Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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070-19860627-JUD-01-08-EN
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OPXNIONDISSIDENTEDE M. ODA

[Traduction]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

1-3

A. Applicabilité de la ((réserve Vandenberg )) 4-6
B. L'arrêtintepréte mal l'effet de la <(réserveVandenberg )) 7-14

II.NON-JUSTICIABILITÉ DE LA PRÉSENTE AFFAIRE. - LA REQUÊTE
DU NICARAGUA EN TANT QUE FONDÉE SUR L'ARTICLE 36,PARA-
GRAPHE 2,DU STATU TEVAIT ÊTRE DÉCLARÉEIRRECEVABLE

A. Introduction 15-19
B. Portéelimitéed : esmots différendsd'ordrejuridique dans le
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut 20

1. Lajusticiabilité et la notion de différendsd'ordrejuridique.
- Historique

i) Le concept de ((différends d'ordre juridique soumis à
l'arbitirage obligatoira avant la création de la Cour
permanente de Justice internationale 21-26

ii) Les différendsjusticiables et non justiciables selon le
Pacte de la Sociétédes Nations et selon le Statut de la
Cour permanente de Justice internationale 27-35
iii) La notion de différendsjusticiables aprèsla créationde
la Cour permanente de Justice internationale 36-38

iv) Les différendsd'ordre juridique considéréscomme sus-
ceptibles d'un règlement par la Cour internationale de
Justice 39-40

2. Il est difficile de considérerque la présente affaire a pour
objet un adifférend d'ordre juridiqueD au sens du Statut

i) Observations générales 41-45
ii) Lesprécédentsdans lajurisprudence de la Cour actuelle
et de sa devancière 46-47
iii) Conclusion 48-49 Paragraphes

C. Considérations relatives à l'administration de la justice qui
auraient dû dissuader la Courde seprononcer sur la requêtedu
Nicaragua sur la base de l'article 36,paragraphe 2, du Statut

1. La Cour n'aurait pas dû recevoir la requête pour desconsi-
dérationsde bonne administration de lajustice.- Problème
préliminaire 50-54
2. La notion de ((différends politiques non justiciables.-
Comparaison entre différendsjuridiques et différends poli-
tiques 55-60

3. La Cour a donnéune image incomplète du différend

i) Absence de moyens suffisants pour établir les faits 61-64

ii) La requêtedu Nicaragua ne reflètequ'une face du dif-
férend 65-66
iii) Lanon-participation desEtats-Unis àl'instance.- L'ar-
ticle3 du Statut 67-69

D. Conclusions sur la non-justiciabilité du différend 70-72

III.VIOLATIO D'OBLIGATIONS DÉCOULANT DU TRAITÉ D'AMITIÉ, DE
COMMERCEET DE NAVIGATION DE 1956. - LA COMPÉTENCE DE LA
COUR EN L'ESPECEEN VERTU DE L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 1,DU
STATUT

A. La compétence de la Cour en vertu de l'article XXIV - la
clausecomprc>missoire - du traité de 1956 73-74
B. A propos du traitéla Cour en revient partiellement à sa com-

pétenceen vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut 75-78
C. Méprisesur la règlede droit coutumier selon laquelle il ne faut
pas priver un traité((de son but et de son objet 79-82
D. Les violations des termes du traitéde 1956

1. Les violations de l'article XIX du traité
2. L'applicabilitéde l'article XXI du traité ACTIVITÉS IMILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSO . DA) 215

A. Applicabilitéde la «réserve Vandenber )

4. Laprésente affaireaété portéedevant laCourpar leNicaragua qui la
priait dans sa requêtede dire et juger :

<(a) Que les Etats-Unis, en recrutant, formant, armant, équipant,
finançant, approvisionnant et en encourageant, appuyant, assis-
tant et dirigeant de toute autre manièredes actions militaires et
paramilitaires au Nicaragua etcontre celui-ci,ont violéet violent
leurs obligations expresses en vertu de chartes et de traités à

l'égarddu Nicaragua, et en particulier leursobligations en vertu
de :
- I'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies ;
- les articles 18 et 20 de la charte de l'organisation des Etats

américains ;
- I'article8de la conventionconcernant lesdroits et devoirs des
Etats ;
- I'article premier, troisièmement,de la convention concernant
les droi1.set devoirs des Etats en cas de luttes civiles.

L'une des principales allégations du Nicaragua est que les Etats-Unis
ont violéles règlesdu droit international résultant de plusieurs traités
multilatérauxqui,d'unefaçonoud'une autre, interdisent <(de recourir à la

menace ou à I'emp1,oide la force ))ainsi que <(l'intervention o.
5. A la différencede certains principes plus anciens du droit interna-
tional, leprincipe qui concerne l'interdiction <(de recourir à lamenace ou à
l'emploide laforce s'estfaitjour verslafin de laseconde guerre mondiale
en mêmetemps que naissait l'organisation des Nations Unies et qu'abou-
tissaient les efforts visant à déclarer hors la loi la guerre en général. En
revanche,l'application du principe de non-intervention remonte haut dans

le passédepuis qu'Emer de Vattel a écriten 1758 :

<<C'est une conséquencemanifeste de la liberté et de l'indépen-
dance des Nations, que toutes sont en droit de se gouverner comme
elleslejugent à propos, et qu'aucune n'a lemoindre droit de se mêler
du gouverneme:ntd'une autre. ))(Le droit des gens,livre II,chap. IV,
par. 54.)

Il est pourtant arrivé,avant l'époquecontemporaine, qu'on tente dejus-
tifier I'intervention dans le cadre du droit international applicable en
temps de paix, quand bien mêmeune telle intervention pouvait équivaloir
en définitive à un recours à la guerre (laquelle n'étaitpas considérée à

l'époquecomme illicite en soi). Le double systèmedu droit international
applicable en temps de paix et du droit international applicable en tempsdeguerrea étéabandonné lorsquese sont dégagéslep srincipes del'illicéité
de la guerre et de l'intervention, à quoi il faut ajouter le principe de
l'interdiction du recoursà lamenaceou àl'emploide laforce, toutes choses
qui allaient marquer l'esprit dans lequel serait crééel'organisation des
Nations Unies.
6. Il ne fait donc aucun doute pour moi que la présente affairedoit de
toute évidenceêtreexaminéedans lecadre du systèmedes Nations Unies
et, vu sonobjet, dans celui de l'organisation desEtats américains, laquelle
afait Œuvrenouvelleen adoptant desprincipes analogues. Commela Cour

s'est déclaréecompé.tenteen vertu de l'article 36,paragraphe 2, du Statut
en 1984,je l'approuve entièrement lorsqu'elle déclarequ'elle est tenue
d'appliquer la rése.rverelative aux traités multilatéraux constituant la
réserve c) de la déclarationd'acceptation dejuridiction faite par le Gou-
vernement des Etats-Unis d'Amérique ... (par. 292, sous-par. 1).

B. L'arrêt interprète mla'leffetde la «réserve Vandenber g)

7. La déclaration des Etats-Unis contient le passage suivant :
((cette déclaration ne s'applique pas ...

C) aux différends résultant d'un traité multilatéral, à moins que
1)toutes les parties au traitéque la décisionconcerne soient éga-
lement parties à l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les Etats-
Unis d'Amérique acceptent expressément la compétence de la
Cour ...))

La Cour ne doute pas que toutes les parties aux traités multilatéraux
pertinents que l'arrêtc:oncerne, à savoir la Charte desNations Unies et la
charte de 1'Organisa.tiondes Etats américains, nesont pas parties à la
présenteaffaire, mais elle fait quand même observerceci :

Il convient cependant de rappeler que ...l'effet de la réserve est
uniquement d'exclure l'applicabilitéde la Charte des Nations Unies
et celle de l'organisation des Etats américains en tant que droit
conventionnel imultilatéralet n'a pas d'autres incidence sur les
sources du droiitinternational que l'article 38 du Statut prescrit à la
Cour d'appliquer. (Par. 56.)

(En prenant position surla valeur de la réserveaméricainerelative
aux traités multilatéraux,la Cour a été amenée à conclure qu'elle
devaits'abstenir d'appliquer lesconventions multilatéralesinvoquées
par le Nicaragua à l'appui de ses demandes, sans préjudice, soit
d'autres traités, soit des autres sources de droit mentionnées à l'ar-
ticle38du Statut. Afin de préciser ledroit effectivement applicable au
différend,elle doit en premier lieu déterminerles conséquencesque

l'exclusionde l'applicabilité desconventions multilatéralescomporte
quant à la définition du contenu du droit international coutumier
demeurant applicable. r)(Par. 172.) <(Il est ...clair que les règlesdu droit international coutumier
conservent une existenceetuneapplicabilitéautonomes par rapport à
celles du droit international conventionnel lors mêmeque les deux
catégoriesde droit ont un contenu identique. (Par. 179.)

8. Il est dit en somme dans l'arrêtque la Cour peut quand même
trancher lesquestionsqui sont portées devantellepuisque, tout en laissant
de côtédes conventions multilatérales tellesque la Charte des Nations

Unies et la charte de:l'organisation des Etats américains,elle peut appli-
quer le droit international général etcoutumier qui, quoique ayant été
intégrédans lesdites conventions multilatérales,a une existence propre.
9. On peut certes prétendre que des principes tels que ceux du non-
emploi de la force et de la non-intervention ont maintenant une existence
propre en tant que principes du droit international généralet coutumier.
Toutefois, je ne puis approuver la Cour lorsqu'elle affirme dans l'arrêt
qu'ellepeut connaître de la requête du Nicaragua envertu de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut en partant de l'hypothèse - qui a étéalléguée -

selon laquelle la réservedes Etats-Unis relative aux différends résultant
d'un traitémultilatéral exclurait simplement de lacompétenceconférée à
la Cour conformément à cette disposition du Statut lesdifférendsd'ordre
juridique concernant l'interprétation d'un traité [multilatéral]O, ou en
partant de l'hypothèse selon laquelle,puisque laprésente affaire porte sur
un <(point de droit international O,l'existencede la réserve ne devraitpas
faire obstacle à la connaissance de l'affairepar la Cour dans la mesure où
celle-ci,indépendammentde <l'interprétation d'un traitéO,peut seborner
à appliquer les principes du droit international généralet coutumier.
10. Ilya selonmoideux questions bien différentes.L'une atraitaudroit

applicable ;c'estla question de savoir si,après s'être déclaré compétente
pour connaître d'une affaire, la Cour peut appliquer les règlesdu droit
international généralet coutumier indépendamment de toute règle
conventionnelle applicable. L'autre a trait à la compétencede la Cour ;
c'est la question de savoir si la déclaration d'acceptation d'unEtat exclut
les différends résultant [de]traité[s]multilatér[aux] (réservedes Etats-
Unis) de la ((juridiction de la Cour [laquelle ne peut, par nature, être
acceptéeque volontairement] sur tous les différends d'ordre juridique
ayant pour objet : a) l'interprétation d'un traité; b) tout point de droit

international ... (Statut, art. 36, par. 2). La déclaration américained'ac-
ceptation de la juridiction de la Cour exclut les différends résultantde
traités multilatéraux.sauf exceptions qui ne modifient pas mon raison-
nement et qui, en tout état de cause, ne se sont pas matérialisées en
l'espèce.
11. L'emploiconstant du mot réserve appliqué auxclauses dont les
Etats assortissent les déclarations qu'ils font en vertu de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut, et plus particulièrement l'usage de l'expression
<réserveVandenberg pour désigner l'exceptionfigurant dans la décla-

ration des Etats-Unis relative aux différends résultant d'untraitémulti-
latéral,a certainement contribuéau malentendu sur la portée réellede cesdéclarations, et en particulier celle des Etats-Unis. Comme l'idéequ'un

Etat souverain puisse accepterd'êtrejugé est toute empreinte d'idéalisme,
c'est toujours en songeant à l'hypothèse idéale - celle où I'acceptation
serait totale et sans réserve- qu'on a parlé ((d'acceptation de la clause
facultative o.Néanmoins,lastructuremêmedu paragraphe 2de l'article36
du Statut montre bien que, lorsqu'un Etat rédigeune déclaration,il s'ins-
pire de la liste suggéréedans cette disposition G'en ferai la genèseaux
paragraphes 27 à 40) et n'a qu'àdélimiterl'objet des différends d'ordre
juridique pour lesquels il est disposé,sous condition de réciprocité, à ac-
cepter lajuridiction de la Cour indépendamment de dispositions conven-
tionnelles ou d'accords particuliers. Puisqu'un Etat n'est pas tenu de
faire une telledéclaration,iln'estàplus forte raison pas tenu derépondre à

I'hypothèse idéale.
12. En conséquence, on ne peut s'autoriser du fait que les clauses
dérogatoirespeuvent souvent constituer un bon moyen de délimitation,
pour présumer que 1'Etat qui recourt à ces clauses revient sur certains
points de son acceptation généralefaite à priori de la juridiction de la
Cour ; au contraire, l'instrument d'acceptation demeure un indice positif
de I'acceptation sans réservepar cet Etat de lajuridiction dans un domaine
quecesexceptions ont simplementaidé à définir.Endehors decedomaine,
il n'y a tout simplement pas d'acceptation, pas mêmeune acceptation
soumise à réserve O, et raisonner comme s'il y avait acceptation, c'est
céder à une sorte d'illusion d'optique.

13. En l'espèce,il semble que le fait d'avoir envisagé une certaine
exceptioncomme une réserve a aidé laCour àse figurer que si l'on ne
tenait pas comptedes traités multilatéraux comme sourcede droit positif
cette ((réserve perdrait sa force, de sorte que l'exception pourrait être
tournée.J'aidéjàexpliquépourquoij'estime erronéecette façon devoir. La
référenceaux traités multilatérauxn'est qu'un moyen de délimiter la
compétenceafind'exclurecertainsdifférends :rien ne permet de supposer
qu'un différend résultant d'un traité multilatéral peut néanmoinsêtre
porté devantla Cour parce qu'ilpeut aussi s'analyser sous l'angledu droit
international général (cequi est toujours le cas). Ayant décidéque le

présentdifférend résultait ))effectivement d'un ou de plusieurs traitésde
ce genre, la Cour aurait dû conclure que la limite de I'acceptation de la
juridiction ne pouvait êtreétenduejusqu'à englober ledifférend envertu
de l'article 36, paragraphe 2, du Statut que dans les circonstances visées
dans l'exception elle-même, à savoir dans le cas où toutes les parties
concernéessont présentesou dans celui où les Etats-Unis ont expressé-
ment acceptéla compétencede la Cour.
14. Ainsidonc, sila réserveVandenberg )est applicableen l'espèce,et
que I'acceptation par lesEtats-Unis de lajuridiction obligatoire de la Cour
ne s'étendpar conséquent pas aux différends résultant de la Charte des
Nations Unies et de la charte de l'organisation des Etats américains,et si

l'arrêtdéclarepourtant que laCour peut connaîtrede laprésente affaireau
titre de l'article36, paragraphe 2, du Statut comme il est dit ci-des-
sous La Cour conclut qu'il lui appartient d'exercer la compétenceque
lui confère la déclaration d'acceptation faite par les Etats-Unis en
vertu de I'article36,paragraphe 2,du Statut, afin de seprononcer sur
les demandes du Nicaragua fondées sur le droit international coutu-
mier, et cela bien que les différends résultant des chartes des
Nations Unies et de l'organisation des Etats américainséchappent à
sajuridiction ))(par. 182),

la Cour aurait dû démontrer,non qu'ellepouvait appliquer séparémentle
droit international généralet coutumier mais que le différend quilui avait

étésoumis par la requêtedu demandeur ne résultaipas desdits traités
multilatéraux.Or, la Cour dans son arrêtne le faitpas. Je répètequeje suis
convaincu que, puisque la Cour avait déclaréque la réserveVandenberg
était applicable, ce qui est justà mes yeux, la Cour ne devait pas et ne
pouvait d'ailleurs pas connaître, au titre de l'article 36, paragraphe 2, du
Statut, de l'ensemble du différend portant sur les activités militaireset
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci)qui étaientreprochées aux
Etats-Unis.

II. NON-JUSTICIABILIT DÉE LA PRÉSENTE AFFAIRE . LA REQUÊTE DU
NICARAGUA EN TANT QUE FONDÉE SUR L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 2,
DU STATUT DEVAIT ÊTRE DÉCLAREE IRRECEVABLE

A. Introduction

15. Pour établir la compétence d'un tribunal, il faut déterminer si le
différendqui est soumis à sonjugement relèvebien de lajuridiction qui a
étéspécifiquement conférée à ce tribunal par un instrument de base, de
tellesorteque laquestion de lacompétencedoitêtretranchéeenprioritéet
d'aprèsles termes dudit instrument. En revanche, la question de la rece-
vabilité d'une demande appelle l'application de règles fondamentales
d'administration delajustice, qui permettent d'établirs'ilconvient ou non
que la fonction judiciaire soit exercée relativement aux points en litige.

Dans la mesure où la réponse a cette question suppose la qualification
exacte de cesquestions, la recevabilitén'apas nécessairement uncaractère
préliminaire :ellene peut pas alors êtretranchée avant l'examen aufond.
Mais elle est toujours prioritaire d'un point de vue plus strict puisque
aucune conclusion ne peut êtreformuléesur lefond tant qu'ellen'apas été
résolue.On lit à ce propos dans l'arrêt :

t<notamment lorsque ce caractère [préliminairedes objections] n'est
pas exclusifpuisqu'ellescomportent àlafoisdes aspects préliminaires
et des aspects de fond, elles devront êtreréglées austade du fond
(par. 41).

16. Dans son arrêtde 1984, la Cour a rejetécertains motifs que les
Etats-Unis invoquaient pour conclure àl'irrecevabilitédelarequête(C. I.J.Recueil 1984, p. 429-441). Mais il me semble que l'arrêtde 1984n'a pas

réglé unequestion qui demeure essentielle, celle de la justiciabilité du
présent différend.Au sujet de lajusticiabilité, la Cour a fait observer dans
leprésentarrêtque les Etats-Unis n'avaient pas soutenu qu'il ne s'agissait
pas d'un <différend d'ordre juridique ))et elle a déclaré :

(laCour peut ..seborner ici à conclureque, dans lescirconstances de
la présente espèce, les problèmes de légitimedéfense qui ont été
soulevésfont partie de ceux qui relèventde sa compétenceet qu'elle
est en mesure de régler ))(par. 35).

17. J'estime que la requêtedu Nicaragua aurait dû êtredéclarée non
justiciable puisque à mon avis le différendn'est pas de ceux qui rentrent
dans la catégoriedesdifférends <(d'ordrejuridique au sensque doit avoir
l'article 36, paragraphe 2, du Statut. On peut soutenir (et c'est ce que le
présentarrêttente délibérémentde faire, voir le paragraphe 32) qu'en se
prononçant sur sacompétencela Cour a réglé laquestion de l'appréciation
delacompétenceque pourrait lui conférercettedisposition du Statut. Or la
question de savoir si le différend doit êtreconsidérécommejusticiable en
tant que <<différendd'ordrejuridique au sensdu Statut relèvedu fond de

l'affaire. En conséquence elle méritait et exigeait d'êtreréexaminée au
stade actuel (voir ci-après la section B).
18. En outre, même simon point de vue étaitmal fondé,il me semble
qu'ilaurait été prudent,compte tenu du fond de la présente affaire,que la
Cour estimejudiciairement inopportun de continuer a connaître d'une
affaire si fortement marquée par des problèmes délicatsqui sous-tendent
les relations politiques de nombreux Etats :cet étatde fait explique sans
doute en grande partie la vigueur avec laquelle le défendeur a d'abord
constesté puis semblé défierla compétence de la Cour (voir ci-après la
section C).

19. Telles sont lespositions quej'ai prises tout au long de I'examende la
présenteaffairepar la Cour, etje regrette qu'il n'enait pas ététenu compte
dans l'arrêt.

B. Portée limitée des mots «différends d'ordrejuridiqu )
dans leparagraphe 2 de l'article 36 du Statut

1. La justiciabilitéet la notion de différends d'ordre juridique -. Hisfo-
rique

20. A propos de la notion de <<différends d'ordre juridique et de la
mission de la Cour internationale de Justice, on peut rappeler les deux
dispositions suivantes :

Chartedes Nations Unies, article 36, paragraphe 3
<<En faisant les recommandations prévues au présent article, le
Conseil de sécuritédoit aussi tenir compte du fait que, d'une manière
générale, les différendsd'ordrejuridique devraient êtresoumis par les parties àla Cour internationale de Justice conformément aux dispo-
sitions du Statut de la Cour.

Statut de la Courinternationalede Justice, article36,
paragraphe 2
Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel

moment,déclarerreconnaîtrecommeobligatoire deplein droit etsans
convention spéciale, à l'égardde tout autre Etat acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différendsd'ordre
juridique ayant pour objet :
a) l'interprétation d'untraité ;
b) tout point de droit international ;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait la violation
d'un engagement international ;

d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international. ))
Sil'onfait l'historiquedu règlementdes différendsinternationaux par voie
arbitrale oujudiciaire, on voit bien que les(différendsd'ordrejuridique

soumis àun tel règlementétaientlimitéspar leur objet et,d'une façonplus
générale,que leur soumission à une telle forme de règlement dépendait
toujours en fin de compte de l'assentiment des Etats en litige.

i) Le conceptde ((différends d'ordrejuridique soum isI'arbitrageobli-
gatoire u avant la création de la Courpermanente de Justice interna-
tionale

a) Les conventionsde 1899 et de 1907pour le règlement pacifique des
conflitsinternationaux
21. Conformémentauxprécédentsconstituép sar lesclausesd'arbitrage
inscrites dans quelques traités bilatérauxvers la fin du XIXesiècleet par

quelques traités d'arbitrage, généralementconclus entre pays de I'hémi-
sphère occidental, la convention de 1899pour le règlement pacifiquedes
conflits internationaux contient la disposition suivante :
<Dans les questions d'ordre juridique, et en premier lieu dans les
questions d'interprétation ou d'application des conventions interna-

tionales, l'arbitrage est reconnupar les Puissances signatairescomme
lemoyen leplus efficaceet en mêmetant lepluséquitablede réglerles
litigesqui n'ontpas étérésoluspar lesvoiesdiplomatiques. u(Art. 16.)
(Conférenceinternationalede lapaix de Lu Haye, 1899,p. 227.)
La soumission à l'arbitrage étaitloin d'êtreobligatoire.

22. La convention de 1899 fut modifiéesur ce point à la deuxième
conférencede la paix, en 1907,par la simple adjonction d'un paragraphe
ainsi rédigé :
<En conséquence,il serait désirableque, dans les litiges sur les
questions susmentionnées,lesPuissancescontractantes eussent, lecas échéant,recours à I'arbitrage, en tant que les circonstances le per-
mettraient. (Art. 38.)(Deuxièmeconférenceinternationald ee lapaix

de La Haye, Actes et documents, vol.1, p. 610.)

La seconde conférencede la paix, tenue en 1907, ne réussit donc pas à
instaurer l'arbitrage obligatoire. Un projet visant àl'instaurer fut mis aux
voixpar la première commissionde laconférence, maisilnefut finalement
pasjugé acceptable. Le texte rejeté,qui aurait étéajouté à l'article 16de la
convention de 1899,tendait à établirque :

(Lesdifférendsd'ordrejuridique et,enpremier lieu,ceuxrelatifs à
l'interprétation des traités existant entre deux ou plusieurs des Etats
contractants, qui viendraient désormais à seproduire entre eux, et qui

n'auraient pu êtrerégléspar la voie diplomatique, seront soumis à
I'arbitrage,à la condition toutefois qu'ils ne mettent en cause ni les
intérêtsvitaux, ni l'indépendance ou l'honneur de l'un ou l'autre
desdits Etats, et qu'ils ne touchent pas aux intérêts d'autresEtats ne
participant pas au litige. (Art. 16a.) (Ibid., p. 537.)

23. Toutefois, le projet énonçaitque «certains des différends [visés à
l'article 161sont de nature à êtresoumis à l'arbitrage sans les réserves
mentionnéesdans l'article 16a (art. 16c)(ibid.),et énumérait commetels
les différends suivants :

(1. Contestations concernant I'interprétation et l'application des

stipulations conventionnelles relatives aux matières suivantes :
1. Assistance gratuite réciproque des malades indigents.
2. Protection ouvrière internationale des travailleurs.
3. Moyens de prévenirles collisions en mer.
4. Poids et mesures.

5. Jaugeage des navires.
6. Salaires et successions des marins décédés.
7. Protection des Œuvres littéraires et artistiques.
II. Réclamations pécuniaires du chef de dommages, lorsque le
principe de l'indemnité estreconnu par les parties. (Art. 16d.)

(Ibid.)

Il fut aussi proposé d'élaborer un protocole énumérant ((les autres
matières [reconnues par la suite comme] pouvant faire l'objet de stipula-
tions d'arbitrage sans réserve[souscondition de réciprocité] )>(art. 16e)
(ihid.). Le délégué britannique proposa alors un protocole auquel était
annexéela liste des matières suivantes :

((1. Réclamationspécuniairesdu chef de dommageslorsque le prin-
cipe de l'indemnité estreconnu par les parties.
2. Assistance gratuite réciproque des malades indigents.
3. Protection ouvrière internationale. 4. Moyens de prévenir les collisionsen mer.
5. Poids et mesures.
6. Jaugeage des navires.
7. Salaires et succession des marins décédés.
8. Protection des Œuvres littéraires et artistiques.

9. Régimedes sociétés commercialeset industrielles.
10. Contestations pécuniaires à cause d'actes de guerre, de guerre
civile, de l'arrestation des étrangers ou de la saisie de leurs
biens.
11. Règlementssanitaires.
12. Assimilation des étrangers aux nationaux quant aux taxes et
impôts.
13. Tarifs de douane.
14. Règlements concernant les épizooties,le phylloxéra et autres
fléaux similaires.
15. Systèmes monétaires.
16. Droits des étrangers d'acquériret de posséderdes biens.
17. Procédurecivile et commerciale.
18. Contestations pécuniaires lorsqu'il s'agit de l'interprétation ou
de l'application des conventions detoute espèceentre lesparties
en litige.

19. Conventions de rapatriement.
20. Conventions postales. télégraphiques et téléphoniques.
21. Taxes exigéesdes navires, droits de quai, de phare, de pilotage,
charges et taxes de sauvetage imposéesen cas d'avaries ou de
naufrage.
22. Droit international privé. (Art. 16e.) (Deuxième conférence
internationalede lapaix de La Haye, Actes et documents, vol. 1,
p. 542.)

On constate que, bien que le but poursuivi eût été desoumettre les diffé-
rends en question à l'arbitrage obligatoire, leprojet contient, d'une part
une réserve selon laquelleil faut que ces différends

<(ne mettent en cause ni les intérêtsvitaux, ni l'indépendance ou
l'honneur de l'unou l'autredesdits Etats,et qu'ilsne touchent pasaux
intérêts d'autres Etatsne participant pas au litige

et d'autre part une énumérationlimitative des matières extrêmement
techniques et principalement non politiques pouvant faire l'objet des dif-
férendsque les parties seraient convenues sans réservede soumettre à
l'arbitrage.
24. Leprojet lui-mêmenefut pas misauxvoixen séanceplénière eitlest
inutile d'insister sur lefait que la conférencede 1907n'apas étécouronnée
de succès,loinde là,du moinsen cequi concerne l'arbitrage obligatoire. Il
importe toutefois de releverque, mêmedans ceprojet, iln'étaitproposéde
soumettre àl'arbitrage obligatoire qu'un nombre restreint de différends
d'ordre juridique, et en premier lieu, ceux relatifs à l'interprétation des traités)- selon un choixlimité à des matièresprincipalement techniques.
Il apparaît doncque même lesrédacteurslesplus idéalistesétaient enclins
à considérerque la notion de différend justiciable devait êtrelimitéeau
point de ne viser que quelques questions trèstechniques ou de procédure.

b) Les diffërendsjusticiables danslestraités d'arbitrage du débu det ce
siècle

25. Quatre ans après l'adoption de laconvention de 1899mais avant la
deuxièmeconférenceinternationale de lapaix de 1907,letraitébilatéralde
1903entre la France etlaGrande-Bretagne souleval'intérêt mondiaé l,tant
le premier pas des pays européens vers la soumission obligatoire des
différendsinternationaux au règlementpar arbitrage. 11fut suivi par huit
traités analoguesconclusavant 1907,auxquels la plupart du temps soit la
France soit l'Angleterreétait partie.Lenombredes traités bilatérauxde ce
genre conclus entre 1907 et les annéesvingt s'élève à vingt-neuf. A la

différencedu traité multilatéralde 1899,ce modèlede traitébilatéralfixa
une règleobligatoire pour les deux parties contractantes touchant la sou-
mission obligatoire de certains types de différends à la Cour permanente
d'arbitrage. Dans letraitéde 1903,ilest stipuléque << lesdifférendsd'ordre
juridique ou relatifs à l'interprétation des traités existant entre les deux
Parties contractantes seront soumis à la Cour permanente d'arbitrage
(article premier). Cette soumission obligatoire est limitéepar une condi-
tion figurant dans chaque traité, à savoir que

<([lesdifférends]ne mettent en cause, ni les intérêts vitauxni l'indé-
pendance ou l'honneur des deux Etats contractants, et qu'ils netou-
chent pas aux intérêts de tierces puissances (article premier)(Nou-
veau recueil généra dles traités,. XXXII, p. 480).

Cette clausecélèbreq , uiénoncelesquatre réserves àl'arbitrage obligatoire
(intérêtsvitaux, indépendanceet honneur des Etats contractants, intérêts
des tierces puissances) et qui a étéincorporéepar la suite dans le projet
présenté àlaconférencede La Haye de 1907,commeje l'aiindiqué, avu le
jour avec le traitéde 1903.Il faut relever aussi que les parties devaient
commencer, dans chaque cas particulier, par signer un compromis spé-
cial

déterminant nettement l'objet du litige, l'étenduedes pouvoirs des
arbitres et les délaià observer, en cequi concerne la constitution du
tribunal arbitral et la procédure ))(art. II).

26. En 1911,le Gouvernement des Etats-Unis d'Amériqueconclut res-
pectivement avec la Grande-Bretagne et la France des traités généraux
d'arbitrage qui disposaient que :

Tous différends s'élevantdésormais entre les Hautes Parties
contractantes ...se rattachant à desquestions internationales intéres-
sant lesHautes Partiescontractantes etprovenant d'uneréclamationde droit forméepar l'unecontre l'autreen vertu d'un traitéoud'une autre
cause, et qui sont de nature à comporter un règlementjudiciaire du
fait qu'ils peuventêtrerésoluspar application des principes du droit
ou de l'équités,eront soumis àla Courpermanented'arbitrage ..ou à
tel autretribunalarbitralquipourra être instituédans chaque cas par

un compromis spécial. (Article premier.) (Revue générale de droit
internationalpublic, t. XVIII, 1911,p. 655.)
Dans un traitécomme dans l'autre ilest prévuque,lorsque lesparties sont
endésaccordsurlaquestion de savoirsiundifférendestounon susceptible

d'arbitrage aux termes du traité, la question sera soumise à une haute
commission mixte d'enquête et que,si tous lesmembres de la commission
ou tous sauf un sont d'accord pour déclarerque le différendentre dans la
catégoriede ceux que vise l'article premier, il sera soumis à l'arbitrage
(art. III). Ces traités auraient représenté un progrèsconsidérable du point
de vue du règlement obligatoire des différends mais ils n'obtinrent pas
l'approbation du Sénatdes Etats-Unis, notamment en raison de la notion
extrêmementnouvelle de la détermination de la compétencedu tribunal
par un organisme tiers. Ainsi, une tentative de plus d'instituer l'arbitrage

obligatoire avait échoué.

ii)Lesdiffërendsjusticiableset nonjusticiablesselon lePactedelaSociété
des Nations etselonle Statut de la Courpermanente de Justice inter-
nationale

a) Le Pacte de la Société des Nations

27. A partir de 1918, oncommença à élaborerdesplans pour créercette
institution d'après-guerre.Le règlementpacifique des différends interna-
tionaux étaitl'une des principales questions, et l'on avait toujours consi-
déré que sicertainsdifférendsétaientsusceptibles d'unesolutionarbitrale,
d'autres pourraient êtreréglés de façon plus satisfaisante par cette insti-

tution mondiale ou par la voie d'une conciliation confiée àun organe que
créerait cette institution. L'un des premiers projets, proposé par lord
Phillimore en 1918.distinguait en particulier quatre types de différends
susceptibles d'une solution arbitrale, à savoir les différends relatifs à
l'interprétationd'un traité )), à tout point de droit international o. <à la
réalitéde tout fait qui, s'ilétait établi, constitueraitla rupture d'un enga-
gement international )),ou <(àl'étendue ou à la naturede la réparationdue
pour une telle rupture ))Il contenait aussi la disposition suivante :((l'ar-
bitrage est reconnu par les Etats alliéscomme le moyen leplus efficace et

en même temps leplus équitable de régler ledifférend r)(David Hunter
Miller, The Draftingof the Covenant,vol. II,p. 4).Le général Smuts, qui
étaitledélégué britannique à laconférencede lapaix de Paris, a également
mentionnéces quatre types de différends à propos des deux classes de
litiges, les justiciables et les autres (ibid., p. 56). Dans tous les autres
.ro-ets relatifsàla créationde la future organisation mondiale, ilétaitfait
mention de ces quatre types de différends. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS. ODA) 226

28. La commission de la Sociétédes Nations constituéepar la confé-
rence des préliminairesde paix pour étudier la constitution de la Société
desNations commença sestravaux le3février1919.Leprojet de pacte, qui
comprenait quelques dispositionssur le règlementdes différends(art. 10-
13)fut élaboré.Il reposait sur l'idéeque les hautes parties contractantes
<(ne recourraient en aucun cas à la force arméeavant d'avoir soumis les
questions et les faits du litigeà l'arbitrage ou à une enquêtedu Comité
exécutif O (art. 10)(La paix de Versailles,vol. II, p. 117) et contenait la
disposition suivante :

Article Il. Les Hautes Parties contractantes conviennent que
lorsqu'il s'élèvereantre ellesun différendou une difficultésusceptible
d'êtresoumis àl'arbitrage et ne pouvant êtreréglé par la diplomatie,
elles soumettront la question pleine et entière à I'arbitrage...)(Ibid.,

p. 117.)
En outre, l'idéede créer uneCour permanente de Justice internationale a
étéémisedans ce projet de pacte (art. 12).

29. Lors de la deuxièmelecture du texte, le 24 mars 1919,lord Robert
Cecil, soucieux d'o établir une distinction entre les différendsjusticiables
et nonjusticiables ))(David Hunter Miller, The Draftingof the Covenant,
vol. II, p. 348), proposa la variante ci-après, qui avait d'ailleurs déjàété
proposéepar lord Phillimore plus d'un an auparavant :

<Si un différend s'élèveentre les Etats Membres de la Société,
relatifà l'interprétation d'un traité,à une question de droit interna-
tional,à l'existence de tout fait qui constituerait une infraction aux
obligations internationales, ou à l'étendueet à la nature de la répa-
ration à faire pour une telle infraction, si un tel différendne peut pas
êtreréglé de façon satisfaisante par la diplomatie, les Etats Membres

de la Sociétéreconnaissentquel'arbitrage est lemoyen le plusefficace
et, en même temps,lepluséquitable,de réglerce différend ;et ilssont
d'accord pour soumettre à l'arbitrage tout le différendqu'ils recon-
naissent être de cette nature. )) (La paix de Versailles, vol. II,
p. 366.)

Le 10avril, lors de l'examen du projet de pacte modifiépar le comitéde
rédaction, lord Robert Cecil déclara encore que :

((ilétaitdifficile de poser une règlestricte. Par exemple on ne pouvait
pas dire que la question de l'interprétation d'un traité devrait être
soumise à l'arbitrage dans tous lescas. Il pourrait arriver qu'une telle
interprétation mette en cause l'honneur~ou les intérêtsvitaux d'un
pays. Dans un tel cas, la question devrait plutôt êtresoumise à
l'examendu Conseil de la SociétéI.l serait dangereux pour l'avenirdu
principe de I'arbitragede l'imposerde façon trop stricte dans un grand
nombre de cas. (David Hunter Miller, TheDraftingofthe Covenant,
vol. II, p. 378.)La version finale du projet de pacte fut adoptée àla dernière séancede la
commission, le 11 avril 1919.
30. Sur le règlementarbitral oujudiciaire des différends, le Pacte de la
Sociétédes Nations contenait les dispositions suivantes ':

Article 12

1.Tous lesMembres de la Société conviennentque, s'ils'élève entre
eux un différend susceptible d'entraîner une rupture, ils le sou-
mettront soit à la procédure de l'arbitrage *, soit à l'examen du
Conseil ...
Article 13

1.Les Membres de la Société conviennent que s'il s'élèveentre eux
un différendsusceptible, àleur avis,d'une solution arbitrale*, et sice
différendne peut se réglerde façon satisfaisante par la voie diplo-
matique, la question sera soumise intégralement à l'arbitrage*.

2. Parmi ceux qui sont généralement susceptiblesde solution arbi-
trale*, on déclaretels les différendsrelatifs à l'interprétation d'un
traité,à tout point de droit international,à la réalitéde tout fait qui,
s'ilétait établi, constitueraitla rupture d'un engagement internatio-
nal, ou àl'étendueou à la nature de la réparation due pour une telle

rupture. ))
Le 28 avril,à la conférencede la Paix, le présidentWilson des Etats-Unis
d'Amériquedonna l'explication suivante :

Lesecond paragraphe de l'articleXII1est nouveau et apour objet
dedonnerdes exemplesde différendsquisont généralementreconnus
comme susceptibles d'unesolutionarbitrale,des exemplesdecequ'on
a récemmentappelé desquestions<j< usticiables.))(Lapaix despeuples,
vol. 2, p. 390.)

C'est ainsique la SociétédesNations en vint à déclarerque lesquatre types
de différendsque lord Phillimore avait proposés à l'origine étaientgéné-
ralement reconnus comme susceptibles d'une solution arbitrale.

b) Le Statut dela Courpermanente de Justice internationale
31. Réuni à La Haye, le comitéconsultatif de juristes constitué en
application de la première phrase (que je n'ai pas citée)de l'article 14
élabora un avant-projet relatif à la créationd'une Cour permanente de
Justice internationale. Reprenant la classification en quatre types de dif-
férends, ceprojetcontenait lesdispositionsci-aprèssurlacompétencede la
Cour :

A la suite de la créationen 1924de la Cour permanentede Justice internationale,
qui avaitété annoncéeientdiquéedans l'article,le règlementjudiciairea été men-
tionné après chacudnes astérisquesde ce texte. ((Article 34

Entre Etats Membres de la Société des Nations la Cour statuesans
convention spéciale sur les différends d'ordrejuridique, qui ont pour
objet :

a) l'interprétation d'un traité ;
b) tout point de droit international;
c) la réalitéde tout fait, qui, s'ilétait établi, constituerait laviolation
d'un engagement international ;
d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international ;
e) l'interprétation d'une sentence rendue par la Cour.

La Cour connaît égalementde tous différends,de quelque nature
qu'ilssoient,qui lui sont soumis par la convention, soit générale, soit
spéciale,des parties.
En cas de contestation sur le point de savoir si un différend rentre
dans lescatégories ci-dessusvisées,laCour décide. )>(C.P.J.I.,Comité
consultatif de juristes, Procès-verbaux des séances du comité, p. 679.)
(Les italiques sont de moi.)

32. Le point de vue du comitéconsultatif de juristes se heurta à des
objections formuléespar plusieurs déléguéa su Conseil de la Sociétédes
Nations, lequel examina l'avant-projet au coursde sessessionsde février à
octobre 1920.Cesdéléguéfs irent valoir que, même silesEtatsadmettaient

lecaractère obligatoire de lajuridiction dans les cas énoncésdans l'article
proposé,ils n'iraient peut-être pasjusqu'àadmettre que toutpoint de droit
international sans exception pût êtresoumis à la Cour. Dans le rapport
présenté par ledélégué de laFrance, M. Léon Bourgeois,le27octobre 1920
à la dixième sessiondu Conseil tenue à Bruxelles, on lit le passage sui-
vant :

<Nous ne croyons pas nécessairede discuter ici les avantages qui
résulteraient, pour la bonne administration de la justice internatio-
nale et pour ledéveloppementde l'autoritéde la Cour, du systèmede
la compétence obligatoire proposépar le comitédes juristes. Mais,
puisqu'il s'agit, en réalité, d'une modification à apporter aux ar-
ticles 12 et 13 du Pacte, le Conseil estimera sans doute qu'il ne lui
appartient pas, à I'heure où va se réunirpour la première fois l'As-

semblée générald ee la Sociétédes Nations, de prendre l'initiative de
propositions de modifications du Pacte dont l'application et la garde
lui ont étéconfiées.

Ce qui paraît nécessaire, à l'heure actuelle, pour l'autoritéde la
Sociétédes Nations, c'est que, dès ses débuts, des divisions ne se
produisent pas sur les règles essentielles poséesdans le Pacte ..)) (Sociétédes Nations, C.P.J.I., Documentsausujetdemesuresprises par
le Conseilde la SociétédesNations aux termesde l'article14duPacte,
p. 47.)

Léon Bourgeoisproposa que le Conseil remplace les articles 33 et 34 de
l'avant-projet élaboréà La Haye par un nouveau texte, qui fut finalement
adoptépar le Conseil, sous la forme suivante :

Article 33

La compétencede la Cour est réglée par les articles 12, 13et 14du
Pacte.
Article 34

Sans préjudicede la faculté conférée par l'article 12du Pacte aux
parties en litige de le soumettre, soità la procédure judiciaire ou
arbitrale, soit l'examendu Conseil, la Cour connaîtra sans conven-
tion spécialedes litiges dont le règlement estconfié à elle, ou à la
juridiction instituéepar la SociétédesNations, aux termes des traités
en vigueur. ))(Ibid., p. 47.)

33. Pendant que l'Assembléese réunissait,du 24 novembre au 7 dé-
cembre 1920,une sous-commission de la Troisième Commissionprocéda
à une étudeapprofondiede l'avant-projet decréationdelaCour etproposa
ce qui suit:

Quelque divergence d'opinions qu'il puissey avoir sur l'interpré-
tation du Pacte en ce qui concerne l'acceptation d'unejuridiction
obligatoire en dedans du cadre de ses dispositions, ainsi que sur
l'opportunité politique d'accepter une juridiction inconditionnel-
lement obligatoire dans les rapports internationaux, la Sous-Com-
mission s'est arrêtéedevant la considération que l'unanimité des
Membres de la Sociétédes Nations est nécessairepour I'établisse-
ment de la Cour, et quecette unanimiténe semble pouvoir êtreobte-
nue que sur la base des principes établis par le projet du Conseil. ))

(Ibid., p. 210-211.)
La sous-commission rédigeaalors un nouveau texte visant à énonceraussi
clairement que possible les idées suivantes :

<<1.Lacompétencede laCour esten principe fondéesur un accord
entre les parties. Cet accord peut résulterd'une convention spéciale
soumettant un cas déterminé à la Cour, ou bien d'un traitéou d'une
convention générale envisageant unensemble d'affaires d'une cer-

taine nature.
2. En ce qui concerne le droit d'assignation unilatéralevisépar les
mots <<sans convention spéciale du projet du Conseil, la Sous-
Commission n'a pas, ensupprimant ces mots, changéle sens dudit
projet. Conformément à la proposition du Conseil, le texte préparé par la Sous-Commission n'admet cedroit quequand ilsebase sur une
convention des parties. La question doit, d'aprèsl'avis de la Sous-
Commission, êtrerésoluede la manièresuivante :si une convention
établit sansaucuneréservelajuridiction obligatoire pour certains cas
ou pour certaines matières (comme lefont certains traités généraux
d'arbitrage ainsi que certaines clauses des traitésde paix visant les
droits des minorités,le travail, etc.) chacune des parties a, en vertu
d'un tel traité,le droit sans une convention spéciale(un compromis)
de recourir à la juridiction convenue. Par contre si la convention

générale est soumise à certaines réserves (((intérêts vitaux )),((indé-
pendance O, <honneur O,etc.) dont l'appréciation,d'après lestraités,
appartient auxparties elles-mêmes,les parties ne peuvent pas recourir
à la juridiction internationale sans un accord préalable (compro-
mis) ..))(Société desNations, C.P.J.Z.,Documentsausujetdemesures
prises parle Conseilde la Société desNations aux termes del'article 14
du Pacte, p. 211 .)

Le projet provisoire rédigépar le Conseil fut modifiécomme suit par la

Sous-Commission :
((Article 36 (Bruxelles, art. 33)

Lacompétencede laCour s'étend à toutesaffaires que lesparties lui
soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévusdans les
traités et conventions en vigueur.

Article 37 (Bruxelles, art. 34)
Lorsqu'un traité ou convention envigueurvise lerenvoi a unejuri-
diction à établirpar la Société des Nations, la Cour constituera cette

juridiction. ))(Ibid., p. 218.)
34. Cependant, au cours desdélibérationsde la Troisième Commission

de la première Assemblée, le délégu du Brésil,M. Fernandes, présenta le
texte qui avait été adopté parle comité consultatifdejuristes mais aban-
donné par le Conseil (citéci-dessus au paragraphe 31), et auquel était
annexée une disposition transitoire ainsi rédigée :

<(Article
En ratifiant la décisionde l'Assembléeconcernant i'adoption de ce
statut, les Membres de la Société desNations sont libres d'adhérer à

l'un ou l'autre des deux textes de l'article 33. Ils peuvent adhérer
purement ou sous condition à celui qui comporte une juridiction
obligatoire, la condition pouvant consister dans la réciprocitéde la
part d'un certain nombre de Membres ou de certains Membres, ou,
encore,d'un nombre de Membres où soient compris telset telsd'entre
eux. ))(Ihid., p. 168.)

Cette proposition fut adoptée avec quelques modifications. La TroisièmeCommission, dans son rapport, indiqua à propos de l'article 36 qu'une

nouvelle disposition avait étéajoutéedont le sens était le suivant :
«elledonne lafacultédechoisir lajuridiction obligatoire ou bien pour
toutes les questions énumérées à l'article, ou bien seulement pour
certaines de ces questions. Elle établit enoutre la possibilitéde dési-

gner les Etats (ou Membres de la Société des Nations) vis-à-visdes-
quelschaque gouvernement estdisposé à assumer unejuridiction plus
étendue. ))(Ibid., p. 222.)
35. Letexte,modifiépar laTroisième Commission àsadernièresession
tenue le 10 décembre 1920,fut finalement adopté avec encore d'autres

légères modifications etdevint l'article36du Statutde laCourpermanente
de Justice internationale. Dès lors, leStatut dispose notamment :
<Article 36

..LesMembres dela Société ...pourront ..déclarerreconnaître dès
a présentcomme obligatoire, de plein droit et sans convention spé-
ciale ...lajuridiction de la Cour sur toutes ou quelques-uned ses caté-
gories de différends d'ordrejuridiqua eyantpour objet :

a) l'interprétation d'un traité ;
b) tout point de droit international ;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait la violation
d'un engagement international ;
d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international. ))(Les italiques sont de moi.)

Dans le Pacte de la Société des Nations, c'esten termes généraux qu'il est
dit que les différends ))énumérés sont de ceux qui (<sont généralement
susceptibles de solution arbitrale ; en revanche, dans leStatut de laCour
permanentede Justice internationale il est prévu uneacceptation faculta-
tive de la juridiction de la Cour pour les <différends d'ordre juridique
ayant pour objet )) les quatre catégories spécifiéed sans le Pacte.

iii)La notionde différendsjusticiablesaprès lacréationde la Courper-
manentede Justice internationale

36. Aprèsla première guerre mondiale, et plus particulièrement a par-
tir de 1925,un grand nombre de traités bilatéraux furent concluspour
unifier la procédurede conciliation en soumettant divers types de diffé-
rends internationaux à l'arbitrage ou à la juridiction de la Cour perma-
nente de Justice internationale nouvellement créée.En octobre 1925, à
Locarno (Suisse), ou fut paraphé un traitéde garantie mutuelle visant au
maintien du statu quo territorial résultant de la correction des frontières
occidentales de l'Allemagne, cetEtat conclut, respectivement avec la Bel-
gique, la France, la Pologne et la Tchécoslovaquie,des conventions d'ar-

bitrage qui comportaient la disposition suivante :
((Toutes contestations, entre l'Allemagneet [l'autrepartie] de quel-
que nature qu'ellessoient, au sujet desquelles les parties se conteste- raient réciproquement un droit ..seront soumises pourjugement soit

à un tribunal arbitral, soit à la Cour permanente de Justice interna-
tionale ..))(Article premier.) (Sociétédes Nations, Recueil des traités,
vol. 54, p. 304.)
Il était entendu que ces contestations comprenaient << notamment celles
que mentionne l'article 13 du Pacte de la Sociétédes Nations 1)(article

premier) et qu'elles devaient êtresoumises - maisuniquement par voie de
compromis - soit ala Cour permanente de Justiceinternationale, soit à un
tribunal arbitral (art. 16).
37. Issu des travaux du comité d'arbitrage etde sécurité,qui fut cons-
tituépar la commission préparatoire de la conférencedu désarmement en
novembre 1927,l'Actegénéralpour le règlementpacifique des différends
internationaux fut approuvé à la neuvième Assembléede la Sociétédes
Nations en 1928 ; il contenait une synthèse des résultats d'un certain
nombre de traités bilatéraux d'arbitrage ou de conciliation. Quant au

recours au règlementjudiciaire, on décidaque <(tous différends au sujet
desquels les parties se contesteraient réciproquement un droit seraient
soumis pour jugement a la Cour permanente de Justice internationale.
Toutefois, il étaitentendu que ces différends comprenaient <notamment
ceuxque mentionne l'article36du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale ))(art. 17)(Sociétédes Nations, Recueil des traités,vol. 93,
p. 350).
38. Dans les traités d'arbitrage conclus par les Etats-Unis de 1928 à
1930 avec quelque vingt-cinq pays il est prévu de soumettre à la Cour

permanente d'arbitrage ou à un autre tribunal compétent :

<(tous les différends qui pourraient surgir entre les Hautes Parties
contractantes dans des affaires d'ordre international portant sur un

droit qu'une Partie contractante fait valoir à l'égardde l'autre envertu
d'un traité ou autrement ..s'ilscomportent, de par leur nature, une
solutionjuridique, c'est-à-dire sont susceptibles d'êtreréglés par l'ap-
plication des principes du droit et de l'équité ...))(Article premier.)
(Sociétédes Nations, Recueil des traités, vol. 88, p. 100.)

Un accord spécialpour soumettre le différend à la Cour permanente
d'arbitrage ou aun autre tribunal devait d'abord intervenir entre lesparties
dans chaque cas. En 1929, les Etats-Unis conclurent à Washington avec
dix-neuf Etats d'Amériquelatine le traitégénérald'arbitrage interaméri-
cain, qui appartenait à lamêmecatégorie d'instruments etdisposait que les
parties contractantes s'engageaient à soumettre à l'arbitrage :

<(tous les différends de caractère international qui ont surgi ou qui
pourraient surgir entre elles par le fait de la réclamation d'un droit
faite par l'unecontre l'autre, envertu d'untraitéou autrement ...etqui
est denature juridique, vu qu'elle estsusceptible d'une décision basée
sur l'application desprincipes du droit )(articlepremier) (Société des
Nations, Recueil des traités, vol. 130,p. 141-142).Le traité prévoyait égalementque seraient considérés comme compris
parmi les <(questions d'uncaractèrejuridique (articlepremier) lesquatre
types de différendsprécisés à l'article 13, paragraphe 2, du Pacte de la
Société des Nations. Dans chaque cas, lesparties en litigedevaient rédiger
d'un commun accord un compromis spécialqui définiraitl'objet particu-
lier de la controverse (art. 4).

iv) Les différendsd'ordre juridique considéré cosmme susceptiblesd'un
règlement par la Cour internationalede Justice

39. LesNations Unies ont instituéla Cour internationale de Justice en
tant qu'a organejudiciaire principal des Nations Unies qui <(fonctionne
conformément à un Statut ))(Charte, art. 92) mais la responsabilité prin-
cipale du maintien de lapaix et de la sécuritéinternationalesest confiéeau
Conseil de sécuritélequel doit examineren dernier recours tout différend
dont laprolongation est susceptible de menacer lemaintien de lapaix et de

la sécurité internationales,en tenant aussi compte du fait que, d'une ma-
nière générale, les <<différendsd'ordrejuridique ))devraient êtresoumis
par les parties à la Cour internationale de Justice (Charte, art. 36, par. 3).
40. LeStatut de la Cour actuelle, qui date de 1945et dont ladisposition
pertinente a déjà étécitée(par. 20), suit le modèle de celui de la Cour
précédente,sice n'estque les Etats parties peuvent déclarerreconnaître la
juridiction de laCour <(surtous lesdifférendsd'ordrejuridique ayant pour
objet ... (art. 36, par. 2) et non plus ((sur toutes ou quelques-unes des

catégoriesde différends d'ordre juridique ayant pour objet ...r)et que la
clause facultative annexée auprotocole de signature du Statut antérieur a
été incorporée dans le nouveau Statut (art. 36, par. 3-4). Si on a laissé
tomber la mention des <(catégories )de différendsd'ordrejuridique, c'est
seulement parce qu'on s'estrendu compte que cette expression vagueétait
redondante, et si la clause facultative a été déplacée, ce n'estque par suite
de l'intégration définitivd ee la Cour et de son Statut dans lesystèmede la
Charte. Par conséquent, on ne peut pas dire que la Cour actuelle a une

compétenceplus étenduequesadevancièrerationemateriaesans présumer
que le sens de l'expression <différendsd'ordre juridique ))a évolué.

2. Il est difficilede considérerquelaprésenteaffaireapour objet un «dif-
férendd'ordrejuridique » au sens du Statut

i) Observationsgénérales

41. Aprèsavoir fait la genèsedu paragraphe 2 de l'article 36 du Statut
de la Cour internationale de Justice, je formulerai les observations ci-
après.
42. En premier lieu, il a étépréciséd , ans certains instruments, que les

termes différends d'ordre juridique ))visent les différendsqui ont surgi
ou qui pourraient surgir entre deux parties
<<par le fait de la réclamationd'un droit faite par l'unecontre l'autre,
en vertu d'un traitéou autrement, réclamation ...qui est de nature juridique, vu qu'elle est susceptible d'une décision baséesur I'ap-
plication des principes du droit ..))(par exemple, les traitésgéné-
raux d'arbitrage de 1911 ; Sociétédes Nations, Recueil des traités,
vol. CXXX, p. 140),

et, dans d'autres, qu'ils visent lescontestations <(au sujet desquelles les
parties secontesteraient réciproquement un droit ))(par exemple, les trai-

tésde Locarno de 1925 et l'Acte généralde 1928). Ces définitions ne
doiventpas êtreoubliéesniprises a lalégèrelorsqu'oninterprètelestermes
<(différends d'ordre juridique O tels qu'ils sont employésdans le Statut.
43. En deuxième lieu,les fameuses réservesau règlement arbitral qui
figuraient dans le traitéde 1903entre la France et la Grande-Bretagne et
qui portaient sur lesintérêtv sitaux, l'indépendanceou l'honneur des deux
Etats contractants ainsi que sur les intérêts de tierces puissances disparu-
rent avec la créationde la Société desNations. Mais s'ilen alla ainsi, c'est
bien parce que les différendsmettant en cause des considérations de ce

genre devaient désormaisêtresoumis à l'examendu Conseil, organe poli-
tique principal de la SociétéD . e mêmed , ans lesystèmedes Nations Unies,
c'est au Conseil de sécuritéqu'est confiéeen dernier ressort la mission
d'assurer le règlementpacifique de tout différenddont la prolongation est
susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internatio-
nales.
44. En troisième lieu,ilfaut rappeler que, pendant que leprojet élaboré
par lecomitéconsultatif dejuristes de La Haye étaiten cours d'examen au

Conseil, à Bruxelles,la suggestion visant a soumettre obligatoirement à la
Cour lesdifférendsportant sur toutpoint de droit international rencontra
unecertaineopposition,comme celaressort du rapport de Léon Bourgeois,
et notamment du passage suivant :

<(Si l'on adopte cette thèse des jurisconsultes de La Haye d'une
façon absolue, on va certainement très loin, vu les termes de I'ar-
ticle 34. Que faut-il en effet entendre par les termes <(tout point de
droit international ))? Mêmesi les Etats admettaient la juridiction
obligatoire dans les cas expressémentdéfinisdans I'article,consenti-
raient-ils à allerjusqu'à admettre que toute question de droit inter-

national puisseêtresoumise à laCour ?Desobjectionsa cet égardont
étésoulevéespar plusieurs des gouvernements qui nous ont fait par-
venir leurs observations au sujet de l'avant-projet. ))(Sociétédes
Nations, C.P.J.I.,Documentsausujetde mesuresprises parle Conseilde
la Société desNations aux termes de I'article 14 du Pacte, p. 46-47.)

45. En quatrièmelieu,ilimportede noterqu'a lapremière Assembléede
la Société des Nations la proposition concernant la soumission obligatoire
à l'arbitrage des ((différends d'ordre juridique fut déclarée admissibleà
condition qu'elle soit acceptée volontairement par chaque Etat, comme
devait en témoignerlefutur article 36du Statut. En conséquence, et malgré
ladispositiondu Statut suivant laquelleen casde doute sursacompétence,

la Cour décide (Statut, art 36, par. 6), il faut présumer que 1'Etatqui aacceptévolontairement lajuridiction obligatoire de la Cour (en l'espèceles
Etats-Unis) non seulement l'afaitcompte tenu de sa propre idéede ceque

doit être un différend d'ordre juridique justiciable conformément
à l'article 36, paragraphe 2, du Statut, mais qu'il peut légitimement s'at-
tendre à ce que l'idéequ'il s'enfait soit précisée au besoinet respectéepar
la Cour.
ii) Les précédentsdans la jurisprudence de la Cour actuelle et de sa
devancière

46. Iln'est guèrearrivéque la valeur de cetteprésomptionait l'occasion
d'êtrevérifiéec ,omme il ressort de la pratique suivie lorsque des affaires
ont étéportées devant laCour actuelle et sadevancièreconformément àla
clause facultative de leur Statut. Au total, plus de vingt affaires conten-
tieuses ont étésoumises à la Cour permanente de Justice internationale
maiscellesqui l'ontété sur labase de l'article36,paragraphe 2,semontent
à sept seulement ; trois d'entre elle- Dénonciationdutraité sino-belge du
2 novembre 1865, Losinger et Statut juridique du territoire du sud-estdu
Groënland - ont été finalementrayéesdu rôle de la Cour tandis qu'une

autre, l'affaire de la Compagnied'électricitde Sofia etde Bulgarie,n'apas
trouvéd'issue en raison de la seconde guerre mondiale. Les affaires du
Statut juridique du Groënland oriental,des Phosphates du Maroc et du
Chemindefer Panevezys-Saldutiskissont les trois seules dont la Cour est
restée saisie.Dans la première, aucune exception d'incompétencen'a été
soulevéeDarle défendeur.le Danemark. Dans les deux autres. les excee-
tions souievéesressortaient simplement à la procédure ;la cour
nente va faitdroit etadéclarélareauêteirrecevabledans l'un et l'autre cas.
Iln'estpas arrivéune seulefoisque laCour précédentestatueaufond après
que le défendeureut contesté sa compétence envertu de la clause facul-
tative du Statut.
47. Dans trois des dix affaires soumises à la Cour actuelle en vertu de
l'article 36, paragraphe2, avant la présente instance,1'Etatdéfendeurn'a
pas soulevé d'exceptionsd'incompétenceou d'irrecevabilité(Pêcheries,
DroitsdesressortissantsdesEtats-Unisd'Amérique auMarocet Application

de la conventionde 1902pour réglerla tutelledes mineurs). Dans les sept
autres affaires(Anglo-IranianOil Co., Nottebohm, Certainsempruntsnor-
végiens, Droidtepassage surterritoireindien, Interhandel, Incident aériedu
27,juillet1955et Templede PréahVihéar) lacompétencede la Cour n'aété
contestéequepour desraisons de procédure.La Cour,après avoir rejetéles
exceptions préliminaires soulevées par les défendeurs,n'a statuéau fond
que dans les trois affaires suivantes :Nottebohm, Droit de passage sur
territoireindienet TempledePréahVihéarD . ans cesaffaires,lesexceptions
soulevéespar lesdéfendeursrelevaient de la procédureet ne concernaient
pas lajusticiabilité du différend enraison de son contenu. Avant la pré-
sente affaire, ni la Cour actuelle ni sa devancière n'ont donc jamais été
saisies d'une affaire fondée sur l'article 36, paragraphe 2, et dont lajus-
ticiabilitéaurait étémise en doute en raison du caractère mêmedu diffé-
rend. iii) Conclusion

48. En conséquence, lefait que laCour etsadevancièreont connupar le
passéde quelques affaires portées devant elles sur la base de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut ne permet absolument pas de conclure que l'ac-
ceptation volontaire de l'obligation de soumettre des différendsd'ordre
juridique a la juridiction de la Cour en vertu de cet article équivaut à
accepter de soumettre tous lesdifférends,simarquéspuissent-ils êtrepar la
politique. Bienqu'ilsaient acceptévolontairement la clause facultative, les
Etats-Unis semblent d'avisque le présent différendne rentre pas dans la
catégoriedes<< différendsd'ordrejuridique )>au sens de l'article 36,para-
graphe 2. Même si lesEtats-Unis n'ont pas expressémentsoutenu cette

thèsedurant la phase de l'instance relative à la compétence,laquelle a été
en grande partie consacrée à la situation du demandeur à l'égardde la
juridiction de la Cour, lefait qu'ils sefondaient surl'argument du <<conflit
arméen cours indiquait clairement qu'en tant que défendeurils consi-
déraientque le différendn'étaitpas << susceptibled'une décision baséesur
l'application desprincipes du droit )>- ou, en d'autres termes, que le sens
de l'expression <<différendsd'ordrejuridique n'avait pas évolué au point
de couvrir l'objet de la requête.Il n'ya pas a rechercher si ce point de vue
est juste ou non lorsqu'on a affaire à une acceptation volontaire de la
iuridiction.

49. En résumé,la Cour devait relever que l'expression << différends
d'ordrejuridique ne livre son sens que si on la rapproche du fait que la
juridiction de la Cour sur les <différends d'ordre juridique H ne peut être
acceptéeque volontairement. Dans la présente affairela Cour ne pouvait
pas, comme elle l'avait fait dans l'affaire du Plateau continentalde la mer
Egée,appliquer une notionjuridique élargiequi n'avait pas étéenvisagée
au moment du dépôtde la déclarationcar elle aurait risqué d'imposersa
juridiction, ce qui aurait été contraire aucaractère volontaire d'une telle
déclaration.En revanche,dans l'autreaffaire, ellea agide lasortepour être
bien sûre de respecter le caractère volontaire de la déclaration du défen-
deur.

C. Considérationsrelativesa l'administrationde lajustice qui auraientdû
dissuaderla Courde se prononcer surla requête du Nicaraguasur IRbase
de l'article36,paragraphe2, du Statut

1. La Cour n'aurait pas dûrecevoir la requêtp eour des considérationsde
bonneadministration de lajustice. - Problème préliminaire

50. Mêmesi l'on estime que l'argumentation qui précède(ci-dessus
sect. B)n'est pas bien fondée, etsi l'onconsidèreque le présent différend
constitue un <(différendd'ordre juridique au sens de l'article 36, para-
graphe 2, du Statut du point de vue de la procédure,je persiste a croire
qu'une raison supplémentairede prudence, la bonne administrationde lajustice, permet de conclure que la Cour aurait dû dire que la requêtedu

Nicaragua, en tant que fondée surcette disposition,était nonjusticiable et
par conséquentirrecevable.
51. Je ne nie pas qu'en principe, une fois qu'unejuridiction est dûment
saisie d'un différend qui n'est pas principalement d'ordre juridique, ce
différend peut êtreconsidéré commejusticiable.Le droit interne de bien
des pays rejette lenonliquet d'une façon générale, mêm en I'absence d'une
règlede droit directement applicable, et les tribunaux peuvent théorique-
ment statuer en se fondant sur l'exclusion du non liquet. Le code civil
français de 1804contient la disposition suivante :

Lejuge qui refusera de juger sous prétextedu silence, de I'obs-
curité ou de l'insuffisance de la loi, pourra êtrepoursuivi comme
coupable dedénidejustice. )(Art. 4.)(Code civildes Français, édition

originale et seule officielle,1804,p. 2.)
A propos du droit anglais, sir Frederick Pollock déclaredans une note sur
I'Ancient Law de Maine :

<([Lesjuges anglais]sont tenus de rendre une décisiondans chaque
cas, sioriginale soit-elle ;dans la mesure où cette décision ne s'inspire
pas seulement des faits, elle fait ensuitejurisprudence pour d'autres
affaires semblables ;c'est pourquoi il est de leur devoir de poser au

besoin de nouvelles règles.Peut-être est-ce bienlà la première et la
plus grande règlede notre droit coutumier. ))(Maine, Ancient Law,
avec introduction et notes de sir Frederick Pollock, 1906, p. 48.)

52. Dans le cas du droit international, si l'ona introduit dans le Statut
de la Cour permanente de Justice internationale une disposition suivant
laquelle la Cour applique <(les principes générauxde droit reconnus par
les nations civilisées O, c'est essentiellement pour éviter un non liquet dû
à I'absence de toute règle de droit positif. Le modèle de règles sur la
procédure arbitrale établipar la Commission du droit international en
1958contient la disposition suivante : Le tribunal ne peut prononcer le
non liquet sousprétextedu silence ou de l'obscuritédu droit à appliquer ))
(art. 11) (Annuaire de la Commission du droit international, 1958,vol. II,

p. 88).On relèvera que,dans ce cas, l'exclusiondu non liquet tient à l'ab-
sence d'une autre juridiction.
53. Il n'entre absolument pas dans mes intentions de voir la Cour
déclarerque lesdifférendsrelatifs à l'emploide laforce ou à l'intervention
ne sont en principe pasjusticiables ni de soutenir que la Cour ne pouvait
pas connaître de la présente affaire après avoir dûment jugé la requête
recevable. A mes yeuxcependant le fait que la Courpeut connaître d'une
affaire dès lors qu'elle en est dûment saisie n'implique pas qu'elle doive
exercer sa compétence.A ce sujet,je citerai un passage célèbrede l'arrêt

rendu par la Cour en 1963dans l'affaire du Cameroun septentrional :
<(Dans I'arrêt rendu le 18novembre 1953surl'exceptionpréliminaire
en l'affaire Nottebohm ..la Cour a eu l'occasion d'étudierde façon approfondie la nature et les conséquencesde la saisine de la Cour.
Comme ellel'adit dans cet arrêt, <la saisine de la Cour est une chose,
l'administration de la justice en est une autre o.C'est par l'acte du
demandeur que la Cour est saisie, mais, même si,une fois saisie, elle
estimeavoircompétence,laCour n'estpas toujours contrainte d'exer-
cercettecompétence.Ilya deslimitationsinhérentes àl'exercicede la
fonctionjudiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours

tenir compte. Il peut ainsi yavoirincompatibilité entre, d'un côté, les
désirsd'undemandeur ou mêmedes deux parties à une instanceet, de
l'autre,ledevoir de laCour de conserver soncaractèrejudiciaire. C'est
à la Cour elle-même et non pas aux parties qu'ilappartient de veiller à
l'intégritéde la fonctionjudiciaire de la Cour. (C.I.J. Recueil1963,
p. 29.)

54. 11faut ajouter que laCour ne devrait pas céder à l'impressionque les
Etats devraient accepter sa juridiction pour modifier sa conception du
caractère volontaire de leur acceptation ou pour êtremoins attentive à ne

pas dépasser les limites de chaque acte d'acceptation. C'est ainsi que le
procédé de laréserve <(discrétionnaire 1)peut êtreobjectivement considéré
comme douteux et regrettable mais qu'il doit néanmoins êtrerespecté
comme une manifestation de l'importance que 1'Etat déclarant qui y
recourt attacheau caractèrevolontaire de sonacceptation de lajuridiction
de la Cour. Ilconvient donc que la Cour fassepreuve d'uneprudence toute
particulière en présenced'Etats ayant fait de telles réserves - et c'est
évidemmentle cas des Etats-Unis. Il ne faut cependant pas penser que
j'insinue que l'objetdu présent différendest en quoi que ce soit du ressort

exclusif de lajuridiction nationale de ce pays ;ce n'estévidemmentpas le
cas et les Etats-Unis n'ont pas prétendu le contraire.

2. La notion de ((différendspolitiques ))nonjusticiables. - Comparaison
entre différendjsuridiques et différendspolitiques

55. Commeje l'aidit (sect. B, l), on a toujours considéréau coursde ce
siècleque, pour qu'un différend puisseêtre volontairement soumisaruègle-
ment judiciaire par un Etat, il doit s'agir d'un différenddans lequel les
parties secontestent réciproquementun droit ou d'un différend surun droit
qu'une partie revendique contre l'autre ; les différends comme celui de
l'espèce,dans la mesure du moins où ilconcernedes allégationsde recours
à la menace ou à l'emploi de la force et d'intervention, n'ont pas été
considérés commerentrant dans cette catégorie.La distinction entre dif-

férends ((juridiques ))et <(non juridiques (ou politiques) est certaine-
ment vague puisque, d'une part, un différendjuridique peut entraîner des
désaccords et des tensions politiques et que, de l'autre, tout différend
politique présente presque nécessairementdes aspects juridiques. Or, en
soixante annéesd'existence, ni la Cour permanente de Justice internatio-
nale ni la Cour actuelle n'ont étésaisies, en application de l'article 36,
paragraphe 2, de leur Statut, de différends éminemmentpolitiques. 56. Lesauteurs du Pacte de la Société des Nations n'ignoraient pas que
les différendsqui auraient pu êtresoustraits àlajuridiction de la Cour en
vertu desfameusesquatre réservesdu traitéde1903seprêtaientmieux à un
règlement sur le plan politique international non par une tierce partie
neutre, mais par un organe essentiellement politique tel que le Conseil,
comme lord Robert Cecil l'avait fait observer avec raison lors de l'élabo-
ration du Pacte de la Sociétédes Nations :

((On ne saurait affirmer que la question de l'interprétation d'un
traitédoit êtresoumise à l'arbitrage dans tous les cas. Il peut arriver
qu'une telle interprétation mette en cause l'honneur ou les intérêts

essentiels d'un pays. En pareil cas, la question devrait êtreplutôt
soumise à l'examen du Conseil de la Sociétédes Nations. (David
Hunter Miller, The Draftingof the Covenant,vol. II, p. 378.)

La Société des Nations avait en conséquenceinstituéun système permet-
tant a son organe politique suprême,leConseil, d'offrir une procédurede
conciliation en cas de tensions et de désaccordsfondamentaux entre les
nations, à l'exception des divergences de vues portant sur des problèmes
bien précis, lesquellesétaient viséespar les mots <différends relatifs à
l'interprétationd'un traité, à tout point de droit international, ... (Pacte
de la Sociétédes Nations, art. 13,par. 2).
57. Il ne fait pas de doute que ce parallélismea étéen grande partie
conservépar les Nations Unies. Certes, il est dit à l'article 36de la Charte

des Nations Unies que <d'une manière généralel,es différends d'ordre
juridique devraient êtresoumis par les parties à la Cour internationale de
Justice mais il ne faut certainement pas en déduire que l'expression
différends d'ordre juridique englobe les différends qui ne sont pas
susceptibles d'une solutionjudiciaire en raison de leur caractère éminem-
ment politique. En d'autres termes, il est normal de partir de l'hypothèse
que l'expression différendsd'ordrejuridique )viselesdifférendsdont la
principale caractéristique est d'être ((juridiqueso.Sinon, étant donné que

presque tout différendprésenteun aspect ((juridique O,du moins comme
caractéristiquesecondaire, iln'yaurait eu aucuneraison d'inclure lesmots
<(d'ordrejuridique ))dans cette disposition. En outre, l'expression ((d'une
manière générale sert à préciser qu'il nefaut pasconclurehâtivement que
laprésence d'un élémejn utridique dans un différendentraîne l'application
de cette disposition. Nul n'ignore en effet que cette expression, comme
l'expression <en principe O,permet de définirles exceptions possibles et
lescas limites. De surcroît, on peut remarquer qu'en pratique les parties à
des différendsjuridiques internationaux ne les soumettent généralement

pas à la Cour et que, pour sa part, leConseil de sécuritéapresque toujours
omis de faire des recommandations dans ce sens. On peut déplorercette
situation mais on ne devrait pas l'ignorer car elle montre que la règle est
assez forte.
58. Dans lesystèmedesNations Unies, où lemaintien de lapaix et de la
sécuritéinternationalesest du ressort du Conseil de sécurité, le recours àlaforcecomme moyen de légitimedéfensen'estautoriséquejusqu'à ceque le
Conseil de sécuritéprenne lesmesuresnécessaires,et toutes mesures prises
par 1'Etatmembre qui exerce son droit de légitimedéfense doivent être

immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité.Cela
signifieà mon sens, qu'un différendayantentraîné l'emploide la forceest
par nature et de prime abord un différend quise prêteparfaitement à un
règlement par un organe politique tel que le Conseil de sécurité etqu'il
n'est pas nécessairementjusticiable au point de relever des atiribiitions
propres de l'organejudiciaire.
59. Je ne pose certes pas en principe que,une foisqu'un différend a été
portédevant le Conseil de sécuritéou a étéexaminéau cours de négocia-
tions régionales,il ne peut ni ne doit êtreexaminépar la Cour. La Cour
était parfaitement fondéeàdire, dans sonarrêtde 1984,que <(lefaitqu'une
question est soumise au Conseil de sécuriténe doit pas empêcher laCour
d'en connaître, et [que]les deux procédures peuvent êtremenées parallè-
lement (C.Z.J.Recueil 1984, p. 433). Cependant, la communauté inter-
nationale, en d'autres termes les Etats Membres de la Sociétdes Nations
ou ceux de l'Organisation des Nations Unies, n'ajamais ignoréque cer-
tains différendsse prêtentmieux àun règlementautre quejudiciaire, soit
au Conseil dans lecas de la SociétdesNations soit au Conseil de sécurité

ou à l'Assembléegénérale dans lecas de l'organisation desNations Unies,
soit autrement. L'étudede lajurisprudence desdeux Cours confirme sans
doute possible ce parallélisme vouluentre le systèmede la Sociétédes
Nations et celui des Nations Unies.
60. L'affaire du Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à
Téhéran a souvent étécitée comme exemple d'une affaire hautement
politique sur laquelle la Cour actuelle s'étaitprononcée.Or, dans cecas, la
Cour a étésaisie par une requête desEtats-Unis fondée non pas sur la
clausefacultative, c'est-à-diresur l'article36,paragraphe 2,du Statut, mais
sur des traités multilatérauxet bilatéraux dont l'Iran et les Etats-Unis
étaient tousdeux signataires, autrement dit sur I'article36, paragraphe 1,
du Statut. En conséquence, c'étaiptar rapportà l'objetde cestraitésque la
Cour pouvait se prononcer sur la recevabilitéde la requête,et elle n'avait
pas eu à s'engager,à cet effet, dans des considérations généralesdejusti-
ciabilité ou d'administration de la justice.

3. LA Coura donnéuneimage incomplètedu différend

i) Absence de moyenssuffisantspour établirlesfaits

61. Leprésent différendporte sur des questions liéesaux allégationsdu
Nicaragua selonlesquelleslesEtats-Unis ont recouru àl'emploide laforce
et sont intervenus contre le Nicaragua et aux allégations des Etats-Unis
selon lesquelles ces mesures ont étéprises au titre de la légitimedéfense
collective en riposte aux actions du Nicaragua. Or, l'image que la Cour
donne du présent conflitentre ces deux Etats semble incomplète. L'arrêt
repose par trop sur de simples hypothèses :la Cour présume que,s'ilestvrai qu'il y a eu un flux d'armes entre le Nicaragua et El Salvador avant

1981,iln'yena pas eud'important depuis,et que l'emploide la forcepar le
Nicaragua contre ElSalvadorn'ajamais équivalu, à sonpoint devue, à une
agression armée. Elledit ceci :

<<LaCour seborne àconstater que lesaccusations de trafic d'armes

ne sont pas solidementétablieset nelui ontpas permis en tout cas de
parvenir à la conviction qu'un flux permanent et d'une certaine
ampleur ait pu exister aprèsles tout premiers mois de l'année1981. ))
(Par. 153.)(Les italiques sont de moi.)
[La Cour] nepeut, dèslors, interpréter l'absencedepreuve quant à
ce flux d'armes transfrontalier que de l'une des deux manières sui-
vantes ..))(Par. 154.)(Les italiques sont de moi.)

<<[L]aCour tient pour établi qu'entrejuillet 1979,datede la chute
du régimede Somoza, et les tout premiers mois de 1981, un flux
intermittent d'armes destinées à l'opposition arméeau Salvador tra-
versait le territoire du Nicaragua. Par contre ellenedisposepas d'élé-
ments suffisantspour pouvoir conclure avec certitude que, depuis les
premiers mois de 1981,l'opposition arméeau Salvadorait continué à
recevoir, du territoire du Nicaragua, une assistance appréciable, ou
mêmeque le Gouvernement du Nicaragua soit, pour l'une ou l'autre

de ces périodes,responsable des envois d'armes. (Par. 160.)(Les
italiques sont de moi.)
La Cour a donc dû admettre fréquemmentque les preuves étaientinsuf-
fisantes, notamment en ce qui concerne des faits qui pouvaient être attri-
buésau Nicaragua.

62. Lesconsidérants,fondéscommeillesont sur leséléments depreuve
produits devant la Cour,sont peut-êtreinattaquables - ou attaquables -
du point de vue des règlesde procédurede la Cour en matièrede preuve.
Quoi qu'il en soit, les éléments fournispar les documents officiels du
Gouvernement américainfont apparaître les faits sous un jour tout dif-
férent.Dans un rapport du 13mai 1983(présentépar leNicaragua comme
élémentde preuve), la commission permanente restreinte du renseigne-
ment de la Chambre des représentants constate une fois de plus que :

<(Les rebelles [au Salvador] sont bien entraînés, bien équipés
d'armes et defournitures modernes, et peuvent compter sur I'utili-
sation d'emplacements au Nicaragua àdesfins de commandement et
de contrôle ainsi que sur des moyens d'appui logistique. (P. 5.)

Plus concrètement, ledocument intituléBackgroundPaper :CentralAme-
rira du 27 mai 1983relate cequi suit, dans sa section III :
<(Tout au longde 1981,Cuba, leNicaragua etle bloc soviétiqueont
aidé à reconstituer,à réarmeret a améliorer les forces desguérilleros

salvadoriens, qui ont élargi lechamp de leurs opérationsau coursde
l'automne. ...Lequartier générad lu FMLNau Nicaragua s'esttrans- forméen un centre trèssophistiquéde commandement et de contrôle
- plus perfectionné d'ailleurs que celui dont se servaient les sandi-
nistes contre Somoza. La planification de la guérillaet les opérations
deguérillasont dirigées à partir de cequartier généralo ,ùdes officiers
cubains et nicaraguayens participent au commandement et au con-
trôle. Les directives sont envoyées à des unitésde guérilleros large-

ment disséminées dans l'ensembledu territoire salvadorien. Le quar-
tier généraldu FMLN au Nicaragua coordonne également lapropa-
gande etl'appui logistique destinésaux rebelles, ainsi que leur appro-
visionnement en vivres, médicaments, vêtementsa ,rgent et - ce qui
compte le plus - armes et munitions. (P. 6.)
((Au cours des trois premiers mois de 1982,les envois d'armes au

Salvador ont augmenté. Des armes d'origine cubaine ou nicara-
guayenne ont transitépar leHonduras et sont parvenues au Salvador,
par voie maritime, aérienne et routière. C'est ainsi qu'en févrierdes
groupes de guérillerossalvadoriens ont pris livraison sur la côte d'El
Salvador,prèsd'usulutan, d'unenvoiimportant qui avait été expédié
du Nicaragua par voie maritime. (P. 7.)

Ledocument intituléBackgroundPaper :Nicaragua'sMilitaryBuild-Up and
Supportfor CentralAmericanSubversiondu 18juillet 1984donne d'abon-
dants détails sur ((les opérations d'approvisionnement des guérilleros
salvadoriens par leNicaragua )),<lessources desarmements du FMLN o,
l'entraînement et le stationnement des membres de FMLN et leurs
moyens de transmission O, l'International Connection )),(<l'importance

du réseaude subversion et autres questions du mêmegenre. Dans les
conclusions de ce document, on lit notamment :
Les transfuges des Sandinistes et des guérillerossoutiennent que
le régimenicaraguayen met a la disposition des guérillerossalvado-
riens descentres de transmissions, des abris,des entrepôts d'armes et

des ateliers pour véhicules etqu'il pourvoit au transport des subsis-
tances ...
Des guérilleros d'Amériquecentrale ont étéentraînésau Nicara-
gua, à Cuba et au Viet Nam.
Grâce à ce réseaude subversion auquel participent un certain
nombre de gouvernements et d'organisations terroristes implantées
au Nicaragua, le gouvernement sandiniste peut menacer les pays
voisins et mettre indirectement ses menaces à exécutionpar l'inter-

médiairede l'une ou l'autre de ces organisations. ))(P. 37.)
Ledocument intitulé«Revolution Beyond Our Border» s,Sandinista Inter-
ventionin CentralAmerica,dont la publication date de septembre 1985,a
été adressé à la bibliothèque de la Cour pendant la procédure oralesur le
fond et a étémentionnédans l'arrêt(par. 73). Il contient notamment le

passage suivant :
<(Les sandinistes ne sauraient nier plus longtemps qu'ils sesont
livréset qu'ils continuent à se livrerà une action d'intervention : - En fournissant les armes, les centresd'entraînement, les moyens
de commandement, de surveillance et de communication qui ont
fait des insurgéssalvadoriens désorganiséset divisésune force mili-

taire bien organiséeet bien équipée,composéede plusieurs milliers
d'hommes, et responsable de plusieurs milliers de morts dans la
population civileainsi que de dommages économiques directs d'une
valeur de plus de un milliard de dollars. (P. 31.)
63. En outre, ces élémentsfournis par les Etats-Unis sont étayéspar la
déclaration d'intervention d'El Salvador enregistrée auGreffe de la Cour

le 15août 1984.On y lit notamment :
Une forme flagrante de l'agression nicaraguayenne contre El
Salvador est la contribution des sandinistes à l'approvisionnement
des élémentssubversifs du FMLN. Si les quantités d'armes et d'ap-
provisionnement varient, ainsi que lesitinérairesutilisés,il y a néan-
moins un flot constant d'armes, de munitions, de médicaments et de
vêtementsvenant du Nicaragua et aboutissant dans notre pays.

(Par. VIII.)
Les éléments subversifs, aidés et encouragéspar leurs alliésdu
Nicaragua, détruisent fermes, commerces, ponts, routes, barrages,
centrales thermiques, trains et autobus. Ils minent nos routes dans
l'espoir de mettre le désordredans notre vie économique,et dans le
but d'empêchernos citoyens de participer efficacement aux élections
nationales. Selon des estimations modérées, lemontant des dom-
mages à l'économiesalvadorienne causés par la subversion entre
1979et la fin de 1983est évalué à quelque 800millions de dollars des

Etats-Unis. (Par. XI.)
<(...en ce moment mêmele Nicaragua reste la principale source
d'aide matérielleauxrebelles(munitions,armes,fournitures médicales.
entraînement, etc.) en vue de l'offensivegénérale d'étq éui se dessine
et qui a été annoncéepar le FMLN lui-même (Par. XIII).

64. Cette nette contradiction qui apparaît ainsi dans l'appréciation des
faits découle principalement de trois circonstances qui ne se sont pas
réalisées: premièrement, les Etats-Unis n'ontjamais présentédedemande
reconventionnelle contre le Nicaragua (voir ci-dessous ii)) ; deuxième-
ment, El Salvador n'a pas étéautorisé à intervenir dans l'instance au mo-
ment où il le souhaitait (ibid.) troisièmement, les Etats-Unis n'ont pas
comparu pendant toute la procéduresur le fond (ci-dessous iii)). Une fois
réaliséesc.es circonstancesauraient pu revêtir une telleimportance que la
Cour a étémalaviséede se fonder sur des moyens de preuve qui auraient
alors sans aucun doute donné lieu à une procédure contradictoire nor-
male.Jen'insinuepasquelesconclusionsdiffusées par leGouvernementamé-
ricain en dehors du prétoire devraient êtreacceptéescomme preuves mais

il me semble tout à fait hors de doute que l'image que la Cour a donnée
du présent différendest loin dela réalité. C'est cqui apparaît mêmesion
se borne à examiner les moyens de preuve que les Etats-Unis ont dûmentprésentésen 1984avecleur contre-mémoirerelatif à la compétence et à la
recevabilité - moyens de preuve dont il est à peine fait mention dans
l'arrêt.Je développerai mon point de vue dans les sections qui suivent.

ii) La requête du Nicaraguane reflètequ'uneface du différend

65. On peut faire observer que le conflit en coursentre le Nicaragua et
les Etats-Unis ne met pas simplement en cause les accusations formulées
par leNicaragua contre les Etats-Unis, maisque les accusations des Etats-
Unis contre le Nicaragua ne sont à proprement parler pas en cause en la
présente instance,laquelle a étéintroduite unilatéralementpar une partie
sansquel'autre présentedesconclusionsformelles.Mais ilfaut ajouter que

les faits, tels qu'ils se sont passés,sont peut-êtrerestésdans l'ombre. On
rétorquera peut-êtreque ce problème aurait pu être fort bien résolusi les
Etats-Unis avaientprésentéunedemande reconventionnelle en laprésente
affaireou si ElSalvador avait étéautoriséà participeràl'instance ;mais la
réalité esttoute simple : les Etats-Unis n'ont pas présentéde demande
reconventionnelle (laissons decôtélaquestion de savoirs'ilsauraient pu en
présenterune en l'espèceen vertu du Statut) et la Cour, par son ordon-
nance du 4 octobre 1984,a refusé à El Salvador le droit de participeà la
procédureau moment où il le souhaitait.
66. A propos de la tentative d'intervention d'El Salvador dans la phase
précédentede la présenteaffaire,je saisis cette occasion pour dire queje
regrette d'avoir étéde ceux qui n'ont pas voulu donner à El Salvador la
possibilitéde sefaire entendre ;maisje I'aifait <pour des raisons de pure

procédure O,commeje I'aiindiquédans mon opinion individuellejointe à
l'ordonnance du 4 octobre 1984.Quoi qu'il en soit, la situation crééepar
l'absence de toute demande reconventionnelle des Etats-Unis et par le
refus opposé à ce stade à l'intervention d'El Salvador a effectivement
empêché laCourde sefaire une idéecomplètedu différenddans toutes ses
ramifications, commecelaluiauraitéténécessairepour seprononcer sur le
bien-fondéde l'argument de légitimedéfensecollective, invoquépar les
Etats-Unis.

iii) La non-participation desEtats-Unis à l'instance- L'article 53 du
Statut

67. En l'espèce,leNicaragua aprésenté àlaCourquantitéde moyensde
preuve et a demandé àproduire cinq témoinsmais on ne pouvait certai-
nement pas s'attendre à cequeles uns ou lesautres lui soient défavorables.
Comme les Etats-Unis n'ont pas comparu, lesmoyens de preuve présentés
par le Nicaragua n'ont pas étécontestéset les témoinsn'ont pas étésou-
mis à un contre-interrogatoire mais des membres de la Cour leur ont posé
des questions. De plus, le Nicaragua n'étaitpas obligéde formuler des
observations sur divers documents pertinents des Etats-Unis (il ne l'a
d'ailleurs pas fait) dont certains avaient été dûmentdéposésà la Cour en

1984.
68. A ce stade, je voudrais examiner dans quel esprit ce problème aété traitédans le Statut. La règleénoncéeau paragraphe 1de l'article 53du
Statut a pour origine une règlegénéralede droit interne. Dans les procès
civils,au plan national, l'obligation du défendeurde comparaître enjustice
et de reconnaître lajuridiction du tribunal n'est en généralpas contestée,
d'où la règle selon laquelle lanon-comparution du défendeur suffit pour
que le tribunal puisse donner gain de cause au demandeur. Pour leur part,
les différends interétatiques soumis à un tribunal internationl se situent
dans un contextejuridique différent : lajuridiction du tribunal repose sur

leconsentement d'Etats souverains et il n'yapas dejuridiction obligatoire.
En conséquencele paragraphe 2 de I'article 53 a étérédigéde façon que
ladite règlede droit interne ne puisse pas s'appliquer strictement. Cette
disposition, qui a pour effet d'interdirà la Cour d'adjuger au demandeur
sesconclusions pour lasimpleraison que ledéfendeurn'apascomparu, est
unique en matière de procédure devant une juridiction internationale.

69. Cela ne veut cependant pas dire que la Cour soitobligéede sapropre
initiatived'établir la validitédesmoyens de fait pour le compte du défen-
deur défaillant ou de s'enfaire l'avocat. La façon dont la Cour sepropose,
dans son arrêt,d'apprécierles moyens de preuve et les informations dont
elle dispose est peut-êtrebien conforme au Statut, et c'est à juste titre
qu'elledéclareque lapartie qui s'abstient decomparaîtrene saurait donc
êtreadmise à tirer profit de son absence, car cela reviendraià désavan-
tager la partie qui comparaît ))(par. 31). Mais l'article 53 du Statut n'in-

terdit en rienà la Cour d'essayer d'établirles faitsde sa propre initiative.
Ceque la Cour a pu retenir comme démontréselon lesrèglesde procédure
en matièrede preuve, suivant son interprétation de l'article53du Statut et
de l'article 58 du Règlement, n'estpas nécessairement le reflet fidèlede
toutes lescirconstances qui entourent ledifférend.La Cour aurait donc dû
se garder de s'assurer trop facilement que les conclusions du deman-
deur étaient fondées enfait et elle n'aurait peut-être pas dû serisquer à
rendre un arrêt surla base d'élémentsde preuve aussi peu sûrs.

D. Conclusionssur la non-justiciabilitédu dgférend

70. La présenteaffairesecaractérised'abord par lefait qu'elleporte sur
un différend qui n'est pas d'ordre juridique au sens bien établide I'ar-
ticle 36, paragraphe 2, du Statut, si bien que le défendeur n'avaitjamais
imaginéauparavant qu'il puisse ressortir àlajuridiction qu'il avait volon-

tairement acceptée.Le faire remarquer ne revient pas à vider de son sens
l'article 36,paragraphe 2, du Statut, mais à précisercette disposition. Il
faut bien se rendre compte que, lorsqu'ils acceptent la juridiction de la
Cour en application de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, les Etats se
déclarent disposés à accepter les décisions prises par la Cour dans les
différendsdont l'objet est limité à la question de savoir si le droit que le
demandeur invoque est fondéou non en droit international. Un grand
nombre de différendsd'ordre politique qui présentaient certains aspects
juridiques ont étérecensésdans tous les coins du monde au cours dessoixante dernières a.nnées,aussi bien avant qu'après la seconde guerre
mondiale. Mais ils n'ont pas étéconsidéréscomme des différendsjusti-
ciables,relevant de lajuridiction obligatoire de la Cour ou de sadevancière
en vertu de la clause facultative du Statut. Comment ce différend-cien
est-il alors arrivése différencier desautres? Est-ce parce que la Cour a
réussià sedéclarercompétente enlaprésente affairemalgré lesobjections
formuléespar les Etats-Unis, en tirant parti d'une interprétation astu-

cieuse mais discutable de l'article 36,paragraphe 2, du Statut (sansparler
de la manière dont elle a battu en brèche leparagraphe 5 de cet article),
alors que la compétence aurait dû êtrefondée en principe sur le consen-
tement souverain OLIla volontéde 1'Etatdéfendeur?
71. Une autre caractéristiquede la présente affaireest que les faits que
la Cour a pu vérifier enexaminant les élémentsde preuve dans les condi-
tions prescritesà l'article 53 du Statut étaient loin d'être suffisants pour
donner une image complète du différend,puisqu'ils n'avaient trait qu'à

certains aspects très partiels de l'ensemble de l'affaire.
72. Prises ensemble ces deux caractéristiquesm'ont conduit à la con-
clusion qu'il n'étaitpas conforme à la bonne administration de lajustice
que la Cour connaisse de la requêtedu Nicaragua sur la base de la clause
facultative du Statut.Dans lescirconstances de l'espèce,lefait que laCour
s'est déclaréecompdtente pour connaître d'une affaire contre le gréde
1'Etatdéfendeurconnpromettra le règlementauthentique du différend.Je
ne méjugepas des intentions sincèresqui ont dû animer le Nicaragua

lorsqu'ila portéun différendd'une telleampleur devant la Cour en vertu
de la clause facultative du Statut, pas plus que je n'approuve nécessaire-
ment lesactivités auxquelles lesEtats-Unis selivrent contre leNicaragua.
Mais,du pointde vuede labonne administration de lajustice, ilmesemble
que ce qu'ilaurait fallu faire aveccedifféren- et cequi peut encore être
fait- aurait étédelesoumettre à une procédurede conciliationdevant les
organespolitiques de l'organisation des Nations Unies ou dans un cadre
régional,par exemple devant le groupe de Contadora, et non de le sou-

mettre à la Cour internationale de Justice, dont la mission limitéeaux
aspects purement juridiques des différends n'a jusqu'à présentjamais été
outrepassée.

III. VIOLATION D'OBLIGATIONS DÉCOULANT DU TRAITÉ D'AMITIÉ,
DE COMMERCE ET DIE NAVIGATION DE 1956. - LA COMPÉTENCE DE LA
COUR EN L'ESPÈCE EN VERTU DE L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 1, DU

STATUT

A. La compétencede la Cour en vertu de l'article XXIV - la clause
a~mpromissoire - du traitéde 1956

73. Soutenir que la Cour n'est pas compétente pour connaître de la
requêtedu Nicaragua sur la base de l'article 36, paragraphe 2, du Statut
n'empêchepas de soutenir qu'elle l'est sur la base de l'article 36,ara-graphe 1. Les mots (s tous les cas - ceux auxquels la compétencede la
Cour s'étend en vertu de l'article36,paragraphe 1,du Statut - s'opposent
aux mots tous les ,différendsd'ordre juridique figurant à l'article 36,
paragraphe 2. Les premiers, ceux qui sont ((prévusdans la Charte des
Nations Unies oudans lestraités etconventionsen vigueur O, sont en effet
définisconcrètemen~tdans chacun desdits instruments, qu'ils soientjuri-
diques ou politiques..si bien que la question de lajusticiabilité ne se pose
pas, ainsi que je l'ai indiquéci-dessus (par. 60) à propos de l'affaire du

Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à Téhéran.
74. En fait,letraitéd'amitié,decommerceetde navigation de 1956n'est
mentionné nulle part dans la requêtedu Nicaragua, lors mêmeque la
clause compromissoire de ce traitéest libelléecomme suit :

<(Article XXIV

2. Tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties quant à
l'interprétation ou à l'application du présenttraitéet qui ne pourrait
pas êtrerégléd'une manièresatisfaisante par la voie diplomatique
sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que
les parties ne conviennent de le réglerpar d'autres moyens paci-
fiques.

Néanmoins, la Cour, ayant considéréque

le fait de ne lpasavoir invoquéle traité de 1956 comme titre de
compétencedarisla requêten'empêche pas en soide s'appuyer sur cet
instrument dans le mémoire ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 426).

a dit dans le dispositif de son arrêtde 1984qu'elle avait

((compétencepour connaître de la requête ..dans lamesure ou ellese
rapporte à un différendconcernant l'interprétation ou l'application

du traitéd'amitié,de commerce et de navigation [de 19561 ))(ibid.,
p. 442, par. 113, 1b)).

S'agissantde lacondition préalablede règlementpar lavoiediplomatique,
la Cour a considérédans son arrêtde 1984que :

((parce qu'un Etat ne s'est pas expressément référé da,ns des négo-
ciations avec uriautre Etat, àun traité particulier qui aurait étéviolé
par la conduite de celui-ci, il n'en découlepas nécessairementque le
premier neseraitpasadmis àinvoquer laclausecompromissoire dudit
traité (ibid., p. 428).

En 1984 la Cour a ainsi confirmé sa compétence envertu du traitéde
1956pour connaîtrede <tout différendquipourrait s'élever[entreleNica-
ragua et les Etats-Unis] quant à l'interprétation oua l'application du ...
traité)>. B. A propos du traité la Couren revient partiellementa sa compétence
en vertude l'article36,paragraphe 2, du Statut

75. A mon avis,si la Cour est demeuréedûment saisiede l'affaire,c'est
uniquement parce qu'elleétait compétente, en vertude I'articleXXIVdu
traitéde 1956,surlabase de I'article36,paragraphe 1,du Statut. En outre,
indépendamment des arguments quej'ai développéd sans les premièreet
deuxièmeparties pour établir - marquant ainsi mondésaccordavecl'arrêt
- que la Cour n'aurait pas dû continuer à connaître de la requêtedu

Nicaragua sur labase de l'article36,paragraphe 2,du Statut,je croisque la
Cour a commis une erreur en analysant le traité commeelle l'afait, même
dans les limites de la compétence que lui conférait le paragraphe 1 de
I'article36 de son Siiatut,disposition considéréepar elle en 1984comme
devant servir de base à l'examen du traité.
76. La Cour com.mencepar dire que les attaques directes contre les
ports, les installatioins pétrolières,etc. et le minage des ports nicara-
guayens par les Etats-Unis sont des activitésqui sont telles qu'elles
contredisent l'esprit même du traité de 1956 (par. 275) ; ensuite, se

référant aux actes de pression économique )>elle déclareque

desactesd'interruption brutale desrelations commerciales, comme
l'embargo sur le commerce du le1mai 1985,constitueront normale-
ment des violations du devoir de ne pas faire échouerle but et l'objet
du traité (par. 276).

De l'avis de la Cour, ces activités des Etats-Unis ((constituent des
violations du droit :international coutumier 1)(par. 274). La Cour tente

ainsi de dissocier ce:squestions de la clause compromissoire du traitéde
1956et déclareau contraire que cette dernière disposition (qui, commeje
viens de le souligner, étaitconsidéréedans l'arrêtde 1984comme consti-
tuant une base de compétence) <(ne fait pas obstacle a l'examen des
demandes du Nicaragua (par. 274).De plus, elledit que cesviolations du
droit international clouturnierne sauraient êtrejustifiéespar I'articleXXI
(qui est une clause dérogatoire)du traité.
77. La Cour évoqueensuite dans sonarrêt desviolations de dispositions
particulières du traiitéet maintient que

le minage des ports nicaraguayens par les Etats-Unis constitue une
mesure en contiradiction manifeste avec I'article XIX, paragraphe 1,
du traité de 1956qui garantit la libertéde navigation et la libertéde
commerce ))(par. 278)

et que l'embargo sur lecommercedécrété par le Gouvernement des Etats-
Unis le ler mai 1985 ((constituait une mesure en contradiction avec
l'article XIX du traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956

(par. 279). Les dispclsitionspertinentes du traité,citéesdans l'arrêt, sont
les suivantes : <Article XIX

1. Ilyaura libertédecommerceet de navigation entre lesterritoires
des deux parties.

3. Les navires de l'une des deux parties pourront librement, dans
lesmêmesconditions que les navires de l'autre partie et lesnavires de
tout pays tiers, se rendre avec leur cargaison dans tous les ports,
mouillageset eaux de cette autre partie quisont ouverts au commerce
international et à la navigation internationale ...))

78. La Cour en conclut

[d'unepart] que les Etats-Unis enfreignent une obligation de ne pas
priver letraitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956de son
but et de sonobjetet [d'autrepart] qu'ilsont commisdesactesqui sont
en contradictioin avec les termes de ce traité (par. 280).

L'arrêt serévèledonc très confus : la Cour en revient partiellement à la
compétenceque lui confèrel'article36,paragraphe 2,du Statut lorsqu'elle
mentionne la règled~e droit coutumier suivant laquelle ilne faut pas priver

un traitéde son but et de son objet, ce qui ne l'empêchepas de statuer sur
des violations du traitéde 1956en se fondant àjuste titre sur l'article 36,
paragraphe 1.

C. Méprise surla r,èglede droit coutumier selon laquelleil ne faut pas
priver un traité « de son but et de son objet ))

79. La Cour outreDase me semble-t-il ses ~ouvoirs en examinant la
question d'une <obligation de nepas priver letraitéd'amitié,decommerce

et de navigation de 1956de son but et de son objet (par. 280). Les Etats
qui <<contredisent l'esprit même (par. 275)d'un traitéou qui commettent
des <(violations du devoir de ne pas faire échouer le but et l'objet ))
(par. 276)d'un traite:ne violent pas expressémentpour autant des obliga-
tions découlantdecetraité.Or c'estl'exécutiondecesobligations,et de ces
seulesobligations, qui peut relever de lajuridiction de la Cour en vertu de
I'article XXIV, c'est-à-dire de la clause compromissoire du traité. En

conséquence, laCouraurait dû seborner àtrancher laquestion de savoirsi
les Etats-Unis avaient contrevenu aux termes du traitéde 1956 et s'ils
encouraient de ce fait une responsabilité pour violation du droit intema-
tional.
80. Ilsembleque IlaCour sesoit laisséeentraîner lorsqu'elleaparléde la
règledu droit coutuinier relative au respect de 1'0esprit même du traité

ou <(de son but et de son objet ))Les termes <(l'objet et le but du traité
figurent plusieurs foiisdans laconvention de Vienne sur ledroit des traités
de 1969mais dans (les buts bien précis : d'abord, pour indiquer qu'une
réserve à un traitén'est possibleque sielleestcompatible avec <(l'objet etle
but du traité ))(art. 19) ; ensuite, pour préciserque deux ou plusieurs
parties à un traité multilatéral ne peuvent modifier celui-ci que si lamodification ((ne porte pas sur une disposition à laquelle il ne peut être
dérogé sans qu'ilyai.tincompatibilitéaveclaréalisationeffective de l'objet

et du but du traité prisdans son ensemble (art. 41);enfin à propos de
l'extinction d'un traité ou de la suspension de son application comme
conséquencede sa violation. La convention dispose à cet égardque :

<Article 60
1. Une violation substantielle d'un traité bilatéral par l'une des
parties autorise l'autre partieà invoquer la violation comme motif
pour mettre fin au traitéoususpendreson application entotalitéouen

partie.

3. Aux fins (duprésent article, une violation substantielle d'un
traitéest constituéepar :

b) La violation d'une diposition essentielle pour la réalisation de
l'objet ou d~ibut du traité.

On relèveraqu'il est fait référence,au paragraphe 3 b), àla violationd'une
disposition.Tout ce que la convention tend à établirici c'est qu'un certain
degréde violation d'une dispositionjustifie l'extinction d'un traitéou la
suspension de son aipplication, et que ce degréest atteint lorsque cette
violation concerne une dispositionessentielle pour la réalisationde I'objet
ou du but du traité.Rien ne laisseentendre que le fait de contredire l'objet

ou le but d'un traité indépendammentde toute violation d'une de ses
dispositions équivaudrait à violer l'une d'elles.
81. La Cour semble donc s'être méprise sur le sens de l'expression
((I'objetet lebut )d'un traité,qui aété introduite dans laconvention sur le
droit des traitésde 1.969dans un contexte tout àfait différent. Indépen-
damment de cette convention, il est à noter que la Cour attribue au
Nicaragua l'argument suivant :l'obligation de s'abstenir de tout compor-
tement susceptible d~efaireéchouerI'objetet lebut d'un traitéest contenue
implicitement dans leprincipepacta suntsetvanda. Mais ellene précisepas
si elle partage ce point de vue. Quoi qu'il en soit,je dirai que pour moi ce
principe signifie qu'il faut respecterà la lettre les obligations assumées,
sans devoir nécessaijrementéviter uncomportement qui n'est pas expres-
sémentexclu par les termes du traité.On peut en outre se demander si la

juridiction attribuéeà la Cour par une clausecompromissoire ne serait pas
infinie dèslorsqu'on considéreraitquecettejuridiction habiliteraitla Cour
à analyser tout acte, même difficilementqualifiable d'acte contraire à
I'objet ou aubut d'un traité.Sil'onpartait d'une telleidéeirréfléchie o,n ne
pourrait en fin de oompte qu'amener les Etats à hésitertoujours plus à
introduire de telles clauses dans leurs traités.
82. Tout ce qui vient d'êtredit n'implique aucunement qu'on mini-
mise la gravitéd'un acte vraiment contraire au but d'un traitéou qu'on
l'excuse. D. Les violationsdes termes du traité de1956

1. Les violations de I'articleXIX dutraité

83. S'ilestvraique la Cour est dûment saisiede larequêtedu Nicaragua
sur labase de I'article 36,paragraphe 1,du Statut, elleaurait dû déterminer
plus clairement les actes des Etats-Unis que l'article XXI (dont il sera
question aux paragraphes 85 à 89) du traitéd'amitié,de commerce et de
navigation de 1956riepouvait justifier et quiconstitueraient des violations
des obligations conventionnelles incombant aux Etats-Unis en vertu de
dispositionsparticulières de ce traité.Dans ses motifs, la Cour mentionne
quelques activités des Etats-Unis dont elle dit qu'elles constituent des
violations du traitéde 1956.Elle mentionne à ce titre, ainsi queje l'ai dit

(par. 77),la pose de mines au débutde 1984et l'embargo sur lecommerce
décrété le lermai 1!985.
84. Dans les motifs, il n'y a pas d'autres activitésdes Etats-Unis qui
soient qualifiéesde violations d'obligations conventionnellesdécoulant du
traité. Or,dans le dispositif, la Cour cite non seulement la pose de mines
(par. 292,sous-par. '7)et l'embargo général sur lecommerce(sous-par. 1l),
mais encore les attaquescontre le territoire du Nicaragua ))(ibid.)en tant
que violations par les Etats-Unis des obligations qui leur incombent en
vertu de I'article XIX du traité. Aucune raison n'est avancéequi expli-
querait en quoi lesattaquescontre le territoire du Nicaragua constituaient
une violation de cet article, lequel traite exclusivement de questions rela-

tives au commerce .maritime.

2. L'applicabilitéde l'articleXXI du traité

85. Il resteà savoir si, au cas ou les Etats-Unis auraient violéles dis-
positions de l'article XIX du traitéde 1956,les actes constitutifs de ces
violations auraient pu sejustifier par lestermes ci-aprèsde l'article XXI du
traité, qui dispose :

<(1. Le présent traiténe fera pas obstacle à l'application de me-
sures :

C) concernant la production ou le commerce des armes, des muni-
tions et du matérielde guerre ...
d) nécessaires ril'exécutiondes obligations de l'une ou l'autre partie
relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité inte:rnationales ou à la protection des intérêtsvitaux de
cette partie en ce qui concerne sa sécurité. ))

A mon sens, la Cour parvient à une mauvaise conclusion sur cette dispo-
sition lorsqu'elle déclare :

La question se pose donc de savoir si I'article XXI peut être
invoquédans 1"hypothèseoù, une demande étant présentée envertu du droit international coutumier à raison d'un comportement qui
serait censépriver letraitéde son but et de son objet, il serait possible
de démontrer que ce comportement consiste en << mesures ...néces-
saires à la protection des intérêts vitaux de sécurité >)(Par. 271.)

D'aprèsmoi l'articleIXXIestcensédégaged re toute responsabilitélapartie
au traité qui applique des mesures qui, à défautde répondre aux carac-
téristiques indiquées,seraient en conflit avec une obligation découlant
d'une disposition du traité ;il n'estpas censépouvoir être<< invoquédans
l'hv~othèseoù une demande est rés entée en vertu du droit international
J.
coutumier ))pour reprendre les termes de l'arrêt.
86. Par souci de clarté,je récapitulerailes arguments développésdans
l'arrêt à propos de l'article XXI. Quand elle examine si << les exceptions
de l'article XXI, paragraphe 1 c) et d) ...[peuvent] êtreinvoquées,pour
justifier les actes incriminésr)la Cour mentionne, entreautres actes, <les
attaques directes contre les ports, les installations pétrolières,etc. ;le
minage des ports du.Nicaragua ; et l'embargo généras lur le commerce
imposéle le1mai 198.5 )(par. 280).Les <<attaques directes contre lesports,
les installations pétrolières, etc.),qui nulle part auparavant dans l'arrêt

n'ont étémentionnées comme constituant des violations des termes du
traitéde 1956,sont :subitementcitéesdans ce passage.
87. La Cour,ayant conclu que le <(minage et 1'<e<mbargo généralsur
le commerce constituent des violations de l'article XIX, s'attache à
déterminersi ces actes étaientjustifiésou non par l'article XXI. La Cour
estime que :

<(le minage de ports nicaraguayens ..[etd'autres actes] ne sauraient
en aucun cas êtrejustifiés par la nécessitéde protéger les intérêts
vitaux de sécurité des Etats-Unis (par. 282).

Quant àl'embargocommercial, la Cour <n'estpas en mesure de conclure
que l'embargo étaii: << nécessaire à la protection de ces intérêts

(par. 282).Et laCour deconclure que a lesEtats-Unis nepeuvent invoquer
l'articleXXI comme:moyen de défense au sujetde l'un quelconque des
actes considérésici (ibid.).La Cour déclareaussi :

Fautedu moindre élémend t 'information indiquant comment les
politiques suivies par le Nicaragua seraient devenues en fait une
menace pour les << intérêtsvitaux de sécurité enmai 1985, alors
qu'elles étaient constantes et constamment critiquées par les Etats-
Unis depuis quatre ans, la Cour n'est pas en mesure de conclure que
l'embargo était nécessaire à la protection de ces intérêts.
(Par. 282.)

88. Quelleque puisseêtrela situation en cequiconcerne leminage(voir
ci-après le paragraphe 89), je ne réussisabsolument pas à comprendre

l'argumentation que la Cour a tentéde développer à propos de l'embargo
sur le commerce proclaméle ler mai 1985.A mon avis, la décisiondes Etats-Unis d'imposer un embargo sur le commerce peut sejustifier par
l'article XXI,contrairement à leur décisionde poser des mines. Le com-
merce n'est pas une obligation qui incombe à un Etat en vertu du droit
international général : il ne peut êtrequ'une obligation imposéepar un

traité auquel cet Etat est partie, et il peut êtresuspendu dans certaines
conditions prévues expressémentdans ce traité.Quand ils ont décrété un
embargo commercial le lermai 1985,les Etats-Unis n'ont pas invoqué cet
article du traité maisilsont annoncécejour-là qu'ilsdénonçaient letraité.
Je n'en suis pas moins enclin àpenser qu'en principe les échanges com-
merciaux garantis par I'article XIX,paragraphe 3, du traitéauraient pu
tout aussi bien êtresuspendus sur la base d'une autre disposition, l'ar-
ticle XXI du traité.
89. La question du minage est totalement différente.Le minage est illi-
citeà défautdejustification admise en droit international et I'article XXI
du traité,simple disposition d'un accord commercial, ne saurait êtreinter-
prété commeautorisant un Etat partie à déroger à ce principe du droit
international général. Il faut ajouter que cet acte ne répondait pas aux

conditions de nécessité et de proportionnalité- conditions qui doivent au
moins êtreremplies pour que puisse êtreinvoquéela thèsede la légitime
défensefondée surle droit général ec toutumier. Yen conclus que,compte
tenu de la compétenceque I'article XXIVdu traitéde 1956confère à la
Cour, celle-ciaurait tlûdireque les Etats-Unis n'étaientresponsables que
de la violation de l'article XIX pour avoir posédes mines dans les eaux
nicaraguayennes. C'est l'unique raison pour laquelle j'ai voté pour le
sous-paragraphe 14du dispositif.

IV. OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES

90. Etant d'avis que la Cour aurait dû rejeter la requêtedu Nicaragua

dans la mesure où celle-cisefonde sur l'article36,paragraphe 2,du Statut,
je me suis abstenu de formuler des observations sur les principes du
non-emploi de la force, de la non-intervention, etc., que la Cour a déve-
loppés.Je voudrais cependant faire part d'une de mes préoccupations
seulement :la Cour s'estmontréebien prompte à exposer son point de vue
sur la légitimedéfense collectiven tant que justification d'un emploi de la
force qui serait sinon illicite.
91. L'expression (1légitimedéfensecollective O,inconnue avant 1945.
ne figurait pas dans les propositions de Dumbarton Oaks qui avaient été
préparéespar les quatre grandes puissances aprèsla seconde guerre mon-
diale pour servir de baseà la création d'une organisation internationaleà
vocation générale. L'examen du chapitre VIII, section C, des propositions
de Dumbarton Oaks touchant les accords régionauxa étéconfié, à la
conférencede San Francisco de 1945,au comité 4 (arrangements régio-

naux) de la commission III (Conseil de sécurité).Le 17 mai 1945, le
représentant des Etats-Unis à ce comité aannoncé que sa délégation se
trouvait «maintenant en mesure de présenter une formuleconcernant lesrelations entre les organismes régionaux et l'organisation mondiale ))
(Conférencedes Nations Unies sur i'organisation internationale, vol. 12,
p. 676). La formule des Etats-Unis avait déjà étérendue publique par
Stettinius, le secrétaire d'Etat, le 15 mai 1945,dans ces termes :

<(Suite à des entretiens avec un certain nombre de délégations
intéresséesd ,espropositions seront formulées,qui préciserontdans la

Charte les relations entre les organismes régionauxet les arrange-
ments collectifs d'une part et l'organisation mondiale de l'autre.
Ces propositions :

2. Reconnaîtront que rien ne s'oppose au droit naturel de légitime
défense individuelle oucollective dans lecasou leConseil de sécurité ne
maintient pas la paix et la sécurité internationales et ou un Etat
membre est l'objet d'une agressionarmée ...
Cedernier point fera l'objetd'une nouvelle section qui sera ajoutée

au chapitre VI11et dont le contenu sera en substance le suivant :
Rien dans la Charte ne s'opposeau droit naturelde légitimedéfense
individuelle ou collective dans le cas où le Conseil de sécuriténe
maintient pas la paix et la sécurité internationaleset ou un Etat
membre est l'objetd'uneagression armée ..))(DocumentsonAmerican
Foreign Relations, vol. VII, 1944-1945,p. 434.) (Les italiques sont de

moi.)

92. Le 23 mai 1945,un sous-comitéchargéde la fusion des amende-
ments a recommandé à l'unanimitéau comité4 :

2. Qu'un nouveau paragraphe soit insérédans le texte de Dum-
barton Oaks, selonune suggestion faite dans laproposition des Etats-
Unis pour la fusion des amendements au chapitre VIII, section C,
dont le texte se lit comme suit :

(Rien dans la Charte ne s'oppose au droit naturel de légitime
défense individuelleoucollective si une agression arméeest commise
contre un Etat membre,jusqu'à ceque leConseil de sécuritéaitpris
les mesures nécessaires aumaintien de la paix et de la sécurité
internationales ...))

(Conférencedes Nations Uniessurl'organisation internationale, vol. 12,
p. 852-853.)(Les italiques sont de moi.)

93. A sa quatrième séance, le25 mai 1945, le comité 4 a adopté à
l'unanimitéla décision ci-après :

(1Qu'un nouveauparagraphe rédigé commesuit devrait êtreinséré
dans le texte des propositions de Dumbarton Oaks :

AucunedispositiondelaprésenteChartenepeutporter atteinte au
droit naturel de tout Etat membre de se défendre, parune action individuelle ou collective, contreune agression armée,jusqu'au

moment où le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires
au maintien de la paix et de la sécuritéinternationales ..)>(Confé-
rence des Nations Uniessur l'organisation internationale, vol. 12,
p. 691.) (Les italiques sont de moi.)

Dans la version anglaise, le membre de phrase soulignése lit comme
suit :
Nothingin thisCharter impairstheinherent right of individualor
collective self-defense if an armed attack occurs against a member

state. (Ibid., p. 680.)

Parlant en sa qualitéde délégué de la Colombie, le président a fait la
déclaration ci-après à propos de cette décision :

<<Pour les pays de l'Amériquelatine, comme l'a dit le sénateur
Vandenberg [lereprésentant des Etats-Unis], l'originedu terme <(dé-
fensecollective ))n'estautre quela nécessité de maintenir lessystèmes
régionaux tels que [le système interaméricain]. La Charte, d'un
point de vuegénéral, esu tne constitution, et ellerend légitimeledroit

de défensecollective exercéconformémentaux pactes régionaux,du
moment que ceux-ci ne s'opposent pas aux buts et principes de l'Or-
ganisation exprimésdans laCharte. Siungroupe depays liésentre eux
par un accord régional sedéclarent solidaires pour leur défense
mutuelle comme dans le cas des Etats américains,ils déclencheront
cette défenseen commun au moment où l'und'euxsera attaqué.Et le
droit de défense n'appartient pas seulement au pays directement
victime de l'agression ;il s'étend aux paysqui, par des accords régio-
naux, se sont rendus solidaires du pays directement attaqué. (Ibid.,
p. 691.)

A l'issued'un échangede vues, en particulier entre les représentants des
pays d'Amériquelatine, <(le président[a]rend[u] hommage ici à la valeur
des travaux du sénateur Vandenberg[desEtats-Unis]pour la rédaction du
nouveau texte (ibid., p. 693). Le sénateur Vandenberg a répondu que,

<(à son avis, l'unanimité exprimée par les remarques et le vote relatifs à
cette question constitue une preuve certaine de l'acheminement vers un
monde pacifique où la justice régnerait surune humanité libre (ibid.).
C'estainsi que lesncltionsde légitimedéfenseindividuelle et collectiveont
été incorporéed sans la Charte des Nations Unies à l'initiative des Etats-
Unis. sans longues discussions. Dans sa version anglaise l'article 5 1 de la
Charte est rédigé comme suit :

<Nothing in the present Charter shall impair the inherent rightof
individual or collectivself-defenceif an armed attack occurs against a
Member of the United Nations, until the Security Council has taken
necessary measures to maintain international peace and security ...
(Les italiques sont de moi.)Ce texte est pratiquement identique à celui qu'avait adoptélecomité4, ce
qui n'est pas le cas du texte français :

Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au
droit naturel de Iégitimedéfense,individuelle oucollective,dans lecas
ou un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression
armée ..O

Il est a noter que le verbe pronominal (se défendre i)(correspondant à
l'expression self-defence en anglais) ne figure plus dans la version
française, sibien que plus rien n'indique que 1'Etatdirectement victime de
l'agression est seulà pouvoir invoquer la légitimedéfenseindividuelle ou
collective.

94. En tout cas, la question de savoir si le droit de légitimedéfense
collectiveétaitnaturelou non n'asansdoute pas étédébattueP . our trouver
une déclaration surlecaractère naturel du droitde légitimedéfensei,l faut
remonterà 1928 ; acetteépoque,lorsdestravaux préparatoires surletraité
généralde renonciation a la guerre, le Gouvernement des Etats-Unis a
adressé auxgouvernements intéressés unenote en date du 23juin 1928
libellée commesuit :

<Rien dans le projet américain contre la guerre ne restreint ni
n'entrave en quoique ce soit ledroit de légitime défenseC . e droit est
naturel à la souverainetéde tous les Etats et il est contenu implicite-
ment dans tous les traités.Chaque nation est libre en tout temps et

indépendamment des dispositions conventionnelles de défendreson
territoire contre:une attaque ou une invasion, et elle seule a qualité
pour décidersi lescirconstances exigent le recours à la guerre au titre
de la Iégitimedéfense. (American Journal of International Law,
Supplemenr, vol. 22, p. 109.)(Les italiques sont de moi.)

A fortiori, l'idéeque le droit de légitimedéfense collectiveest naturel ne
remonteassurémentpas à 1928 ; enjuger par lesactes de laconférencede
San Francisco, il n'y a guèreeu de débata ce sujet en 1945.

95. Après avoir rappeléque : <La Charte [des Nations Unies] elle-

mêmeatteste l'existence du droit de légitimedéfensecollective en droit
international coutumier (par. 193),et que la résolutionde l'Assemblée
généraleoù figure la déclaration relative aux principes du droit interna-
tional touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies

démontre que les Etats représentés à l'Assemblée générale consi-
dèrentl'exception à l'interdiction de la force que constitue ledroit de
Iégitimedéfenseindividuelle ou collective comme déjàétabliepar le
droit international coutumier (ibid.),

la Cour, dans le présentarrêt, déclareque : ((L'existencedu droitde légitimedéfensecollectiveétantétablieen
droit international coutumier, la Cour doit définir les conditions

particulières auxquellessa miseenŒuvrepeut avoir à répondreen sus
des conditions de nécessitéet de proportionnalité rappeléespar les
Parties. (Par. 194.)

Faisant allusion à une condition préalable et nécessairede l'exercicede la
légitime défense collective, laCour fait observer ce qui suit :

<(En cas d'invocation de la Iégitimedéfensecollective,il faut s'at-
tendre à ce que l'Etat au profit duquel ce droit va jouer se déclare
victime d'une agression armée ))(par. 195),

puis elle énonce unedeuxièmecondition :

<(La Cour conclut que l'exigenced'une demande de 1'Etatvictime
de l'agression allégués e'ajoute à celle d'une déclarationpar laquelle

cet Etat se proclame agressé. ))(Par. 199.)

La Cour tire aussi certaines conséquences d'uneautre condition, à laquelle
l'article51de la Charte des Nations Unies soumet l'exercicedu droit de
Iégitimedéfense ;elle souligne que l'article 51de la Charte desNations
Unies prescrit aux Etatsprenant desmesures dans l'exercicede cedroit de

Iégitime défensede les <(porter immédiatement 1)à la connaissance du
Conseil de sécurité a (par. 200).
96. La notion de légitimedéfensecollectivefait depuis des décennies
l'objet d'une grande controverse entre spécialistesdu droit international.
Comme on le sait, Kelsen a déclaré, à propos du droit <(naturel )) de
Iégitimedéfense :

<<Le législateura exprimélà une vue de l'esprit qui n'a pas d'im-
portance en droit. La suppression de l'adjectif <(naturel ne chan-
gerait rien aux effets de l'article51. ))(TheLaw ofthe UnitedNations,
1950,p. 791 .)

Julius Stone a émisl'avis suivant

<(En résemantcomme il le fait un droit préexistant de << Iégitime
défensecollective )),l'article 51 soulève des problèmes à ce point
insolubles qu'il peut paraître préférablede considérerque l'adjectif
<naturel ))est superflu et que l'article51confèreensoileslibertésqui
y sont énoncées. (Legal Contro/s of International Conflict, 1954,
p. 245.)

Je ne veux pas dire que ces avis reflètent nécessairement l'opiniondomi-
nante. 11reste que la Cour aurait dû avoir à l'esprit tous ces avis pour ou
contre le droit naturel de Iégitimedéfensecollective.Elle aurait dû aussi ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS .DA) 258

observer les différencesde sens entre les versions anglaiseet française de
l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

97. En résuméa , supposer qu'il fallaitque la Cour examine la notion
de légitimedéfensecollective - maisj'estime qu'il ne le fallaitpas- elle
aurait dû l'analyser davantage dans ce premier arrêtoù elle abordait la
question.

(Signé S)higeru ODA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINIONOF JUDGE ODA

Paragraphs
1-3

1. EFFECTOF THEAPPLICATIOG NIVEN TO THE"VANDENBER GESER-

VATION" BY THEJUDGMEN T NICARAGUA'A SPPLICATIOB NASED
ON ARTICLE 36, PARAGRAP2 H,OF THESTATUTE SHOULD BEDIS-
MISSED
4-6
A. Applicability of the "Vandenberg Resewation"
B. The Judgment's failure to understand the effect of the "Van-
denberg Reservation" 7-14

II. THENON-JUSTICIABILITY OF THE PRESENT CASE - NICARAGUA'S
APPLICATION BASED ON ARTICLE36, PARAGRAPH 2, OF THE
STATUTE SHOULD BEDECLARED INADMISSIBLE

A. Introduction 15-19
B. Limited scope of "legal disputes" in Article 36,paragraph 2,of
the Statute 20

1. Thejusticiability and concept of legal di-phistorical
survey

(i) The concept of "legal disputes subject tolsory
arbitration" prior to the institution of the Permanent
Court of International Justice 21-26
(ii) Justiciable and non-justiciable disputes under the
Covenant of the League of Nations and thetute of
the Permanent Court of International Justice 27-35
(iii) The concept of justiciable disputes subsequent to the
inception of the Permanent Court of International Jus-
tice 36-38

(iv)Legal disputes found suitable for settlement by the
International Court of Justice 39-40

2. The difficulty of viewing the present case as concerning a

"legal dispute"thin the meaning of the Statute
(i) In general
(ii) Precedents in the previous and present Courts

(iii) Conclusion OPXNIONDISSIDENTEDE M. ODA

[Traduction]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

1-3

A. Applicabilité de la ((réserve Vandenberg )) 4-6
B. L'arrêtintepréte mal l'effet de la <(réserveVandenberg )) 7-14

II.NON-JUSTICIABILITÉ DE LA PRÉSENTE AFFAIRE. - LA REQUÊTE
DU NICARAGUA EN TANT QUE FONDÉE SUR L'ARTICLE 36,PARA-
GRAPHE 2,DU STATU TEVAIT ÊTRE DÉCLARÉEIRRECEVABLE

A. Introduction 15-19
B. Portéelimitéed : esmots différendsd'ordrejuridique dans le
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut 20

1. Lajusticiabilité et la notion de différendsd'ordrejuridique.
- Historique

i) Le concept de ((différends d'ordre juridique soumis à
l'arbitirage obligatoira avant la création de la Cour
permanente de Justice internationale 21-26

ii) Les différendsjusticiables et non justiciables selon le
Pacte de la Sociétédes Nations et selon le Statut de la
Cour permanente de Justice internationale 27-35
iii) La notion de différendsjusticiables aprèsla créationde
la Cour permanente de Justice internationale 36-38

iv) Les différendsd'ordre juridique considéréscomme sus-
ceptibles d'un règlement par la Cour internationale de
Justice 39-40

2. Il est difficile de considérerque la présente affaire a pour
objet un adifférend d'ordre juridiqueD au sens du Statut

i) Observations générales 41-45
ii) Lesprécédentsdans lajurisprudence de la Cour actuelle
et de sa devancière 46-47
iii) Conclusion 48-49 Paragraphs

C. Considerations ofjudicial propnety that should have dissuaded
theCourt frompronouncing on the NicaraguanApplication on
the basis of Article 36, paragraph 2, of thetute

1. The Court should not have adjudged the Application
because of the considerations of administration ofju-tice
a preliminary issue 50-54
2. The concept of the non-justiciable "political dispute"
parallelism of legal and political disputes 55-60

3. Incomplete picture of the dispute as portrayed by the

Court
(i) Lack of sufficient means for fact-finding 61-64
(ii) Nicaragua's Application reflecting only oneof the

dispute 65-66
(iii) Non-participation of the United Statesin theeed-
ings - Article 53 of the Statute 67-69

D. Concluding remarks on the non-justiciability 70-72

111.BREACH OF OBLIGATION SNDER THE TREATY OF FRIENDSHIP,
COMMERC END NAVIGATION - THE COURT'S APPROPRIATIO ONF
THE CASE UNDER ARTICLE 36, PARAGRAPH 1, OF THE STATUTE

A. The Court's jurisdiction granted by Article XXIV, the Com-
promissory Clause, of the 1956Treaty 73-74
B. The Court's partial reversion to jurisdiction under Article 36,
75-78
paragraph 2, of theStatute in relation to the Treaty
C. Misconception of the customary-law rule not to defeat the
"object and purpose" of a Treaty 79-82
D. Breaches of the terms of the 1956Treaty

1. Breaches of Article XIX of the Treaty
2. Applicability of Article XXI of the Treaty Paragraphes

C. Considérations relatives à l'administration de la justice qui
auraient dû dissuader la Courde seprononcer sur la requêtedu
Nicaragua sur la base de l'article 36,paragraphe 2, du Statut

1. La Cour n'aurait pas dû recevoir la requête pour desconsi-
dérationsde bonne administration de lajustice.- Problème
préliminaire 50-54
2. La notion de ((différends politiques non justiciables.-
Comparaison entre différendsjuridiques et différends poli-
tiques 55-60

3. La Cour a donnéune image incomplète du différend

i) Absence de moyens suffisants pour établir les faits 61-64

ii) La requêtedu Nicaragua ne reflètequ'une face du dif-
férend 65-66
iii) Lanon-participation desEtats-Unis àl'instance.- L'ar-
ticle3 du Statut 67-69

D. Conclusions sur la non-justiciabilité du différend 70-72

III.VIOLATIO D'OBLIGATIONS DÉCOULANT DU TRAITÉ D'AMITIÉ, DE
COMMERCEET DE NAVIGATION DE 1956. - LA COMPÉTENCE DE LA
COUR EN L'ESPECEEN VERTU DE L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 1,DU
STATUT

A. La compétence de la Cour en vertu de l'article XXIV - la
clausecomprc>missoire - du traité de 1956 73-74
B. A propos du traitéla Cour en revient partiellement à sa com-

pétenceen vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut 75-78
C. Méprisesur la règlede droit coutumier selon laquelle il ne faut
pas priver un traité((de son but et de son objet 79-82
D. Les violations des termes du traitéde 1956

1. Les violations de l'article XIX du traité
2. L'applicabilitéde l'article XXI du traité, 1.1 havegivensupport tosubparagraph (1)of the Operative Clause but,
by the logicof this subparagraph whichhas recognized the applicability of
the so-called Vandenberg Reservation, the Court should now have ceased
to entertain the Application of Nicaragua in sofar as it is based on Article
36,paragraph 2,of the Statute (Part 1below).In addition1 believethat, for
other reasons asstated below(Part II), the dispute referred to the Court by
the Nicaraguan Application, as so based, should have been declared non-
justiciable.
2. 1hold that the Court could have remained seisedof this case only in
relation to the allegedviolation by the United States of the 1956Treaty of
Friendship, Commerce and Navigation between the twoParties. From this
point of view 1voted in favour of subparagraph (7), but voted against

subparagraph (6) because it would have been sufficient for the Court to
decide on subparagraph (7) only, and against subparagraph (8) because
such adecision by the Court concerninga breach of obligations ergaomnes
under customary international law isout of place in this Judgment. 1was
also unable to vote in favour of subparagraph (IO), for the reason that1
believed the Judgment was mistaken in bringing the United States attacks
on Nicaraguan territory into relation with that Treaty and, by basing a
construction upon its "object and purpose", had exceeded thejurisdiction
granted by its compromissory clause.- ^^gative vote on subparagraph
(11) was cast because the attacks on Nicaraguan territory could not be
related in my view to a breach of the 1956Treaty ; nor was the trade
embargo to be regarded as a breach of it (Part III bclow).

3. 1 was obliged to vote against subparagraphs (2),(3)(4).(5),(9),(12)
and (13), simply because 1considered, as stated above, that the Court
should not have pronounced on these issues in the present case unless
covered by the compromissory clause of the 1956Treaty. This does not
mean, however, that 1 am in disagreement with al1the legal arguments
expounded by the Court regarding the principles of non-intervention,
prohibition of the useof forceand respect for sovereignty.Theseprinciples
should certainly be respected, and by Nicaragua no less than the United

States. In particular, my negative vote on subparagraph (9) must not be
interpreted as implying that 1am opposed to the Court's findings on this
particular point. ACTIVITÉS IMILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSO . DA) 215

A. Applicabilitéde la «réserve Vandenber )

4. Laprésente affaireaété portéedevant laCourpar leNicaragua qui la
priait dans sa requêtede dire et juger :

<(a) Que les Etats-Unis, en recrutant, formant, armant, équipant,
finançant, approvisionnant et en encourageant, appuyant, assis-
tant et dirigeant de toute autre manièredes actions militaires et
paramilitaires au Nicaragua etcontre celui-ci,ont violéet violent
leurs obligations expresses en vertu de chartes et de traités à

l'égarddu Nicaragua, et en particulier leursobligations en vertu
de :
- I'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies ;
- les articles 18 et 20 de la charte de l'organisation des Etats

américains ;
- I'article8de la conventionconcernant lesdroits et devoirs des
Etats ;
- I'article premier, troisièmement,de la convention concernant
les droi1.set devoirs des Etats en cas de luttes civiles.

L'une des principales allégations du Nicaragua est que les Etats-Unis
ont violéles règlesdu droit international résultant de plusieurs traités
multilatérauxqui,d'unefaçonoud'une autre, interdisent <(de recourir à la

menace ou à I'emp1,oide la force ))ainsi que <(l'intervention o.
5. A la différencede certains principes plus anciens du droit interna-
tional, leprincipe qui concerne l'interdiction <(de recourir à lamenace ou à
l'emploide laforce s'estfaitjour verslafin de laseconde guerre mondiale
en mêmetemps que naissait l'organisation des Nations Unies et qu'abou-
tissaient les efforts visant à déclarer hors la loi la guerre en général. En
revanche,l'application du principe de non-intervention remonte haut dans

le passédepuis qu'Emer de Vattel a écriten 1758 :

<<C'est une conséquencemanifeste de la liberté et de l'indépen-
dance des Nations, que toutes sont en droit de se gouverner comme
elleslejugent à propos, et qu'aucune n'a lemoindre droit de se mêler
du gouverneme:ntd'une autre. ))(Le droit des gens,livre II,chap. IV,
par. 54.)

Il est pourtant arrivé,avant l'époquecontemporaine, qu'on tente dejus-
tifier I'intervention dans le cadre du droit international applicable en
temps de paix, quand bien mêmeune telle intervention pouvait équivaloir
en définitive à un recours à la guerre (laquelle n'étaitpas considérée à

l'époquecomme illicite en soi). Le double systèmedu droit international
applicable en temps de paix et du droit international applicable en tempswhich, together with the prohibition of the threat or use of force, came to
encapsulate the founding spirit of the United Nations.

6. Thus 1have no doubt that the present case conspicuously falls to be
considered within the framework of the United Nations system and, for
that matter, that of the Organization of American States, which has pio-
neered and adopted similar principles. Having regard to the fact that the
Court in 1984found that it possessed jurisdiction under Article 36,para-

graph 2,of the Statute, 1fullysupport the Court's decision that "the Court
is required to apply the 'multilateral treaty reservation' contained in [the
United States declaration of acceptance of jurisdiction]" (para. 292
(1)).

B. TheJudgmentk Failureto Understandthe Effect of the "Vandenberg
Reservation "

7. The United States declaration read, in part :

"... this declaration shall not apply to . ..
(c) disputes arising under a multilateral treaty, unless(1)al1parties to
the treaty affected by the decision are also parties to the case
before the Court, or (2) the United States of America specially
agrees to jurisdiction . . ."

The Court does not doubt that al1parties to multilateral treaties, i.e., the
Charter of the United Nations and the Charter of the Organization of
American States, affected by the Judgment are not parties to the present
case. Yet the Judgment states :
"It should howeverbe recalled that .. the effect of the reservation
in question is confined to barring the applicability of the United

NationsCharterand OAS Charter as multilateral treaty law,and has
no further impact on the sourcesof international lawwhichArticle 38
of the Statute requires the Court to apply." (Para. 56.)

"In formulating its view on the significance of the United States
multilateral treaty reservation, the Court has reached the conclusion
that it must refrain from applying the multilateral treaties invoked by
Nicaragua in support of its claims, without prejudice either to other
treaties or to the other sources of law enumerated in Article 38of the
Statute. The first stage in its determination of the law actually to be
applied to this dispute is to ascertain the consequences of the exclu-
sion of the applicability of the multilateral treaties for the definition
of the content of the customary international law which remains
applicable." (Para. 172.)deguerrea étéabandonné lorsquese sont dégagéslep srincipes del'illicéité
de la guerre et de l'intervention, à quoi il faut ajouter le principe de
l'interdiction du recoursà lamenaceou àl'emploide laforce, toutes choses
qui allaient marquer l'esprit dans lequel serait crééel'organisation des
Nations Unies.
6. Il ne fait donc aucun doute pour moi que la présente affairedoit de
toute évidenceêtreexaminéedans lecadre du systèmedes Nations Unies
et, vu sonobjet, dans celui de l'organisation desEtats américains, laquelle
afait Œuvrenouvelleen adoptant desprincipes analogues. Commela Cour

s'est déclaréecompé.tenteen vertu de l'article 36,paragraphe 2, du Statut
en 1984,je l'approuve entièrement lorsqu'elle déclarequ'elle est tenue
d'appliquer la rése.rverelative aux traités multilatéraux constituant la
réserve c) de la déclarationd'acceptation dejuridiction faite par le Gou-
vernement des Etats-Unis d'Amérique ... (par. 292, sous-par. 1).

B. L'arrêt interprète mla'leffetde la «réserve Vandenber g)

7. La déclaration des Etats-Unis contient le passage suivant :
((cette déclaration ne s'applique pas ...

C) aux différends résultant d'un traité multilatéral, à moins que
1)toutes les parties au traitéque la décisionconcerne soient éga-
lement parties à l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les Etats-
Unis d'Amérique acceptent expressément la compétence de la
Cour ...))

La Cour ne doute pas que toutes les parties aux traités multilatéraux
pertinents que l'arrêtc:oncerne, à savoir la Charte desNations Unies et la
charte de 1'Organisa.tiondes Etats américains, nesont pas parties à la
présenteaffaire, mais elle fait quand même observerceci :

Il convient cependant de rappeler que ...l'effet de la réserve est
uniquement d'exclure l'applicabilitéde la Charte des Nations Unies
et celle de l'organisation des Etats américains en tant que droit
conventionnel imultilatéralet n'a pas d'autres incidence sur les
sources du droiitinternational que l'article 38 du Statut prescrit à la
Cour d'appliquer. (Par. 56.)

(En prenant position surla valeur de la réserveaméricainerelative
aux traités multilatéraux,la Cour a été amenée à conclure qu'elle
devaits'abstenir d'appliquer lesconventions multilatéralesinvoquées
par le Nicaragua à l'appui de ses demandes, sans préjudice, soit
d'autres traités, soit des autres sources de droit mentionnées à l'ar-
ticle38du Statut. Afin de préciser ledroit effectivement applicable au
différend,elle doit en premier lieu déterminerles conséquencesque

l'exclusionde l'applicabilité desconventions multilatéralescomporte
quant à la définition du contenu du droit international coutumier
demeurant applicable. r)(Par. 172.) "It will... be clear that customary international law continues to
exist and to apply. separately from international treaty law, even
where the two categories of law have an identical content."
(Para. 179.)

8. In sum, the Judgment holds that the Court can still decide the issues
beforeit for the reason that, without reference to such multilateral treaties
as the Charter of the United Nations and the Charter of the Organization
of American States, the Court can apply customary and general interna-
tional law which, though having been subsumed in the said multilateral
treaties, exists independently.
9. It may wellbecontended that principles such as the non-use of force
and the non-intervention now exist independently as customary and gen-
eral international law. However, 1cannot agree with the Judgment in its
contention that the Court may entertain the Nicaraguan Application
under Article 36,paragraph 2,of the Statute on the allegedassumptionthat
the United States reservation regarding "disputes arising under a multi-
lateral treaty" simply excludes from the jurisdiction conferred on the
Court under that provision of the Statute legal disputes concerning "the
interpretation of a [multilateral] treaty", or that, since the present case

involvesa "question of international law", the Court's entertainment of it
should not be affected by that reservation inasmuch as the Court, inde-
pendently of "the interpretation of a treaty", can confine itself to the
application of the principles of customary and general international
law.

10. 1 believe that the issue - which relates to applicable law - of
whether, once the Court assumesjurisdiction over a case, it can apply the
rulesofcustomary and general international lawapart from anyapplicable
treaty rules, is quite different from the other issue - which relates to the
Court's jurisdiction - of whethera State's declaration excludes "disputes
arising under multilateral treat[ies]" (United States reservation) from "the
jurisdiction of the Court, [whichby nature can only be voluntarily accep-
ted]in al1legaldisputesconcerning (a)theinterpretation ofatreaty, (6)any
question of international law ..." (Statute, Art. 36, para. 2). The United
States declaration of acceptance of the Court'sjurisdiction excluded dis-

putes arising under multilateral treaties subject to exceptions whichdo not
qualify my reasoning and, in any event, have not materialized in the
present case.

11. The persistent use of the term "reservation" to describe the excep-
tion clauses attached by States to their declarations under Article 36,
paragraph 2,of the Statute, and moreespeciallythe attachment of the term
"Vandenberg Reservation" to the exception in the United States declara-
tion relating to disputes that arise under a multilateral treaty, have surely
contributed to a misconception of the inherent scope of such declarations, <(Il est ...clair que les règlesdu droit international coutumier
conservent une existenceetuneapplicabilitéautonomes par rapport à
celles du droit international conventionnel lors mêmeque les deux
catégoriesde droit ont un contenu identique. (Par. 179.)

8. Il est dit en somme dans l'arrêtque la Cour peut quand même
trancher lesquestionsqui sont portées devantellepuisque, tout en laissant
de côtédes conventions multilatérales tellesque la Charte des Nations

Unies et la charte de:l'organisation des Etats américains,elle peut appli-
quer le droit international général etcoutumier qui, quoique ayant été
intégrédans lesdites conventions multilatérales,a une existence propre.
9. On peut certes prétendre que des principes tels que ceux du non-
emploi de la force et de la non-intervention ont maintenant une existence
propre en tant que principes du droit international généralet coutumier.
Toutefois, je ne puis approuver la Cour lorsqu'elle affirme dans l'arrêt
qu'ellepeut connaître de la requête du Nicaragua envertu de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut en partant de l'hypothèse - qui a étéalléguée -

selon laquelle la réservedes Etats-Unis relative aux différends résultant
d'un traitémultilatéral exclurait simplement de lacompétenceconférée à
la Cour conformément à cette disposition du Statut lesdifférendsd'ordre
juridique concernant l'interprétation d'un traité [multilatéral]O, ou en
partant de l'hypothèse selon laquelle,puisque laprésente affaire porte sur
un <(point de droit international O,l'existencede la réserve ne devraitpas
faire obstacle à la connaissance de l'affairepar la Cour dans la mesure où
celle-ci,indépendammentde <l'interprétation d'un traitéO,peut seborner
à appliquer les principes du droit international généralet coutumier.
10. Ilya selonmoideux questions bien différentes.L'une atraitaudroit

applicable ;c'estla question de savoir si,après s'être déclaré compétente
pour connaître d'une affaire, la Cour peut appliquer les règlesdu droit
international généralet coutumier indépendamment de toute règle
conventionnelle applicable. L'autre a trait à la compétencede la Cour ;
c'est la question de savoir si la déclaration d'acceptation d'unEtat exclut
les différends résultant [de]traité[s]multilatér[aux] (réservedes Etats-
Unis) de la ((juridiction de la Cour [laquelle ne peut, par nature, être
acceptéeque volontairement] sur tous les différends d'ordre juridique
ayant pour objet : a) l'interprétation d'un traité; b) tout point de droit

international ... (Statut, art. 36, par. 2). La déclaration américained'ac-
ceptation de la juridiction de la Cour exclut les différends résultantde
traités multilatéraux.sauf exceptions qui ne modifient pas mon raison-
nement et qui, en tout état de cause, ne se sont pas matérialisées en
l'espèce.
11. L'emploiconstant du mot réserve appliqué auxclauses dont les
Etats assortissent les déclarations qu'ils font en vertu de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut, et plus particulièrement l'usage de l'expression
<réserveVandenberg pour désigner l'exceptionfigurant dans la décla-

ration des Etats-Unis relative aux différends résultant d'untraitémulti-
latéral,a certainement contribuéau malentendu sur la portée réellede cesand of that one in particular. Becauseof theidealismunderlying the notion
of a sovereign State subrnitting to bejudged, the so-called "acceptance of
the Optional Clause" has always been imagined in terms of the ideal case,
where that submission is total and "unreserved". Nevertheless, the very
structure of Article 36,paragraph 2, should make itclear that, in framinga
declaration,aState, guided by the categories there suggested (the historical
origins of which 1shall explain in paras. 27-40),has simply to delineate the
bounds of the area of legaldisputes over which, subject to reciprocity, it is

prepared to accept the Court'sjurisdiction independently of treaty clauses
or special agreements. If it is under no obligation to make any declaration
at all, still less is it obliged to take the ideal case as its standard.

12. Hence the fact that exception clauses may frequently be useful as a
means of delineation does not justify any presumption that a State
employing them has retracted various parts of an a priori wholesale
acceptance of the Court's jurisdiction ;on the contrary, the instrument
remains a positive indication that the State has unreservedlyaccepted that
jurisdiction within a certain area which those exceptions have merely
helped to define. Outside that area, there issimply no acceptance, not even
anacceptance subject to a "reservation", and to reason as ifthere were isto
yield to a kind of optical illusion.

13. In the present case, it seems that thinking about acertain exception
in terms of a "reservation" has helped the Court to imagine that if mul-
tilateral treaties wereignored as a source of ~ositivelaw. the "reservation"
would lose its potency, so that the exceptionlcould be circumvented. 1 have
explained above why 1find this erroneous. The reference to multilateral

treaties is merelya means ofdrawing the boundaries ofjurisdiction soasto
exclude certain disputes : there is no justification for supposing that a
dispute "arising under" a multilateral treaty can nevertheless be brought
under the Court's authority because (inevitably) it can also be analysed in
terms ofgeneral international law.Havingdecided that the present dispute
did "arise under" such a treaty or treaties, the Court should have con-
cluded that only in the circumstances described by the exception itself,
namely, the presence of al1parties affected or specific waiver, could the
boundary of acceptance ofjurisdiction be widened to admit the dispute
under Article 36, paragraph 2.

14. Thus, if the so-called Vandenberg Reservation is applicable in this
case, and the United States acceptance of the Court's compulsory juris-
diction consequently does not extend to disputes arisingunderthe Charter
of the United Nations and the Charter of the Organization of American
States, and if the Judgment yet declares that the Court can entertain the
present case as admissible under Article 36, paragraph 2, as stated :déclarations, et en particulier celle des Etats-Unis. Comme l'idéequ'un

Etat souverain puisse accepterd'êtrejugé est toute empreinte d'idéalisme,
c'est toujours en songeant à l'hypothèse idéale - celle où I'acceptation
serait totale et sans réserve- qu'on a parlé ((d'acceptation de la clause
facultative o.Néanmoins,lastructuremêmedu paragraphe 2de l'article36
du Statut montre bien que, lorsqu'un Etat rédigeune déclaration,il s'ins-
pire de la liste suggéréedans cette disposition G'en ferai la genèseaux
paragraphes 27 à 40) et n'a qu'àdélimiterl'objet des différends d'ordre
juridique pour lesquels il est disposé,sous condition de réciprocité, à ac-
cepter lajuridiction de la Cour indépendamment de dispositions conven-
tionnelles ou d'accords particuliers. Puisqu'un Etat n'est pas tenu de
faire une telledéclaration,iln'estàplus forte raison pas tenu derépondre à

I'hypothèse idéale.
12. En conséquence, on ne peut s'autoriser du fait que les clauses
dérogatoirespeuvent souvent constituer un bon moyen de délimitation,
pour présumer que 1'Etat qui recourt à ces clauses revient sur certains
points de son acceptation généralefaite à priori de la juridiction de la
Cour ; au contraire, l'instrument d'acceptation demeure un indice positif
de I'acceptation sans réservepar cet Etat de lajuridiction dans un domaine
quecesexceptions ont simplementaidé à définir.Endehors decedomaine,
il n'y a tout simplement pas d'acceptation, pas mêmeune acceptation
soumise à réserve O, et raisonner comme s'il y avait acceptation, c'est
céder à une sorte d'illusion d'optique.

13. En l'espèce,il semble que le fait d'avoir envisagé une certaine
exceptioncomme une réserve a aidé laCour àse figurer que si l'on ne
tenait pas comptedes traités multilatéraux comme sourcede droit positif
cette ((réserve perdrait sa force, de sorte que l'exception pourrait être
tournée.J'aidéjàexpliquépourquoij'estime erronéecette façon devoir. La
référenceaux traités multilatérauxn'est qu'un moyen de délimiter la
compétenceafind'exclurecertainsdifférends :rien ne permet de supposer
qu'un différend résultant d'un traité multilatéral peut néanmoinsêtre
porté devantla Cour parce qu'ilpeut aussi s'analyser sous l'angledu droit
international général (cequi est toujours le cas). Ayant décidéque le

présentdifférend résultait ))effectivement d'un ou de plusieurs traitésde
ce genre, la Cour aurait dû conclure que la limite de I'acceptation de la
juridiction ne pouvait êtreétenduejusqu'à englober ledifférend envertu
de l'article 36, paragraphe 2, du Statut que dans les circonstances visées
dans l'exception elle-même, à savoir dans le cas où toutes les parties
concernéessont présentesou dans celui où les Etats-Unis ont expressé-
ment acceptéla compétencede la Cour.
14. Ainsidonc, sila réserveVandenberg )est applicableen l'espèce,et
que I'acceptation par lesEtats-Unis de lajuridiction obligatoire de la Cour
ne s'étendpar conséquent pas aux différends résultant de la Charte des
Nations Unies et de la charte de l'organisation des Etats américains,et si

l'arrêtdéclarepourtant que laCour peut connaîtrede laprésente affaireau
titre de l'article36, paragraphe 2, du Statut comme il est dit ci-des-
sous "The Court concludes that it should exercise the jurisdiction con-
ferred upon it by the United States declaration of acceptance under
Article 36, paragraph 2, of the Statute, to determine the claims of
Nicaragua based upon customary international law notwithstanding
the exclusion from its jurisdiction of disputes 'arisingnder' the
United Nations and OAS Charters" (para. 182),

the Court should haveproved, not that it can applycustomary and general
international law independently, but that the dispute referred to it in the
Applicant's claims had not arisen under these multilateral treaties. The
Judgment, however,fails todo this. 1must repeat mybelief that, insofar as
the Judgment holds the Vandenberg Reservation to be applicable, in my

view,correctly, the Court should not, and indeed could not, on the basis of
Article 36,paragraph 2, of the Statute, have entertained the whole dispute
involving "military and paramilitary activities in and against Nicaragua"
which the United States has allegedly pursued.

II. THE NON-JUSTICIABILITY OF THE PRESENT CASE - NICARAGUA'S
APPLICATION BASED ON ARTICLE36, PARAGRAPH 2, OF THE STATUTE
SHOULD BEDECLARED INADMISSIBLE

A. Introduction

15. While the test of jurisdiction is whether the dispute referred for
judgment lies within the scope and range of the specific competence
granted to the court in question by a basic instrument, so that the pos-

sessionofjurisdiction has to beassessed asa matter ofpriority and in terms
of that instrument, the question of the admissibility of a claim calls for
application of fundamental norms of the judiciary as to whether the
judicial function should or should notextend to cover the issues in con-
tention. Inasmuch as the answering of this question presupposes an ade-
quate characterization of those issues, admissibility is not necessarily a
preliminary matter, in the sense of one that can be resolved before their
merits are examined. In a more important sense, however, it is always
preliminary, in that no finding may be made on the merits ifit remains
unresolved. The Judgment states :

"especially when the character of the objections is not exclusively
preliminary because [theobjections] contain both preliminary aspects
andother aspectsrelatingto the merits, theyillhave to be dealt with
at the stage of the merits" (para. 41).

16. TheCourt, in its 1984Judgment, rejected somegroundsadduced by
the United States for the inadmissibility of the dispute (I.C.J. Reports La Cour conclut qu'il lui appartient d'exercer la compétenceque
lui confère la déclaration d'acceptation faite par les Etats-Unis en
vertu de I'article36,paragraphe 2,du Statut, afin de seprononcer sur
les demandes du Nicaragua fondées sur le droit international coutu-
mier, et cela bien que les différends résultant des chartes des
Nations Unies et de l'organisation des Etats américainséchappent à
sajuridiction ))(par. 182),

la Cour aurait dû démontrer,non qu'ellepouvait appliquer séparémentle
droit international généralet coutumier mais que le différend quilui avait

étésoumis par la requêtedu demandeur ne résultaipas desdits traités
multilatéraux.Or, la Cour dans son arrêtne le faitpas. Je répètequeje suis
convaincu que, puisque la Cour avait déclaréque la réserveVandenberg
était applicable, ce qui est justà mes yeux, la Cour ne devait pas et ne
pouvait d'ailleurs pas connaître, au titre de l'article 36, paragraphe 2, du
Statut, de l'ensemble du différend portant sur les activités militaireset
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci)qui étaientreprochées aux
Etats-Unis.

II. NON-JUSTICIABILIT DÉE LA PRÉSENTE AFFAIRE . LA REQUÊTE DU
NICARAGUA EN TANT QUE FONDÉE SUR L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 2,
DU STATUT DEVAIT ÊTRE DÉCLAREE IRRECEVABLE

A. Introduction

15. Pour établir la compétence d'un tribunal, il faut déterminer si le
différendqui est soumis à sonjugement relèvebien de lajuridiction qui a
étéspécifiquement conférée à ce tribunal par un instrument de base, de
tellesorteque laquestion de lacompétencedoitêtretranchéeenprioritéet
d'aprèsles termes dudit instrument. En revanche, la question de la rece-
vabilité d'une demande appelle l'application de règles fondamentales
d'administration delajustice, qui permettent d'établirs'ilconvient ou non
que la fonction judiciaire soit exercée relativement aux points en litige.

Dans la mesure où la réponse a cette question suppose la qualification
exacte de cesquestions, la recevabilitén'apas nécessairement uncaractère
préliminaire :ellene peut pas alors êtretranchée avant l'examen aufond.
Mais elle est toujours prioritaire d'un point de vue plus strict puisque
aucune conclusion ne peut êtreformuléesur lefond tant qu'ellen'apas été
résolue.On lit à ce propos dans l'arrêt :

t<notamment lorsque ce caractère [préliminairedes objections] n'est
pas exclusifpuisqu'ellescomportent àlafoisdes aspects préliminaires
et des aspects de fond, elles devront êtreréglées austade du fond
(par. 41).

16. Dans son arrêtde 1984, la Cour a rejetécertains motifs que les
Etats-Unis invoquaient pour conclure àl'irrecevabilitédelarequête(C. I.J.1984,pp. 429-441).It appears to me,however,that the 1984Judgment did
not dispose of the still essential question of whether the present case is
justiciable or not. Dealing with thejusticiability, the Court observes that
the United States did not argue that this is not a "legal dispute", and
states :

"the Court can at this stage confine itself to a finding that, in the
circumstances of the present case, the issues raised of collective self-
defence are issues which it has competence, and is equipped, to
determine" (para. 35).

17. 1believe that the Nicaraguan Application should be declared non-
justiciable, since in my viewthe dispute at issue is one which does not fall
into the category of "legal" disputes within the meaning and intention of
Article 36,paragraph 2, of the Statute. It may be argued (and the present
Judgment deliberately attempts to do so, see para. 32) that the interpre-
tation of thecompetence of the Court asconferred in accordance with that
provision has been settled by adetermination ofjurisdiction. However,the
question as to whether this dispute should be considered asjusticiable in
termsof theconcept of "legaldisputes" within the meaningof theStatute is
related to the merits of the dispute. Accordingly, it deserves and requires
reconsideration at the present stage (see Section B below).
18. Furthermore, evenif mycontention werenot wellfounded, it would
in my viewhavebeen prudent for the Court, in the lightof the merits of the

present case, to find it a matter ofjudicial propriety not to proceed with a
case sohighlycharged with issuescentral to the sensitivepolitical relations
ofmany States :acircumstance that undoubtedly accountsfor muchof the
vigour with which the Respondent has first challenged, then been seen to
defy, the Court's jurisdiction (see Section C below).

19. These are the positions which 1have taken throughout the Court's
considerations of the present case, and 1regret that the Judgment has not
taken them into account.

B. Limited Scope of "Legal Disputes" in Article 36, paragraph 2, of the
Statute

1. Thejusticiability and concept of legal disputes - historical survey

20. Referring to the concept of "legal disputes" in connection with the
function of the International Court ofJustice, the followingtwoprovisions
may be recalled :
The Charter of the United Nations, Article 36, paragraph 3

"In making recommendations under thisArticle theSecurityCoun-
cil should also take into consideration that legaldisputes should as a
general rule be referred by the parties to the International Court ofRecueil 1984, p. 429-441). Mais il me semble que l'arrêtde 1984n'a pas

réglé unequestion qui demeure essentielle, celle de la justiciabilité du
présent différend.Au sujet de lajusticiabilité, la Cour a fait observer dans
leprésentarrêtque les Etats-Unis n'avaient pas soutenu qu'il ne s'agissait
pas d'un <différend d'ordre juridique ))et elle a déclaré :

(laCour peut ..seborner ici à conclureque, dans lescirconstances de
la présente espèce, les problèmes de légitimedéfense qui ont été
soulevésfont partie de ceux qui relèventde sa compétenceet qu'elle
est en mesure de régler ))(par. 35).

17. J'estime que la requêtedu Nicaragua aurait dû êtredéclarée non
justiciable puisque à mon avis le différendn'est pas de ceux qui rentrent
dans la catégoriedesdifférends <(d'ordrejuridique au sensque doit avoir
l'article 36, paragraphe 2, du Statut. On peut soutenir (et c'est ce que le
présentarrêttente délibérémentde faire, voir le paragraphe 32) qu'en se
prononçant sur sacompétencela Cour a réglé laquestion de l'appréciation
delacompétenceque pourrait lui conférercettedisposition du Statut. Or la
question de savoir si le différend doit êtreconsidérécommejusticiable en
tant que <<différendd'ordrejuridique au sensdu Statut relèvedu fond de

l'affaire. En conséquence elle méritait et exigeait d'êtreréexaminée au
stade actuel (voir ci-après la section B).
18. En outre, même simon point de vue étaitmal fondé,il me semble
qu'ilaurait été prudent,compte tenu du fond de la présente affaire,que la
Cour estimejudiciairement inopportun de continuer a connaître d'une
affaire si fortement marquée par des problèmes délicatsqui sous-tendent
les relations politiques de nombreux Etats :cet étatde fait explique sans
doute en grande partie la vigueur avec laquelle le défendeur a d'abord
constesté puis semblé défierla compétence de la Cour (voir ci-après la
section C).

19. Telles sont lespositions quej'ai prises tout au long de I'examende la
présenteaffairepar la Cour, etje regrette qu'il n'enait pas ététenu compte
dans l'arrêt.

B. Portée limitée des mots «différends d'ordrejuridiqu )
dans leparagraphe 2 de l'article 36 du Statut

1. La justiciabilitéet la notion de différends d'ordre juridique -. Hisfo-
rique

20. A propos de la notion de <<différends d'ordre juridique et de la
mission de la Cour internationale de Justice, on peut rappeler les deux
dispositions suivantes :

Chartedes Nations Unies, article 36, paragraphe 3
<<En faisant les recommandations prévues au présent article, le
Conseil de sécuritédoit aussi tenir compte du fait que, d'une manière
générale, les différendsd'ordrejuridique devraient êtresoumis par les Justice in accordance with the provisions of the Statute of the
Court."

TheStatute of the International Couro tf Justice, Article36,
Paragraph2
"The States parties to the present Statute may at any time declare
that they recognize as compulsory ipso facto and without special
agreement, in relation to any other State accepting the same obliga-
tion, the jurisdiction of the Court in al1legal disputes concerning :

(a) the interpretation of a treaty ;
(6) any question of international law ;
(c) the existence of any fact which, if established, would constitute a
breach of an international obligation ;
(d) the nature or extent of thereparation to be madefor the breach of
an international obligation."

Looking back at the history of the settlement of international disputes by
arbitration or adjudication, one may clearly see that the "legal disputes"
subject to such settlement were limited in scope and, more basically, that
their referral to such a settlement was always to depend ultimately on the
assent of the States in dispute.

(i) The conceptof 'legal disputessubjectto compulsoryarbitration"prior
to the institutionof the Permanent Courtof InternationalJustice

(a) The 1899 and 1907 Conventionsfor the PeacefulSettlement of
InternationalDisputes
21. Following theprecedents set by somearbitration clausesin bilateral
treatiestowardsthe endof the nineteenth century, and bysomearbitration
treaties, mainly among countries of the western hemisphere, the 1899

Convention for the Peaceful Settlement of International Disputes pro-
vided that :
"In questions of a legalnature. and especiallyin the interpretation
or application of international conventions, arbitration is recognized
by the signatory Powersas the most effectiveand at the same time the
most equitable means of settlingdisputes which diplomacy has failed
to settle." (Art. 16.)(TheProceedingsof the Hague Peace Conferences

(Translationof the Official Texts), The Conferenceof 1899, p. 238.)
Referral to arbitration was far from obligatory.
22. The 1899Convention was amended in this regard at the Second
Peace Conference in 1907only by the addition of a newparagraph. which
suggested that :

"Consequently, it would be desirable that, in disputes about the
above-mentioned questions, the contracting Powers,if the case arise, parties àla Cour internationale de Justice conformément aux dispo-
sitions du Statut de la Cour.

Statut de la Courinternationalede Justice, article36,
paragraphe 2
Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel

moment,déclarerreconnaîtrecommeobligatoire deplein droit etsans
convention spéciale, à l'égardde tout autre Etat acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différendsd'ordre
juridique ayant pour objet :
a) l'interprétation d'untraité ;
b) tout point de droit international ;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait la violation
d'un engagement international ;

d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international. ))
Sil'onfait l'historiquedu règlementdes différendsinternationaux par voie
arbitrale oujudiciaire, on voit bien que les(différendsd'ordrejuridique

soumis àun tel règlementétaientlimitéspar leur objet et,d'une façonplus
générale,que leur soumission à une telle forme de règlement dépendait
toujours en fin de compte de l'assentiment des Etats en litige.

i) Le conceptde ((différends d'ordrejuridique soum isI'arbitrageobli-
gatoire u avant la création de la Courpermanente de Justice interna-
tionale

a) Les conventionsde 1899 et de 1907pour le règlement pacifique des
conflitsinternationaux
21. Conformémentauxprécédentsconstituép sar lesclausesd'arbitrage
inscrites dans quelques traités bilatérauxvers la fin du XIXesiècleet par

quelques traités d'arbitrage, généralementconclus entre pays de I'hémi-
sphère occidental, la convention de 1899pour le règlement pacifiquedes
conflits internationaux contient la disposition suivante :
<Dans les questions d'ordre juridique, et en premier lieu dans les
questions d'interprétation ou d'application des conventions interna-

tionales, l'arbitrage est reconnupar les Puissances signatairescomme
lemoyen leplus efficaceet en mêmetant lepluséquitablede réglerles
litigesqui n'ontpas étérésoluspar lesvoiesdiplomatiques. u(Art. 16.)
(Conférenceinternationalede lapaix de Lu Haye, 1899,p. 227.)
La soumission à l'arbitrage étaitloin d'êtreobligatoire.

22. La convention de 1899 fut modifiéesur ce point à la deuxième
conférencede la paix, en 1907,par la simple adjonction d'un paragraphe
ainsi rédigé :
<En conséquence,il serait désirableque, dans les litiges sur les
questions susmentionnées,lesPuissancescontractantes eussent, lecas have recourse toarbitration, in so faras circumstances permit." (Art.
38.)(The Proceedingsof the Hague Peace Conferences(Translation of
Official Texts), The Conferenceof 1907, Vol. 1, p. 605.)

The Second PeaceConference, held in 1907,failed to establishcompulsory
arbitration. A project to institute it was put to the vote by the First
Commission but in the end was not found acceptable. The unsuccessful
draft, which would have been added to Article 16of the 1899Convention,
sought to provide that :

"Differences of a legal nature, and especially those relating to the
interpretation of treaties existing between two or more of the
contracting States, which may in future arise between them, and
which it may not have been possible to settle by diplomacy, shall be
submitted to arbitration, provided, nevertheless, that they do not
affect the vital interests, the independence or the honor of any of the
said States, and do not concern the interests of other States not
involved in the dispute." (Art. 16a.) (Ibid., p. 537.)

23. That project suggested, however, that some differences should be
"by nature subject to arbitration without the reservations mentioned in
Article 16a" (Art. 16c.) (ibid.), and enumerated as such the following
differences :

"1. Disputes concerning the interpretation and application of con-
ventional stipulations relating to the following subjects :
1. Reciprocal free aid to the indigent sick.
2. International protection of workmen.
3. Means of preventing collisions at sea.
4. Weights and measures.
5. Measurement of ships.
6. Wages and estates of deceased seamen.
7. Protection of literary and artistic works.

II. Pecuniaryclaims for damages, when the principle of indemnity
is recognized by the parties." (Art. 16d.)(Ibid.)

A suggestion was also made for a protocol enumerating "such other mat-
ters . . .to admit of embodiment in a stipulation respecting arbitration
without reserve . . .on condition of reciprocity" (Art. 16e) (ibid.). The
British delegate accordingly proposed a protocol, with an annexed table
listing the following subjects :

"1. Pecuniary claims for damages, when the principle of indemnity is
recognized by the parties.
2. Reciprocal free aid to the indigent sick.
3. International protection of workmen. échéant,recours à I'arbitrage, en tant que les circonstances le per-
mettraient. (Art. 38.)(Deuxièmeconférenceinternationald ee lapaix

de La Haye, Actes et documents, vol.1, p. 610.)

La seconde conférencede la paix, tenue en 1907, ne réussit donc pas à
instaurer l'arbitrage obligatoire. Un projet visant àl'instaurer fut mis aux
voixpar la première commissionde laconférence, maisilnefut finalement
pasjugé acceptable. Le texte rejeté,qui aurait étéajouté à l'article 16de la
convention de 1899,tendait à établirque :

(Lesdifférendsd'ordrejuridique et,enpremier lieu,ceuxrelatifs à
l'interprétation des traités existant entre deux ou plusieurs des Etats
contractants, qui viendraient désormais à seproduire entre eux, et qui

n'auraient pu êtrerégléspar la voie diplomatique, seront soumis à
I'arbitrage,à la condition toutefois qu'ils ne mettent en cause ni les
intérêtsvitaux, ni l'indépendance ou l'honneur de l'un ou l'autre
desdits Etats, et qu'ils ne touchent pas aux intérêts d'autresEtats ne
participant pas au litige. (Art. 16a.) (Ibid., p. 537.)

23. Toutefois, le projet énonçaitque «certains des différends [visés à
l'article 161sont de nature à êtresoumis à l'arbitrage sans les réserves
mentionnéesdans l'article 16a (art. 16c)(ibid.),et énumérait commetels
les différends suivants :

(1. Contestations concernant I'interprétation et l'application des

stipulations conventionnelles relatives aux matières suivantes :
1. Assistance gratuite réciproque des malades indigents.
2. Protection ouvrière internationale des travailleurs.
3. Moyens de prévenirles collisions en mer.
4. Poids et mesures.

5. Jaugeage des navires.
6. Salaires et successions des marins décédés.
7. Protection des Œuvres littéraires et artistiques.
II. Réclamations pécuniaires du chef de dommages, lorsque le
principe de l'indemnité estreconnu par les parties. (Art. 16d.)

(Ibid.)

Il fut aussi proposé d'élaborer un protocole énumérant ((les autres
matières [reconnues par la suite comme] pouvant faire l'objet de stipula-
tions d'arbitrage sans réserve[souscondition de réciprocité] )>(art. 16e)
(ihid.). Le délégué britannique proposa alors un protocole auquel était
annexéela liste des matières suivantes :

((1. Réclamationspécuniairesdu chef de dommageslorsque le prin-
cipe de l'indemnité estreconnu par les parties.
2. Assistance gratuite réciproque des malades indigents.
3. Protection ouvrière internationale. 4. Means of preventing collisions at sea.
5. Weights and measures.
6. Measurement of vessels.
7. Wages and estates of deceased seamen.
8. Protection of literary and artistic works.
9. Governance of commercial and industrial companies.
10. Pecuniary claims arising from acts of war, civil war, arrest of
foreigners, or seizure of their property.

11. Sanitary regulations.

12. Equality of foreigners and nationals as to taxes and imposts.

13. Customs tariffs.
14. Regulations concerning epizooty, phylloxera, and other similar
pestilences.
15. Monetary systems.
16. Rights of foreigners to acquire and hold property.
17. Civil and commercial procedure.
18. Pecuniary claims involving the interpretation or application of
conventions of al1kinds between the parties in dispute.

19. Repatriation conventions.
20. Postal, telegraph, and telephone conventions.
21. Taxes against vessels, dock charges, lighthouse and pilot dues.
salvage charges and taxes imposed in case of damage or ship-
wreck.
22. Private international law." (Art. 16e) (The Proceedings of rhe

HaguePeaceConferences(Translationof OfficialTexts), TheCon-
ference of 1907, Vol. 1,p. 539.)
Thus wesee that, despite theaim of compulsory referral to arbitration, the
project, on the one hand, embodied a reservation that the disputes con-

cerned
"do not affect thevital interests. the independenceor the honor of any
of the said States, and do not concern the interests of other States not
involved in the dispute"

and, on the other hand, enumerated a limited number of extremely tech-
nical and preponderantly non-political subjects of dispute as constituting
those which the parties would unreservedly agree to submit to arbitra-
tion.
24. The project itselfwas not put to thevoteat the plenary meeting and 1
do not need to repeat that the result of the 1907Conference was far from
successful, at least from the point of view of obligatory arbitration. It is,
however, important to note that even in that project only a narrowed

selection of the "differences of alegal nature, and especially those relating
to the interpretation of treaties"- a selection restricted to predominantly 4. Moyens de prévenir les collisionsen mer.
5. Poids et mesures.
6. Jaugeage des navires.
7. Salaires et succession des marins décédés.
8. Protection des Œuvres littéraires et artistiques.

9. Régimedes sociétés commercialeset industrielles.
10. Contestations pécuniaires à cause d'actes de guerre, de guerre
civile, de l'arrestation des étrangers ou de la saisie de leurs
biens.
11. Règlementssanitaires.
12. Assimilation des étrangers aux nationaux quant aux taxes et
impôts.
13. Tarifs de douane.
14. Règlements concernant les épizooties,le phylloxéra et autres
fléaux similaires.
15. Systèmes monétaires.
16. Droits des étrangers d'acquériret de posséderdes biens.
17. Procédurecivile et commerciale.
18. Contestations pécuniaires lorsqu'il s'agit de l'interprétation ou
de l'application des conventions detoute espèceentre lesparties
en litige.

19. Conventions de rapatriement.
20. Conventions postales. télégraphiques et téléphoniques.
21. Taxes exigéesdes navires, droits de quai, de phare, de pilotage,
charges et taxes de sauvetage imposéesen cas d'avaries ou de
naufrage.
22. Droit international privé. (Art. 16e.) (Deuxième conférence
internationalede lapaix de La Haye, Actes et documents, vol. 1,
p. 542.)

On constate que, bien que le but poursuivi eût été desoumettre les diffé-
rends en question à l'arbitrage obligatoire, leprojet contient, d'une part
une réserve selon laquelleil faut que ces différends

<(ne mettent en cause ni les intérêtsvitaux, ni l'indépendance ou
l'honneur de l'unou l'autredesdits Etats,et qu'ilsne touchent pasaux
intérêts d'autres Etatsne participant pas au litige

et d'autre part une énumérationlimitative des matières extrêmement
techniques et principalement non politiques pouvant faire l'objet des dif-
férendsque les parties seraient convenues sans réservede soumettre à
l'arbitrage.
24. Leprojet lui-mêmenefut pas misauxvoixen séanceplénière eitlest
inutile d'insister sur lefait que la conférencede 1907n'apas étécouronnée
de succès,loinde là,du moinsen cequi concerne l'arbitrage obligatoire. Il
importe toutefois de releverque, mêmedans ceprojet, iln'étaitproposéde
soumettre àl'arbitrage obligatoire qu'un nombre restreint de différends
d'ordre juridique, et en premier lieu, ceux relatifs à l'interprétation destechnical matters - was suggested as falling within the ambit of compul-
soryarbitration. Hence itisclear that eventhe moreidealistic drafters were
inclined to consider that the "justiciable dispute" should be sorestricted as
to cover only some highly technical or procedural issues.

(b) Justiciable disputes in arbitration treaties early in this century

25. Four years after the 1899Convention, but before the 1907Second
Peace Conference, the bilateral treaty of 1903between France and Great
Britain attracted the interest of the world as the first European step
towards the compulsory referral of international disputes to settlement by
arbitration,and thiswas followedby eight similar treaties concluded prior

to 1907,to which in the main either Great Britain or France was a party.
Thenumber of sirnilarbilateral treaties of arbitration concludedfrom 1907
to the 1920samounts to 29. Unlike the multilateral treaty of 1899,this
bilateral mode1set up a binding norm for the two contracting parties with
regard to compulsory referral of some types of dispute to the Permanent
Court of Arbitration. The 1903treaty states that "differences which may
arise of a legalnature, or relating to the interpretation of Treaties existing
between the twoContracting Parties", should be referred to the Permanent
Court of Arbitration (Art. 1).Theconditions for compulsory referral were
restricted by the proviso in each treaty that :

"[the disputes] do not affect the vital interests, the independence, or
the honour of the two Contracting States, and do not concern the
interests of third Parties" (Art. 1) (British and Foreign State Papers,
Vol. XCVI, p. 35).
This famous clause of four reservations concerning vital interests, inde-
pendence, honour and third party interests to be attached to compulsory
arbitration, which,asstated above, was alsolater incorporated in the 1907

project at the Hague Conference, commenced with the 1903Treaty. It isto
be further noted that in each individual case the conclusion of a special
agreement was a prerequisite for

"defining clearly the matter in dispute, the scope of the powers of the
Arbitrators, and the periods to be fixed for the formation of the
Arbitral Tribunal and the several stages of the procedure" (Art.
II).

26. ln 1911the United States Government concluded with Great Bri-
tain and France respectively the General Arbitration Treaties, which pro-
vided that :

"All differences hereafter arising between the high contracting
parties . . . relating to international matters in which the high
contractingparties are concerned by virtueof aclaimof right madeby traités)- selon un choixlimité à des matièresprincipalement techniques.
Il apparaît doncque même lesrédacteurslesplus idéalistesétaient enclins
à considérerque la notion de différend justiciable devait êtrelimitéeau
point de ne viser que quelques questions trèstechniques ou de procédure.

b) Les diffërendsjusticiables danslestraités d'arbitrage du débu det ce
siècle

25. Quatre ans après l'adoption de laconvention de 1899mais avant la
deuxièmeconférenceinternationale de lapaix de 1907,letraitébilatéralde
1903entre la France etlaGrande-Bretagne souleval'intérêt mondiaé l,tant
le premier pas des pays européens vers la soumission obligatoire des
différendsinternationaux au règlementpar arbitrage. 11fut suivi par huit
traités analoguesconclusavant 1907,auxquels la plupart du temps soit la
France soit l'Angleterreétait partie.Lenombredes traités bilatérauxde ce
genre conclus entre 1907 et les annéesvingt s'élève à vingt-neuf. A la

différencedu traité multilatéralde 1899,ce modèlede traitébilatéralfixa
une règleobligatoire pour les deux parties contractantes touchant la sou-
mission obligatoire de certains types de différends à la Cour permanente
d'arbitrage. Dans letraitéde 1903,ilest stipuléque << lesdifférendsd'ordre
juridique ou relatifs à l'interprétation des traités existant entre les deux
Parties contractantes seront soumis à la Cour permanente d'arbitrage
(article premier). Cette soumission obligatoire est limitéepar une condi-
tion figurant dans chaque traité, à savoir que

<([lesdifférends]ne mettent en cause, ni les intérêts vitauxni l'indé-
pendance ou l'honneur des deux Etats contractants, et qu'ils netou-
chent pas aux intérêts de tierces puissances (article premier)(Nou-
veau recueil généra dles traités,. XXXII, p. 480).

Cette clausecélèbreq , uiénoncelesquatre réserves àl'arbitrage obligatoire
(intérêtsvitaux, indépendanceet honneur des Etats contractants, intérêts
des tierces puissances) et qui a étéincorporéepar la suite dans le projet
présenté àlaconférencede La Haye de 1907,commeje l'aiindiqué, avu le
jour avec le traitéde 1903.Il faut relever aussi que les parties devaient
commencer, dans chaque cas particulier, par signer un compromis spé-
cial

déterminant nettement l'objet du litige, l'étenduedes pouvoirs des
arbitres et les délaià observer, en cequi concerne la constitution du
tribunal arbitral et la procédure ))(art. II).

26. En 1911,le Gouvernement des Etats-Unis d'Amériqueconclut res-
pectivement avec la Grande-Bretagne et la France des traités généraux
d'arbitrage qui disposaient que :

Tous différends s'élevantdésormais entre les Hautes Parties
contractantes ...se rattachant à desquestions internationales intéres-
sant lesHautes Partiescontractantes etprovenant d'uneréclamationde one against the other under treaty or otherwise, and which arejusti-
ciable in their nature by reason of beingsusceptible of decision by the
application of the principles of lawor equity, shallbe submitted to the
Permanent Court of Arbitration ...or to someother arbitral tribunal
as may be decided in each case by special agreement . . ."(Art. 1)
(AmericanJournalofInternational Law,Supplement, Vol.V,pp. 253,
249.)

These treaties provided that, in cases where the parties disagreed as to
whether a difference wassubject to arbitration under the treaty concerned,
the question should be submitted to ajoint high commission of inquiry,
and that, if all, or al1but one, of the members of that commission decided
the question in the affirmative, the case should be settled by arbitration
(Art. 3). These treaties would have been highly progressive from the
standpoint of the compulsory settlement of disputes, but they failed to
secure the approval of the United States Senate, in particular because of
the extremely novelconcept of thedetermination of thejurisdiction of the
tribunal by a third body. Yet one more attempt to institute compulsory
arbitration had thus failed.

(ii)Justiciable and non-justiciable disputesunder the Covenantof the
Leagueof Nations andthe Statute of the Permanent Courtof Inter-
nationalJustice

(a) The Covenantof the Leagueof Nations

27. Plans for the post-war institution were being prepared from 1918
onwards. The peaceful settlement of international disputes was one of the
main issues,and it was alwaysconsidered that, whilesome disputes might
be suitable for settlement by arbitration, others might be more properly
dealt with by that worldwide institution or through conciliation by an
organ to beset up by that institution. One of theearliest plans, proposed by
Lord Phillimore in 1918,identified, in particular, four types of dispute
suitable for settlement by arbitration, i.e.,disputes concerning "the inter-
pretation of a treaty", "any question of international law", "the existence
of any fact which if established would constitute a breach of any inter-
national obligation" or "the natureand extent of the reparation to be made
for any such breach", and suggested the provision reading that "arbitra-
tion isrecognized by the Allied States as the most effectiveand at the same
time the most equitable means of settling the dispute" (David Hunter
Miller, TheDrafringofthe Covenant,Vol. II,p. 4). General Smuts, British
delegate at the Paris Peace Conference, referring to "the two classes of
justiciable and other disputes", also mentioned these four types of dispute
(ibid., p. 56). Reference to the four types was maintained throughout
several plans for the future institution of the worldwide organization. droit forméepar l'unecontre l'autreen vertu d'un traitéoud'une autre
cause, et qui sont de nature à comporter un règlementjudiciaire du
fait qu'ils peuventêtrerésoluspar application des principes du droit
ou de l'équités,eront soumis àla Courpermanented'arbitrage ..ou à
tel autretribunalarbitralquipourra être instituédans chaque cas par

un compromis spécial. (Article premier.) (Revue générale de droit
internationalpublic, t. XVIII, 1911,p. 655.)
Dans un traitécomme dans l'autre ilest prévuque,lorsque lesparties sont
endésaccordsurlaquestion de savoirsiundifférendestounon susceptible

d'arbitrage aux termes du traité, la question sera soumise à une haute
commission mixte d'enquête et que,si tous lesmembres de la commission
ou tous sauf un sont d'accord pour déclarerque le différendentre dans la
catégoriede ceux que vise l'article premier, il sera soumis à l'arbitrage
(art. III). Ces traités auraient représenté un progrèsconsidérable du point
de vue du règlement obligatoire des différends mais ils n'obtinrent pas
l'approbation du Sénatdes Etats-Unis, notamment en raison de la notion
extrêmementnouvelle de la détermination de la compétencedu tribunal
par un organisme tiers. Ainsi, une tentative de plus d'instituer l'arbitrage

obligatoire avait échoué.

ii)Lesdiffërendsjusticiableset nonjusticiablesselon lePactedelaSociété
des Nations etselonle Statut de la Courpermanente de Justice inter-
nationale

a) Le Pacte de la Société des Nations

27. A partir de 1918, oncommença à élaborerdesplans pour créercette
institution d'après-guerre.Le règlementpacifique des différends interna-
tionaux étaitl'une des principales questions, et l'on avait toujours consi-
déré que sicertainsdifférendsétaientsusceptibles d'unesolutionarbitrale,
d'autres pourraient êtreréglés de façon plus satisfaisante par cette insti-

tution mondiale ou par la voie d'une conciliation confiée àun organe que
créerait cette institution. L'un des premiers projets, proposé par lord
Phillimore en 1918.distinguait en particulier quatre types de différends
susceptibles d'une solution arbitrale, à savoir les différends relatifs à
l'interprétationd'un traité )), à tout point de droit international o. <à la
réalitéde tout fait qui, s'ilétait établi, constitueraitla rupture d'un enga-
gement international )),ou <(àl'étendue ou à la naturede la réparationdue
pour une telle rupture ))Il contenait aussi la disposition suivante :((l'ar-
bitrage est reconnu par les Etats alliéscomme le moyen leplus efficace et

en même temps leplus équitable de régler ledifférend r)(David Hunter
Miller, The Draftingof the Covenant,vol. II,p. 4).Le général Smuts, qui
étaitledélégué britannique à laconférencede lapaix de Paris, a également
mentionnéces quatre types de différends à propos des deux classes de
litiges, les justiciables et les autres (ibid., p. 56). Dans tous les autres
.ro-ets relatifsàla créationde la future organisation mondiale, ilétaitfait
mention de ces quatre types de différends. 28. The Commission on the League of Nations, set up by the prelimi-
nary conference to study the constitution of the League of Nations, com-
menced its work on 3 February 1919.The draft covenant, including some
provisions concerning dispute settlement(Arts. 10-13)waspresented. The
basic idea wasthat the highcontracting partiesshould "in no caseresort to
armed force without previously subrnitting the questions and matters
involved, either to arbitration or to enquiry by the Executive Council"
(Art. IO),and a provision was proposed :

"Article11. The High Contracting Parties agreethat whenever any
dispute or difficulty shall arise between them which they recogniseto
be suitable for submission to arbitration,and which cannot be satis-
factorily settled by diplomacy, they will submit the whole subject
matter to arbitration . ." (Miller, op. cit., p. 234.)

The idea of establishing a Permanent Court of International Justice was
also suggested in this draft covenant (Art. 12).
29. At the second reading of the text, on 24 March 1919,Lord Robert
Cecil, intending "to draw a distinction betweenjusticiable and non-justi-
ciable disputes" (David Hunter Miller, The Drafting of the Covenant,
Vol. II, p. 348), suggested an alternative sentence which in fact had pre-
viously been proposed by Lord Phillimore more than a year earlier. Lord
Robert Cecil's suggestion read :

"If a dispute should arise between the States members of the
League as to the interpretation of a Treaty, as to any question of any
international law,as to the existenceof any fact which,if established,
would constitute a breach of any international obligation,or asto the
extent andnature of the reparation tobe made for any such breach, if
such disputecannot be satisfactorily settled by diplomacy, the States
members of the League recognise arbitration to be the most effective
and at the sametime the most equitable means ofsettling thedispute ;
and they agree to submit to arbitration any dispute which they
recognise to be of this nature." (Ibid., p. 352.)

On 10 April, examining the draft covenant as amended by the Drafting
Committee, Lord Robert Cecil again stated that

"it was difficult to lay down a strictrule. For example, one could not
Say that the question of the interpretation of a Treaty should be
submitted to arbitration in everyinstance. It might happen that such
an interpretation wouldinvolvethehonour or theessential interests of
a country. In such a case the question should rather be submitted to
examination by the Council of the League. It would be dangerous for
the future of the principle of arbitration to impose it too strictly in a
great number of cases." (Ibid., p. 378.) ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS. ODA) 226

28. La commission de la Sociétédes Nations constituéepar la confé-
rence des préliminairesde paix pour étudier la constitution de la Société
desNations commença sestravaux le3février1919.Leprojet de pacte, qui
comprenait quelques dispositionssur le règlementdes différends(art. 10-
13)fut élaboré.Il reposait sur l'idéeque les hautes parties contractantes
<(ne recourraient en aucun cas à la force arméeavant d'avoir soumis les
questions et les faits du litigeà l'arbitrage ou à une enquêtedu Comité
exécutif O (art. 10)(La paix de Versailles,vol. II, p. 117) et contenait la
disposition suivante :

Article Il. Les Hautes Parties contractantes conviennent que
lorsqu'il s'élèvereantre ellesun différendou une difficultésusceptible
d'êtresoumis àl'arbitrage et ne pouvant êtreréglé par la diplomatie,
elles soumettront la question pleine et entière à I'arbitrage...)(Ibid.,

p. 117.)
En outre, l'idéede créer uneCour permanente de Justice internationale a
étéémisedans ce projet de pacte (art. 12).

29. Lors de la deuxièmelecture du texte, le 24 mars 1919,lord Robert
Cecil, soucieux d'o établir une distinction entre les différendsjusticiables
et nonjusticiables ))(David Hunter Miller, The Draftingof the Covenant,
vol. II, p. 348), proposa la variante ci-après, qui avait d'ailleurs déjàété
proposéepar lord Phillimore plus d'un an auparavant :

<Si un différend s'élèveentre les Etats Membres de la Société,
relatifà l'interprétation d'un traité,à une question de droit interna-
tional,à l'existence de tout fait qui constituerait une infraction aux
obligations internationales, ou à l'étendueet à la nature de la répa-
ration à faire pour une telle infraction, si un tel différendne peut pas
êtreréglé de façon satisfaisante par la diplomatie, les Etats Membres

de la Sociétéreconnaissentquel'arbitrage est lemoyen le plusefficace
et, en même temps,lepluséquitable,de réglerce différend ;et ilssont
d'accord pour soumettre à l'arbitrage tout le différendqu'ils recon-
naissent être de cette nature. )) (La paix de Versailles, vol. II,
p. 366.)

Le 10avril, lors de l'examen du projet de pacte modifiépar le comitéde
rédaction, lord Robert Cecil déclara encore que :

((ilétaitdifficile de poser une règlestricte. Par exemple on ne pouvait
pas dire que la question de l'interprétation d'un traité devrait être
soumise à l'arbitrage dans tous lescas. Il pourrait arriver qu'une telle
interprétation mette en cause l'honneur~ou les intérêtsvitaux d'un
pays. Dans un tel cas, la question devrait plutôt êtresoumise à
l'examendu Conseil de la SociétéI.l serait dangereux pour l'avenirdu
principe de I'arbitragede l'imposerde façon trop stricte dans un grand
nombre de cas. (David Hunter Miller, TheDraftingofthe Covenant,
vol. II, p. 378.)The final version of the draft covenant was adopted at the last meeting of
the Commission on 11 April 1919.
30. The Covenant of the League of Nations contained, with regard to
the arbitration orjudicial settlement of international disputes, the follow-
ing provisions :

"Article 12
1. The Members of the League agree that if there should arise
between them any dispute likelyto lead to a rupture, they willsubmit
the matter either to arbitration * or to inquiry by the Council .. .

Article 13
1. The Members of the League agree that whenever any dispute
shall arise between them which they recognise to be suitable for

submission to arbitration *and which cannot be satisfactorily settled
by diplomacy, they will submit the whole subject-matter to arbitra-
tion *.
2. Disputes as to the interpretation of a treaty, as to any questions
ofinternational law,astothe existenceof anyfactwhichifestablished
would constitute a breach of any international obligation,or asto the
extent and nature of the reparation to be made for any such breach,
are declared to be among those which are generally suitable for
submission to arbitration *."

On 28 April, at the Peace Conference, President Wilson of the United
States explained that :
"The second paragraph of Article XII1 is new, inasmuch as it
undertakes to give instances of disputes which are generally suitable
for submission to arbitration, instances of what have latterly been
called 'justiciable'questions." (David Hunter Miller, The Drafting of

the Covenant, Vol. II, p. 700.)
Thus the League of Nations came to declare that the four types of dispute
which Lord Phillimore had originallysuggestedweregenerally suitable for
submission to arbitration.

(b) The Statute of the Permanent Court of International Justice
31. Meeting at The Hague, the Committee of Jurists set up pursuant to
the first (unquoted) sentence of Article 14prepared a draft schemefor the
institution of the Permanent Court of International Justice which, bor-

rowing the concept of the four types of dispute, provided for thejurisdic-
tion of the Court as follows :

' The words"orjudicial settlement" were inserted aftetre asterisks in 1924fol-
lowingthe establishmentof thePermanent Courtof International Justice anticipated
and referredto in Article 14.La version finale du projet de pacte fut adoptée àla dernière séancede la
commission, le 11 avril 1919.
30. Sur le règlementarbitral oujudiciaire des différends, le Pacte de la
Sociétédes Nations contenait les dispositions suivantes ':

Article 12

1.Tous lesMembres de la Société conviennentque, s'ils'élève entre
eux un différend susceptible d'entraîner une rupture, ils le sou-
mettront soit à la procédure de l'arbitrage *, soit à l'examen du
Conseil ...
Article 13

1.Les Membres de la Société conviennent que s'il s'élèveentre eux
un différendsusceptible, àleur avis,d'une solution arbitrale*, et sice
différendne peut se réglerde façon satisfaisante par la voie diplo-
matique, la question sera soumise intégralement à l'arbitrage*.

2. Parmi ceux qui sont généralement susceptiblesde solution arbi-
trale*, on déclaretels les différendsrelatifs à l'interprétation d'un
traité,à tout point de droit international,à la réalitéde tout fait qui,
s'ilétait établi, constitueraitla rupture d'un engagement internatio-
nal, ou àl'étendueou à la nature de la réparation due pour une telle

rupture. ))
Le 28 avril,à la conférencede la Paix, le présidentWilson des Etats-Unis
d'Amériquedonna l'explication suivante :

Lesecond paragraphe de l'articleXII1est nouveau et apour objet
dedonnerdes exemplesde différendsquisont généralementreconnus
comme susceptibles d'unesolutionarbitrale,des exemplesdecequ'on
a récemmentappelé desquestions<j< usticiables.))(Lapaix despeuples,
vol. 2, p. 390.)

C'est ainsique la SociétédesNations en vint à déclarerque lesquatre types
de différendsque lord Phillimore avait proposés à l'origine étaientgéné-
ralement reconnus comme susceptibles d'une solution arbitrale.

b) Le Statut dela Courpermanente de Justice internationale
31. Réuni à La Haye, le comitéconsultatif de juristes constitué en
application de la première phrase (que je n'ai pas citée)de l'article 14
élabora un avant-projet relatif à la créationd'une Cour permanente de
Justice internationale. Reprenant la classification en quatre types de dif-
férends, ceprojetcontenait lesdispositionsci-aprèssurlacompétencede la
Cour :

A la suite de la créationen 1924de la Cour permanentede Justice internationale,
qui avaitété annoncéeientdiquéedans l'article,le règlementjudiciairea été men-
tionné après chacudnes astérisquesde ce texte. MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISS O.P. ODA)

"Article 34

Between States which are Members of the League of Nations, the
Court shallhavejurisdiction (and thiswithout any specialconvention
giving it jurisdiction) to hear and determine casesof a legal nature,
concerning :
(a) the interpretation of a treaty ;
(b) any questionof infernationaiiaw ;

(c) the existence of any fact which, if established, would constitute a
breach of an international obligation ;
(d) the nature or extent of reparation to be made for the breach of an
international obligation ;
(e) the interpretation of a sentence passed by the Court.
The Court shall also take cognisance of al1disputes of any kind
which may be submitted to it by a general or particular convention
between the parties.

In the event of a dispute as to whether a certain case corneswithin
any of the categories above mentioned, the matter shall be settled by
the decision of the Court." (P.C.I.J., Advisory Cornmitteeof Jurists,
Procès-Verbaux ofthe Proceedingsof the Cornrnittee,p. 679.)(Empha-
sis added.)

32. The viewadvanced by the Comrnittee of Jurists encountered objec-
tionsfrom severaldelegates at the Council of the LeagueofNations, which
dealt with the draft scheme in the course of its sessions from February to
October 1920. They argued that, even if States admitted compulsory
jurisdiction in the cases laid down in the suggesied article, they rnight not
gosofar as to admit that anyquestionofinternationailaw without exception
could be submitted to the Court. The report presented by the French
representative, Léon Bourgeois,on 27October 1920at the 10thSessionof
the Council in Brussels, read in part :

"We do not think it necessary to discuss here the advantages which
would result from the systernof compulsoryjurisdiction proposed by
the Committee of Jurists with regard to the good administration of
international justice and the development of the Court's authority.

Butasin reality amodification inArticles 12and 13ofthe Covenant is
here involved, the Council will, no doubt, consider that it is not its
duty, at the moment when the General Assembly of the League of
Nations is about to meet for the first time, to take the initiative with
regard to proposed alterations in the Covenant, whose observance
and safe keeping have been entrusted to it.

At the present moment it is rnost important in the interests of the
authority of the Leagueof Nations that differences of opinion should
not arise at the veryoutset with regard to the essential rules laid down ((Article 34

Entre Etats Membres de la Société des Nations la Cour statuesans
convention spéciale sur les différends d'ordrejuridique, qui ont pour
objet :

a) l'interprétation d'un traité ;
b) tout point de droit international;
c) la réalitéde tout fait, qui, s'ilétait établi, constituerait laviolation
d'un engagement international ;
d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international ;
e) l'interprétation d'une sentence rendue par la Cour.

La Cour connaît égalementde tous différends,de quelque nature
qu'ilssoient,qui lui sont soumis par la convention, soit générale, soit
spéciale,des parties.
En cas de contestation sur le point de savoir si un différend rentre
dans lescatégories ci-dessusvisées,laCour décide. )>(C.P.J.I.,Comité
consultatif de juristes, Procès-verbaux des séances du comité, p. 679.)
(Les italiques sont de moi.)

32. Le point de vue du comitéconsultatif de juristes se heurta à des
objections formuléespar plusieurs déléguéa su Conseil de la Sociétédes
Nations, lequel examina l'avant-projet au coursde sessessionsde février à
octobre 1920.Cesdéléguéfs irent valoir que, même silesEtatsadmettaient

lecaractère obligatoire de lajuridiction dans les cas énoncésdans l'article
proposé,ils n'iraient peut-être pasjusqu'àadmettre que toutpoint de droit
international sans exception pût êtresoumis à la Cour. Dans le rapport
présenté par ledélégué de laFrance, M. Léon Bourgeois,le27octobre 1920
à la dixième sessiondu Conseil tenue à Bruxelles, on lit le passage sui-
vant :

<Nous ne croyons pas nécessairede discuter ici les avantages qui
résulteraient, pour la bonne administration de la justice internatio-
nale et pour ledéveloppementde l'autoritéde la Cour, du systèmede
la compétence obligatoire proposépar le comitédes juristes. Mais,
puisqu'il s'agit, en réalité, d'une modification à apporter aux ar-
ticles 12 et 13 du Pacte, le Conseil estimera sans doute qu'il ne lui
appartient pas, à I'heure où va se réunirpour la première fois l'As-

semblée générald ee la Sociétédes Nations, de prendre l'initiative de
propositions de modifications du Pacte dont l'application et la garde
lui ont étéconfiées.

Ce qui paraît nécessaire, à l'heure actuelle, pour l'autoritéde la
Sociétédes Nations, c'est que, dès ses débuts, des divisions ne se
produisent pas sur les règles essentielles poséesdans le Pacte ..)) in the Covenant . . .(League of Nations, P.C.I.J., Documents con-
cerning the actiontaken by the Councilof the League of Nations under
Article 14 of the Covenant, p. 47.)

Léon Bourgeois suggestedthat in the Hague draft scheme the Council
replace Articles 33and 34by a new text, which was eventuallyadopted by
the Council, as follows :

"Article 33
Thejurisdiction of the Court isdefined by Articles 12, 13and 14of
the Covenant.

Article 34
Withoutprejudice to the rightof the Parties, accordingto Article 12
of the Covenant, to submit disputes between them either to judicial
settlementor arbitration or to enquiry by the Council, the Court shall
have jurisdiction (and this without any special agreement giving it
jurisdiction) to hear and determinedisputes, thesettlement of whichis
by Treaties in force entrusted to it or to the tribunal instituted by the
League of Nations." (Ibid., p. 47.)

33. While the Assemblywas meeting from24November to 7December
1920a subcommittee of its Third Committeemade a detailed study of the
draft scheme of the Court and suggested :

"Whatever differences of opinion there may be on the interpreta-
tion of the Covenant with regard to the acceptance of a compulsory
jurisdiction within the scope of its provisions, and upon the political
expediency of adopting an unconditionally compulsory jurisdiction
in international relations, the Sub-Committee was unable to go
beyond the consideration that unanimity on the part of the Members

of the League of Nations is necessary for the establishment of the
Court,andthat itdoes not seempossible toarrive at unanimity except
on the basis of the principles laid down in the Council's draft."(lbid.,
p. 210.)
The subcommittee devised in fact a modified text intended to formulate as

clearly as possible the following ideas :
"1. The jurisdiction of the Court is in principle based upon an
agreement between the Parties. This agreement may be in the form of
a special Convention submitting a given case to the Court, or of a
Treaty or general Convention embracing a group of matters of a

certain nature.
2. With regard to the right of unilateral arraignment contemplated
in the words ('and this without any special agreement giving it juris-
diction') in the Council'sdraft, the Sub-Committee, by deleting these
words, has not changed the meaning of the draft. In conformity with (Sociétédes Nations, C.P.J.I., Documentsausujetdemesuresprises par
le Conseilde la SociétédesNations aux termesde l'article14duPacte,
p. 47.)

Léon Bourgeoisproposa que le Conseil remplace les articles 33 et 34 de
l'avant-projet élaboréà La Haye par un nouveau texte, qui fut finalement
adoptépar le Conseil, sous la forme suivante :

Article 33

La compétencede la Cour est réglée par les articles 12, 13et 14du
Pacte.
Article 34

Sans préjudicede la faculté conférée par l'article 12du Pacte aux
parties en litige de le soumettre, soità la procédure judiciaire ou
arbitrale, soit l'examendu Conseil, la Cour connaîtra sans conven-
tion spécialedes litiges dont le règlement estconfié à elle, ou à la
juridiction instituéepar la SociétédesNations, aux termes des traités
en vigueur. ))(Ibid., p. 47.)

33. Pendant que l'Assembléese réunissait,du 24 novembre au 7 dé-
cembre 1920,une sous-commission de la Troisième Commissionprocéda
à une étudeapprofondiede l'avant-projet decréationdelaCour etproposa
ce qui suit:

Quelque divergence d'opinions qu'il puissey avoir sur l'interpré-
tation du Pacte en ce qui concerne l'acceptation d'unejuridiction
obligatoire en dedans du cadre de ses dispositions, ainsi que sur
l'opportunité politique d'accepter une juridiction inconditionnel-
lement obligatoire dans les rapports internationaux, la Sous-Com-
mission s'est arrêtéedevant la considération que l'unanimité des
Membres de la Sociétédes Nations est nécessairepour I'établisse-
ment de la Cour, et quecette unanimiténe semble pouvoir êtreobte-
nue que sur la base des principes établis par le projet du Conseil. ))

(Ibid., p. 210-211.)
La sous-commission rédigeaalors un nouveau texte visant à énonceraussi
clairement que possible les idées suivantes :

<<1.Lacompétencede laCour esten principe fondéesur un accord
entre les parties. Cet accord peut résulterd'une convention spéciale
soumettant un cas déterminé à la Cour, ou bien d'un traitéou d'une
convention générale envisageant unensemble d'affaires d'une cer-

taine nature.
2. En ce qui concerne le droit d'assignation unilatéralevisépar les
mots <<sans convention spéciale du projet du Conseil, la Sous-
Commission n'a pas, ensupprimant ces mots, changéle sens dudit
projet. Conformément à la proposition du Conseil, le texte préparé230 MILITARY AND PARAMILlTARY ACTIVITIES (DISS .P. ODA)

the Council's proposal, the text prepared by the Sub-Committee
admits this right only when it is based on an agreement between the
Parties. In the Sub-Committee's opinion,thequestion must be settled
in the following manner : If a Convention establishes, without any

reservation, obligatory jurisdiction for certain cases or for certain
questions (as is done in certain general arbitration treaties and in
certain clauses of the Treaties of Peace dealing with the rights of
minorities, labour, etc.) each of the Parties has, by virtue of such a
treaty, the right to have recourse without special agreement (com-
promis) to the tribunal agreed upon. On the other hand, if the general
Convention is subject to certain reservations ('vital interests', 'inde-
pendence', 'honour', etc.), the question whether any of these are
involved in the terms of the Treaty. being for the Parties themselves to
decide, the Parties cannot have recourse to the International Tribunal
without a preliminary agreement (compromis) ..." (Leagueof Nations,
P.C.I.J., Documents concerningthe action taken by the Councilof the
League of Nations under Article 14 of the Covenant, p. 211 .)

The draft scheme prepared by the Council was amended by the subcom-
mittee as follows :

"Article 36 (Brussels, Art. 33)

Thejurisdiction of the Court comprises al1cases which the Parties
refer to it and al1matters specially provided for in treaties and con-
ventions in force.
Article 37 (Brussels, Art. 34)

When a treaty orconvention in force provides for the reference of a
matter to a tribunal to be instituted by the League of Nations, the
Court will be such tribunal." (Ibid., p. 218.)

34. In the course of the deliberations of the Third Committee of the
First Assembly, however, Mr. Fernandes, the Brazilian delegate, intro-
duced the text adopted by the Committee of Jurists but abandoned by the
Council (quoted in para. 31 above), which was accompanied by a tem-
porary provision reading :

"Article
In ratifying the Assembly's decision adopting this Statute, the
Members of the League of Nations are free to adhere to either of the
two texts of Article 33. They may adhere unconditionally or condi-
tionally to the Article providing for compulsory jurisdiction, a pos-

sible condition being reciprocity on the part of a certain number of
Members, or of certain Members, or, again, of a number of Members
including such and such specified Members." (Ibid., p. 168.)

This proposa1was adopted with some amendments. The Third Committee par la Sous-Commission n'admet cedroit quequand ilsebase sur une
convention des parties. La question doit, d'aprèsl'avis de la Sous-
Commission, êtrerésoluede la manièresuivante :si une convention
établit sansaucuneréservelajuridiction obligatoire pour certains cas
ou pour certaines matières (comme lefont certains traités généraux
d'arbitrage ainsi que certaines clauses des traitésde paix visant les
droits des minorités,le travail, etc.) chacune des parties a, en vertu
d'un tel traité,le droit sans une convention spéciale(un compromis)
de recourir à la juridiction convenue. Par contre si la convention

générale est soumise à certaines réserves (((intérêts vitaux )),((indé-
pendance O, <honneur O,etc.) dont l'appréciation,d'après lestraités,
appartient auxparties elles-mêmes,les parties ne peuvent pas recourir
à la juridiction internationale sans un accord préalable (compro-
mis) ..))(Société desNations, C.P.J.Z.,Documentsausujetdemesures
prises parle Conseilde la Société desNations aux termes del'article 14
du Pacte, p. 211 .)

Le projet provisoire rédigépar le Conseil fut modifiécomme suit par la

Sous-Commission :
((Article 36 (Bruxelles, art. 33)

Lacompétencede laCour s'étend à toutesaffaires que lesparties lui
soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévusdans les
traités et conventions en vigueur.

Article 37 (Bruxelles, art. 34)
Lorsqu'un traité ou convention envigueurvise lerenvoi a unejuri-
diction à établirpar la Société des Nations, la Cour constituera cette

juridiction. ))(Ibid., p. 218.)
34. Cependant, au cours desdélibérationsde la Troisième Commission

de la première Assemblée, le délégu du Brésil,M. Fernandes, présenta le
texte qui avait été adopté parle comité consultatifdejuristes mais aban-
donné par le Conseil (citéci-dessus au paragraphe 31), et auquel était
annexée une disposition transitoire ainsi rédigée :

<(Article
En ratifiant la décisionde l'Assembléeconcernant i'adoption de ce
statut, les Membres de la Société desNations sont libres d'adhérer à

l'un ou l'autre des deux textes de l'article 33. Ils peuvent adhérer
purement ou sous condition à celui qui comporte une juridiction
obligatoire, la condition pouvant consister dans la réciprocitéde la
part d'un certain nombre de Membres ou de certains Membres, ou,
encore,d'un nombre de Membres où soient compris telset telsd'entre
eux. ))(Ihid., p. 168.)

Cette proposition fut adoptée avec quelques modifications. La Troisièmereported in connection with Article 36 that a new provision had been
added which :

"givespower to choose compulsoryjurisdiction either in al1the ques-
tions enumerated in the Article or only in certain of these questions.
Further, it makes it possible to specify the States (or Members of the
Leagueof Nations) in relation to whicheach Government iswillingto
agree to a more extended jurisdiction." (Ibid.,p. 222.)

35. The text as amended by the Third Committee at its last session,on

10 December 1920, was finally adopted, with further slight changes, as
Article 36 of the Statute of the Permanent Court of International Justice.
Thus the Statute read, in part :
"Article 36

... The Members of the Leagueof Nations. ..may ... declare that
theyrecognizeascompulsory ipsofacto and without specialagreement
... the jurisdiction of the Court in al1or any of the classes of legal
disputes concerning :
(a) the interpretation of a treaty ;
(6) any question of international law ;
(c) the existence of any fact which, if established, would constitute a
breach of an international obligation ;
(d) the nature or extent of the reparation to be made for the breach of

an international obligation." (Emphasis added.)
While the Covenant of the League of Nations declared, in general terms,
that "disputes" as enumerated "are generally suitable for submission to
arbitration", the Statute of the Permanent Court of International Justice
provided for optional acceptance of the Court's jurisdiction for "legal
disputes concerning" the four categories specified in the Covenant.

(iii)The concept ofjusticiable disputes subsequent to the inception of the
Permanent Court of International Justice

36. In the post-war period, particularly during a decade beginning with
the mid-1920s,agreat number of bilateral treaties wereconcluded to unify
the procedure of conciliation with the submission of various kinds of
international dispute to arbitration or to the newlyestablished Permanent
Court of International Justice. In October 1925,at Locarno, Switzerland,
where a treaty of mutual guarantee aimed at maintaining the territorial
status quo resulting froG the adjustment of the western frontiers of
Germany was initialled, Germany negotiated arbitration treaties with
Belgium,Czechoslovakia, Franceand Poland, respectively,in whichitwas
stated that :

"All disputes of everykind between Germanyand[the parties]with
regard to which the Parties are in conflict as to their respective rightsCommission, dans son rapport, indiqua à propos de l'article 36 qu'une

nouvelle disposition avait étéajoutéedont le sens était le suivant :
«elledonne lafacultédechoisir lajuridiction obligatoire ou bien pour
toutes les questions énumérées à l'article, ou bien seulement pour
certaines de ces questions. Elle établit enoutre la possibilitéde dési-

gner les Etats (ou Membres de la Société des Nations) vis-à-visdes-
quelschaque gouvernement estdisposé à assumer unejuridiction plus
étendue. ))(Ibid., p. 222.)
35. Letexte,modifiépar laTroisième Commission àsadernièresession
tenue le 10 décembre 1920,fut finalement adopté avec encore d'autres

légères modifications etdevint l'article36du Statutde laCourpermanente
de Justice internationale. Dès lors, leStatut dispose notamment :
<Article 36

..LesMembres dela Société ...pourront ..déclarerreconnaître dès
a présentcomme obligatoire, de plein droit et sans convention spé-
ciale ...lajuridiction de la Cour sur toutes ou quelques-uned ses caté-
gories de différends d'ordrejuridiqua eyantpour objet :

a) l'interprétation d'un traité ;
b) tout point de droit international ;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait la violation
d'un engagement international ;
d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international. ))(Les italiques sont de moi.)

Dans le Pacte de la Société des Nations, c'esten termes généraux qu'il est
dit que les différends ))énumérés sont de ceux qui (<sont généralement
susceptibles de solution arbitrale ; en revanche, dans leStatut de laCour
permanentede Justice internationale il est prévu uneacceptation faculta-
tive de la juridiction de la Cour pour les <différends d'ordre juridique
ayant pour objet )) les quatre catégories spécifiéed sans le Pacte.

iii)La notionde différendsjusticiablesaprès lacréationde la Courper-
manentede Justice internationale

36. Aprèsla première guerre mondiale, et plus particulièrement a par-
tir de 1925,un grand nombre de traités bilatéraux furent concluspour
unifier la procédurede conciliation en soumettant divers types de diffé-
rends internationaux à l'arbitrage ou à la juridiction de la Cour perma-
nente de Justice internationale nouvellement créée.En octobre 1925, à
Locarno (Suisse), ou fut paraphé un traitéde garantie mutuelle visant au
maintien du statu quo territorial résultant de la correction des frontières
occidentales de l'Allemagne, cetEtat conclut, respectivement avec la Bel-
gique, la France, la Pologne et la Tchécoslovaquie,des conventions d'ar-

bitrage qui comportaient la disposition suivante :
((Toutes contestations, entre l'Allemagneet [l'autrepartie] de quel-
que nature qu'ellessoient, au sujet desquelles les parties se conteste-232 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVlTIES (DISS . P. ODA)

. ..shall be submitted for decision either to an arbitral tribunal or to
the Permanent Court of International Justice.. ."(Art. 1.)(Leagueof
Nations Treaty Series, Vol. 54, p. 304.)

The disputes were to "include in particular those mentioned in Article 13
of theCovenant of the League of Nations" (Art. 1)and be submitted - but
only by means of a special agreement - either to the Permanent Court of
International Justice or to an arbitral tribunal (Art. 16).

37. Originating with the Committee on Arbitrationand Security which
thePreparatory Committee of the Disarmament Conference established in
November 1927,the General Act for Pacific Settlement of International
Disputes was approved by the Ninth Assembly of the League of Nations in

1928as a compendium of the results produced by a number of bilateral
arbitration or conciliation treaties. As to judicial recourse, it was agreed
that "Al1disputes with regard to which theparties are in conflict as to their
respectiverights" should besubmitted for decision tothePermanent Court
of International Justice. It was understood, however, that these disputes
would "include inparticular those mentioned inArticle 36of the Statuteof
the Permanent Court of International Justice" (Art. 17)(League ofNations
Treaty Series, Vol. 93, p. 351).

38. Thearbitration treatiesconcluded by the United States in the years
1928-1930with as many as 25countries provided for the submission to the
Permanent Court of Arbitration or to some other competent tribunal
of :

"al1 differences relating to international matters in which the high
contractingpartiesareconcerned byvirtue of aclaim of right made by
one against the other under treaty or otherwise . . which are jus-
ticiable in their nature by reason of being susceptible of decision
by the application of the principles of law or equity" (Art. 1)
(The American Journal of International Law, Supplement, Vol. 23,

p. 197).
A special agreement for the submission was first to be made by the parties
in each case. In 1929the United States concluded at Washington with 19
Latin American Statesthe General Treaty of Inter-AmericanArbitration,
which belonged to the same type in providing for the obligation of the
contracting parties to submit to arbitration :

"al1differences ofan international character whichhavearisen or may
arise between them by virtue of a claim of right made by one against
the other under treaty or otherwise . . .which are juridical in their
nature by reason of being susceptible of decision by the application of
the principles of law" (Art. 1) (League of Nations Treaty Series,
Vol. 130,p. 140). raient réciproquement un droit ..seront soumises pourjugement soit

à un tribunal arbitral, soit à la Cour permanente de Justice interna-
tionale ..))(Article premier.) (Sociétédes Nations, Recueil des traités,
vol. 54, p. 304.)
Il était entendu que ces contestations comprenaient << notamment celles
que mentionne l'article 13 du Pacte de la Sociétédes Nations 1)(article

premier) et qu'elles devaient êtresoumises - maisuniquement par voie de
compromis - soit ala Cour permanente de Justiceinternationale, soit à un
tribunal arbitral (art. 16).
37. Issu des travaux du comité d'arbitrage etde sécurité,qui fut cons-
tituépar la commission préparatoire de la conférencedu désarmement en
novembre 1927,l'Actegénéralpour le règlementpacifique des différends
internationaux fut approuvé à la neuvième Assembléede la Sociétédes
Nations en 1928 ; il contenait une synthèse des résultats d'un certain
nombre de traités bilatéraux d'arbitrage ou de conciliation. Quant au

recours au règlementjudiciaire, on décidaque <(tous différends au sujet
desquels les parties se contesteraient réciproquement un droit seraient
soumis pour jugement a la Cour permanente de Justice internationale.
Toutefois, il étaitentendu que ces différends comprenaient <notamment
ceuxque mentionne l'article36du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale ))(art. 17)(Sociétédes Nations, Recueil des traités,vol. 93,
p. 350).
38. Dans les traités d'arbitrage conclus par les Etats-Unis de 1928 à
1930 avec quelque vingt-cinq pays il est prévu de soumettre à la Cour

permanente d'arbitrage ou à un autre tribunal compétent :

<(tous les différends qui pourraient surgir entre les Hautes Parties
contractantes dans des affaires d'ordre international portant sur un

droit qu'une Partie contractante fait valoir à l'égardde l'autre envertu
d'un traité ou autrement ..s'ilscomportent, de par leur nature, une
solutionjuridique, c'est-à-dire sont susceptibles d'êtreréglés par l'ap-
plication des principes du droit et de l'équité ...))(Article premier.)
(Sociétédes Nations, Recueil des traités, vol. 88, p. 100.)

Un accord spécialpour soumettre le différend à la Cour permanente
d'arbitrage ou aun autre tribunal devait d'abord intervenir entre lesparties
dans chaque cas. En 1929, les Etats-Unis conclurent à Washington avec
dix-neuf Etats d'Amériquelatine le traitégénérald'arbitrage interaméri-
cain, qui appartenait à lamêmecatégorie d'instruments etdisposait que les
parties contractantes s'engageaient à soumettre à l'arbitrage :

<(tous les différends de caractère international qui ont surgi ou qui
pourraient surgir entre elles par le fait de la réclamation d'un droit
faite par l'unecontre l'autre, envertu d'untraitéou autrement ...etqui
est denature juridique, vu qu'elle estsusceptible d'une décision basée
sur l'application desprincipes du droit )(articlepremier) (Société des
Nations, Recueil des traités, vol. 130,p. 141-142).The Treaty also provided that the "questions of juridical character"
(Art. 1)would include four types of dispute specified in Article 13,para-
graph 2, of the Covenant of the League of Nations. The formulation of a
special agreement, to be concluded in each case, was to define the parti-
cular subject-matter of the controversy (Art. 4).

(iv) Legaldisputesfound suitablefor settlement bytheInternational Court
of Justice
39. The United Nations setup the International Court of Justice as "the
principaljudicial organ of the United Nations" to "function in accordance
with the annexed Statute" (Charter, Art. 92), but the principal responsi-
bility for the maintenance of international peace and security is entrusted
to the Security Council, which should as a final resort handle a dispute the
continuation of which is likely to endanger the maintenance of interna-
tional peace and security,whiletakingcognizanceof theconsiderationthat
"legaldisputes" should as a general rule be referred by the parties to the
International Court of Justice (Charter, Art. 36, para. 3).
40. The 1945 Statute of the present Court, the relevant provision of
which isquoted above(para. 20),followsthe pattern of the previous Court
except that declarations may be made accepting the jurisdiction of the
Court "in al1legaldisputesconcerning ..." (Art. 36,para. 2), not "in al1or

any of the classes of legaldisputes concerning .. .",and that the Optional
Clause attached to the protocol of signature of the previous Statute was
incorporated in the new Statute (Art. 36, paras. 3 and 4). All that the
dropping of the reference to "classes" of legal dispute indicates is a reali-
zation of the redundancy of this vague expression, while the relocation of
the Optional Clause is but a corollary of the permanent integration of the
Court and its Statute into the system of the Charter. Consequently, any
suggestion that the present Court possesses a wider jurisdiction than its
predecessor rationemateriaemust depend on an assumed evolution in the
meaning of the term "legal disputes".

2. The difficulty of viewingthepresent caseas concerninga "legal dispute"
within the meaning of the Statute

(i) In general

41. The above survey of the developments behind the provision of
Article 36,paragraph 2,of the Statute of the International Court ofJustice
leads me to the following observations.
42. First, the term "legal disputes" was defined in some instruments as
referring to those disputes which arise

"by virtue of a claim of right made by one against the other under
treaty or otherwise [and] which arejuridical in their nature by reasonLe traité prévoyait égalementque seraient considérés comme compris
parmi les <(questions d'uncaractèrejuridique (articlepremier) lesquatre
types de différendsprécisés à l'article 13, paragraphe 2, du Pacte de la
Société des Nations. Dans chaque cas, lesparties en litigedevaient rédiger
d'un commun accord un compromis spécialqui définiraitl'objet particu-
lier de la controverse (art. 4).

iv) Les différendsd'ordre juridique considéré cosmme susceptiblesd'un
règlement par la Cour internationalede Justice

39. LesNations Unies ont instituéla Cour internationale de Justice en
tant qu'a organejudiciaire principal des Nations Unies qui <(fonctionne
conformément à un Statut ))(Charte, art. 92) mais la responsabilité prin-
cipale du maintien de lapaix et de la sécuritéinternationalesest confiéeau
Conseil de sécuritélequel doit examineren dernier recours tout différend
dont laprolongation est susceptible de menacer lemaintien de lapaix et de

la sécurité internationales,en tenant aussi compte du fait que, d'une ma-
nière générale, les <<différendsd'ordrejuridique ))devraient êtresoumis
par les parties à la Cour internationale de Justice (Charte, art. 36, par. 3).
40. LeStatut de la Cour actuelle, qui date de 1945et dont ladisposition
pertinente a déjà étécitée(par. 20), suit le modèle de celui de la Cour
précédente,sice n'estque les Etats parties peuvent déclarerreconnaître la
juridiction de laCour <(surtous lesdifférendsd'ordrejuridique ayant pour
objet ... (art. 36, par. 2) et non plus ((sur toutes ou quelques-unes des

catégoriesde différends d'ordre juridique ayant pour objet ...r)et que la
clause facultative annexée auprotocole de signature du Statut antérieur a
été incorporée dans le nouveau Statut (art. 36, par. 3-4). Si on a laissé
tomber la mention des <(catégories )de différendsd'ordrejuridique, c'est
seulement parce qu'on s'estrendu compte que cette expression vagueétait
redondante, et si la clause facultative a été déplacée, ce n'estque par suite
de l'intégration définitivd ee la Cour et de son Statut dans lesystèmede la
Charte. Par conséquent, on ne peut pas dire que la Cour actuelle a une

compétenceplus étenduequesadevancièrerationemateriaesans présumer
que le sens de l'expression <différendsd'ordre juridique ))a évolué.

2. Il est difficilede considérerquelaprésenteaffaireapour objet un «dif-
férendd'ordrejuridique » au sens du Statut

i) Observationsgénérales

41. Aprèsavoir fait la genèsedu paragraphe 2 de l'article 36 du Statut
de la Cour internationale de Justice, je formulerai les observations ci-
après.
42. En premier lieu, il a étépréciséd , ans certains instruments, que les

termes différends d'ordre juridique ))visent les différendsqui ont surgi
ou qui pourraient surgir entre deux parties
<<par le fait de la réclamationd'un droit faite par l'unecontre l'autre,
en vertu d'un traitéou autrement, réclamation ...qui est de nature of being susceptible of decision by the application of the principles of
law" (e.g., the 1911 General Arbitration Treaties),

or inother casesas those "with regard to which the Parties are inconflict as
to their respective rights" (e.g., the 1925 Locarno Treaties ; the 1928

General Act). These definitionsshould not be overlooked or made light of
in interpreting the term "legal disputes" as used in the Statute.

43. Secondly, the well-known reservations in the 1903Anglo-French
Treaty concerning vital interests, independence, honour and third-party
interests in connection with referral to arbitration disappeared with the
League of Nations. However, this was only because disputes involving
such considerations were thenceforth to be submitted for examination by
the Council, the League's pre-eminently political organ. In the United
Nations system, it is likewisethe Security Council which isentrusted with
the ultimate function for the peaceful settlement of any dispute the con-
tinuance of which is likely to endanger the maintenance of international
peace and security.

44. Thirdly, it should be recalled that, while the draft prepared by the
Hague Committee of Jurists was being discussed at the Brussels Council,
the suggestion of the compulsory referral of disputes over any point of
international law met with opposition, as reflected in LéonBourgeois's
report, part of which read :

"If this viewadvanced by the Jurisconsults at The Hague isadopted
without modification, a considerable advance has certainly been
made, in view of the terms of Article 34. What must be understood,
then, by the expression 'any point of international law' ? Even if the
Statesadmitted thecompulsoryjurisdiction in thecasesdefinitely laid
down in the Article, willthey consent to go so far as toadmit that any
question of international law may be submitted to the Court ?Objec-
tions of this nature have been raised by several Governments, which
have forwarded us their remarks on the draft scheme." (League of

Nations, P.C. I.J.Documents concerningthe actiotnaken by the Council
of the LRagueof Nations underArticle 14 of the Covenant, pp. 46-47.)
45. Fourthly, it is important to note that at the First Assembly of the
League of Nations the proposal for the compulsory referral of "legal

disputes" to arbitration was declared acceptable subject to its voluntary
acceptance by each State,as witness the eventual Article 36of the Statute.
Itfollows that, despite theprovision of the Statute thadetermination of the
Court's jurisdiction should in case of doubt be in the hands of the Court
(Art. 36 (6)), it is to be assumed that when voluntarily accepting compul- juridique, vu qu'elle est susceptible d'une décision baséesur I'ap-
plication des principes du droit ..))(par exemple, les traitésgéné-
raux d'arbitrage de 1911 ; Sociétédes Nations, Recueil des traités,
vol. CXXX, p. 140),

et, dans d'autres, qu'ils visent lescontestations <(au sujet desquelles les
parties secontesteraient réciproquement un droit ))(par exemple, les trai-

tésde Locarno de 1925 et l'Acte généralde 1928). Ces définitions ne
doiventpas êtreoubliéesniprises a lalégèrelorsqu'oninterprètelestermes
<(différends d'ordre juridique O tels qu'ils sont employésdans le Statut.
43. En deuxième lieu,les fameuses réservesau règlement arbitral qui
figuraient dans le traitéde 1903entre la France et la Grande-Bretagne et
qui portaient sur lesintérêtv sitaux, l'indépendanceou l'honneur des deux
Etats contractants ainsi que sur les intérêts de tierces puissances disparu-
rent avec la créationde la Société desNations. Mais s'ilen alla ainsi, c'est
bien parce que les différendsmettant en cause des considérations de ce

genre devaient désormaisêtresoumis à l'examendu Conseil, organe poli-
tique principal de la SociétéD . e mêmed , ans lesystèmedes Nations Unies,
c'est au Conseil de sécuritéqu'est confiéeen dernier ressort la mission
d'assurer le règlementpacifique de tout différenddont la prolongation est
susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internatio-
nales.
44. En troisième lieu,ilfaut rappeler que, pendant que leprojet élaboré
par lecomitéconsultatif dejuristes de La Haye étaiten cours d'examen au

Conseil, à Bruxelles,la suggestion visant a soumettre obligatoirement à la
Cour lesdifférendsportant sur toutpoint de droit international rencontra
unecertaineopposition,comme celaressort du rapport de Léon Bourgeois,
et notamment du passage suivant :

<(Si l'on adopte cette thèse des jurisconsultes de La Haye d'une
façon absolue, on va certainement très loin, vu les termes de I'ar-
ticle 34. Que faut-il en effet entendre par les termes <(tout point de
droit international ))? Mêmesi les Etats admettaient la juridiction
obligatoire dans les cas expressémentdéfinisdans I'article,consenti-
raient-ils à allerjusqu'à admettre que toute question de droit inter-

national puisseêtresoumise à laCour ?Desobjectionsa cet égardont
étésoulevéespar plusieurs des gouvernements qui nous ont fait par-
venir leurs observations au sujet de l'avant-projet. ))(Sociétédes
Nations, C.P.J.I.,Documentsausujetde mesuresprises parle Conseilde
la Société desNations aux termes de I'article 14 du Pacte, p. 46-47.)

45. En quatrièmelieu,ilimportede noterqu'a lapremière Assembléede
la Société des Nations la proposition concernant la soumission obligatoire
à l'arbitrage des ((différends d'ordre juridique fut déclarée admissibleà
condition qu'elle soit acceptée volontairement par chaque Etat, comme
devait en témoignerlefutur article 36du Statut. En conséquence, et malgré
ladispositiondu Statut suivant laquelleen casde doute sursacompétence,

la Cour décide (Statut, art 36, par. 6), il faut présumer que 1'Etatqui asoryjurisdiction a State(the United States in this case) will not only have
had in mind its own concept of what should constitute a justiciable "legal
dispute" under Article 36, paragraph 2,of the Statute but may legitimately
entertain expectations that that concept will if necessary be elicited and
respected by the Court.

(ii) Precedentsin theprevious and present Courts

46. Previous opportunities for testing thisassumption havebeen almost
non-existent, as may be demonstrated by a survey of the past practice
regarding the submission of a case under the Optional Clause of the
Statutes of the previous and present Courts. Of more than 20 contentious
cases during the period of the Permanent Court of International Justice,
the cases which were brought to the previous Court relying on Article 36,
paragraph 2, numbered only seven. among which three cases - Denun-

ciation of the Treaty of 2 November 1865berween China and Belgium,
Losinger and Legal Status of the South-Eastern Territoryof Greenland -
were eventually withdrawn, and the Electricity Company of Sofia and
Bulguria case was not concluded because of the Second World War. Legal
Status of Eastern Greenland, Phosphates in Morocco and Panevezys-Saldu-
tiskis Railway were the only such cases to have remained before the pre-
viousCourt, and in the first of these Denmark, therespondent Party, raised
no objection to the Court'sjurisdiction. The objections raised in the other
two were merely procedural in character ; the previous Court, recognizing
the objection of the Respondents, declared the applications in both cases
inadmissible. There was no singlecase before the previous Court in which
judgment on the merits was given against a challenge by a Respondent to
the Court's jurisdiction under the Optional Clause of the Statute.
47. Of the ten cases brought before the present Court under Article 36,
paragraph 2,prior to the present case, there werethree inwhich objections
regarding jurisdiction and admissibility were not raised by the Respon-

dent : Fisheries, Rights of Nationals of the United States of America in
Moroccoand Application of the Conventionof 1902 Governingthe Guar-
diunshipof Infants. In the remaining seven cases :Anglo-lranian Oil Co.,
Nottebohm, CertainNorwegianLoans, Rightof PassageoverIndian Terri-
tory, Interhandel, Aerial Incidentof 27 July 1955 and Temple of Preah
Vihear, the jurisdiction of the Court was disputed only for reasons of a
proceduralnature. The Court, after having rejected the preliminary objec-
tions raised by the Respondents, has proceeded on the merits only in the
following three cases : Nottebohm, Right of PassageoverIndian Territory
and Temple of Preah Vihear.In these cases, the objections raised by the
Respondents were of a procedural nature not related to the substantive
justiciability of the dispute. Prior to the present case, therefore, there has
never been an Article 36,paragraph 2,casebefore either the previous or the
present Court wherejusticiability was doubtful because of the substantive
nature of the dispute.acceptévolontairement lajuridiction obligatoire de la Cour (en l'espèceles
Etats-Unis) non seulement l'afaitcompte tenu de sa propre idéede ceque

doit être un différend d'ordre juridique justiciable conformément
à l'article 36, paragraphe 2, du Statut, mais qu'il peut légitimement s'at-
tendre à ce que l'idéequ'il s'enfait soit précisée au besoinet respectéepar
la Cour.
ii) Les précédentsdans la jurisprudence de la Cour actuelle et de sa
devancière

46. Iln'est guèrearrivéque la valeur de cetteprésomptionait l'occasion
d'êtrevérifiéec ,omme il ressort de la pratique suivie lorsque des affaires
ont étéportées devant laCour actuelle et sadevancièreconformément àla
clause facultative de leur Statut. Au total, plus de vingt affaires conten-
tieuses ont étésoumises à la Cour permanente de Justice internationale
maiscellesqui l'ontété sur labase de l'article36,paragraphe 2,semontent
à sept seulement ; trois d'entre elle- Dénonciationdutraité sino-belge du
2 novembre 1865, Losinger et Statut juridique du territoire du sud-estdu
Groënland - ont été finalementrayéesdu rôle de la Cour tandis qu'une

autre, l'affaire de la Compagnied'électricitde Sofia etde Bulgarie,n'apas
trouvéd'issue en raison de la seconde guerre mondiale. Les affaires du
Statut juridique du Groënland oriental,des Phosphates du Maroc et du
Chemindefer Panevezys-Saldutiskissont les trois seules dont la Cour est
restée saisie.Dans la première, aucune exception d'incompétencen'a été
soulevéeDarle défendeur.le Danemark. Dans les deux autres. les excee-
tions souievéesressortaient simplement à la procédure ;la cour
nente va faitdroit etadéclarélareauêteirrecevabledans l'un et l'autre cas.
Iln'estpas arrivéune seulefoisque laCour précédentestatueaufond après
que le défendeureut contesté sa compétence envertu de la clause facul-
tative du Statut.
47. Dans trois des dix affaires soumises à la Cour actuelle en vertu de
l'article 36, paragraphe2, avant la présente instance,1'Etatdéfendeurn'a
pas soulevé d'exceptionsd'incompétenceou d'irrecevabilité(Pêcheries,
DroitsdesressortissantsdesEtats-Unisd'Amérique auMarocet Application

de la conventionde 1902pour réglerla tutelledes mineurs). Dans les sept
autres affaires(Anglo-IranianOil Co., Nottebohm, Certainsempruntsnor-
végiens, Droidtepassage surterritoireindien, Interhandel, Incident aériedu
27,juillet1955et Templede PréahVihéar) lacompétencede la Cour n'aété
contestéequepour desraisons de procédure.La Cour,après avoir rejetéles
exceptions préliminaires soulevées par les défendeurs,n'a statuéau fond
que dans les trois affaires suivantes :Nottebohm, Droit de passage sur
territoireindienet TempledePréahVihéarD . ans cesaffaires,lesexceptions
soulevéespar lesdéfendeursrelevaient de la procédureet ne concernaient
pas lajusticiabilité du différend enraison de son contenu. Avant la pré-
sente affaire, ni la Cour actuelle ni sa devancière n'ont donc jamais été
saisies d'une affaire fondée sur l'article 36, paragraphe 2, et dont lajus-
ticiabilitéaurait étémise en doute en raison du caractère mêmedu diffé-
rend. (iii) Conclusion

48. In consequence, the fact that the Court or its predecessor enter-
tained a handful of previous cases submitted on the basis of Article 36,
paragraph 2, of the Statute affords absolutely no ground for concluding

that voluntary acceptance of the obligation for submission of legal dis-
putes to the Court's jurisdiction under that Article equates with the sub-
mission of al1 disputes however politically charged they may be. The
United States, though having voluntarily accepted the Optional Clause,
appears to be of the viewthat the present dispute does not fa11within the
meaning of what isa "legaldispute" under Article 36,paragraph 2.Evenif
it did not explicitly contend this during the proceedings on jurisdiction,
which werelargely devoted to thejurisdictional position of the Applicant,
its reliance on the "ongoing armed conflict" argument furnished a clear
indication that the Respondent viewed the dispute as "not susceptible of
decision by the application of the principles of law" - or, in other words,
that the sense of "legal dispute" had not evolved so far as to embrace the
subject-matter of the application. Whether this view is right or wrong is
beside the point in considering a voluntaryacceptance of jurisdiction.

49. In sum, theCourt shouldnote that themeaning of "legaldisputes" is
not to be taken separately from the fact that the Court'sjurisdiction over
"legal disputes" can only be accepted voluntarily. The Court is at present
not in a position, as it was in the Aegean Sea ContinentalShelf case, to
apply an extended concept of the law,one not contemplated at the time of
the filingof the declaration, because by doing so it would risk imposing its
jurisdiction incontravention of the voluntarycharacter of that instrument,
whereas in the case referred to it did so in order to be quite sure of
respecting that character in the case of the Respondent's declaration.

C. Considerationsof Judicial Propriety thatShould Have Dissuadedthe
Court from Pronouncing onthe Nicaraguan Application onthe Basis of
Article 36, Paragraph2, of the Statute

1. The Courtshouldnot haveadjttdgedthe Application becauseof the con-
siderationsof administration ofjustice - apreliminary issue

50. Even if the foregoing argument (Section Babove) is not considered
well founded, and if the present dispute is regarded as a "legal dispute"
under Article 36,paragraph 2, of the Statute from the procedural point of
view, 1still believe that "judicial propriety" provides another prudential
ground for concluding that the Nicaraguan Application as based on that iii) Conclusion

48. En conséquence, lefait que laCour etsadevancièreont connupar le
passéde quelques affaires portées devant elles sur la base de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut ne permet absolument pas de conclure que l'ac-
ceptation volontaire de l'obligation de soumettre des différendsd'ordre
juridique a la juridiction de la Cour en vertu de cet article équivaut à
accepter de soumettre tous lesdifférends,simarquéspuissent-ils êtrepar la
politique. Bienqu'ilsaient acceptévolontairement la clause facultative, les
Etats-Unis semblent d'avisque le présent différendne rentre pas dans la
catégoriedes<< différendsd'ordrejuridique )>au sens de l'article 36,para-
graphe 2. Même si lesEtats-Unis n'ont pas expressémentsoutenu cette

thèsedurant la phase de l'instance relative à la compétence,laquelle a été
en grande partie consacrée à la situation du demandeur à l'égardde la
juridiction de la Cour, lefait qu'ils sefondaient surl'argument du <<conflit
arméen cours indiquait clairement qu'en tant que défendeurils consi-
déraientque le différendn'étaitpas << susceptibled'une décision baséesur
l'application desprincipes du droit )>- ou, en d'autres termes, que le sens
de l'expression <<différendsd'ordrejuridique n'avait pas évolué au point
de couvrir l'objet de la requête.Il n'ya pas a rechercher si ce point de vue
est juste ou non lorsqu'on a affaire à une acceptation volontaire de la
iuridiction.

49. En résumé,la Cour devait relever que l'expression << différends
d'ordrejuridique ne livre son sens que si on la rapproche du fait que la
juridiction de la Cour sur les <différends d'ordre juridique H ne peut être
acceptéeque volontairement. Dans la présente affairela Cour ne pouvait
pas, comme elle l'avait fait dans l'affaire du Plateau continentalde la mer
Egée,appliquer une notionjuridique élargiequi n'avait pas étéenvisagée
au moment du dépôtde la déclarationcar elle aurait risqué d'imposersa
juridiction, ce qui aurait été contraire aucaractère volontaire d'une telle
déclaration.En revanche,dans l'autreaffaire, ellea agide lasortepour être
bien sûre de respecter le caractère volontaire de la déclaration du défen-
deur.

C. Considérationsrelativesa l'administrationde lajustice qui auraientdû
dissuaderla Courde se prononcer surla requête du Nicaraguasur IRbase
de l'article36,paragraphe2, du Statut

1. La Cour n'aurait pas dûrecevoir la requêtp eour des considérationsde
bonneadministration de lajustice. - Problème préliminaire

50. Mêmesi l'on estime que l'argumentation qui précède(ci-dessus
sect. B)n'est pas bien fondée, etsi l'onconsidèreque le présent différend
constitue un <(différendd'ordre juridique au sens de l'article 36, para-
graphe 2, du Statut du point de vue de la procédure,je persiste a croire
qu'une raison supplémentairede prudence, la bonne administrationde laprovision should be declared by the Court as non-justiciable and hence as
inadmissible.

51. 1 do not deny that once a judicial institution is duly seised of a
dispute which isnot primarily legal,thatdispute may be heldjusticiable, as
a matter of principle. In many systems of domestic law, non liquet is
generally rejected, evenif a directly applicable rule of lawislacking, and a
judicial court, in relyingon the exclusion of nonliquet,is in theory able to

pass judgment. The French Civil Code of 1804States :

"Lejuge qui refusera dejuger sous prétextedu silence,de l'obscu-
rité oude l'insuffisance de la loi, pourra êtrepoursuivi comme cou-
pable de dénide justice." (Art. 4.) (Code civil des Français, édition
originaleet seule officielle, 1804,p. 2.)

Speaking of English law, Sir Frederick Pollock in his note on Maine's
Ancient Law stated :

"[English judges] are bound to find a decision for every case,
however novel it may be ; and that decision, so far as it goes beyond
drawing inferences of fact, will be authority for other like cases in
future ; therefore it is part of their duty to lay down new rules if
required, Perhaps this is really the first and greatest rule of our
customary law." (Maine, AncientLaw,with introduction and notes by
Sir Frederick Pollock, 1906,p. 48.)

52. In the case of international law, the Statute of the Permanent Court
of International Justice introduced the clause "the general principles of
law recognized by civilizednations" mainly to avoid a nonliquetresulting
from the lackof any positive rules.The Model Ruleson Arbitral Procedure
prepared by the International Law Commission in 1958state that "the
tribunal may not bring in afinding of nonliqueton theground of thesilence
or obscurity of the law to be applied" (Art. 11)(Yearbookof the Interna-
tional LawCommission, 1958,Vol. II, p. 84). Here it is important to note
that the exclusion of nonliquetis connected with the absence of an alter-
native forum.

53. It is definitely not my intention to have the Court declare, as a
matter of principle, that disputes relatingto useof forceorinterventionare
non-justiciable, nor to contend that the Court is incapable of dealing with
the present dispute once it is properly entertained. Yet my opinion is that
the fact that the Court can entertain a case onceit is properly seised is a

different matter from the suggestion that the Court must exercisejuris-
diction. Let mequote awell-knownpassagefrom the 1963Judgment in the
case concerning the NorthernCameroons :
"In its Judgment of 18November 1953on the Preliminary Objec-
tion in the Nottebohmcase. .. the Court had occasion to deal at somejustice, permet de conclure que la Cour aurait dû dire que la requêtedu

Nicaragua, en tant que fondée surcette disposition,était nonjusticiable et
par conséquentirrecevable.
51. Je ne nie pas qu'en principe, une fois qu'unejuridiction est dûment
saisie d'un différend qui n'est pas principalement d'ordre juridique, ce
différend peut êtreconsidéré commejusticiable.Le droit interne de bien
des pays rejette lenonliquet d'une façon générale, mêm en I'absence d'une
règlede droit directement applicable, et les tribunaux peuvent théorique-
ment statuer en se fondant sur l'exclusion du non liquet. Le code civil
français de 1804contient la disposition suivante :

Lejuge qui refusera de juger sous prétextedu silence, de I'obs-
curité ou de l'insuffisance de la loi, pourra êtrepoursuivi comme
coupable dedénidejustice. )(Art. 4.)(Code civildes Français, édition

originale et seule officielle,1804,p. 2.)
A propos du droit anglais, sir Frederick Pollock déclaredans une note sur
I'Ancient Law de Maine :

<([Lesjuges anglais]sont tenus de rendre une décisiondans chaque
cas, sioriginale soit-elle ;dans la mesure où cette décision ne s'inspire
pas seulement des faits, elle fait ensuitejurisprudence pour d'autres
affaires semblables ;c'est pourquoi il est de leur devoir de poser au

besoin de nouvelles règles.Peut-être est-ce bienlà la première et la
plus grande règlede notre droit coutumier. ))(Maine, Ancient Law,
avec introduction et notes de sir Frederick Pollock, 1906, p. 48.)

52. Dans le cas du droit international, si l'ona introduit dans le Statut
de la Cour permanente de Justice internationale une disposition suivant
laquelle la Cour applique <(les principes générauxde droit reconnus par
les nations civilisées O, c'est essentiellement pour éviter un non liquet dû
à I'absence de toute règle de droit positif. Le modèle de règles sur la
procédure arbitrale établipar la Commission du droit international en
1958contient la disposition suivante : Le tribunal ne peut prononcer le
non liquet sousprétextedu silence ou de l'obscuritédu droit à appliquer ))
(art. 11) (Annuaire de la Commission du droit international, 1958,vol. II,

p. 88).On relèvera que,dans ce cas, l'exclusiondu non liquet tient à l'ab-
sence d'une autre juridiction.
53. Il n'entre absolument pas dans mes intentions de voir la Cour
déclarerque lesdifférendsrelatifs à l'emploide laforce ou à l'intervention
ne sont en principe pasjusticiables ni de soutenir que la Cour ne pouvait
pas connaître de la présente affaire après avoir dûment jugé la requête
recevable. A mes yeuxcependant le fait que la Courpeut connaître d'une
affaire dès lors qu'elle en est dûment saisie n'implique pas qu'elle doive
exercer sa compétence.A ce sujet,je citerai un passage célèbrede l'arrêt

rendu par la Cour en 1963dans l'affaire du Cameroun septentrional :
<(Dans I'arrêt rendu le 18novembre 1953surl'exceptionpréliminaire
en l'affaire Nottebohm ..la Cour a eu l'occasion d'étudierde façon length with the nature of seisin and the consequences of seising the
Court. As thisCourt said in that Judgment :'theseisingof theCourt is
one thing, the administration ofjustice is another'. It is the act of the
Applicant which seises the Court but even if the Court, when seised,
finds that it hasjurisdiction, the Court is not compelled in everycase
to exercise that jurisdiction. There are inherent limitations on the
exerciseof thejudicial function which the Court, asa court ofjustice,
can never ignore. There may thus be an incompatibility between the
desires of anapplicant, or,indeed, of both parties toa case,on the one

hand, and on the other hand the duty of the Court to maintain its
judicial character. The Court itself, and not the parties, must be the
guardian of the Court's judicial integrity." (I.C.J. Reports 1963,
p. 29.)

54. It must be addedthat the Court shouldnot allowanysentiment that
States oughtto accept itsjurisdiction to affect its perception of the volun-
tary nature of such acceptance or its caution not to overstep the lirnits of
individual acts of acceptance. Thus, for example, the phenomenon of the
so-called self-judging reservation may be objectivelydubiousand deplor-
able,but it must nonetheless be respected asasymptom of the importance
attached by thedeclarant State to thevoluntarycharacter of its submission
to the Court. It therefore behoves the Court to exercise that caution with
special care in dealing with Statesthat have made such reservations - and
the United States is notoriouslyone. In pointing this out, however, 1must
not be understood as suggestingthat the subject-matter of the present case
belongs in any way to the exclusive domesticjurisdiction of that country ;
clearly it does not, and the United States has not maintained that it
does.

2. Theconceptofthenon-justiciable >politicadlispute" - parallelismoflegal
andpolitical disputes

55. As stated above (sec. B,l), it has throughout this century been con-
sidered that any dispute which a state was prepared voluntarily to sub-
mit tojudicial settlement should be one where the parties are in conflict
as to their respective rights, or where differences arise by virtue of a claim
of right made by one against the other ; and disputes such as the present
one, at least where it concerns allegations of threat or use of force and
intervention, have not been deemed to fa11into this category. The distinc-

tion between "legal" and "non-legal" (or political) is certainly vague
inasmuch as, on the one hand, a legal dispute may eventually give rise to
political friction and tension and, on the other, any political dispute is
almost bound to contain certain aspects of a legal nature ; yet in the
60-year history of the past and present Courts, issuesregarding matters of
an overwhelmingly political nature have never been dealt with by wayof
adjudication before the Court on thebasis ofArticle 36,paragraph 2,of the
Statute. approfondie la nature et les conséquencesde la saisine de la Cour.
Comme ellel'adit dans cet arrêt, <la saisine de la Cour est une chose,
l'administration de la justice en est une autre o.C'est par l'acte du
demandeur que la Cour est saisie, mais, même si,une fois saisie, elle
estimeavoircompétence,laCour n'estpas toujours contrainte d'exer-
cercettecompétence.Ilya deslimitationsinhérentes àl'exercicede la
fonctionjudiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours

tenir compte. Il peut ainsi yavoirincompatibilité entre, d'un côté, les
désirsd'undemandeur ou mêmedes deux parties à une instanceet, de
l'autre,ledevoir de laCour de conserver soncaractèrejudiciaire. C'est
à la Cour elle-même et non pas aux parties qu'ilappartient de veiller à
l'intégritéde la fonctionjudiciaire de la Cour. (C.I.J. Recueil1963,
p. 29.)

54. 11faut ajouter que laCour ne devrait pas céder à l'impressionque les
Etats devraient accepter sa juridiction pour modifier sa conception du
caractère volontaire de leur acceptation ou pour êtremoins attentive à ne

pas dépasser les limites de chaque acte d'acceptation. C'est ainsi que le
procédé de laréserve <(discrétionnaire 1)peut êtreobjectivement considéré
comme douteux et regrettable mais qu'il doit néanmoins êtrerespecté
comme une manifestation de l'importance que 1'Etat déclarant qui y
recourt attacheau caractèrevolontaire de sonacceptation de lajuridiction
de la Cour. Ilconvient donc que la Cour fassepreuve d'uneprudence toute
particulière en présenced'Etats ayant fait de telles réserves - et c'est
évidemmentle cas des Etats-Unis. Il ne faut cependant pas penser que
j'insinue que l'objetdu présent différendest en quoi que ce soit du ressort

exclusif de lajuridiction nationale de ce pays ;ce n'estévidemmentpas le
cas et les Etats-Unis n'ont pas prétendu le contraire.

2. La notion de ((différendspolitiques ))nonjusticiables. - Comparaison
entre différendjsuridiques et différendspolitiques

55. Commeje l'aidit (sect. B, l), on a toujours considéréau coursde ce
siècleque, pour qu'un différend puisseêtre volontairement soumisaruègle-
ment judiciaire par un Etat, il doit s'agir d'un différenddans lequel les
parties secontestent réciproquementun droit ou d'un différend surun droit
qu'une partie revendique contre l'autre ; les différends comme celui de
l'espèce,dans la mesure du moins où ilconcernedes allégationsde recours
à la menace ou à l'emploi de la force et d'intervention, n'ont pas été
considérés commerentrant dans cette catégorie.La distinction entre dif-

férends ((juridiques ))et <(non juridiques (ou politiques) est certaine-
ment vague puisque, d'une part, un différendjuridique peut entraîner des
désaccords et des tensions politiques et que, de l'autre, tout différend
politique présente presque nécessairementdes aspects juridiques. Or, en
soixante annéesd'existence, ni la Cour permanente de Justice internatio-
nale ni la Cour actuelle n'ont étésaisies, en application de l'article 36,
paragraphe 2, de leur Statut, de différends éminemmentpolitiques. 56. The drafters of the Covenant of the League of Nations were well
aware that thosedisputes whichcould havebeen excluded frorntheCourt's
jurisdiction in terrnsof the well-knownfour reservations of the 1903Treaty
could more properly be disposed of in the international political field, not
by aneutral third Party, but by ahighlypolitical organ such as theCouncil,
as rightlypointed out by Lord Robert Cecilat thedrafting of the Covenant
of the League of Nations, when he stated that :

"One could not Say that the question of the interpretation of a
Treaty should be subrnitted to arbitration in everyinstance. It rnight
happen that such an interpretation would involve the honour or the
essential interests of a country. In such a case the question should
rather be subrnitted to exarnination by the Council of the League."
(David Hunter Miller, The Drafting of the Covenant, Vol. II,
p. 378.)

The Leagueof Nations accordingly initiateda rneansof havingits suprerne
political organ, that is, the Council, offer a conciliation procedure for the
fundamental frictions and tensions existing arnong nations, apart frorn
sorne differences of viewover certain specific items covered by the terrns
"disputes as to the interpretation of a treaty, as to any question of inter-
national law, . . ." (Covenant of the League of Nations, Art. 13,
para. 2).
57. There can be no doubt that this parallelisrn was essentially rnain-
tained by the United Nations. While Article 36 of the United Nations
Charter Statesthat "legal disputes should as a general rule be referred by
the parties to the International Court of Justice", this certainly should not
be interpreted as implying that the terrn "legal disputes" covers disputes
whichare non-justiciable becauseof their overwhelrninglypolitical nature.
In other words, it is normal to assume that the terrn "legal disputes" refers
to disputes whose prirnary characteristic it is to be "legal". Otherwise -
since practically everydispute has a "legal" aspect as at least a secondary
characteristic - there would have been no reason to include the word
"legal" inthe provision. Furtherrnore, the qualifying phrase "as a general
rule" servesto stressthe necessityof notjumping tothe conclusion that the

presence of a legal elernent in a dispute attracts the application of the
provision. For it is well known that the phrase in question, just like "in
principle", functions as a pointer to the possibility of exceptions and
borderline cases.Moreover, itrnaybeobserved that, inpractice, the parties
to international legal disputes do not, as a general ruk, refer therrÏto the
Court, while,for its part, the SecurityCouncil has alrnost invariably failed
to rnake recornrnendations for such referral ;this rnay be deplored, but
should not be ignored as an indication of the relative cogency of the
rule.

58. Under the United Nations systern,where the maintenance of inter-
national peace and security falls within the functions of the Security 56. Lesauteurs du Pacte de la Société des Nations n'ignoraient pas que
les différendsqui auraient pu êtresoustraits àlajuridiction de la Cour en
vertu desfameusesquatre réservesdu traitéde1903seprêtaientmieux à un
règlement sur le plan politique international non par une tierce partie
neutre, mais par un organe essentiellement politique tel que le Conseil,
comme lord Robert Cecil l'avait fait observer avec raison lors de l'élabo-
ration du Pacte de la Sociétédes Nations :

((On ne saurait affirmer que la question de l'interprétation d'un
traitédoit êtresoumise à l'arbitrage dans tous les cas. Il peut arriver
qu'une telle interprétation mette en cause l'honneur ou les intérêts

essentiels d'un pays. En pareil cas, la question devrait êtreplutôt
soumise à l'examen du Conseil de la Sociétédes Nations. (David
Hunter Miller, The Draftingof the Covenant,vol. II, p. 378.)

La Société des Nations avait en conséquenceinstituéun système permet-
tant a son organe politique suprême,leConseil, d'offrir une procédurede
conciliation en cas de tensions et de désaccordsfondamentaux entre les
nations, à l'exception des divergences de vues portant sur des problèmes
bien précis, lesquellesétaient viséespar les mots <différends relatifs à
l'interprétationd'un traité, à tout point de droit international, ... (Pacte
de la Sociétédes Nations, art. 13,par. 2).
57. Il ne fait pas de doute que ce parallélismea étéen grande partie
conservépar les Nations Unies. Certes, il est dit à l'article 36de la Charte

des Nations Unies que <d'une manière généralel,es différends d'ordre
juridique devraient êtresoumis par les parties à la Cour internationale de
Justice mais il ne faut certainement pas en déduire que l'expression
différends d'ordre juridique englobe les différends qui ne sont pas
susceptibles d'une solutionjudiciaire en raison de leur caractère éminem-
ment politique. En d'autres termes, il est normal de partir de l'hypothèse
que l'expression différendsd'ordrejuridique )viselesdifférendsdont la
principale caractéristique est d'être ((juridiqueso.Sinon, étant donné que

presque tout différendprésenteun aspect ((juridique O,du moins comme
caractéristiquesecondaire, iln'yaurait eu aucuneraison d'inclure lesmots
<(d'ordrejuridique ))dans cette disposition. En outre, l'expression ((d'une
manière générale sert à préciser qu'il nefaut pasconclurehâtivement que
laprésence d'un élémejn utridique dans un différendentraîne l'application
de cette disposition. Nul n'ignore en effet que cette expression, comme
l'expression <en principe O,permet de définirles exceptions possibles et
lescas limites. De surcroît, on peut remarquer qu'en pratique les parties à
des différendsjuridiques internationaux ne les soumettent généralement

pas à la Cour et que, pour sa part, leConseil de sécuritéapresque toujours
omis de faire des recommandations dans ce sens. On peut déplorercette
situation mais on ne devrait pas l'ignorer car elle montre que la règle est
assez forte.
58. Dans lesystèmedesNations Unies, où lemaintien de lapaix et de la
sécuritéinternationalesest du ressort du Conseil de sécurité, le recours àlaCouncil,resort to force as a means of self-defenceispermissible only until
such time as the Security Council has taken the necessary measures, and
any measures taken by the member State in the exercise of its right of
self-defence must be reported immediately to the Security Council. This
would mean, inmyview,that a dispute inwhichuseofforceisresorted to is
in essence and in limine one most suitable for settlement by a political
organ such as the Security Council, but is not necessarily a justiciable
dispute such as falls within the proper functions of the judicial organ.

59. 1certainly am not suggestingany principle that, once a dispute has

been brought before the Security Council, or considered through regional
negotiations, it cannot or should not be dealt with by the Court. The 1984
Judgment was quite correct in stating that "the fact that the matter is
before the Security Council should not prevent it being dealt with by the
Court and both proceedings could be pursued pari passu" (I.C.J.Reports
1984,p. 433).Yet the international community, or the States Members of
the Leagueof Nations or the United Nations, have alwaysbeen awarethat
certain disputes are more properly resolved by a means other thanjudicial
settlement, that is.by theCouncil in the caseof the Leagueof Nations and
the Security Council or the General Assembly in the case of the United
Nations, or by someother means. The parallel scheme pursued under the
League of Nations and the United Nations is surely confirmed by a
scrutiny of the precedents, in the previous and present Courts.

60. The case of UnitedStates Diplomatieand ConsularStaff in Tehran
has often been referred to as an instance of a highly political issue having
been dealt with bythe present Court. Yet the Court then stood seisedof the
United StatesApplication not because of the Optional Clause, Le.,Article
36, paragraph 2, of the Statute, but on the basis of some multilateral and
bilateral treaties to which both Iran and the United States were signatory
parties, thus because of Article 36, paragraph 1, of the Statute. It was

therefore to thesubject-matterofthosetreatiesthat the Court had to look in
order todetermine the adrnissibility of theApplication, and it did not have
to involveitself, for that particular purpose, in any general considerations
of justiciability or propriety.

3. Incompletepicture of the disputeas portrayed bythe Court

(i) Lack of sufficientmeansfor fact-finding

61. The subject-matters comprised in the dispute at issue are related to
the resort to force and intervention that the United States has allegedly
undertaken against Nicaragua and to the United States allegation that
these measures have been taken as a means of collective self-defence
againstactions of Nicaragua. Yet the picture whch the Court hasdepicted
for the present conflict between the twoStates seemsto beincomplete. The
Judgment hinges to a critical extent on the mere assumptions that, whileforcecomme moyen de légitimedéfensen'estautoriséquejusqu'à ceque le
Conseil de sécuritéprenne lesmesuresnécessaires,et toutes mesures prises
par 1'Etatmembre qui exerce son droit de légitimedéfense doivent être

immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité.Cela
signifieà mon sens, qu'un différendayantentraîné l'emploide la forceest
par nature et de prime abord un différend quise prêteparfaitement à un
règlement par un organe politique tel que le Conseil de sécurité etqu'il
n'est pas nécessairementjusticiable au point de relever des atiribiitions
propres de l'organejudiciaire.
59. Je ne pose certes pas en principe que,une foisqu'un différend a été
portédevant le Conseil de sécuritéou a étéexaminéau cours de négocia-
tions régionales,il ne peut ni ne doit êtreexaminépar la Cour. La Cour
était parfaitement fondéeàdire, dans sonarrêtde 1984,que <(lefaitqu'une
question est soumise au Conseil de sécuriténe doit pas empêcher laCour
d'en connaître, et [que]les deux procédures peuvent êtremenées parallè-
lement (C.Z.J.Recueil 1984, p. 433). Cependant, la communauté inter-
nationale, en d'autres termes les Etats Membres de la Sociétdes Nations
ou ceux de l'Organisation des Nations Unies, n'ajamais ignoréque cer-
tains différendsse prêtentmieux àun règlementautre quejudiciaire, soit
au Conseil dans lecas de la SociétdesNations soit au Conseil de sécurité

ou à l'Assembléegénérale dans lecas de l'organisation desNations Unies,
soit autrement. L'étudede lajurisprudence desdeux Cours confirme sans
doute possible ce parallélisme vouluentre le systèmede la Sociétédes
Nations et celui des Nations Unies.
60. L'affaire du Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à
Téhéran a souvent étécitée comme exemple d'une affaire hautement
politique sur laquelle la Cour actuelle s'étaitprononcée.Or, dans cecas, la
Cour a étésaisie par une requête desEtats-Unis fondée non pas sur la
clausefacultative, c'est-à-diresur l'article36,paragraphe 2,du Statut, mais
sur des traités multilatérauxet bilatéraux dont l'Iran et les Etats-Unis
étaient tousdeux signataires, autrement dit sur I'article36, paragraphe 1,
du Statut. En conséquence, c'étaiptar rapportà l'objetde cestraitésque la
Cour pouvait se prononcer sur la recevabilitéde la requête,et elle n'avait
pas eu à s'engager,à cet effet, dans des considérations généralesdejusti-
ciabilité ou d'administration de la justice.

3. LA Coura donnéuneimage incomplètedu différend

i) Absence de moyenssuffisantspour établirlesfaits

61. Leprésent différendporte sur des questions liéesaux allégationsdu
Nicaragua selonlesquelleslesEtats-Unis ont recouru àl'emploide laforce
et sont intervenus contre le Nicaragua et aux allégations des Etats-Unis
selon lesquelles ces mesures ont étéprises au titre de la légitimedéfense
collective en riposte aux actions du Nicaragua. Or, l'image que la Cour
donne du présent conflitentre ces deux Etats semble incomplète. L'arrêt
repose par trop sur de simples hypothèses :la Cour présume que,s'ilestthere may havebeen a flowof arms from Nicaragua to ElSalvador prior to
1981,no significant flow of arms has occurred since that time, and that
there has never been any use of force by Nicaragua against El Salvador
amounting, in the Court's interpretation, to armed attack. The Judgment

States :
"The Court merely takes notethat the allegations of arms-traffick-
ing are not solidly established ; it hasnot, in any event, been able to
satisfy itself that anycontinuing flowon a significant scaletook place
after the early months of 1981." (Para. 153.)(Emphasis added.)

"[The Court] can only interpret the lack of evidence of the trans-
border arms-flow in one of the following two ways ..." (Para. 154.)
(Emphasis added.)
"[TlheCourt issatisfied that, between July 1979,the date of the fa11
of the Somoza régimein Nicaragua, and the early months of 1981,an
intermittent flowof arms was routed via the territory of Nicaragua to
thearmedopposition in ElSalvador. On the otherhand, theevidenceis
insufficientto satisfy the Court that, since the early months of 1981,

assistance has continued to reach the Salvadorian armed opposition
from the territory of Nicaragua on any significant scale, or that the
Government of Nicaragua was responsible for any flow of arms at
either period." (Para. 160.)(Emphasis added.)

TheCourt has thus frequentlyhad to admit that the evidence, particularly
concerning the relevant facts attributable to Nicaragua, is not suffi-

cient.
62. The assertions in theJudgment, based on the evidencepresented to
the Court, may - or may not - be unchallengeable from thepoint of view
of the Court's procedure on evidence. Be that as it may, the materials
available through officia1publications of the United States Government
suggest completely opposite facts. The 13 May 1983Report of the Per-
manent SelectCommittee on Intelligence of the House of Representatives,
presented by Nicaragua as evidence, reiterated its early finding that :

"The insurgents [in El Salvador] are well trained, well equipped
with modern weapons and supplies, and rely on the use of sites in
Nicaragua for command and control and for logistical support."
(P. 5.)
More concretely, the document Background Paper : Central America of
27 May 1983stated in section III that :

"Throughout 1981,Cuba, Nicaragua and the Soviet bloc aided in
rebuilding, rearrning and improving the Salvadoran guerrilla forces,
which expanded their operations in the fa11 . ..The FMLN head-
quarters in Nicaragua evolved into an extremely sophisticated com-vrai qu'il y a eu un flux d'armes entre le Nicaragua et El Salvador avant

1981,iln'yena pas eud'important depuis,et que l'emploide la forcepar le
Nicaragua contre ElSalvadorn'ajamais équivalu, à sonpoint devue, à une
agression armée. Elledit ceci :

<<LaCour seborne àconstater que lesaccusations de trafic d'armes

ne sont pas solidementétablieset nelui ontpas permis en tout cas de
parvenir à la conviction qu'un flux permanent et d'une certaine
ampleur ait pu exister aprèsles tout premiers mois de l'année1981. ))
(Par. 153.)(Les italiques sont de moi.)
[La Cour] nepeut, dèslors, interpréter l'absencedepreuve quant à
ce flux d'armes transfrontalier que de l'une des deux manières sui-
vantes ..))(Par. 154.)(Les italiques sont de moi.)

<<[L]aCour tient pour établi qu'entrejuillet 1979,datede la chute
du régimede Somoza, et les tout premiers mois de 1981, un flux
intermittent d'armes destinées à l'opposition arméeau Salvador tra-
versait le territoire du Nicaragua. Par contre ellenedisposepas d'élé-
ments suffisantspour pouvoir conclure avec certitude que, depuis les
premiers mois de 1981,l'opposition arméeau Salvadorait continué à
recevoir, du territoire du Nicaragua, une assistance appréciable, ou
mêmeque le Gouvernement du Nicaragua soit, pour l'une ou l'autre

de ces périodes,responsable des envois d'armes. (Par. 160.)(Les
italiques sont de moi.)
La Cour a donc dû admettre fréquemmentque les preuves étaientinsuf-
fisantes, notamment en ce qui concerne des faits qui pouvaient être attri-
buésau Nicaragua.

62. Lesconsidérants,fondéscommeillesont sur leséléments depreuve
produits devant la Cour,sont peut-êtreinattaquables - ou attaquables -
du point de vue des règlesde procédurede la Cour en matièrede preuve.
Quoi qu'il en soit, les éléments fournispar les documents officiels du
Gouvernement américainfont apparaître les faits sous un jour tout dif-
férent.Dans un rapport du 13mai 1983(présentépar leNicaragua comme
élémentde preuve), la commission permanente restreinte du renseigne-
ment de la Chambre des représentants constate une fois de plus que :

<(Les rebelles [au Salvador] sont bien entraînés, bien équipés
d'armes et defournitures modernes, et peuvent compter sur I'utili-
sation d'emplacements au Nicaragua àdesfins de commandement et
de contrôle ainsi que sur des moyens d'appui logistique. (P. 5.)

Plus concrètement, ledocument intituléBackgroundPaper :CentralAme-
rira du 27 mai 1983relate cequi suit, dans sa section III :
<(Tout au longde 1981,Cuba, leNicaragua etle bloc soviétiqueont
aidé à reconstituer,à réarmeret a améliorer les forces desguérilleros

salvadoriens, qui ont élargi lechamp de leurs opérationsau coursde
l'automne. ...Lequartier générad lu FMLNau Nicaragua s'esttrans- mand-and-control center - more elaborate in fact, than that used by
the Sandinistas against Somoza. Guerrilla planning and operations
are guided from this headquarters, where Cuban and Nicaraguan
officers are involved in command and control. The guidance flowsto

guerrilla units widely spread throughout El Salvador. The FMLN
headquarters in Nicaragua also coordinates propaganda and logis-
tical support for the insurgents, including food, medicines, clothing,
money and - most importantly - weapons and ammunition."
(P. 6.)

"During the first 3 months of 1982,arms shipments into El Sal-
vador surged. Cuban-Nicaraguan arms flowed through Honduras

into El Salvador by sea, air, and overland routes. In February, for
example, Salvadoran guerrilla groups picked up a large shipment on
theSalvadoran Coast,near Usulutan, aftertheshipment arrived bysea
from Nicaragua." (P. 7.)

The document BackgroundPaper. Nicaragua'sMilitary Build-up andSup-

port for Central American Subversion of 18 July 1984 offered extensive
accounts of "The Nicaraguan Supply Operations for the Salvadoran
Guerrillas", "Sources of FMLN Armaments", "Training, Communica-
tions, and Staging of the FMLN", "The International Connection", "The
Significance of the Subversive Network" and others. The conclusions of
this document read in part :

"Guerrilla and Sandinista defectors maintain that the Nicaraguan

regime provides the Salvadoran guerrillas communications centers,
safehouses, storage of arms,shopsfor vehicles,and transportation of
military supplies .. .

Training of Central American guerrillas has taken place in Nica-
ragua, Cuba, and Vietnam.
Because of the subversive system involving a number of govern-
ments and terrorist organizations centered in Nicaragua, the Sandi-
nista Government is able to threaten neighboring countries and to
carry out the threats, indirectly, through one or other of the organi-
zations." (P. 37.)

"Revolution Beyond Our Borders7' - Sandinista Intervention in Central
America issued in September 1985,addressed to the library of the Court
during the oral proceedings on the merits and mentioned in the Judgment
(para. 73), reads in part :

"The Sandinistas can no longer deny that they have engaged and
continue to engage in intervention by : forméen un centre trèssophistiquéde commandement et de contrôle
- plus perfectionné d'ailleurs que celui dont se servaient les sandi-
nistes contre Somoza. La planification de la guérillaet les opérations
deguérillasont dirigées à partir de cequartier généralo ,ùdes officiers
cubains et nicaraguayens participent au commandement et au con-
trôle. Les directives sont envoyées à des unitésde guérilleros large-

ment disséminées dans l'ensembledu territoire salvadorien. Le quar-
tier généraldu FMLN au Nicaragua coordonne également lapropa-
gande etl'appui logistique destinésaux rebelles, ainsi que leur appro-
visionnement en vivres, médicaments, vêtementsa ,rgent et - ce qui
compte le plus - armes et munitions. (P. 6.)
((Au cours des trois premiers mois de 1982,les envois d'armes au

Salvador ont augmenté. Des armes d'origine cubaine ou nicara-
guayenne ont transitépar leHonduras et sont parvenues au Salvador,
par voie maritime, aérienne et routière. C'est ainsi qu'en févrierdes
groupes de guérillerossalvadoriens ont pris livraison sur la côte d'El
Salvador,prèsd'usulutan, d'unenvoiimportant qui avait été expédié
du Nicaragua par voie maritime. (P. 7.)

Ledocument intituléBackgroundPaper :Nicaragua'sMilitaryBuild-Up and
Supportfor CentralAmericanSubversiondu 18juillet 1984donne d'abon-
dants détails sur ((les opérations d'approvisionnement des guérilleros
salvadoriens par leNicaragua )),<lessources desarmements du FMLN o,
l'entraînement et le stationnement des membres de FMLN et leurs
moyens de transmission O, l'International Connection )),(<l'importance

du réseaude subversion et autres questions du mêmegenre. Dans les
conclusions de ce document, on lit notamment :
Les transfuges des Sandinistes et des guérillerossoutiennent que
le régimenicaraguayen met a la disposition des guérillerossalvado-
riens descentres de transmissions, des abris,des entrepôts d'armes et

des ateliers pour véhicules etqu'il pourvoit au transport des subsis-
tances ...
Des guérilleros d'Amériquecentrale ont étéentraînésau Nicara-
gua, à Cuba et au Viet Nam.
Grâce à ce réseaude subversion auquel participent un certain
nombre de gouvernements et d'organisations terroristes implantées
au Nicaragua, le gouvernement sandiniste peut menacer les pays
voisins et mettre indirectement ses menaces à exécutionpar l'inter-

médiairede l'une ou l'autre de ces organisations. ))(P. 37.)
Ledocument intitulé«Revolution Beyond Our Border» s,Sandinista Inter-
ventionin CentralAmerica,dont la publication date de septembre 1985,a
été adressé à la bibliothèque de la Cour pendant la procédure oralesur le
fond et a étémentionnédans l'arrêt(par. 73). Il contient notamment le

passage suivant :
<(Les sandinistes ne sauraient nier plus longtemps qu'ils sesont
livréset qu'ils continuent à se livrerà une action d'intervention : - Providing the arms, training areas, command and control facili-
ties, and communications that transformed disorganized factions in
El Salvador into a well-organized and -equipped guerrilla force of
several thousand responsible for many thousands of civilian casual-

ties and direct economic damages of over $1 billion." (P. 31 .)

63. In addition, these elements supplied by the United States were
supported in ElSalvador'sDeclaration of Intervention filedwith theCourt
on 15August 1984,which stated :

"A blatant form of Nicaraguan aggression against El Salvador is
the Sandinista involvement in supply operations for the FMLN sub-
versives. Although the quantities of arms and supplies, and the
routes used, Vary,there has been a continuing flow of arms, ammu-
nition. medicines, and clothing from Nicaragua to our country."
(Para. VIII.)

"The subversives, aided and abetted by their allies in Nicaragua,
have destroyed farms, businesses, bridges, roads, dams, power
sources, trains and buses.They have mined our roads in an attempt to
disrupt our economy and with the purpose of preventing our citizens
from participating effectively in the national elections. The total of
the damages produced by the subversion to the Salvadorian economy
since 1979to the end of 1983has been conservatively estimated to
amount to approximately US$800 million." (Para. XI.)

"up to thismoment,Nicaraguacontinues to be theprincipal sourceof
material assistance to the subversives(munitions, arms, medical sup-
plies, training. etc.) in preparation for the expected general summer
offensive, predicted by the very same FMLN" (Para. X111).
64. The clear discrepancy thus revealed in the assessment of the facts
mainly derives from three elements :first, that no counter-claim has ever
been presented by the United States against Nicaragua (see (ii) below) ;
secondly. that ElSalvador wasnot allowed tointervene in thiscasewhen it

wished (ibid.) thirdly, that the United States wasabsent from thewholeof
theproceedings on the merits(see(iii)below). Thesemissingelementswere
of such potential importance that the Court was ill-advised to rely on
certain evidence which, had these rnissing elements been present, would
undoubtedly have been tested in a normal adversarial framework. Thus,
while 1am in no way attempting to suggest that conclusions disseminated
by the United States Government outside the courtroom should be ac-
cepted as evidence, it is in my viewbeyond any doubt that the picture
of the present dispute painted by the Court is far from the reality. That
isclear even if one confines oneself to a scrutiny of the evidencewhich the
United States duly submitted in 1984together with its Counter-Memor- - En fournissant les armes, les centresd'entraînement, les moyens
de commandement, de surveillance et de communication qui ont
fait des insurgéssalvadoriens désorganiséset divisésune force mili-

taire bien organiséeet bien équipée,composéede plusieurs milliers
d'hommes, et responsable de plusieurs milliers de morts dans la
population civileainsi que de dommages économiques directs d'une
valeur de plus de un milliard de dollars. (P. 31.)
63. En outre, ces élémentsfournis par les Etats-Unis sont étayéspar la
déclaration d'intervention d'El Salvador enregistrée auGreffe de la Cour

le 15août 1984.On y lit notamment :
Une forme flagrante de l'agression nicaraguayenne contre El
Salvador est la contribution des sandinistes à l'approvisionnement
des élémentssubversifs du FMLN. Si les quantités d'armes et d'ap-
provisionnement varient, ainsi que lesitinérairesutilisés,il y a néan-
moins un flot constant d'armes, de munitions, de médicaments et de
vêtementsvenant du Nicaragua et aboutissant dans notre pays.

(Par. VIII.)
Les éléments subversifs, aidés et encouragéspar leurs alliésdu
Nicaragua, détruisent fermes, commerces, ponts, routes, barrages,
centrales thermiques, trains et autobus. Ils minent nos routes dans
l'espoir de mettre le désordredans notre vie économique,et dans le
but d'empêchernos citoyens de participer efficacement aux élections
nationales. Selon des estimations modérées, lemontant des dom-
mages à l'économiesalvadorienne causés par la subversion entre
1979et la fin de 1983est évalué à quelque 800millions de dollars des

Etats-Unis. (Par. XI.)
<(...en ce moment mêmele Nicaragua reste la principale source
d'aide matérielleauxrebelles(munitions,armes,fournitures médicales.
entraînement, etc.) en vue de l'offensivegénérale d'étq éui se dessine
et qui a été annoncéepar le FMLN lui-même (Par. XIII).

64. Cette nette contradiction qui apparaît ainsi dans l'appréciation des
faits découle principalement de trois circonstances qui ne se sont pas
réalisées: premièrement, les Etats-Unis n'ontjamais présentédedemande
reconventionnelle contre le Nicaragua (voir ci-dessous ii)) ; deuxième-
ment, El Salvador n'a pas étéautorisé à intervenir dans l'instance au mo-
ment où il le souhaitait (ibid.) troisièmement, les Etats-Unis n'ont pas
comparu pendant toute la procéduresur le fond (ci-dessous iii)). Une fois
réaliséesc.es circonstancesauraient pu revêtir une telleimportance que la
Cour a étémalaviséede se fonder sur des moyens de preuve qui auraient
alors sans aucun doute donné lieu à une procédure contradictoire nor-
male.Jen'insinuepasquelesconclusionsdiffusées par leGouvernementamé-
ricain en dehors du prétoire devraient êtreacceptéescomme preuves mais

il me semble tout à fait hors de doute que l'image que la Cour a donnée
du présent différendest loin dela réalité. C'est cqui apparaît mêmesion
se borne à examiner les moyens de preuve que les Etats-Unis ont dûmential on jurisdiction and admissibility - evidence to which the Judgment
barely alludes. 1enlarge upon this view in the following subsections.

(ii)Nicaragua's Application reflecting only on siede of the dispute

65. If one notes that the conflict in progress between Nicaragua and the
United States is not simply one involving accusations levelledby Nicara-
guaagainst the United States,but that theaccusationsmade by the United
States against Nicaragua may be claimed to be technically not at issue in
this case, brought as it is by the one side, and in the absence of forma1
submissions by the other, it should also be noted that the true facts may

have remained hidden behind the scenes. It may be contended that such a
problem could have been properly solved if the United States had pre-
sented a counter-claim in this case or El Salvador had been allowed to
participate ;but the actual situation tobe faced is simply that the United
States did not bring a counter-claim - whether it could have, under the
Statute, in the present case is another matter - and that the Court, in its
Order of4October 1984,denied ElSalvador theright toparticipate whenit
wished.

66. Thus 1 would like here to take the opportunity of expressing regret
that, with regard to the attempt of El Salvador to intervene in the earlier
phase of the present case, 1took a negative position towards granting that
State a hearing ; however, as 1stated in my separate opinion attached to
the Order of 4October 1984,Idid so only for "purely procedural reasons".

At any rate, the situation resulting from the absence of any counter-claim
by the United States and the frustration, at that stage, of El Salvador's
intervention effectively precluded the Court from obtaining a complete
picture of the dispute in al1 the ramifications needed to determine the
validity of the United States claim of acting in collective self-defence.

(iii) Non-participationofthe UnitedStatesintheproceedings - Article53
of the Statute

67. In the present case,Nicaragua presented a great amount ofevidence
to theCourt and asked for fivewitnessesto beheard, but it wouldcertainly
not have been expected to provide evidence unfavourable to itself. Owing
to the United Statesfailure to participate in the proceedings, the evidence
presented by Nicaragua was not challenged, and the witnesses were not
subjected to cross-examination, although questions were put from the
bench. Moreover, Nicaragua was not obliged to and in fact did not make
any comment upon several relevant United States documents, some duly
deposited with the Court in 1984.

68. Here 1wish to consider the spirit behind the Statute relevant to thisprésentésen 1984avecleur contre-mémoirerelatif à la compétence et à la
recevabilité - moyens de preuve dont il est à peine fait mention dans
l'arrêt.Je développerai mon point de vue dans les sections qui suivent.

ii) La requête du Nicaraguane reflètequ'uneface du différend

65. On peut faire observer que le conflit en coursentre le Nicaragua et
les Etats-Unis ne met pas simplement en cause les accusations formulées
par leNicaragua contre les Etats-Unis, maisque les accusations des Etats-
Unis contre le Nicaragua ne sont à proprement parler pas en cause en la
présente instance,laquelle a étéintroduite unilatéralementpar une partie
sansquel'autre présentedesconclusionsformelles.Mais ilfaut ajouter que

les faits, tels qu'ils se sont passés,sont peut-êtrerestésdans l'ombre. On
rétorquera peut-êtreque ce problème aurait pu être fort bien résolusi les
Etats-Unis avaientprésentéunedemande reconventionnelle en laprésente
affaireou si ElSalvador avait étéautoriséà participeràl'instance ;mais la
réalité esttoute simple : les Etats-Unis n'ont pas présentéde demande
reconventionnelle (laissons decôtélaquestion de savoirs'ilsauraient pu en
présenterune en l'espèceen vertu du Statut) et la Cour, par son ordon-
nance du 4 octobre 1984,a refusé à El Salvador le droit de participeà la
procédureau moment où il le souhaitait.
66. A propos de la tentative d'intervention d'El Salvador dans la phase
précédentede la présenteaffaire,je saisis cette occasion pour dire queje
regrette d'avoir étéde ceux qui n'ont pas voulu donner à El Salvador la
possibilitéde sefaire entendre ;maisje I'aifait <pour des raisons de pure

procédure O,commeje I'aiindiquédans mon opinion individuellejointe à
l'ordonnance du 4 octobre 1984.Quoi qu'il en soit, la situation crééepar
l'absence de toute demande reconventionnelle des Etats-Unis et par le
refus opposé à ce stade à l'intervention d'El Salvador a effectivement
empêché laCourde sefaire une idéecomplètedu différenddans toutes ses
ramifications, commecelaluiauraitéténécessairepour seprononcer sur le
bien-fondéde l'argument de légitimedéfensecollective, invoquépar les
Etats-Unis.

iii) La non-participation desEtats-Unis à l'instance- L'article 53 du
Statut

67. En l'espèce,leNicaragua aprésenté àlaCourquantitéde moyensde
preuve et a demandé àproduire cinq témoinsmais on ne pouvait certai-
nement pas s'attendre à cequeles uns ou lesautres lui soient défavorables.
Comme les Etats-Unis n'ont pas comparu, lesmoyens de preuve présentés
par le Nicaragua n'ont pas étécontestéset les témoinsn'ont pas étésou-
mis à un contre-interrogatoire mais des membres de la Cour leur ont posé
des questions. De plus, le Nicaragua n'étaitpas obligéde formuler des
observations sur divers documents pertinents des Etats-Unis (il ne l'a
d'ailleurs pas fait) dont certains avaient été dûmentdéposésà la Cour en

1984.
68. A ce stade, je voudrais examiner dans quel esprit ce problème aétéproblem. What is laid down in the first paragraph of Article 53 of the
Statute originates in a general rule of domestic law. In civil cases in
domestic society, the obligation of the defending party to appear before
and be subject tothejurisdiction of thecourt is,in principle, not disputed :
and the rule hasbeen established in domestic societythat the simplefact of
non-appearance of a defendant allows the court to deliver a judgment in
favour of the plaintiff. However, inter-State issues in dispute before an
international judicial court are placed in a different legal environment in
that thejurisdiction of the Court is based upon the consent of sovereign
States and compulsory jurisdiction is lacking. The second paragraph of
Article 53 is therefore drafted so as to prevent the absolute application of
the above rule of domestic law. This provision, whereby the Court is not
allowed to pronouncejudgment in favour of an applicant for the simple
reason that therespondent has not appeared, isunique inprocedure before
an international judicial forum.
69. This does not howeversuggestthat the Court isrequiredto establish
proprio motu facts on behalf of the absent respondent, or to assume the

mantle of adefending counsel.The wayin whichtheJudgment proposes to
handle the evidence and information available to it may be correct under
the Statute, and the Judgment is right in stating that "the party whch
declinesto appearcannot be permitted to profit from itsabsence, sincethis
wouldamount toplacing theparty appearing at adisadvantage" (para. 31).
Yet Article 53by no means prohibits the Court from endeavouringto find
facts proprio motu, and the facts ascertained by the Court through the
procedure of evidenceunder its interpretation of Article 53of the Statute
and Article 58 of the Rules of Court do not necessarily reflect the true
situation of the dispute as a whole. The Court should therefore have been
wary of over-facile "satisfaction" as to the facts, and perhaps should not
haveventured to deliveraJudgment on the basis of suchunreliable sources
of evidence.

D. ConcludingRemarks on Non-Justiciability

70. Thepresent caseischaracterized by thefact that thedispute at issue,
not being a legaldispute within the demonstrable meaning of Article 36,
paragraph 2, of the Statute, is one which the Respondent had never im-

agined as faliing under thejurisdiction which it had voluntarily accepted.
To point this out is not to nullify but to clarify Article 36, paragraph 2,
of the Statute. It must be realized that, in accepting the Court'sjurisdiction
under Article 36,paragraph 2,of the Statute, States expresstheir readiness
to accept the Court's decision in disputes the scope of which is limited to
the issue as to whether or not the right which the Applicant asserts has a
ground in international law.Anumber of disputes of political significance
which contain certain legal implications have been reported from every
corner of the world for the past six decades, both prior and subsequent to
the Second World War. Yet they have not been treated as justiciable traitédans le Statut. La règleénoncéeau paragraphe 1de l'article 53du
Statut a pour origine une règlegénéralede droit interne. Dans les procès
civils,au plan national, l'obligation du défendeurde comparaître enjustice
et de reconnaître lajuridiction du tribunal n'est en généralpas contestée,
d'où la règle selon laquelle lanon-comparution du défendeur suffit pour
que le tribunal puisse donner gain de cause au demandeur. Pour leur part,
les différends interétatiques soumis à un tribunal internationl se situent
dans un contextejuridique différent : lajuridiction du tribunal repose sur

leconsentement d'Etats souverains et il n'yapas dejuridiction obligatoire.
En conséquencele paragraphe 2 de I'article 53 a étérédigéde façon que
ladite règlede droit interne ne puisse pas s'appliquer strictement. Cette
disposition, qui a pour effet d'interdirà la Cour d'adjuger au demandeur
sesconclusions pour lasimpleraison que ledéfendeurn'apascomparu, est
unique en matière de procédure devant une juridiction internationale.

69. Cela ne veut cependant pas dire que la Cour soitobligéede sapropre
initiatived'établir la validitédesmoyens de fait pour le compte du défen-
deur défaillant ou de s'enfaire l'avocat. La façon dont la Cour sepropose,
dans son arrêt,d'apprécierles moyens de preuve et les informations dont
elle dispose est peut-êtrebien conforme au Statut, et c'est à juste titre
qu'elledéclareque lapartie qui s'abstient decomparaîtrene saurait donc
êtreadmise à tirer profit de son absence, car cela reviendraià désavan-
tager la partie qui comparaît ))(par. 31). Mais l'article 53 du Statut n'in-

terdit en rienà la Cour d'essayer d'établirles faitsde sa propre initiative.
Ceque la Cour a pu retenir comme démontréselon lesrèglesde procédure
en matièrede preuve, suivant son interprétation de l'article53du Statut et
de l'article 58 du Règlement, n'estpas nécessairement le reflet fidèlede
toutes lescirconstances qui entourent ledifférend.La Cour aurait donc dû
se garder de s'assurer trop facilement que les conclusions du deman-
deur étaient fondées enfait et elle n'aurait peut-être pas dû serisquer à
rendre un arrêt surla base d'élémentsde preuve aussi peu sûrs.

D. Conclusionssur la non-justiciabilitédu dgférend

70. La présenteaffairesecaractérised'abord par lefait qu'elleporte sur
un différend qui n'est pas d'ordre juridique au sens bien établide I'ar-
ticle 36, paragraphe 2, du Statut, si bien que le défendeur n'avaitjamais
imaginéauparavant qu'il puisse ressortir àlajuridiction qu'il avait volon-

tairement acceptée.Le faire remarquer ne revient pas à vider de son sens
l'article 36,paragraphe 2, du Statut, mais à précisercette disposition. Il
faut bien se rendre compte que, lorsqu'ils acceptent la juridiction de la
Cour en application de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, les Etats se
déclarent disposés à accepter les décisions prises par la Cour dans les
différendsdont l'objet est limité à la question de savoir si le droit que le
demandeur invoque est fondéou non en droit international. Un grand
nombre de différendsd'ordre politique qui présentaient certains aspects
juridiques ont étérecensésdans tous les coins du monde au cours desdisputes subject to compulsory jurisdiction before the Court or its prede-

cessor under the Optional Clause of the Statute. How then could this
particular case haveome to be singled ou? 1sit because the Court has
managed to assumejurisdiction in the present case, in spite of the objec-
tions of the United States,through a questionable loophole in Article 36,
paragraph 2, of the Statute (not to speak of the questionable loophole
which the Court drilled into Article 36, paragraph 5), when jurisdiction
should have been based in principle on the sovereignconsent or willof the
respondent State?

71. Asecond characteristic of the present caseis that the facts the Court
could elicitby examining the evidenceunder theconditions of Article 53of
the Statute were far from sufficient to show a complete picture of the
dispute, because the issuesplaced before the Court werelimited to aspects
significantly narrower than the whole.
72. Considering these two characteristics together, 1came to the con-
clusion that itwouldnot beconsonant withjudicial propriety for the Court

toentertain Nicaragua's Application on thebasis of theOptional Clauseof
the Statute. The Court's appropriation of a case against the wish of a
respondent State under these circumstances will distort the genuine solu-
tion of the disput1.neither undervalue the sincere intentions of Nicara-
gua in bringing a dispute ofch a massive scale to the Court under the
Optional Clause of the Statute nor necessarilysupport the activitieswhich
the United States is pursuing against Nicaragua. In my opinion, however,
judicial propriety dictates that the correct manner for dealing with the
dispute would have been, and still may prove to be, a conciliation proce-

dure through the political organs of the United Nations or a regional
arrangement such as the Contadora Group, and not reference to the
International Court of Justice, whose function, which is limited to the
purely legal aspect of disputes, has heretofore not been exceeded.

III. BREACH OF OBLIGATION UNDER THE 1956TREATY OF FRIENDSHIP,
COMMERCE AND NAVIGATION - THE COURT'S APPROPRIATIO OF
THE CASE UNDER ARTICLE 36, PARAGRAPH 1,OF THE STATUTE

A. The Court'sJurisdiction Granted by ArticleXXIV, the Compromissory

Clause,of the1956 Treaty

73. The contention that the Court should not be seised of the Nicara-
guan Application in so far as it is based on Article 36,paragraph 2,of the
Statute does not preclude the Court's seisin on the basis of Article 36,soixante dernières a.nnées,aussi bien avant qu'après la seconde guerre
mondiale. Mais ils n'ont pas étéconsidéréscomme des différendsjusti-
ciables,relevant de lajuridiction obligatoire de la Cour ou de sadevancière
en vertu de la clause facultative du Statut. Comment ce différend-cien
est-il alors arrivése différencier desautres? Est-ce parce que la Cour a
réussià sedéclarercompétente enlaprésente affairemalgré lesobjections
formuléespar les Etats-Unis, en tirant parti d'une interprétation astu-

cieuse mais discutable de l'article 36,paragraphe 2, du Statut (sansparler
de la manière dont elle a battu en brèche leparagraphe 5 de cet article),
alors que la compétence aurait dû êtrefondée en principe sur le consen-
tement souverain OLIla volontéde 1'Etatdéfendeur?
71. Une autre caractéristiquede la présente affaireest que les faits que
la Cour a pu vérifier enexaminant les élémentsde preuve dans les condi-
tions prescritesà l'article 53 du Statut étaient loin d'être suffisants pour
donner une image complète du différend,puisqu'ils n'avaient trait qu'à

certains aspects très partiels de l'ensemble de l'affaire.
72. Prises ensemble ces deux caractéristiquesm'ont conduit à la con-
clusion qu'il n'étaitpas conforme à la bonne administration de lajustice
que la Cour connaisse de la requêtedu Nicaragua sur la base de la clause
facultative du Statut.Dans lescirconstances de l'espèce,lefait que laCour
s'est déclaréecompdtente pour connaître d'une affaire contre le gréde
1'Etatdéfendeurconnpromettra le règlementauthentique du différend.Je
ne méjugepas des intentions sincèresqui ont dû animer le Nicaragua

lorsqu'ila portéun différendd'une telleampleur devant la Cour en vertu
de la clause facultative du Statut, pas plus que je n'approuve nécessaire-
ment lesactivités auxquelles lesEtats-Unis selivrent contre leNicaragua.
Mais,du pointde vuede labonne administration de lajustice, ilmesemble
que ce qu'ilaurait fallu faire aveccedifféren- et cequi peut encore être
fait- aurait étédelesoumettre à une procédurede conciliationdevant les
organespolitiques de l'organisation des Nations Unies ou dans un cadre
régional,par exemple devant le groupe de Contadora, et non de le sou-

mettre à la Cour internationale de Justice, dont la mission limitéeaux
aspects purement juridiques des différends n'a jusqu'à présentjamais été
outrepassée.

III. VIOLATION D'OBLIGATIONS DÉCOULANT DU TRAITÉ D'AMITIÉ,
DE COMMERCE ET DIE NAVIGATION DE 1956. - LA COMPÉTENCE DE LA
COUR EN L'ESPÈCE EN VERTU DE L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 1, DU

STATUT

A. La compétencede la Cour en vertu de l'article XXIV - la clause
a~mpromissoire - du traitéde 1956

73. Soutenir que la Cour n'est pas compétente pour connaître de la
requêtedu Nicaragua sur la base de l'article 36, paragraphe 2, du Statut
n'empêchepas de soutenir qu'elle l'est sur la base de l'article 36,ara-paragraph 1.The term "al1matters" to be comprised by thejurisdiction of
theCourt under Article 36,paragraph 1,of the Statute isdifferent from "al1
legaldisputes" under Article 36,paragraph 2, since the former, "provided
for in the Charter of the United Nations or in treaties and conventions in
force", are specified in concrete terms in each instrument, no matter
whether legalorpolitical, and thus there willbeno superveningquestion of
justiciability, as1stated above (para. 60) in connection with the case of
United States Diplornatic and ConsularStaff in Tehran.

74. In fact, the 1956Treaty of Friendship, Commerce and Navigation
was not mentioned at al1in Nicaragua's Application, even though the
compromissory clause of the Treaty reads :

"Article XXIV
2. Any dispute between the Parties as to the interpretation or
application of the present Treaty,not satisfactorily adjusted by diplo-
macy, shall be submitted to the International Court of Justice, unless
the Parties agree to settlement by some other pacific means."

Nevertheless, considering that

"the fact that the 1956Treaty wasnot invoked in the Application asa
title ofjurisdiction does not in itselfconstitute a bar to reliance being
placed upon it in the Memorial" (I.C.J. Reports 1984, p. 426),

the Court found in the operative parts of its 1984Judgment that it had

"jurisdiction to entertain the Application . . in so far as that Appli-
cation relates to adispute concerningthe interpretation or application
of the [1956]Treaty of Friendship,Commerce and Navigation" (ibid.,
p. 442, para. 113(1) (6)).

With regard to a precondition of adjustment by diplomacy, the Court was
of the view in 1984that :

"it does not necessarilyfollow that, because a State has not expressly
referred in negotiations with another State to a particular treaty as
having been violated by conduct of that other State, it is debarred
from invoking a compromissory clause in that treaty" (ibid.,
p. 428).

In 1984,the Court thus confirmeditsjurisdiction under the 1956Treaty on
"any dispute between [Nicaragua and the United States] as to the inter-
pretation or application of the Treaty".graphe 1. Les mots (s tous les cas - ceux auxquels la compétencede la
Cour s'étend en vertu de l'article36,paragraphe 1,du Statut - s'opposent
aux mots tous les ,différendsd'ordre juridique figurant à l'article 36,
paragraphe 2. Les premiers, ceux qui sont ((prévusdans la Charte des
Nations Unies oudans lestraités etconventionsen vigueur O, sont en effet
définisconcrètemen~tdans chacun desdits instruments, qu'ils soientjuri-
diques ou politiques..si bien que la question de lajusticiabilité ne se pose
pas, ainsi que je l'ai indiquéci-dessus (par. 60) à propos de l'affaire du

Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à Téhéran.
74. En fait,letraitéd'amitié,decommerceetde navigation de 1956n'est
mentionné nulle part dans la requêtedu Nicaragua, lors mêmeque la
clause compromissoire de ce traitéest libelléecomme suit :

<(Article XXIV

2. Tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties quant à
l'interprétation ou à l'application du présenttraitéet qui ne pourrait
pas êtrerégléd'une manièresatisfaisante par la voie diplomatique
sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que
les parties ne conviennent de le réglerpar d'autres moyens paci-
fiques.

Néanmoins, la Cour, ayant considéréque

le fait de ne lpasavoir invoquéle traité de 1956 comme titre de
compétencedarisla requêten'empêche pas en soide s'appuyer sur cet
instrument dans le mémoire ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 426).

a dit dans le dispositif de son arrêtde 1984qu'elle avait

((compétencepour connaître de la requête ..dans lamesure ou ellese
rapporte à un différendconcernant l'interprétation ou l'application

du traitéd'amitié,de commerce et de navigation [de 19561 ))(ibid.,
p. 442, par. 113, 1b)).

S'agissantde lacondition préalablede règlementpar lavoiediplomatique,
la Cour a considérédans son arrêtde 1984que :

((parce qu'un Etat ne s'est pas expressément référé da,ns des négo-
ciations avec uriautre Etat, àun traité particulier qui aurait étéviolé
par la conduite de celui-ci, il n'en découlepas nécessairementque le
premier neseraitpasadmis àinvoquer laclausecompromissoire dudit
traité (ibid., p. 428).

En 1984 la Cour a ainsi confirmé sa compétence envertu du traitéde
1956pour connaîtrede <tout différendquipourrait s'élever[entreleNica-
ragua et les Etats-Unis] quant à l'interprétation oua l'application du ...
traité)>.248 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISSO. PODA)

B. The Court's Partial Reversion to Jurisdiction underArticle 36,
paragrriph 2, of the Statute in Relation to the Treaty

75. If the Court remained duly seisedof thiscase,it wasin myviewonly
because the Court'sjurisdiction was granted by virtue of Article XXIV of
the 1956Treaty under Article 36, paragraph 1,of the Statute. 1further

believe that, irrespective of my arguments in opposition to the Judgment,
expounded in Parts 1and II above, to the effect that the Court should have
ceased to entertain the Nicaraguan Application in so far as it is based on
Article 36,paragraph 2, of the Statute, the Court has erred in its handling
of this Treaty even within the bounds of thejurisdiction under Article 36,
paragraph 1,of the Statute which it recognized in 1984to be the proper
basis for its considerrition of this Treaty.

76. The Court first identifies "the direct attacks on ports, oil installa-
tions, etc." and "the mining of Nicaraguan ports" as activities of the
United States "which are such as to undermine the whole spirit of" the
1956Treaty (para. 275) ;referring to "the acts of economic pressure", the
Judgment also states that

"such an abrupt act of termination of commercial intercourse as the
general trade embargo of 1 May 1985 will normally constitute a
violation of the obligation not to defeat the object and purpose of the
treaty" (para. 276).

In the Court's view these activities on the part of the United States "were
violations of customary international law" (para. 274). Thus the Court
attempts to dissociate these issues from the compromissory clause of the
1956Treaty, and states instead that this particular provision (which, as 1
havejust pointed out, the Judgment in 1984referred to as a basis for the
Court's jurisdiction) does not constitute "a bar to examination of Nica-
ragua's claims"(para. 274).The Judgment further states that these viola-

tions ofcustomaryinternational lawcannot bejustified under Article XXI
(that is, an exclusion clause) of the Treaty.
77. The Judgment then speaks of breaches of concrete provisions of the
Treaty, and maintains that

"the mining of the Nicaraguan ports by the United States is in
manifest contradiction with the freedom of navigation and com-
merce guaranteed by Article XIX, paragraph 1,of the 1956Treaty"
(para. 278)

and that the trade embargo declared by the United StatesGovernment on
1May 1985"constituted a measure in contradiction with Article XIX of

the 1956FCN Treaty" (para. 279).The relevant provisions, quoted in the
Judgment, read : B. A propos du traité la Couren revient partiellementa sa compétence
en vertude l'article36,paragraphe 2, du Statut

75. A mon avis,si la Cour est demeuréedûment saisiede l'affaire,c'est
uniquement parce qu'elleétait compétente, en vertude I'articleXXIVdu
traitéde 1956,surlabase de I'article36,paragraphe 1,du Statut. En outre,
indépendamment des arguments quej'ai développéd sans les premièreet
deuxièmeparties pour établir - marquant ainsi mondésaccordavecl'arrêt
- que la Cour n'aurait pas dû continuer à connaître de la requêtedu

Nicaragua sur labase de l'article36,paragraphe 2,du Statut,je croisque la
Cour a commis une erreur en analysant le traité commeelle l'afait, même
dans les limites de la compétence que lui conférait le paragraphe 1 de
I'article36 de son Siiatut,disposition considéréepar elle en 1984comme
devant servir de base à l'examen du traité.
76. La Cour com.mencepar dire que les attaques directes contre les
ports, les installatioins pétrolières,etc. et le minage des ports nicara-
guayens par les Etats-Unis sont des activitésqui sont telles qu'elles
contredisent l'esprit même du traité de 1956 (par. 275) ; ensuite, se

référant aux actes de pression économique )>elle déclareque

desactesd'interruption brutale desrelations commerciales, comme
l'embargo sur le commerce du le1mai 1985,constitueront normale-
ment des violations du devoir de ne pas faire échouerle but et l'objet
du traité (par. 276).

De l'avis de la Cour, ces activités des Etats-Unis ((constituent des
violations du droit :international coutumier 1)(par. 274). La Cour tente

ainsi de dissocier ce:squestions de la clause compromissoire du traitéde
1956et déclareau contraire que cette dernière disposition (qui, commeje
viens de le souligner, étaitconsidéréedans l'arrêtde 1984comme consti-
tuant une base de compétence) <(ne fait pas obstacle a l'examen des
demandes du Nicaragua (par. 274).De plus, elledit que cesviolations du
droit international clouturnierne sauraient êtrejustifiéespar I'articleXXI
(qui est une clause dérogatoire)du traité.
77. La Cour évoqueensuite dans sonarrêt desviolations de dispositions
particulières du traiitéet maintient que

le minage des ports nicaraguayens par les Etats-Unis constitue une
mesure en contiradiction manifeste avec I'article XIX, paragraphe 1,
du traité de 1956qui garantit la libertéde navigation et la libertéde
commerce ))(par. 278)

et que l'embargo sur lecommercedécrété par le Gouvernement des Etats-
Unis le ler mai 1985 ((constituait une mesure en contradiction avec
l'article XIX du traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956

(par. 279). Les dispclsitionspertinentes du traité,citéesdans l'arrêt, sont
les suivantes : "Article XIX
1.Betweenthe territories of the two Parties there shall be freedom
of commerce and navigation.

3. Vessels of either Party shall have liberty, on equal terms with
vesselsof the other Party and on equal terms with vesselsof any third
country, to come with their cargoes to al1ports, places and waters of
such other Party open to foreign commerce and navigation . . ."

78. The Court comes to a conclusion that
"the United States [on the one hand] is in breach of a duty not to
deprive the 1956FCN Treaty of its object and purpose, and [on the

other hand] has committed acts which are in contradiction with the
terms of the Treaty" (para. 280).
Thus theJudgment appears tobe veryconfused,asit partially revertsto the
Court's jurisdiction under Article 36, paragraph 2, of the Statute by
speaking of the customary law rule not to defeat the object and purpose of
a treaty despite the fact that it, quite properly, adjudges breaches of the
terms of the 1956Treaty on the basis of Article 36, paragraph 1.

C. Misconceptionof the Customaty-Law Rule not to Defeat the "Object and

Purpose" of a Treaty
79. It appears to me that the Court exceedsits powers in examining the
question of a "duty not to deprive the 1956FCN Treaty of its object and
purpose" (para. 280).The "undermin[ing of]the whole spirit" (para. 275)
of a treaty or "violation of the obligation not to defeat the object and
purpose of" (para. 276)a treaty isnot tantamount to specificbreach of the

treaty obligations. But it is the fulfilment ofose obligations, and of those
alone, that may be subject to the Court'sjurisdiction under Article XXIV,
the compromissory clause in the Treaty. The Court, therefore, should
simplyhave taken a decision as to whether the United States had breached
the terms of the 1956 Treaty and thus incurred responsibility for the
violation of international law.

80. The Court appears to have been misled by speaking of the custom-
ary law rule concerning respect for "the whole spirit" or "the object and
purpose" of the treaty. The term "the object and/or purpose of the treaty"
is referred toseveral times in the 1969Vienna Convention on the Law of
Treaties but only for the purpose of indicatingfirst, that a reservation to a
treaty isimpermissible unlessit iscompatible with "the object and purpose
of the treaty" (Art. 19),or, second, that multilateral treaties may only be
modified as between certain of the parties if the modification "does <Article XIX

1. Ilyaura libertédecommerceet de navigation entre lesterritoires
des deux parties.

3. Les navires de l'une des deux parties pourront librement, dans
lesmêmesconditions que les navires de l'autre partie et lesnavires de
tout pays tiers, se rendre avec leur cargaison dans tous les ports,
mouillageset eaux de cette autre partie quisont ouverts au commerce
international et à la navigation internationale ...))

78. La Cour en conclut

[d'unepart] que les Etats-Unis enfreignent une obligation de ne pas
priver letraitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956de son
but et de sonobjetet [d'autrepart] qu'ilsont commisdesactesqui sont
en contradictioin avec les termes de ce traité (par. 280).

L'arrêt serévèledonc très confus : la Cour en revient partiellement à la
compétenceque lui confèrel'article36,paragraphe 2,du Statut lorsqu'elle
mentionne la règled~e droit coutumier suivant laquelle ilne faut pas priver

un traitéde son but et de son objet, ce qui ne l'empêchepas de statuer sur
des violations du traitéde 1956en se fondant àjuste titre sur l'article 36,
paragraphe 1.

C. Méprise surla r,èglede droit coutumier selon laquelleil ne faut pas
priver un traité « de son but et de son objet ))

79. La Cour outreDase me semble-t-il ses ~ouvoirs en examinant la
question d'une <obligation de nepas priver letraitéd'amitié,decommerce

et de navigation de 1956de son but et de son objet (par. 280). Les Etats
qui <<contredisent l'esprit même (par. 275)d'un traitéou qui commettent
des <(violations du devoir de ne pas faire échouer le but et l'objet ))
(par. 276)d'un traite:ne violent pas expressémentpour autant des obliga-
tions découlantdecetraité.Or c'estl'exécutiondecesobligations,et de ces
seulesobligations, qui peut relever de lajuridiction de la Cour en vertu de
I'article XXIV, c'est-à-dire de la clause compromissoire du traité. En

conséquence, laCouraurait dû seborner àtrancher laquestion de savoirsi
les Etats-Unis avaient contrevenu aux termes du traitéde 1956 et s'ils
encouraient de ce fait une responsabilité pour violation du droit intema-
tional.
80. Ilsembleque IlaCour sesoit laisséeentraîner lorsqu'elleaparléde la
règledu droit coutuinier relative au respect de 1'0esprit même du traité

ou <(de son but et de son objet ))Les termes <(l'objet et le but du traité
figurent plusieurs foiisdans laconvention de Vienne sur ledroit des traités
de 1969mais dans (les buts bien précis : d'abord, pour indiquer qu'une
réserve à un traitén'est possibleque sielleestcompatible avec <(l'objet etle
but du traité ))(art. 19) ; ensuite, pour préciserque deux ou plusieurs
parties à un traité multilatéral ne peuvent modifier celui-ci que si lanot relate to a provision, derogation frorn which is incompatible with
the effective execution of the object and purpose of the treaty asa whole"
(Art. 41), and, third, in connection with the terrnination or suspension of
the operation of a treaty as a consequence of its breach. The Convention
stipulates in the latter connection that :

''Article60
1. A rnatenal breach of a bilateral treaty by one of the parties
entitles the other to invoke the breach asaground for terrninating the
treaty or suspending its operation in whole or in part.

3. A rnaterial breach of a treaty, for the purpose of this article,
consists in :

(b) the violation of aprovision essential to the accornplishrnentof the
object or purpose of the treaty."

Here itisimportant toernphasizethereferenceto the violation ofaprovision
in paragraph 3 (6).Al1that the Convention is here seeking to establish is
that there isadegreeof suchviolationjustifying terrnination or suspension,
and that the touchstone of that degree is that theprovision violated should
be essential to the accornplishrnent of the treaty's object and purpose.

There is no suggestionthat the underrnining of the object and/or purpose,
independentlyof any breach of aprovision, wouldbe tantamount initselfto
a violation of the Treaty.
81. Thus the Court appears to have misinterpreted the words "the
object and purpose" of a treaty, as introduced by the 1969Convention on
the Law of Treaties in a cornpletely different context. Independently of
that Convention, it is noted that the Court attributes to Nicaragua an
argument to the effect that abstention frorn conduct likely to defeat the
object and purpose of a treaty is an obligation irnplicit in the principle
pactasunt servanda. However,theJudgrnent does not make itclearwhether
it is espousing this point of view. In any case, 1 would like to take this
opportunity of indicating rny own understanding of this principle, which
to my mind requires cornpliance with the letter of obligations subscribed
to, and not necessarily the avoidance of conduct not expressly precluded
by the terrns of the given treaty. It rnay furtherrnore be asked where the
jurisdiction granted by a treaty clause would ever end if it were held to
entitle the Court to scrutinize any act rernotely describable as inirnical to
the object and purpose of the treaty in question. The ultirnate result of so
sweepingan assurnption could only be an increasing reluctance on thepart
of States to support the inclusion of such clauses in their treaties.

82. Al1this rnay be said without in any way condoning or rninirnizing
the gravity of any action which does in fact thwart the purpose of a
treaty.modification ((ne porte pas sur une disposition à laquelle il ne peut être
dérogé sans qu'ilyai.tincompatibilitéaveclaréalisationeffective de l'objet

et du but du traité prisdans son ensemble (art. 41);enfin à propos de
l'extinction d'un traité ou de la suspension de son application comme
conséquencede sa violation. La convention dispose à cet égardque :

<Article 60
1. Une violation substantielle d'un traité bilatéral par l'une des
parties autorise l'autre partieà invoquer la violation comme motif
pour mettre fin au traitéoususpendreson application entotalitéouen

partie.

3. Aux fins (duprésent article, une violation substantielle d'un
traitéest constituéepar :

b) La violation d'une diposition essentielle pour la réalisation de
l'objet ou d~ibut du traité.

On relèveraqu'il est fait référence,au paragraphe 3 b), àla violationd'une
disposition.Tout ce que la convention tend à établirici c'est qu'un certain
degréde violation d'une dispositionjustifie l'extinction d'un traitéou la
suspension de son aipplication, et que ce degréest atteint lorsque cette
violation concerne une dispositionessentielle pour la réalisationde I'objet
ou du but du traité.Rien ne laisseentendre que le fait de contredire l'objet

ou le but d'un traité indépendammentde toute violation d'une de ses
dispositions équivaudrait à violer l'une d'elles.
81. La Cour semble donc s'être méprise sur le sens de l'expression
((I'objetet lebut )d'un traité,qui aété introduite dans laconvention sur le
droit des traitésde 1.969dans un contexte tout àfait différent. Indépen-
damment de cette convention, il est à noter que la Cour attribue au
Nicaragua l'argument suivant :l'obligation de s'abstenir de tout compor-
tement susceptible d~efaireéchouerI'objetet lebut d'un traitéest contenue
implicitement dans leprincipepacta suntsetvanda. Mais ellene précisepas
si elle partage ce point de vue. Quoi qu'il en soit,je dirai que pour moi ce
principe signifie qu'il faut respecterà la lettre les obligations assumées,
sans devoir nécessaijrementéviter uncomportement qui n'est pas expres-
sémentexclu par les termes du traité.On peut en outre se demander si la

juridiction attribuéeà la Cour par une clausecompromissoire ne serait pas
infinie dèslorsqu'on considéreraitquecettejuridiction habiliteraitla Cour
à analyser tout acte, même difficilementqualifiable d'acte contraire à
I'objet ou aubut d'un traité.Sil'onpartait d'une telleidéeirréfléchie o,n ne
pourrait en fin de oompte qu'amener les Etats à hésitertoujours plus à
introduire de telles clauses dans leurs traités.
82. Tout ce qui vient d'êtredit n'implique aucunement qu'on mini-
mise la gravitéd'un acte vraiment contraire au but d'un traitéou qu'on
l'excuse.251 MILlTARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISSO . PODA)

D. Breaches of the Terms of the 1956 Treaty

1. Breaches ofArticle XIX ofthe Treaty

83. If the Court isduly seisedof Nicaragua's Application on the basis of
Article 36,paragraph 1,of the Statute, the Court should have more clearly
declared what United States actions, unjustifiable by reference to Arti-
cle XXI (to which 1 shall refer in paras. 85-89) of the 1956 Treaty of
Friendship, Commerce and Navigation, constituted breaches of the treaty
obligationsincumbent upon the United States under specificprovisions of
that Treaty. The Judgment refers in its reasoning to a fewactivities of the
United Statesasconstituting breaches of the 1956Treaty. As stated above
(para. 77), the laying of mines in early 1984and the trade embargo on
1May 1985are thus mentioned.

84. The Judgment does not in its reasoning identify any other types of
action taken by the United States as constituting breaches of treaty obli-
gations under the Treaty. In the operativepart of theJudgment, however,
the Court lists not only "laying mines" (para. 292 (7)) and the "general
embargo on trade" (para. 292 (11))but also "the attacks on Nicaraguan
territory" (ibid.)as breaches of the United States obligations under Arti-
cle XIX of the Treaty. No reasoning is given as to how the attacks on
Nicaraguan territory constituted a violation of that Article, which is
exclusively devoted to matters of maritime commerce.

2. Applicabilityof Article XXI of the Treaty

85. The question whichremains iswhether, incasethe United States has
breached the provisions of Article XIX of the 1956Treaty, these actions
could have been justified for the reasons specified in Article XXI of the
Treaty, which provides :

"1. The present Treaty shall not preclude the application of mea-
sures :

(c) regulating the production of or traffic in arms, ammunition and
implements of war, . . .
(d) necessary to fulfil the obligations of a Party for the maintenance
or restoration of international peace and security, or necessary to
protect its essential security interests."

The Court's treatment of this provision involves,in myview,a non sequitur
when it states :

"The question thus arises whether Article XXI similarly affords a
defence to a claim under customary international law based on alle- D. Les violationsdes termes du traité de1956

1. Les violations de I'articleXIX dutraité

83. S'ilestvraique la Cour est dûment saisiede larequêtedu Nicaragua
sur labase de I'article 36,paragraphe 1,du Statut, elleaurait dû déterminer
plus clairement les actes des Etats-Unis que l'article XXI (dont il sera
question aux paragraphes 85 à 89) du traitéd'amitié,de commerce et de
navigation de 1956riepouvait justifier et quiconstitueraient des violations
des obligations conventionnelles incombant aux Etats-Unis en vertu de
dispositionsparticulières de ce traité.Dans ses motifs, la Cour mentionne
quelques activités des Etats-Unis dont elle dit qu'elles constituent des
violations du traitéde 1956.Elle mentionne à ce titre, ainsi queje l'ai dit

(par. 77),la pose de mines au débutde 1984et l'embargo sur lecommerce
décrété le lermai 1!985.
84. Dans les motifs, il n'y a pas d'autres activitésdes Etats-Unis qui
soient qualifiéesde violations d'obligations conventionnellesdécoulant du
traité. Or,dans le dispositif, la Cour cite non seulement la pose de mines
(par. 292,sous-par. '7)et l'embargo général sur lecommerce(sous-par. 1l),
mais encore les attaquescontre le territoire du Nicaragua ))(ibid.)en tant
que violations par les Etats-Unis des obligations qui leur incombent en
vertu de I'article XIX du traité. Aucune raison n'est avancéequi expli-
querait en quoi lesattaquescontre le territoire du Nicaragua constituaient
une violation de cet article, lequel traite exclusivement de questions rela-

tives au commerce .maritime.

2. L'applicabilitéde l'articleXXI du traité

85. Il resteà savoir si, au cas ou les Etats-Unis auraient violéles dis-
positions de l'article XIX du traitéde 1956,les actes constitutifs de ces
violations auraient pu sejustifier par lestermes ci-aprèsde l'article XXI du
traité, qui dispose :

<(1. Le présent traiténe fera pas obstacle à l'application de me-
sures :

C) concernant la production ou le commerce des armes, des muni-
tions et du matérielde guerre ...
d) nécessaires ril'exécutiondes obligations de l'une ou l'autre partie
relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité inte:rnationales ou à la protection des intérêtsvitaux de
cette partie en ce qui concerne sa sécurité. ))

A mon sens, la Cour parvient à une mauvaise conclusion sur cette dispo-
sition lorsqu'elle déclare :

La question se pose donc de savoir si I'article XXI peut être
invoquédans 1"hypothèseoù, une demande étant présentée envertu gation of conduct depriving the Treaty of its object and purpose if
such conduct can be shown to be 'measures ... necessary to protect'
essential security interests." (Para. 271.)

Article XXI is meant, in my view, to absolve either treaty partner from
responsibility in the event of its having applied certain measures which,
had they not possessedthecharacter described, would haveconflicted with
any obligations imposed in any provisions of the Treaty, and not to afford
"a defence to a claim under customaryinternational law" as the Judgment
states.
86. 1must now, for the sake of clarity, recapitulate the argument of the
Judgment in respect of Article XXI. Considering "whether the exceptions
inArticle XXI, paragraphs 1 (c)and 1(d), ... may be invoked tojustify the
acts complained of", the Judgment includes in these acts "the direct
attacks on ports, oil installations, etc.; the mining of Nicaraguan ports ;
and the general trade embargo of 1May 1985" (para. 280). The "direct
attackson ports, oilinstallations, etc.", whch werenot mentioned at al1as
constituting breaches of theterms of the 1956Treaty in any preceding part
of the Judgment, are suddenly placed in this context.

87. As the Court finds that "laying mines" and the "general trade
embargo" constitute violations of Article XIX, it has to examine whether
these acts werejustifiable or not under Article XXI. The Court considers
that

"the mining of Nicaraguan ports ... cannot possibly bejustified as
'necessary' to protect the essential security interests of the United
States" (para. 282).
With regard tothe trade embargo,the Court isalso "unable to find that the
embargo was 'necessary'to protect those interests" (para. 282). In con-

clusion, the Judgment suggests that "Article XXI affords no defence for
the United States in respectof anyof theactions here under consideration"
(ibid.).The Judgment states :
"Since no evidence at al1is available to show how Nicaraguan
policies had in fact become a threat to 'essentialsecurity interests' in

May 1985,when those policies had been consistent, and consistently
criticized by the United States for four years previously, the Court is
unable to find that the embargo was 'necessary' to protect those
interests." (Para. 282.)

88. Now, whatever the situation with regard to the laying of mines (see

para. 89below), 1totally fail to understand what the Court has attempted
to contend in connection with the trade embargo ordered on 1May 1985.
From my point of view, the United States decision on a trade embargo, du droit international coutumier à raison d'un comportement qui
serait censépriver letraitéde son but et de son objet, il serait possible
de démontrer que ce comportement consiste en << mesures ...néces-
saires à la protection des intérêts vitaux de sécurité >)(Par. 271.)

D'aprèsmoi l'articleIXXIestcensédégaged re toute responsabilitélapartie
au traité qui applique des mesures qui, à défautde répondre aux carac-
téristiques indiquées,seraient en conflit avec une obligation découlant
d'une disposition du traité ;il n'estpas censépouvoir être<< invoquédans
l'hv~othèseoù une demande est rés entée en vertu du droit international
J.
coutumier ))pour reprendre les termes de l'arrêt.
86. Par souci de clarté,je récapitulerailes arguments développésdans
l'arrêt à propos de l'article XXI. Quand elle examine si << les exceptions
de l'article XXI, paragraphe 1 c) et d) ...[peuvent] êtreinvoquées,pour
justifier les actes incriminésr)la Cour mentionne, entreautres actes, <les
attaques directes contre les ports, les installations pétrolières,etc. ;le
minage des ports du.Nicaragua ; et l'embargo généras lur le commerce
imposéle le1mai 198.5 )(par. 280).Les <<attaques directes contre lesports,
les installations pétrolières, etc.),qui nulle part auparavant dans l'arrêt

n'ont étémentionnées comme constituant des violations des termes du
traitéde 1956,sont :subitementcitéesdans ce passage.
87. La Cour,ayant conclu que le <(minage et 1'<e<mbargo généralsur
le commerce constituent des violations de l'article XIX, s'attache à
déterminersi ces actes étaientjustifiésou non par l'article XXI. La Cour
estime que :

<(le minage de ports nicaraguayens ..[etd'autres actes] ne sauraient
en aucun cas êtrejustifiés par la nécessitéde protéger les intérêts
vitaux de sécurité des Etats-Unis (par. 282).

Quant àl'embargocommercial, la Cour <n'estpas en mesure de conclure
que l'embargo étaii: << nécessaire à la protection de ces intérêts

(par. 282).Et laCour deconclure que a lesEtats-Unis nepeuvent invoquer
l'articleXXI comme:moyen de défense au sujetde l'un quelconque des
actes considérésici (ibid.).La Cour déclareaussi :

Fautedu moindre élémend t 'information indiquant comment les
politiques suivies par le Nicaragua seraient devenues en fait une
menace pour les << intérêtsvitaux de sécurité enmai 1985, alors
qu'elles étaient constantes et constamment critiquées par les Etats-
Unis depuis quatre ans, la Cour n'est pas en mesure de conclure que
l'embargo était nécessaire à la protection de ces intérêts.
(Par. 282.)

88. Quelleque puisseêtrela situation en cequiconcerne leminage(voir
ci-après le paragraphe 89), je ne réussisabsolument pas à comprendre

l'argumentation que la Cour a tentéde développer à propos de l'embargo
sur le commerce proclaméle ler mai 1985.A mon avis, la décisiondesquite unlike that on laying of mines, is open to justification under Arti-
cleXXI.Trade is not a duty of a State under general international lawbut
may only be a duty imposed by a treaty to which that State is aarty, and
can be suspended under certain circumstances expressly specified in that
treaty. Infact, the United States, whendeclaring atradeembargo on 1May
1985, did not announce its reliance on this particular provision of the
Treaty, but, instead, gave notice on the same day to terminate the Treaty.

Even so, 1 am inclined to maintain that, in principle, the trade assured by
Article XIX, paragraph 3, of the Treaty, could alsojustifiably have been
suspended in reliance on another provision, Article XXI, of the same
Treaty.

89. "Laying mines" istotally different, in that it is illegalin the absence
of anyjustification recognized in international law,whle Article XXI of
the Treaty, being simply one provision in a commercial treaty, can in no
waybe interpreted tojustify a State party in derogatingfrom thisprinciple
of general international law.1must add that this action did not meet the
conditions of necessity and proportionality that may be required as a
minimum in resort to the doctrine of self-defence under general and
customary international law. 1thus conclude that, under thejurisdiction
granted to the Court by ArticleXXIVof the 1956Treaty, theCourt should
have found the United States responsible only for violation of Article XIX
by laying mines in Nicaraguan waters. It was for this reason only that 1
voted for subparagraph (14) in the operative clause.

IV. SUPPLEMENTAO RYSERVATIONS

90. Since 1 hold the view that the Court should have dismissed the
Nicaraguan Application so far as it is based on Article 36,paragraph 2,of
the Statute, 1have refrained from making comments on the doctrines of
non-use of force, non-intervention, etc., which the Court has expounded.
However, 1would liketo expressjust one of my concerns, namely that the
Court was so precipitate in giving its views on collective self-defence
justifying the use of force which would otherwise have been illegal.

91. The term "collective self-defence", unknown before 1945,was not
found in the Dumbarton Oaks proposals which wereprepared by the four
big Powers to constitute a basis for a general international organization in
the post-war period. The deliberations on Chapter VIII,Section C, of the
Dumbarton Oaks proposals concerning regional arrangements were en-
trusted, at the San Francisco Conference in 1945, to Commission III
(Security Council), Committee 4 (Regional arrangements). On 17 May
1945,in thisCommittee, the United States representative observed that his
delegation was "now prepared to submit a formula regarding the relation-
ship of regional agencies to the world Organization" (United Nations Etats-Unis d'imposer un embargo sur le commerce peut sejustifier par
l'article XXI,contrairement à leur décisionde poser des mines. Le com-
merce n'est pas une obligation qui incombe à un Etat en vertu du droit
international général : il ne peut êtrequ'une obligation imposéepar un

traité auquel cet Etat est partie, et il peut êtresuspendu dans certaines
conditions prévues expressémentdans ce traité.Quand ils ont décrété un
embargo commercial le lermai 1985,les Etats-Unis n'ont pas invoqué cet
article du traité maisilsont annoncécejour-là qu'ilsdénonçaient letraité.
Je n'en suis pas moins enclin àpenser qu'en principe les échanges com-
merciaux garantis par I'article XIX,paragraphe 3, du traitéauraient pu
tout aussi bien êtresuspendus sur la base d'une autre disposition, l'ar-
ticle XXI du traité.
89. La question du minage est totalement différente.Le minage est illi-
citeà défautdejustification admise en droit international et I'article XXI
du traité,simple disposition d'un accord commercial, ne saurait êtreinter-
prété commeautorisant un Etat partie à déroger à ce principe du droit
international général. Il faut ajouter que cet acte ne répondait pas aux

conditions de nécessité et de proportionnalité- conditions qui doivent au
moins êtreremplies pour que puisse êtreinvoquéela thèsede la légitime
défensefondée surle droit général ec toutumier. Yen conclus que,compte
tenu de la compétenceque I'article XXIVdu traitéde 1956confère à la
Cour, celle-ciaurait tlûdireque les Etats-Unis n'étaientresponsables que
de la violation de l'article XIX pour avoir posédes mines dans les eaux
nicaraguayennes. C'est l'unique raison pour laquelle j'ai voté pour le
sous-paragraphe 14du dispositif.

IV. OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES

90. Etant d'avis que la Cour aurait dû rejeter la requêtedu Nicaragua

dans la mesure où celle-cisefonde sur l'article36,paragraphe 2,du Statut,
je me suis abstenu de formuler des observations sur les principes du
non-emploi de la force, de la non-intervention, etc., que la Cour a déve-
loppés.Je voudrais cependant faire part d'une de mes préoccupations
seulement :la Cour s'estmontréebien prompte à exposer son point de vue
sur la légitimedéfense collectiven tant que justification d'un emploi de la
force qui serait sinon illicite.
91. L'expression (1légitimedéfensecollective O,inconnue avant 1945.
ne figurait pas dans les propositions de Dumbarton Oaks qui avaient été
préparéespar les quatre grandes puissances aprèsla seconde guerre mon-
diale pour servir de baseà la création d'une organisation internationaleà
vocation générale. L'examen du chapitre VIII, section C, des propositions
de Dumbarton Oaks touchant les accords régionauxa étéconfié, à la
conférencede San Francisco de 1945,au comité 4 (arrangements régio-

naux) de la commission III (Conseil de sécurité).Le 17 mai 1945, le
représentant des Etats-Unis à ce comité aannoncé que sa délégation se
trouvait «maintenant en mesure de présenter une formuleconcernant lesConferenceon InternationalOrganization,Vol. 12,p. 674). This United
States formula had already been announced by Stettinius, the United
States Secretary of State, on 15 May 1945as follows :

"As a result of discussions with a number of interested delegations,
proposals will be made to clarify in the Charter the relationship of
regional agencies and collective arrangements to the world Organi-
zation.
These proposais will :

2. Recognize that the inherent rightofself-defense,eitherindividual
orcollective, remains unimpaired incase the SecurityCouncil does not
maintain international peace and security and an armed attack
against a member state occurs . . .
The second point willbe dealt with by an addition to chapter VI11
of a new section substantially as follows :

Nothing in this Charter impairs the inherent rightof self-defense,
either individualor collective, in the event that the Security Council
does not maintain international peace and security and an armed
attack against a member state occurs .. ." (DocumentsonAmerican
ForeignRelations, Vol. VII, 1944-1945,p. 434.) (Emphasis added.)

92. On 23 May 1945,asubcommittee on the Amalgamation of Amend-
ments unanimously recommended to Committee 4 :

"2. That a new paragraph be inserted into the language of the
Dumbarton Oaks Proposals, in accordance with a further suggestion
in the United States proposa1for the amalgamation of amendments to
Chapter VIII, Section C, reading as follows :
'Nothing in this Charter impairs the inherent rightofindividual or
collectiveself-defense if an armed attack occurs against a member
state, until the Security Councilhas taken the measuresnecessary to

rnaintain international peace and security . ..'"

(United Nations Conferenceon International Organization,Vol. 12,
p. 848.) (Emphasis added.)

93. Committee 4, at its fourth meeting on 25 May 1945,unanimously
approved the following decision :

"That a new paragraph be inserted in the text of the Durnbarton
Oaks Proposals, to read as follows :

'NothinginthisCharterimpairsthe inherent rightofthe individual
or collectiveself-defense ifan armedattack occurs againsta memberrelations entre les organismes régionaux et l'organisation mondiale ))
(Conférencedes Nations Unies sur i'organisation internationale, vol. 12,
p. 676). La formule des Etats-Unis avait déjà étérendue publique par
Stettinius, le secrétaire d'Etat, le 15 mai 1945,dans ces termes :

<(Suite à des entretiens avec un certain nombre de délégations
intéresséesd ,espropositions seront formulées,qui préciserontdans la

Charte les relations entre les organismes régionauxet les arrange-
ments collectifs d'une part et l'organisation mondiale de l'autre.
Ces propositions :

2. Reconnaîtront que rien ne s'oppose au droit naturel de légitime
défense individuelle oucollective dans lecasou leConseil de sécurité ne
maintient pas la paix et la sécurité internationales et ou un Etat
membre est l'objet d'une agressionarmée ...
Cedernier point fera l'objetd'une nouvelle section qui sera ajoutée

au chapitre VI11et dont le contenu sera en substance le suivant :
Rien dans la Charte ne s'opposeau droit naturelde légitimedéfense
individuelle ou collective dans le cas où le Conseil de sécuriténe
maintient pas la paix et la sécurité internationaleset ou un Etat
membre est l'objetd'uneagression armée ..))(DocumentsonAmerican
Foreign Relations, vol. VII, 1944-1945,p. 434.) (Les italiques sont de

moi.)

92. Le 23 mai 1945,un sous-comitéchargéde la fusion des amende-
ments a recommandé à l'unanimitéau comité4 :

2. Qu'un nouveau paragraphe soit insérédans le texte de Dum-
barton Oaks, selonune suggestion faite dans laproposition des Etats-
Unis pour la fusion des amendements au chapitre VIII, section C,
dont le texte se lit comme suit :

(Rien dans la Charte ne s'oppose au droit naturel de légitime
défense individuelleoucollective si une agression arméeest commise
contre un Etat membre,jusqu'à ceque leConseil de sécuritéaitpris
les mesures nécessaires aumaintien de la paix et de la sécurité
internationales ...))

(Conférencedes Nations Uniessurl'organisation internationale, vol. 12,
p. 852-853.)(Les italiques sont de moi.)

93. A sa quatrième séance, le25 mai 1945, le comité 4 a adopté à
l'unanimitéla décision ci-après :

(1Qu'un nouveauparagraphe rédigé commesuit devrait êtreinséré
dans le texte des propositions de Dumbarton Oaks :

AucunedispositiondelaprésenteChartenepeutporter atteinte au
droit naturel de tout Etat membre de se défendre, parune action state, until the SecurityCouncilhas taken the measures necessaryto
maintain international peace and security . .." (United Nations
Conference on International Organization, Vol. 12, p. 680.)
(Emphasis added.)

The emphasized part of this quotation wasexpressed in the French version
as follows :

"Aucune disposition de la présenteCharte ne peut porter atteinte
au droit naturel de tout Etat Membre de se défendre,par une action
individuelle ou collective, contre une agression armée." (Ibid.,
p. 691.)

Inconnection with thisdecision, theChairman, speaking as the delegateof
Colombia, made the following statement :
"The Latin American Countries understood, as Senator Vanden-
berg [a delegate of the United States] had said, that the origin of the
term 'collective self-defense'is identified with the necessity of pre-
servingregional systems like the Inter-Americanone. TheCharter, in
general terms, is a constitution, and it legitimatizes the right of col-
lective self-defense to be carried out in accord with regional pacts so
long as they are not opposed to the purposes and principles of the
Organization as expressed in the Charter. If a group of countries with
regional tiesdeclare their solidarityfor their mutual defense, as in the

caseof theAmerican States, theywillundertake suchdefensejointly if
and when one of them is attacked. And the right of defense is not
limited to the country which is the direct victim of aggression but
extends to those countries which have established solidarity through
regional arrangements, with the country directly attacked." (Ibid.,
p. 680.)
After the exchange of opinions, particularly among the Latin American
delegates, "the Chairman paid tribute at this point to the work of Senator
Vandenberg[of the United States] in theelaboration of thenewtext" (ibid.,
p. 682). Senator Vandenberg replied that "in his opinion the unanimity
expressed by voice and vote on this question was a signpost towards a
peaceful world withjustice for free men in a free earth" (ibid.).Thus the
concepts of individual or collectiveself-defencewereincorporated into the
United Nations Charter. at the suggestion of the United States, without
much discussion. Hence Article 51 of the Charter reads :

"Nothing in the present Charter shall impair the inherenfrighfof
individuaiorcollective self-defenceif an armed attack occurs against a
Member of the United Nations, until the Security Council has taken
necessary measures to maintain international peace and security ..."
(Emphasis added.) individuelle ou collective, contreune agression armée,jusqu'au

moment où le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires
au maintien de la paix et de la sécuritéinternationales ..)>(Confé-
rence des Nations Uniessur l'organisation internationale, vol. 12,
p. 691.) (Les italiques sont de moi.)

Dans la version anglaise, le membre de phrase soulignése lit comme
suit :
Nothingin thisCharter impairstheinherent right of individualor
collective self-defense if an armed attack occurs against a member

state. (Ibid., p. 680.)

Parlant en sa qualitéde délégué de la Colombie, le président a fait la
déclaration ci-après à propos de cette décision :

<<Pour les pays de l'Amériquelatine, comme l'a dit le sénateur
Vandenberg [lereprésentant des Etats-Unis], l'originedu terme <(dé-
fensecollective ))n'estautre quela nécessité de maintenir lessystèmes
régionaux tels que [le système interaméricain]. La Charte, d'un
point de vuegénéral, esu tne constitution, et ellerend légitimeledroit

de défensecollective exercéconformémentaux pactes régionaux,du
moment que ceux-ci ne s'opposent pas aux buts et principes de l'Or-
ganisation exprimésdans laCharte. Siungroupe depays liésentre eux
par un accord régional sedéclarent solidaires pour leur défense
mutuelle comme dans le cas des Etats américains,ils déclencheront
cette défenseen commun au moment où l'und'euxsera attaqué.Et le
droit de défense n'appartient pas seulement au pays directement
victime de l'agression ;il s'étend aux paysqui, par des accords régio-
naux, se sont rendus solidaires du pays directement attaqué. (Ibid.,
p. 691.)

A l'issued'un échangede vues, en particulier entre les représentants des
pays d'Amériquelatine, <(le président[a]rend[u] hommage ici à la valeur
des travaux du sénateur Vandenberg[desEtats-Unis]pour la rédaction du
nouveau texte (ibid., p. 693). Le sénateur Vandenberg a répondu que,

<(à son avis, l'unanimité exprimée par les remarques et le vote relatifs à
cette question constitue une preuve certaine de l'acheminement vers un
monde pacifique où la justice régnerait surune humanité libre (ibid.).
C'estainsi que lesncltionsde légitimedéfenseindividuelle et collectiveont
été incorporéed sans la Charte des Nations Unies à l'initiative des Etats-
Unis. sans longues discussions. Dans sa version anglaise l'article 5 1 de la
Charte est rédigé comme suit :

<Nothing in the present Charter shall impair the inherent rightof
individual or collectivself-defenceif an armed attack occurs against a
Member of the United Nations, until the Security Council has taken
necessary measures to maintain international peace and security ...
(Les italiques sont de moi.)This text ispractically identical to theone adopted byCommittee4but the
French version is different :

"Aucune disposition de laprésenteCharte neporte atteinte au droit
naturel de légitime défense, individuelle ou collective,dans le cas où
un Membre des Nations Unies est l'objetd'une agression armée .. ."

It is to be noted that the reflexiveverb "se défendre"(correspondingto the
English "self-defence") hasdisappeared in thisversion, so that it no longer
appears that the invocation of individual or collective defence is the
exclusive prerogative of the State directly attacked.

94. At al1events, there was certainly no discussion whether the right of
collectiveself-defence was inherent or not. If there was any statement that

the right of self-defenceisinherent, thisgoesback to 1928,when at the time
of the preparation of the 1928Multilateral Treaty for the Renunciation of
War the United StatesGovernment sent notes to various governments on
23 June 1928,which read :

"There is nothing in the American draft of anti-war treaty which
restricts or impairs in any way the right of self-defense.That right is
inherent in every sovereign stateand is implicit in everytreaty. Every
nation isfree at al1times and regardless of treaty provisions to defend
its territory from attack or invasion and it alone is competent to
decide whether circumstances require recourse to war in self-
defense." (American Journal of international Law, Supplement,
Vol. 22, p. 109.)(Emphasis added.)

A fortiori, the idea that the right of collectiveself-defence is inherent is
certainly not traceable upto 1928,and so far asthe proceedings of the San
Francisco Conference indicate, there was hardly any discussion on this
point in 1945.
95. After recalling that "the Charter [of the United Nations] itself
testifies to the existenceof the right of collectiveself-defencein customary

international law" (para. 193),and that the General Assembly resolution
containing the Declaration on the principles of international law concern-
ing friendly relations and CO-operationamong States

"demonstrates that the States represented in the General Assembly
regard the exception to the prohibition of force constituted by the
right of individual or collective self-defence as already a matter of
customary international law" (ibid.),

the present Judgment states thatCe texte est pratiquement identique à celui qu'avait adoptélecomité4, ce
qui n'est pas le cas du texte français :

Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au
droit naturel de Iégitimedéfense,individuelle oucollective,dans lecas
ou un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression
armée ..O

Il est a noter que le verbe pronominal (se défendre i)(correspondant à
l'expression self-defence en anglais) ne figure plus dans la version
française, sibien que plus rien n'indique que 1'Etatdirectement victime de
l'agression est seulà pouvoir invoquer la légitimedéfenseindividuelle ou
collective.

94. En tout cas, la question de savoir si le droit de légitimedéfense
collectiveétaitnaturelou non n'asansdoute pas étédébattueP . our trouver
une déclaration surlecaractère naturel du droitde légitimedéfensei,l faut
remonterà 1928 ; acetteépoque,lorsdestravaux préparatoires surletraité
généralde renonciation a la guerre, le Gouvernement des Etats-Unis a
adressé auxgouvernements intéressés unenote en date du 23juin 1928
libellée commesuit :

<Rien dans le projet américain contre la guerre ne restreint ni
n'entrave en quoique ce soit ledroit de légitime défenseC . e droit est
naturel à la souverainetéde tous les Etats et il est contenu implicite-
ment dans tous les traités.Chaque nation est libre en tout temps et

indépendamment des dispositions conventionnelles de défendreson
territoire contre:une attaque ou une invasion, et elle seule a qualité
pour décidersi lescirconstances exigent le recours à la guerre au titre
de la Iégitimedéfense. (American Journal of International Law,
Supplemenr, vol. 22, p. 109.)(Les italiques sont de moi.)

A fortiori, l'idéeque le droit de légitimedéfense collectiveest naturel ne
remonteassurémentpas à 1928 ; enjuger par lesactes de laconférencede
San Francisco, il n'y a guèreeu de débata ce sujet en 1945.

95. Après avoir rappeléque : <La Charte [des Nations Unies] elle-

mêmeatteste l'existence du droit de légitimedéfensecollective en droit
international coutumier (par. 193),et que la résolutionde l'Assemblée
généraleoù figure la déclaration relative aux principes du droit interna-
tional touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies

démontre que les Etats représentés à l'Assemblée générale consi-
dèrentl'exception à l'interdiction de la force que constitue ledroit de
Iégitimedéfenseindividuelle ou collective comme déjàétabliepar le
droit international coutumier (ibid.),

la Cour, dans le présentarrêt, déclareque : "Since the existence of the right of collective self-defence is estab-
lished in custornary international law, the Court rnust define the
specific conditions which may have to be met for its exercise, in
addition to the conditions of necessity and proportionality to which
the Parties have referred." (Para. 194.)

Referring to a precondition required for the exercise of collective self-
defence, the Judgment remarks :

"Where collective self-defence is invoked, it is to be expected that
the State forwhosebenefit thisright isusedwillhavedeclared itselfto
be the victim of an arrned attack." (Para. 195.)

And it goes on to mention a second condition :

"The Court concludes that the requirernent of arequest by the State
which is the victirn of the alleged attack is additional to the require-
ment that such a State should have declared itself to have been

attacked." (Para. 199.)
The Judgment also draws certain inferences frorn a further requirernent
irnposed by the Charter of the United Nations for the exerciseof the right

of self-defence under Article 51,narnely that :"rneasures taken by States
in exercise of this right of self-defence rnust be 'imrnediatelyreporte8 to
the Security Council" (para. 200).

96. The concept of collectiveself-defencehas been the subject of exten-
sivediscussion arnong the scholars of international lawfor the past several
decades. It iswellknown that speaking of "inherent" right of self-defence,
Kelsen stated :

"This is a theoretical opinion of the legislator which has no legal
importance. The effect of Article 51 would not change if the terrn
'inherent' were dropped." (The Law of the United Nations, 1950,
p. 791.)

Julius Stone held the view :

"In its forrn as reserving a preexisting right of 'collective self-
defence', Article51presents such insoluble problems that it rnayseern
better to treat the terrn 'inherent' as otiose, and regard Article 51 as
itself conferring the liberties there described." (Legal Controls of
International Conflict, 1954,p. 245.)

1 do not atternpt to suggest that these viewsnecessarily reflect the leading

school of thought. Yet the Court should have been aware of so rnuch
discussion, either for or against, on the inherent right of collectiveself- ((L'existencedu droitde légitimedéfensecollectiveétantétablieen
droit international coutumier, la Cour doit définir les conditions

particulières auxquellessa miseenŒuvrepeut avoir à répondreen sus
des conditions de nécessitéet de proportionnalité rappeléespar les
Parties. (Par. 194.)

Faisant allusion à une condition préalable et nécessairede l'exercicede la
légitime défense collective, laCour fait observer ce qui suit :

<(En cas d'invocation de la Iégitimedéfensecollective,il faut s'at-
tendre à ce que l'Etat au profit duquel ce droit va jouer se déclare
victime d'une agression armée ))(par. 195),

puis elle énonce unedeuxièmecondition :

<(La Cour conclut que l'exigenced'une demande de 1'Etatvictime
de l'agression allégués e'ajoute à celle d'une déclarationpar laquelle

cet Etat se proclame agressé. ))(Par. 199.)

La Cour tire aussi certaines conséquences d'uneautre condition, à laquelle
l'article51de la Charte des Nations Unies soumet l'exercicedu droit de
Iégitimedéfense ;elle souligne que l'article 51de la Charte desNations
Unies prescrit aux Etatsprenant desmesures dans l'exercicede cedroit de

Iégitime défensede les <(porter immédiatement 1)à la connaissance du
Conseil de sécurité a (par. 200).
96. La notion de légitimedéfensecollectivefait depuis des décennies
l'objet d'une grande controverse entre spécialistesdu droit international.
Comme on le sait, Kelsen a déclaré, à propos du droit <(naturel )) de
Iégitimedéfense :

<<Le législateura exprimélà une vue de l'esprit qui n'a pas d'im-
portance en droit. La suppression de l'adjectif <(naturel ne chan-
gerait rien aux effets de l'article51. ))(TheLaw ofthe UnitedNations,
1950,p. 791 .)

Julius Stone a émisl'avis suivant

<(En résemantcomme il le fait un droit préexistant de << Iégitime
défensecollective )),l'article 51 soulève des problèmes à ce point
insolubles qu'il peut paraître préférablede considérerque l'adjectif
<naturel ))est superflu et que l'article51confèreensoileslibertésqui
y sont énoncées. (Legal Contro/s of International Conflict, 1954,
p. 245.)

Je ne veux pas dire que ces avis reflètent nécessairement l'opiniondomi-
nante. 11reste que la Cour aurait dû avoir à l'esprit tous ces avis pour ou
contre le droit naturel de Iégitimedéfensecollective.Elle aurait dû aussidefence.Attention shouldalsobe paid to the difference inconnotations of
the English and French texts of Article 51 of the United Nations Char-
ter.
97. In sum even if it was necessary for the Court to take up the concept
of collective self-defence and 1do not agree that it was- this concept
should have been more extensively probed by the Court in its first Judg-
ment to broach the subject.

(SigneS dhigeru ODA. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS .DA) 258

observer les différencesde sens entre les versions anglaiseet française de
l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

97. En résuméa , supposer qu'il fallaitque la Cour examine la notion
de légitimedéfensecollective - maisj'estime qu'il ne le fallaitpas- elle
aurait dû l'analyser davantage dans ce premier arrêtoù elle abordait la
question.

(Signé S)higeru ODA.

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Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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