Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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071-19851210-JUD-01-02-EN
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071-19851210-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

[Traduction]

1. Je souscrisàla décisionfigurant auparagraphe 69A du dispositif de
l'arrêtpar laquelle la requêteenrevision présentéepar laTunisieen cequi
concerne le premier secteur est déclarée irrecevable.Cependant, en tant
quejuge dissident dans l'affaire de 1982,oùje n'avais pu accepter la ligne
de délimitation proposéepar la Cour,je m'estime tenud'expliquer pour-
quoi la requêtede la Tunisieme paraît à moi aussi mal fondée.S'agissant
des sous-paragraphes B et D du dispositif, relatifs aux demandes en
interprétation de la Tunisie visant le premier et le deuxième secteur, je

pense que ces demandes auraient dû êtredéclarées irrecevablespour les
raisons que j'évoqueplus loin, aux paragraphes 11et 16 à 18respective-
ment. Toutefois, comme dans les deux cas la question de la recevabilitéa
étémise aux voix en mêmetemps que la teneur mêmedes demandes, et
comme,entout étatdecause,je partage laconclusion de laCour consistant
à les rejeter, j'ai votédans le mêmesens que mes collègues.

A. Position dela Cour en 1982 a l'égard des concessions
antérieurement octroyée par les Parties

2. L'instance actuellemontre d'une manière évidenteque la Cour, en
rendant son arrêtde 1982,ne connaissait pas exactement les limites des

concessions octroyéespar les deux Parties avant la signature du compro-
mis. Dans le cas contraire, la Tunisie aurait pu difficilement présenter sa
requêteen revision, ou sa demande en interprétation, pour ce qui est du
premier secteur de la délimitation envisagée. Leprésent arrêtsemble
marquer unecertainehésitation de la Cour à reconnaître cefait, quiàmon
avis, aurait dû êtreclairement énoncé.
3. Les limites des concessions pertinentes octroyéesde part et d'autre,
qui n'ont étévraiment connues qu'au cours de la présente procédure,

avaient les caractéristiques suivantes:
i) La limite sud-est du <<Permis complémentaire offshore du golfe de
Gabès O,octroyépar la Tunisie le 21 octobre 1966,qui est une ligne
en zigzag, ou (en escalier D, ne dépassait pas, à l'est, le point

11O 59'53','66E, et l'anglesud-est de l<(marche Hla plus éloignéede
la côte se situait par 33" 50' 17:119N sur cette longitude (point d'in-
flexion no5) ;l'angle sud-estde la marche la plus proche de la côte se
situait, quantà lui, par 33" 11'20f,'89N 11 34'53','44E (point d'in- flexionno41) ;etlalignereliant lesanglessud-est desdix-sept marches
situéesentre ces deux points extrêmesn'était pasune droite (voir la
pièceno 9 du dossier soumis à la Cour par la Tunisie au cours de la
procédureorale).
ii) La limite nord-ouest de la concession no 137,octroyéepar la Libye le
30 avril 1968, était une ligne joignant le point 33" 55'N 12" E, en
pleine mer, au point 33" 10'N 11 35'E,situé àenvironun mille à l'est
de Ras Ajdir, point terminal delafrontière terrestre (voirannexe IIà la
requêtetunisienne). En d'autres termes cette ligne,sion laprolongeait,

nepassaitpas par Ras Ajdir,maiscoupait la côteen un point situéplus
à l'est.(La concession NC 76 octroyéepar la Libye le 17février1979
- subséquemment,donc - n'a pas modifiécette limite.)
iii) Ilestdonc évident qu'il n'avait pas correspondance entre laligne <<en
escalier de laTunisie et la ligne droitede la Libye, et que lessurfaces
concédéesentraînaient certains chevauchements ou conflits.

4. En dépit deces faits indiscutables concernant leslimites des conces-
sions tunisiennes et libyennes, dont la Couraurait pu et dû avoir connais-
sanceen 1982,certainesindications erronées(qui sont une descauses de la
présenteaffaire)ont étéintroduitesdans lepassage du dispositif de l'arrêt
de 1982relatif au premier secteur de la délimitation, où l'on peut lire :

<<lepoint dedépart de la ligne de délimitationest l'intersection de la
limite extérieurede la mer territoriale des Parties et d'une ligne droite

tiréedu point frontière deRas Ajdir et passant par lepoint 33" 55'N
12"E, à un angle de 26" environ àl'estdu méridien,correspondant à
l'angle de la limite nord-ouest des concessions pétrolières libyennes
nosNC 76,137,NC 41etNC 53,laquelleestalignéesur la limitesud-est
du permis tunisien dit«Permis complémentaire offshore du golfe de
Gabès» (21 octobre 1966) ; à partir du point d'intersection ainsi
déterminé, laligne de délimitationentre les deux plateaux continen-
taux se dirigera vers lenord-est selon lemêmeangle en passant par le
point 33" 55'N 12" E, jusqu'à ..>)(C.I.J. Recueil 1982, p. 93-94,
par. 133C 2. Les italiques sont de moi.)

Les indications erronées sont en italique dans la citation qui précède. La
Cour se trompait en croyant que la limite nord-ouest de la concession

libyenne sesituaità un anglede 26" àl'estdu méridien etétaitalignéesurla
limite sud-est du permis tunisien.
5. Il est certaià présentque l'anglede 26" à l'estdu méridien est celui
delalignequijoint lepoint 33" 55'N 12" Eà Ras Ajdir, etnonpas àl'angle
sud-ouest de la concession libyenne. De plus, en dépit des explications
avancéesdans le présentarrêt,aux termes duquel

<<il est évident qu'enemployant le mot <<alignée )>la Cour ne voulait
pas dire que les limites des concessions considérées s'accolaientpar- faitement, en ce sens qu'il n'y avait ni chevauchement ni étendue de
fond marin restant libre entre les limites (par. 36),

ilest encorepluscertain, à la lecturedesindications erronéesfigurant dans
les raisonnements cités ci-dessous, qu'en1982la Cour a choisi une ligne
de délimitation à partir d'une connaissance incorrecte ou inexacte des

concessions tunisiennes et libyennes, et des rapports les unissant :

([En 19741,la Libye octroya une concession dont la limite occi-
dentale, tenant compte d'une concession antérieure,étaitreprésentée
par une ligne partant de Ras Ajdir à un angle de 26" environ avec le
méridien. ))(C.I.J. Recueil 1982,p. 37, par. 21.)

(<Ras Ajdir est aussi lepoint de départ ...de la lignedes 26" versle
nord-est à laquellelesParties sesont tenuesen octroyant despermiset
concessions de recherche et d'exploitation de ressources minéralesde
1964 à 1972. ))(Ibid., p. 66, par. 86.)

<(la Cour ne peut manquer de relever l'existenced'une ligne defacto
seprojetant de Ras Ajdir verslenord-nord-est, àun anglede 26" envi-
ron, qui concrétise la manièredont les deux Parties ont octroyé à
l'origine des permis ou concessions pour la recherche ou l'exploita-
tion d'hydrocarbures en mer. Cette ligne entre des concessions adja-

centes ...a étéobservéetacitement pendant des années ))(ibid.,p. 71,
par. 96.)
<Lepérimètred'un permis tunisien, élargi le21octobre 1966,était
limité à l'est par une ligne ((en escalier )) (à cause semble-t-il du

systèmede quadrillageou de blocs employépour l'octroi despermis)
dont chaque degrés'appuyait àl'estsur une ligne droiteformant avec
le méridienun angle de 26" environ. En 1968la Libye a accordéune
concession (no137) ((àl'estd'uneligne sud-sud-ouest entre 33" 55'N
12" Eetun point en mer setrouvant à une distance d'environ un mille
marin de la côte D,dont l'anglepar rapport au méridiende Ras Ajdir

était de 26", et les limites occidentales des concessions libyennes
ultérieuresse sont appuyées sur cette mêmeligne qui, d'après les
explications donnéespar la Libye, <(suivait la direction des conces-
sions tunisiennes ))On a ainsi vu se dessiner sur la carte une limite
séparant defacto leszones desrrancessionset permisen vigueur, en ce
sens que des travaux de prospection étaient autoriséspar une Partie
sans immixtion ou (jusqu'en 1976) sans protestations de l'autre.

(Ibid., p. 83-84, par. 117.)
<<une ligne qui, partant du point terminal de la frontière terrestre,
passe par lepoint 33" 55'N 12" E, formant ainsi avec leméridien un

angle correspondant à celui de la limite ouest des concessions pétro-
lièreslibyennesnosNC 76, 137,NC 41etNC 53,elle-mêmealignéseur
les points est de la limite sud-est en zigzag du permis tunisien dit
<(Permis complémentaireoffshoredu golfe de Gabès ))(21 octobre
1966) ))(ibid., p. 85, par. 121). 6. Premièrement, l'erreur de compréhension de la Cour au sujet des
limites libyennes semble venir de ce qu'elle n'avaitpas de renseignements
précisconcernant les concessions de ce pays. Et de fait, pendant la pro-
cédure écrite etla procédure orale de l'affaire initiale, les coordonnées
exactesdeslimiteslibyennes neluiavaientpas été communiquées.La Cour
ne lesajamais demandées,maisrien neprouve non plus quela Libyelesait
délibérément dissimulées. L Taunisie, pour sa part, n'a pas demandé à la
Cour d'obtenir dela Libyeplus de détailssursesconcessions,mêmelors de

la procédure orale dans l'affaire initiale. Ce n'est qu'à l'occasion de la
présenteprocédureque lescoordonnéesde la concession libyenne de 1968
ont étéfournies àla Cour (annexe II à la requête tunisiennedu 27juillet
1984).
7. Deuxièmement, l'inexactitude des indications de l'arrêtde 1982
relatives au permis tunisien tient àce que, si la Tunisie avait, à l'époque,
donnéles renseignements nécessaires à la Cour, le texte mêmedu permis

(mémoire de la Tunisie, annexe 1) ne les exprimait cependant que
par le <numérode repère ))des divers <(sommets ))de la limite sud-est;la
Cour n'ajamais eu connaissancedescoordonnées exactes des limites tuni-
siennes, et ellen'a pas cherché àobtenir plus de détails sur cepermis. Les
coordonnées exactes correspondant aux <(repères miniers O,c'est-à-dire
aux << numérosde repère ))du texte original, n'ont étéprécisées qu'à l'oc-
casion de la procédure actuelle(pièceno9 du dossier soumis à la Courpar
la Tunisie le 13juin 1985,pendant les plaidoiries). La Cour, malgré cela,

savait parfaitement en 1982que lalimite sud-est du permis tunisien n'était
pas une ligne droite, mais une ligne <en escalier )),comme il ressort
clairementdes motifs de son arrêt(voir C.I.J. Recueil 1982,p. 83,par. 117).
Pourtant, dans ledispositif, ellea traitécette limitecommeune lignedroite
(ibid., p. 93, par. 133C 2).

8. A en juger par les pièces écriteset par les plaidoiries dans l'affaire

initiale, le fait est que ni l'uneni l'autre des Parties ne pensait que la limite
de sesconcessions serait un facteur important, ni mêmepertinent, dans la
décisionde la Cour. Mais la question de savoir si c'est par un effet de sa
négligenceque la Tunisie ignorait les coordonnéesprécisesde la conces-
sion libyenne, ou si elle avait fait preuve de la diligence voulue, n'estpas
cruciale, car la validitédes concessions respectives des Parties n'étaitpas
en cause. Ainsi, on ne peut en touteéquitéblâmer ni la Tunisie ni la Libye
pour ce qui, rétrospectivement, peut paraître constituer des omissions.

Seule la Cour, qui, en 1982,a de sa propre initiative accordé une grande
importance aux concessions antérieurement octroyéespar les Parties, a
péché par omission en seréférantaux concessions tunisiennes etlibyennes
sans en avoir une connaissance suffisante et sans avoir vérifié leurs posi-
tions respectives. C'estlà un point essentiel, que la Cour, dans sonprésent
arrêt, aurait dû reconnaître plus franchement. Si la Cour - et non les
Parties - s'étaitmontrée plusprudente en 1982,l'affaire actuelle ne lui

aurait probablement pas étésoumise. B. Absence d'influencedufait «découvert» sur le choix par la Cour
dupoint 33" 55'N 12" E

9. En dépitdecequi précède,la Cour a,dans ledispositif de son arrêtde
1982,choisi pour le premier secteur une ligne de délimitation caractérisée
comme suit (aux termes d'une citation déjàreproduite plus haut) :

lepoint de départde la ligne de délimitationest l'intersection de la
limite extérieurede la mer territoriale des Parties et d'uneligne droite
tiréedupoint frontièrede Ras Ajdir et passant par lepoint33" 55'N
12" E, àun angle de 26" environ à l'estdu méridien,correspondant à
l'angle de la limite nord-ouest des concessions pétrolières libyennes
nosNC 76, 137, NC 41 et NC 53, laquelle est alignéesur la limite
sud-est du permis tunisien dit Permis complémentaire offshore du

golfe de Gabès ))(21 octobre 1966) ; àpartir du point d'intersection
ainsi déterminé,la lignede délimitation entreles deuxplateaux conti-
nentauxsedirigeraverslenord-estselon lemême angleenpassantpar le
point 33" 55'N 12" E,jusqu'à ..))(p. 93, par. 133C 2. Les italiques
sont de moi.)

Dans lacitation qui précède, lespassagesenitalique montrent quelle était
l'intention véritablede la Cour aux fins de la délimitation : relier le point
33" 55'N 12" E au point frontière de Ras Ajdir, comme le reconnaît le
présentarrêt(par.32).C'est la Libyequi avait attirél'attention de la Cour
surlescoordonnées33" 55'N 12" E,en signalant qu'il s'agissaitd'un point
intéressant sapropre concession ;sans donner la totalité descoordonnées
de sa concession, elleavait cependantindiqué la position de cepoint dans

son mémoire :
<(Cette concession [no1371portait sur une zone de 6846kilomètres
carrés à l'estd'une ligne sud-sud-ouest partant de 33" 55'N 12" E et
allant jusqu'à un point en mer situé à environ un mille marin de la

côte. Le point d'origine forme un angle de 26" par rapport à Ras
Ajdir. (Par. 36.)
On notera aussi (bien qu'iln'ensoitpas question dans leprésentarrêt)que
lescoordonnées33" 55'N 12" E, telles qu'indiquéesdans l'arrêtde 1982,

étaient empruntéesexclusivement à la concession libyenne, et non au
permis tunisien,endépit desallusions répétées d,ans l'arrêt originalcomme
dans l'arrêtd'aujourd'hui, à l'((alignement ))des concessions des deux
Parties.
10. Pourquoi la Cour a-t-elle optépour le point 33" 55'N 12" E, qui
était situésur lepourtour de laconcession libyenne, maisétaitdépourvude
sens quant aux limites du permis tunisien ? Pourquoi la Cour n'a-t-ellepas
retenu l'un quelconque des points indiqués par la Tunisie comme intéres-

santson permis ?Ou,plusfondamentalement encore, pourquoi, en admet-
tant mêmeque l'on puisseconsidérerquejadis - ilyaplus de dix ans - les
concessions étaient <(alignées O,dans le sens donné à ce terme par leprésent arrêt(par. 36), la Cour a-t-elle vu là un élémentdécisifpour la
délimitation ? L'arrêtde 1982 n'apporte pas de réponses claires à ces
questions. Cela ne signifie pas pour autant que ces décisionsde la Cour
puissent êtreremises en cause par la <<découverted'un fait de nature à

exercerune influence décisive D. L'arrêtde 1982est peut-être critiquable -
etj'ajouterai queje l'aitrouvéfort difficilà accepter,sachant que la Cour
avait choisi la ligne du premier secteur sans motifs suffisants. Mais, si
critiquable qu'il puisseêtre,cet arrêtn'en estpas moins définitif,car les
causesetmotifs sur lesquelsilrepose ne peuvent donner lieu à laprocédure
de revisionprévue àl'article61du Statut. En d'autres termes, s'ilyavaitun
motif de reviser l'arrêtde 1982,ce motif tiendrait au raisonnement sur
lequel il repose, plutôt qu'à de((faits))nouvellement portés à l'attention

de la Cour.Or leStatut ne permet pas la revision desarrêtsde la Cour à ce
titre.

C. Clarté de sens et de portée dle'arrêd tans le choix dedeux points
expressément définis

11. Comme le rappelle fort à propos le présentarrêt, (l'arrêtde 1982
énonceaux finsde la délimitationun seul critèreprécispour le tracéde la
ligne,à savoirquecelle-cidoitêtreune lignedroite passant par deux points

expressément définis ))(par. 50). Certes, on peut reprocher au libellédu
dispositif de l'arrêtde 1982la confusion qui résultepar endroits d'expli-
cations superfétatoires et d'une exactitude discutable. Mais il ne saurait y
avoir d'incertitude dans le tracéd'une ligne droite reliant deux points
expressément définis, à savoir le point frontière de Ras Ajdir et le point
33" 55'N 12" E, situé enpleine mer. Dans ses conclusions en la présente
espèce, la Tunisie, renvoyant aux coordonnées - 33" 50'17"N
11"59' 53"E - d'un point situé sur la limite de son permis de 1966, a

proposéde nouvelles méthodes,tout autres que cellesauxquelles songeait
laCour, transformant ainsi enfuit sarequêteeninterprétationde l'arrêtde
1982en demande en revision du mêmearrêt.

II.LE DEUXIÈME SECTEUR DE LA DÉLIMITATION

A. La référence de l'arrêdte 1982

au ((point leplus occidental» de la côte tunisiennepour localiser lepoint
où s'infléchitla ligne de délimitation

12. La Cour a considéré en1982quela ligne de délimitationtracéedu
point frontière de Ras Ajdir au point situépar 33" 55'N 12" E devait
s'infléchiren un certain point en raison de la configuration généraledu
golfe de Gabès. A ce propos, la Cour ajugé juridiquement important les
faits suivants:

Silepremier segment de lacôte tunisienne, à l'ouestde Ras Ajdir,
suit approximativement, sur une certaine distance, la même direc- tion que lacôte libyenne, la caractéristiquelaplusmarquante de cette
côte ..est que plus loin ellechange de direction pour s'orientergrosso

mododu sud-ouest au nord-est. ...Ce changement de direction peut
êtreconsidéré comme modifiant la situationde contiguïté desdeux
Etats, mêmes'ilne vapas, detoute évidencej,usqu7àen faire,en droit,
des Etats se faisant face. (C.I.J. Recueil 1982, p. 63, par. 78.)

La Cour a égalementdéclaré : <Le changement de direction de la côte
est...un fait dont il faut tenir compte. ))(Ibid., p. 87,par. 124.)Peut-être
cette affirmation était-elle justifiée.Cependantje ne vois pas pourquoi,
selonla Cour, la ligne de délimitationdevait s'infléchiren un point situé à
la mêmelatitude que le point marquant le changement de direction de la
côte du golfe. Une latitude n'est pas autre chose qu'un plan coupant le
globeterrestreet, pour lecartographe,un moyen ingénieuxet commode de

dresser les cartes. Mais si, prenant pour hypothèse que c'est en réalitéla
configuration quicompte, onétudiela cartede la régionsans sesoucier du
faisceau des parallèles et des méridiensou de l'optique cartographique
traditionnelle, on n'ytrouvera aucune raison logique de choisir, commela
Cour l'a fait, le point d'infléchissementde la ligne de délimitation par
rapport au point d'inflexiondu littoral du golfe,en lessituant tous deux sur
un même parallèle(voirmonopinion dissidente dans l'affaire initiale,ibid.,
p. 268).

13. La Cour, en 1982,a choisi ((un point approprié dela côte à retenir
comme référence,afin que la délimitation reflète [le]changement )),en
ajoutant : (<La Cour considèrequ'un point approprié de la côte ...est le
point leplus occidental de la côte tunisienne ...)>(ibid.,p. 87,par. 124).Or,
a supposer mêmeque l'établissementd'un lien, fondésurla latitude, entre
le point d'infléchissementde la ligne de délimitation et celui où la côte
change de direction ait reposésur desarguments solides (cedont je doute,
commeje l'aidit au paragraphe précédent),il n'yavaitjuridiquement pas

de raison d'affirmer que le <changement de direction de la côte du golfe
deGabès seproduisait nécessairementau point leplusoccidental du golfe.
Le fait est qu'il est difficile de préciser lepoint auquel intervient ce
changement générald'orientation, surtout dans une situation géogra-
phique telle que celle du golfe de Gabès, où la côte s'incurve progressive-
ment en un semi-arrondi que ne marque aucun trait saillant. Tout point
situé,grosso modo,entre 33"55'N et 34" 20'N pourrait, me semble-t-il,
êtredésigné comme étantcelui où lacôtechanged'orientation généralel,e

choixétanten grandepartie fonction de l'anglesouslequel on considèrela
configuration générale des côtesvoisines.Quece point soit ou non situéau
point le plus occidental du golfe est, en principe, dénuéde significa-
tion.
14. A vrai dire,la manière dont seproduit lechangement d'orientation
générale etlepoint où ils'opèrene peuvent êtredéterminésavecprécision,
comme la Cour l'a fort bien dit en 1982 :

<(La Cour considèrequ'ellen'a pas à se prononcer sur [laquestion desavoiroùl'onpeut dire quelacôtetunisiennechange de direction] ;

l'examen auquel les Parties se sont livrées luiparaît plutôt prouver
que ..[cepoint n'estpas]un fait objectivement définissable. )(C.I.J.
Recueil 1982, p. 87, par. 123.)

La Cour, pour <<s'acquitter de sa mission, qui est d'indiquer la méthode
pratique de délimitationde manière à permettre aux experts d'effectuer

celle-ci <sans difficultéaucune )>a retenu ce point particulier du littoral
tunisien, parce qu'il lui paraissait être << un point approprié ))ayant
<<l'avantage d'être définissable objectivemen dt'aprèsles critèresgéogra-
phiques ))(ibid., par. 123-124).Or il se trouve que, en élisant ce qui lui
paraissait êtrela particularité la plus exactement définissablede la côte
comme point d'inflexion à des fins pratiques, elle a choisi une petite
échancrure )isur une carte à petite échelle,c'est-à-dire, d'après la Tunisie,

l'embouchure d'un oued, à hauteur du parallèle 34" 10' 30"N. Quel
hasard heureux pour la Cour, que la ligne tirée de ce point aux îles
Kerkennah passe lelong de lacôtedes îlesdu côtédu large ))(ibid.,p. 89,
par. 128) ! Et,pour définirlepoint qui, à son sens,devait être<< définissable
objectivement d'après les critères géographiques O,la Cour a trouvé -
autre coïncidence heureuse - qu'il pouvait s'agirdu (<point le plus occi-
dental )idu golfe de Gabès. En définissantce point d'inflexion de la côte

par lanotion de <(pointleplusoccidental )),laCour n'apas précisé s'ilétait
ou non pertinent qu'il fût situé surune ligne de base, au sens de la con-
vention de 1958sur la mer territoriale et la zone contiguë ou de la con-
vention desNations Unies de 1982sur ledroit de la mer. Mais, bien que ce
point particulier, qui setrouvait être (<lepoint leplus occidental du golfe
- au sens donné à ces termes par la Cour -, ait été choisi empiriquement,
parmi beaucoup d'autres possibilités géographiques,et bien que ce choix

ne réponde pasnécessairement à des motifs d'ordre juridique, il n'y a là
aucune incertitude pouvant nécessiterl'interprétationde la décisionde la
Cour. De ce fait, les autres interprétations que juristes ou géographes
peuvent donner de l'expression<< lepoint leplusoccidental ))perdenttoute
pertinence.
15. La position précisedu point, situépar environ 34' 10' 30"de lati-
tude nord, que la Cour ajugédéterminanten tant que point d'inflexionde
la côte, et que la Tunisie appelle un << oued )i,pourrait êtreétabliepar les

experts, comme indiquédans l'arrêtde 1982.Mais le rôle des experts des
deux Parties se limiterait alors à établirsur une carte faisant autoritéla
latitude exacte de ce point, à quelques secondes près(une seconde équi-
valant à 30 mètresenviron, et une marge aussi faible ne pouvant affecter
l'angleentre ladirection générale de lacôte etla ligne tracéeen directionet
le long de la rive orientale des Kerkennah). Il ne saurait aller jusqu'à

déterminer,sur leplanjuridique outopographique,quel autrepoint pourrait
être<<lepoint leplusoccidental delacôtetunisienne ...,c'est-à-dire lepoint
le plus occidental de la ligne de rivage (laisse de basse mer) du golfe de
Gabès ))ou << le point le plus occidental du golfe de Gabès )). B. Désignation catégoriqu pear la Cour d'un pointd'inflexionsur la côte

16. La Tunisie a soulevé, à propos du deuxième secteurde la ligne de
délimitation,unproblèmenéde ceque, dans ledispositif del'arrêtde 1982,
la Cour ajugéque :

(dans lepremier secteur ...la ligne de délimitation ...se dirigera vers
le nord-est ...en passant par le point 33" 55'N 12" E, jusqu'à ce
qu'elle rencontre le parallèle du point le plus occidental de la côte
tunisienne entre Ras Kapoudia et Ras Ajdir, à savoir le point leplus
occidental de la ligne de rivage (laisse de basse mer) du golfe de
Gabès ))(C.I.J. Recueil 1982, p. 93-94, par. 133C 2),

et que :

<dans le deuxièmesecteur, s'étendantvers le large au-delà du paral-
lèlepassant par lepoint leplus occidental du golfe de Gabès, laligne
de délimitation...s'infléchiravers l'est ..))(ibid.,p. 94, par. 133C 3),

alors qu'elle avait déclarédans les motifs :
<il apparaît à la Cour que [le point le plus occidental de la côte

tunisienne entre Ras Kapoudia et Ras Ajdir, à savoir le point le plus
occidental delalignederivage(laissedebasse mer)du golfedeGabès]
se trouve à environ 34" 10'30" de latitude nord (ibid., p. 87,
par. 124).

La demande en interprétationde laTunisie est fondéesur lefait que, selon
elle,l'échancrurede la côte que l'ontrouve à l'ouestà hauteur du parallèle
34" 10'30" N n'étantpas sur (la lignede rivage(laissede basse mer) )du
golfe de Gabès,mais dans l'embouchure d'un oued, le point le plus occi-
dental de la lignede rivage(laissede basse mer) du golfedeGabèsest situé

à la latitude de 34" 05' 20"N (Carthage), nettement plus au sud.
17. Leproblème que prétendsoulever la Tunisie est de concilier l'exis-
tence de cet <(oued O,constituant <<le point le plus occidental de la côte
tunisienne entre Ras Kapoudia et Ras Ajdir ))avec les termes utiliséspar
la Courpour préciserson intention : (à savoir, lepoint le plus occidental
sur la ligne de rivage(laissede bassemer)du golfedeGabès n. Sije disque
c'estun problèmeque la Tunisie <<prétend )>soulever, c'estque,commeje
l'aidéjàindiqué, laCour ne s'estabsolument pas préoccupéeen 1982du

statut des oueds au regard de la lignede base,que ce-soitaux termes de la
convention de Genèvede 1958ou aux termes dela convention de Montego
Bayde 1982.Ilest enoutre indéniablepour laTunisie quel'embouchure de
l'ouedfait partie de la <(côte tunisienne >)ou de <<la ligne de rivage (laisse
de basse mer) du golfe de Gabès >)au sens topographiquedu terme ; la
Tunisie ne semble pas contester qu'il existe à hauteur du parallèle
34" 10' 30"N une particularité importante pouvant être considérée

comme le point d'inflexion de la côte.
18. Malgré le vocabulaire utilisepour formuler la partie de sa requêtevisant ledeuxième secteur,il sembleque laTunisie,sachant pertinemment
que la Cour avait retenu un point de la côte situé par 34" 10'30" N
environ, ait cherchéen fait à faire reconnaître par la Cour que son arrêt
était entachéd'erreur pour la raison que par principe il ne peut y avoir
d'oued sur une ligne de base,au sens des dispositions applicables de la
convention de Genèvede 1958ou de la convention de Montego Bay de
1982, et que l'oued existant ne devrait donc pas êtreconsidéré comme
constituant le point le plus occidental du golfe de Gabès.l sepeut que le
libelléde l'arrêtde 1982ne soit pas suffisamment clair pour écarter tout
malentendu. Cependant, le but-visé par la Tunisie me paraît s'écarter

sensiblement de ce qu'une partie est en droit d'attendre d'une requête en
interprétation. La Tunisie ne cherchepas à obtenir une interprétation de
l'arrêt:elle tente de substitueà l'indication concrète qui y est donnéesa
propreinterprétationde laposition du point leplus occidental du golfede
Gabès à hauteur de 34" 05' 20"de latitude nord, au motif que le raison-
nement qui aconduit la Cour à proposer la latitude de 34" 10'30" Nà titre
de référencepour le point d'infléchissementde la délimitation dans le
deuxième secteur neserait pas entièrement fondé.

19. Bref, et bien que je ne puisse personnellement approuver sa dé-
marche, la Cour a fermementproposé en 1982uneméthodepratique pour

tracer la ligne de délimitation.Il me paraît donc :premièrement, que la
décisionde la Cour visant lepremier secteur de la délimitationn'estpas de
nature à êtresuffisamment remise en cause par la découverte d'un fait
nouveau pour induire la Cour à la reconsidérer;deuxièmement,que, sila
description donnéepar la Cour de la ligne de délimitationchoisie dans le
premier et le deuxième secteura pu ne pas paraître assez limpide pour se
passer d'interprétation, l'intention de la Cour est cependant des plus
claires. Les demandes tunisiennes d'interprétation de l'arrêtne sont, me
semble-t-il, que des demandes de revision déguisées.

(Signé)Shigeru ODA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE ODA

1. 1concur in the Judgment's finding in paragraph 69 A that Tunisia's
application for revision relating to the first sector must be declared inad-
missible. Yet, as a dissenting Judgein the originalcasewho in 1982could
not support the delimitation line which the Court had proposed, 1 feel
bound to explain why in my view also Tunisia's application is not well-
founded. With regard to subparagraphs B and D of the operative part,
concerning Tunisia's requests for interpretation relating to both the first
and second sectors, 1 hold the view that the requests should have been
found inadmissible for the reasons stated below in paragraphs 11 and
16-18respectively. However, as the question of admissibility inboth cases
was put to the vote together with the contents of the respective requests,

and as1agree at any rate with the findings reached by the Court that the
respective requests cannot be upheld, 1have voted in favour.

1.THEFIRSTSECTOR OF THE SUGGESTED DELIMITATIOL NINE

A. The Court's Account in1982 of the Concessionspreviously
Granted by the Parties

2. It has become evident through the present proceedings that in giving
judgment in 1982 the Court had no exact idea of the boundaries of the
concessions granted by the respective Parties prior to the signing of the
Special Agreement. Had this not been so, Tunisia would have had little
ground for submitting its application for revision or its request for inter-
pretation with regard to the first sector of the suggested delimitation line.
In thepresentJudgment the Courtappears to bereluctant to recognizethis
point which, in my view, should have been clearly spelled out.
3. The boundaries of the respective concessions relevant to our consid-
eration, which have become thoroughly known only through the present
proceedings, had the following characteristics :

(i) The southeastern boundary of the Tunisian "Permis complémentaire
offshore du Golfe de Gabès" of 21 October 1966,in the form of a
zig-zagor "stepped" line, did not extend eastwards beyond the point
11"59'53".66 E, and the southeastern corner of the step furthest
from the shoreline was at 33" 50' 17".19N on thislongitude (turning-
point No. 5) ;the southeastern corner of the step nearest to the
coastline was at 33" 11' 20".89 N, 11" 34'53".44E (turning-point OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

[Traduction]

1. Je souscrisàla décisionfigurant auparagraphe 69A du dispositif de
l'arrêtpar laquelle la requêteenrevision présentéepar laTunisieen cequi
concerne le premier secteur est déclarée irrecevable.Cependant, en tant
quejuge dissident dans l'affaire de 1982,oùje n'avais pu accepter la ligne
de délimitation proposéepar la Cour,je m'estime tenud'expliquer pour-
quoi la requêtede la Tunisieme paraît à moi aussi mal fondée.S'agissant
des sous-paragraphes B et D du dispositif, relatifs aux demandes en
interprétation de la Tunisie visant le premier et le deuxième secteur, je

pense que ces demandes auraient dû êtredéclarées irrecevablespour les
raisons que j'évoqueplus loin, aux paragraphes 11et 16 à 18respective-
ment. Toutefois, comme dans les deux cas la question de la recevabilitéa
étémise aux voix en mêmetemps que la teneur mêmedes demandes, et
comme,entout étatdecause,je partage laconclusion de laCour consistant
à les rejeter, j'ai votédans le mêmesens que mes collègues.

A. Position dela Cour en 1982 a l'égard des concessions
antérieurement octroyée par les Parties

2. L'instance actuellemontre d'une manière évidenteque la Cour, en
rendant son arrêtde 1982,ne connaissait pas exactement les limites des

concessions octroyéespar les deux Parties avant la signature du compro-
mis. Dans le cas contraire, la Tunisie aurait pu difficilement présenter sa
requêteen revision, ou sa demande en interprétation, pour ce qui est du
premier secteur de la délimitation envisagée. Leprésent arrêtsemble
marquer unecertainehésitation de la Cour à reconnaître cefait, quiàmon
avis, aurait dû êtreclairement énoncé.
3. Les limites des concessions pertinentes octroyéesde part et d'autre,
qui n'ont étévraiment connues qu'au cours de la présente procédure,

avaient les caractéristiques suivantes:
i) La limite sud-est du <<Permis complémentaire offshore du golfe de
Gabès O,octroyépar la Tunisie le 21 octobre 1966,qui est une ligne
en zigzag, ou (en escalier D, ne dépassait pas, à l'est, le point

11O 59'53','66E, et l'anglesud-est de l<(marche Hla plus éloignéede
la côte se situait par 33" 50' 17:119N sur cette longitude (point d'in-
flexion no5) ;l'angle sud-estde la marche la plus proche de la côte se
situait, quantà lui, par 33" 11'20f,'89N 11 34'53','44E (point d'in- No. 41), and the line connecting each of the southeastern corners of
the 17stepsjoined by these two extreme points did not form a single
straight line (seeNo. 9of the dossier supplied byTunisia to the Court
during the oral proceedings).

(ii) The northwestern boundary of Libyan concession No. 137of 30April
1968was a line connecting the point 33" 55'N, 12" E, in mid-ocean,
with the point 33" 10'N, 11 " 35'E, which lies about one mile to the
east of the land frontier point at Ras Ajdir on the mainland (see
Tunisian Application, Ann. II). In other words the line, if prolonged,
would notpass through the land frontier point but would intersect the
coastline at apoint east ofthe frontier.(The later Libyan concession -
NC 76 of 17 February 1979 - did not alter that boundary.)
(iii) Thus Tunisia's "stepped" line and Libya'sstraight lineclearly did not
match, and in fact some overlapping and conflict occurred in the
concession areas.

4. Notwithstanding these clear facts concerning the boundaries of the
Tunisian and Libyan concessions, of which the Court could and should
have been aware in 1982,the mistaken descriptions (which constituted a
cause of the present case) were incorporated in the operative part con-
cerning the first sector of the delimitation line in the Court's 1982Judg-
ment, which stated :

"the starting point for the line of delimitation is the point where the
outer limit of the territorial sea of the Parties is intersected by a
straight linedrawn from the land frontierpoint of Ras Ajdir through
the point 33" 55'N, 12" E, which line runs at a bearing of approxi-
mately 26" east of north, correspondingto the anglefollowed by the

north-western boundaryof Libyanpetroleum concessionsnumbers NC
76, 137, NC 41 and NC 53, which was aligned on the south-eastern
boundary of Tunisian petroleum concession'Permis complémentaire
offshoredu Goye de Gabès'(21 October1966) ; from the intersection
point so determined, the line of delimitation between the two conti-
nental shelvesis to run north-east through thepoint 33" 55'N, 12" E,
thus on that same bearing, to the point.. ." (Z.C.J.Reports 1982,
pp. 93-94, para. 133C (2), emphasis added).

The mistaken descriptions in the above quotation are underlined. The
Court erred in its belief that the northwestern boundary of the Libyan
concession lay on this bearing of 26" east of north and was aligned on the
southeastern boundary of the Tunisian concession.
5. It is now clear that the bearing of 26" east of north was that of a line
connecting point 33" 55'N, 12" E, to Ras Ajdir, but not to the south-
western corner of the Libyan concession. Furthermore, in spite of the ex-
planations given in the present Judgment to the effect that :

"It is evident that the Court did not mean by 'aligned' that the
boundaries of the relevant concessions formed a perfect match in the flexionno41) ;etlalignereliant lesanglessud-est desdix-sept marches
situéesentre ces deux points extrêmesn'était pasune droite (voir la
pièceno 9 du dossier soumis à la Cour par la Tunisie au cours de la
procédureorale).
ii) La limite nord-ouest de la concession no 137,octroyéepar la Libye le
30 avril 1968, était une ligne joignant le point 33" 55'N 12" E, en
pleine mer, au point 33" 10'N 11 35'E,situé àenvironun mille à l'est
de Ras Ajdir, point terminal delafrontière terrestre (voirannexe IIà la
requêtetunisienne). En d'autres termes cette ligne,sion laprolongeait,

nepassaitpas par Ras Ajdir,maiscoupait la côteen un point situéplus
à l'est.(La concession NC 76 octroyéepar la Libye le 17février1979
- subséquemment,donc - n'a pas modifiécette limite.)
iii) Ilestdonc évident qu'il n'avait pas correspondance entre laligne <<en
escalier de laTunisie et la ligne droitede la Libye, et que lessurfaces
concédéesentraînaient certains chevauchements ou conflits.

4. En dépit deces faits indiscutables concernant leslimites des conces-
sions tunisiennes et libyennes, dont la Couraurait pu et dû avoir connais-
sanceen 1982,certainesindications erronées(qui sont une descauses de la
présenteaffaire)ont étéintroduitesdans lepassage du dispositif de l'arrêt
de 1982relatif au premier secteur de la délimitation, où l'on peut lire :

<<lepoint dedépart de la ligne de délimitationest l'intersection de la
limite extérieurede la mer territoriale des Parties et d'une ligne droite

tiréedu point frontière deRas Ajdir et passant par lepoint 33" 55'N
12"E, à un angle de 26" environ àl'estdu méridien,correspondant à
l'angle de la limite nord-ouest des concessions pétrolières libyennes
nosNC 76,137,NC 41etNC 53,laquelleestalignéesur la limitesud-est
du permis tunisien dit«Permis complémentaire offshore du golfe de
Gabès» (21 octobre 1966) ; à partir du point d'intersection ainsi
déterminé, laligne de délimitationentre les deux plateaux continen-
taux se dirigera vers lenord-est selon lemêmeangle en passant par le
point 33" 55'N 12" E, jusqu'à ..>)(C.I.J. Recueil 1982, p. 93-94,
par. 133C 2. Les italiques sont de moi.)

Les indications erronées sont en italique dans la citation qui précède. La
Cour se trompait en croyant que la limite nord-ouest de la concession

libyenne sesituaità un anglede 26" àl'estdu méridien etétaitalignéesurla
limite sud-est du permis tunisien.
5. Il est certaià présentque l'anglede 26" à l'estdu méridien est celui
delalignequijoint lepoint 33" 55'N 12" Eà Ras Ajdir, etnonpas àl'angle
sud-ouest de la concession libyenne. De plus, en dépit des explications
avancéesdans le présentarrêt,aux termes duquel

<<il est évident qu'enemployant le mot <<alignée )>la Cour ne voulait
pas dire que les limites des concessions considérées s'accolaientpar- sense that there was neither any overlap of the concessions nor any
sea-bed areas left open between the two boundaries" (para. 36),

it ismoreevident from theerroneous descriptions in the reasonings quoted
below thatin 1982the Court suggested thedelimitation line on the basis of
its incorrect or inaccurate understanding of the Tunisian and Libyan
concessions and of the relationship between them :

"[In 19741Libya granted a concession the western boundary of
whichwas(consistently with aprevious concession) alinedrawn from
Ras Ajdir at some 26" to the meridian." (I.C.J. Reports 1982, p. 37,
para. 21.)
"Ras Ajdir is also the point of departure.. . of the line of 26"
north-east which had been followedby the twoParties in thegranting
of concessions for the exploration and exploitation of minera1
resources during the period 1964-1972."(Ibid., p. 66, para. 86.)

"[Tlhe Court could not fail to note the existence of a defacto line
from Ras Ajdir at an angle of some 26" east of north, which was the
result of the manner in which both Parties initially granted conces-
sionsfor offshore exploration and exploitation ofoiland gas.Thisline
of adjoining concessions. ..was tacitly respected for a number of
years." (Ibid., p. 71, para. 96.)

"A Tunisian enlarged concession of 21 October 1966was bounded
on the east by a 'stepped' line(a form apparently dictated by the
grid/block system for grant of concessions) the eastern angles of
which lay on a straight line at a bearing of approximately 26" to the
meridian. In 1968Libya granted a concession (No. 137)'lyingto the
eastward of aline running south/southwest from the point 33" 55'N,
12"E to a point about one nautical mile offshore' the angle thereof
viewed from Ras Ajdir being 26" ;the western boundaries of subse-
quent Libyan concessions followed the same line, which, Libya has
explained, 'followed the direction of the Tunisian concessions'. The
result was the appearance on the map of a de facto line dividing
concession areas which were the subject of active claims, in the sense
that exploration activities were authorized by one Party, without
interference, or (until 1976)protests, by the other." (Ibid., pp. 83-84,
para. 117.)

"a linedrawn from the terminal point of the land frontier through the
point 33" 55'N, 12" E,thus at an angle to the meridian corresponding
to the angle of the western boundary of Libyan Petroleum Conces-
sionsNos. NC 76, 137,NC 41 and NC 53,which was aligned with the
eastern points of the zig-zagsouth-eastern boundary of the Tunisian
concession 'Permiscomplémentaire offshoredu Golfe de Gabès'(21
October 1966)" (ibid., p. 85, para. 121). faitement, en ce sens qu'il n'y avait ni chevauchement ni étendue de
fond marin restant libre entre les limites (par. 36),

ilest encorepluscertain, à la lecturedesindications erronéesfigurant dans
les raisonnements cités ci-dessous, qu'en1982la Cour a choisi une ligne
de délimitation à partir d'une connaissance incorrecte ou inexacte des

concessions tunisiennes et libyennes, et des rapports les unissant :

([En 19741,la Libye octroya une concession dont la limite occi-
dentale, tenant compte d'une concession antérieure,étaitreprésentée
par une ligne partant de Ras Ajdir à un angle de 26" environ avec le
méridien. ))(C.I.J. Recueil 1982,p. 37, par. 21.)

(<Ras Ajdir est aussi lepoint de départ ...de la lignedes 26" versle
nord-est à laquellelesParties sesont tenuesen octroyant despermiset
concessions de recherche et d'exploitation de ressources minéralesde
1964 à 1972. ))(Ibid., p. 66, par. 86.)

<(la Cour ne peut manquer de relever l'existenced'une ligne defacto
seprojetant de Ras Ajdir verslenord-nord-est, àun anglede 26" envi-
ron, qui concrétise la manièredont les deux Parties ont octroyé à
l'origine des permis ou concessions pour la recherche ou l'exploita-
tion d'hydrocarbures en mer. Cette ligne entre des concessions adja-

centes ...a étéobservéetacitement pendant des années ))(ibid.,p. 71,
par. 96.)
<Lepérimètred'un permis tunisien, élargi le21octobre 1966,était
limité à l'est par une ligne ((en escalier )) (à cause semble-t-il du

systèmede quadrillageou de blocs employépour l'octroi despermis)
dont chaque degrés'appuyait àl'estsur une ligne droiteformant avec
le méridienun angle de 26" environ. En 1968la Libye a accordéune
concession (no137) ((àl'estd'uneligne sud-sud-ouest entre 33" 55'N
12" Eetun point en mer setrouvant à une distance d'environ un mille
marin de la côte D,dont l'anglepar rapport au méridiende Ras Ajdir

était de 26", et les limites occidentales des concessions libyennes
ultérieuresse sont appuyées sur cette mêmeligne qui, d'après les
explications donnéespar la Libye, <(suivait la direction des conces-
sions tunisiennes ))On a ainsi vu se dessiner sur la carte une limite
séparant defacto leszones desrrancessionset permisen vigueur, en ce
sens que des travaux de prospection étaient autoriséspar une Partie
sans immixtion ou (jusqu'en 1976) sans protestations de l'autre.

(Ibid., p. 83-84, par. 117.)
<<une ligne qui, partant du point terminal de la frontière terrestre,
passe par lepoint 33" 55'N 12" E, formant ainsi avec leméridien un

angle correspondant à celui de la limite ouest des concessions pétro-
lièreslibyennesnosNC 76, 137,NC 41etNC 53,elle-mêmealignéseur
les points est de la limite sud-est en zigzag du permis tunisien dit
<(Permis complémentaireoffshoredu golfe de Gabès ))(21 octobre
1966) ))(ibid., p. 85, par. 121). 6. First, the Court's incorrect understanding of the Libyan boundaries
would seem tobe dueto its not possessing precise information respecting
the Libyan concessions. And in fact, during the written and oral proceed-
ings in the original case, the exact CO-ordinatesof the Libyan boundaries
were not furnished to the Court. The Court never asked for them, but
neither is there any evidence that Libya deliberately concealed them.
Tunisia, for its part, did not ask the Court to have Libya givedetails of its
concessions, even during the oral proceedings in the original case. A
description of the CO-ordinatesof the Libyan 1968concession has been
supplied to the Court only in the present proceedings (Tunisian Applica-
tion of 27 July 1984,Ann. II).

7. Secondly,the inaccurate statements in the 1982Judgment respecting
the Tunisian concession weredue to thefact that, although the details were

imparted to the Court byTunisia in theoriginal proceedings, the text of the
concession (TunisianMemorial,Ann. 1)gavethese details only in terms of
"numéro des repères" (reference numbers) of each "sommet" (traverse-
point) of the southeastern boundary ; the Court never understood the
Tunisian boundary in terms of exact CO-ordinates,and did not attempt to
seekany further clarification of the details of theTunisian concession. The
exact CO-ordinatescorresponding to the "repères miniers", that is, "nu-
mérodesrepères" intheoriginal text, have been made explicit to the Court
only in thepresent proceedings (No. 9of the dossier supplied byTunisia to
the Court on 13June 1985during the oral proceedings). Yet in 1982the
Court was fully aware that the southeastern boundary of the Tunisian
concession was not straight but "stepped", as this clearly emerges from
the statements in its reasoning (seZ.C. J.ports 1982,p. 83,para. 117).
This notwithstanding, the Court treated this boundary in the operative
part of the Judgment as if it were a straight lineibid p. ,3, para. 133
C (2)).
8.'~ud~in~by the pleadings and arguments of the original case the
simplefact isthat neither of the Parties assumed that the boundary ofse
concessions would constitute an important or even relevant factor in the
Court's decision. But itsnot crucial whether Tunisia's unawarenessof the
precise CO-ordinatesof the Libyan concession was dueto its negligenceor
whether Tunisia exercised normal diligence, because the validity of the
respectiveconcessions of theParties was not at issue.Thus neitherTunisia

nor Libya can fairly be blamed forwhat now might in retrospect appear to
beomissions. Solelythe Court, whichin 1982byits owninitiativelentgreat
significance to the concessions previously granted by the Parties, was at
fault in an omission, namely, of referring to the Tunisian and Libyan
concessions without adequate knowledge and without any verification of
their respective positions. This is an essential point which the Court in the
present Judgment should have more candidly recognized. If the Court
rather than the Parties had been more cautious in 1982,the present case
would probably not have been presented. 6. Premièrement, l'erreur de compréhension de la Cour au sujet des
limites libyennes semble venir de ce qu'elle n'avaitpas de renseignements
précisconcernant les concessions de ce pays. Et de fait, pendant la pro-
cédure écrite etla procédure orale de l'affaire initiale, les coordonnées
exactesdeslimiteslibyennes neluiavaientpas été communiquées.La Cour
ne lesajamais demandées,maisrien neprouve non plus quela Libyelesait
délibérément dissimulées. L Taunisie, pour sa part, n'a pas demandé à la
Cour d'obtenir dela Libyeplus de détailssursesconcessions,mêmelors de

la procédure orale dans l'affaire initiale. Ce n'est qu'à l'occasion de la
présenteprocédureque lescoordonnéesde la concession libyenne de 1968
ont étéfournies àla Cour (annexe II à la requête tunisiennedu 27juillet
1984).
7. Deuxièmement, l'inexactitude des indications de l'arrêtde 1982
relatives au permis tunisien tient àce que, si la Tunisie avait, à l'époque,
donnéles renseignements nécessaires à la Cour, le texte mêmedu permis

(mémoire de la Tunisie, annexe 1) ne les exprimait cependant que
par le <numérode repère ))des divers <(sommets ))de la limite sud-est;la
Cour n'ajamais eu connaissancedescoordonnées exactes des limites tuni-
siennes, et ellen'a pas cherché àobtenir plus de détails sur cepermis. Les
coordonnées exactes correspondant aux <(repères miniers O,c'est-à-dire
aux << numérosde repère ))du texte original, n'ont étéprécisées qu'à l'oc-
casion de la procédure actuelle(pièceno9 du dossier soumis à la Courpar
la Tunisie le 13juin 1985,pendant les plaidoiries). La Cour, malgré cela,

savait parfaitement en 1982que lalimite sud-est du permis tunisien n'était
pas une ligne droite, mais une ligne <en escalier )),comme il ressort
clairementdes motifs de son arrêt(voir C.I.J. Recueil 1982,p. 83,par. 117).
Pourtant, dans ledispositif, ellea traitécette limitecommeune lignedroite
(ibid., p. 93, par. 133C 2).

8. A en juger par les pièces écriteset par les plaidoiries dans l'affaire

initiale, le fait est que ni l'uneni l'autre des Parties ne pensait que la limite
de sesconcessions serait un facteur important, ni mêmepertinent, dans la
décisionde la Cour. Mais la question de savoir si c'est par un effet de sa
négligenceque la Tunisie ignorait les coordonnéesprécisesde la conces-
sion libyenne, ou si elle avait fait preuve de la diligence voulue, n'estpas
cruciale, car la validitédes concessions respectives des Parties n'étaitpas
en cause. Ainsi, on ne peut en touteéquitéblâmer ni la Tunisie ni la Libye
pour ce qui, rétrospectivement, peut paraître constituer des omissions.

Seule la Cour, qui, en 1982,a de sa propre initiative accordé une grande
importance aux concessions antérieurement octroyéespar les Parties, a
péché par omission en seréférantaux concessions tunisiennes etlibyennes
sans en avoir une connaissance suffisante et sans avoir vérifié leurs posi-
tions respectives. C'estlà un point essentiel, que la Cour, dans sonprésent
arrêt, aurait dû reconnaître plus franchement. Si la Cour - et non les
Parties - s'étaitmontrée plusprudente en 1982,l'affaire actuelle ne lui

aurait probablement pas étésoumise.240 APPLICATION FOR REVISION (SEP. OP. ODA)

B. The Imrnateriality of the Fact "Discovered" tothe Court's
Selection of Point33" 55'N 12" E

9. Despite this background, the delimitation line for the first sector was
suggested by the Court in the operative part of the 1982 Judgment as
follows (and as already quoted above) :

"the starting point for the line of delimitation is the point where the
outer limit of the territorial sea of the Parties is intersected by a
straight line drawnfromthelandfrontierpoint of RasAjdir throughthe
point 33" 55'N, 12" E which line runs at a bearing of approximately
26" east of north, corresponding to the angle followed by the north-
western boundary of Libyan petroleum concessions numbers NC 76,
137, NC 41 and NC 53, which was aligned on the south-eastern
boundary of Tunisian petroleum concession 'Permiscomplémentaire
offshoredu Golfe de Gabès'(21October 1966) ;fromtheintersection
point sodetermined, thelineofdelimitationbetweenthetwocontinental

shelvesis to run north-east throughthepoint 33" 55'N, 12' E, thus on
that same bearing, to the point. .." (ibid., p. 93, para. 133 C (2),
emphasis added).
In the above quotation the passages showing what the Court was really
suggesting for the purpose of delimitation have been underlined, Le., to
join thepoint 33" 55'N, 12" E, to the land frontierpoint of Ras Ajdir, as

recognized in the present Judgment (para. 33). The significance of the
CO-ordinates33" 55'N, 12" E, had been made known to the Court by
Libya as those of a point relevant to its own concession. While it did not
make clear al1the CO-ordinatesof its concession, the Libyan Memorial did
specify this particular point in the following passage :
"The area covered by this Concession [No. 1371was 6,846 square
kilometres, lying to the eastward of a line running south/southwest

from the point 33" 55' N, 12" E to a point about one nautical mile
offshore.The point of originviewedfrom RasAjdir isat an angleof 26
degrees." (Para. 36.)
It should, however,alsobe noted (though itisoverlooked by theCourt also
in the present Judgment) that the CO-ordinatesof 33" 55'N, 12" E,as the

1982 Judgment proposed, were those which had been one-sidedly bor-
rowed from the Libyan, but not from the Tunisian concession in spite of
repeated references to "alignment" of the two in the original and the
present Judgment.
10. Why did the Court opt for the point 33" 55'N, 12" E,which wason
the boundary line of the Libyan concession but had no significance so far
asthe Tunisian boundaries wereconcerned? Whydid the Court not choose
some point indicated by Tunisia as one of the relevant points in its own
concession ? Or, more fundamentally, why, even if the two concessions
could once - more than ten years ago - have been "aligned" asinterpreted
in the present Judgment (para. 36), did the Court find this fact to be a B. Absence d'influencedufait «découvert» sur le choix par la Cour
dupoint 33" 55'N 12" E

9. En dépitdecequi précède,la Cour a,dans ledispositif de son arrêtde
1982,choisi pour le premier secteur une ligne de délimitation caractérisée
comme suit (aux termes d'une citation déjàreproduite plus haut) :

lepoint de départde la ligne de délimitationest l'intersection de la
limite extérieurede la mer territoriale des Parties et d'uneligne droite
tiréedupoint frontièrede Ras Ajdir et passant par lepoint33" 55'N
12" E, àun angle de 26" environ à l'estdu méridien,correspondant à
l'angle de la limite nord-ouest des concessions pétrolières libyennes
nosNC 76, 137, NC 41 et NC 53, laquelle est alignéesur la limite
sud-est du permis tunisien dit Permis complémentaire offshore du

golfe de Gabès ))(21 octobre 1966) ; àpartir du point d'intersection
ainsi déterminé,la lignede délimitation entreles deuxplateaux conti-
nentauxsedirigeraverslenord-estselon lemême angleenpassantpar le
point 33" 55'N 12" E,jusqu'à ..))(p. 93, par. 133C 2. Les italiques
sont de moi.)

Dans lacitation qui précède, lespassagesenitalique montrent quelle était
l'intention véritablede la Cour aux fins de la délimitation : relier le point
33" 55'N 12" E au point frontière de Ras Ajdir, comme le reconnaît le
présentarrêt(par.32).C'est la Libyequi avait attirél'attention de la Cour
surlescoordonnées33" 55'N 12" E,en signalant qu'il s'agissaitd'un point
intéressant sapropre concession ;sans donner la totalité descoordonnées
de sa concession, elleavait cependantindiqué la position de cepoint dans

son mémoire :
<(Cette concession [no1371portait sur une zone de 6846kilomètres
carrés à l'estd'une ligne sud-sud-ouest partant de 33" 55'N 12" E et
allant jusqu'à un point en mer situé à environ un mille marin de la

côte. Le point d'origine forme un angle de 26" par rapport à Ras
Ajdir. (Par. 36.)
On notera aussi (bien qu'iln'ensoitpas question dans leprésentarrêt)que
lescoordonnées33" 55'N 12" E, telles qu'indiquéesdans l'arrêtde 1982,

étaient empruntéesexclusivement à la concession libyenne, et non au
permis tunisien,endépit desallusions répétées d,ans l'arrêt originalcomme
dans l'arrêtd'aujourd'hui, à l'((alignement ))des concessions des deux
Parties.
10. Pourquoi la Cour a-t-elle optépour le point 33" 55'N 12" E, qui
était situésur lepourtour de laconcession libyenne, maisétaitdépourvude
sens quant aux limites du permis tunisien ? Pourquoi la Cour n'a-t-ellepas
retenu l'un quelconque des points indiqués par la Tunisie comme intéres-

santson permis ?Ou,plusfondamentalement encore, pourquoi, en admet-
tant mêmeque l'on puisseconsidérerquejadis - ilyaplus de dix ans - les
concessions étaient <(alignées O,dans le sens donné à ce terme par le decisivefactor in establishingthedelimitatio? The Court in 1982did not
provide any clear answers to these questions. Yet these decisions of the
Court are not of a nature to be'affected by "the discovery of some fact of
such a nature as to be a decisive factor". The 1982Judgment may wellbe
open to criticism, and1may add that 1found matters very difficult, being
aware that the Court had decided on the line of the first sector without
adequate grounds. But however forcefully that Judgment may be criti-
cized, the cause and motive underlying the Court's Judgment, which is

final,are not matters subject toevision under Article 61 of the Statute. In
other words, if any case couldbe made for contemplating a revision of the
1982Judgment, it would rather be on the basis of a criticism of its rea-
soning than on that of any "facts" newly drawn to the Court's attention.
However, the Statute makes no provision for revising a Judgment of the
Court on such grounds.

C. Clarity in the Meaning and Scope of the Judgment in the Selection
of Two Unequivocal Points

11. As properly stated in the present Judgment, "[the 19821Judgment
laid down a singleprecise criterionfor thedrawing of the line, namely that
it is to be a straight line drawn through two specifically defined points"
(para. 50). The wording of the operative part of the 1982Judgment may
well be criticized in places for having caused confusion through incorpo-
rating some redundant and not wholly accurate explanations. Yet there
cannot be any ambiguity in the drawing of a straight line connecting these
two unequivocal points, that is, the land frontier at Ras Ajdir and the
mid-ocean point 33" 55'N, 12" E. In its present submissions, Tunisia,
relying on the CO-ordinates33" 50'17" N, 11"59'53" E, of a point on its

own 1966 concession boundary, has proposed new methods which are
entirely different from what the Court had in mind, and has thus made its
request for interpretation of the 1982Judgment infact a plea for revisionof
the Judgment.

II. THESECOND SECTOR OF THE SUGGESTED DELIMITATIOL NINE

A. The Court's Referencein 1982 to "the Most Westerly Point" of the
Tunisian Coastfor the Location of the Veering-Pointof the Delimitation
Line

12. TheCourt considered in 1982that the delimitation line drawn from
the land frontier point of Ras Ajdir through the point33" 55'N, 12"E,
must veer at a certain point because of the general shape of the Gulf of
Gabes. In this connection, the Court took it as legally significant th:t

"While the initial part of the Tunisian Coast,westwards from Ras
Ajdir, runs for somedistance in approximately the same direction asprésent arrêt(par. 36), la Cour a-t-elle vu là un élémentdécisifpour la
délimitation ? L'arrêtde 1982 n'apporte pas de réponses claires à ces
questions. Cela ne signifie pas pour autant que ces décisionsde la Cour
puissent êtreremises en cause par la <<découverted'un fait de nature à

exercerune influence décisive D. L'arrêtde 1982est peut-être critiquable -
etj'ajouterai queje l'aitrouvéfort difficilà accepter,sachant que la Cour
avait choisi la ligne du premier secteur sans motifs suffisants. Mais, si
critiquable qu'il puisseêtre,cet arrêtn'en estpas moins définitif,car les
causesetmotifs sur lesquelsilrepose ne peuvent donner lieu à laprocédure
de revisionprévue àl'article61du Statut. En d'autres termes, s'ilyavaitun
motif de reviser l'arrêtde 1982,ce motif tiendrait au raisonnement sur
lequel il repose, plutôt qu'à de((faits))nouvellement portés à l'attention

de la Cour.Or leStatut ne permet pas la revision desarrêtsde la Cour à ce
titre.

C. Clarté de sens et de portée dle'arrêd tans le choix dedeux points
expressément définis

11. Comme le rappelle fort à propos le présentarrêt, (l'arrêtde 1982
énonceaux finsde la délimitationun seul critèreprécispour le tracéde la
ligne,à savoirquecelle-cidoitêtreune lignedroite passant par deux points

expressément définis ))(par. 50). Certes, on peut reprocher au libellédu
dispositif de l'arrêtde 1982la confusion qui résultepar endroits d'expli-
cations superfétatoires et d'une exactitude discutable. Mais il ne saurait y
avoir d'incertitude dans le tracéd'une ligne droite reliant deux points
expressément définis, à savoir le point frontière de Ras Ajdir et le point
33" 55'N 12" E, situé enpleine mer. Dans ses conclusions en la présente
espèce, la Tunisie, renvoyant aux coordonnées - 33" 50'17"N
11"59' 53"E - d'un point situé sur la limite de son permis de 1966, a

proposéde nouvelles méthodes,tout autres que cellesauxquelles songeait
laCour, transformant ainsi enfuit sarequêteeninterprétationde l'arrêtde
1982en demande en revision du mêmearrêt.

II.LE DEUXIÈME SECTEUR DE LA DÉLIMITATION

A. La référence de l'arrêdte 1982

au ((point leplus occidental» de la côte tunisiennepour localiser lepoint
où s'infléchitla ligne de délimitation

12. La Cour a considéré en1982quela ligne de délimitationtracéedu
point frontière de Ras Ajdir au point situépar 33" 55'N 12" E devait
s'infléchiren un certain point en raison de la configuration généraledu
golfe de Gabès. A ce propos, la Cour ajugé juridiquement important les
faits suivants:

Silepremier segment de lacôte tunisienne, à l'ouestde Ras Ajdir,
suit approximativement, sur une certaine distance, la même direc- the Libyan coast, the most marked characteristic of the coast. ..is
that it subsequentlychangesdirection,so asto run roughly southwest-
northeast . . .The change in direction may be said to modify the
situation of lateral adjacency of the two States, even though it clearly
does not go so far as to place them in a position of legally opposite
States." (I.C.J. Reports 1982, p. 63, para. 78.)

The Court also stated that "[tlhe change in direction of the coast is ... a
fact which must be taken into account" (ibid., p.87,para. 124).Wellmight
this assertion have been correct. Yet 1could not see why the Court sug-
gested in 1982that the veering-point of the delimitation line should be on
the same latitude as the turning-point of the Gulf's coast. A latitude is
simply a plane of the earth's rotation and, from the viewpoint of carto-
graphy, merely offers a convenient artifice for cirawinga map. Assuming,
however,that theconfiguration as such iswhat really counts, and that one
wereaccordingly to examinea relief map of the region without paying any
attention to lines of latitude or longitude or to the conventional "set" of a
map, no logical indication could be found for the Court's choosing the
veering-point of the delimitation line, in association with the point where
the Gulf's coast changes direction, in terms of their location on the same

latitude (see my dissenting opinion in the original case (ibid., p. 268)).

13. The 1982Judgment picked "an appropriate point on thecoast to be
employed as a reference-point for reflecting [the] change in the delimita-
tion" in stating that "the Court considers that an appropriate point on the
coast. ..is the most westerly point of the Tunisian coastline ..." (ibid.,
p. 87,para. 124). Evenif the connection of the veering-point of the delimi-
tation line with the turning-point of thecoast by their respective locations
on the same latitude had been underlain by sound reasoning (which 1
doubt, as 1stated in the preceding paragraph), there would not have been
any legalground for suggesting that the "change in direction" of the coast
of the Gulf of Gabes must necessarily occur at the most westerly point of
the Gulf. It would in fact have been difficult to locate the turning-point in
the general direction of the coast, particularly in a geographical situation
suchasthe Gulf of Gabes, wherethe coastcurvesgradually half-wayround
without showingany distinct characteristics. It seemsto me that any point
roughly between 33" 55'N and 34" 20'N could have been designated as
the turning-point in the general direction of the coast, greatly depending
on one'sviewof the general configurations of the neighbouring coastlines.
l[tcouldnot inprinciple havebeen of any significancewhether this turning-

point should or should not be located at the most westerly point of the
Gulf.
14. At any rate, howand wherethegeneraldirection changesisnot open
to precise determination, as the Court properly stated in 1982 :

"The Court does not consider that [the question of the point at tion que lacôte libyenne, la caractéristiquelaplusmarquante de cette
côte ..est que plus loin ellechange de direction pour s'orientergrosso

mododu sud-ouest au nord-est. ...Ce changement de direction peut
êtreconsidéré comme modifiant la situationde contiguïté desdeux
Etats, mêmes'ilne vapas, detoute évidencej,usqu7àen faire,en droit,
des Etats se faisant face. (C.I.J. Recueil 1982, p. 63, par. 78.)

La Cour a égalementdéclaré : <Le changement de direction de la côte
est...un fait dont il faut tenir compte. ))(Ibid., p. 87,par. 124.)Peut-être
cette affirmation était-elle justifiée.Cependantje ne vois pas pourquoi,
selonla Cour, la ligne de délimitationdevait s'infléchiren un point situé à
la mêmelatitude que le point marquant le changement de direction de la
côte du golfe. Une latitude n'est pas autre chose qu'un plan coupant le
globeterrestreet, pour lecartographe,un moyen ingénieuxet commode de

dresser les cartes. Mais si, prenant pour hypothèse que c'est en réalitéla
configuration quicompte, onétudiela cartede la régionsans sesoucier du
faisceau des parallèles et des méridiensou de l'optique cartographique
traditionnelle, on n'ytrouvera aucune raison logique de choisir, commela
Cour l'a fait, le point d'infléchissementde la ligne de délimitation par
rapport au point d'inflexiondu littoral du golfe,en lessituant tous deux sur
un même parallèle(voirmonopinion dissidente dans l'affaire initiale,ibid.,
p. 268).

13. La Cour, en 1982,a choisi ((un point approprié dela côte à retenir
comme référence,afin que la délimitation reflète [le]changement )),en
ajoutant : (<La Cour considèrequ'un point approprié de la côte ...est le
point leplus occidental de la côte tunisienne ...)>(ibid.,p. 87,par. 124).Or,
a supposer mêmeque l'établissementd'un lien, fondésurla latitude, entre
le point d'infléchissementde la ligne de délimitation et celui où la côte
change de direction ait reposésur desarguments solides (cedont je doute,
commeje l'aidit au paragraphe précédent),il n'yavaitjuridiquement pas

de raison d'affirmer que le <changement de direction de la côte du golfe
deGabès seproduisait nécessairementau point leplusoccidental du golfe.
Le fait est qu'il est difficile de préciser lepoint auquel intervient ce
changement générald'orientation, surtout dans une situation géogra-
phique telle que celle du golfe de Gabès, où la côte s'incurve progressive-
ment en un semi-arrondi que ne marque aucun trait saillant. Tout point
situé,grosso modo,entre 33"55'N et 34" 20'N pourrait, me semble-t-il,
êtredésigné comme étantcelui où lacôtechanged'orientation généralel,e

choixétanten grandepartie fonction de l'anglesouslequel on considèrela
configuration générale des côtesvoisines.Quece point soit ou non situéau
point le plus occidental du golfe est, en principe, dénuéde significa-
tion.
14. A vrai dire,la manière dont seproduit lechangement d'orientation
générale etlepoint où ils'opèrene peuvent êtredéterminésavecprécision,
comme la Cour l'a fort bien dit en 1982 :

<(La Cour considèrequ'ellen'a pas à se prononcer sur [laquestion 243 APPLICATION FOR REVISION (SEP.OP.ODA)

which the change in direction of the Tunisian coastline may properly
be said to occur] is a question it is called upon to decide; the exam-

ination of the matter by the Parties seems to the Court rather to
demonstrate that the point ... cannot be objectively determined as a
matter of fact." (I.C.J. Reports 1982, p. 87, para. 123.)

The Court, "discharg[ing] its duty to indicate the practical method of
delimitation in suchawayasto enable theexpertsto effectthedelimitation
'without any difficulties' ", chose this particular point on the Tunisian
coastline as "an appropriate point" "which has the advantage of being
susceptible of objective determination as a matter of geography" (ibid.,
paras. 123-124).The simple fact is that, in choosing what it believed to
be the most accurately determinable feature of the coast as the practical
turning-point for the general direction, theCourtin 1982hit upon "a small
nick" on a small-scale map, or according to Tunisia the mouth of a wadi,
near latitude 34" 10'30" N. How fortunate it was for the Court that the
line drawn from that point to the Kerkennah Islands ran "along the
seaward coast of the actual islands" (seeibid.,p. 89,para. 128)!To define
thisparticular point whichmustbe "susceptible of objectivedetermination
asa matter of geography", the Courtfound, as anotherhappy coincidence,
that in its own interpretation it could be "the most westerly point" of the
Gulf of Gabes. Defining this particular turning-point of the coastline as
"the most westerly point", the Court did not mention the possible rele-

vance of whether this would be on a baselinein terms of the 1958Con-
vention on theTerritorial Seaand the Contiguous Zone or the 1982United
Nations Convention on the Lawof the Sea.Although that particular point,
which happened to be "the most westerlypoint" of the Gulf in the Court's
interpretation of these words, was chosen empirically withn a range of
physical possibilities and not necessarily based on legal grounds, there
cannot be any room for further interpretation of that Court's decision.
How "the most westerly point" may otherwise be interpreted by either
lawyers or geographers becomes irrelevant for this reason.

15. The precise location near latitude 34" 10'30" N of what the Court
picked upon as decisive, inasmuch as a turning-point in the general direc-
tion of the coast, and what Tunisia calls a "wadi" could be fixed by the
experts, as the 1982Judgment proposed, but thefunction of the experts of
both Parties would be limited to finding the exact latitude of that point on
an authoritative map to the degree of someseconds(one second is roughly
30metres and sotinya margin should not materially affect the angulation
between the general direction of the coastline and the line drawn to and
along the eastern shore of the Kerkennahs) ;it could not be extended to
finding what else they might interpret in legal ortopographicalterms to be
"the most westerly point of the Tunisian coastline ...,that is to Say,the
most westerly point on the shoreline (low-water mark) of the Gulf of

Gabes", or "the most westerly point of the Gulf of Gabes". desavoiroùl'onpeut dire quelacôtetunisiennechange de direction] ;

l'examen auquel les Parties se sont livrées luiparaît plutôt prouver
que ..[cepoint n'estpas]un fait objectivement définissable. )(C.I.J.
Recueil 1982, p. 87, par. 123.)

La Cour, pour <<s'acquitter de sa mission, qui est d'indiquer la méthode
pratique de délimitationde manière à permettre aux experts d'effectuer

celle-ci <sans difficultéaucune )>a retenu ce point particulier du littoral
tunisien, parce qu'il lui paraissait être << un point approprié ))ayant
<<l'avantage d'être définissable objectivemen dt'aprèsles critèresgéogra-
phiques ))(ibid., par. 123-124).Or il se trouve que, en élisant ce qui lui
paraissait êtrela particularité la plus exactement définissablede la côte
comme point d'inflexion à des fins pratiques, elle a choisi une petite
échancrure )isur une carte à petite échelle,c'est-à-dire, d'après la Tunisie,

l'embouchure d'un oued, à hauteur du parallèle 34" 10' 30"N. Quel
hasard heureux pour la Cour, que la ligne tirée de ce point aux îles
Kerkennah passe lelong de lacôtedes îlesdu côtédu large ))(ibid.,p. 89,
par. 128) ! Et,pour définirlepoint qui, à son sens,devait être<< définissable
objectivement d'après les critères géographiques O,la Cour a trouvé -
autre coïncidence heureuse - qu'il pouvait s'agirdu (<point le plus occi-
dental )idu golfe de Gabès. En définissantce point d'inflexion de la côte

par lanotion de <(pointleplusoccidental )),laCour n'apas précisé s'ilétait
ou non pertinent qu'il fût situé surune ligne de base, au sens de la con-
vention de 1958sur la mer territoriale et la zone contiguë ou de la con-
vention desNations Unies de 1982sur ledroit de la mer. Mais, bien que ce
point particulier, qui setrouvait être (<lepoint leplus occidental du golfe
- au sens donné à ces termes par la Cour -, ait été choisi empiriquement,
parmi beaucoup d'autres possibilités géographiques,et bien que ce choix

ne réponde pasnécessairement à des motifs d'ordre juridique, il n'y a là
aucune incertitude pouvant nécessiterl'interprétationde la décisionde la
Cour. De ce fait, les autres interprétations que juristes ou géographes
peuvent donner de l'expression<< lepoint leplusoccidental ))perdenttoute
pertinence.
15. La position précisedu point, situépar environ 34' 10' 30"de lati-
tude nord, que la Cour ajugédéterminanten tant que point d'inflexionde
la côte, et que la Tunisie appelle un << oued )i,pourrait êtreétabliepar les

experts, comme indiquédans l'arrêtde 1982.Mais le rôle des experts des
deux Parties se limiterait alors à établirsur une carte faisant autoritéla
latitude exacte de ce point, à quelques secondes près(une seconde équi-
valant à 30 mètresenviron, et une marge aussi faible ne pouvant affecter
l'angleentre ladirection générale de lacôte etla ligne tracéeen directionet
le long de la rive orientale des Kerkennah). Il ne saurait aller jusqu'à

déterminer,sur leplanjuridique outopographique,quel autrepoint pourrait
être<<lepoint leplusoccidental delacôtetunisienne ...,c'est-à-dire lepoint
le plus occidental de la ligne de rivage (laisse de basse mer) du golfe de
Gabès ))ou << le point le plus occidental du golfe de Gabès )). 244 APPLICATION FOR REVISION (SEP.OP. ODA)

B. Clear Designation by the Court of a Turning-point on the Coast

16. Aproblem has been raised byTunisia in connection with the second
sector of the delimitation line, inasmuch as the Court suggested in the
operative part of the 1982Judgment that

"the line of delimitation [of the first sector... is to run north-east
through the point 33' 55'N, 12" E ... to the point of intersection
with the parallel passing through the most westerly point of the
Tunisian coastline between Ras Kaboudia and Ras Ajdir, that is to
Say,the most westerly point on the shoreline (low-water mark) of the
Gulf of Gabes" (I.C.J. Reports 1982, pp. 93-94, para. 133C (2)),

and that
"in the second sector, namely in the area which extends seawards
beyond the parallel of the most westerly point of the Gulf of Gabes,
the line of delimitation.. . is to veer to the east .. ."(ibid., p. 94,
para. 133C (3)),

while it had stated in its reasoning that

"it appears to the Court that [themost westerly point of the Tunisian
coastline between Ras Kaboudia and Ras Ajdir, that is to Say,the
most westerly point on the shoreline (low-water mark) of the Gulf
of Gabes] will be approximately 34" 10'30" north" (ibid., p. 87,
para. 124).
Tunisia has submitted its request for interpretation because, in its view,a

westward indentation at the approximate latitude of 34" 10'30" N does
not lie on "the shoreline (low-water mark)" of the Gulf of Gabes, but
merely in the mouth of a wadi, and the actual most westerly point on the
shoreline (low-water mark) of the Gulf of Gabes must lie on latitude
34" 05'20" N (Carthage), which is well to the south of this wadi.
17. The ostensibleproblem raised byTunisia isto reconcile that "wadi",
asconstituting "the most westerlypoint of the Tunisian coastline between
Ras Kaboudia and Ras Ajdir", with the expression by which the Court
specifies its meaning : "that is to Say, the most westerly point on the
shoreline (low-water mark) of the Gulf of Gabes". 1cal1it an ostensible
problem, because, as 1stated above, it was quite irrelevant in the Court's
considerations how a wadi shouldbe regarded in terms of a baselineunder
the 1958GenevaConvention or the 1982Montego BayConvention. It isan
undeniable fact also for Tunisia that the mouth of a wadi constitutes part
of the "Tunisian coastline" or "the shoreline (low-water mark) of the Gulf
of Gabes" in a topographicalsense ;Tunisia does not seem to deny that a
significant feature, capable of serving as a turning-point, is located near
latitude 34' 10'30" N.

18. In spite of the phraseology of its request in relation to the second B. Désignation catégoriqu pear la Cour d'un pointd'inflexionsur la côte

16. La Tunisie a soulevé, à propos du deuxième secteurde la ligne de
délimitation,unproblèmenéde ceque, dans ledispositif del'arrêtde 1982,
la Cour ajugéque :

(dans lepremier secteur ...la ligne de délimitation ...se dirigera vers
le nord-est ...en passant par le point 33" 55'N 12" E, jusqu'à ce
qu'elle rencontre le parallèle du point le plus occidental de la côte
tunisienne entre Ras Kapoudia et Ras Ajdir, à savoir le point leplus
occidental de la ligne de rivage (laisse de basse mer) du golfe de
Gabès ))(C.I.J. Recueil 1982, p. 93-94, par. 133C 2),

et que :

<dans le deuxièmesecteur, s'étendantvers le large au-delà du paral-
lèlepassant par lepoint leplus occidental du golfe de Gabès, laligne
de délimitation...s'infléchiravers l'est ..))(ibid.,p. 94, par. 133C 3),

alors qu'elle avait déclarédans les motifs :
<il apparaît à la Cour que [le point le plus occidental de la côte

tunisienne entre Ras Kapoudia et Ras Ajdir, à savoir le point le plus
occidental delalignederivage(laissedebasse mer)du golfedeGabès]
se trouve à environ 34" 10'30" de latitude nord (ibid., p. 87,
par. 124).

La demande en interprétationde laTunisie est fondéesur lefait que, selon
elle,l'échancrurede la côte que l'ontrouve à l'ouestà hauteur du parallèle
34" 10'30" N n'étantpas sur (la lignede rivage(laissede basse mer) )du
golfe de Gabès,mais dans l'embouchure d'un oued, le point le plus occi-
dental de la lignede rivage(laissede basse mer) du golfedeGabèsest situé

à la latitude de 34" 05' 20"N (Carthage), nettement plus au sud.
17. Leproblème que prétendsoulever la Tunisie est de concilier l'exis-
tence de cet <(oued O,constituant <<le point le plus occidental de la côte
tunisienne entre Ras Kapoudia et Ras Ajdir ))avec les termes utiliséspar
la Courpour préciserson intention : (à savoir, lepoint le plus occidental
sur la ligne de rivage(laissede bassemer)du golfedeGabès n. Sije disque
c'estun problèmeque la Tunisie <<prétend )>soulever, c'estque,commeje
l'aidéjàindiqué, laCour ne s'estabsolument pas préoccupéeen 1982du

statut des oueds au regard de la lignede base,que ce-soitaux termes de la
convention de Genèvede 1958ou aux termes dela convention de Montego
Bayde 1982.Ilest enoutre indéniablepour laTunisie quel'embouchure de
l'ouedfait partie de la <(côte tunisienne >)ou de <<la ligne de rivage (laisse
de basse mer) du golfe de Gabès >)au sens topographiquedu terme ; la
Tunisie ne semble pas contester qu'il existe à hauteur du parallèle
34" 10' 30"N une particularité importante pouvant être considérée

comme le point d'inflexion de la côte.
18. Malgré le vocabulaire utilisepour formuler la partie de sa requête245 APPLICATION FOR REVISION (SEP. OP. ODA)

sector,Tunisia, being aware that the Court haschosen that particular point
on the Coastnear 34" 10' 30"N, seems in fact to be seeking a statement
from the Court that the Judgment was erroneous because, in principle, a
wadi is not located on the baselinein terms of the relevant provisions of
either the 1958GenevaConvention or the 1982Montego BayConvention,
and that therefore thiswadi should not be treated asconstituting the most
westerlypoint of the Gulf of Gabes. The Judgment may arguablynot have
been drafted in an unequivocal manner so as to avoid any misinterpreta-
tion. However, what Tunisia is in fact seeking appears to me to be quite
differentfrom what a Party may request by way of the interpretation of a
judgment. Tunisia is not seeking interpretation of the Judgment, but is
attempting to replacethe concreteindication givenby the Judgment by its

own interpretation as to thelocation of the most westerlypoint of the Gulf
of Gabes at 34" 05'20" N, on the ground that the reasoning which led the
Court to suggestlatitude 34" 10' 30"N asa reference for the veeringof the
delimitation line in the second sector was not quite appropriate.

19. In sum, the Court in 1982made a firm suggestion for a practical
method of defining the line of delimitation, though 1personally could not
support it. First, the determination by the Court in the first sector of the
delimitation was not of a nature to be so affected by any newly discovered

fact as to cause the Court to reconsider it. Secondly, though the Court's
description of the suggesteddelimitation line inits first and second sectors
may not, on its face, be souncomplicated as to need no interpretation, the
Court's intention was clear ;it appears to me that Tunisia's requests for
interpretation of the Judgment are simply disguised requests for revi-
sion.

(Signed) Shigeru ODA.visant ledeuxième secteur,il sembleque laTunisie,sachant pertinemment
que la Cour avait retenu un point de la côte situé par 34" 10'30" N
environ, ait cherchéen fait à faire reconnaître par la Cour que son arrêt
était entachéd'erreur pour la raison que par principe il ne peut y avoir
d'oued sur une ligne de base,au sens des dispositions applicables de la
convention de Genèvede 1958ou de la convention de Montego Bay de
1982, et que l'oued existant ne devrait donc pas êtreconsidéré comme
constituant le point le plus occidental du golfe de Gabès.l sepeut que le
libelléde l'arrêtde 1982ne soit pas suffisamment clair pour écarter tout
malentendu. Cependant, le but-visé par la Tunisie me paraît s'écarter

sensiblement de ce qu'une partie est en droit d'attendre d'une requête en
interprétation. La Tunisie ne cherchepas à obtenir une interprétation de
l'arrêt:elle tente de substitueà l'indication concrète qui y est donnéesa
propreinterprétationde laposition du point leplus occidental du golfede
Gabès à hauteur de 34" 05' 20"de latitude nord, au motif que le raison-
nement qui aconduit la Cour à proposer la latitude de 34" 10'30" Nà titre
de référencepour le point d'infléchissementde la délimitation dans le
deuxième secteur neserait pas entièrement fondé.

19. Bref, et bien que je ne puisse personnellement approuver sa dé-
marche, la Cour a fermementproposé en 1982uneméthodepratique pour

tracer la ligne de délimitation.Il me paraît donc :premièrement, que la
décisionde la Cour visant lepremier secteur de la délimitationn'estpas de
nature à êtresuffisamment remise en cause par la découverte d'un fait
nouveau pour induire la Cour à la reconsidérer;deuxièmement,que, sila
description donnéepar la Cour de la ligne de délimitationchoisie dans le
premier et le deuxième secteura pu ne pas paraître assez limpide pour se
passer d'interprétation, l'intention de la Cour est cependant des plus
claires. Les demandes tunisiennes d'interprétation de l'arrêtne sont, me
semble-t-il, que des demandes de revision déguisées.

(Signé)Shigeru ODA.

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Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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