Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

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074-19881220-JUD-01-03-EN
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074-19881220-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai votéen faveur de l'arrêtde la Cour parce que je souscris, pour
l'essentielsinon entièrementà sesdeux conclusionsprincipales.
J'estime que la Cour est compétente en l'espèceen vertu de l'ar-
ticle XXXI du pacte de Bogota et que cette compétencen'est pas res-
treinte par les conditions qui figurentl'article XXXII. Mes éventuels
doutes à ce sujettrouvent leur expression dans l'opinion individuelledé-
tailléeque M. Oda ajointeà l'arrêt, en particulierdans lespassagesoù il
cite lesconclusions de personnes aussiautoriséesque l'anciensecrétaire
générad lel'organisation desEtatsaméricainsetl'ancien directeurdu dé-
partement juridique de cettedernière,M. F.V.Garcia-Amador, lesquels
semblent bien subordonner la compétence fondéesur l'article XXXI
du pacte à la réalisation préalable des conditions requisespar l'ar-

ticle XXXII. Il est évident que ces conditions, et surtout celle qui
concernela conciliation,ne sontpas remplies enl'espèce.Ala lecturedes
analysessommaires de cespersonnes,je ne vois cependant pas de raison
de conclure que la Cour n'estpas fondéeà considérerquel'articleXXXI
estindépendantdel'articleXXXII. Cesdeuxarticles, à premièrevue,pa-
raissent chacun conférerà la Cour un titre de compétenceindépendant.
Certes, on peut se demander pourquoi un traité unique prévoirait deux
voies indépendantesvers lajuridiction obligatoire de la Cour. Peut-être
est-ceparce quel'article XXXII étaitdestinéàs'appliquer auxdifférends
qui ne sont pas d'ordre juridique aussi bien qu'aux «différendsd'ordre
juridique».
La recevabilitéde la requêtedu Nicaragua suscitedes doutes plus sé-
rieux du fait de l'application des articles II et IV du pacte de Bogota. Si
l'onestime,commemoi,que la compétenceenl'espèce nepeut sefonder
que surlepacte de Bogota etquela requêtedu Nicaragua doit par consé-

quent être considéréa eu regard des dispositions du pacte, ces articles
semblent de prime abord rendre la requête irrecevablepuisque son objet
entre manifestement dans le cadre du processus de Contadora. Ce pro-
cessus,qui n'estpasune procédure pacifiqueétabliepar lepacte, estassu-
rémentune «procédure spéciale» surlaquelle le Nicaragua et le Hon-
duras, ainsi que d'autres Etats,sesont misd'accord et qui, menéàbien,
leurpermettrait d'arriverune solutiondesproblèmessurlesquelsrepose
l'action intentéepar leNicaragua. Parailleurs,leprocessusde Contadora
est de toute manièreune «procédure pacifique » (ce ne saurait êtreune
procédure belliqueuse),si bien qu'en vertu de l'article IV du pacte,
puisqu'il s'agitd'une procédure pacifique quia «étéentamée ..en vertu
d'un accord entre lespartiesavantle dépôt dela requêtedu Nicaragua,
«il ne [pouvait]être recouruà aucune autre avant l'épuisementde celledéjàentamée ».LaCour évited'aborder plusd'unproblèmeépineuxd'in-
terprétation des articles et IV en déclarantque le processus de Conta-

dora était«épuisé»au momentoù le Nicaragua a déposé sarequête elle
l'affirmebien que les Parties estimenttoutes deux que ce processus'a
éténi abandonnéni suspendu àaucun moment».La Cour dit qu'elleap-
précie l'importancede cette concordance de vues entre les Parties; elle
conclut néanmoins que le processus de Contadora était épuiséle
28juillet 1986,du moins pour ce qui est de la phase de ce processus qui
tendaità résoudrelesquestions defond examinéesdans son cadre. C'est
là, pour les motifsindiquéspar la Cour,une interprétation plausible des
faits;onpourrait aussiarriveà uneautre interprétation plausible,comme
lesPartiessemblentlefaire; maisje nepense pasque l'interprétationdela
Cour soitindéfendable.
Lesprincipales réservesquej'aià formulerau sujetdel'arrêdtelaCour
onttraitàcequ'elleditauparagraphe 54enréponseauxexceptionssoule-

véespar le Honduras contre ce qui a été appeléles requêtes «en série»
déposéespar le Nicaragua pour introduire trois instances connexes,
contre les Etats-Unis d'Amériqueen 1984et contre le Costa Rica et le
Honduras en 1986(voirLori Fisler Damrosch, «Multilateral Disputes »,
dans Damrosch, dir. publ., TheInternational Court of Justicet a Cross-
roads,1987,p. 376,379).
Dans son mémoire leHonduras rappelle que, par sa requête du
9 avril 1984contre les Etats-Unis, le Nicaragua a soumisà la Cour un
ensemblede faitsquis'inscriventdans lecadre du conflitgénéralexistant
en Amériquecentraleetque, un mois après quel'arrêt eué t rendu dans
cette affaire, le Nicaragua a saisi la Cour, par ses requêtes contrele
Costa Rica et contre le Honduras, d'un deuxièmeet d'un troisième en-
semblede faitsrelatifs au mêmeconflit. Le Honduras affirmececi :

«D'une façon généralec,ecomportement du Nicaragua aboutit ...

àdiviserartificiellementetarbitrairement leconflitgénéralquisedé-
rouleenAmériquecentrale,cequipeut aussiavoirdesconséquences
fâcheuses pour le Honduras en tant qu7Etat défendeur devant la
Cour, car ilporte atteinte aux garanties d'une bonne administration
de lajustice et sape le principe énonàél'article 59 du Statut de la
Cour.
2.07. En réalité, ans les requêtessuccessives qu'ila introduites
devantla Cour, le Nicaragua a présenté,our étayerson argumenta-
tion,certainsfaitsqui fontpartiedu conflitgénéralenAmériquecen-
trale. Mais ilestévidentque certains autresfaits, tout enayanttàait
cemême conflitgénéral,sontinévitablementpasséssoussilencedans
la procédure devant la Cour.
Le pouvoir [de présenter des demandes reconventionnelles]que

l'article80du RèglementdelaCour confèreauxPartiesnesupprime
pas complètement cet inconvénient; car 1'Etatcontre lequel l'ins-
tance est intentéea la possibilitéde ne pas comparaître devant la
Cour, commecela a été le casdans l'affaire desctivités militaires et paramilitairesauNicaraguaetcontrecelui-ciaprèsl'arrêt rendu par la
Cour le26novembre 1984.Dansune tellesituation,la Cour seheurte
àde grandes difficultéspour établirlesfaits,comme ellel'areconnu

dans sonarrêtdu 27juin 1986.Maisencequiconcernelesdifférends
portésdevant la Cour après cetteaffaire et qui font partie du même
conflit général existantdans la région,si les faits de la précédente
espèce affectent d'autres Etats,les Etats défendeursdans des ins-
tances ultérieures seront obligésde combler les lacunes antérieures
ou de présenter d'autres interprétations concernantles mêmesfaits,
ce qui ne semble nullement conforme aux exigences d'une bonne
administration de lajustice.
Par ailleurs, les requêtessuccessivesdéposées par le Nicaragua à
partir de 1984présententun autre inconvénientpour lesEtatsdéfen-
deurs dans de nouvellesinstances,comme c'estle cas pour la Répu-
blique du Honduras. Cetinconvénienttient àl'appréciation desfaits

dans l'instance introduite contre lesEtats-Unis,car cesfaitss'inscri-
vent dans le cadredu mêmeconflitgénéral en Amérique centraleet
le principe de la relativité des décisionsjudiciaires internationales
énoncé àl'article 59 du Statut de la Cour risque d'être ainsi grave-
ment compromis. »(Mémoiredu Honduras, par. 2.06-2.07.)

LesréponsesquelaCour donne àcetteargumentation du Honduras au
paragraphe 54del'arrêt ne meparaissent pas tout à faitadéquates compte
tenu des considérations qui suivent.
Devant la Cour, en l'affaire desActivités militaires etparamilitaireasu
Nicaragua et contrecelui-ci,e Nicaragua a formuléde gravesaccusations
non seulementcontre les Etats-Unis, mais aussi contre le Honduras et le

Costa Rica. Il a soutenu que ces deux Etats, et tout particulièrement le
Honduras, agissant de concert avec les Etats-Unis appuyaient l'emploi
que ceux-cifaisaient delaforcemilitairecontre leNicaragua etleurinter-
vention dans les affaires intérieures de cet Etat: le Honduras et le
Costa Rica permettaient en particulier à des ((mercenaires» de mener
des opérations contrele Nicaragua à partir de leur territoire. Malgré ces
accusations, le Nicaragua n'a introduit d'instance ni contre le Hon-
duras ni contre le Costa Rica en 1984,bien que ces deux pays eussent
alors adhérésans aucune restriction à la juridiction obligatoire de la
Cour en application de la clause facultative. Le Nicaragua a même
maintenu que sa requête n'allégu[ait]le comportement illégald'aucun

autre Etat que les Etats-Unis»et qu'ilne demandait((réparationd'aucun
autre Etat».
Pour leur part, les Etats-Unis se sont fondéstant sur ces accusations
portées contre le Honduraset le Costa Rica - et sur le fait que le Nica-
ragua avait aussi prétendu queles forces arméesd'El Salvador s'étaient
misesactivementau servicedes Etats-Unis - que sur leur propre alléga-
tion selon laquelle leurs activités contre le Nicaragua constituaient des
mesuresdelégitimedéfensecollectivedesvoisinsdu Nicaragua, en parti-
culierElSalvador,contre une agressionarméelancée par leNicaragua; ils ACTIONS ARMÉES (OP.IND. SCHWEBEL) 129

ont alors soutenu que la Cour ne pouvait statuer sur les allégations diri-
géescontre eux par le Nicaragua sans statuer aussi sur la licédes actes
du Honduras, du Costa Rica et d'El Salvador.Cestrois Etats, ont-ilsfait
valoir en conséquence, étaient des parties indispensables et, en leur ab-
sence,la Cour ne devaitpas prononcer d'arrêtsur le fond.

Non seulementla Coura rejetécemoyen,mais, peu auparavant,quand
El Salvador a tenté d'exercer son droit d'intervenir au procès - selon
lestermes de l'article 63du Statut endéposantune déclaration d'inter-
vention dans laquelle ilappuyait énergiquementlesallégationsdesEtats-
Unis suivantlesquelles il subissait une agressionarmée du Nicaragua et
agissait au titre de la légitimedéfensecollective avec les Etats-Unis, la
Coura rejetécettedéclarationd'intervention. Dansuneordonnance laco-
nique et pratiquement dépourvue d'argumentation, elle a décidé que la
déclaration d'intervention était irrecevableencequ'elleserapporte àla
phase en cours de l'instance» - celle de la compétenceet de la recevabi-
lité;ce motif n'a de fondement ni dans les termesni dans l'objet de l'ar-
ticle 63. Ce rejet s'accorde mal, comme il est largement admis, avec le
Statut et,puisque El Salvador n'apu sefaireentendre, seconcilieplus mal
encore avec la disposition expresse de l'article 84 du Règlement de la

Cour, aux termesduquel, s'ilest fait objectionà la recevabilitéd'une dé-
clarationd'intervention, «laCour entend, avant destatuer, 1'Etatdésireux
d'intervenir ainsi que les parties Le fait d'avoir exclu la participation
d'El Salvadorn'apasseulementinfluépar lasuite surlateneur etledérou-
lement de l'instance.Il sembleavoiraussiinflué sur la décisionprise plus
tard par les Etats-Unis de se retirer de l'instance; en effet, l'une des deux
raisons principales de ce retrait indiquées par les Etats-Unis le 18jan-
vier 1985étaitle rejet sommaire de la déclaration d'intervention d'El Sal-
vador auquella Cour avaitprocédé «sans donnerde raisons etsans même
entendre El Salvador, enviolation du droit d'ElSalvador etau méprisdes
propres règlesde la Cour».
Si la Cour, en rejetant la déclaration d'intervention d'El Salvador au
stade de la compétenceet de la recevabilité,a donné à entendre qu'elle
réservait l'éventualitd'une intervention d'El Salvador lors de la procé-

dure sur le fond et si elle a indiqué ailleurs que le Honduras et le
Costa Rica, ainsi qu'El Salvador;avaient des possibilités d'intervention
envertu du Statut, ilest évidentqueletraitement réservéà El Salvadorne
pouvait guèreencourager de tellesinterventions.Du reste, pour leur part,
El Salvador, le Honduras et le Costa Rica n'ont jamais manifesté aucun
désirde voir leurs actes, dont certains faisaient l'objetd'accusations de la
part du Nicaragua, soumis àla décisionde la Cour, quand bien mêmela
Cour,dans l'arrêtsur le fond qu'ellea finalementrendu le 27juin 1986,a
statuésur cesactes enfait et endroit, cequi étaitinévitableenraisonde la
nature delarequêteetdesaccusations du Nicaraguaainsiquedes moyens
de défenseopposéspar les Etats-Unis.
A peine la Cour avait-ellerendu son arrêt du 27juin 1986contre les
Etats-Unis que le Nicaragua s'aperçut qu'après tout (contrairement à ce

qu'ilavaitplaidédans l'affaire qui l'opposait aux Etats-Unis) il avait,surle plan juridique, des griefs à formuler contre le Honduras et le
Costa Rica; il déposa alorsses requêtesdu 28 juillet 1986contre ces

deux Etats. Si la présente affaire atteint la phase sur le fond, il faut
s'attendreà ce que le Nicaragua invoque, comme il l'a déjà fait, contre
le Honduras, les constatations de fait et les conclusions de droit for-
muléespar la Cour en l'affaire desActivités militairstparamilitairesau
Nicaraguaet contre celui-cinon seulement àl'encontre des Etats-Unis,
mais aussi, indirectement à tout le moins, à l'encontre du Honduras,
bien que cet Etat n'ait pas étpartieà l'affaire.Comme il a été indiqué,
le Nicaragua a délibérément décidd ée ne pas introduire d'instance
contre le Honduras en 1984malgréses accusations contre le Honduras
et l'adhésion sansréservede cet Etat la clausefacultative,qui était alors
en vigueur.
Le Nicaragua a préféré engager des actions en série, quelque préju-
diciables qu'elles puissent êtrà ce que le Honduras appelle la bonne
administration de la justice.Il n'est pas douteux que de telles actions

peuventvraiment êtrepréjudiciablesS . il'ondevait appliquer en l'espèce
l'arrêt rendupar la Cour le 27juin 1986,qui rejette pour des motifs de
fait et de droit le moyen de défense, invoquépar les Etats-Unis, suivant
lequel ils agissaient contre le Nicaragua au titre de la légitimedéfense
collective d'El Salvador, du Honduras et du Costa Rica, le Honduras
pourrait se voir privé, dès avantl'échangedes piècesde procédure sur
le fond de l'affaire, d'un moyen de défense capital face aux griefsdu
Nicaragua.
Quand la Cour a rejeté lesrequêteà fin d'intervention dans d'autres
affaires, présentéespar Malte et par l'Italie en vertu de l'article 62 du
Statut- auxtermesduquel, dans lecasd'une telleintervention,«la Cour
décide » -, elle n'en a pas moins donné à Malte età l'Italie l'assurance
que, quand ellestatuerait sur le fond, elle veillàrce que leur absence
ne cause aucun préjudice à leursintérêts.lles'estconformée àcesassu-

rances.Quand El Salvador a tenté d'intervenir dans l'affaire destivités
militairesetparamilitairesau Nicaragua etcontrecelui-cin vertu de l'ar-
ticle 63du Statut,c'est-à-dire d'exercerledroit d'intervenirau procès»
qu'iltient du Statut,la Cour a sommairement rejetésademande etellen'a
donné à El Salvador aucune assurance de ce genre; ellea rendu un arrêt
qui, quoiqu'on en dise,ne peut manquer deporter une atteinte graveaux
intérêts d'El Salvadortelqsu'il leslui avaitprésentésdans la déclaration
d'interventionrejetée.
Dans la présente affaire,quand le Honduras se plaint, à juste titre
semble-t-il,de la situation dans laquelle il setrouve en raison non seule-
ment delatactiqueprocéduraledu Nicaragua maisaussi del'acceptation
de cette tactique par la Cour, quelle réponse celle-ci trouve-t-elleà
donner?

Uneréponseambiguë.D'unepart laCour décidequ'elle nepeut retenir
la thèsedu Honduras selon laquelle la situation procédurale crééear le
fractionnement, opérépar le Nicaragua, du différend globalenune série
de différendsbilatérauxest contraire aux exigencesde la bonne foi et dubon fonctionnement de la justice internationale. D'autre part la Cour
déclare :
«En tout étatde cause, il appartient aux Parties d'établirdans la
présenteaffairelesfaitscomptetenu des règleshabituellesde preuve
sansquepuisseêtreinvoquéelachosje ugéedansune autre affaire ne
mettant pas en causeles mêmes parties (voirl'article59du Statut)D

(Arrêtp, ar. 54.)
Il résultede cette déclarationque si, au stade du fond, une Partie à
la présente affaire cherche à se prévaloir des constatations de fait for-
muléesdans l'arrêt rendu le27juin 1986enl'affaire desActivitésmilitaires
etparamilitairesau Nicaragua etcontre celui-ci,la Cour n'acceptera pas
qu'elles'enprévalemaisexigeraquecettePartieétablissedans laprésente

affaire les faits compte tenu des règleshabituelles de preuve. Bien que
dans l'arrêt précité lC aour se soit prononcée sur des griefs qui sont
formulésdans la présente espèceet bien que le Honduras soit maintes
fois mentionnétant dans les piècesde procédure écrite présentées en
l'affaire des Activités militairet paramilitairesau Nicaragua etcontre
celui-ciue dans l'arrêt rendupar la Cour en cetteaffaire,la chose jugée
ne peut être invoquée parce qu'il s'agissaitd'une autre affaire et que les
Parties à celle-ci n'étaient pasles mêmesque les Parties à la présente
instance.
Ce n'est là que ce qui est posé àl'article 59 du Statut. Néanmoins,il
importe enl'occurrenceque la Cour lediseet,silaprésente affaireatteint
lestade du fond, ilseracapital que laCour donne plein effetàl'article59.
Etant donnéla nature de la situationà laquelle les Parties et la Cour sont
confrontées,cene sera pas chosefacile.Dans sonarrêtdu 27juin 1986,la

Cour a non seulement acquitté le Nicaragua des accusations qui étaient
portées contre luipour être intervenuillicitementdans lesaffairesde ses
voisinsen commettantdesacteséquivalant à une agressionarmée,maisa
aussiacquittéle Nicaragua de certains actes d'intervention illicite; peut-
elledèslors,sanstenir compte de cesdécisions,prendre en considération
lesfaits de la présente espècetelsqu'ilspeuvent apparaîtreau regard des
preuves produites? Dans son arrêtdu 27juin 1986,la Cour a tenu pour
établique certaines incursions militaires transfrontières à l'intérieurdu
territoire hondurien sont imputables au Gouvernement du Nicaragua;
peut-elle dès lors prendre en considération, sans tenir compte de cette
décision,les faits de la présente espècetelsqu'ilspeuvent apparaître au
regard despreuves produites?
Pour une raison particulière,il importe encoreplus àmes yeux que la

Cour donne effetleplusrigoureusementpossible àl'article59enl'espèce.
Ilseraiteneffetd'autant pluspréjudiciabled'appliqueraufond delapré-
senteaffaire lesconstatations defaitconsignéesdans l'arrêdtelaCour du
27juin 1986que certaines de ces constatations, décisivesde surcroît, ne
correspondent enréalité pas auxfaits.Selonlaformulemodérée dont s'est
serviM. Oda au sujetdes constatations de fait de la Cour en l'affaire des
ActivitésmilitairestparamilitairesauNicaraguaetcontrecelui-ci«il ..[est]tout a fait hors de doute que l'image que la Cour a donnée du présent
différendestloin de la réalit».Il ne serait pas moins préjudiciable d'ap-
pliquer au fond de la présente affairecertaines conclusionsde droit aux-
quelles la Cour est parvenue dans cette autre affaire car certaines de ces
conclusionsétaientet demeurent erronées.

(Signé)Stephen M. SCHWEBEL.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SCHWEBEL

1have voted in favour of the Judgment of the Court because 1am in
essential, though not entire, agreement with its two principal holdings.
1believethat the Court hasjurisdiction in this case accorded by Arti-
cleXXXI ofthe PactofBogota,ajurisdiction whichisnot qualifiedbythe
conditions foundin ArticleXXXII. Suchdoubt as1have onthisquestion
is reflected in the analysis which Judge Oda's opinion in this case sets
forth, particularly his quotations of the authoritative conclusions of the
formerSecretary-General ofthe Organization ofAmericanStates and the
former Director of the Legal Department of the OAS, Dr. F. V. Garcia-
Amador, who do appear to condition jurisdiction under Article XXXI

of the Pact upon fulfilment of the prerequisites prescribed by Arti-
cle XXXII. It is clearthat those prerequisites - notably, conciliation -
have not been fulfilled in this case. Nevertheless, 1 do not find in the
abbreviated analyses of these authorities reasons which lead me to con-
clude that the Court's construction of Article XXXI as independent
of Article XXXII is unfounded. These two Articles, on their face, each
appear to accord the Court an independent jurisdictional title. It may of
course be asked why a single treaty should provide two independent
routes to the Court's compulsoryjurisdiction. Perhaps the answerto that
question is that Article XXXII may have been intended to embrace dis-
putes not of ajuridical nature as wellas "disputes of ajuridical nature".

The admissibility of Nicaragua's Application raises more substantial
doubts, by reason of the operation of Articles II and IV of the Pact of
Bogota.Believingas1dothatjurisdiction inthiscasecan onlybe founded

onthe PactofBogota,and that accordinglyNicaragua's Applicationmust
be consideredsubjectto the provisionsofthat Pact,those Articlesinitially
appear to render Nicaragua's Application inadmissible because the sub-
stance ofthat Applicationis clearlycomprehended bythe Contadora pro-
cess.That process,not being a pacificprocedure established by the Pact,
surelyisa "special procedure", agreed upon by Nicaragua and Honduras
as well as other States, which, if successfully concluded, would permit
them to arrive at a solution of Nicaragua's essential causes of action.
Moreover,theContadora processinany event isa "pacificprocedure" (it
can hardly be a warlikeprocedure), from which itfollowsthat, according
to Article IV ofthe Pact, being a pacific procedure which "has been ini-
tiated.. .byagreementbetweentheparties" beforethebringingof Nicara-
gua's Application, "no other procedure may be commenced until that
procedure is concluded". The Court avoids confronting more than one OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai votéen faveur de l'arrêtde la Cour parce que je souscris, pour
l'essentielsinon entièrementà sesdeux conclusionsprincipales.
J'estime que la Cour est compétente en l'espèceen vertu de l'ar-
ticle XXXI du pacte de Bogota et que cette compétencen'est pas res-
treinte par les conditions qui figurentl'article XXXII. Mes éventuels
doutes à ce sujettrouvent leur expression dans l'opinion individuelledé-
tailléeque M. Oda ajointeà l'arrêt, en particulierdans lespassagesoù il
cite lesconclusions de personnes aussiautoriséesque l'anciensecrétaire
générad lel'organisation desEtatsaméricainsetl'ancien directeurdu dé-
partement juridique de cettedernière,M. F.V.Garcia-Amador, lesquels
semblent bien subordonner la compétence fondéesur l'article XXXI
du pacte à la réalisation préalable des conditions requisespar l'ar-

ticle XXXII. Il est évident que ces conditions, et surtout celle qui
concernela conciliation,ne sontpas remplies enl'espèce.Ala lecturedes
analysessommaires de cespersonnes,je ne vois cependant pas de raison
de conclure que la Cour n'estpas fondéeà considérerquel'articleXXXI
estindépendantdel'articleXXXII. Cesdeuxarticles, à premièrevue,pa-
raissent chacun conférerà la Cour un titre de compétenceindépendant.
Certes, on peut se demander pourquoi un traité unique prévoirait deux
voies indépendantesvers lajuridiction obligatoire de la Cour. Peut-être
est-ceparce quel'article XXXII étaitdestinéàs'appliquer auxdifférends
qui ne sont pas d'ordre juridique aussi bien qu'aux «différendsd'ordre
juridique».
La recevabilitéde la requêtedu Nicaragua suscitedes doutes plus sé-
rieux du fait de l'application des articles II et IV du pacte de Bogota. Si
l'onestime,commemoi,que la compétenceenl'espèce nepeut sefonder
que surlepacte de Bogota etquela requêtedu Nicaragua doit par consé-

quent être considéréa eu regard des dispositions du pacte, ces articles
semblent de prime abord rendre la requête irrecevablepuisque son objet
entre manifestement dans le cadre du processus de Contadora. Ce pro-
cessus,qui n'estpasune procédure pacifiqueétabliepar lepacte, estassu-
rémentune «procédure spéciale» surlaquelle le Nicaragua et le Hon-
duras, ainsi que d'autres Etats,sesont misd'accord et qui, menéàbien,
leurpermettrait d'arriverune solutiondesproblèmessurlesquelsrepose
l'action intentéepar leNicaragua. Parailleurs,leprocessusde Contadora
est de toute manièreune «procédure pacifique » (ce ne saurait êtreune
procédure belliqueuse),si bien qu'en vertu de l'article IV du pacte,
puisqu'il s'agitd'une procédure pacifique quia «étéentamée ..en vertu
d'un accord entre lespartiesavantle dépôt dela requêtedu Nicaragua,
«il ne [pouvait]être recouruà aucune autre avant l'épuisementde celleknotty problem of the interpretation of Articles II and IVby its holding
that the Contadora process was "concluded" at the timewhen Nicaragua
filed its Application. It so holds despite the common view of the Parties
thatthat process"has notbeen abandoned orsuspended at anymoment".
The Court maintains that it appreciates the importance of this concord-
ance of viewsbetween the Parties; nevertheless, it decides that the Con-
tadora process,at anyrate inthe phase directedtowards resolution ofthe
substance of the issues before it, had concluded by 28 July 1986.This
is, for the reasons set out by the Court, one plausible interpretation of
the facts; one might also arrive at another plausible interpretation asthe
Parties appear to do; but 1do not think that the Court's interpretation is
untenable.

My most substantial reservations about the Court's Judgment turn
upon its holdings of paragraph 54,which are in answerto the objections

by Honduras to what has beentermed the "serial" nature ofthe Applica-
tions which havebeen brought by Nicaragua in three inter-related cases
against the United States of America in 1984and against Costa Rica and
Honduras in 1986(seeLori Fisler Damrosch, "Multilateral Disputes", in
Damrosch, ed., ne International CourtofJusticeat a Crossroads,1987,
pp. 376,379). '
In itsMemorialHonduras recallsthat, bvitsAvvlicationof9Awil 1984
againstthe United States,Nicaragua submitted iôthe Court a seiof facts
formingpart ofthe generalconflict existinginCentral America,and that,
one month after the Judgment of the Court in that case, Nicaragua sub-
mittedto theCourt, byitsApplicationsagainstCosta Ricaand Honduras,
a secondand a third setoffactspertaining to the sameconflict.Honduras
maintains that the

"overallresult ofthisbehaviour on the part of Nicaragua constitutes
...an artiflcialand arbitrarydividingup ofthe generalconflictexist-
inginCentralAmerica.Moreover,thisresult mayhave negativecon-
sequencesfor Honduras asa Defendant state beforetheCourt, since
it affects the guarantee of a sound administration of justice and
undermines the principle laid down in Article 59 of the Statute of

the Court.
2.07. In fact, the successive Applications lodged by Nicaragua
havepresentedto theCourt, forNicaragua's convenience,somefacts
formingpart ofthegeneralconflictinCentralAmerica. But it is obvi-
ous that some other facts, while appertaining to the same general
conflict,areinevitablyabsentfrom theproceedingsbefore theCourt.

The power granted to the Parties under Article 80 ofthe Rules of
Court [tomakecounter-claims] does not totally removethis negative
consequence; forit ispossibleforthe Stateagainst whichthe claim is
brought not to appear before the Court, as occurred in the case con-
cerning MilitaryandParamilitaryActivitiesinandagainst Nicaraguadéjàentamée ».LaCour évited'aborder plusd'unproblèmeépineuxd'in-
terprétation des articles et IV en déclarantque le processus de Conta-

dora était«épuisé»au momentoù le Nicaragua a déposé sarequête elle
l'affirmebien que les Parties estimenttoutes deux que ce processus'a
éténi abandonnéni suspendu àaucun moment».La Cour dit qu'elleap-
précie l'importancede cette concordance de vues entre les Parties; elle
conclut néanmoins que le processus de Contadora était épuiséle
28juillet 1986,du moins pour ce qui est de la phase de ce processus qui
tendaità résoudrelesquestions defond examinéesdans son cadre. C'est
là, pour les motifsindiquéspar la Cour,une interprétation plausible des
faits;onpourrait aussiarriveà uneautre interprétation plausible,comme
lesPartiessemblentlefaire; maisje nepense pasque l'interprétationdela
Cour soitindéfendable.
Lesprincipales réservesquej'aià formulerau sujetdel'arrêdtelaCour
onttraitàcequ'elleditauparagraphe 54enréponseauxexceptionssoule-

véespar le Honduras contre ce qui a été appeléles requêtes «en série»
déposéespar le Nicaragua pour introduire trois instances connexes,
contre les Etats-Unis d'Amériqueen 1984et contre le Costa Rica et le
Honduras en 1986(voirLori Fisler Damrosch, «Multilateral Disputes »,
dans Damrosch, dir. publ., TheInternational Court of Justicet a Cross-
roads,1987,p. 376,379).
Dans son mémoire leHonduras rappelle que, par sa requête du
9 avril 1984contre les Etats-Unis, le Nicaragua a soumisà la Cour un
ensemblede faitsquis'inscriventdans lecadre du conflitgénéralexistant
en Amériquecentraleetque, un mois après quel'arrêt eué t rendu dans
cette affaire, le Nicaragua a saisi la Cour, par ses requêtes contrele
Costa Rica et contre le Honduras, d'un deuxièmeet d'un troisième en-
semblede faitsrelatifs au mêmeconflit. Le Honduras affirmececi :

«D'une façon généralec,ecomportement du Nicaragua aboutit ...

àdiviserartificiellementetarbitrairement leconflitgénéralquisedé-
rouleenAmériquecentrale,cequipeut aussiavoirdesconséquences
fâcheuses pour le Honduras en tant qu7Etat défendeur devant la
Cour, car ilporte atteinte aux garanties d'une bonne administration
de lajustice et sape le principe énonàél'article 59 du Statut de la
Cour.
2.07. En réalité, ans les requêtessuccessives qu'ila introduites
devantla Cour, le Nicaragua a présenté,our étayerson argumenta-
tion,certainsfaitsqui fontpartiedu conflitgénéralenAmériquecen-
trale. Mais ilestévidentque certains autresfaits, tout enayanttàait
cemême conflitgénéral,sontinévitablementpasséssoussilencedans
la procédure devant la Cour.
Le pouvoir [de présenter des demandes reconventionnelles]que

l'article80du RèglementdelaCour confèreauxPartiesnesupprime
pas complètement cet inconvénient; car 1'Etatcontre lequel l'ins-
tance est intentéea la possibilitéde ne pas comparaître devant la
Cour, commecela a été le casdans l'affaire desctivités militaires et afterthe Judgment of26November 1984.In thissituation, the Court
faces a great difficulty in the determination of the facts, as was
acknowledgedin the Judgment of 27June 1986.But as regards sub-
sequent disputes before the Court forming part of the same general
conflict in the Region, if the facts in the previous case affect other
States,the Defendant Statesin laterproceedingswillfindthemselves
obligedto fil1in previousgaps or to put other interpretations on the

samefacts,none ofwhich wouldappear tobe in conformitywiththe
requirements of a sound administration ofjustice.

On the other hand, the successiveApplications lodged by Nica-
ragua from 1984onwards have another prejudicial effect for the
Defendant States in later proceedings, as is the case of the Repub-
lic of Honduras. This negative consequence arises from the assess-
ment of facts in previous proceedings, those facts forming part of
the same general conflict existing in Central Arnerica; and it may
gravelyundermine the principle ofrelativityofinternational adjudi-
cationslaid down in Article 59ofthe Statute ofthe Court." (Memo-
rial of Honduras, paras. 2.06-2.07.)

Theanswerswhichparagraph 54ofthe Court's Judgmentgivesto these
contentions of Honduras in myviewarenot fullyadequate, inthe lightof
the followingconsiderations.
Inthe proceedingsbefore the Court inthe caseconcerning Militalyand
ParamilitaryActivitiesinandagainst Nicaragua, Nicaragua levelledgrave
accusationsagainstnot only the United States,but against Honduras and
Costa Rica. It claimed that those two States - most particularly Hon-
duras - were acting in concert with the United Statesto support its use
of military force against Nicaragua and its intervention in Nicaragua's
interna1affairs, especially by permitting "mercenaries" to operate from
their territories against Nicaragua. Despite these accusations, Nicara-
gua did not in 1984bring suitagainsteitherHonduras or Costa Rica,even
though both of those countries at that time adhered to the Court's com-
pulsory jurisdiction under the Optional Clause in the most unrestricted
terms. Rather,Nicaraguamaintained that itsApplicationmade "no claim

of illegal conduct by any State other than the United States", and that it
sought "no relief. ..from any other State".

For its part, in view of these accusations against Honduras and Costa
Rica - and Nicaragua's further claim that El Salvador's armed forces
were acting in the service of the United States - and in view of its own
contention that itsactionsagainst Nicaragua weremeasures taken in col-
lectiveself-defenceof Nicaragua's neighbours,particularly El Salvador,
againstarmed attack by Nicaragua, the United Statesmaintained thatthe
Court could not adjudicate Nicaragua's allegations against the United paramilitairesauNicaraguaetcontrecelui-ciaprèsl'arrêt rendu par la
Cour le26novembre 1984.Dansune tellesituation,la Cour seheurte
àde grandes difficultéspour établirlesfaits,comme ellel'areconnu

dans sonarrêtdu 27juin 1986.Maisencequiconcernelesdifférends
portésdevant la Cour après cetteaffaire et qui font partie du même
conflit général existantdans la région,si les faits de la précédente
espèce affectent d'autres Etats,les Etats défendeursdans des ins-
tances ultérieures seront obligésde combler les lacunes antérieures
ou de présenter d'autres interprétations concernantles mêmesfaits,
ce qui ne semble nullement conforme aux exigences d'une bonne
administration de lajustice.
Par ailleurs, les requêtessuccessivesdéposées par le Nicaragua à
partir de 1984présententun autre inconvénientpour lesEtatsdéfen-
deurs dans de nouvellesinstances,comme c'estle cas pour la Répu-
blique du Honduras. Cetinconvénienttient àl'appréciation desfaits

dans l'instance introduite contre lesEtats-Unis,car cesfaitss'inscri-
vent dans le cadredu mêmeconflitgénéral en Amérique centraleet
le principe de la relativité des décisionsjudiciaires internationales
énoncé àl'article 59 du Statut de la Cour risque d'être ainsi grave-
ment compromis. »(Mémoiredu Honduras, par. 2.06-2.07.)

LesréponsesquelaCour donne àcetteargumentation du Honduras au
paragraphe 54del'arrêt ne meparaissent pas tout à faitadéquates compte
tenu des considérations qui suivent.
Devant la Cour, en l'affaire desActivités militaires etparamilitaireasu
Nicaragua et contrecelui-ci,e Nicaragua a formuléde gravesaccusations
non seulementcontre les Etats-Unis, mais aussi contre le Honduras et le

Costa Rica. Il a soutenu que ces deux Etats, et tout particulièrement le
Honduras, agissant de concert avec les Etats-Unis appuyaient l'emploi
que ceux-cifaisaient delaforcemilitairecontre leNicaragua etleurinter-
vention dans les affaires intérieures de cet Etat: le Honduras et le
Costa Rica permettaient en particulier à des ((mercenaires» de mener
des opérations contrele Nicaragua à partir de leur territoire. Malgré ces
accusations, le Nicaragua n'a introduit d'instance ni contre le Hon-
duras ni contre le Costa Rica en 1984,bien que ces deux pays eussent
alors adhérésans aucune restriction à la juridiction obligatoire de la
Cour en application de la clause facultative. Le Nicaragua a même
maintenu que sa requête n'allégu[ait]le comportement illégald'aucun

autre Etat que les Etats-Unis»et qu'ilne demandait((réparationd'aucun
autre Etat».
Pour leur part, les Etats-Unis se sont fondéstant sur ces accusations
portées contre le Honduraset le Costa Rica - et sur le fait que le Nica-
ragua avait aussi prétendu queles forces arméesd'El Salvador s'étaient
misesactivementau servicedes Etats-Unis - que sur leur propre alléga-
tion selon laquelle leurs activités contre le Nicaragua constituaient des
mesuresdelégitimedéfensecollectivedesvoisinsdu Nicaragua, en parti-
culierElSalvador,contre une agressionarméelancée par leNicaragua; ilsStates without also passing upon the lawfulness of the actions of Hon-
duras, Costa Rica and El Salvador. These three States, the United States
consequentlycontended, wereindispensableparties and, intheirabsence,
the Court should not proceed to renderjudgment on the merits.

Not only didthe Court reject this contention but, shortlybefore, when
El Salvador, in a declaration of intervention which strongly supported
United States claims that it was under armed attack by Nicaragua and
acting in collective self-defencewith the United States,sought to exercise
its "right to intervene in the proceedings" - the quotation is from the
terms of Article 63 of the Statute - the Court denied its intervention.Its

terse Order, which isvirtuallydevoid of reasoning, held thatthe declara-
tion of intervention was "inadmissible inasmuch as it relates to the cur-
rent phase of the proceedings" - Le.,jurisdiction and admissibility; a
ground which has no basis in the terms or purpose of Article 63. As has
been widely recognized, that denial consequently is difficult to reconcile
with the Statute and, since El Salvador was not accorded a hearing, more
difficult still to reconcile with the explicitprovision of Article 84 of the
Rules of Court that, where there is objectionto the admissibility of a dec-
laration of intervention, "the Court shall hear the State seeking to inter-
vene and the parties before deciding". The shutting out of El Salvador's
participation not only affected the subsequent content and course of the
proceedings. It appears also to have affected the subsequent decision of
the United States to withdraw from the proceedings, in view of the fact
that one of the two principal grounds of withdrawal cited by the United
States on 18January 1985was the Court's summaryrejection of El Sal-

vador's application "without giving reasons and without even granting
El Salvador a hearing, in violation of El Salvador'sright and in disregard
of the Court's own rules".

While the Court in rejecting El Salvador's intervention at the stage of
jurisdiction and admissibilityimplied that it was open to intervention by
El Salvador at the stage of the merits, and elsewhere indicated that Hon-
duras and Costa Rica as well as El Salvador had statutory possibilities of
intervention open to them, it is obviousthat its treatment of El Salvador
could hardly have operated to encourage such interventions. Nor, for
their part, did El Salvador, Honduras orCosta Rica inany event manifest
any inclination to have their actions, some of which were the objects of
Nicaraguanaccusation,subjectedtotheCourt'sjudgment, evenif,infact,
the Judgment on the merits ultimately rendered by the Court on

27June 1986inevitably - by the nature of Nicaragua's Application and
accusations and the defence of the United States - did pass upon those
actions,factually and legally.

Promptlyafter the rendering of the Court's Judgment of 27June 1986
against the United States,Nicaragua discovered after al1(contrary to what
it had pleaded in its caseagainst the United States) that it did have legal ACTIONS ARMÉES (OP.IND. SCHWEBEL) 129

ont alors soutenu que la Cour ne pouvait statuer sur les allégations diri-
géescontre eux par le Nicaragua sans statuer aussi sur la licédes actes
du Honduras, du Costa Rica et d'El Salvador.Cestrois Etats, ont-ilsfait
valoir en conséquence, étaient des parties indispensables et, en leur ab-
sence,la Cour ne devaitpas prononcer d'arrêtsur le fond.

Non seulementla Coura rejetécemoyen,mais, peu auparavant,quand
El Salvador a tenté d'exercer son droit d'intervenir au procès - selon
lestermes de l'article 63du Statut endéposantune déclaration d'inter-
vention dans laquelle ilappuyait énergiquementlesallégationsdesEtats-
Unis suivantlesquelles il subissait une agressionarmée du Nicaragua et
agissait au titre de la légitimedéfensecollective avec les Etats-Unis, la
Coura rejetécettedéclarationd'intervention. Dansuneordonnance laco-
nique et pratiquement dépourvue d'argumentation, elle a décidé que la
déclaration d'intervention était irrecevableencequ'elleserapporte àla
phase en cours de l'instance» - celle de la compétenceet de la recevabi-
lité;ce motif n'a de fondement ni dans les termesni dans l'objet de l'ar-
ticle 63. Ce rejet s'accorde mal, comme il est largement admis, avec le
Statut et,puisque El Salvador n'apu sefaireentendre, seconcilieplus mal
encore avec la disposition expresse de l'article 84 du Règlement de la

Cour, aux termesduquel, s'ilest fait objectionà la recevabilitéd'une dé-
clarationd'intervention, «laCour entend, avant destatuer, 1'Etatdésireux
d'intervenir ainsi que les parties Le fait d'avoir exclu la participation
d'El Salvadorn'apasseulementinfluépar lasuite surlateneur etledérou-
lement de l'instance.Il sembleavoiraussiinflué sur la décisionprise plus
tard par les Etats-Unis de se retirer de l'instance; en effet, l'une des deux
raisons principales de ce retrait indiquées par les Etats-Unis le 18jan-
vier 1985étaitle rejet sommaire de la déclaration d'intervention d'El Sal-
vador auquella Cour avaitprocédé «sans donnerde raisons etsans même
entendre El Salvador, enviolation du droit d'ElSalvador etau méprisdes
propres règlesde la Cour».
Si la Cour, en rejetant la déclaration d'intervention d'El Salvador au
stade de la compétenceet de la recevabilité,a donné à entendre qu'elle
réservait l'éventualitd'une intervention d'El Salvador lors de la procé-

dure sur le fond et si elle a indiqué ailleurs que le Honduras et le
Costa Rica, ainsi qu'El Salvador;avaient des possibilités d'intervention
envertu du Statut, ilest évidentqueletraitement réservéà El Salvadorne
pouvait guèreencourager de tellesinterventions.Du reste, pour leur part,
El Salvador, le Honduras et le Costa Rica n'ont jamais manifesté aucun
désirde voir leurs actes, dont certains faisaient l'objetd'accusations de la
part du Nicaragua, soumis àla décisionde la Cour, quand bien mêmela
Cour,dans l'arrêtsur le fond qu'ellea finalementrendu le 27juin 1986,a
statuésur cesactes enfait et endroit, cequi étaitinévitableenraisonde la
nature delarequêteetdesaccusations du Nicaraguaainsiquedes moyens
de défenseopposéspar les Etats-Unis.
A peine la Cour avait-ellerendu son arrêt du 27juin 1986contre les
Etats-Unis que le Nicaragua s'aperçut qu'après tout (contrairement à ce

qu'ilavaitplaidédans l'affaire qui l'opposait aux Etats-Unis) il avait,sur 130 ARMED ACTIONS (SEP . P.SCHWEBEL)

claims against Honduras and Costa Rica and filed its Applications of
28July 1986againstboth States.Shouldtheinstant casereachthephase of
the merits,it isto beexpectedthat Nicaragua willinvoke,asithasalready
invoked, against Honduras the findings of fact and conclusions of law
reached by the Court in the Military and Paramilitary Activitiesin and
against Nicaragua casenot onlyagainst the United Statesbut, at least in-
ferentially,against Honduras, eventhough Honduras was not a party to
that case. As noted, it was Nicaragua's choice not to initiate suit against

Honduras in 1984, despite its accusations against Honduras and Hon-
duras's unresewed adherence to the Optional Clause which then was
in force.

Nicaragua hasrather preferred to pursue serial actions,howeverpreju-
dicial they may be to what Honduras describes as the sound administra-
tion ofjustice. That such an action may indeed be prejudicial is not open
to doubt. Ifthe Court's Judgmentof27June 1986,whichrejectson factual
and legal grounds the defence of the United States that it acted against
Nicaragua in collectiveself-defenceof El Salvador, Honduras and Costa

Rica, wereto be applied to the instant case,Honduras could be deprived
of a principal defence to Nicaragua's claimsevenbeforepleadings on the
merits ofthe caseare exchanged.

When the Court denied the requests of Malta and Italy to intewene in
other cases under Article 62 of the Statute - where it "shall be for the
Court to decide" on intervention - the Court nevertheless gave assur-
ances to Malta and Italy that when it came to adjudicate the merits it
would ensurethat theirinterestswouldnot beprejudiced bytheirabsence.
Itgaveeffectto those assurances.When ElSalvadorsoughtto intewene in
the Military and Paramilitary Activitiesin and against Nicaraguacase

under Article 63 ofthe Statute - that is,to exerciseitsstatutory "right to
intewene inthe proceedings" - the Court summarilydenied the request,
gaveEl Salvadorno such assurances,and rendered ajudgment which,on
anyview,mustbeprofoundly prejudicialto the interests ofElSalvadoras
it presented them to the Court in its denied declaration of intervention.

Now, in the instant case, when Honduras cornplains with apparent
justification of the position in which it finds itself as a result not only of
Nicaragua's litigating tactics but the Court's acceptance of them, what

does the Court offerin response?

A very mixed response. On the one hand, the Court concludes that
it cannot uphold the contention of Honduras that the procedural situa-
tion created by Nicaragua's splitting up of the overall conflict into
separate disputes is contrary to the requirements of good faith and thele plan juridique, des griefs à formuler contre le Honduras et le
Costa Rica; il déposa alorsses requêtesdu 28 juillet 1986contre ces

deux Etats. Si la présente affaire atteint la phase sur le fond, il faut
s'attendreà ce que le Nicaragua invoque, comme il l'a déjà fait, contre
le Honduras, les constatations de fait et les conclusions de droit for-
muléespar la Cour en l'affaire desActivités militairstparamilitairesau
Nicaraguaet contre celui-cinon seulement àl'encontre des Etats-Unis,
mais aussi, indirectement à tout le moins, à l'encontre du Honduras,
bien que cet Etat n'ait pas étpartieà l'affaire.Comme il a été indiqué,
le Nicaragua a délibérément décidd ée ne pas introduire d'instance
contre le Honduras en 1984malgréses accusations contre le Honduras
et l'adhésion sansréservede cet Etat la clausefacultative,qui était alors
en vigueur.
Le Nicaragua a préféré engager des actions en série, quelque préju-
diciables qu'elles puissent êtrà ce que le Honduras appelle la bonne
administration de la justice.Il n'est pas douteux que de telles actions

peuventvraiment êtrepréjudiciablesS . il'ondevait appliquer en l'espèce
l'arrêt rendupar la Cour le 27juin 1986,qui rejette pour des motifs de
fait et de droit le moyen de défense, invoquépar les Etats-Unis, suivant
lequel ils agissaient contre le Nicaragua au titre de la légitimedéfense
collective d'El Salvador, du Honduras et du Costa Rica, le Honduras
pourrait se voir privé, dès avantl'échangedes piècesde procédure sur
le fond de l'affaire, d'un moyen de défense capital face aux griefsdu
Nicaragua.
Quand la Cour a rejeté lesrequêteà fin d'intervention dans d'autres
affaires, présentéespar Malte et par l'Italie en vertu de l'article 62 du
Statut- auxtermesduquel, dans lecasd'une telleintervention,«la Cour
décide » -, elle n'en a pas moins donné à Malte età l'Italie l'assurance
que, quand ellestatuerait sur le fond, elle veillàrce que leur absence
ne cause aucun préjudice à leursintérêts.lles'estconformée àcesassu-

rances.Quand El Salvador a tenté d'intervenir dans l'affaire destivités
militairesetparamilitairesau Nicaragua etcontrecelui-cin vertu de l'ar-
ticle 63du Statut,c'est-à-dire d'exercerledroit d'intervenirau procès»
qu'iltient du Statut,la Cour a sommairement rejetésademande etellen'a
donné à El Salvador aucune assurance de ce genre; ellea rendu un arrêt
qui, quoiqu'on en dise,ne peut manquer deporter une atteinte graveaux
intérêts d'El Salvadortelqsu'il leslui avaitprésentésdans la déclaration
d'interventionrejetée.
Dans la présente affaire,quand le Honduras se plaint, à juste titre
semble-t-il,de la situation dans laquelle il setrouve en raison non seule-
ment delatactiqueprocéduraledu Nicaragua maisaussi del'acceptation
de cette tactique par la Cour, quelle réponse celle-ci trouve-t-elleà
donner?

Uneréponseambiguë.D'unepart laCour décidequ'elle nepeut retenir
la thèsedu Honduras selon laquelle la situation procédurale crééear le
fractionnement, opérépar le Nicaragua, du différend globalenune série
de différendsbilatérauxest contraire aux exigencesde la bonne foi et duproper functioning of international justice. On the other hand, the
Court holds that :

"In anyevent,itisforthe Partiesto establishthefactsinthepresent
case taking account of the usual rules of evidence, without it being
possible to relyon considerations of resjudicata in another casenot
involvingthe sameparties (seeArticle59ofthe Statute)."(Judgment,
para. 54.)

It follows from this latter holding that if, at the stage of the merits, a
Partytotheinstant caseshould endeavour to relyonthefindingsoffactof
the Judgment of27June 1986in MilitaryandParamilitaryActivitiesinand
against Nicaragua, the Court willnot accept suchreliancebut willrequire
that Party to establish the facts in the present casetaking account of the
usual rules of evidence.Despite the fact that that Judgment passed upon
causes of action which are found in the instant case, and despite the fact
thatHonduras isrepeatedlyspecifiedboth in the pleadings ofthe Military
and Paramilitary Activitiesin and against Nicaragua case and in the
Court's Judgment, considerations of resjudicata cannot apply sincethat
case was another case, to which the Parties were not the same as the
Parties to this case.

This says no more than what the terms of Article 59of the Statute re-
quire. Nevertheless,in the circumstances, it isimportant that the Court
says it, and, if the instant case reaches the stage of the merits, it will be
crucial for the Court to givefull effectto Article 59.In the nature of the
situation with which the Parties and the Court are confronted, that will
not be simple.Can the Court, which,in itsJudgment of27June 1986,not
only acquitted Nicaragua of charges of acts of unlawful intervention
in the affairs of its neighbours which were tantamount to armed attack,
but also acquitted Nicaragua of certain acts of unlawful intervention
altogether, consider, without regard to these holdings, the facts of the
instant case as the evidencemay showthem tobe?Can the Court, which
in its Judgment of 27 June 1986considered as established the fact that
certain transborder militaryincursionsintotheterritory of Honduras are
imputable to the Government of Nicaragua, consider, without regard

to that holding, the facts of the instant case as the evidence may show
them to be?

The importance of the Court giving the most rigorous effect in the
current caseto the import of Article 59is, in my view,the greater for an
extraordinary reason. To apply the findings of fact of the Court's Judg-
ment of 27June 1986to the merits ofthe instant case would be the more
prejudicial because certain of those findings - critical findings at that
- do not infactcorrespond to the facts.In Judge Oda'srestrainedphrase
appraising the Court's finding of the facts in Militaryand Paramilitary
ActivitiesinandagainstNicaragua, itis"beyond anydoubtthatthe picturebon fonctionnement de la justice internationale. D'autre part la Cour
déclare :
«En tout étatde cause, il appartient aux Parties d'établirdans la
présenteaffairelesfaitscomptetenu des règleshabituellesde preuve
sansquepuisseêtreinvoquéelachosje ugéedansune autre affaire ne
mettant pas en causeles mêmes parties (voirl'article59du Statut)D

(Arrêtp, ar. 54.)
Il résultede cette déclarationque si, au stade du fond, une Partie à
la présente affaire cherche à se prévaloir des constatations de fait for-
muléesdans l'arrêt rendu le27juin 1986enl'affaire desActivitésmilitaires
etparamilitairesau Nicaragua etcontre celui-ci,la Cour n'acceptera pas
qu'elles'enprévalemaisexigeraquecettePartieétablissedans laprésente

affaire les faits compte tenu des règleshabituelles de preuve. Bien que
dans l'arrêt précité lC aour se soit prononcée sur des griefs qui sont
formulésdans la présente espèceet bien que le Honduras soit maintes
fois mentionnétant dans les piècesde procédure écrite présentées en
l'affaire des Activités militairet paramilitairesau Nicaragua etcontre
celui-ciue dans l'arrêt rendupar la Cour en cetteaffaire,la chose jugée
ne peut être invoquée parce qu'il s'agissaitd'une autre affaire et que les
Parties à celle-ci n'étaient pasles mêmesque les Parties à la présente
instance.
Ce n'est là que ce qui est posé àl'article 59 du Statut. Néanmoins,il
importe enl'occurrenceque la Cour lediseet,silaprésente affaireatteint
lestade du fond, ilseracapital que laCour donne plein effetàl'article59.
Etant donnéla nature de la situationà laquelle les Parties et la Cour sont
confrontées,cene sera pas chosefacile.Dans sonarrêtdu 27juin 1986,la

Cour a non seulement acquitté le Nicaragua des accusations qui étaient
portées contre luipour être intervenuillicitementdans lesaffairesde ses
voisinsen commettantdesacteséquivalant à une agressionarmée,maisa
aussiacquittéle Nicaragua de certains actes d'intervention illicite; peut-
elledèslors,sanstenir compte de cesdécisions,prendre en considération
lesfaits de la présente espècetelsqu'ilspeuvent apparaîtreau regard des
preuves produites? Dans son arrêtdu 27juin 1986,la Cour a tenu pour
établique certaines incursions militaires transfrontières à l'intérieurdu
territoire hondurien sont imputables au Gouvernement du Nicaragua;
peut-elle dès lors prendre en considération, sans tenir compte de cette
décision,les faits de la présente espècetelsqu'ilspeuvent apparaître au
regard despreuves produites?
Pour une raison particulière,il importe encoreplus àmes yeux que la

Cour donne effetleplusrigoureusementpossible àl'article59enl'espèce.
Ilseraiteneffetd'autant pluspréjudiciabled'appliqueraufond delapré-
senteaffaire lesconstatations defaitconsignéesdans l'arrêdtelaCour du
27juin 1986que certaines de ces constatations, décisivesde surcroît, ne
correspondent enréalité pas auxfaits.Selonlaformulemodérée dont s'est
serviM. Oda au sujetdes constatations de fait de la Cour en l'affaire des
ActivitésmilitairestparamilitairesauNicaraguaetcontrecelui-ci«il ..[est]of the present dispute painted by the Court is far from the reality".
And to apply certain of the Court's conclusionsof lawin that caseto the
merits of the instant case would be no less prejudicial,se certain
ofthose conclusions wereand are in error.

(Signed) StephenM. SCHWEBEL.tout a fait hors de doute que l'image que la Cour a donnée du présent
différendestloin de la réalit».Il ne serait pas moins préjudiciable d'ap-
pliquer au fond de la présente affairecertaines conclusionsde droit aux-
quelles la Cour est parvenue dans cette autre affaire car certaines de ces
conclusionsétaientet demeurent erronées.

(Signé)Stephen M. SCHWEBEL.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

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