Opinion individuelle de M. Jiménez de Aréchaga (traduction)

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068-19840321-JUD-01-04-EN
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068-19840321-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA

[Traduction]

1. J'ai votécontre la requête italienneen raison de l'absence d'un lien
juridictionnel entrel'Italie et chacune des Partiàsl'instance principale.
Cetteabsence de lienjuridictionnel, qui résultedel'opposition dela Libye
et de Malte à la participation de l'Itàll'instance, constitue un obstacle
décisif àl'admission de la requête,eu égardau texte et au contexte du

StatutdelaCour, auxprincipes dedroit sur lesquelsreposecet instrument,
et aux circonstances de l'espèce.

2. L'article 62, comme toutes les dispositions des traités, doit être
interprétéet appliquénon pas isolément,mais dans le contexte du Statut
tout entier. Ce principe de base de l'interprétation des traitésvaut parti-
culièrementpour un instrument aussi systématique,dont le chapitre 1est
consacré à l'organisation de la Cour, le chapitre àIsa compétenceet le
chapitre IIIà la procédure.L'article62,qui setrouvedans le chapitre III,

n'ajamais étécensés'appliquer isolément commedisposition tout à fait
complète et autonome. Dans le projet élaboré à l'origine par le comité
consultatif de juristes, l'article 62 (alors article 60) faisait partie d'un
instrument prévoyant, dans son chapitre II, la juridiction obligatoire.
Ainsi, dès l'origine,l'article 62 devait s'interpréteret s'appliquer en rela-
tion aveclesdispositions du Statut régissantlacompétencedelaCour,et à
sonapplication venait s'ajouter l'effetjuridique desdispositionscontenues
dans le chapitre II du projet initial.

3. Par suite,lorsque le Conseil et l'Assembléede la SociétédeNations
modifièrentlesdispositionscorrespondant à l'actuel article36,pour subs-
tituerà lajuridiction obligatoire la compétencefacultativefondée sur le
consentement desparties,cette modification radicale nepouvait pasnepas

retentir surl'interprétation et l'applicationde l'article62.Un tel effet était
automatique, et il n'étaitpas nécessairede modifier le texte de l'ancien
article 62,puisque son application avait toujours,en 1920comme en 1945,
étésubordonnée à l'article36relatiàla compétence,quelque fût l'état de
laquestiondeprincipefondamentale du choixentrejuridiction obligatoire
etjuridiction facultative, et la forme finale de l'article 36. On ne saurait
doncparler d'unoublioud'une négligencedesrédacteursqui,au seindela
Société des Nations ou à la Conférencede San Francisco,mirent la der-
nière main au Statut de la Cour. 4. En d'autres termes, l'article62,qui figure dans lechapitre relatifà la
procédure, n'a jamais conféré à la Cour autre chose que la compétence
limitéedont elle a besoin pour accueillir ou rejeter la requête d'un Etat
Membre à fin d'intervention dans une procédure en cours. Toute compé-
tencepour connaître au fond desprétentions de l'Etat intervenantreposait
surl'article 36et devait êtredérivéede cet article,qui est lesedesmateriae,

la disposition régissantde façon exclusivela compétencepleine et entière
de la CourinternationaledeJusticepour connaître au fond des différends
internationaux. Un argument de texte, fondé sur le libellé anglais de
l'article62,confirmecetteinterprétation contextuelle. Leparagraphe 2de
l'article 62 ne donne à la Cour compétenceque pour décider (<upon this
request ))- c'est-à-dire pour se prononcer sur la requête à fin d'interven-
tion.Il donne compétence à la Cour uniquement pour statuer sur la
question préliminairede la recevabilitédelarequête,mais non sur lefond

desprétentionsou desintérêtsjuridiquesquefaitvaloir l'Etatquidemande
à intervenir.

a) Compétence accessoire et non compétenceprincipale

5. Il résultedece qui précèdeque l'article 62 confère à la Cour ce que
l'onaappeléunecompétenceaccessoireouincidente, etnonlacompétence
principale ou compétence sur le fond, celle qui permet à la Cour de se

prononcer au fond sur lesprétentionsou intérêtsjuridiquesque fait valoir
un Etat qui se présente devant elle. Cette compétence au fond, ou com-
pétenceprincipale, n'existe que lorsque les conditions de l'article 36 sont
remplies. Rosenne, dans son traité sur la Cour, définit la compétence
principale comme la (compétencede la Cour pour se prononcer sur le
fond d'une affaire, c'est-à-dire sur la prétention qui lui est soumisu (The
Law and Practice of the International Court, Leyde, 1965, p. 318). La
compétenceincidente,quipermet de seprononcer sur la compétence,les

mesuresconservatoires, l'intervention, la revisionetl'interprétation, atrait
aux <(autres questions dont la Cour peut avoir à connaître à l'occasion
ou en conséquencede sa décisionau fond (op. cit., p. 319). Rosenne
ajoute :

(La caractéristiquede la compétence accessoireest qu'elle ne re-
pose pas sur le consentement exprès des parties, mais sur un fait
objectif tel que l'existence d'une(<instance ))devant la Cour. (Op.
cit., p. 422.)

Dans sa requêtel'Italie admet que l'article 62 du Statut fait partie des
dispositionsquiconfèrent à la Cour une compétenceincidente, comme les
articles 36, paragraphe 6, et 41. L'Italie souligne que ces dispositions
donnent à laCour les ((compétencesdirectementétabliespar leStatut )>,et
que c'est précisémentdans la mêmecatégorie de règles directes de
compétenceque se situe l'article 62 du Statut )(par. 21). Or, toutes ces
dispositions n'autorisent la Cour qu'à prendre les décisionsqui y sont

spécifiquementvisées :l'article36,paragraphe 6,l'autorise à seprononcersur sa compétence,l'article41 à indiquer si des mesures conservatoires
doiventêtreadoptéesou non, et l'article62 àdéciderd'admettre ou non la
requête à fin d'intervention. Mais à toutes ces décisionss'applique la
condition du << consentement du défendeur ))poséepar le Statut. Il n'est
pas possible de méconnaître ce principe fondamental et d'affirmer la
compétenceen vertu de l'article 36,paragraphe 6, d'indiquer des mesures
conservatoires en vertu de l'article1 ni d'autoriser l'interventionenvertu
de l'article 62lorsque le consentementdu défendeur àlajuridiction sur le
fond fait manifestement défaut.
6. L'objectionfondamentale à la thèse selonlaquellel'article 62,para-

graphe 2, àlui seul,donne àlaCourcompétenceprincipale,oucompétence
pour connaître au fond de la demande de l'Etat intervenant, que l'Etat
défendeur ait ou non donné son consentement, est qu'il y aurait là un
moyen implicite et détourné d'attribuer à la Cour la compétenceprinci-
pale. M. Morelli, l'un des plus éminentsspécialistesdu droit procédural
international, écrit:

<Il ne semblepas possible defonder surune règleimplicitedu Sta-
tut la compétencede la Cour pour connaître de toutes les demandes
qui pourraient êtresoumises par le biais de l'intervention. Une telle
règlequi, vu son contenu, aurait le caractèred'une règlegénérale, ne
serait pas conforme au système suivi en la matière par le Statut.
Celui-ci n'établit pas lui-mêmlea compétencede la Cour, mais ren-
voie àcettefin aux règlesadoptéesselondiversprocédés(art.36).On
voit mal comment le Statut se seraitécartéd'un tel systèmeen fixant
directementet, ce qui est encoreplus difficile àadmettre, implicite-
ment, une règlevisant àconférerjuridiction àlaCourpour tous lescas

d'intervention. Sur le fond, on ne voit pas pour quelle raison un
différendquinepourrait pas êtreporté devantlaCourdansunprocès
distinct faute d'un titre de compétence,pourrait lui êtresoumis, sur
la base du Statut, par le biais d'une requête à fin d'intervention.))
(<Note sull'intervento ne1processo internazionale >),Rivistadidiritto
internazionale,vol. LXV, 1982,p. 813.)

7. Un argument de texte confirme l'exactitudede I'opinionde M. Mo-
relli. L'article 36 du Statut confèàela Cour compétenceprincipale dans
touslescas spécialementprévudsanslaChartedesNations Unies oudans
les traités et conventions en vigueur ))Or, on ne peut considérer une
attribution implicite dejuridiction comme un cas G spécialement prévu
par un traité.

b) Comparaison entre les articles 53, 62 et 63 du Statut

8. Un argument de texte, avancé à l'appui de la thèse selon laquelle
aucun lienjuridictionnel n'est requis, a été tirde la comparaison entre
l'article 62 et l'article 63.a fait obsemer que : <l'article63 n'oblige apparemment pas à établirl'existence d'un lien
juridictionnel, mêmequand lapartiequiinvoqueletraité à interpréter
n'a pas accepté la comptétencede la Cour pour connaître des dif-
férendsrelatifs à l'interprétation ouà l'application dudit traité; on
voit d'autant moins la nécessitéd'un lien juridictionnel dans le
cas symétriquede l'article 62. >)(M. Schwebel, C.I.J. Recueil 1981,
p. 40.)

9. L'hypothèsequel'article 63n'obligepas àétablirl'existenced'unlien
juridictionnel n'a jamais étévérifiéeM . ais, mêmesi l'on admet que l'hy-
pothèsede M. Schwebelest exacte, ilfaut tenir comptede deux choses. La

première est que la portéejuridictionnelle de l'intervention accordéepar
l'article 63estlimitée:ilne s'agitpasd'une pleineet entièrecompétenceau
fond. Ellene s'étend pas,par exemple, aux voiesde recours exercéespar la
partie principale pour violation de la convention, et ne concerne que
l'interprétation de cet instrument. C'est là l'enseignement à tirer de l'af-
faire du Wimbledon,dans laquelle la Cour permanente n'a admis l'inter-
vention au titre de l'article 63qu'après avoirpris acte de cequela Pologne
affirmait 1'0intention de ne demanderau Gouvernement allemand aucuns
dommages-intérêts particuliers (C.P.J.I. sérieA no 1, p. 13). Aussi le
Greffier Hammarskjold avait-il qualifié l'intervention en vertu de I'ar-
ticle 63 de <quasi-intervention ))(Revue de droit internationalet de Iégis-
lation comparée3 ,esérie,49eannée(1922),nos2-3,p. 143).La seconde est

que l'article 62 et l'article63, tout en portant sur des sujets similaires, ont
des régimesjuridiques différents et attribuent à la Cour des fonctions de
nature différente. L'uneconcerne l'intervention de plein droit ; l'autre
l'intervention éventuellement autorisée.Si l'article 63 confère aux Etats
parties à la convention un droit pur et simple, le seulrôle de la Cour étant
de contrôler la recevabilitéformelle, en revancheen vertu de l'article62la
Cour doit rendre une décisionjudiciaire, sousformed'un arrêt sur <<l'ad-
mission ))comme dit l'article 84du Règlement, de la requête à fin d'in-
tervention. Ilparaît difficilede nier que,pour rendre un arrêt,une décision
judiciaire qui touche forcément aufond de l'affaire, la Cour est obligée
d'agir en conformitéavec son Statut et, naturellement, avec le principe
fondamental du consentement à lajuridiction.

10. Et il en est nécessairement ainsiparce que l'effet du chapitre II du
Statut n'a pas été diminué ou écartépar une disposition expresse de l'ar-
ticle 62,comme on pourrait soutenir qu'ill'aété dans lecas de l'article63.
De toute manière,lesdifférencesde régimejuridique et de rédaction entre
les articles 62 et 63 sont trop claires et importantes pour qu'on puisse
traiter ces articles comme complémentaires, ou leur donner une interpré-
tation probante eninvoquantle textede l'un desdeuxpour en tirer, àl'aide
d'un raisonnement par analogie ou a contrario,une conclusion au sujet de
l'autre.
11. L'argument tiré de l'article 53 n'est pas plus convaincant. Une
décisiondonnant gain de cause au demandeur en vertu de cet article
suppose en effet que la Cour s'assurenon seulement qu'ellea compétence,mais aussique les <(conclusionssontfondéesenfait et endroit ))Il semble
donc qu'on ailletrop loinencomparant letextede l'article53avecceluide
l'article 62 pour conclure que ce dernier doit être interprétéa contrario
comme supprimant toutes les exigencesrépétéee sx abundante cautela à
l'article 53.

II. LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU STATUT

12. Admettrel'interventionenvertu del'article62enl'absenced'unlien
juridictionnel serait violer trois principes essentiels du Statutcelui du
consentement alajuridiction, celuidela réciprocitédesobligationsetcelui
de l'égalitédes parties devant la Cour.

a) Le principe du consentementdu défendeur

13. Leprincipe du consentement à l'exercicepar la Cour de sa compé-
tencesurlefond d'uneaffaire,oucompétenceprincipale,découledeceque

les Etats parties, en 1945comme en 1921,ne se sont pas entendus sur la
juridiction obligatoire.En conséquence,il a étéposé enprincipe qu'aucun
Etat nepeut êtreattrait devant la Coursans avoiracceptédesesoumettre à
sajuridiction par un moyen ou un autre.
14. Ce principe a été proclamé entermes catégoriquespar la Cour
permanente et par la Cour actuelle. Dans l'affaire Mavrommatis,la Cour
permanente a affirméque sajuridiction

<<se fonde toujours sur le consentement du défendeur et ne saurait
subsister en dehors des limites dans lesquellesce consentement a été
donné ))(ConcessionsMavrommatis en Palestine, arrên t o 2, 1924,
C.P.J.I. série no2, p. 16).

Et dans l'affairede l'Or monétairela Cour actuelle a invoquécomme base
de sa décisionun
<(principe de droit international bien établi et incorporédans le
Statut,à savoir que la Cour ne peut exercer sajuridiction à l'égard

d'un Etat si ce n'est avec le consentement de ce dernier (C.I.J.
Recueil 1954, p. 32).
15. On verra plus loin, au paragraphe 35, que, vis-à-vis de l'Italie et
compte tenu des déclarations faites par ses représentants au cours de la

procédureoraleet dela réponseécritedesonagent àlaquestion poséepar
M. de Lacharrière,les deux Parties originaires, la Libye et Malte, devien-
draient inévitablementEtats défendeurspuisqu'ellesdevraient combattre
diverses prétentions juridiques de l'Italie. Or, ni la Libye Malte n'ont
acce~téd'êtremises dans cette situation. Au contraire. elles se sont
expressémentopposées à ce que la Cour exerce sur elles sajuridiction à
l'égarddesprétentionsjuridiques de l'Italie.11a beaucoup étéquestion aucoursdelaprocédure oralede la nécessité deprotégerlesdroits de l'Italie.

Ces droits doivent être protégés, sanq su'ilfaille pour autant admettre la
requête à fin d'intervention. Mais il est clair que la Cour, en vertu du
principe fondamental de son Statut, doit faire passer l'existence oul'ab-
sence d'obligations du défendeur avant les droits de l'intervenant. En
l'espèce,rien n'obligeles Parties originairesà accepter d'être défendeurs
vis-à-vis de l'Italie.

b) Le principe de réciprocité

16. Le Statut pose un principe fondamental de réciprocitédesdroits et

des obligations entre les Etats parties qui ont acceptélajuridiction obli-
gatoire de la Cour. Ce principe est proclamé expressément à propos des
déclarations d'acceptation dela juridiction de la Cour en vertu de l'ar-
ticle36,paragraphe 2,maisilestdeportéepluslargeets'applique à fortiori
à la compétencedérivéedes compromis en vertu desquels les différends
entre deux Etats sont soumis à la Cour.
17. Leparagraphe 2de l'article36proclameceprincipe de réciprocité à
la fois rationemateriaeet rationepersonae.En ce qui concernele premier
type de réciprocitél,'article36,paragraphe 2, dispose que I'acceptation de
lajuridiction obligatoire doit toujours êtrefaite (à l'égardde tout autre
Etat acceptant la mêmeobligation u.Ce principe a pour corollaire qu'un

Etat ne peut pas êtreobligé à sesoumettre à lajuridiction de la Cour dans
unemesureexcédantl'obligationcorrespondante del'autre partie. C'est la
raison pour laquelleles deuxdéclarationsdoiventcoïncideretchacunedes
parties a le droit d'invoquer les réserves émisespar son adversaire.
18. Le principe de réciprocitérationepersonaerésulted'une autre dis-
position de l'article 36,paragraphe 2, en vertu de laquelleI'acceptation de
lajuridiction obligatoirepeut êtrefaite ((souscondition de réciprocitéde
la part ..de certains Etats >>C.ette disposition résultait d'un échangede
vues entre les deux auteurs de la clausefacultative:M. Raoul Fernandes,
du Brésil,et M. Huber, alors délégué de la Suisse.Lorsque l'Assembléede

laSociétédesNationsexaminaletextedecequiestaujourd'hui l'article36,
paragraphe 2, M. Fernandes exprima l'avis qu'ilétait ((inadmissiblepour
un Etat d'accepter le principe de la juridiction obligatoire sans savoir
exactement envers qui il [acceptait]unepareilleobligation ))M.Huberfit
observer que :

<(Leprojet de Statut prévoyaitla réciprocité rationemateriae,tan-
dis que M. Fernandes voulait une clause établissant une réciprocité
rationepersonae :l'une et l'autre pouvaient se combiner sans diffi-
cultés. (Documentsrelatifs aux mesures prises par le Conseid l e la
SociétédesNationsaux termesdel'article 14duPacte,document no44,

p. 107.)

Compte tenu de cet échange,il fut décidéd'ajouterla clausesusmention-
née,donnant aux Etats la possibilitéde soumettre leur acceptation à la condition suspensivequelajuridiction de la Cour soit égalementacceptée
par un Etat ou des Etats donnés.
19. Il s'ensuit que la réciprocité qu'établit leStatut ne concerne pas
seulementla portée delajuridiction obligatoire,mais aussi lechoix intuitu
personae des Etatsà l'égarddequi cettejuridiction est acceptée.Pourcette
raison, Rosenne parle d'une (réciprocité complète et individualisée des

obligations )(p. 304),qui est(inhérente àlanotion mêmedelajuridiction
de la Cour (p. 387). Ce principe de la réciprocité individualisée des
obligations, qui est proclamé expressément à propos des déclarations
unilatéralesd'acceptationen vertu del'article 36,paragraphe 2,s'applique
aussi,à fortiori, dans le cas des compromis par lesquels deux Etats cir-
conscriventledifférend qu'ilsont décidé de soumettre à la Cour. Comme
Hudson le dit dans son traitésur la Cour permanente :

(<Si deux Etats comparaissent devant la Cour en application de
déclarations faites envertu du paragraphe 2 de l'article36 du Statut,
ce serait, semble-t-il, dérogerà la condition de réciprocité figurant
dans leurs déclarations qu'autoriser un Etat tiers qui n'a pas fait
semblable déclaration à intervenir dans la procédure. La situation
n'est pas, cependant, essentiellement différente lorsque deux Etats

comparaissentdevantlaCour envertud'un compromiset quela Cour
admet l'intervention d'un Etat tiers qui n'est pas partie au compro-
mis. >>(The Permanent Courtof International Justice 1920-1942,A
Treatise, New York, 1943,p. 420.)

20. Si l'intervention était admiseen l'espèce,il y aurait une violation
nette et flagrante du principe de la réciprocité des obligations. L'Italie
ferait valoir devant la Cour desprétentions contre Malte et la Libyealors
queni Malte ni la Libyen'auraient lamoindrepossibilité,faute d'une base
de compétence,de soumettre àla Cour desprétentions contre l'Italie. En
conséquence on peut dire, en vertu du principe de réciprocité considéré
sous sesdeux aspects, que lorsqu'un Etat ne peut pas êtreassigné comme
défendeur devant la Cour par un autre Etat, il ne peut pas non plus se
présentercommedemandeurni commepartie intervenante contre celui-ci,

avecla facultéde soumettredesconclusionsindépendantes àl'appui d'un
intérêt propre.

c) Le principe d'égalité

21. Pourfinir, l'article 35,paragraphe 2,du Statut proclameleprincipe
d'égalité lorsqu'il spécifieque<<dans tous lescas ))il ne peut y avoir entre
les parties d'<inégalité devantla Cour )).La phrase vise assurémentles
Etats qui adhèrent au Statut ;il n'en reste pas moins que les mots (<dans

tous les cas>)supposent que leprincipe de l'égalité de position desparties
devantlaCourest deportéegénéraleC . eprincipeserait violé sil'Italie était
admise à intervenir, ce qui lui permettrait de formuler des prétentions
juridiques contrela Libyeet Maltealorsque cesEtats n'auraientjamais pu
formuler des prétentions contre l'Italie ni l'attraire devant la Cour. Quiplus est, le cadre géographiquerestreint de l'affaire, définipar le compro-
mis, empêcherait Malte et la Libye de faire valoir certains moyens de
défense, oud'avancer certaines revendications et contre-revendications
contre l'Italie, comme on le verra au paragraphe 30 ci-après.

III. LES CIRCONSTANCES DE LA PRÉSENTE ESPÈCE

22. Lors de l'élaboration du premierRèglementde la Cour en 1920,les
avis ont été partagésau sujet de la nécessitéd'un lien juridictionnel.
Certains des juges qui contestaient cette nécessitéreprenaient les thèses
exprimées à cette époque par les représentants des grandes Puissances et
qui visaient a faciliter les interventions. Leur objectif était de donner aux
Etats les plus influents

<<le droit de venir devant la Cour dans des procès institués par de
petites Puissances, afin d'obtenir une décision de celle-ci sur les
grands principes de droit ))(M. Bassett Moore, Actes et documents
relatifsà l'organisation de la Cour, sérDie no2, p. 91).

Ce point de vue correspondait à la préoccupation exprimée au sein du
Conseil de la Société desNations par M. Balfour, qui représentait alorsle

Royaume-Uni, de permettre l'intervention des Etats les plus influents,
lesquels, prévoyantque les décisionsde la Cour contribueraient à (mo-
difiergraduellementet à modeler, pour ainsidire, le droit international)>,
craignaient que leur influence prépondérante dans le développement du
droit international ne se trouve affaiblie. Selon M. Balfour,

<(l'on ne peut attendre [des Etats les plus peuplés]qu'ils s'enrappor-
tent aux décisionsde la Cour pour formerleur opinion en matièrede
droit international ))(Documents relatifs aux mesures prises par le
Conseil dela Société deN sations aux termes de l'article14 du Pacte,
document no28, p. 38).

Ces arguments et l'idéologiequi les sous-tendait sont aujourd'hui com-
plètementdépassésU . n desprincipes du droit international contemporain
est que les Etats de petite et moyenne importance jouissent, dans les
conférences et organisations multilatérales, d'une égalitéde voix pour
contribuer (<à modifier graduellement et à modeler le droit internatio-

nal D.
23. Un avis opposé, affirmant la nécessitéd'un lienjuridictionnel, fut
défendupar MM. Anzilotti et Huber, respectivement deuxième et troi-
sièmeprésidentsde la Cour permanente, et par M. Altamira,juge espa-
gnol.Leur interprétation du Statut tenaitcompteduchangement apporté à
sonchapitre II par l'Assembléede la Société des Nations en remplaçant la
juridiction obligatoire par la juridiction consensuelle- évolutionfonda-

mentale qui, dans leur esprit, s'appliquait à l'ensemble du Statut.
24. En conclusion. <<il a étéconvenude ne pas essayerderésoudredans le Règlementles
différentes questions qui avaient étésoulevées,maisde les laisser de
côté pourêtretranchées à mesure qu'elles se présenteraient dans la
pratique, en fonction des circonstances de chaque espèce (C.I.J.
Recueil 1981,par. 23, p. 15).

C'estdans cesensquelePrésidentLodera tranchéèsqualités (sérieD no2,
p. 29) et non lorsqu'il a exprimé son opinionpropre (p. 96), qu'on aurait
tort d'interpréter comme une décision présidentielle. Lorsde la requête
maltaise de 1981, la Cour a pu éviterde se prononcer sur cette ques-

tion qu'il sembleaujourd'hui, au bout de soixante-deux ans, impossible
d'éluder.

a) Le compromis etleprincipe de réciprocité

25. La première circonstance pertinente à prendre en considération
pour déciders'ilconvient d'admettre ou de refuserl'intervention del'Italie
dans la rése entes~èceest aue la com~étencede la Cour est fondée surun
compr&s concluéntre alt t et la ~i'b~e.Il sembleinutile de rappeler les
traits essentiels d'un compromis de ce type : deux parties ont saisi con-
jointement laCour,deconcertenquelquesorte,aprèsavoir soigneusement
évalué leur adversaire au procès et au terme de négociationsprolongées,
d'abord sur lefond du différend,puis surlechoixd'unmode de règlement
pacifique. Les parties ont ainsi exercéce que l'article 33 de la Charte des
Nations Unies et la déclaration de l'Assembléegénéralesur les relations
amicalesdécriventcomme le droit souverain de tout Etat de recourir aux
<<moyenspacifiquesde [son]choix o.Un compromisconsacrel'accord des
deux parties sur l'idéequ'une question déterminéeest mûre pour le règle-

ment judiciaire. Admettre l'intervention reviendraità obliger les parties
originairesà plaidercontrel'Italie, bien qu'ellesn'aientpaslibrement opté
pour un règlementjudiciaire avec elle ; ce serait les contraindrà entrer
directement dans un procès sans négociationspréalables propres à cerner
le différend,voire à déterminer s'il y a réellementdifférend. Une telle
décisionserait contraire au droit coutumier établi par la Cour en matière
de délimitation du plateau continental, qui exige qu'un règlementsoit
d'abord recherché aumoyen de véritables négociations.

26. En outre, dans leur compromis, les Parties ont mûrement peséles
termes de la question qu'ellesont soumise à la Cour ;ellesont spécifiéla
mission dont ellesentendaient investir celle-ci etprévuqu'une fois l'arrêt
rendu ellesentameraient desnégociationsen vuede conclureun accorden
conformitéavec cet arrêt ;elles ont même fixéd ,ans un instrument dis-
tinct,l'ordredeleursinterventions dans laprocédureorale.Riennepermet
dedirecomment,si elleétaitadmise,l'intervention del'Italieinfluerait sur
toutes ces questions.
27. Admettre une intervention dans une affaire ainsi portée devant la

Cour ne serait pas seulementméconnaître le caractèreexclusif de la rela- PLATEAU CONTINENTAL (OP.IND. JIMENEZ DE ARÉCHAGA) 64

tion créée par le compromis, cela violerait aussi les principes fondamen-
taux du droit concernant lelibre choixdesmoyens etla réciprocité ratione
personae résultantdu Statut ;ce serait saisir la Cour d'un litige que des
négociations préalables n'auraient pas défine it permettre à l'Etat inter-
venant, après étude approfondie du compromis publié, d'imposer unila-
téralement l'application des clauses arrêtées par Malte et la Libye et
régissantleursrelations mutuelles àladélimitationdu plateau continental
de l'Italie avec chacune des Parties originaires.
28. Certaines considérations ont étéémisessur l'opportunité d'admet-

tre l'intervention malgrél'absence d'un lien juridictionnel, une décision
négativerisquant d'(<[enfermer] ...l'institution de l'intervention dans des
limites très étroites (M.Schwebel,C.Z.J.Recueil 1981, p. 40). M. Oda a
écritquant à lui :
<Si l'on considèreque ce lien est dans tous les cas indispensable

pour recevoir l'intervention, la notion d'intervention devant la Cour
internationale de Justice ne pourra que s'étioler. >(Ibid., p. 27.)
De tellesconsidérations de politiquejudiciaire ne devraient pas êtredéci-
sivesquand il s'agit d'interprétertant la lettre que l'esprit du Statut de
plus, mêmesous l'anglepratique, admettre une intervention dans ce type

d'affaire aurait de sérieuxinconvénientspour l'activitéfuture de la Cour.
M.Anzilotti adéjàsignalé l'effetdissuasifqu'aurait, quantàlasaisinedela
Cour, le fait d'autoriser l'intervention dans des affaires introduites par
compromis, et il s'estexprimé ainsi à ce sujet :<<les Etats hésiteraientà
s'adresser àla Cour s'ilsavaientà craindre l'intervention, dans leur procès,
d'Etats tiers (C.P.J.I. sérieD no2, p. 87).Ce risque serait accru dans les
affairesdedélimitationmaritime,cequipourrait inciter lesEtats àpréférer
le recours à l'arbitrage ou le Tribunal du doit de la mer, dont aussi bien
l'intervenant que lesparties originairesdevraient avoir acceptélacompé-
tence(article 287,paragraphes 1et 3 à 5,dela convention sur ledroit de la

mer).

b) La région géographique concernéeplaarprésente espèce
et leprincipe d'égalité

29. Une autre circonstance pertinente très importante est que toute
intervention s'inscritdans le cadre de la procédure existante, de sorte que
sonobjetnedoitpas sortirdeslimitesgéographiques del'action principale.
L'intervention de l'Italie serait admise<dans l'affaire du plateau conti-

nental entre la République de Malte et la Jamahiriya arabe libyenne >)
(premier paragraphe de la requête). Ainsi, la zone litigieuse entre trois
Parties serait la mêmeque l'aire géographiquepertinentepour la délimi-
tation entre les Parties originaires.C'est ce qu'ont reconnu lesconseils de
l'Italie.M. Monaco aindiquépar exemplequel'intervention del'Italie <se
place exactement à l'intérieurdu cercle des questions posées à la Cour à
l'article 1du compromis >)(audience du 25janvier 1984,après-midi). Et
M. Arangio-Ruiz a admis que de larges secteurs du plateau continentalsituéentre l'Italieet chacune des Partiesoriginairesn'étaient pas en cause
dans laprésenteespècedu fait que ni Malte ni la Libyenepourraient seles
disputer :il s'agissaitpar exemple du plateau s'étendantentrela Sicileet
Malte. Par suite, lefait d'autoriser l'intervention de l'Italien'élargirait pas
lechampgéographiquedel'instance,qui resteraitlimité àlarégionpriseen

considération auxfinsde la délimitationentre Malte et la Libye. La Cour
ne serait donc pas compétente pour se prononcer sur les droits et obliga-
tions de l'Italie dans sa propre portion de plateau continental qui, dans
cette espèce,resterait en dehors de la juridiction de la Cour.
30. D'un point de vue général,une situation semblableparaît inaccep-
table du fait qu'elle ouvrirait à des Etats tiers la possibilitéde choisir
unilatéralementles zones de plateau continental qu'ils soumettraient au
règlementjudiciaire, en soustrayant à celui-ci le reste de leurs espaces
maritimes. En l'occurrence,une tellelimitationirait à l'encontre desdroits
et intérêtslégitimesde Malte et de la Libye et créerait une situation

d'inégalité inadmissible devantla Cour. Pour ne citer qu'un exemple, la
Libye et Malte pourraient devoir défendreles lignes de démarcation fer-
mant leurs golfes et baies, à partir desquelles est mesuré leur plateau
continental, contre des objections italiennes,alors qu'on leur dénierait la
possibilitédefairecondamner parla Cour d'éventuelleslignesdebasequi,
en fonction de critères analogues ou différents, auraient pu êtreétablies
par l'Italiepour ladélimitationde sespropreseauxterritoriales.Larequête
de l'Italie laisse déjà percevoirque celle-ci n'accepte pas certaines lignes
de base libyennes puisqu'elle affirme que la ligne médiane entre les
masses terrestres de l'Italie et de la Libye se situe au sud et au sud-est
de Malte,

<<que l'on tienne compte ou non des lignes de base droites revendi-
quéespar la Libye,bien que sapositionexactedépende,bienentendu,
du fait que l'on accepte,ou non, de prendre ces lignes en considéra-
tion ))(par. 9).

Et l'opposition de l'Italie auxprétentions libyennessur le golfe de Syrtea
été clairement affirmée à l'audience par M. Arangio-Ruiz, qui a indiqué
que l'Itali<(ne [peut] accepter ces prétentions ))(audience du 25janvier
1984, matin). Que celles-ci soient ou non fondées, leur mise en cause
créerait une situation inacceptable. Du fait des limites géographiquesde

l'instance, alors que les prétentions maritimes de la Libye et de Malte
seraient exposées à une contestationjuridique, aux critiqueset aux conclu-
sions adverses de l'Italie, la réciproque ne serait pas vraie. La Libye ne
pourrait, par exemple,s'enprendre à des lignesitaliennesfermant le golfe
de Tarente, si de telles lignes existaient. Une autre conséquenceinaccep-
table de cette approche fractionnée serait que le critère de proportion-
nalité, conçu pour vérifierle caractère équitablede toute délimitation
maritime, deviendrait inapplicable. De même,la limitation du champ
géographique de l'instance exclurait l'éventualitéde compensations et
d'échanges susceptiblesd'être convenup sar les Parties au cours de négo-

ciations diplomatiques. c) Lesprétentions italiennes e ltprincipedu consentement

31. Nous avons vu comment,du fait des circonstancesparticulières de
l'espèce - existence d'un compromis et limitation géographique de la
régionenvisagée - ilseraitporté atteinte,respectivement,aux principes de
réciprocitéet d'égalité consacréspar le Statut de la Cour. Mais la consi-
dération la plus déterminante et la plus pertinente conduisant à refuser

l'interventionenl'occurrencetient à la gravitédel'atteinte qui seraitportée
auprincipeduconsentement de l'Etat défendeur àlajuridiction deIaCour
si l'intervention de l'Italie étaitadmise.
32. Dans ses observations écrites,1'Etatrequérant a présenté de façon
quelque peu sibylline l'objet précisde l'intervention ))Cette présenta-
tion a suscitécertainesobservationsdesPartiesoriginaires,qui ont allégué
quel'exposéde l'Italien'indiquait pas lebut exactvisépar l'intervention et

ne répondait donc pas aux conditions de l'article 81, paragraphe 2, du
Règlement.Dans sa requêtel'Italieévoque (les droits qu'elle revendique
surcertaines deszonesrevendiquéespar lesParties (par. 16)sanspréciser
où elles se trouvent. Elle déclare cependant que, si elle est admise à
intervenir,l'Italie(préciser[a]lalocalisation deceszones,comptetenu des
revendications des deux Parties principales et des arguments avancés à
l'appui de ces revendications D.

33. Les exposésoraux et, plus particulièrement, la réponse écritede
l'agentde l'Italie, ont apportédes éclaircissementsau sujet desdemandes
précisesqueformulerait l'Italiesi elleétaitadmise à intervenir.Laréponse
écritevise nettement deux zones sur lesquelles l'Italie estime avoir des
droits,l'une du côtéest de la régionqui est en litige en l'espèce,l'autre de
son côté ouest.Au sujet de la première, l'agent de l'Italie déclareque
((l'Italie estime avoir le droit de participeà la détermination d'un point

triple, qui intéresseen mêmetemps Malte, la Libye et l'Itali1);c'est le
(<mêmepoint qui doit marquer l'extrémité orientale de laligne de déli-
mitation entre Malte et la Libye )).A propos de la seconde, il indique :

(Dans cette zonedoittrouver saplaceledeuxièmepoint triple(qui
pourrait êtreaussi quadruple...), qui marquera à l'ouest le point ter-

minal de la ligne de démarcationmalto-libyenne. L'Italie a évidem-
ment le droit de participer à la détermination de ce point. ))

Il est clair qu'en annonçant que l'objet de son intervention est de se voir
reconnaître le droit de participer à la détermination de ces points triples
(ou quadruples) dansle cadre desindicationsquedevradonner la Coursur
la manièredont les Partiespourront appliqueren pratique lesprincipes et

règlesde droit international afin de pouvoir <<délimiterces zones sans
difficultépar voie d'un accord O,l'Italie demande en fait à la Cour de se
prononcer sur ses droits et, réciproquement,sur les prétentionsopposées
des Partiesprincipales. L'établissementd'unpoint tripledans la première
zone obligeraitpar exemple la Cour àconfirmer les droits de l'Italie età PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA) 67

exclure ou rejeter les prétentions de Malte à l'est et les prétentions de la
Libye au nord de cepoint. Ainsi, et comme l'arrêt le souligne à juste titre,

l'Italienesecontentepas desauvegarder lesdroits qu'ellerevendique ;elle
désireen obtenir la reconnaissancejudiciaire. Son objectif n'est pas de
faire en sorte quela Courne porte pas atteinte à sesdroits ;elleveut que la
Cour lesavaliseetlesapplique. Il neluisuffitpas que laCourne lesprkjuge
pas ;elleveut que laCour enjuge, c'est-à-direqu'elleaccepte ou rejette ses
thèses surla position despoints triples. Mêmesi l'Italie nedemande pas à
la Cour de tracer une ligne de délimitation complèteentre elle et chacune
desPartiesoriginaires, l'essenceet l'effetdéterminant à l'égardde celles-ci
des décisionsjudiciaires que demande l'Italie n'en sont pas changéspour
autant. La détermination du lieu exact de ces triplex confinium, où trois
frontièresserencontrent, fournirait lepoint de départet lepoint d'arrivée

de toutes lignes de délimitationfuturesentre l'Italie et la Libyed'une part
et l'Italie et Malte de l'autre. Ce sont ces points triples qui soulèventles
problèmesles plus difficiles et lesplus délicatsdans toute délimitation, et
leur fixation par décisiondejustice conditionnerait par avance les négo-
ciations ultérieures entre l'Italie et chacune des Parties principales. De
plus, ladétermination decespoints triplesobligeraitlaCour àexamineret
trancher les thèsesitaliennessur lesprincipes et règlesdedroit àappliquer
dans le secteur, au sujet notamment du prolongement naturel, de l'équi-
distance, de la proportionnalité ...Les conclusions italiennes y relatives
consisteraient en prétentions juridiques d'un caractère préciset concret,
quidifféreraientdecellesde Malteet de la Libye sans êtrepour cela moins
spécifiques.Telestl'objetexact del'intervention italienne. On peut ajouter

à ce stadeque le présentarrêtde la Cour, par l'importance qu'il attache à
cette question, démontre de manière éloquentela sagesse des amende-
ments introduits en 1978dans l'article 81du Règlementet qui prescrivent
au requérant d'indiquer l'objetprécisde l'intervention et de citeràcesujet
toute base de compétence qui existerait selon lui entre lui-mêmeet les
parties en cause.

34. Ainsi, ce que l'Italie soumetà la Cour est ce qu'on appelle en droit
interne une intervention principale, autrementdit une intervention concur-
rente ou, comme le latin l'exprimebien mieux, une intervention ad exclu-
dendum, puisque l'Italie voudrait que la Cour écarte ou rejette les pré-

tentions maltaises ou libyennesdans certains secteurs de la régionqui est
en litigeen l'espèce.Une intervention ad excludendum se distingue d'une
intervention ad adjuvandum comme celle de Fidji dans les affaires des
Essais nz:cléairesd,ont l'objet était d'épauler l'Australie etla Nouvelle-
Zélande contre la France. Mais, plus encore que cette dernière modalité
d'intervention (en renfort )>,une intervention concurrente ad excluden-
dum comme celle qu'annonce l'Italie aurait pour conséquenceinéluctable
que non plus une, mais les deux Parties originaires deviendraient auto-
matiquementdéfenderessesvis-à-visde l'Italie. Legrand spécialisteitalien
du droit de la procédure civile, Chiovenda, enseignait à propos de cetteforme d'intervention que <<vis-à-vis de la tierce partie, les deux parties
originaires se trouvent dans la situation de défenderesses (Principiidi
dirittoprocessualecivile,vol. II, par. 89, III d)).
35. Telleétantlasituationjuridique,enpassant du droitinterne au droit

international on rencontre l'obstacle leplusformidable à l'intervention de
l'Italieà savoirce <<principe bien établide droitinternationalconsacré par
le Statut de la Cour )qui exige leconsentement de l'Etat défendeurpour
quela Cour puisseexercersa juridiction à sonégard.Faceauxprétentions
italiennes analyséesplushaut, lesEtatsdéfendeursseraientmanifestement
la Libye et Malte, qui risqueraientde sevoir déboutéesen partie sila Cour
devait accepter les prétentions italiennes.

d) Le remède à la situation

36. S'ilest fort possible que l'Italie ait des droits dans certainesparties
de la zone revendiquéepar l'une et l'autre des Parties originaires, ce fait
ne suffit pas à attribuer compétence à la Cour. L'Italie, dans sa requête,
veut établirune analogie avec le droit de la procédure civile lorsqu'elle
déclare :

t(Elle [l'Italie] se trouve mêmedans un cas tout à fait classique
d'intervention en droit judiciaire et où l'intervention, en pratique,
est toujours admise : celle où l'intervenant excipe des droits de véri-
table dominusde la chose en litige, ou d'une partie de cette chose. )>
(Par. 11 .)

Mais il y a là confusion entre droit interne et droit international. Dans le
systèmejudiciaire international crééen 1921et confirméen 1945, il ne
suffit pas qu'un Etat revendique - voire possède - un droit légitimeou
incontestablepour quela Cour puisse seprononcer sur l'existenced'un tel
droit. Il est également nécessaireque l'Etat débiteur de l'obligation cor-
respondante - 1'Etatdéfendeur - aitconsenti à l'exercicede lajuridiction

de la Cour. Si la situation qui en résultea étéqualifiéede déraisonnable
(M.Oda, C.I.J. Recueil1981,p. 27)par comparaisonnotamment aveccelle
du droit interne, elle procède cependant du Statut tel qu'il a étéadopté.

37. Le remède à cette situation n'est pas d'autoriser l'intemention en
l'absenced'un lienjuridictionnel :il tient dans le défautde compétencede
laCourpour disposerdes droits d'un Etat qui neseprésentepasdevant elle
etdans leprincipede l'effetrelatif de l'arrêtdelaCour, posépar l'article 59
du Statut. Vuletexte de l'article1du compromis,l'arrêtde la Cour servira

debase à un accord queconcluront lesparties au terme de négociations,de
sortequel'arrêt,commel'accord qui lesuivra,constituerontpour les Etats
tiers une res interalios acta. Il est très courant en matière de délimita-
tion maritime, ou mêmede tracéde frontières terrestres,que deux Etats
concluentun accord que des Etats tierspuissent considérer commeempié-
tant sur leurs droits. Un exemple est l'accord entre la Tunisie et l'Italie
auquelMalte s'oppose au motif qu'il englobe des zones sur lesquelles elle aurait des prétentions légitimes(paragraphe 8 des observationsécritesde
Malte). Mais, à moins qu'un point triple n'ait étéfixépar accord trilatéral,

ces traités n'affectent ni n'affaiblissent aucunement lesdroits susceptibles
d'êtrepar la suite revendiqués par des Etats tiers.
38. 11est doncfauxd'affirmer, commelefait la requête,quepour l'Italie
un arrêtde la Cour rendu dans une instance entre Malte et la Libye
(opéreraitdefacto et dejure l'attribution auxPartiesdes zones de plateau
continental quecette ligne est appelée à délimiter ))Ainsi que la Cour l'a
dit à l'occasion de la demande d'intervention de Malte :

(aucune inférence ni déduction ne saurait légitimement être tirée
[d'un arrêt] pource qui est des droits ou prétentions d7Etatsqui ne
sont pas parties à l'affaire (C.I.J. Recueil 1981, p. 20, par. 35).

On pourrait toutefois faire valoir qu'un arrêtde la Cour posant des prin-
cipes directeurs sur l'attributionà Malte ou àla Libye de zones revendi-
quéespar l'Italie aurait plus de force qu'un accord entre les deux pays,
puisque son autoritépourrait être invoquéedans des négociationsdiplo-
matiques et qu'ilpourrait êtredifficileà laCour de sedéjugerdans un futur
procès. Mais la réponse résidedans la prudence manifestée par la Cour
dansdessituationsanalogues,unefois que sonattentiona étéattiréesulres
revendications de 1'Etattiers lors des audiences sur la demande d'inter-
vention.
39. Il existe plusieurs solutions. La première, adoptéepar la Cour en

1982,consiste à reconnaître son défaut de compétencepour statuer rela-
tivement àdessecteurs oùdesEtats tierspourraient exciperdedroits. Dans
l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),la
Cour a pris soin de ne pas porter un préjudice éventuel à de tels droits,
lorsqu'elle a déclaré, à la page 42, paragraphe 33 : La Cour n'a pas
compétencepour connaître de cesproblèmesen la présenteinstanceet elle
ne doit pas préjuger leur solution future. ))Dans le dispositif de l'arrêt,
page 94, paragraphe C 3, la Cour a conclu :

<<la longueur de la ligne de délimitation vers le nord-est est une
question qui n'entre pas dans la compétencede la Cour en l'espèce,
étant donnéqu'elle dépendra de délimitations à convenir avec des
Etats tiers)).

Il est vrai que si ce précédentest suivi les dimensions de l'affaire entre
Malte et la Libye s'en trouveront considérablement réduites. Toutefois,
comme il est reconnu, dans la réponse écritede l'agent de l'Italie, qu'il
existe entre les deux zones un espaceintermédiaire décritcomme libre de
revendicationsitaliennes, il subsisterait une étendue maritime où la Cour
aurait compétence pour statuer si elle décidait de suivre strictement le
précédent tuniso-libyen.
40. Une deuxièmedémarcheest celle qui a étéadoptéepar le tribunal

arbitral franco-britannique et qui consiste à rappeler l'autorité relative
interpartes de toute décisionjudiciaire ou sentencearbitrale. Le tribunala
en effet déclaré danssa sentence que celle-ci : ne seraobligatoireque pour lesPartiesauprésent arbitrage ;ellene
créera ni droits ni obligations pour un Etat tiers quelconque, en
particulierpour laRépublique d'Irlande, à l'égardde laquelle ellesera
une res inter aliosacta)).

41. Mais la Cour,après avoir peséet comparéles titresinvoquéspar les
Parties initiales, pourrait aussi décider que l'une d'elles seulement est
habilitée, du fait des circonstancesgéographiques ou d'autres considéra-
tionspertinentes, ànégocierune délimitationavecl'Italie ou avec d'autres
Etats tiers selon certains tracés ou dans certains secteurs de la zone dis-
putée. On aurait ainsiun arrêt qui,malgrésoneffetrelatif,projetterait ses
conséquences erga omnes et contribuerait très utilement et dans une

mesure importante à la solution du différend portédevant la Cour par le
compromis entre Malte et la Libye. Il est évident que ces différentes
méthodespourraient se conjuguer en fonction des secteursconsidérés,de
l'évaluationpar la Cour des réalités et configurations géographiqueset
d'autres circonstancespertinentes.

(Signé)Eduardo JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA

1. 1havevoted againstthe Italian Application because of theabsence of
ajurisdictional link between Italy and each one of the original Parties to
thecase.The lackof ajurisdictional link, whichresultsfromtheopposition
of both Libya and Malta to Italy's participation in the case, constitutes a
decisiveobstacle for the admission of thisapplication,according to the text
and context of the Court's Statute, the principles of law which constitute
the basis of that instrument and the circumstances of the case.

2. Article 62, likeal1provisions in a treaty, must be interpreted and
applied, not in isolation, but in the context of the Statute as a whole.
This basic principle of treaty interpretation must be particularly observed

in the case of an instrument which is so well organizedfrom a systematic
point of view,having a first chapter dealingwith the Organization of the
Court, asecondoneon Competenceand athird oneon Procedure.Article62,
which appears in the third chapter, was never intended to stand by
itself, as a self-sufficient and autonomous provision. In the original draft
preparedby the Advisory Comrnittee ofJurists,Article 62(then Article 60)
was part of an instrument which provided in its Chapter II for compul-
sory jurisdiction. Thus, from the very beginning, Article 62 had to be
read and applied in conjunction with the provisions of the Statute
regulating the Court's competence ; its application was complemented
by thejuridical effect of what was provided in Chapter II of the original
draft.
3. It follows that when the Council and the Assembly of the League of
Nations altered the provisions corresponding to the present Article 36,
substitutingconsensual and optional competenceforcompulsory jurisdic-
tion, this radical change could not fail to affect the interpretation and
application of Article 62.The impact on Article 62 of such a fundamental
changewas automatic ;it wasnot necessary tointroduce anymodification
or amendment in the text of the pre-existing Article 62, since its applica-
tion had always depended, in 1920as well as in 1945,on Article 36 on

competence, whatever were the avatars of the fundamental political issue
of compulsory versus optional jurisdiction, and whatever form Article 36
finally assumed. Consequently, there is no question of oversight or of
negligenceon the part of thedraftsmen who,in the LeagueofNationsorat
the San Francisco Conference, put the final touches to the Statute of the
Court. OPINION INDIVIDUELLE DE M. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA

[Traduction]

1. J'ai votécontre la requête italienneen raison de l'absence d'un lien
juridictionnel entrel'Italie et chacune des Partiàsl'instance principale.
Cetteabsence de lienjuridictionnel, qui résultedel'opposition dela Libye
et de Malte à la participation de l'Itàll'instance, constitue un obstacle
décisif àl'admission de la requête,eu égardau texte et au contexte du

StatutdelaCour, auxprincipes dedroit sur lesquelsreposecet instrument,
et aux circonstances de l'espèce.

2. L'article 62, comme toutes les dispositions des traités, doit être
interprétéet appliquénon pas isolément,mais dans le contexte du Statut
tout entier. Ce principe de base de l'interprétation des traitésvaut parti-
culièrementpour un instrument aussi systématique,dont le chapitre 1est
consacré à l'organisation de la Cour, le chapitre àIsa compétenceet le
chapitre IIIà la procédure.L'article62,qui setrouvedans le chapitre III,

n'ajamais étécensés'appliquer isolément commedisposition tout à fait
complète et autonome. Dans le projet élaboré à l'origine par le comité
consultatif de juristes, l'article 62 (alors article 60) faisait partie d'un
instrument prévoyant, dans son chapitre II, la juridiction obligatoire.
Ainsi, dès l'origine,l'article 62 devait s'interpréteret s'appliquer en rela-
tion aveclesdispositions du Statut régissantlacompétencedelaCour,et à
sonapplication venait s'ajouter l'effetjuridique desdispositionscontenues
dans le chapitre II du projet initial.

3. Par suite,lorsque le Conseil et l'Assembléede la SociétédeNations
modifièrentlesdispositionscorrespondant à l'actuel article36,pour subs-
tituerà lajuridiction obligatoire la compétencefacultativefondée sur le
consentement desparties,cette modification radicale nepouvait pasnepas

retentir surl'interprétation et l'applicationde l'article62.Un tel effet était
automatique, et il n'étaitpas nécessairede modifier le texte de l'ancien
article 62,puisque son application avait toujours,en 1920comme en 1945,
étésubordonnée à l'article36relatiàla compétence,quelque fût l'état de
laquestiondeprincipefondamentale du choixentrejuridiction obligatoire
etjuridiction facultative, et la forme finale de l'article 36. On ne saurait
doncparler d'unoublioud'une négligencedesrédacteursqui,au seindela
Société des Nations ou à la Conférencede San Francisco,mirent la der-
nière main au Statut de la Cour.56 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. JIMENEZ DE ARÉCHAGA)

4. In other terms, Article 62, appearing in the chapter on Procedure,
never granted to the Court anything other than the lirnited jurisdiction

required for theCourt to be competent to decidewhethertoadmit or refuse
a State's request for permission to intervene in a pending case. Anyjuris-
diction to deal with the merits of the case raised by the intervening State
depended on, and had to derive from, Article 36, since this article is the
sedesmateriae, theprovision which exclusivelyregulatesthefull or plenary
jurisdiction of the International Court of Justice to deal with themerits of
any international dispute. A textual argument, based on the English
wording of Article 62, confirms ths contextual interpretation. Paragraph
2 of Article 62 only gives the Court competence to decide "upon this
request" and nothing else :that is to Say,upon "the request to be permitted
to intemene". It grantsjurisdiction only to decide the preliminary issue of
the admissibility of the application, not to pronounce on the merits of the
claims or legal interests advanced by the State seeking to intervene.

(a) Incidental and not Principal Jurisdiction

5. Itresultsfromtheforegoingthat what Article 62confers on theCourt
iswhathas been describedas"incidentaljurisdiction" and not principal or
substantivejurisdiction, such as might empower the Court to pronounce
upon the merits of the claims or legal interests advanced by a State
appearingbeforetheCourt. Suchsubstantive or principaljurisdiction only
existswhen the conditions ofArticle 36havebeen fulfilled.Rosenne,in his
treatise on the Court, defines principaljurisdiction as "the jurisdiction of
the Court to decide on the merits of the case, that is to Say, the claim
brought before it" (The Law and Practice of the International Court, Ley-
den, 1965,p. 318). And incidentaljurisdiction, comprising the power of
decision on competence, interim measures, intervention, revision and
interpretation, refers to "other matters with which the Court may be called
upon to deal inconnexion with or derived from the decision on the merits"

(op. cit., p. 319). He adds that:

"The characteristic feature of the incidentaljurisdiction is that it
depends not upon the specific consent of the parties but upon some
objective fact, such as the existence of 'proceedings' before the
Court." (Op. cit., p. 422.)

The Italian Application admits that Article 62 of the Statute belongs to
that group of provisions which confers incidental jurisdiction, such as
Articles 36 (6) and 41. The Application points out that these provisions
gant "jurisdictions which are directly established by the Statute. .. It is
precisely in the sarnecategory of direct rules ofjurisdiction that Article62
falls." (Para. 21.) But al1these provisions merely authorize the Court to
reach the decisions which are directly envisaged by them : to determine,
under Article 36 (6), whether or not the Court has jurisdiction ; under 4. En d'autres termes, l'article62,qui figure dans lechapitre relatifà la
procédure, n'a jamais conféré à la Cour autre chose que la compétence
limitéedont elle a besoin pour accueillir ou rejeter la requête d'un Etat
Membre à fin d'intervention dans une procédure en cours. Toute compé-
tencepour connaître au fond desprétentions de l'Etat intervenantreposait
surl'article 36et devait êtredérivéede cet article,qui est lesedesmateriae,

la disposition régissantde façon exclusivela compétencepleine et entière
de la CourinternationaledeJusticepour connaître au fond des différends
internationaux. Un argument de texte, fondé sur le libellé anglais de
l'article62,confirmecetteinterprétation contextuelle. Leparagraphe 2de
l'article 62 ne donne à la Cour compétenceque pour décider (<upon this
request ))- c'est-à-dire pour se prononcer sur la requête à fin d'interven-
tion.Il donne compétence à la Cour uniquement pour statuer sur la
question préliminairede la recevabilitédelarequête,mais non sur lefond

desprétentionsou desintérêtsjuridiquesquefaitvaloir l'Etatquidemande
à intervenir.

a) Compétence accessoire et non compétenceprincipale

5. Il résultedece qui précèdeque l'article 62 confère à la Cour ce que
l'onaappeléunecompétenceaccessoireouincidente, etnonlacompétence
principale ou compétence sur le fond, celle qui permet à la Cour de se

prononcer au fond sur lesprétentionsou intérêtsjuridiquesque fait valoir
un Etat qui se présente devant elle. Cette compétence au fond, ou com-
pétenceprincipale, n'existe que lorsque les conditions de l'article 36 sont
remplies. Rosenne, dans son traité sur la Cour, définit la compétence
principale comme la (compétencede la Cour pour se prononcer sur le
fond d'une affaire, c'est-à-dire sur la prétention qui lui est soumisu (The
Law and Practice of the International Court, Leyde, 1965, p. 318). La
compétenceincidente,quipermet de seprononcer sur la compétence,les

mesuresconservatoires, l'intervention, la revisionetl'interprétation, atrait
aux <(autres questions dont la Cour peut avoir à connaître à l'occasion
ou en conséquencede sa décisionau fond (op. cit., p. 319). Rosenne
ajoute :

(La caractéristiquede la compétence accessoireest qu'elle ne re-
pose pas sur le consentement exprès des parties, mais sur un fait
objectif tel que l'existence d'une(<instance ))devant la Cour. (Op.
cit., p. 422.)

Dans sa requêtel'Italie admet que l'article 62 du Statut fait partie des
dispositionsquiconfèrent à la Cour une compétenceincidente, comme les
articles 36, paragraphe 6, et 41. L'Italie souligne que ces dispositions
donnent à laCour les ((compétencesdirectementétabliespar leStatut )>,et
que c'est précisémentdans la mêmecatégorie de règles directes de
compétenceque se situe l'article 62 du Statut )(par. 21). Or, toutes ces
dispositions n'autorisent la Cour qu'à prendre les décisionsqui y sont

spécifiquementvisées :l'article36,paragraphe 6,l'autorise à seprononcer Article 41,whether or not interim measures are to be granted ;and under
Article 62, whether or not permission to intervene should be allowed.
Moreover, the statutory requirement of "consent by the Respondent"
extends and applies to al1 these decisions ; this fundarnental principle

cannot be ignored, nor can jurisdiction be asserted under Article 36 (6),
interimmeasures begranted under Article 41or intervention bepermitted
under Article 62whenthe consent of the respondent tojurisdiction on the
merits is manifestly lacking.

6. Afundarnentalobjectionagainstthe thesisthat Article 62(2),initself
confers principaljurisdiction, orjurisdiction to entertain the merits of the
claims submitted by the intervening State, regardless of the respondent's
consent, is that this would constitute an implicit and indirect way of
conferring principaljurisdiction on the Court. Judge Morelli, one of the
foremost experts on the international law of procedure, has written :

"It does not seempossible to base on an implicit rule in the Statute
the Court'sjurisdiction with respect to al1eventualclaimssubmitted
through intervention. Such a rule, which in view of its substance
would have the characteristics of a general rule, is not in accordance
with the system followed on the subject by the Statute. This instru-
ment abstains from establishing itself thejurisdiction of the Court,
but refers instead, for such purposes, to mles adopted by various
procedures (Article 36). It is difficult to see in fact how the Statute
would have departed from such a system, setting up instead directly
andwhat isevenmoredifficult to accept,implicitly,a rule designed to
conferjurisdictionto the Court in respect of al1casesof intervention.
In substance, it cannot be seenfor whichreasonadispute,the solution
of which could not be submitted to the Court in an autonomous
litigation because of absence of jurisdiction, could be submitted
instead, on the basis of the Statute, by means of an application
presented in the form of an intervention." ("Note sull'intervento ne1

processo internazionale", Rivista di diritto internazionale,Vol. LXV,
1982,p. 813.)
7. A textual argument servestoconfirmthecorrectness ofJudge Morel-
li'sopinion. Article 36 of the Statute confers principaljurisdiction to the
Court in al1matters "speciallyprovidedfor in the Charter of the United
Nations or in treatiesand conventions in force". Animplicit attribution of
jurisdiction cannot be held to be something "specially provided for" in a
treaty.

(b) The Cornparisonbetween Articles 53, 62 and 63 of the Statute

8. A textual argument advanced in support of the thesis that nojuris-
dictional link is required is the comparisonbetweenArticles 62 and 63. It
has been observed that :sur sa compétence,l'article41 à indiquer si des mesures conservatoires
doiventêtreadoptéesou non, et l'article62 àdéciderd'admettre ou non la
requête à fin d'intervention. Mais à toutes ces décisionss'applique la
condition du << consentement du défendeur ))poséepar le Statut. Il n'est
pas possible de méconnaître ce principe fondamental et d'affirmer la
compétenceen vertu de l'article 36,paragraphe 6, d'indiquer des mesures
conservatoires en vertu de l'article1 ni d'autoriser l'interventionenvertu
de l'article 62lorsque le consentementdu défendeur àlajuridiction sur le
fond fait manifestement défaut.
6. L'objectionfondamentale à la thèse selonlaquellel'article 62,para-

graphe 2, àlui seul,donne àlaCourcompétenceprincipale,oucompétence
pour connaître au fond de la demande de l'Etat intervenant, que l'Etat
défendeur ait ou non donné son consentement, est qu'il y aurait là un
moyen implicite et détourné d'attribuer à la Cour la compétenceprinci-
pale. M. Morelli, l'un des plus éminentsspécialistesdu droit procédural
international, écrit:

<Il ne semblepas possible defonder surune règleimplicitedu Sta-
tut la compétencede la Cour pour connaître de toutes les demandes
qui pourraient êtresoumises par le biais de l'intervention. Une telle
règlequi, vu son contenu, aurait le caractèred'une règlegénérale, ne
serait pas conforme au système suivi en la matière par le Statut.
Celui-ci n'établit pas lui-mêmlea compétencede la Cour, mais ren-
voie àcettefin aux règlesadoptéesselondiversprocédés(art.36).On
voit mal comment le Statut se seraitécartéd'un tel systèmeen fixant
directementet, ce qui est encoreplus difficile àadmettre, implicite-
ment, une règlevisant àconférerjuridiction àlaCourpour tous lescas

d'intervention. Sur le fond, on ne voit pas pour quelle raison un
différendquinepourrait pas êtreporté devantlaCourdansunprocès
distinct faute d'un titre de compétence,pourrait lui êtresoumis, sur
la base du Statut, par le biais d'une requête à fin d'intervention.))
(<Note sull'intervento ne1processo internazionale >),Rivistadidiritto
internazionale,vol. LXV, 1982,p. 813.)

7. Un argument de texte confirme l'exactitudede I'opinionde M. Mo-
relli. L'article 36 du Statut confèàela Cour compétenceprincipale dans
touslescas spécialementprévudsanslaChartedesNations Unies oudans
les traités et conventions en vigueur ))Or, on ne peut considérer une
attribution implicite dejuridiction comme un cas G spécialement prévu
par un traité.

b) Comparaison entre les articles 53, 62 et 63 du Statut

8. Un argument de texte, avancé à l'appui de la thèse selon laquelle
aucun lienjuridictionnel n'est requis, a été tirde la comparaison entre
l'article 62 et l'article 63.a fait obsemer que : "Article 63 apparently does not require a demonstration ofjurisdic-
tion even where the party invoking the treaty under construction has
not acceded to the Court's jurisdiction to decide disputes over that
treaty's interpretation or application ;why such jurisdiction should
be requiredin thecomplementary caseofArticle 62accordingly is the
less clear." (Judge Schwebel, I.C.J. Reports 1981, p. 40.)

9. The assumption that Article 63 does not require a demonstration of
jurisdiction has never been put to the test. But even conceding the cor-
rectness of Judge Schwebel'sassumption, two points must be taken into
account.First, thejurisdictional scopeof theinterventionpermitted under
Article 63 is lirnite: it is not full or plenaryjurisdiction on the merits of

the case. It does not extend, for instance, to the remedies claimed by the
main party as a result of the violation of the convention ;it onlyconcerns
theconstruction of thetreaty in issue.This is the lesson to be derived from
the Wimbledon case, where the Permanent Court accepted intervention
under Article 63only after taking note that "Poland does not intend to ask
the German Government forany special damages" (SeriesA, No. 1,p. 13).
For thisreason,the RegistrarHammarskjolddescribedintervention under
Article 63as "quasi-intervention" (Series3,49 Revue dedroit international
etdefégislationcomparéeN , o. 2-3,p. 143).And thesecondpoint is that the
two Articles 62 and 63, although dealing with similar subjects, operate
under different legalrégimesand attribute functions of a diversenature to
theCourt. Onefunction is intervention as of right ; the other is permissive
intervention. Whereas Article63 confers an unqualified right on the State
party to the convention, and the Court merely performs the function of
venfying forma1 admissibility, under Article 62 the Court must reach a
judicial decision, by means of a judgrnent, as to whether permission
"should be granted" inaccordance with Rule 84.It seemsindisputable that
in deliveringajudgment, inreaching ajudicial decision which willopenthe
merits of the case,theCourt isobliged to actinaccordance with its Statute,

which naturally includesthefundamental principle of consent tojurisdic-
tion.

10. And this must be so because the relevance of Chapter II of the
Statute toArticle 62hasnot been affected or abrogated by any expressand
exceptional provision in the text of the corresponding article, as may be
said to have occurred with Article 63. In any case, the differences in the
legal régime and in the texts of Articles 62 and 63 are so clear and
significantthat it does not seem possible to treat them ascomplementary,
nor is it a convincing method of interpretation to invoke the text of one of
these articles by arguments apari or a contrarioin order to reach a certain
conclusion in respect of the other provision.
11. The argument derivedfromArticle53 isnot convincing either. For a
favourable decision this provisionrequiresnot only the existence ofjuris-
diction, but also a finding that the claim is "well founded in fact and in <l'article63 n'oblige apparemment pas à établirl'existence d'un lien
juridictionnel, mêmequand lapartiequiinvoqueletraité à interpréter
n'a pas accepté la comptétencede la Cour pour connaître des dif-
férendsrelatifs à l'interprétation ouà l'application dudit traité; on
voit d'autant moins la nécessitéd'un lien juridictionnel dans le
cas symétriquede l'article 62. >)(M. Schwebel, C.I.J. Recueil 1981,
p. 40.)

9. L'hypothèsequel'article 63n'obligepas àétablirl'existenced'unlien
juridictionnel n'a jamais étévérifiéeM . ais, mêmesi l'on admet que l'hy-
pothèsede M. Schwebelest exacte, ilfaut tenir comptede deux choses. La

première est que la portéejuridictionnelle de l'intervention accordéepar
l'article 63estlimitée:ilne s'agitpasd'une pleineet entièrecompétenceau
fond. Ellene s'étend pas,par exemple, aux voiesde recours exercéespar la
partie principale pour violation de la convention, et ne concerne que
l'interprétation de cet instrument. C'est là l'enseignement à tirer de l'af-
faire du Wimbledon,dans laquelle la Cour permanente n'a admis l'inter-
vention au titre de l'article 63qu'après avoirpris acte de cequela Pologne
affirmait 1'0intention de ne demanderau Gouvernement allemand aucuns
dommages-intérêts particuliers (C.P.J.I. sérieA no 1, p. 13). Aussi le
Greffier Hammarskjold avait-il qualifié l'intervention en vertu de I'ar-
ticle 63 de <quasi-intervention ))(Revue de droit internationalet de Iégis-
lation comparée3 ,esérie,49eannée(1922),nos2-3,p. 143).La seconde est

que l'article 62 et l'article63, tout en portant sur des sujets similaires, ont
des régimesjuridiques différents et attribuent à la Cour des fonctions de
nature différente. L'uneconcerne l'intervention de plein droit ; l'autre
l'intervention éventuellement autorisée.Si l'article 63 confère aux Etats
parties à la convention un droit pur et simple, le seulrôle de la Cour étant
de contrôler la recevabilitéformelle, en revancheen vertu de l'article62la
Cour doit rendre une décisionjudiciaire, sousformed'un arrêt sur <<l'ad-
mission ))comme dit l'article 84du Règlement, de la requête à fin d'in-
tervention. Ilparaît difficilede nier que,pour rendre un arrêt,une décision
judiciaire qui touche forcément aufond de l'affaire, la Cour est obligée
d'agir en conformitéavec son Statut et, naturellement, avec le principe
fondamental du consentement à lajuridiction.

10. Et il en est nécessairement ainsiparce que l'effet du chapitre II du
Statut n'a pas été diminué ou écartépar une disposition expresse de l'ar-
ticle 62,comme on pourrait soutenir qu'ill'aété dans lecas de l'article63.
De toute manière,lesdifférencesde régimejuridique et de rédaction entre
les articles 62 et 63 sont trop claires et importantes pour qu'on puisse
traiter ces articles comme complémentaires, ou leur donner une interpré-
tation probante eninvoquantle textede l'un desdeuxpour en tirer, àl'aide
d'un raisonnement par analogie ou a contrario,une conclusion au sujet de
l'autre.
11. L'argument tiré de l'article 53 n'est pas plus convaincant. Une
décisiondonnant gain de cause au demandeur en vertu de cet article
suppose en effet que la Cour s'assurenon seulement qu'ellea compétence, law". Consequently, it would seem tobe going too far to compare the text
ofArticle 53with that ofArticle 62and conclude that one hasto interpret a
contrariothe latter provisionas ornitting any of therequirements whichare
reiterated ex abundante cautelain Article 53.

II. THEFUNDAMENTA PRINCIPLE S F THE STATUTE

12. To allow intervention under Article 62 in the absence of ajurisdic-
tional link would violate threebasicprinciples of the Statut;the pnnciple
of consent tojurisdiction ; the principle of reciprocity of obligations, and
the principle which prescribes the equality of the parties before the
Court.

(a) The Principle of Consent by the Respondent

13. Theprinciple of consent to the exerciseby the Court ofjurisdiction
on the merits of a case, or principaljurisdiction, arisesfrom the fact that
the Statesparties, in both 1921and in 1945,failed to agree on compulsory
jurisdiction. As a consequence, the principle was establishedthat no State

may become arespondent before the Court unless it hasconsented, by one
means or another, to submit to its jurisdiction.
14. This principle was categoricallylaid down both by the Permanent
Court of International Justice and by the present Court. In the Mavrom-
matis case, the Permanent Court asserted that itsjurisdiction
"is invariably based on the consent of the respondent and only exists
in so far as this consent has been given" (Mavrommatis Palestine

Concessions,Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p.
16).
And in the Monetaiy Goldcase, the present Court referred, as the basis of
its decision, to a

"well-established principle of international law embodied in the
Court's Statute, narnely, that the Court can only exercisejurisdiction
over a State with its consent" (I.C.J. Reports 1954,p. 32).

15. It willbeseenin paragraph 35below that, vis-à-visItaly, and in the
light of the statements made by its representativesin the oral proceedings
and the written reply of its Agent to the question put by Judge de
Lacharrière,both the originalParties to the case, Libya and Malta, would
inevitably become respondent States, having to defend themselves against
various Italian legalclaims.Now, neither Libya nor Malta have consented
to be placedin that position;on the contrary, they have expresslyopposed
the Court's exercise of jurisdiction over them in respect of Italian legal
claims. Much has been said in the oral proceedings about the need tomais aussique les <(conclusionssontfondéesenfait et endroit ))Il semble
donc qu'on ailletrop loinencomparant letextede l'article53avecceluide
l'article 62 pour conclure que ce dernier doit être interprétéa contrario
comme supprimant toutes les exigencesrépétéee sx abundante cautela à
l'article 53.

II. LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU STATUT

12. Admettrel'interventionenvertu del'article62enl'absenced'unlien
juridictionnel serait violer trois principes essentiels du Statutcelui du
consentement alajuridiction, celuidela réciprocitédesobligationsetcelui
de l'égalitédes parties devant la Cour.

a) Le principe du consentementdu défendeur

13. Leprincipe du consentement à l'exercicepar la Cour de sa compé-
tencesurlefond d'uneaffaire,oucompétenceprincipale,découledeceque

les Etats parties, en 1945comme en 1921,ne se sont pas entendus sur la
juridiction obligatoire.En conséquence,il a étéposé enprincipe qu'aucun
Etat nepeut êtreattrait devant la Coursans avoiracceptédesesoumettre à
sajuridiction par un moyen ou un autre.
14. Ce principe a été proclamé entermes catégoriquespar la Cour
permanente et par la Cour actuelle. Dans l'affaire Mavrommatis,la Cour
permanente a affirméque sajuridiction

<<se fonde toujours sur le consentement du défendeur et ne saurait
subsister en dehors des limites dans lesquellesce consentement a été
donné ))(ConcessionsMavrommatis en Palestine, arrên t o 2, 1924,
C.P.J.I. série no2, p. 16).

Et dans l'affairede l'Or monétairela Cour actuelle a invoquécomme base
de sa décisionun
<(principe de droit international bien établi et incorporédans le
Statut,à savoir que la Cour ne peut exercer sajuridiction à l'égard

d'un Etat si ce n'est avec le consentement de ce dernier (C.I.J.
Recueil 1954, p. 32).
15. On verra plus loin, au paragraphe 35, que, vis-à-vis de l'Italie et
compte tenu des déclarations faites par ses représentants au cours de la

procédureoraleet dela réponseécritedesonagent àlaquestion poséepar
M. de Lacharrière,les deux Parties originaires, la Libye et Malte, devien-
draient inévitablementEtats défendeurspuisqu'ellesdevraient combattre
diverses prétentions juridiques de l'Italie. Or, ni la Libye Malte n'ont
acce~téd'êtremises dans cette situation. Au contraire. elles se sont
expressémentopposées à ce que la Cour exerce sur elles sajuridiction à
l'égarddesprétentionsjuridiques de l'Italie.11a beaucoup étéquestion au protect Italian rights, and this should be done without such protection
calling for the grant of the application to intervene. But the Court, in
accordance with the fundamental principle of the Statute, is under a clear
duty to give priority to the existence or absence of obligations of a res-
pondent, rather than to the rights of an intervener.And in this case there

areno obligationsupon the originalParties to the case to become respon-
dent States vis-à-vis Italy.

(b) The Principle of Reciprocity

16. The Statute establishes a fundamental principle of reciprocity of
rights and obligations between the Statesparties which have accepted the
compulsory jurisdiction of the Court. This principle is expressly pro-
claimed in respect of declarations of acceptance of the Court'sjurisdiction
under Article 36 (2), but it has a wider scope and applies afortiori to the
jurisdiction deriving from Special Agreements which submit to the Court
particular disputes between two States.
17. Article 36,paragraph 2, lays downthisprinciple of reciprocityboth
rationemateriae and rationaepersonae.As to the first type of reciprocity,
Article 36 (2)provides that theacceptance ofcompulsoryjurisdiction must
always be made "in relation to any other State accepting the same obli-
gation". A corollary of this principle is that a State cannot be obliged to
submit to thejurisdiction of the Court to a greater extent than the other
party is itself subject. This is the reason why the two declarations must

coincide and any of the parties is entitled to invokethe reservations of its
adversarv.
18. The principle of reciprocity rationepersonae derives from another
provision of Article 36 (2) : the phrase providing that the acceptance of
compulsoq jurisdiction may be made "on condition of reciprocityon the
part of ... certain States". Thisphrase resulted from an exchangebetween
the two architects of the optional clause :Sr. Raoul Fernandes of Brazil
and Judge Huber, then the delegate of Switzerland. When the Assembly of
the League ofNations discussed the text of what became Article 36(2),Sr.
Fernandes expressed the opinion that "it was inadmissible for a Stateto
accept the principle of compulsoryjurisdiction without knowing exactly
towards whom it accepted such an obligation". Judge Huber observed
that :

"The draft of the Statute provided for reciprocity rationemateriae,
whereas Mr. Fernandes wished a stipulation establishingreciprocity
rationepersonae :both thingscouldwithout difficulty be combined."
(DocumentsconcerningtheAction Takenbythe CounciloftheLeague of
Nations underArticle 14 of the Covenant, Document 44, p. 107.)

In thelight of thisdiscussionit wasdecidedtoadd theclausequoted above,
allowing Statesthe option of subjectingtheir acceptance to the suspensivecoursdelaprocédure oralede la nécessité deprotégerlesdroits de l'Italie.

Ces droits doivent être protégés, sanq su'ilfaille pour autant admettre la
requête à fin d'intervention. Mais il est clair que la Cour, en vertu du
principe fondamental de son Statut, doit faire passer l'existence oul'ab-
sence d'obligations du défendeur avant les droits de l'intervenant. En
l'espèce,rien n'obligeles Parties originairesà accepter d'être défendeurs
vis-à-vis de l'Italie.

b) Le principe de réciprocité

16. Le Statut pose un principe fondamental de réciprocitédesdroits et

des obligations entre les Etats parties qui ont acceptélajuridiction obli-
gatoire de la Cour. Ce principe est proclamé expressément à propos des
déclarations d'acceptation dela juridiction de la Cour en vertu de l'ar-
ticle36,paragraphe 2,maisilestdeportéepluslargeets'applique à fortiori
à la compétencedérivéedes compromis en vertu desquels les différends
entre deux Etats sont soumis à la Cour.
17. Leparagraphe 2de l'article36proclameceprincipe de réciprocité à
la fois rationemateriaeet rationepersonae.En ce qui concernele premier
type de réciprocitél,'article36,paragraphe 2, dispose que I'acceptation de
lajuridiction obligatoire doit toujours êtrefaite (à l'égardde tout autre
Etat acceptant la mêmeobligation u.Ce principe a pour corollaire qu'un

Etat ne peut pas êtreobligé à sesoumettre à lajuridiction de la Cour dans
unemesureexcédantl'obligationcorrespondante del'autre partie. C'est la
raison pour laquelleles deuxdéclarationsdoiventcoïncideretchacunedes
parties a le droit d'invoquer les réserves émisespar son adversaire.
18. Le principe de réciprocitérationepersonaerésulted'une autre dis-
position de l'article 36,paragraphe 2, en vertu de laquelleI'acceptation de
lajuridiction obligatoirepeut êtrefaite ((souscondition de réciprocitéde
la part ..de certains Etats >>C.ette disposition résultait d'un échangede
vues entre les deux auteurs de la clausefacultative:M. Raoul Fernandes,
du Brésil,et M. Huber, alors délégué de la Suisse.Lorsque l'Assembléede

laSociétédesNationsexaminaletextedecequiestaujourd'hui l'article36,
paragraphe 2, M. Fernandes exprima l'avis qu'ilétait ((inadmissiblepour
un Etat d'accepter le principe de la juridiction obligatoire sans savoir
exactement envers qui il [acceptait]unepareilleobligation ))M.Huberfit
observer que :

<(Leprojet de Statut prévoyaitla réciprocité rationemateriae,tan-
dis que M. Fernandes voulait une clause établissant une réciprocité
rationepersonae :l'une et l'autre pouvaient se combiner sans diffi-
cultés. (Documentsrelatifs aux mesures prises par le Conseid l e la
SociétédesNationsaux termesdel'article 14duPacte,document no44,

p. 107.)

Compte tenu de cet échange,il fut décidéd'ajouterla clausesusmention-
née,donnant aux Etats la possibilitéde soumettre leur acceptation à la condition that the jurisdiction should equally be accepted by a certain
State or certain other States.
19. It follows that the reciprocity established in the Statute refers not
only to the scope of compulsoryjurisdiction, but also the election intuitu
personae of theother States in respect ofwhichjurisdiction isaccepted. For
this reasonRosenne refers to "a complete and individualizedreciprocity of
obligation" (p. 304),which is "inherent in the very notion of thejurisdic-
tion of the Court" (p. 387).And thisprinciple of individualizedreciprocity
of obligations, while proclaimed expressly in respect of unilateral decla-
rations of acceptance under Article 36 (2), applies afortiori in the case of

Special Agreements by which two States define the scope of the dispute
they have decided to submit to the Court. As Hudson has said in his book
on the Permanent Court :
"If two States are before the Court by reason of declarations made
under paragraph 2 of Article 36 of the Statute, it would seem to be a
derogation from the condition of reciprocity in their declarations to
allow intervention by a third State which has made no similardecla-
ration ; the situation is not essentially different, however, when two

States are before the Court under a special agreement and it allows
intervention by a third State which is not a party to the agreement."
(ThePermanent CourtofInternational Justice1920-1942,A Treatise,
New York, 1943,p. 420.)

20. If intervention weretobe permitted in thepresent case, there would
be a clear and flagrant violation of the principle of reciprocity of obliga-
tions. Whereas Italy would be submitting legal claims against Malta and
Libya forjudgment by the Court, there would never havebeenthe slightest

possibility, by reason of the absence ofjurisdiction, for Malta or Libya to
submit to the judgment of the Court any legal claims vis-à-vis Italy.
Consequently, it may be asserted, on the basis of the principle of reci-
procity,in both its aspects,that a State which cannot be brought to Court
as adefendant by another State,cannot become an applicant vis-à-visthat
State, nor can it become an intemener against that same State, entitled to
make independent submissions in support of an interest of its own.

(c) The Principleof Equality

21. Finally, the Statute proclaims, in Article 35 (2), the principle of
equality when it provides that "in no case" shouldtheparties be p!aced "in
a position of inequality before the Court". While this phrase refers to
States adhering to the Statute, the words "in no case" signify that the
principle of equality in the position of parties before the Court is one of
generalscope.Thisprinciple would be violated if Italy's intervention were
permitted. Italy would thus be allowed to make legal claims against Libya
and Malta, whereas these States could never have made claims against
Italy or sue it before the Court. Furthermore, by reason of the limited condition suspensivequelajuridiction de la Cour soit égalementacceptée
par un Etat ou des Etats donnés.
19. Il s'ensuit que la réciprocité qu'établit leStatut ne concerne pas
seulementla portée delajuridiction obligatoire,mais aussi lechoix intuitu
personae des Etatsà l'égarddequi cettejuridiction est acceptée.Pourcette
raison, Rosenne parle d'une (réciprocité complète et individualisée des

obligations )(p. 304),qui est(inhérente àlanotion mêmedelajuridiction
de la Cour (p. 387). Ce principe de la réciprocité individualisée des
obligations, qui est proclamé expressément à propos des déclarations
unilatéralesd'acceptationen vertu del'article 36,paragraphe 2,s'applique
aussi,à fortiori, dans le cas des compromis par lesquels deux Etats cir-
conscriventledifférend qu'ilsont décidé de soumettre à la Cour. Comme
Hudson le dit dans son traitésur la Cour permanente :

(<Si deux Etats comparaissent devant la Cour en application de
déclarations faites envertu du paragraphe 2 de l'article36 du Statut,
ce serait, semble-t-il, dérogerà la condition de réciprocité figurant
dans leurs déclarations qu'autoriser un Etat tiers qui n'a pas fait
semblable déclaration à intervenir dans la procédure. La situation
n'est pas, cependant, essentiellement différente lorsque deux Etats

comparaissentdevantlaCour envertud'un compromiset quela Cour
admet l'intervention d'un Etat tiers qui n'est pas partie au compro-
mis. >>(The Permanent Courtof International Justice 1920-1942,A
Treatise, New York, 1943,p. 420.)

20. Si l'intervention était admiseen l'espèce,il y aurait une violation
nette et flagrante du principe de la réciprocité des obligations. L'Italie
ferait valoir devant la Cour desprétentions contre Malte et la Libyealors
queni Malte ni la Libyen'auraient lamoindrepossibilité,faute d'une base
de compétence,de soumettre àla Cour desprétentions contre l'Italie. En
conséquence on peut dire, en vertu du principe de réciprocité considéré
sous sesdeux aspects, que lorsqu'un Etat ne peut pas êtreassigné comme
défendeur devant la Cour par un autre Etat, il ne peut pas non plus se
présentercommedemandeurni commepartie intervenante contre celui-ci,

avecla facultéde soumettredesconclusionsindépendantes àl'appui d'un
intérêt propre.

c) Le principe d'égalité

21. Pourfinir, l'article 35,paragraphe 2,du Statut proclameleprincipe
d'égalité lorsqu'il spécifieque<<dans tous lescas ))il ne peut y avoir entre
les parties d'<inégalité devantla Cour )).La phrase vise assurémentles
Etats qui adhèrent au Statut ;il n'en reste pas moins que les mots (<dans

tous les cas>)supposent que leprincipe de l'égalité de position desparties
devantlaCourest deportéegénéraleC . eprincipeserait violé sil'Italie était
admise à intervenir, ce qui lui permettrait de formuler des prétentions
juridiques contrela Libyeet Maltealorsque cesEtats n'auraientjamais pu
formuler des prétentions contre l'Italie ni l'attraire devant la Cour. Qui geographicalscope of the case,asdefinedin the SpecialAgreement, Malta
and Libya would be prevented from submitting certain defences, claims
and counter-claims against Italy, as explained in paragraph 30 below.

III. THE CIRCUMSTANCES OF THE PRESENT CASE

22. During the drafting of the first Rules of Court in 1920,conflicting
views were held regarding the need for ajurisdictional link. Some of the
judges who held the opinion that no link was required were reflectingthe
viewswhichhad been expressed at thetime by representatives of the Great
Powers on the need to facilitate intervention. Their aim was to give the
more influential States

"the right to come before the Court in suitsinstituted by the Smaller
Powers,for thepurpose ofobtaining the decision oftheCourt onmain
principles of International Law" (Judge Bassett Moore, Acts and
Documents concerningthe Organizationof the Court, Series D, No. 2,
p. 91).
Thisidea reflected the concern voiced in the Council of the League by the
representative of the United Kingdom, Mr. Balfour (as he then was) as to
the need to allowintervention by the most influential States, which feared
that the decisions of the Court, having "the effect of gradually moulding
and modifying international law", would diminish the predominant

influence they then exercised over the development of international law.
Mr. Balfour stated that the most populous States
"cannot be expected to take their viewsoninternational law from the
Court's decision" (Documents concerning the Action Taken by the
Council of the League of Nations under Article 14 of the Covenant,
Document No. 28, p. 38).

Those arguments, and the ideology behind them, are today completely
out-moded. One of the tenets of contemporary international law is that
medium and small States possess, by means of multilateral conferences
and organizations,an equal voicein "the effect of graduallymouldingand
modifying international law".

23. The opposite view, arguing the need for ajurisdictional link, was
expressed by Judges Anzilotti and Huber, the second and third Presidents
of the Permanent Court, and by Judge Altamira of Spain. In interpreting
the Statute, they took into account the change from compulsory to con-

sensualjurisdiction whichhadbeenintroduced in Chapter II of the Statute
by the Assembly of the League ofNations, afundamental change which,in
their view, applied to theStatute as a whole.
24. The outcome of the discussionplus est, le cadre géographiquerestreint de l'affaire, définipar le compro-
mis, empêcherait Malte et la Libye de faire valoir certains moyens de
défense, oud'avancer certaines revendications et contre-revendications
contre l'Italie, comme on le verra au paragraphe 30 ci-après.

III. LES CIRCONSTANCES DE LA PRÉSENTE ESPÈCE

22. Lors de l'élaboration du premierRèglementde la Cour en 1920,les
avis ont été partagésau sujet de la nécessitéd'un lien juridictionnel.
Certains des juges qui contestaient cette nécessitéreprenaient les thèses
exprimées à cette époque par les représentants des grandes Puissances et
qui visaient a faciliter les interventions. Leur objectif était de donner aux
Etats les plus influents

<<le droit de venir devant la Cour dans des procès institués par de
petites Puissances, afin d'obtenir une décision de celle-ci sur les
grands principes de droit ))(M. Bassett Moore, Actes et documents
relatifsà l'organisation de la Cour, sérDie no2, p. 91).

Ce point de vue correspondait à la préoccupation exprimée au sein du
Conseil de la Société desNations par M. Balfour, qui représentait alorsle

Royaume-Uni, de permettre l'intervention des Etats les plus influents,
lesquels, prévoyantque les décisionsde la Cour contribueraient à (mo-
difiergraduellementet à modeler, pour ainsidire, le droit international)>,
craignaient que leur influence prépondérante dans le développement du
droit international ne se trouve affaiblie. Selon M. Balfour,

<(l'on ne peut attendre [des Etats les plus peuplés]qu'ils s'enrappor-
tent aux décisionsde la Cour pour formerleur opinion en matièrede
droit international ))(Documents relatifs aux mesures prises par le
Conseil dela Société deN sations aux termes de l'article14 du Pacte,
document no28, p. 38).

Ces arguments et l'idéologiequi les sous-tendait sont aujourd'hui com-
plètementdépassésU . n desprincipes du droit international contemporain
est que les Etats de petite et moyenne importance jouissent, dans les
conférences et organisations multilatérales, d'une égalitéde voix pour
contribuer (<à modifier graduellement et à modeler le droit internatio-

nal D.
23. Un avis opposé, affirmant la nécessitéd'un lienjuridictionnel, fut
défendupar MM. Anzilotti et Huber, respectivement deuxième et troi-
sièmeprésidentsde la Cour permanente, et par M. Altamira,juge espa-
gnol.Leur interprétation du Statut tenaitcompteduchangement apporté à
sonchapitre II par l'Assembléede la Société des Nations en remplaçant la
juridiction obligatoire par la juridiction consensuelle- évolutionfonda-

mentale qui, dans leur esprit, s'appliquait à l'ensemble du Statut.
24. En conclusion. "was that it was agreed not to try to resolvein the Rules of Court the
various questions which have been raised, but to leave them to be
decided as and when they occurred in practice and in the light of the
circumstances of eachparticular case" (I.C.J. Reports 1981,para. 23,
p. 15).

It was in this sense that President Lodermade a presidential ruling (Series
D,No.2,p.29)and not when heexpressed his ownpersona1opinion (p. 96),
an opinion which it would be wrong to interpret as a rulingfrom thechair.
In 1981,in the Maltese application, the Court was able to avoid making a
decision on a question which now, after 62 years, seems inescapable.

(a) The SpecialAgreement and the Principle of Reciprocity

25. The first relevantcircumstance tobe taken into account indeciding
whether to grant or refuseItaly's intervention in thepresent case,isthat the
competence of the Court is based on a Special Agreement entered into
between Malta and Libya. It seems superfluous to recall the essential
features of a Special Agreement of this kind :both parties have come
jointly to the Court, hand in hand as it were, after carefully considering
who would be their adversaryin thejudicial proceedings ;they have done
so after protracted negotiations,first on the merits of the dispute, later on
the peaceful method chosen for its settlement. They have thus exercised
what Article 33of the Charter of the United Nations and the Declaration
of the General Assembly on Friendly Relations describe as the sovereign
right of each State to have recourse to "peaceful means of their own
choice". A Special Agreement embodiesthe accord of both parties that a
particular subject-matter is ripe for judicial settlement. To admit the

intervention would oblige the originalparties to litigate before the Court
vis-à-visItaly, despite the fact that they have not exercised a free choice of
thejudicial means of settlement with respect to Italy ;it would force them
to go directly into judicial proceedings without previous negotiations to
define thedispute, and without even determiningwhether a disputeinfact
existed. This would be contrary to the customary law established by the
Court on continental shelf delimitations which requires that settlement
should first be attempted through meaningful negotiations.
26. Furthermore, in their Special Agreement the Parties have defined
carefully the terms of the question they have submitted to the Court ;they
havespecified the task they expect theCourt to perform and haveprovided
that, following the final decision,negotiations are to be conducted with a
view to concluding an agreementin accordance with thejudgment ;they
have evenfixed, by a separate instrument, their order of appearance in the
oral proceedings. It is difficult to foresee how Italy's intervention, if
accepted, would affect al1these matters.
27. To permit intervention in a case brought to the Court in such a
manner would not onlyignorethe exclusivityof the relationship emerging <<il a étéconvenude ne pas essayerderésoudredans le Règlementles
différentes questions qui avaient étésoulevées,maisde les laisser de
côté pourêtretranchées à mesure qu'elles se présenteraient dans la
pratique, en fonction des circonstances de chaque espèce (C.I.J.
Recueil 1981,par. 23, p. 15).

C'estdans cesensquelePrésidentLodera tranchéèsqualités (sérieD no2,
p. 29) et non lorsqu'il a exprimé son opinionpropre (p. 96), qu'on aurait
tort d'interpréter comme une décision présidentielle. Lorsde la requête
maltaise de 1981, la Cour a pu éviterde se prononcer sur cette ques-

tion qu'il sembleaujourd'hui, au bout de soixante-deux ans, impossible
d'éluder.

a) Le compromis etleprincipe de réciprocité

25. La première circonstance pertinente à prendre en considération
pour déciders'ilconvient d'admettre ou de refuserl'intervention del'Italie
dans la rése entes~èceest aue la com~étencede la Cour est fondée surun
compr&s concluéntre alt t et la ~i'b~e.Il sembleinutile de rappeler les
traits essentiels d'un compromis de ce type : deux parties ont saisi con-
jointement laCour,deconcertenquelquesorte,aprèsavoir soigneusement
évalué leur adversaire au procès et au terme de négociationsprolongées,
d'abord sur lefond du différend,puis surlechoixd'unmode de règlement
pacifique. Les parties ont ainsi exercéce que l'article 33 de la Charte des
Nations Unies et la déclaration de l'Assembléegénéralesur les relations
amicalesdécriventcomme le droit souverain de tout Etat de recourir aux
<<moyenspacifiquesde [son]choix o.Un compromisconsacrel'accord des
deux parties sur l'idéequ'une question déterminéeest mûre pour le règle-

ment judiciaire. Admettre l'intervention reviendraità obliger les parties
originairesà plaidercontrel'Italie, bien qu'ellesn'aientpaslibrement opté
pour un règlementjudiciaire avec elle ; ce serait les contraindrà entrer
directement dans un procès sans négociationspréalables propres à cerner
le différend,voire à déterminer s'il y a réellementdifférend. Une telle
décisionserait contraire au droit coutumier établi par la Cour en matière
de délimitation du plateau continental, qui exige qu'un règlementsoit
d'abord recherché aumoyen de véritables négociations.

26. En outre, dans leur compromis, les Parties ont mûrement peséles
termes de la question qu'ellesont soumise à la Cour ;ellesont spécifiéla
mission dont ellesentendaient investir celle-ci etprévuqu'une fois l'arrêt
rendu ellesentameraient desnégociationsen vuede conclureun accorden
conformitéavec cet arrêt ;elles ont même fixéd ,ans un instrument dis-
tinct,l'ordredeleursinterventions dans laprocédureorale.Riennepermet
dedirecomment,si elleétaitadmise,l'intervention del'Italieinfluerait sur
toutes ces questions.
27. Admettre une intervention dans une affaire ainsi portée devant la

Cour ne serait pas seulementméconnaître le caractèreexclusif de la rela-64 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA)

from the SpecialAgreement, but would also violate basicprinciples of law
as to the free choice of means and the reciprocity rationepersonaeestab-
lishedby the Statute ;itwould submit to theCourt adisputenot previously
defined by prior negotiations, and would allow theinterveningState, after
close scrutiny of the public SpecialAgreement, unilaterally to impose the
terms that Malta and Libya have chosen for their mutual relations in
respect of Italy's continental shelf delimitation with each of the original
Parties.

28. Certain considerations have been advancedas to the advisability of
granting intervention despite the absence of a jurisdictional link, to the
effect that a negative decision would "confine the institution of interven-
tion to marginal limits" (Judge Schwebel,I.C.J. Reports1981,p. 40).And
Judge Oda has written :
"If this linkis deemed at al1times indispensable for intervention,

the concept of intervention in the International Court of Justice will
inevitably atrophy." (Ibid., p. 27.)
Matters ofjudicial policy of this kind shouldnot be decisiveasregards the
interpretation of the text and the spirit of the Statute;moreover, even for
thesake of convenience, permittingintervention in this type of case would
have serious disadvantages for the future work of the Court. Judge Anzi-
lotti has alreadycommented on theimpediment whichwould be created to

the use of the Court's facilities if intervention were permitted in cases
brought by Special Agreement. He said :"States would hesitate to have
recourse to the Court if they had reason to fear that third parties would
interveneintheir cases" (P.C.I.J., SeriesD,No.2,p. 87).This riskwould be
al1the greater in the case of maritime delimitations, so that States might
prefer the institution of arbitration, or the Law of the Sea tribunal, where
the intervener and the originalparties must al1have accepted its jurisdic-
tion (Article 287, paragraphs 1, and 3 to 5, of the Law of the Sea Con-
vention).

(b) The GeographicalScopeof the Caseand the Principleof Equality

29. Another very important relevantcircumstance is that any interven-

tion takesplacewithintheframework of the existingproceedings and thus
its object must be limited by the scope of the main case. Consequently,
Italy's intervention would be permitted "in the case concerning the con-
tinental shelf between Malta and Libya" (first paragraph of the Applica-
tion).Thus, theareaindispute between the three Parties would continue to
bethat geographicalarea whichisrelevant for thedelimitation between the
original Parties. This has been recognized by counsel for Italy. For
instance, Professor Monaco said that Italy's intervention "falls precisely
within the circle of questions put to the Court in Article 1of the Special
Agreement(Hearing of 25January 1984,afternoon).And Professor Aran-
gio-Ruiz admitted that there were large sections of the continental shelf PLATEAU CONTINENTAL (OP.IND. JIMENEZ DE ARÉCHAGA) 64

tion créée par le compromis, cela violerait aussi les principes fondamen-
taux du droit concernant lelibre choixdesmoyens etla réciprocité ratione
personae résultantdu Statut ;ce serait saisir la Cour d'un litige que des
négociations préalables n'auraient pas défine it permettre à l'Etat inter-
venant, après étude approfondie du compromis publié, d'imposer unila-
téralement l'application des clauses arrêtées par Malte et la Libye et
régissantleursrelations mutuelles àladélimitationdu plateau continental
de l'Italie avec chacune des Parties originaires.
28. Certaines considérations ont étéémisessur l'opportunité d'admet-

tre l'intervention malgrél'absence d'un lien juridictionnel, une décision
négativerisquant d'(<[enfermer] ...l'institution de l'intervention dans des
limites très étroites (M.Schwebel,C.Z.J.Recueil 1981, p. 40). M. Oda a
écritquant à lui :
<Si l'on considèreque ce lien est dans tous les cas indispensable

pour recevoir l'intervention, la notion d'intervention devant la Cour
internationale de Justice ne pourra que s'étioler. >(Ibid., p. 27.)
De tellesconsidérations de politiquejudiciaire ne devraient pas êtredéci-
sivesquand il s'agit d'interprétertant la lettre que l'esprit du Statut de
plus, mêmesous l'anglepratique, admettre une intervention dans ce type

d'affaire aurait de sérieuxinconvénientspour l'activitéfuture de la Cour.
M.Anzilotti adéjàsignalé l'effetdissuasifqu'aurait, quantàlasaisinedela
Cour, le fait d'autoriser l'intervention dans des affaires introduites par
compromis, et il s'estexprimé ainsi à ce sujet :<<les Etats hésiteraientà
s'adresser àla Cour s'ilsavaientà craindre l'intervention, dans leur procès,
d'Etats tiers (C.P.J.I. sérieD no2, p. 87).Ce risque serait accru dans les
affairesdedélimitationmaritime,cequipourrait inciter lesEtats àpréférer
le recours à l'arbitrage ou le Tribunal du doit de la mer, dont aussi bien
l'intervenant que lesparties originairesdevraient avoir acceptélacompé-
tence(article 287,paragraphes 1et 3 à 5,dela convention sur ledroit de la

mer).

b) La région géographique concernéeplaarprésente espèce
et leprincipe d'égalité

29. Une autre circonstance pertinente très importante est que toute
intervention s'inscritdans le cadre de la procédure existante, de sorte que
sonobjetnedoitpas sortirdeslimitesgéographiques del'action principale.
L'intervention de l'Italie serait admise<dans l'affaire du plateau conti-

nental entre la République de Malte et la Jamahiriya arabe libyenne >)
(premier paragraphe de la requête). Ainsi, la zone litigieuse entre trois
Parties serait la mêmeque l'aire géographiquepertinentepour la délimi-
tation entre les Parties originaires.C'est ce qu'ont reconnu lesconseils de
l'Italie.M. Monaco aindiquépar exemplequel'intervention del'Italie <se
place exactement à l'intérieurdu cercle des questions posées à la Cour à
l'article 1du compromis >)(audience du 25janvier 1984,après-midi). Et
M. Arangio-Ruiz a admis que de larges secteurs du plateau continental between Italy and eachof the originalParties whichwerenot subjudice in
the present instance because there could be no dispute over such areas
between Malta and Libya, such as, for instance, the shelf between Sicily
and Malta.Accordingly,togrant Italy's interventionwouldnot enlargethe
geographicalscope of the case, which would remain confined to the area
relevantfor delimitation between Malta and Libya.Thus, the Court would
not be competent topronounce onItalian rightsand obligationsonits own
sideof thecontinental shelfarea, which wouldremain outside the scopeof
the Court'sjurisdiction in the case.
30. From a generalpoint of viewsuch a situation seemsinadmissible,
since it would givethrd States the option of deciding unilaterally which

sections of their continental shelf they will submit tojudicial settlement,
omitting the remainder of their maritime areas. In this particular case, a
restriction of thiskind would run counter to the legitimate rights and
interestsof Malta and Libya,creating a situation of unacceptable inequal-
ity before the Court. To giveonly one example, Libya and Malta might
haveto defend theclosinglinesoftheirgulfsand bays,whichdeterminethe
point ofdeparture of theircontinental shelf,againstItalian objections, but
they wouldbe denied the possibility of obtaining a decision of the Court
against any baselines which, on similar or different criteria, might
have been established by Italy for the delimitation of its own territorial
waters. The Italian Application already infers that it does not accept
certain Libyan baselines, since it States that the line of equidistance be-
tween Italian and Libyan land-masses lies to the south and south-east of
Malta.

"whether or not account be taken of the straightbaselines claimedby
Libya, although its exact positiondoes of course depend on whether
or not one accepts that those lines should be taken into account"
(para. 9).

And Italy's opposition to the Libyan claim conceming the Gulf of Sirte
was made clear in the oral proceedings, when Professor Arangio-Ruiz
stated that Italy isnable. ..to acceptthat claim"(Hearing of25January
1984,morning). Regardlessof the merits of such a claim,an unacceptable
situation wouldbe created by thischallenge.Byreason ofthe geographical
boundaries of the case,whereasboth Libya'sand Malta'smaritimeclaims
would become vulnerable to legal attack, criticism and adverse submis-
sionsonthepart ofItaly,thereversewouldnot be true.For instance, Libya
could not challenge Italian closing lines in the Gulf of Taranto, if they
exist.Anotherinadrnissible consequence ofthispiecemealapproach isthat
the criterion ofproportionality, whichis designedto test the equitableness
of any maritime delimitation, would not apply. Moreover, the geographi-
callimitation on the scopeof the casewould excludethepossibility of any
compensations and trade-offs which the Parties might exchange in the
course of diplomatic negotiations.situéentre l'Italieet chacune des Partiesoriginairesn'étaient pas en cause
dans laprésenteespècedu fait que ni Malte ni la Libyenepourraient seles
disputer :il s'agissaitpar exemple du plateau s'étendantentrela Sicileet
Malte. Par suite, lefait d'autoriser l'intervention de l'Italien'élargirait pas
lechampgéographiquedel'instance,qui resteraitlimité àlarégionpriseen

considération auxfinsde la délimitationentre Malte et la Libye. La Cour
ne serait donc pas compétente pour se prononcer sur les droits et obliga-
tions de l'Italie dans sa propre portion de plateau continental qui, dans
cette espèce,resterait en dehors de la juridiction de la Cour.
30. D'un point de vue général,une situation semblableparaît inaccep-
table du fait qu'elle ouvrirait à des Etats tiers la possibilitéde choisir
unilatéralementles zones de plateau continental qu'ils soumettraient au
règlementjudiciaire, en soustrayant à celui-ci le reste de leurs espaces
maritimes. En l'occurrence,une tellelimitationirait à l'encontre desdroits
et intérêtslégitimesde Malte et de la Libye et créerait une situation

d'inégalité inadmissible devantla Cour. Pour ne citer qu'un exemple, la
Libye et Malte pourraient devoir défendreles lignes de démarcation fer-
mant leurs golfes et baies, à partir desquelles est mesuré leur plateau
continental, contre des objections italiennes,alors qu'on leur dénierait la
possibilitédefairecondamner parla Cour d'éventuelleslignesdebasequi,
en fonction de critères analogues ou différents, auraient pu êtreétablies
par l'Italiepour ladélimitationde sespropreseauxterritoriales.Larequête
de l'Italie laisse déjà percevoirque celle-ci n'accepte pas certaines lignes
de base libyennes puisqu'elle affirme que la ligne médiane entre les
masses terrestres de l'Italie et de la Libye se situe au sud et au sud-est
de Malte,

<<que l'on tienne compte ou non des lignes de base droites revendi-
quéespar la Libye,bien que sapositionexactedépende,bienentendu,
du fait que l'on accepte,ou non, de prendre ces lignes en considéra-
tion ))(par. 9).

Et l'opposition de l'Italie auxprétentions libyennessur le golfe de Syrtea
été clairement affirmée à l'audience par M. Arangio-Ruiz, qui a indiqué
que l'Itali<(ne [peut] accepter ces prétentions ))(audience du 25janvier
1984, matin). Que celles-ci soient ou non fondées, leur mise en cause
créerait une situation inacceptable. Du fait des limites géographiquesde

l'instance, alors que les prétentions maritimes de la Libye et de Malte
seraient exposées à une contestationjuridique, aux critiqueset aux conclu-
sions adverses de l'Italie, la réciproque ne serait pas vraie. La Libye ne
pourrait, par exemple,s'enprendre à des lignesitaliennesfermant le golfe
de Tarente, si de telles lignes existaient. Une autre conséquenceinaccep-
table de cette approche fractionnée serait que le critère de proportion-
nalité, conçu pour vérifierle caractère équitablede toute délimitation
maritime, deviendrait inapplicable. De même,la limitation du champ
géographique de l'instance exclurait l'éventualitéde compensations et
d'échanges susceptiblesd'être convenup sar les Parties au cours de négo-

ciations diplomatiques. (c) TheItalian Claims and the Principleof Consent

31. We have seen how the particular circumstances of the case - the
existence of a Special Agreement and the geographical limitation of the
area - violate respectively thepnnciples of reciprocityand of equalitylaid
down in the Court's Statute. But the most decisive and relevant circum-
stance which arguesfor refusal of permission to intervene in thiscaseisthe
fact that the principle of consent tojurisdiction by the respondent State
would be seriously violated if Italy is permitted to intervene.

32. In its writien observations,the applicant State was somewhat cryp-
ticin settingout "the preciseobject of theintervention". Thispresentation
gave rise to observations by the original Parties alleging that the Italian
statement did not indicate the exact purpose which it sought to achieve
through the intervention, and thus did not meet the requirements of Rule
81 (2)of the Rules of Court. The Italian Application referred to "the rights
which it claims over some of the areas claimed by the Parties" (para. 16)
without specifying precisely the location of those areas. It stated however
that, if permitted to intervene, Italy would "specify the position of those
areas, taking into account the claims of the two principal Parties and the
arguments put forward in support of those claims".
33. The oral presentation and, in particular, the written answer sub-
mitted by the Agent of Italy, made clear the specificclaims to be advanced

by Italy if permitted to intervene.Thiswrittenanswerindicated with some
precision twozonesover which Italyconsiders that ithasrights, oneon the
eastern side of the areain dispute in the case, the other onits western side.
Asregardsthefirst zone, theItalian Agent stated that "Italy considersthat
it has the right to participate in the determination of a tripoint which
simultaneously concerns Malta, Libya and Italy", this being "the same
point whichwould constitute the easternextremity of thedelimitation line
between Malta and Libya". In respect of the secondzone, theItalian Agent
stated that :

"It iswithin thiszonethat the second tripoint (whichcouldalso be a
quadripoint), which will constitute the western end-point of the

Malta-Libyan demarcation line, must be located. Italy obviously has
the right to participate in the determination of this point."

It is obviousthat in announcing as the object of its intervention a claim to
participate in thedetermination of these tripoints (or quadnpoints) aspart
of the indications to be given by the Court as to how in practice the
principles and rules of international law can be applied by the Parties "in
order that they may without difficulty delimit such areas by an agree-
ment", Italy is in fact asking the Court to pronounce and decide on its
rights, and conversely on the contrary claims made by the main Parties.
For instance, theestablishment of a tripoint inthe firstzone would require

the Court to confirmItalian rights. and to exclude or reject Maltese claims c) Lesprétentions italiennes e ltprincipedu consentement

31. Nous avons vu comment,du fait des circonstancesparticulières de
l'espèce - existence d'un compromis et limitation géographique de la
régionenvisagée - ilseraitporté atteinte,respectivement,aux principes de
réciprocitéet d'égalité consacréspar le Statut de la Cour. Mais la consi-
dération la plus déterminante et la plus pertinente conduisant à refuser

l'interventionenl'occurrencetient à la gravitédel'atteinte qui seraitportée
auprincipeduconsentement de l'Etat défendeur àlajuridiction deIaCour
si l'intervention de l'Italie étaitadmise.
32. Dans ses observations écrites,1'Etatrequérant a présenté de façon
quelque peu sibylline l'objet précisde l'intervention ))Cette présenta-
tion a suscitécertainesobservationsdesPartiesoriginaires,qui ont allégué
quel'exposéde l'Italien'indiquait pas lebut exactvisépar l'intervention et

ne répondait donc pas aux conditions de l'article 81, paragraphe 2, du
Règlement.Dans sa requêtel'Italieévoque (les droits qu'elle revendique
surcertaines deszonesrevendiquéespar lesParties (par. 16)sanspréciser
où elles se trouvent. Elle déclare cependant que, si elle est admise à
intervenir,l'Italie(préciser[a]lalocalisation deceszones,comptetenu des
revendications des deux Parties principales et des arguments avancés à
l'appui de ces revendications D.

33. Les exposésoraux et, plus particulièrement, la réponse écritede
l'agentde l'Italie, ont apportédes éclaircissementsau sujet desdemandes
précisesqueformulerait l'Italiesi elleétaitadmise à intervenir.Laréponse
écritevise nettement deux zones sur lesquelles l'Italie estime avoir des
droits,l'une du côtéest de la régionqui est en litige en l'espèce,l'autre de
son côté ouest.Au sujet de la première, l'agent de l'Italie déclareque
((l'Italie estime avoir le droit de participeà la détermination d'un point

triple, qui intéresseen mêmetemps Malte, la Libye et l'Itali1);c'est le
(<mêmepoint qui doit marquer l'extrémité orientale de laligne de déli-
mitation entre Malte et la Libye )).A propos de la seconde, il indique :

(Dans cette zonedoittrouver saplaceledeuxièmepoint triple(qui
pourrait êtreaussi quadruple...), qui marquera à l'ouest le point ter-

minal de la ligne de démarcationmalto-libyenne. L'Italie a évidem-
ment le droit de participer à la détermination de ce point. ))

Il est clair qu'en annonçant que l'objet de son intervention est de se voir
reconnaître le droit de participer à la détermination de ces points triples
(ou quadruples) dansle cadre desindicationsquedevradonner la Coursur
la manièredont les Partiespourront appliqueren pratique lesprincipes et

règlesde droit international afin de pouvoir <<délimiterces zones sans
difficultépar voie d'un accord O,l'Italie demande en fait à la Cour de se
prononcer sur ses droits et, réciproquement,sur les prétentionsopposées
des Partiesprincipales. L'établissementd'unpoint tripledans la première
zone obligeraitpar exemple la Cour àconfirmer les droits de l'Italie età totheeastand Libyanclaims to the northof that tripoint. It followsthat, as
theJudgmentcorrectlypoints out, Italy willnot be satisfied with having its
purported rights safeguarded ; it wants them to bejudicially recognized.
Its purpose isnot to ensure that the Court doesnotinfringeupon its rights ;
it seeks to have the latter endorsed and enforced by the Court. It is not
content if the Court refrains fromprejudging Italian rights ;it wants the
Court to adjudicateupon them, that is to Say,either to accept or reject its
claims with respect to the location of the tripoints. Even if Italy does not
ask the Court to trace a completedelimitationline between Italy and each
originalParty,itsabstention on that point does not modify the essenceand
the conclusiveeffectsvis-à-vis the originalParties of thejudicial decisions
to be requested by Italy. The determination of the exact location of these
triplexconfinium,thepoints at which three boundaries meet, would estab-
lish the point of departure and of arriva1of any future delimitation lines
between Italy and Libya and Italy and Malta. Tripoints are the most
difficult and delicate issuesin any delimitation, and theirestablishment by

ajudicial decision would predetermine the outcome of subsequent nego-
tiations between Italy and each one of the main Parties. Furthermore, the
determination of these tripoints would require the Court to consider and
pronounce on the Italian arguments as to theprinciples and rules of law to
be applied in the area such as natural prolongation, equidistance, propor-
tionality,etc. These Italian submissions would be legal claims of a precise
and concretecharacter,different from the pretensions advanced by Malta
and Libya, but no lessspecific than their claims. This is the precise object
of the Italian intervention.Anobservation whichmaybe made at this stage
is that the present Judgment of the Court, with al1 the importance it
attaches to this requirement, eloquently demonstrates the wisdom of the
amendments introduced in 1978to Article 81 of the Rules of Court on
Intervention, requiring the applicant to set out the precise object of the
intervention and, in connection with this, to set out any basis of jurisdic-
tion which is claimed to exist as between the State applying to intervene
and the parties to the case.

34. Thus, what Italy will be submitting to the Court is something
describedin municipal law as a principal or "competing" intervention, or,

as the Latin has it moreaptly, an intervention ad excludendum,since Italy
wants the Court to exclude or reject Maltese and Libyan claims with
respect to certain sectors of the areaindisputein the case.An intervention
adexcludendumis to be distinguishedfrom anintervention adadjuvandum
such as the one filed by Fiji in the Nuclear Tests cases, in support of
Australia and New Zealand against France. To a greater extent even than
this latter type of supporting intervention, a competing intervention ad
excludendum of the kind sought by Italy has the inevitable consequence
that not just one, but both original parties would automatically become
respondent States vis-à-vis Italy. The renowned Italian professor Chio-
venda, an expert on the law of civilprocedure, in describingthis form of
intervention, taught that "vis-à-vis the third Party, the two originalparties PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA) 67

exclure ou rejeter les prétentions de Malte à l'est et les prétentions de la
Libye au nord de cepoint. Ainsi, et comme l'arrêt le souligne à juste titre,

l'Italienesecontentepas desauvegarder lesdroits qu'ellerevendique ;elle
désireen obtenir la reconnaissancejudiciaire. Son objectif n'est pas de
faire en sorte quela Courne porte pas atteinte à sesdroits ;elleveut que la
Cour lesavaliseetlesapplique. Il neluisuffitpas que laCourne lesprkjuge
pas ;elleveut que laCour enjuge, c'est-à-direqu'elleaccepte ou rejette ses
thèses surla position despoints triples. Mêmesi l'Italie nedemande pas à
la Cour de tracer une ligne de délimitation complèteentre elle et chacune
desPartiesoriginaires, l'essenceet l'effetdéterminant à l'égardde celles-ci
des décisionsjudiciaires que demande l'Italie n'en sont pas changéspour
autant. La détermination du lieu exact de ces triplex confinium, où trois
frontièresserencontrent, fournirait lepoint de départet lepoint d'arrivée

de toutes lignes de délimitationfuturesentre l'Italie et la Libyed'une part
et l'Italie et Malte de l'autre. Ce sont ces points triples qui soulèventles
problèmesles plus difficiles et lesplus délicatsdans toute délimitation, et
leur fixation par décisiondejustice conditionnerait par avance les négo-
ciations ultérieures entre l'Italie et chacune des Parties principales. De
plus, ladétermination decespoints triplesobligeraitlaCour àexamineret
trancher les thèsesitaliennessur lesprincipes et règlesdedroit àappliquer
dans le secteur, au sujet notamment du prolongement naturel, de l'équi-
distance, de la proportionnalité ...Les conclusions italiennes y relatives
consisteraient en prétentions juridiques d'un caractère préciset concret,
quidifféreraientdecellesde Malteet de la Libye sans êtrepour cela moins
spécifiques.Telestl'objetexact del'intervention italienne. On peut ajouter

à ce stadeque le présentarrêtde la Cour, par l'importance qu'il attache à
cette question, démontre de manière éloquentela sagesse des amende-
ments introduits en 1978dans l'article 81du Règlementet qui prescrivent
au requérant d'indiquer l'objetprécisde l'intervention et de citeràcesujet
toute base de compétence qui existerait selon lui entre lui-mêmeet les
parties en cause.

34. Ainsi, ce que l'Italie soumetà la Cour est ce qu'on appelle en droit
interne une intervention principale, autrementdit une intervention concur-
rente ou, comme le latin l'exprimebien mieux, une intervention ad exclu-
dendum, puisque l'Italie voudrait que la Cour écarte ou rejette les pré-

tentions maltaises ou libyennesdans certains secteurs de la régionqui est
en litigeen l'espèce.Une intervention ad excludendum se distingue d'une
intervention ad adjuvandum comme celle de Fidji dans les affaires des
Essais nz:cléairesd,ont l'objet était d'épauler l'Australie etla Nouvelle-
Zélande contre la France. Mais, plus encore que cette dernière modalité
d'intervention (en renfort )>,une intervention concurrente ad excluden-
dum comme celle qu'annonce l'Italie aurait pour conséquenceinéluctable
que non plus une, mais les deux Parties originaires deviendraient auto-
matiquementdéfenderessesvis-à-visde l'Italie. Legrand spécialisteitalien
du droit de la procédure civile, Chiovenda, enseignait à propos de cette find themselves in the position of defendants" (Principii di dirittoproces-
suale civile,Vol. II, para. 89, III (d)).

35. This being the legal position, in passing from municipal to inter-
national law, one encounters a most formidable obstacle to the Italian
intervention, namely the "well-established principle of international law

embodiedin the Court's Statute", that theconsent of the respondent State
isnecessary for theCourt to be able to exercisejurisdiction over that State.
The respondent States vis-à-visthe Italian claims referred to above would
clearlybe Libya and Malta, which wouldbeliable to sufferdefeatas topart
of their claims if the Italian claims are accepted by the Court.

(d) The Remedy to the Situation

36. It may wellbe that there are Italian rightsincertain parts of thearea
whichare claimed byone or theother of theoriginalParties to the case.But
this fact is not sufficientto conferjurisdiction on the Court. In its Appli-

cation, Italy invokes the analogy with private procedural law when it says
that :
"Its position is, even in procedural law, an absolutely classic case
for intervention, and one in which intervention in practice is always
admitted : the situation in which the intervener relies on rights as the

true dominus of the object which is disputed, or a part thereof."
(Para. 11.)
But here there is a confusion between municipal and international law. In
the system of international judicial settlement established in 1921 and
again in 1945,itisnotenough for aState toclaim - and even to possess - a
legitimate or undeniable right, in order that the Court may pronounce on

the existence of such a right. It is also necessary for the State having the
corresponding obligation - that is to Sayfor the Respondent State - to
have consented to the exercise ofjurisdiction by the Court.The resulting
situation has been described as unreasonable (Judge Oda, I.C.J. Reports
1981,p. 27) especially when compared with the position under municipal
law, but this is the position derivingfrom the Statute as it was adopted.
37. The remedy tothat situation isdifferentfrom grantingintervention
without ajurisdictional link : it is to be found in the lack of competence of
theCourt to dispose of therights of aState whichisnot before it,and in the
relative effects of the Court's judgment as provided in Article 59 of the
Statute. In the light of the terms of Article 1of the SpecialAgreement,the
judgrnent of the Court will provide the basis for an agreement which is to

be reached by the parties through negotiations, and thus thejudgment, as
wellasthesubsequentagreement, would constitute for third States resinter
alios acta. It is quite common in maritime delimitation, and even in the
drawing of land boundaries, for two States to reach an agreement which
other States may consider as impinging on their rights. A case in point is
the agreement between Tunisia and Italy to whch Malta objects, assertingforme d'intervention que <<vis-à-vis de la tierce partie, les deux parties
originaires se trouvent dans la situation de défenderesses (Principiidi
dirittoprocessualecivile,vol. II, par. 89, III d)).
35. Telleétantlasituationjuridique,enpassant du droitinterne au droit

international on rencontre l'obstacle leplusformidable à l'intervention de
l'Italieà savoirce <<principe bien établide droitinternationalconsacré par
le Statut de la Cour )qui exige leconsentement de l'Etat défendeurpour
quela Cour puisseexercersa juridiction à sonégard.Faceauxprétentions
italiennes analyséesplushaut, lesEtatsdéfendeursseraientmanifestement
la Libye et Malte, qui risqueraientde sevoir déboutéesen partie sila Cour
devait accepter les prétentions italiennes.

d) Le remède à la situation

36. S'ilest fort possible que l'Italie ait des droits dans certainesparties
de la zone revendiquéepar l'une et l'autre des Parties originaires, ce fait
ne suffit pas à attribuer compétence à la Cour. L'Italie, dans sa requête,
veut établirune analogie avec le droit de la procédure civile lorsqu'elle
déclare :

t(Elle [l'Italie] se trouve mêmedans un cas tout à fait classique
d'intervention en droit judiciaire et où l'intervention, en pratique,
est toujours admise : celle où l'intervenant excipe des droits de véri-
table dominusde la chose en litige, ou d'une partie de cette chose. )>
(Par. 11 .)

Mais il y a là confusion entre droit interne et droit international. Dans le
systèmejudiciaire international crééen 1921et confirméen 1945, il ne
suffit pas qu'un Etat revendique - voire possède - un droit légitimeou
incontestablepour quela Cour puisse seprononcer sur l'existenced'un tel
droit. Il est également nécessaireque l'Etat débiteur de l'obligation cor-
respondante - 1'Etatdéfendeur - aitconsenti à l'exercicede lajuridiction

de la Cour. Si la situation qui en résultea étéqualifiéede déraisonnable
(M.Oda, C.I.J. Recueil1981,p. 27)par comparaisonnotamment aveccelle
du droit interne, elle procède cependant du Statut tel qu'il a étéadopté.

37. Le remède à cette situation n'est pas d'autoriser l'intemention en
l'absenced'un lienjuridictionnel :il tient dans le défautde compétencede
laCourpour disposerdes droits d'un Etat qui neseprésentepasdevant elle
etdans leprincipede l'effetrelatif de l'arrêtdelaCour, posépar l'article 59
du Statut. Vuletexte de l'article1du compromis,l'arrêtde la Cour servira

debase à un accord queconcluront lesparties au terme de négociations,de
sortequel'arrêt,commel'accord qui lesuivra,constituerontpour les Etats
tiers une res interalios acta. Il est très courant en matière de délimita-
tion maritime, ou mêmede tracéde frontières terrestres,que deux Etats
concluentun accord que des Etats tierspuissent considérer commeempié-
tant sur leurs droits. Un exemple est l'accord entre la Tunisie et l'Italie
auquelMalte s'oppose au motif qu'il englobe des zones sur lesquelles elle that it comprises areas where it has legitimate claims (paragraph 8 of
Malta's written observations). Unless a tripoint has been established by
trilateral agreement, those treaties do not affect, or detract from, therights
that may subsequently be claimed by third States.
38. Consequently, it iswrong to assert, astheApplication does, that for

Italy ajudgment of the Court in asuit bétween Malta and Libya "would de
facto and de jure effect the attribution to the Parties of the areas of
continental shelf delimited by that line". Asthe Court said in the Maltese
application case :
"No conclusions or inferences may legitimately be drawn from [a
judgment] withrespecttorights or claimsof other Statesnotparties to
the case." (I.C.J. Reports 1981, p. 20, para. 35.)

It could be said, however, that a judgment of the Court which gave
guidelines for assigning to Malta or to Libya areas claimed by Italy, would
have more force than the agreement between the two countries, since its
authority could be invoked in diplomatic negotiations, and in a future
litigation it rnight be difficult for the Court to reach different conclusions.
But the answer to this problem liesin the prudence shown by the Court in
similar circumstances,after having been made aware of the thrd State's
claims in the course of the hearing concerning the application for inter-
vention.
39. There are various answers to the problem. The first, adopted by the
Court in 1982, is to recognize its lack of competence to pronounce on
sectors where nghts of third States may exist. In the case concerning the

ContinentalShelf (Tunisia/LibyanArabJarnahiriya)the Court was careful
not to prejudge adverselytherightsthat could beinvoked by third States. It
stated, at page 42, paragraph 33 : "The Court has no jurisdiction to deal
with such problems in the present case and must not prejudge their solu-
tion in the future." And in the operative part of the Judgment, at page 94,
paragraph C (3), the Court concluded :
"The extension of this line northeastwards is a matter falling out-
side thejurisdiction of the Court in the present case, as it willdepend
on the delimitation to be agreed with third States."

It is true that if this precedent is followed the dimensions of the case
between Malta and Libya would be considerablyreduced. However, since
the written answer of the Italian agent recognizes that there is an inter-
mediate area between the two zones it describes which is freefrom Italian
claims, there would be still a maritime zone where the Court would be
competent to adjudicate ifit decided to followstrictlytheTunisian-Libyan
precedent.
40. A second approach isthat adopted by theAnglo-French arbitration

tribunal, which consists in recalling the relativeeffects interpartes of any
judicial decision or arbitral award. This Court stated that its award aurait des prétentions légitimes(paragraphe 8 des observationsécritesde
Malte). Mais, à moins qu'un point triple n'ait étéfixépar accord trilatéral,

ces traités n'affectent ni n'affaiblissent aucunement lesdroits susceptibles
d'êtrepar la suite revendiqués par des Etats tiers.
38. 11est doncfauxd'affirmer, commelefait la requête,quepour l'Italie
un arrêtde la Cour rendu dans une instance entre Malte et la Libye
(opéreraitdefacto et dejure l'attribution auxPartiesdes zones de plateau
continental quecette ligne est appelée à délimiter ))Ainsi que la Cour l'a
dit à l'occasion de la demande d'intervention de Malte :

(aucune inférence ni déduction ne saurait légitimement être tirée
[d'un arrêt] pource qui est des droits ou prétentions d7Etatsqui ne
sont pas parties à l'affaire (C.I.J. Recueil 1981, p. 20, par. 35).

On pourrait toutefois faire valoir qu'un arrêtde la Cour posant des prin-
cipes directeurs sur l'attributionà Malte ou àla Libye de zones revendi-
quéespar l'Italie aurait plus de force qu'un accord entre les deux pays,
puisque son autoritépourrait être invoquéedans des négociationsdiplo-
matiques et qu'ilpourrait êtredifficileà laCour de sedéjugerdans un futur
procès. Mais la réponse résidedans la prudence manifestée par la Cour
dansdessituationsanalogues,unefois que sonattentiona étéattiréesulres
revendications de 1'Etattiers lors des audiences sur la demande d'inter-
vention.
39. Il existe plusieurs solutions. La première, adoptéepar la Cour en

1982,consiste à reconnaître son défaut de compétencepour statuer rela-
tivement àdessecteurs oùdesEtats tierspourraient exciperdedroits. Dans
l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),la
Cour a pris soin de ne pas porter un préjudice éventuel à de tels droits,
lorsqu'elle a déclaré, à la page 42, paragraphe 33 : La Cour n'a pas
compétencepour connaître de cesproblèmesen la présenteinstanceet elle
ne doit pas préjuger leur solution future. ))Dans le dispositif de l'arrêt,
page 94, paragraphe C 3, la Cour a conclu :

<<la longueur de la ligne de délimitation vers le nord-est est une
question qui n'entre pas dans la compétencede la Cour en l'espèce,
étant donnéqu'elle dépendra de délimitations à convenir avec des
Etats tiers)).

Il est vrai que si ce précédentest suivi les dimensions de l'affaire entre
Malte et la Libye s'en trouveront considérablement réduites. Toutefois,
comme il est reconnu, dans la réponse écritede l'agent de l'Italie, qu'il
existe entre les deux zones un espaceintermédiaire décritcomme libre de
revendicationsitaliennes, il subsisterait une étendue maritime où la Cour
aurait compétence pour statuer si elle décidait de suivre strictement le
précédent tuniso-libyen.
40. Une deuxièmedémarcheest celle qui a étéadoptéepar le tribunal

arbitral franco-britannique et qui consiste à rappeler l'autorité relative
interpartes de toute décisionjudiciaire ou sentencearbitrale. Le tribunala
en effet déclaré danssa sentence que celle-ci : "willbe binding only as between the Parties to thepresent arbitration
and will neither be binding upon nor create any rights or obligations
for any third State, in particular for theRepublic of Ireland for which
the decision will be res inter alios acta".

41. But the Court might also, after weighing and comparing the titles
invoked by theoriginalParties, decide that onlyone of themiscalled upon,
by geographical or other relevant circumstances, to negotiate a delimita-
tion with Italy or with other third States dong certain lines or in certain
sectors of the area in dispute.This would be ajudgment which, despite its
relativeeffect, would alsoproject its consequences ergaomnes and would
constitute a most useful and significantcontribution to the resolution of
the dispute which wasbrought before the Court by the SpecialAgreement
concluded between Malta and Libya. It is obvious that these different
approaches could be followed in thejudgment, depending on the sectors,
on the appreciation by the Court of geographicalfactors and configura-

tions, and on other relevant circumstances.

(Signed) Eduardo JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA. ne seraobligatoireque pour lesPartiesauprésent arbitrage ;ellene
créera ni droits ni obligations pour un Etat tiers quelconque, en
particulierpour laRépublique d'Irlande, à l'égardde laquelle ellesera
une res inter aliosacta)).

41. Mais la Cour,après avoir peséet comparéles titresinvoquéspar les
Parties initiales, pourrait aussi décider que l'une d'elles seulement est
habilitée, du fait des circonstancesgéographiques ou d'autres considéra-
tionspertinentes, ànégocierune délimitationavecl'Italie ou avec d'autres
Etats tiers selon certains tracés ou dans certains secteurs de la zone dis-
putée. On aurait ainsiun arrêt qui,malgrésoneffetrelatif,projetterait ses
conséquences erga omnes et contribuerait très utilement et dans une

mesure importante à la solution du différend portédevant la Cour par le
compromis entre Malte et la Libye. Il est évident que ces différentes
méthodespourraient se conjuguer en fonction des secteursconsidérés,de
l'évaluationpar la Cour des réalités et configurations géographiqueset
d'autres circonstancespertinentes.

(Signé)Eduardo JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA.

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Opinion individuelle de M. Jiménez de Aréchaga (traduction)

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