguarded if the Court wereto
reject its application for permission to intervene.
The assurances received on this score may indeed serve to mitigate
certain apprehensions,but not todo away with the remaininggrounds for
disagreement in respect of the operative part of the Judgment and the
reasoning on which it is based.
2. However,beforeturning specificallyto anindication of thepoints on
which myjudgement differs from that expressed by the majority of the
Court, 1consider it necessary to offer afewgeneralobservationsregarding
intervention as an institution in the context of international procedural

law.
During the long period which followed the Judgment of the Interna-
tional Court of Justice in the Haya de la Torre case, back in 1951, this
institution attracted no further attention. However, a surgeof interest init
suddenly became apparent in the 1970sand 1980s,first with the applica-
tion for permission to intervenesubmitted to theCourt in 1973by Fijiwith
regard to the Nuclear Testscases, then in 1981with Malta's application for
permission to intervene in the case of the Continental Sheif (Tunisia/
Libyan Arab Jamahiriya) and finally - at the end of 1983 - with the
application by Italy for permission to intervene in the further case con-
cerningthe ContinentalSheif (LibyanArab Jamahiriya/Malta), this appli-

cation being the subject of the Judgment to which the present opinion is
appended.
In parallel with these actual attempts by States to have recourse to the
institution of intervention in international judicial practice, a renewal of
theoretical interest in it has also become evident in legal literature, in
particulai as a result of a very recent series of studies specially devoted to
the subject and, it should be emphasized, for the most part written by
judges, or former judges, of the Court l.

'See P. Jessup, "Intervention in the International Court", in American Journal of
InternationalLaw, 1981,pp. 908ffT.O.Elias, "The Lirnitsof the Right of Intervention
in a Case before the International Court of Justice", in Volkerrechtals Rechtsordnung, 3. Cela dit, on est frappé par le fait que, tout en partant des mêmes
donnéeshistoriques etjuridiques et tout en se fondant sur l'exégèse des

mêmestextes, ces analyses parviennent surcertainsdespoints essentiels à
des conclusions fort différentes,sinon nettement opposées.Et l'on doit
aussi relever la persistance au sein mêmede la Cour d'une divergence
d'opinions sur certaines au moins des conditions requises pour que l'in-
tervention d'un Etat dans une procédurejudiciaire entamée par d'autres

puisse êtreautorisée.Cette divergenced'opinions est à peine voiléepar le
souci,montréou prôné,d'éviterdans lescasconcrets deprendre position à
leur égard ; qu'on y réussisseou non, cela est autre chose.
4. On peut alors sedemander si, àl'originedes divergencesen question,
il n'y aurait pas le fait déterminant d'une différencede nature entre des

situations distinctes que l'on continue néanmoinsde prendre en considé-
ration ensemble, comme s'il ne s'agissait que des diverses facettes d'un
même phénomène, alors qu'ellesse placent, à mon avis, dans des cadres
entièrement différents.Jem'empressedepréciserqu'endisant celaje ne me
réfèrepas à la distinction, consacréepar les textes, entre l'intervention

prévue à l'article 62duStatut et cellequifait l'objetdel'article 63.Cequeje
me demande, c'estplutôt s'iln'est pas essentiel de mieux préciser, etceci
justement par rapport aux prévisionsde l'article 62, les contours de l'ins-
titution de l'intervention, et de bien séparercequi est à proprement parler
une intervention au regard dela disposition citéede ce qui est tout autre
chose. A ce sujet,je voudrais aussi faire remarquer que cette tâche essen-

tiellede clarification risque de n'êtrepas facilitéepar unelecture du libellé
de l'article 81, paragraphe 2 c), du Règlementde la Cour, si cette lecture
n'estpas accompagnéed'une priseenconsidérationdescirconstances dans
lesquelles l'adoption du texte s'estproduite et des finalitésdont elle s'est
inspirée.

5. En effet, les rédacteurs de cette disposition du Règlement revisé
adoptéle 14avril 1978ne pouvaient pas ne pas avoir à l'esprit les aspects
du seul cas concret dans lequel l'article 62du Statut avaitjusqu'alors été
invoquéparun Etat dans toute l'histoiredela Cour, casquiétaitmêmetrès

Rechtsordnunn, Internationale GerichtsbarkeitMenschenrechte, FestschrHr.Mosler,
Berlin, 1983p.159et suiv. E.JiménezdeAréchaga,<< ~nterventionunder Article 62of
the Statute of the International Court of Justi>),ibid., p. 453 et suiv. ; S. Oda,
<(Intervention in the International Court of JuO,ibid.,p. 629et suiv. ; G. Morelli,
<<Note sull'intervento ne1processo internazionaD,dans Rivista di diritto internazio-
nale, 1982,p. 805et suiv.Endehors de cescontributions de personnalitésquisont ouont
été directementliéesà l'activitéde la Cour, on peut encore mentionner l'article de
Miller,<(Intervention in Proceedings before the International Court of JO,dans
<(Intervento in causa davanti alla Corte internazionale di Giustizia e lienjuridictionnel
tra interveniente eparti onginane del procesD,dans Rivista di diritto internazionale,
1983 (66), p. 291 et suiv. (aussi pour les références bibliographiques donnéesà la
note 1); et finalement les considérations relativesà l'intervention contenues dans le
CommentaireduRèglement dela CourinternationaledeJusticeadoptéle14avril1978,par
G. Guyomar, Pans, 1983,p. 526 et suiv. 3. That said,it isastriking fact that though these analyses takethe same
historical and legalelementsas starting points, and arebased on exegesisof
the sametexts,yet oncertain essentialpoints theyarrive at verydifferent, if
not clearly contradictory, conclusions. Even within theCourt, it must also
be noted that there has been persistent divergence of views as to at least

some of the conditions required for permission for a State to intervene in
judicial proceedings commenced by others. This difference of views is
barely veiled by the concem which has been shown, or urged, that no
definite position be taken on those points in specific cases ;whether the
attempt to do so is successful or not is another matter.
4. One may therefore wonder whether the determiningfactor underly-
ing the divergences in question may not be the existence of distinct situ-
ations of different natures, which are nevertheless still being treated

together, as though they were no more than different facets of a single
phenomenon ; whereas, in my view, their respective contexts are quite
different. 1hasten to explain that 1 am not here referring to thedistinction,
endorsed by the texts,between intervention under Article 62of the Statute,
and intervention which is the subject of Article 63. The question 1 am
asking is rather whether it is not essential to define more precisely, spe-
cificallyin relation to the terms of Article 62, the shape of intervention as
an institution, and to make a clear distinction between what is an inter-

vention, properly so called, under the provision quoted, and what is
something elsealtogether. In thisrespect, 1would alsolike to point outthat
there is a further risk that this essential task of clarification may not be
rendered any easier if Article 81,paragraph 2 (c),of the Rules of Court is
read in isolation from the circumstances in which the wording was
adopted, and the ends which were then in view.

5. Thefact is that those who drafted this provision in the revised Rules
of Court, adopted on 14April 1978,must have had present to their rninds
the aspects of the only concrete case in the history of the Court up to that
timein whichArticle 62of the Statute had been relied on by a State,-and a

Internationale Gerichtsbarkeit Menschenrecht, estschrifrfür H. Mosler, Berlin, 1983,
pp. 159ff. E.JiménezdeAréchaga,"Intervention under Article62 of the Statute of the
International Court of Justice", ibid., pp. 453 ff. ; S. Oda, "Intervention in the Inter-
national Court of Justice", ibid., pp. 629 ff. ; G. Morelli, "Note sull'intemento ne1
processointernazionale", in Rivistadidirittointernarionale,1982,pp. 805ff.Apart from
thesecontributions bypersons who areor havebeen directlyconnected with the work of
the Court, mention rnight also be made of the article by Miller, "Intervention in
Proceedingsbefore the InternationalCourt ofJustice", in TheFutureof theInternational
Corte internazionale di Giustizia e lienjuridictionneltra interveniente eparti originarie
del processo", in Rivista di diritto internazionale,1983(66), pp. 291ff. (see also for the
bibliographical referencestonote 1) ; and finally, the observations on intervention to be
found in Commentairedu Règlement delaCourinternationaledeJustice adopté l1e4avril
1978, by G. Guyomar, Paris, 1983,pp. 526 ff. 117 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

récent l.Leur souci principal,louabled'ailleurs,n'a pu êtrequedeprévoir
une réglementationapte avanttout à protégerl'institutionproprementdite
de l'intervention des abus d'utilisation possibles, puisque abus il y avait

manifestement eu dans le cas en question et que la situationrisquait de se
produire à l'avenir.Au paragraphe 2de l'article81,on a donc prévu, àcôté
de l'exigenceimposée à 1'Etatdemandant à intervenir de décrirel'intérêt
d'ordre juridique susceptibled'après lui d'être affecté parla décisionde
l'affaireen cours(al. a)),l'exigencesupplémentaired'indiquer l'objet pré-
cis de son intervention (al. b)). Si on l'a fait, c'est évidemment pour

s'assurer que 1'Etatdésireuxd'intervenir ne se propose réellement que de
protéger l'intérêd t 'ordre juridique alléguécontre les atteintes pouvant
découlerde la décisionen l'affaire opposant entre elles les parties princi-
pales, sans chercher à introduire - sous apparenced'intervention mais en
réalité surune tout autre base - une instance nouvelle et distincte contre
l'uneou l'autre desparties à l'affaire en cours ou contre les deuxàla fois.

Ensuite, à l'alinéac),on a requis de l'Etat demandant à intervenir qu'il
mentionne aussi toutebasedejuridiction qui, à son avis,existeraitentre lui
et lespartiesà l'affaireen cours. Cela aencoreétéfaitpouréviterque 1'Etat
enquestion n'essaied'introduire,par lebiaiscommeje l'aidit d'une pure et
simple prétendue intervention dans une affaire en cours entre d'autres
Etats, une instance nouvelle et distincte que ledit Etat, en l'absence d'un
lien dejuridiction préétabliavec 1'Etatcontre lequel elle serait dirigée,ne

sauraitsoumettre à laCour,que cesoit de façonentièrementindépendante
ou en s'associant à l'instanceparallèleintroduite par un autreEtat, cecien
faisant cause commune avec-ce dernier.

6. Pour résumer,la réformeintroduite à ce sujet dans le Règlement
reviséde 1978 a eu, à mes yeux, pour but et pour effet de protéger

l'institution proprement dite de l'intervention contre toute tentative abu-
sivede s'en prévaloir à de toutes autres fins. Mais elle n'aeu que cebut et,
surtout, n'a-pu avoir que cet effet.
Tout en sefélicitantdoncdes sauvegardes ainsiétablies,ilimporteavant
tout de ne pas se méprendresurdes prescriptionsadoptéespour aboutir à
un certain résultat, prescription ayant l'avantage d'éviter à l'avenir les

L'un desconseilsde l'ItaM.eVirally,a bien relevécefait dans son exposéoraldu
indiquer que ma façon de voir diffèredu moins partiellement de la sienne, puisqu'il
semble estimer que, malgré les différencesqu'il a lui-mêmecontribuéettre en
évidenceentre deux hypothèses nettement distinctesd'action de la part d'un Etat tiers
par rapport àun procèsencoursentre deuxautresEtats, cesdeuxhypothèsespourraient
néanmoinsêtreencore rattachées toutesles deuàl'institution de l'intervention, lato
sensudu moins. Quant àmoi,je penseplutôt qu'iln'yadans lesprévisionsde l'article62
qu'une seule hypothèse d'intervention proprementdite et pouvant êtreprise comme
telleen considérationà titre d'incident de procédure.A mon avis, une requête comme
cellequi avait avancéeen1973par Fidji, commel'adéclaréàl'époqueM. Gros, <ne
pouvait à aucun titre êtreconsidérée comme unedemande d'interventio))et était
plutôt une manifestation del'intention d'introduire par une voiedétournéeuneinstance
principale contre la France, instance parallèleà celle de l'Australie et de la Nouvelle-
Zélande. case which was veryrecent '.Their main concern, and a laudable one, can
onlyhave been to laydown ruleswhich,primarily, wouldbe appropriate to
protect the institution of intervention, properly so called, from possible
misuse, since there had clearly been misuse in the case in question, and
there was a danger of the same happening again in the future. Thus, in
paragraph 2 of Article 81, alongside the requirement laid on the State
seeking to intemene to describe the interest of a legal nature which it
considers may be affected by the decision in the case (subpara. (a)),there
was added the further requirement indicating the precise object of the
intervention (subpara. (b)). If this was done, it was clearly in order to
ensure that the intention of the State seeking to intervene was genuinely

solelytoprotect the alleged interest against anyinfringement which might
result from the decision in the case between the main parties, and not to
introduce, as an apparent intervention but infact on aquite different basis,
freshdistinct proceedings against oneor other of the parties to the case in
progress, or against both. Then insubparagraph (c),itwasrequired that the
State seeking to intervene should mention also any basis of jurisdiction
which it claimed to exist as between itself and the parties to the case in
progress. This again was done in order to avoid the State in question
endeavouring to introduce, by means, as 1have said, of a mere purported
intervention in the case in progress between other States, a new and
distinct case, which that State, in the absence of a pre-established juris-

dictionallink with the State against whichit was brought, would be unable
to submit to the Court, whether entirely independently or by associating
itselfwith parallel proceedings brought by another State,namelybyacting
in the same interest (faisant cause commune) with that State.
6. To sumup, the purpose and theeffect ofthe reformintroduced in this
area in the revised Rules of Court of 1978were,in my view,theprotection
of the institution of intervention, properly so called against any effort to
exploit it for other purposes. However, this was its sole purpose, and it
could have no other effect.
Thus, whilewelcomingthesafeguards thus provided, one must above al1
not be misledwith regard to provisions adopted to achievea certain result,
provisions having the advantage of avoiding in future the difficulties

1984.However,as for the conclusions whichhe drew,shouldmake it clear that my viewJanuary
differs from his, at least to some extent, since he appears to hold the viewthat, despite
the differences which hehas himself helped to bring out between the twoclearlydistinct
hypotheses of action on the part of a third State in relation to proceedings in progress
between two other States, those two hypotheses might nevertheless still both be related
tothe institution ofintervention, at leastintervention latosensu.Myownview,is,rather,
called, and capable of being taken into account as such as a procedural incident. In my
opinion, an application like that submittedin 1973by Fiji, as Judge Gros stated at the
time "could not in any way be regarded as a request tobe permitted to intervene" and
was rather the manifestation of an intention to begin main proceedings against France
by the back door, in parallel to those brought by Australia and New Zealand. 118 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

difficultésque la requête présentép ear Fidji avait provoquées,et ayant
aussi en définitive le mérite de favoriser, pourvu qu'on les interprète
correctement, l'établissement d'unedistinctionplus netteentre cequipeut
êtreadmis à titred'intervention et cequi nepeut pas l'être. e qu'ilfaut par

contre absolument éviter,c'estde voir dans l'adoption de cesprescriptions
une modification substantielle de l'institution mêmede l'intervention telle
qu'elle estprévuepar leStatut - modification quiaurait manifestementété
irréalisableparla voiepurement réglementaire - ou mêmeune prétendue
<interprétation de la règlestatutaire qui en aurait en réalité changé la
portée. Parlàj'entends surtout dire qu'ilétait certainement aviséde faire
en sorte que le nouveau texte exigede l'Etat manifestant l'intention d'être
admis à effectuer une intervention qu'il fournisse au préalable à la Cour

toutes les informations qui pourraient lui êtrenécessairespour clarifier la
situation réelledans toutes les hypothèses possibles.Il fallait éviterque la
Cour ne soit prise au dépourvupar l'action d'un Etat qui essaierait de se
fonder sur l'article62du Statut pour soumettre en réalitéà lajuridiction de
laCour, sansen avoirlafaculté,une affairenouvelleetdistincte de l'affaire
déjàportéedevant elle. Il étaitcorrect d'estimer que, dans un cas de ce
genre,larecevabilitédela demande de l'Etat exigerait avant tout - et toute
autre condition mise àpart - l'existence préalable,à la lumière de l'ar-

ticle 36du Statut,d'un lien dejuridiction valable entrel'Etat enquestionet
celui ou ceux contre qui la nouvelle instance serait dirigée. Maisil aurait
par contreétéinadmissible de vouloir étendrecette exigenceaux cas dans
lesquels l'onne serait ni dans lesformes ni dans lesfaits en présence d'une
requête introductive d'unenouvelle instance, àsavoir aux cas de requêtes
enadmissiond'intervention proprementdits oùla demande de l'Etat serait
rigoureusement contenue dans le cadre qui est le sien - celui d'une pro-
cédure purement incidente.

7. Je regrette de devoir constater l'étendueque prennent ces considé-
rations de principe, mais j'estime qu'il faut encore pousser plus avant
l'analyse à propos du point que je viens de mentionner si l'on veutêtre à
mêmede situerlecas d'espècedans sa perspective propre. Comme la Cour
l'arappelédans sonarrêtdu 13juin 1951relatif à l'affaireHaya dela Torre
(C.I.J. Recueil 1951,p. 70), (toute intervention est un incident de procé-
dure O,à savoir un incident se produisant pendant le déroulementde la
procédure sur une instance encours et à propos de laquelle la compétence

de la Cour est hors de doute. Cette définition de l'intervention comme
incident de procédure constitue la raison pour laquelle les articles 62et 63
du Statut, relatifsà l'intervention, setrouvent insérésdans le chapitre III
dont le titre est<<Procédure ))'.

mon avis, que l'institution de l'intervention reste, comme il se doit, une institution
unique,dont on envisageseulementdeuxhypothèsesdistinctes. Cette constatation serait
elleaussi susceptible d'amener àdes conclusions touchant aux problèmes examinésici.
Toutefois, commel'arrêtadoptépar la majoritén'apas pris en considération cet aspect,
je m'abstiens égalementde le faire pour ne pas alourdir davantage les proportions de
cette opinion.

119 caused by the application submitted by Fiji, andfurther having ultimately
the merit of making it easier, provided they are properly interpreted, to
make a clearer distinction between what may be admitted by way of
intervention and what may not. What it isabsolutely necessary to avoid, on
theother hand, is treating the adoption of theseprovisions asa substantial
modification of the actual institution of intervention as contemplated by
the Statute - amodification which clearlycould not be effected simply by
means of rules - or even as a supposed "interpretation" of the statutory

rule which would have the actual effect of changing its scope. By this 1
mean in particular that it was certainly prudent that the new text should
require that a State showing an intention to be permitted to intervene
should first supply the Court with al1information which rnight, on any
hypothesis, be necessaryforitby wayofclarification of the trueposition. It
was necessary to prevent the Court being taken unawares by a State
endeavouring to make use of Article 62 of the Statute in order in fact to
submitafresh caseto the Court'sjurisdiction, without having the power to
do so, a case distinct from that already brought before it. It was right to
hold that in a case of this kind, the admissibility of the application of that

State would require - first and foremost, and apart from any other con-
dition - the prior existence, in the light of Article 36 of the Statute, of a
valid jurisdictional link between the State in question and the State or
States against whch the new proceedings would be brought. However, on
the other hand, it would have been inadmissible to seek to extend this
requirement to cases where there is no application introducing fresh pro-
ceedings, whether formally or as a matter of fact, namely to cases of
applications to interveneproperly so called,in which the claim of the State
would be strictly contained within its proper context, - that of purely
incidental proceedings.
7. 1 regret that it should be necessary to deal with these matters of

principle at such length, but 1think the examination of the point whch 1
havejust mentioned must be pursued still further if we wish to place the
presentcase inits true perspective. As the Court recalledinits Judgment of
13June 1951in the Haya de la Torrecase, "everyintervention isincidental
to the proceedings in acase" (1C..J.Reports 1951,p. 70),that is to say,it is
an incident arising during the progress of the proceedings on a case in
progress and with regard to which thejurisdiction of the Court is beyond
doubt. Thisdefinition ofintervention asaprocedural incident isthereason
why Articles 62 and 63 of the Statute, concerning intervention, are
included in Chapter III, entitled "Procedure" '.

' It is in my opinion beyond doubt that, although it is the subject of two successive
articles, theinstitution of intervention is none theless,as it should be,a singleinstitution,
two distinct hypotheses of which are provided for. This remark might itself lead to
majorityJudgment did not deal with thisaspect, 1shalllikewiserefrain from doingso, to
avoid burdening this opinion with excessive detail. 8. Le classement de l'intervention dans le cadre des procédures inci-
dentes me paraît êtreune constatation essentielle dont l'effet ne peut être
aue déterminant.
Je prendrai comme point dedépart de mon raisonnementl'article 36du

Statut.Cette dispositionfondamentale du système indique les conditions
nécessairespour que la Cour ait compétencepour statuer sur une affaire
portée devant elle sur un différendjuridique soumis à son examen et àsa
décision.Cesconditions - personne ne songe à lecontester - sebasent sur
le critère fondamental du caractère consensuel de lajuridiction interna-
tionale. Le consentement qui doit se trouver à leur origine peut êtreun
consentement exprimépar rapport à un différendspécifiquementdéter-

miné ; il peut avoir été donné préalablement par rapport à une série
indéterminéed'hypothèses ;il peut d'autre part résulter d'unedisposition
spécialede la Charte des Nations Unies dont, en vertu de son article 92,le
Statut de la Cour fait partie intégrante, ou encore découlerd'une clause
d'un traitéou d'une convention en vigueur '.
9. Or,ce qui meparaît essentiel dupoint de vue qui nous intéresse,c'est
que les conditions définies à l'article 36 sont celles qui sont requises pour

pouvoir soumettre à la décisionde la Cour une affaire déterminée,pour
pouvoir introduire à son sujet une procédure contentieuse nouvelle et
principale. Mais il ne s'agitpoint deconditionsdevantêtre remplies pour
que l'on puisse engager une procédure incidente en relation avec une
affaire déjà en cours et à propos de laquelle la compétence à statuer se
trouve déjà établie. Une fois que l'on se trouve en présence de cette
situation nécessairement préalable,les dispositionsdu Statut concernant

le déroulement du procès, les éventuelsincidents de procédure et les
procéduresincidentes qu'ilsprovoquent, les effets dujugement, son inter-
prétation éventuelle, etc., s'appliquent automatiquement. Et l'Etat tiers
qui entendrait seprévaloirde l'une decesdispositions n'apasbesoin,pour
qu'illuisoit permis delefaire,d'obtenir un actedeconsentement spécialde
lapart desparties au procèsprincipal,ni la Cour de s'assurerde l'existence
d'un titrespécialde compétence 2.

A ce sujet,je tiens à rappeler que la convention de Vienne sur le droit des traités
contient précisémentune clause attribuant à la Cour internationale de Justice la com-
pétencedejuger d'unecatégoriede différendsportant sur un objet particulier que l'une
des parties à ce différend lui soumettrait.
* M. Virally, dans son exposé orald26 janvier 1984, a eu raison de relever que
l'affirmation selon laquelle l'existen<(droit à interven)serait subordonnéeà
d'autres conditions que celles qui sont définiesà l'article 62 est une pure pétition de
principe qui ne trouve aucune base dans lestermes de cet article. DeM.oConti,,
dans son exposéoral du 25janvier 1984,a justement soulignéque :
<(Accepter lajuridiction de laCour équivautdonc nécessairementàaccepter que
cette juridiction soit exercéeen conformité avectoutes les dis~ositions du Statut.
~utrement dit, la juridiction de la Cour ne peut êtreaccepté; qu'avec toutes les
caractéristiquesqui lui sont conféréespar les dispositions du Statut et qui ne sont
pas àla simpledisponibilité desparties. Ellene peut doncêtreacceptéequ'avec sa

120 8. The classification of intervention as a procedural incident seems to
me a crucial point which is bound to have a decisive effect.

1shalltakeas the starting point ofmyargumentArticle 36of the Statute.

This basic provision of the system sets out the conditions which are
requiredin order that the Court rnay havejurisdiction to decide on a case
brought before it relating to a legal dispute which is submitted for its
consideration and decision. These conditions, as nobody will deny, are
based on the fundamental criterion of the consensual nature of interna-
tionaljurisdiction. The consent on which they must be based rnay be a
consent expressedin relation toa specificallyidentifieddispute ;it rnaybe
aprior consent givenin relation to an undefined seriesof eventualities ;or

again, it rnay arise from a special provision of the Charter of the United
Nations, of which the Statute of the Court, under Article 92, forms an
integral part ; or from a clause of a treaty or convention in force l.

9. It seems to me that the essential point for Ourpurposes is that the
conditions set out inArticle 36are those which are requiredin order that a
given case rnay be submitted for the Court's decision, and in order to

introduce a newcontentious main proceeding in that respect. But these are
not conditions which have to be fulfilled in order that incidental proceed-
ings rnay be started in connection with a case already pending, and for
which jurisdiction to decide has already been established. Given this
situation, which is inevitably a preliminary one, the provisions in the
Statute relating to the procedural development of the case, any incidental
points and theincidentalproceedings to which they giverise, the effects of
the Judgment, the possibility of interpretation of it, etc., automatically

apply.And a third State whichintends to relyupon one of theseprovisions
had no need, in order to be permitted to do so, to obtain a special act of
consent on the part of theparties to themain case,nor does theCourt have
to verify that there is a special title of jurisdiction *.

'In thisconnection, 1should like to recall that the Vienna Convention on the Lawof
Treatiescontains aclauseconferringjunsdiction on the InternationalCourt ofJustice to
give a decision on a class of disputes relating to a specific subject which rnay be
submIn his oral statement of6January 1984,Mr. Virallywasnght to point out that the
statement to the effect that the existenceof the "right to intervene" was subject to other
conditions than those set out in Articl62 is a pure theory, unsubstantiated by the
wording of the article itself. For his part, Mr. Conti, in his oral stat25January
1984,correctly emphasized that :
"To accept thejunsdiction of the Court is therefore necessarily equivalent to
acce~tinethat thisiunsdiction be exercisedin conformitv with al1the ~rovisionsof
the StatGe. In other words, thejurisdiction of the ~ourtian only be âccepted with
al1the charactenstics conferred upon it by the provisions of the Statute, provisions
which are not at the mere disposa1of the Parties. It can therefore be accepted only

120 Seréférantspécialement à l'intervention, lesconseilsqui ont plaidépour
l'Italie ont aussi fait valoir que les articles 62et 63 confèrenteux-mêmes à
la Cour un (<titre de compétence suffisant )pour connaître de cet incident

de procédure.Pour ma part je vais plus loin etj'estime qu'il faudrait dire
plus nettement - j'insiste sur ce point- que, pour connaître de l'inter-
vention, la Cour n'a pas besoin qu'un titre spécialde compétencelui soit
fourni, mêmepar les articles en question. Elle est simplement tenue d'ob-
server les prescriptions qui gouvernent sa conduite dans les hypothèses
envisagées ; elle ne fait qu'agir sur la base de la compétencequi lui est
conféréepar rapport au procès principal et exercer dans ce cadre ses
fonctions telles qu'ellessont prévuespar le Statut. D'ailleurs celaest vrai

aussi, et on l'a relevé,pour d'autres exemples de procédures incidentes,
comme celles qui concernent l'indication de mesures conservatoires (ar-
ticle 41 du Statut) ou la revision de l'arrêtà la suite de la découverted'un
fait nouveau (ibid art, 61).
10. Cela dit,je m'empressede réitérer l'observationquej'ai déjà faite, à
savoirquelesconclusionsformuléesicivalentpour autant que, dans un cas
d'espècedéterminé, l'intervention qu'uE ntat tiers demande àfaire soitune

<(véritable intervention qui s'inscrive etreste comme telle dans lecadre
dela procédureincidente. Sipar contre cette demande se veut carrément
autre chose, si, à supposer mêmequ'on lui donnéeles apparences d'une
intervention dans une affaire principale donnée, elleréponden réalité à
l'intention évidented'introduire une nouvelle affaire principale distincte
devant nécessairementfaire l'objet d'uneprocédurecontentieusedistincte

et autonome, il est évident qu'ellen'a pas sa source dans le domaine de la
procédureincidente. L'existencepour la Cour d'un titre distinct et appro-
prié,fondésur l'article 36, s'avérerait alors indispensable.
11. Mais - et de là je passe finalement à l'application des principes
ci-dessus énoncésau cas qui nous préoccupe - j'estime que l'hypothèse
théorique formuléeen dernier lieu n'a absolument aucun rapport avec la
demandeitalienned'intervention dans leprocès en coursentre la Libye et
Malte pour la délimitation de leurs parties respectives de plateau conti-

nental.
Lecas de la prétenduedemande d'intervention de Fidji par rapport aux
affaires des Essais nucléairesapu êtreconsidéré à juste titre commeun cas
typique d'utilisation abusive de l'institution, d'une << non-intervention
présentée comme intervention, enfait commeune tentative manifeste pour
introduire devant la Cour une instance entièrement nouvelleet principale

caractéristique essentiellequi est d'êtreune juridiction ouverte, à des conditions
déterminées, auxEtats tiers, et plus précisémentà ces Etats qui sont titulaires
d'intérêtsimpliquédsans l'affaireet susceptibles d'êtreaffectésparla décisiondela
Cour. >)
Il en a tiréla conséquenceque :

La compétencede la Cour en matière d'intervention n'estdonc qu'une pro-
jection de la compétencequi lui appartient sur la base des actes visésàl'article 36
du Statut quant au différend princip>). With regard in particular to intervention, counsel for Italy have also
asserted that Articles 62 and 63 themselves confer upon the Court "a
sufficient title ofjurisdiction" todeal with thisprocedural incident. For my
ownpart, 1wouldgofurther ;1think it should be stated moreclearly - and
1stress this point - that, in order to deal with an intervention, the Court

does not need to be provided with a special title ofjurisdiction, evenby the
articlesin question. It ismerelybound to observethe ruleswhichgovernits
conduct in the supposed circumstances ;al1it does is to act on the basis of
thejurisdiction conferred upon it in connection with the main case, exer-
cisingin thiscontext its functionsas laid down in the Statute. Moreover, as
has been observed, ths is also true for other examples of incidental pro-
ceedings, such as those concerning the indication of provisional measures
(Article 41 of the Statute) or the revision of the judgment following the
discovery of some new fact (ibid A.rt. 61).

10. That said, 1hasten to repeat the observation which 1have already
made, namely that the conclusions 1have setout here are valid in sofar as,
in a specific case, the intervention sought by a third State is a "genuine
intervention", which is, as such, made and maintained within the frame-
work of theincidental proceedings. If, on the otherhand, such application
isentirely differently conceived,and if,evensupposing that it isdressed up
asan intervention in agivenmain case,it in factbetrays a clearintention of
introducing a new and separate main case whch must of necessity be the

subject of separate and independent contentious proceedings, it is clear it
does not originate within the scope of the incidental proceedings. In that
eventit wouldbe essential for theCourt to possessan appropriate separate
title of jurisdiction, based on Article 36.
11. But - and here 1come finally to the application of the principles
described above to the case before us - 1take the viewthat the theoretical
examplewhich1havejust referred tohas absolutely noconnection with the
Italian application for permission to intervene in the proceedings pending

between Libya and Malta concerningdelimitation of their respective por-
tions of continental shelf.
The caseof thepurported applicationby Fijifor permission to intervene
in connection with the Nuclear Testscases was rightly felt to be a typical
instance of misuse of the institution of intervention, a "non-intervention"
put forward as an intervention, whch in fact was an obvious attempt to
introduce before the Court a completely newmain case against one of the

with its essential characteristic of being ajurisdiction open,under certain circum-
stances, to third States, and more precisely those States which are possessors of
interests implicated in the case and capable of being affected by the Court's
decision."
He went on to conclude that

of thejurisdiction which belongs toit,on the basis of one of the acts contemplated
by Article 36 of the Statute, in regard to the main dispute".contre l'une des parties à d'autres procès, parallèle aux instances intro-
duites par d'autres parties, et cela sans que les conditions soient réunies
pour le faire. Par contre, je suis et je reste convaincu que la demande
actuelle de l'Italie cadrait exactement aveclesprévisionsde l'article62et y
entrait presque comme dans un vêtementtaillésur mesure. Cette demande
me paraît pouvoir être considérée comme un exemple type d'a interven-
tion ))en tant que procédure incidente.
12. En effet, l'objet de cette demande, déjà énoncéet défini dans la
requête,a été précisé àsatiétépar les porte-parole de l'Italie au cours des
audiences.
Tout d'abord l'agent, M. Gaja, a tenu à souligner dans son exposéoral
du 25janvier 1984(matin) :

a) que la demande italienne ne cherchait en aucune manière à modifier,
élargirou remettre en question le compromis entre la Libye et Malte,
sur lequel se fonde le différend qui est soumis à la Cour ;
b) que l'Italie ne demandait nullement à la Cour de procéder à une déli-
mitation entre elle et la Libye ou entre elle et Malte;et

c) que l'Italiene demandait nullement àlaCour de prendre unedécision à
l'égarddes zones dans lesquelles cet Etat estimait avoir des intérêts
d'ordre juridique.
Par la suite le coagent, M. Monaco, a pris précisément commepoint de
départde son exposéla réaffirmation qu'une requête àfin d'intervention
ne revêtson caractère incident que si elle a traitàce qui est l'objet de

l'instance en cours. Ayant donc repris et préciséultérieurementles points
déjàénoncép sar l'agent,ils'estsouciédemettre avant tout enévidenceque
leGouvernementitalienne seproposait nidemodifierl'objet del'instance
actuellement pendante devant la Cour, ni et encore moins d'instituer
devant celle-ciuneinstancedistincte de cellequ'avaient engagéelesParties
principales. Il ne s'agissait nullement d'introduire en fait, sous couvert
d'intervention, un procèsentre l'Italie et Malte et entre l'Italie et la Libye,
parallèleà celuiquiétait déjàen cours entre lesdeuxpays, ou de provoquer
la transformation de ceprocèsbilatéralen un procèstripartite. Reprenant
au négatif lestermes mêmesdu compromis m-alto-libyen,il a spécifié lui
aussiquel'Italie ne demandait en aucunemanière àla Cour de procéder à
une délimitationentre les zones de plateau continental relevant de l'Italie

et les zones relevant respectivement de Malte et de la Libye, ni d'indiquer
les principes selon lesquels une telle délimitation devrait s'effectuer.
Ayantainsidébarrassélechamp de tout cequin'était pascenséyrentrer,
lecoagentitalien s'enest rapporté à la démonstration faite auparavant, et
amplement par M. Arangio-Ruiz, de l'existence dans la Méditerranée
centrale d'un certain nombre de zones de plateau continental concernées
par ladélimitationdontla Courdevait s'occuperauxtermes du compromis
malto-libyen,où l'onconstatait non seulement un chevauchement des pré-
tentions de Malte et de la Libye mais aussi un chevauchement des pré-
tentions de cesdeux Etats et de l'Italie. M. Monaco a donc précisé,t cette
fois-ciau positif,l'objet de l'intervention demandéepar l'Italiàsavoir laparties to other proceedings,inparallel with the casesintroduced by other
parties, and without the necessary conditions being met. On the other
hand, 1 am and remain convinced that the current application by Italy
tallied exactlywith thespecifications of Article 62,which might have been

tailor-made for it. This application may in my opinion be regarded as a
typical example of "intervention" as an incidental proceeding.

12. The object of this application, already stated and defined in the
Applicationitself, was spelled outto the utmost by counsel for Italy in the
course of the hearings.
First, the agent, Mr. Gaja, emphasized during his oral statement on 25
January 1984(morning) :

(a) that the Italian application wasin no wayseekingto modify, extend or
put at issuethe SpecialAgreementbetween Libyaand Malta, on which
the dispute subrnitted to the Court is based ;
(b) that Italy was in no way asking the Court to proceed to a delimitation
between itself and Libya, or between itself and Malta ; and
(c) that Italy wasin noway asking theCourt to take a decisionwith regard
to the areas in which Italy considered itself to possess interests of a
legal nature.

Subsequentlythe CO-Agent,Mr. Monaco, re-asserted at the outset of his
statement that an application for permission to interveneonly acquiresits
incidenc taaracter ifit isrelated to thesubject-matter of thepending case.
Having thus reiterated and further elucidated thepoints already stated by
theAgent, his main concern was to show that the Italian Government did
not intend to alter the subject-matter of the case currentlypending before
the Court ;still lessdid it intend to institute before the Court proceedings
distinctfrom those instituted by themain Parties. In no way wasit seeking
to introduce, under the guise of an intervention, a case between Italy and
Malta and between Italy and Libya, in parallel with the case already in
progress between the two countries, or to changethisbilateral process into
a tripartite one. Recalling, in the negative, the terms of the Malta/Libya
SpecialAgreement,he too made clear that Italy was in no way asking the
Court to proceed to a delimitation between the areas of continental shelf
appertaining to Italy and the areas appertaining respectively to Malta and

Libya, or to state theprinciples accordingto which sucha delimitation was
to be carried out.
Having thus cleared the fieldofeverythingdeemedirrelevant,the Italian
CO-Agentreferred to the existence, already amply demonstrated by Mr.
Arangio-Ruiz, among others, in the central Mediterranean of a certain
number of areas of continental shelf affected by the delimitation with
which the Court was to deal under the SpecialAgreement between Malta
and Libya,and in which there was an overlapnot only between the claims
of Malta and Libya, but also betw-eenthe claims of these two States and
Italy.Mr. Monaco then explained, this time inpositiveterms,theobject of
the intervention sought by Italy, namely the protection of interests of aprotection des intérêts d'ordrejuridiqueque l'Italie estimait avoir dans la
région où Malte et la Libye recherchaient la délimitation de leurs zones

respectives,et ceci dans les limites strictes d'une procédure d'intervention
proprement dite.
Par la suite encore M. Virally est revenu sur ces aspects (le 26janvier
1984) et les a surtout résumésdans sa réplique finale. L'intervention
italienne, a-t-il déclaré,est greffeurune affaire pendante devant la Cour
entre deux autres Etats. Elle ne se conçoit pas sans l'existence de cette
affaire et autrement que comme intervention, c'est-à-dire comme procé-
dure incidente. Elle porte exclusivement sur l'objet de cette affaire telle
qu'elle a étésoumise a la Cour par les Parties principales. En d'autres
termes, a-t-il conclu, l'intervention italienne, telle qu'elle seprésente, ne
concerne pas, et ne peut pas concerner un différend autonome auquel
l'Italie serait partie.

13. Sij'ai étéobligéde me référer aussi largement à la manièredont la
demande italienne a étéprésentéedevant la Cour, c'est qu'à mon avisil
était essentielquela demandeitalienne fût comprise pour cequ'elleétaitet
non pas pour ce qu'elle n'était sûrement pas.
Telle queje vois la situation sur la base de tous les élémentsdont nous
avons pu disposer, attentivement réexaminés, il me semblehors de doute
que le gouvernement qui demandait a intervenir entendait que la mission
confiée àla Courpar lecompromis malto-libyen ne changeabsolumentpas
denature à la suitede son intervention, une foiscelle-ciadmise.Les Etatsà
l'égarddesquels la Cour serait censée remplir cette mission resteraient
toujours lesdeux mêmes ;la délimitationà effectuersous lesauspices de la
Cour, d'après les critères et dans les limites qu'elle indiquerait, serait
toujours et uniquement la délimitation des zones respectivesde plateau

continental entre La Libye et Malte. Point n'était besoin d'yajouter une
délimitationde zonesreconnues comme appartenant àl'Italie. Ce pays ne
demandait pas qu'on lui reconnaisse desdroits, mais uniquement que l'on
prenne note du fait qu'il estimait en avoir.
14. Yen conclus donc que l'Italie, si j'ai bien compris sa démarche,
demandait àêtreprésentea l'opération qui acommencé à se dérouler en
exécutiondu compromis malto-libyen, afin d'être à même,avant que la
Cour ne s'acquitte définitivementde sa tâche :

a) de signaler- d'unemanièrenon seulementplus précise,mais aussiplus
documentéequ'on ne luia permis de lefairejusqu'ici, vu le refus de lui

communiquer lespiècesdelaprocédureécritequilui aété opposé - que,
sur certaines des zones du plateau continental dela Méditerranéecen-
trale susceptibles d'êtrprises enconsidérationparla Libyeetpar Malte
aux fins de la délimitationa effectuer entre ces deux Etats, il existedes
intérêts d'ordre juridiquede l'Italie, et lesquel;

b)d'indiquer l'étenduede sesrevendications ainsi quelesbases de droitsur
lesquellesl'Italielesétaie,maiscecidans leseulbut d'enfaire ressortir lelegalnature which Italy considered itself to possess in the region in which
Malta and Libya wereseeking a delimitation of their respective areas, this
being within the strict limits of an intervention procedure properly so
called.
Subsequently, Mr. Virally again returned to these points (26 January
1984),and in particular he summarized them in his final reply. He stated
that the Italian intervention was grafted on to a case in progress before the
Court between two other States. Without the pnor existence of that case,
and other than as an intervention, namely as an incidental proceeding, it
could not haveoccurred. It related exclusivelyto the subject-matter of the
case subrnitted to the Court by the main Parties. In other words, he
concluded, the Italian intervention, in the form in which it was presented

did not, and could not,relate to a distinct dispute to which Italy wouldbe a
Party.
13. The reason why1havebeen obliged to refer at suchlength to the way
inwhich theItalian application was expounded before the Court is that, to
my mind, it was essential that this application should be understood for
what it was, and not for what it surely was not.
The situation as 1seeit, on the basis of al1thefacts before us and after
due reconsideration, is that, without a doubt, the intention of the Gov-
ernment seeking to intervene was that the nature of the task entrusted to
the Court by the Maltese/Libyan SpecialAgreement should remain totally
unchanged by its intervention should intervention be permitted. The
States in respect of which the Court was to discharge that task would
remain the same two States ;the delimitation to be carried out under the
auspices of the Court, according tothe criteria and within the limits setby

the Court, wouldremain none other than thedelimitation of the respective
areas of the continental shelfbetween Libya and Malta. There would beno
need to add to this adelimitation of areas foundto appertain to Italy.Italy
was not seeking to have its nghts recognized, but solely to have the fact
noted that it considered itself to possess such rights.
14. Thus 1conclude that Italy, assurning1havecorrectly understood its
approach, was seelung to be present at the operation whch has begun to
take place in implementation of the SpecialAgreement between Malta and
Libya, in order that, before the Court had finally completed its task, it
might be in a position :

(a) to point out - both with greater accuracy and with more supporting
material than it has been allowed to submit sofar, given the refusal to

communicate the pleadings to Italy - that in some of the areas of
continental shelf of the central Mediterranean which may be taken
into consideration by Libya and by Malta for the purposes of the
delimitation to be carried out between those two States, Italy pos-
sesses interests of a legal nature, and to state what those interests
are ;
(b) to indicate the extent of its claims and the legal foundations on which
Italy bases them, with the sole purpose, however, of demonstrating sérieuxet certes pas d'obtenir une reconnaissance définitive par la
Cour ;et
c) d'éviter que,la Cour n'étantpas dûment renseignée surces différents
sujets, sa décisiondans leprocèsprincipal ne puissepréjugerdes droits
que l'Italiepourrait légitimementfaire valoir à d'autres occasions ;plus
spécifiquementd'éviterque,par lesindications quela Cour donnera aux
Parties aux fins de la délimitation entre elles des zones de plateau
continental relevant respectivement de Malte et de la Libye, l'on
empiètesur les zones où lesprétentions deces deux pays s'entremêlent

avec des prétentions de l'Italie, ces zones devant donc, de l'avis de ce
pays, êtreréservées pour d'autres délimitations.

Mais attention, etje m'excusesije semblemerépéter surun point qui me
parait essentiel:nulle part ilne m'apparaît que l'Italieait demandéque les
droits qu'elleestime avoir soient actuellement reconnuspar la Cour comme
fondés.Il me semble résulter incontestablement de toute la présentation
de sa thèse que, d'après ce pays, ce ne sera que plus tard, après que la
délimitation entre la Libye et Malte aura été effectuée selonles critères
fixés par la Cour et sera entréedans le domaine public, que l'Italie s'ef-
forcera de parvenir, pour la partie du plateau continental concernée qui

sera restéeen dehors de la délimitation en question, à la délimitation
ultérieuredeszones quidevront êtreconsidéréec somme relevant d'elleou
relevant de la Libye et de Malte, et ceci soit par voie de négociation et
d'accord, soit par voie d'arbitrage ou de décisionpar la Cour.
15. Au vu de ces conclusions, l'oncomprendra queje ne peux vraiment
pas souscrire au raisonnement qui figure au paragraphe 29 de l'arrêt.

Ceraisonnement part en effetexplicitement de la reconnaissancedufait
que l'Italie déclare n'introduire devant la Cour aucun différend distinct

l'opposant à l'une ou à l'autre des deux Parties principales et qu'elle ne
demande à la Cour nide délimiterleszonesduplateau continentalrelevant
de l'Italie ni de dire dans sa décision quelssont les principes et règlesde
droit international applicablesà une telledélimitation.LaCournemanque
pas de relever aussique (normalement,la portée desdécisionsde la Cour
est définiepar les prétentions ou conclusionsdes parties ))et que

dans lecas d'uneintervention, c'estdonc par rapport à la définition
de l'intérêdt'ordrejuridique et de l'objet indiquépar 1'Etatdeman-
dant à intervenir que la Cour devrait juger si l'intervention peut ou
non êtreadmise ».

Cependant, enrappelant unpassage d'une précédente décisionoùilétait
dit que <<c'està la Cour qu'il appartient de s'assurer du but et de l'objet
véritablesde la demande )),elle relèveque <(dans le cas de la présente

requête à fin d'intervention, la Cour doit ... tenir compte de toutes ces
circonstances >(ensemble de la requête, argumentsdéveloppésdevant la
Courpar ledemandeur, échangesdiplomatiques) (<en mêmetemps que de that those claims deserve to be taken seriously, and certainly not of
obtaining a definitiverecognition of them by the Court ;
(c) to ensure that the Court's decision in the main case should not, for
want ofadequate information on thesevarious matters,prejudgerights
which Italy might legitimately assert in other contexts ; and more
specificallyto ensure that,in theindications to be givenby the Court to

the Parties for the purposes of the delimitation between them of the
areas of continental shelf "appertaining" respectively to Malta and
Libya,there be no encroachmentupon areas where the claims of those
twocountries areinterrningled withclaims of Italy, sincethese areas,in
the opinion of the latter country, should be reserved for other delimi-
tations.

Here one must be careful, and 1 apologize if 1 seem to be repeating
myself,ona point which seemstome essential :nowhere, asit seemstome,
has Italyrequestedthat therights whichit considers itself topossess should
be recognizedby the Court at present. It seemsto me to followunarguably
from the wayin whichits wholecasewaspresented that Italy is saying that
only later, and once the delimitation between Libya and Malta has been
carried out according to the criteria set by the Court and madepublic, will
Italy seek,in respect of that portion of the continental shelf at issue which
remains outside the delimitation, to obtain a subsequent delimitation of
the areas whch may have to be treated as appertaining to itself or apper-
taining to Libya and Malta, whether by means of negotiation and agree-
ment, or by means of arbitration or a decision by the Court.
15. In the light of these conclusions, it will be clear that 1 am quite

unable to endorse the argument contained in paragraph 29 of the Judg-
ment.
That argument begins, in fact, by expressly admitting that Italy States
that it is not introducing before the Court any distinct dispute between
itself and one or other of the twomain Parties, and that it isnot requesting
the Court either to delimit those areas of continental shelf appertaining to
Italy, nor to state in its decision the principles and rules of international
law whch apply to such a delimitation. The Court duly points out that
"Normally, thescope of a decision of the Court is defined by the claims or
submissions of the parties before it" and that

"in the case of an intervention it is thus by reference to the definition
of its interest of a legal nature and the object indicated by the State
seeking to intervene that the Court shouldjudge whether or not the
intervention is admissible".

However,recalling apassage from a previous decision whch stated that
"the Court must ascertain the true object and purpose of the claim", it
points out that "in the case of the present application for permission to
intervene,the Court must take al1these circumstances into account" (the
application asawhole,thearguments of theapplicantbeforethe Court, the
diplomatic exchanges) "as well as the nature of the subject-matter of 124 PLATEAU CONTINENTA (OP. DISS. AGO)

la nature de l'objet de l'instance introduite par la Libye et Malte ))et en
arrive directement àla conclusion quelque peu surprenante que :

«si,sur leplan formel,l'Italieluidemandedesauvegarder ses droits,sa
requête apour effetpratique inéluctable d'invitelra Coura reconnaître
ceux-ci et,pour cefaire, a statuer au moinspartiellementsur lesdiffé-
rendsentrel'Italieetl'une desParties ou lesdeux »(lesitaliques sont de
moi).

Par ce biais, donc, ce qui semblait avoir toutes les caractéristiquesd'une
intervention au sens strict du terme, et que la Partie intéresséeavait sans
doute conçu comme telle, se trouve d'un coup transformé - un peu rapi-
dement, on lereconnaîtra - en tout autre chose. En définitive, elledevient

ni plus ni moins une demande à statuer sur des différendsentre l'Italie et
Malte et entre l'Italie et la Libye, différends qu'elle introduirait ainsi
devant la Cour sans qu'il y ait naturellement entre ces parties la base
consensuelle nécessaire.
16. Alasuite de cela,lamajoritécontinue auparagraphe 33 àconsidérer
commeun (fait )que l'Italie aurait demandé àla Cour de (<seprononcer
sur ses droits o.Pour confirmer cette assertion, elle croit pouvoir citer, à

défautde mieux, certains passages des plaidoiries des conseils de l'Italie.
Mais làserévèle , mon avis,l'équivoquequi est à labase de laposition que
je me permets de critiquer. Certes, dans lespassages dont il s'agit,on parle
de 1'0existence dedroitsde l'Italie )),on yfait valoir qu'ily a des zones où
l'Italieinvoquedesdroits à côtéde ceuxqu'invoquent la Libyeou Malte,et
on y suggèreque ces zones fassent à l'avenir <l'objet soit d'une délimita-
tion entre l'Italie et Malte, soit d'une délimitationentre l'Italie et la Libye,

soit le cas échéant d'unaccord de délimitation entre les trois pays D.

Mais l'on me semble oublier que le fait pour un Etat tiers d'affirmer
l'existenced'un droit propre (un intérêt d'ordre juridiquen'est pas autre
chose qu'un droit) dans un domaine faisant l'objet d'undifférendentre
deux autres Etats est l'essence mêmel,a raison d'êtrede l'institution de
l'intervention dans son sens le plus strict et le plus indiscutable. C'est

précisémentpour protégerles droits éventuelsdes tiers que cette institu-
tion a étéconçue et consacrée à l'article 62du Statut.

Dans lecas d'espèce,il n'estpas douteuxque l'Italie demande à la Cour
de ((protéger >),de <(sauvegarder ))les droits qu'elleprétendavoir sur des
zonesde plateau continental déterminées, ceca ifin d'éviter qu'ilne soient
affectéspar la décisionque la Cour doit prendre sur l'affaire malto-

libyenne. Jusque-là l'arrêtrendu par la majoriténe paraît trouver rien à
redire :sil'onenrestait là,à son avisaussi,ilmesemble,on serait bien dans
les limites d'une intervention (véritable )),ne nécessitantpas d'actes spé-
ciaux de consentement de la part desparties principales pour pouvoir être
acceptée. Maisl'Italie demande-t-elle davantage ? Au fait, par quoi la
<<protection requise peut-elle se traduire ? Evidemment les droits quetheproceedings instituted by Libya and Malta", and it proceeds directly to
the somewhat surprising conclusion that :

"While formally Italy requests the Court to safeguard its rights, it
appearstothe Courtthatthe unavoidablepracticaleffectof itsrequestis
thatthe Courtwillbecalledupontorecognizethoserights, and hence,for
thepurposeof being able to doso, to make afinding, ut leastinpart, on
disputes betweenItaly and one or both of the Parties." (Emphasis
added.)

Thus, by this means, something which appeared to have al1the charac-
teristics of an intervention in the strict sense of the term, and which the
Party concerned no doubt conceived of as such, is transformed at a stroke
- and somewhathastily, one must grant - into something quite different. It
becomes no more and no less than a request to decide on disputes between
Italy and Malta, and between Italy and Libya, which it would introduce
before the Court in this way, of course without the necessary consensual
basis between those Parties.
16. Subsequently, the majority judgment continues in paragraph 33 to
treat as a "fact" that Italy is requesting the Court to "make a finding as to

Italy'srights". To substantiate this assertion, thejudgment then seesfit to
quote, for lack of anything better, from certain passages in the oral argu-
ment of counsel for Italy. But here there merges, in my opinion, the
ambiguity at theheart of the position which 1venture to criticize. It is true
that, in the passages in question, reference is made to the "existence of
rights possessed by Italy" ;it is stated that there are areas in which Italy is
invoking rights in addition to those invoked by Libya and Malta, and it is
suggested that in future those areas may be "the subject either of delimi-
tation between Italy and Malta or of delimitation between Italy and Libya,
or of a delimitation agreement as between al1three countries".
However, 1feel it is being overlooked here that the fact of a third State
asserting the existence of a right of its own (an interest of a legal nature
being nothing other than a right) in a field constituting the subject-matter
of a dispute between two other States, is the very essenceand raison d'être
of the institution of intervention in its strictest and most uncontroversial
sense.It wasfor the verypurpose of protectingthepotential rights of third
parties that the institution was devised and enshrined in Article 62 of the

Statute.
In thepresent case, there isno doubtthat Italy isrequesting the Courtto
"protect", and to "safeguard" the rights which it claims to possess over
specific areas of continental shelf, in order to ensure that they are not
affectedby thedecision whichthe Court is to takein the Malta/Libya case.
Thus far, the majority Judgment does not differ from me ;it seems to me
that if one went no further, the majority itself would agree that one would
bewithin the limits ofa "genuine" intervention, requiring no specialacts of
consent on thepart of themainparties for it tobe accepted. But what more
is Italy asking? What exact form is the requisite "protection" to take ?
Clearly, the rights which Italy believes itself to possess would not be l'Italie croit avoir ne seraient pas sauvegardés,si, dans la décisiondu
procèsprincipal, l'onnesesouciaitnullementdesrevendicationsitaliennes
et si par suite les zones auxquelles ces revendications se rapporteraient
étaient attribuées tout simplement à Malte ou à la Libye. La Cour nepeut
quesesentirtenue,je pense, d'éviter quelesort futur desdroits que l'Italie

estimeêtreles sienssoit ainsi préjugé. Ellene peut y parvenir qu'en faisant
en sorte d'éviterque la délimitation entrela Libye et Malte porte sur des
zonesoùiln'estpas dit que seulscesdeuxpays ont desdroits et où il sepeut
tout au moins qu'il y ait des droits de l'Italie. Ces zones pour ainsi dire
<grises ))doivent êtreréservéep sour desdélimitationsfutures entre toutes
lesparties intéresséess,inon on risquerait d'attribuer aujourd'hui Malte ou
àla Libye des droits souverainssur des parties de plateau continental qui

demain,aprèsuneanalyseplusapprofondieetouverte à laparticipation de
l'Italie, paraîtraient plutôt devoir revenir en droit à ce dernier pays.
Toutefois, lefait de demander à la Courdesauvegarder, par cettesimple
mesure deprudence et de protection, les droits que l'Italie estimeavoir, ne
signifie d'aucune manière,et je me permets de le souligner, qu'on lui
demande de <(reconnaître >cesdroits, de statuerd'oresetdéjà à leurégard,
de déciderque certaines zones du plateau continental de la Méditerranée

centrale sont soumises aux droits souverainsdel'Italie et derésoudreainsi
judiciairement les différendsentre l'Italie et Malte ou entre l'Italie et la
Libye. Rien, àmon avis,nepermet dedire que, en demandant àintervenir
dans le procès entrela Libye et Malte, l'Italie ait entendu introduire << un
nouveau différend ))(par. 34), àsavoir une instance en vue du règlement
actuel de différends distincts de celui qui, d'après ses déclarationsexpli-
cites, demeure le seul à être portédevant la Cour.

17. Aun momentdonné,ilestvrai, l'arrêtauquel laprésenteopinionest
jointe semblerait vouloir serapprocher de ce queje pense êtrela réalitéde
la demande italienne. C'est au paragraphe 30, là où il est dit que l'Italie
demande à la Cour <de ne statuer que surcequi relèvevraimentde Malte
et de la Libye ))et de s'abstenir d'attribuer à ces Etats des zones de
plateau continental sur lesquelles l'Italiea desdroits ))Mais sionfait bien
attention, on s'aperçoit que là encore la portée de la demande italienne a

étéen quelque sorte <sollicitée))pour pouvoir êtreajustée à la thèse
préétablie d'après laquelle l'Italie aurait demandé àla Cour de statuer sur
l'existencede ses droits. Pour décrire correctement la position de YEtat
demandant à intervenir, il aurait fallu dire <l'Italie prétend avoir des
droits )etnon pas a desdroits ); et,contrairement auxapparences, il ne
s'agit pas d'une petite nuance. Car ce n'est que sur la base de cette <<re-
définition !)delaposition en question quel'arrêt peut poursuivre,commeil

lefait, en disant que (pour quela Cour puisse procéder à l'opération ainsi
définie,ilfaudrait qu'elledétermineenpremierlieuleszones sur lesquelles
l'Italieadesdroitsetcellessurlesquellesellen'enapas ))Ilya là,je regrette
de le dire, des déductions purement arbitraires, car l'Italie, à ce qu'il
m'apparaît certain, ne demandait pas du tout que la Cour aille jusqu'à
établir quelleportion des zones <<grises))doit finalement êtreconsidérée
comme blanche,noire ou verte. Ellevisait, etellevisetoujours,seulement àsafeguarded if, in the decision on the main case, no heed were paid to the
Italian claims, and if subsequentlythe areas to which those claimsrelated
were to be simply assigned either to Malta or to Libya. Indeed 1feel that
theCourt must consider itself bound to ensure that the future fate of rights

which Italyconsiders itself to possess shouldnot be prejudicedin that way.
This it can only ensure by taking action to prevent the delirnitation
between Libya and Malta beingeffected in areaswhereit isnot specifically
said that only those two countries possess rights, and where it is at least
possible that Italy may possess rights. These "grey areas", so to speak,
should be reserved for future delirnitations among al1 the parties con-
cerned ; othenvise there would be a risk that today Malta or Libya would
be allocated sovereign rights over portions of continental shelf which
tomorrow, after a more detailed analysisin which Italy would be able to
participate, would prove to be the legal entitlement of Italy.
However, to ask the Court to safeguard, by this simpleact of prudence
and caution, the rights whch Italy considers itself to possess, in no way
signifies - let me emphasize this - that the Court is being requested to
"recognize" these rights, to make an immediate judgment on them, to
decide that certain areas of continental shelf of the central Mediterranean

are in fact subject to the sovereign rights of Italy, and thus to resolve
judiciallythedisputes between Italy and Malta or between Italy and Libya.
In my view,there are no grounds for sayingthat, in seekingto intervenein
theproceedings between Libya and Malta, Italy was applying to introduce
"a freshdispute" (para. 34),namely proceedings for irnrnediate settlement
of disputes separate from that which, according to its explicit assertions,
remains the only one before the Court.
17. It is true that at one point, the Judgment to which the present
opinion isappended seemsto comeclosetowhat 1feelto be the truth of the
Italian application. This is in paragraph 30, where it is said that Italy is
requestingthe Court "to pronounce only on what genuinely appertainsto
Malta and Libya" and to "refrain from allocating to these Statesany areas
of continental shelfoverwhich Italyhas rights". Butif wepay due heed we
willnote that, here again, the scope of the Italian application has been to
some degree "misconstrued" to make it fit the preconceived theory that

Italy was requestingthe Court to adjudicate ontheexistenceof itsrights.A
correctdescription of the position of the State seeking to intervene would
have been that "Italy claims topossess rights" and not that it 'possesses
rights" ; despite appearances to the contrary, the difference between the
two is more than a shade of meaning. For it is only on the basis of ths
"re-definition" of thequestion at issue that theJudgment can continue, as
it does, to argue that "for the Court to be able to carry out such an
operation, it must first determinethe areas over which Italy hasrightsand
those over which it has none". These, 1regret to Say,are wholly arbitrary
conclusions, sinceItaly, as seemsquite clear to me, wasin no way request-
ing the Court to go so far as to establish what portion of the "grey areas"
shouldin the final analysis be treated as white, black or green. Its purpose
was, and is, solelyto ensure that those areas should remain grey, that they 126 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

obtenir que ceszonesrestent actuellement grises,qu'ellesrestent deszones
àconsidéreret àgarderpour lemoment comme des zones contestéesentre
les trois pays et qu'il ne faut pas partager seulement entre deux d'entre
eux.
Une foisautorisée àintervenir,la tâche de l'Italie aurait essentiellement
été,à mon avis, de préciser,sur la base de la connaissance finalement
acquisedes revendicationsactuelles de la Libye et de Malte, les zones où
ses prétentions coexistent avec celles des deux autres pays, à savoir les
zonesqu'elleestimedevoirêtreexclues,commeje viensdeledire,etpour le

moment du moins, d'une délimitationpurement bilatéraleentre la Libyeet
Malte. Jeconçois aussi,commeje l'aiindiqué,quel'Italiesesoitconsidérée
tenue, à ce moment, d'exposer à la Cour les fondements de droit sur
lesquels elle croit pouvoir étayer lesdites prétentions, mais cela unique-
ment pour faire ressortir le caractère <juridique )>des <<intérêts))qu'elle
estime avoir dans la régionet quijustifient en tant que tels son recours à
l'article62du Statut. Parcontreje ne voispas du tout l'Italie demander à la
Cour, mêmedans cette nouvelle phase, de statuer actuellement sur ses

prétentionspar opposition à cellesde la Libyeet de Malte, de lui assigner
certaines portions définiesde plateau continental, de lui reconnaître sur
elles des droits souverains.Il va de soi que la Cour ne fera pas cela de sa
propre initiative. J'avoue donc ne pas voir sur quelles bases l'arrêta pu
s'appuyer pour soutenir, au paragraphe 3 1,que :

<(sil'Italie était admisàintervenir dans laprésenteprocédureen vue
de poursuivre l'objet qu'elle-mêmea dit vouloir rechercher, la Cour
serait appelée,pour donner effet à l'intervention,à trancher un dif-
férend ..entre l'Italie et l'uneou l'autre desPartiesprincipales, ou les
deux )).

18. Les interprétations tendancieuses et à mon avis tout à fait incor-
rectesqueje doismalheureusement relever dans l'arrêt constituent d'autre
part la base sinequanondesconclusionsauxquellesilparvient et queje ne
puis que rejeterfermement. Cette constatation ne m'empêchepas de noter
qu'un peu plus loin, au paragraphe 32, l'arrêt admet expressément, et
presque en contradiction avec ses précédentes observations, que

<(l'Italie s'est efforcéede distinguer entre une demande faite à la
Cour de tenir comptede sesintérêtd s'ordrejuridique ou de les sauve-
garder et une demande tendant à ce que la Cour reconnaisse ou dé-
finisse ses intérêts juridiques,ce qui reviendraità lui soumettre un

autre litigeo.
Plus loin, au paragraphe 36, l'arrêtadmettra aussi que l'argumentation
italienne a mis en évidenceque l'Italie entendait clairement situer sa
demande dans la première catégorie,qu'elle estimait que cette requête

prenait <<incontestablement place dans les limitesde l'intervention stricto
sensu ..à l'égardde laquelle ...l'article 62fournit par lui-mêmele titre de
compétencenécessaireo.Mais l'arrêt croit pouvoirse débarrasser de ces
admissionsgênantesenfaisant au paragraphe 32cetteremarque étonnanteshould remain areas to be treated for the moment as areas in dispute
among the three countries, and whch are not to be divided solelybetween
two of them.

Oncepermitted to intervene, Italy's task would essentiallyhavebeen, in

my view,to specify,on the basis of information at last obtained as to the
current claims of Libya and Malta, the areas in which its claims CO-exist
with the claimsof the twoother countries, in other words, the areas whichit
considers should be excluded, as 1havejust said, for the timebeing at least
from a purely bilateral delimitation between Libya and Malta. As 1have
said, 1alsofeel that Italy would deem itself bound to state to the Court,at
that time, the legalfoundations on which it believes the said claims can be
based, but solely with a view to illustrating the "legal" nature of the
"interests" which it considers itself to possess in theegion, and whch, as
such,justify its having recourse to Article 62 of the Statute. On the other
hand, 1do not envisagethat Italy would request theCourt, evenat thisnew
stage, to givean immediate judgment on its claims as opposed to those of
Libya and Malta, to allocate to it certain distinct portions of the conti-
nental shelf,or torecognize the possessionby Italy of sovereignrights over
them. It need hardly be said that the Court would not do so on its own
initiative.Thus 1cannot seeon what basis theJudgment isrelying when it
States, in paragraph 3 1, that

"if Italy were permitted to intervene in the present proceedings in
order to pursue the courseithas itselfindicated itwishestopursue, the
Court would be called upon, in order to giveeffectto the intervention,
to determine a dispute. ..between Italy and one or both of the
principal Parties."

18. The tendentious and, in my view, wholly incorrect interpretations
which 1regret to note in theJudgment are none the lessthe foundation sine
quanonof the conclusionsreached in theJudgment which1must decisively
reject. In saying this1 nevertheless note that further on, in paragraph 32,
theJudgment makes an expressadmission, almost in contradiction with its
previous observations, that

"The distinction whichItaly has endeavoured to make is between a
request that theCourt take account of,or safeguard, its legalinterests,
and a request that the Court recognize or define its legal interests,
which would amount to the introduction of a distinct dispute."

Further on, in paragraph 36, the Judgment also concedes that the Italian
argument has shownItaly'smanifest intention of placing its application in
the first category, that Italy considered that its application "unquestion-
ably falls within the bounds of intervention stricto sensu. .. regarding
whch ... Article 62 in itself provides the requisite title of jurisdiction".

But the Judgment then seeks to escape from these embarrassing conces-
sionsby the following astonishing, and sibylline,remark inparagraph 32 :etsibylline :<(Maiscettedistinction n'estpasvalable ..dansla perspective
de la tâche que le compromis assigne à la Cour en l'espèce. ))Après quoi,
comme si l'opinion expressémentmanifestéepar l'Italie quant à la signi-
fication et à la portée de sa propre demande était dépourvue de toute

importance, on classe arbitrairement et contre l'intention de son auteurla
demandeitalienne en intervention dans l'autre catégorie, à savoir celledes
requêtespar lesquelles l'Etat demandant à intervenir chercherait

(à sefairereconnaîtreun droit contre lesparties àl'instance, dansdes
conditions comparables à ce qu'il aurait pu faire en instituant lui-
mêmeune instance à titre principal contre ces deux Etats ))(par. 36).

Par là le sort de la demande italienne ainsi transformée en une requête
principale est nécessairementscellé.
19. Cela ressort en effet des <(conséquences ))à tirer du raisonnement
que l'arrêtexpose au paragraphe 34. D'après ce texte, ces conséquences

<(peuvent êtreexprimées selon deuxmanières d'interpréter l'article62 du
Statut o.J'hésite àm'aventurer dans les méandres quelquepeu obscurs -
que l'on me passe l'expression - des explications que l'arrêtdonne de la
double approche àlaquelle il seréfère à cesujet. Sije ne me trompepas, le
point de départde ces explicationsest l'exigencedu respect des principes
du consentement, de laréciprocitéetde l'égalité desparties. Surcettebase

commune,deux approches seraient donc possibles, qui amèneraient tou-
tefois toutes les deux au mêmerésultat dans le cas d'espèce.D'après la
première, une demande en intervention qui introduirait en fait une ins-
tancedistinctepourrait quand mêmeêtreadmise, mais àlacondition qu'il
existe préalablement un lien de juridiction entre 1'Etat introduisant la
demande en question et les Etats parties au procès principal. D'après la

seconde, cette demande ne saurait êtreadmise, qu'un lien de juridiction
existe ou non, parce qu'elle se situerait en dehors des prévisions de I'ar-
ticle 62 relatives à l'intervention.

Au sein de la majorité, la conciliation entre les deux courants qui
traditionnellement se heurtent sur le sujet du <<lien juridictionnel )>se

serait donc faite là-dessus.
J'espèreavoir bien compris,mais si tel n'était pas lecas,je ne pense pas
que cela aurait d'influence sur mes conclusions. Quelle que soit l'idée
exacte que l'arrêt entend traduire à ce sujet, le seul commentaireque j'ai à
faire ne change pas et c'est celui-ci : les deux conséquencespossibles et
également négativespour la demandeitalienne que l'arrêta envisagéesne

tiennent que pour autant que la prémisseindispensable dont ellespartent
l'une et l'autre est exacte. Cette prémisseest quela demande en interven-
tion de l'Italie doitêtreconsidéréceomme une <(instance à titre principal>)
introduite par ce pays contre la Libye et Malte et que cette instance
requiert la Cour de <(statuer sur les droits ))que l'Italie a revendiqués à
l'encontre desdeux pays (et pas seulement de faire en sorte que cesdroits

ne soient pas lésés ))(par. 35). Cette prémisse,j'espère l'avoirclairement "But this distinction is in any event not valid in the context of the task
conferred on the Court by the Special Agreement in the present case."
After which,asif theopinion expresslygivenby Italy as tothe significance
and scope of its own application was totally unimportant, the Italian
application to interveneis arbitrarily, and contrary to the intention of the
applicant, classified as the other type of intervention, namely that of

applications by means ofwhich theState seekingtointervene isattempting
to
"seek endorsement of a right vis-à-vis the parties to the proceedings,
in conditions comparable to what it would have done by itself insti-
tuting a principal case against those two States" (para. 36).

These wordsnaturally seal the fate of the Italian application, which isthus
transformed into a mainline application.
19. This is clear from the "consequences" to be drawn from the rea-
soning in paragraph 34 of the Judgment. According to the text, these
consequences "can be definedby reference to either of two approaches to
the interpretation of Article 62 of the Statute". 1am somewhat chary of
venturing into the hazymeanderings - if 1mayusethat expression - of the
explanations givenintheJudgment for the dual approach to which it refers
in this connection. Unless 1 am wrong, the point of departure of these

explanations is a requirement that the principles of consent, and of the
reciprocity and equality of the parties, should be respected. On thisjoint
basis, there are thus two possible approaches, both however leading to the
same conclusion in the present instance. According to the first, an appli-
cation for permission to intervene which in fact introduced a distinct case
might nevertheless be granted, but on condition that there was a prior
jurisdictional link between the State introducing the application in ques-
tion and the Statesparties to the main case. According to the second, such
an application cannot be granted, whether there is ajurisdictional link or
not, because it would be outside the scope of the provisions of Article 62
relating to the intervention.
Withn the majority, it is thus on this basis that a reconciliation is
achieved between the two traditionally conflicting views as to the "juris-
dictional link".

1think 1have grasped the argument, but if that is not its meaning, 1do
not think it would influencemy conclusions.Whatevertheexact purport of
theJudgment on thispoint, theonlycomment which 1can make remains as
follows :the twopossibleconsequencescontemplated by theJudgment for
the Italian application, both negative, are only valid in so far as the
essentialpremise on which they areboth based is correct. This premise is
that Italy's application for permission to intervene must be treated as a
"mainline case" instituted by Italy againstLibya and Malta, and that this
case requires the Court to "'decide on the rights" which Italy has claimed
againstthe twocountries "and not merely to ensure that theserights be not
affected" (para. 35).As 1think 1haveclearly shown,thispremise isentirely
unfounded, in my view,and isflatlycontradicted by both theform and the montré,est pour moi gratuite et nettement contredite par la forme et le

fond de la demande en intervention del'Italie. Il s'ensuit,pour moi, que la
double conséquence que l'on a voulu en tirer s'effondre avec elle.
20. Une petite note en marge de cecommentaireet de sa conclusion. Si
vraimentdesimpropriétésde langage, desdépassementsou desobscurités
de penséeéventuellementéchappés à tel ou tel des porte-parole du Gou-
vernement italien dans leurs exposésoraux avaient pu créer des appré-
hensionschez certainsjuges, ou encore siquelque expression susceptiblede
diverses interprétations figurant dans la réponseenvoyéepar l'agent du
Gouvernement italien à la question poséepar M. de Lacharrière avait pu
susciterdesdoutesdansleuresprit, leremèdeaurait étébienfacile.11aurait

été aisépour la Cour, au moment où elle aurait admis l'Italie à intervenir
sur la base de l'article 62 du Statut, de rappeleàce pays les limites des
dispositions de cet articleet la nécessitpour la partie intervenante de s'y
tenir strictement. Je nepensevraimentpas qu'on puisse objecter à cela que
la Cour n'a pas à corriger les termes de la demande d'un Etat, surtout
lorsque l'intention du demandeur est claire. Le rappel auquelje fais allu-
sion ne comporterait aucune <<correction )>de la demande ;il serait par-
faitement légitime,clarificateuret opportun, beaucoupplus légitimequele
château qu'à mon avis on a en fait échafaudé pour <transformer )>la
demande italienne en quelque chose de différent de ce que l'Italie avait

explicitement entendu qu'elle fût.

21. Par devoir d'objectivité,je ne voudrais pas manquer d'ajouter que
j'ai tout de même prisnote du passage du paragraphe 32 où il est dit
que :

<SilaCourdoitremplircettetâche [celleque lecompromis assigne
à la Cour] et sauvegarder en mêmetemps les intérêts juridiquesde
l'Italie (au-delà de ce qui résulterait automatiquement, comme on le
verra plus loin, de l'application de l'article 59 du Statut), alors, en
indiquant jusqu'où les Parties pourront prolonger leur délimitation
purement bilatérale, elledevra tenir compte, autant qu'il sera besoin,
de l'existence et de l'étendue des prétentions italiennes>)

Jenem'arrête pas àme demanderquellepeut êtrela significationdesmots
<autant qu'ilserabesoin )>étantconvaincu qu'ilsnepeuventavoiraucune
portée restrictive. Personne ne saurait contester, en effet, qu'une cour de
justice se doit de sauvegarder en entier et dans toute la mesure de ses
possibilitésles droits dont l'existence est signaléeson attention ; elle se
doit de ne pas prêtersa collaboration à ce que, sousprétexte du caractère
purement bilatéral du différend sur lequel elle statue, les parties à ce
différend empiètenten fait sur les droits d'autrui.

Maisje ne veuxpas d'autre partdonner l'impression de nepas apprécier
à sa juste valeur le souci que révèlentcertains passages de l'arrêt - aux
paragraphes 32 et 43 notamment - de donner certaines assurances à la
partie qui ademandésanssuccès àintervenir dans un procèsdont lesissues
possibles lapréoccupentvivement.Jevoisavecsatisfaction dans cesoucilasubstance of Italy'sapplication to intervene. To me it follows that the dual
consequence which the Judgment seeks to draw collapses along with it.

20. There is one minor point which 1should like to make in parenthesis
to this commentary and its conclusions. If it were the case that any
inappropriate terminology, any exaggerations or ambiguities used by any
of the spokesmen for the Italian Government in their oral statements,

might have excited apprehension among certain judges, or again if some
expression, open to various interpretations, in the reply of the Agent for
theItalian Government to thequestion put byJudge de Lacharrière, might
have raised any doubtsin thejudges' minds, the remedy would have been
quite simple. It would have been an easy matter for the Court, when
granting Italy permission to intervene on the basis of Article 62 of the
Statute, toremind it of the limits of the provisions contained in that article,
and the need forthe intervening party to complystrictly with them. 1really
do not believe that it can be objected that it is not for theCourt to amend
the wording of a State's application, especiallywhen the intention of the
applicant is clear. The reminder to which 1refer would not constitute an
"amendment" as such of theapplication ;it would be perfectly legitimate,
serving as a timely clarification, and much more legitimate than the fan-
ciful structure which 1feel has been created in order to "transform" the

Italian application into something other than what Italy expressly
intended it to be.
21. My duty of objectivity induces me to add that 1have nevertheless
duly noted the passage in paragraph 32 stating that :

"If theCourt is to perform that task [the task assigned to theCourt
by the SpecialAgreement], and at the same time to safeguard the legal

interests of Italy (more than would result automatically, as will be
explained below,from theoperation ofArticle 59of theStatute), then
when giving any indication of how far the Parties may extend their
purely bilateral delimitation, it must take account, so far as appro-
priate, of the existence and extent of Italian claims."
1 shall not stop to consider the significance of the words "so far as
appropriate", since 1am convinced that they cannot have any restrictive

meaning. No one could contest that a court of justice has the duty of
safeguarding in their entirety,and to the greatest extent open to it, rights
whoseexistence isbrought to itsattention ;it has a dutynot to collude in a
process whereby, under the pretext of the purely bilateral nature of the
dispute being adjudged by the court, the parties to this dispute in fact
encroach upon the rights of another.
But nor do 1 wish to give the impression of failing to appreciate the
concern shown in certain passages of the Judgment - especially in para-
graphs 32and 43 - togivecertain assurances to theparty whichhas sought
without success to intervene in a proceeding where it is much exercisedby
thepossible outcome. In this 1am glad to note an evident anxiety to ensure 129 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. AGO)

preuve d'un scrupule :celui d'éviterque la décision qu'on a prise soit à
l'origine de graves injusticesau détriment du pays qui se trouve exclu du
prétoire etdont on semblefinalementregretter quelque peu l'absence.Car

l'arrêt reconnaît,en effet, au paragraphe 40 que
sila Cour était pleinementinstruite desprétentions et des thèsesde
l'Italie,elleserait mieuà mêmede donner auxPartiesdesindications
telles qu'elles puissent délimiter leurs zones de plateau continental

<(sans difficultéO,comme l'envisagel'article 1du compromis, même
si des renseignements sur les revendications formulées par l'Italie et
suffisantspour la sauvegarde de sesdroits lui ont étédonnéspendant
laprocéduresurlademanded'intervention italienne.Mais la question
n'estpas de savoirsilaparticipation del'Italiepeut êtreutileou même
nécessaire à la Cour ; elle est de savoir,à supposer que l'Italie ne
participe pas à l'instance, si l'intérêtjuridiquede l'Italie est en cause
ou s'ilest susceptible d'êtreaffectépar ladécision.Vul'absence, dans
laprocéduredelaCour,detout systèmed'intervention obligatoire par
lequel un Etat tiers pourrait être citépar la Cour àester en tant que

partie, la Cour doit avoir la faculté,etelle a en fait l'obligation, de se
prononcer aussi complètementquepossible dans les circonstances de
chaque espèce ..))
J'espèreque le Gouvernement italien trouvera là quelque apaisement à la
déception certainement très vive qu'il éprouvera du fait qu'il n'a pas été

admis à intervenir, et cecipour desmotifs quinepourront que luiparaître
artificiels.
22. Celadit,je ne peux conclurelaprésenteopinion que sur une note de
regret,non pas seulementpour ce qui a trait au sort qu'on a réservé au cas
d'espèce, mais aussi et surtout pour ce qui concerne les conséquences
d'ordre généralqui peuvent en découler.
La Cour avait une occasion unique d'admettre à intervenir devant elle
un paysquidemandait à faire entendre sesraisons dans un procèsen cours
entre deux autres et qui porte manifestement sur un objet qui est même
physiquement commun àtous les trois. Au-delà des objections formelles

au fondement très discutable qui ont été opposéesje , crois pouvoir dire
qu'ily avait là l'exempletypique d'une situationpour laquellel'institution
del'intervention avaitétéconçueetprévueauStatut. Parson arrêtactuella
Cour -je ne ledispas de gaietédecŒur,carj'aurais été ravidepouvoir être
d'accord comme dans tant d'autres cas avec sa décision - a manqué une
occasion et par là aussi la possibilitéqui lui était offerte de résoudre une
bonne fois lesproblèmesde droit qui seposentdepuisl'origine àpropos de
l'institution dont il s'agit et qui continuent de la diviser. Par là elle pense
avoir fait Œuvre de sagesse :je ne suis pas convaincu que cet avis sera
largement partagé dans le milieu desjuristes internationaux.

Je ne peux, d'autre part, que constater avec beaucoup de perplexitéla
tendance de la Cour, que le présentarrêtme semble révéler, à s'estimer
convaincueque les buts auxquels la procédure d'intervention proprementthat the decision taken by the Court should not be the cause of grave
injustice to the country which is excluded from the bar of the Court, and
whoseabsence seems,at the end of the day, tobe the cause of some regret.
For the Judgment recognizes in paragraph 40 that

"if the Court were fully enlightened as to the claims and contentions
of Italy, it might be in a better position to give the Parties such
indications as would enable them to delimit their areas of continental
shelf 'without difficulty',in accordance with Article 1of the Special
Agreement, eventhough sufficient information asto Italy's claimsfor
the purpose of safeguarding its rights has been given to the Court

during the proceedings on the admissibility of the Italian Application.
But the question is not whether the participation of Italy may be
useful or even necessary to the Court ;it is whether, assuming Italy's
non-participation, a legalinterest of Italy is en cause, or is likely to be
affected by the decision. In the absence in the Court's procedures of
any system of compulsory intervention, whereby a third State could
be cited bythe Court to comein asParty, itmust be open to the Court,
and indeed its duty, to give the fullest decision it may in the circum-
stances of each case. .."

1hope that the Italian Government will find in that remark some conso-
lation for the deep disappointment which it must certainly feel at being
refused permission to intervene, and moreover for reasons which must
seem to it to be artificial.
22. Having said that, 1 can only conclude this opinion on a note of
regret, not only with regard to the final fate of thepresent application, but
also and more importantly, for the wider consequences whch may flow

from it.
The Court had aunique opportunity to grant permission to intervene to
a country which was seeking to state its case in a proceeding in progress
between two other countries, and which clearly relates to an object which
is, in fact, physically common to al1three. Apart from the forma1objec-
tions which have been raised, with their highly dubiousfoundation, 1may
saythat thiswasaclassicexample ofasituation for whichthe institution of
intervention was devised and enshrined in the Statute. In its present
Judgment the Court - and 1take nopleasure in sayingthis, as1wouldhave
been more than happy to be able to concur with its decision, as on somany
other occasions - hasfailed to take an opportunity,and has thus let slipthe

chance offered toit of resolving once and for al1the legal problems which
have always arisen in connection with the institution in question, and
which continue to give rise to contradictory viewswithin the Court. In so
doing, it believesitself to have acted prudently ;1am not sure that its view
will be widely shared in international legal circles.
1 can, moreover, only note with great perplexity the tendency of the
Court - disclosed, in my opinion by the present Judgment - to feel
convinced that the aims which the procedure of intervention properly sodite étaitcenséerépondreseraienten fait déjàpratiquement atteints par le
simple déroulementde la procédure préliminaire sur la question de l'ad-
mission àl'intervention. Indépendamment du bien-fondé enfait de cette
conviction, qui me paraît fort contestable, par exemple en rapport avec le
cas d'espèce,c'est surtout l'aspect de droit qui me préoccupe. Car le
remplacement d'une procédure expressément prévue par le Statut, et
devant sedéroulerdans lesformesappropriées,par une sortede procédure

provisoire et sommaire, aux résultats véritablement approximatifs, me
paraît constituer une déformationabsolument arbitraire et, en définitive,
une violation difficilement contestable de l'article 62.
La décision relativàlaprésenteinstancepourrait donc sonnerle glasde
l'institution de l'intervention dans lesprocèsinternationaux, du moins de
cette institution telle qu'elle avait été entendueet définiepar les textes
pertinents. Après cette expérience,dont le moins qu'on puisse dire est
qu'elle n'estpas révélatriced'un esprit favorableà cette forme de procé-
dure incidente, l'oubli va probablement tomber, aprèsle regain passager
d'intérêqtuej'avais relevéau débutde la présente opinion, sur cette voie
qui s'ouvraitthéoriquement encoresur une conceptionpluslibéraleetplus
ample de lajuridiction internationale. La Cour semblepréférers'enfermer
avecprudence dans l'enclosabritéd'une conceptionpurement bilatéraleet
relativiste de sa tâche. Je doute que cela corresponde aux vrais besoins
actuels d'une communautéinternationale toujours plus interdépendante ;

je douteque cela soitconformeauxvŒuxet aux espoirs qui ont présidé à la
créationde la Cour et plus tard à sa confirmation par la Charte en tant
qu'organe judiciaire principal des Nations Unies.

(Signé R)oberto AGO. called was intended to achieve, would in fact already be practically
attained by the mere holding of the preliminaryproceedings on the ques-
tion of admission of the intervention. Quite apart from the soundness of
this conviction, which appears to me to be highly controversial, for exam-
ple in relation to the present case, it is above al1the legal aspect which
disturbs me. For to substitute for a procedure expressly provided by the
Statute, which has to follow the appropriate forma1 course, a sort of
provisional and summary procedure, leading in fact to hit-and-miss

results, seems to me to be an absolutely arbitrary distortion of Article 62,
and in fact an indisputable breach of that text.
The decision on the present case may well sound the knell of the insti-
tution of intervention in international legalproceedings, at any rate of this
institution as it was intended and defined by the relevant texts.After this
experience which, to say the least, does not suggest a favourable attitude
towardsthisform ofincidentalprocedure,and after thetemporary renewal
of interest to which 1referred at thebeginning of thisopinion, this avenue,
which was theoreticallystill open, towards a wider and more liberal con-
ception of international judicial proceedings, willprobably fa11into obliv-
ion.TheCourt seemsto prefer aprudent confinementwithin the sheltered
precincts of a purely bilateral, and relativist, notion of its task. 1 doubt
whether this really meets the present-day needs of an international com-
munity which is becorning ever more inter-dependent ; 1 also doubt
whether it reflects the wishes and hopes which presided at the Court's
inception, and later at its confirmation, in the Charter, as the principal
judicial organ of the United Nations.

(Signed) Roberto AGO.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Ago

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