Opinion individuelle de M. Lachs (traduction)

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070-19860627-JUD-01-02-EN
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OPINIlON INDIVIDUELLE DE M. LACHS

[Traduction]

II me faut dire d'e:mbléequ'il s'estpasséen la présente affaire quelque
chose queje déploreletqui est étrange à mesyeux. Ila été ditqu'une grande
partie des preuves étaitconstituéepar <(des renseignements de caractère
hautement confidentiel » et affirmé que le défendeur n'entendait pas
mettre en danger la sécuriténationale des Etats-Unis en rendant pu-
bliques des informaitions aussi délicates )).

Qu'il me soit perrnis de dire que ce n'est pas la première fois que des
risques en matièrede sécurité ))sont invoquésdans une instance devant
la Cour. Dans l'affairedu Détroit de Corfou, l'agentdu Royaume-Uni avait
été invité à produire certains documents pour l'usagede la Cour o. Ces
documents ne furent pas produits - l'agent arguant du secret naval - et
les témoins du Royaume-Uni s'excusèrent de ne pouvoir répondre aux
questions relatives àices documents. La Cour a alors déclarédans son

arrêt :
<(La Cour ne peut ..tirer du refus de communication de l'ordre en
question des conclusions différentes de celles que l'on peut tirer des

faits tels qu'ils s.esont effectivement déroulés. ))(C.I.J. Recueil 1949,
p. 32.)
Dans la présenteadfaire, un élémentvient s'ajouter au risque que pose-

rait lacommunicatic~n à la Cour d'oinformations aussi délicates )>.Sur ce
dernier point, en effet, il a été fait allusion à l'alliance à laquelle appar-
tiennent lespays donitcertains membres de la Cour sont ressortissants. En
bref, il aétéinsinuéque, vu cette alliance, lesjuges en question - ou plutôt
le juge en question puisqu'un seul est maintenant concerné - seraient
peut-être plus ))ou moins )que desjuges. Quoi qu'il ensoit, leditjuge
serait inapte à siéger.Si cela étaitvrai, cejuge serait inapte a siégernon

seulement dans la prksente affaire, mais aussi dans n'importe quelle autre.
En effet, outre lesqualités énoncées à l'article 2 du Statut de la Cour. ilen
est deux primordialt:~ : l'intégritéet l'indépendance.
Un juge - est-il besoin de le souligner? - se doit d'êtreimpartial.
objectif, neutre, désintéresséet sans parti pris. Lorsqu'ils s'adressent à la
Cour ou en acceptenit sa compétence,les Etats doivent avoir la certitude
que les faits de la cause seront dûment élucidés,que leurs rapports juri-
diques seront dûmeint définiset qu'ils ne subiront pas d'injustice pour

cause de partialité. Certes, lesjuges peuvent représenter diverses écolesde
droit, avoir des idéesdifférentes sur le droit et la justice, et s'inspirer
d'idéologiesopposéesou emprunter des voiesdivergentes, comme cela est
d'ailleurs souvent lecasdes Etats parties à une instance. C'est en réalité la
diversité imposéepar le Statut qui fait qu'ils sedistinguent tellement lesuns des autres de par leurpersonnalité, leurs conceptions et leur formation.

Mais,quelle que soit l'idéologie qu'ilsprofessent, lesjuges doivent dominer
les faits puis leur appliquer le droit avec la plus grand honnêteté.
Lesjuges sont de:;êtres humainsqui ont leurs faiblesses et leurs limites
mais ils doivent s'efforcer de les surmonter pour se montrer àla hauteur de
leur tâche. Aussi doivent-ils êtreconsidéréscomme des individus, tant

pour ce qu'ils ont fait que pour ce qu'ils n'ont pas fait. C'est leur person-
nalité qui compte. Comme James Brown Scott l'a déclaréàjuste titre :

«La Cour est un organe admirable qui représente les différentes
formes de civilisation et les différents systèmesjuridiques ; elle a été
conçue pour rendre lajustice entre les nations. non seulement sans
crainte ni parti,alitémais encore à leur satisfaction. Un rêveséculaire

est devenu aujourd'hui réalité ... (15 AJIL, 1921, p. 557-558.)
C'est cette diversité d'origine desjuges qui fait certainement la force de

la Cour. Elle est un élémentessentiel de la confiance que tous les Etats
peuvent éprouverdevant l'équilibredes décisionsrendues par la Couret la
grande variété d'opinionsjuridiques qu'elles représentent. Mais cette
diversitépeut-ellejustifier qu'une distinctiondésobligeante soit faite entre

lesjuges selon leur nationalité ou les alliances dont leur pays peut faire
partie? Tous les juges doivent être non seulement impartiaux mais
également indépendants à l'égard d'un contrôle qu'exerceraient leurs
propres pays ou l'organisation des Nations Unies D. (Conférence des
Nutions Utliessur l'c~rganisation internationale, vol. 13,p. 176.) D'ailleurs,

s'ils ont étéau service de leur pays, à un titre ou à un autre, ils doivent
rompre ces liens lorsqu'ils deviennent juges. Comme on l'a fait observer :

<(II est difficile pour un juge, quel qu'il soit, de solliciter un acte de
foi en faveur d'un processus aussi foncièrement subjectif et temporel.
Cela vaut surtciut pour lejuge international qui doit s'assurer I'enga-
gement de sociétésdotéesde systèmesjuridiques d'inspiration diffé-
rente. ))

C'est sur ses actes qu'on juge un magistrat. Comme un ancien membre

de la Cour, le regretté Philip C. Jessup, l'a déclaréà propos d'une certaine
affaire, avec toute l'expériencequi était la sienne :

C'est là un,ede ces affaires qui montrent que disséquerles points
de vue des membres de la Cour pour prouver qu'ils s'alignent en
quelque sortesur la position de leur pays d'origine n'est souvent pas
défendable et peut êtrevraiment trompeur. ))

L'arrêtrendu en l'affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire
desEtuts-Unis à Téhéran(C.I.J. Recueil 1980, p. 44-45 ; voir aussi C.I.J.

Recueil 1982,p. 8)constitueune illustration frappante de cetteremarque et
un bon exemple du problème que je pose. John Mason Brown, éminent
homme de lettres américain. s'est exprimé dans les termes suivants :

Le juge qui rédigeune opinion porte un fardeau que ni le dra- ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 160

maturge, ni le poète, ni le romancier ne connaissent. Il assume une si

lourde responsabilité vis-à vis de l'opinion publique que son poids se
fait souvent sentir dans saprose. Ce qu'on attend d'un juge, c'est de la
sagesse et non de l'esprit, un style sinon élégantdu moins clair et des
prises de position plutôt que des digressions. Il n'est guèresurprenant
que les opinioris des juges, ces écrits qui forcent le respect, qui se

servent du 1ang;agecomme d'un instrument d'action et qui peuvent
changer le cours de l'histoire d'une nation, soient rarement considé-
réescomme de:; Œuvres littéraires. (Conférence donnée a 1'Ameri-
can Law Institute le 23 mai 1952.)

Au sujet des juges de la cour suprême, M. Frankfurter a formulé les
observations suivantes :

Pour que neuf individus faillibles puissent remplir des fonctions
qui sont presque trop lourdes pour eux, il est essentiel qu'il s'agisse
d'hommes qui, dans l'accomplissement de leurs tâches, se montrent
humbles, aucourant de tous lesproblèmes en cause, conscients de leur

inaptitude àen traiter etdésintéressése , t qui n'obéissentàrien d'autre
qu'au souci de rechercher. parmi des mots rebelles et des notions
limitées.la voie qui conduit à travers la jurisprudence, la politique et
l'histoire au meilleur arrêt auquel ces individus faillibles peuvent
parvenir dans la plus difficile de toutes les tâches : l'administration de

lajustice entre deshommes et d'autres hommes ou entre deshommes
et l'Etat, par cette émanation de la raison qu'on appelle le droit.

On peut y ajouter les remarques ci-après d'un autre juge illustre, Oliver
Wendel1 Holmes :

(Ce sont les aspects les plus lointains et les plus générauxdu droit
qui lui confèrent un intérêtuniversel. C'est en s'ouvrant a eux qu'on
devient un grand maître dans son domaine et qu'en plus, en reliant
celui-ci a l'univers. on capte un écho de l'infini, on entrevoit cet
incommensurablephénomène et on perçoit ledroit universel. ))(((The

Path of Law )),conférence donnée en 1897.)
Peu nombreux sont certainement ceux qui peuvent atteindre cet objectif,

mais nous pouvons et nous devrions tous essayer de l'atteindre. Il faut
défendre la dignité d'une profession à laquelle la société a attaché une
immense importance pendant des siècles.Compte tenu de ces considéra-
tions. qui sont rarement absentes de l'esprit des juges, ilne semble pas
indiquéde douter d'un juge en raison de son lieu de naissance ou de son

passeport. La présente affaire est probablement la seule dans laquelle il a
étésoutenu implicitement que le lieu de naissance ou lepasseport d'un juge
compromettraient son prestige, sa réputation, sa sagesse. sa discrétion et
son impartialité et constitueraient une raison valable pour limiter les
élémentsd'information mis à sa disposition pour qu'il s'acquitte de sa
tâche. Comme la Cour arendu son arrêtdéfinitifen la présente instance et que
je n'ai pas exprimémes vues lors des phases antérieures,je saisisl'occasion
qui m'est donnée de le faire maintenant. Il me faut revenir sur certaines

questions déjà tranchées,maisje leferai très brièvement par respect pour le
lecteur qui se trouve devant tant de pages témoignant de l'abondance des
vues exprimées en la présente affaire. J'aurais préféréque la Cour s'ap-
pesantît davantage sur la question de l'assistance fournie à partir du
Nicaragua ou à travers le Nicaragua aux forces d'opposition au Salvador,
étantdonnéqu'elle étaitprincipalement saisie de la question de la légitime

défenseet de celle di:l'emploi de la force, maisje ne traiterai pas du fond de
la question. J'auraii; aussi préféréque certains passages de l'arrêt fussent
formulés différemment. En tout état de cause, la première question sur
laquellej'estime devoir précisermaposition estcelle de la compétencede la
Cour en vertu de l'article 36 du Statut.

1.LES QUESTIONS DE COMPÉTENCE

II ressort de l'arrêtde 1984, ainsi que des opinions individuelles et de
l'opinion dissidente qui y sontjointes, que la présente affaireprésentait des
aspects tout afait ex.ceptionnels par rapport aux questions que la Courdoit

normalement trancher pour établir sa compétence. Cette situation tenait
essentiellement au fait que, dans le système de la Sociétédes Nations. la
procédure d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Courpour tous
les différends internationaux d'ordre juridique ou pour certains d'entre
eux nécessitait deux.instruments :leprotocole de signature du Statut de la
Cour permanente de Justice internationale et la déclaration d'acceptation

correspondant à la disposition facultative. Alors que le protocole devait
êtreratifiédans ~OLIS les cas, la déclaration ne devait l'êtreque lorsque la
législation interne Il'exigeait- ce qui n'était pas le cas de la législation
nicaraguayenne.
Le Nicaragua a cléposé sa déclaration en 1929 déjà,si bien qu'il figure
dans les Rapports postérieurs de la Cour permanente de Justice interna-

tionale au nombre clesEtats qui avaient souscrit a la dispositon facultative
sans condition de ratification (C.P.J.I. sérieE no 16, 1939-1945, p. 43).
Mais le Nicaragua riefigurepas sur la liste desEtats liés(ibid.p. 44)parce
que. ainsiqu'il étaitindiquéennote. bien que cet Etat eût signéleprotocole
et notifié le Secrétaire généradl e la Sociétédes Nations (par télégramme
datédu 29 novembre 1939)que l'instrument de ratification serait envoyé.

aucune trace de la réception de cet instrument n'avait pu êtretrouvée.

Cette situation rriet en jeu l'interprétation de l'article 36. paragraph5,
du Statut de la Cour actuelle et je dois dire que la question peut être
envisagéedans une optique différente de celle adoptée par la Cour dans
son arrêtde 1984 (C.I.J. Recueil 1984, p. 403 et suiv.). A mon avis, en
faisant sa déclaration en vertu de la disposition facultative. le Nicaragua, ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 162

non seulement manifestait sa volonté de se soumettre à la juridiction
obligatoire. maisaussi, ipsojure, confirmait sa volontéde devenir partie au
Statut de la Cour permanente de Justiceinternationale. Du point de vue de

l'intention. cela revenait donc à ratifier le protocole de signature. Il est vrai
que. formellement, cela ne suffisait pas. On se trouve ici en présence du
problème classique du lien entre la (volonté )et l'~acte 1).Comme la Cour
elle-mêmel'a fait observer :

De mêmeque l'acte sans intention ne suffit pas. de mêmela
volonté sans acte ne suffit pas à constituer une opération juridique
valable. >>(C.I.J. Recueil 1961. p. 31.)

II ne faut cependant pas oublier que dans le cas du Nicaragua cette
volontés'estclairement manifestée àtoutes lesétapes,depuis l'acceptation
de la disposition fai:ultative jusqu'à l'envoi du télégrammeconcernant la
ratification du protocole, confirmé par les décisions des organes compé-

tents de 1'Eitatet mêmepar la signature du Président. En fait, ces actes ont
ét2 notifiés au Secrétaire généralde la Sociétédes Nations dans ledit
télégramme. Reste la question des effets juridiques de ce télégramme,
l'instrument de ratification n'ayant pas étédéposé.

Je voudrais rappe:leràce sujet deux facteursqui n'ont pas pu rester sans
effets juritiiques.
On peut certes prétendre que la ratification n'est pas qu'une simple
formalité. Mais en l'espèce, ilaurait fallu prêter davantage attention à la
conduite des Etats intéressés,à leur pratique, à leur ((tolérance ))ou à

1'0absence de protestation )>de leur part.
Par son comportement en particulier, le Nicaragua a bien montré qu'il
avait consenti a devoir accepter la juridiction obligatoire de la Cour et
que son consentement avait un effet sur la condition de ratification du

protocole de signature du Statut de l'ancienne Cour - condition qui,
de plus. aurait fort bien pu êtreconsidéréecomme superflue dès lors
qu'en devenant membre de l'organisation des Nations Unies le Nicara-
gua est devenu partie au Statut de la nouvelle Cour et que d'autres for-

malités étaient peut-être nécessaires. Par ailleurs, il ne faut pas oublier
que le processus de ratification avait été entamé : il y a eu au moins
un ((début de ratification :en effet, sur le plan interne ce processus
avait étédéjà engagé et achevé, et le seul but de la ratification sur ce
plan-là était de légaliserla mesure à prendre ensuite sur le plan interna-

tional.
Je vois là un facteur essentiel et qui, compte tenu d'une pratique s'éten-
dant sur près de quarante années. n'a pas pu rester sans effets juridiques
sur un instrument 'quiétait imparfait au regard du droit.

L'Ailnuirirede la Cour internationale de Justice (au Statut de laquelle le
Nicaragua est devenu partie) est un élémentimportant. Le Nicaragua y a
constamment figurk aunombre des Etats qui avaient acceptélajuridiction
obligatoire de la Cour mais on y trouve un renvoi àune note de bas de page

qui se termine par les mots : Cependant, le dépôt de cet instrument n'apas éténotifiéau Greffe. A partir de l'Annuaire 1955-1956, cette note se

termine comme suit : <(Cependant, il semble que ledit instrument de
ratification ne soit jamais arrivé à la Sociétédes Nations. O On peut se
demander en quoi ces termes revenaient sur le libellédu titre qui précédait
la liste et sur celui qui précédaitune autre liste, où mention était faite de
l'article 36. paragraphe 5, du Statut de la Cour actuelle (voir C.I.J.

Annuaire 1947-1948, p. 32-33).
Pour déterminer l'importance à attacher à l'Annuaire de la Cour, lequel
est publié par le Greffier sur les instructions de la Cour, ilfaut naturel-
lement accorder toiut son poids à la réserve selon laquelle l'Annuaire,
rédigépar leGreffe, n'engage en aucune façon la Cour ))- mise en garde

qui vise :

En particulier. les résumésd'arrêts, avis consultatifs et ordon-
nancesfigurant auchapitre VI [qui]nesauraientêtre citésàl'encontre
du texte même(desarrêts,avis consultatifs et ordonnances, dont ils ne

constituent pas une interprétation. ))

Mais ce n'est pas tout. Depuis un certain nombre d'années, laCour elle-
mêmesoumetà1'As:semblég eénéraledes Nations Uniesun rapport annuel
signé par le Président, qui acquiert le statut de document officiel de
l'Assemblée générale eq tui a force probante. Dès le premier rapport, le

Nicaragua figure, siins aucune réserve ninote de bas de page, parmi les
Etats ayant fait une déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire
de la Cour.
Quant à l'autre facteur. il a trait aux recherches qu'il a fallu entreprendre
avant de porter devant la Cour l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par

leroi d'Espagne le 23 décembre 1906. Lesdemandes de renseignements d'un
ancienjuge, agissani:au nom du Honduras. Manley O. Hudson, ne sontpas
sans intérêt.
Manley O. Hudson a consulté le Greffier de la Cour sur la question et a
requ une réponse fort intéressante :

Je ne crois pas que l'on puisse vous donner tort quand vous dites
que l'on voit nial comment la ratification de la Charte des Nations
Unies par le Nicaragua pourrait se répercuter sur l'acceptation de la
juridiction obligatoire par cet Etat. Si la déclaration du 24 septembre

1929 étaiten rkalitédépourvue d'effets faute de ratification du pro-
tocole de signaiwre, il me semble insoutenable que la ratification de la
Charte par le Nicaragua ait pu donner effet à cette déclaration et
entraîner ainsi l'application de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de
la Cour actuelle. (Lettre du 2 septembre 1955 ; contre-mémoire des
Etats-Unis en la présente affaire, annexe 35.)

Ce nonobstant. iVIanley O. Hudson a adoptésur la question une attitude
très prudente. parce que après l'avoir étudiéeil étaitparvenu à la conclu-
sion suivante : (<IInefautpas oublier que la Cour internationale de Justice n'a pas
décidési. en ce:qui la concerne. le Gouvernement du Nicaragua est
tenu à un titre quelconque par la déclaration du 24 septembre 1929.
Sans une décision à cet effet. il est impossible de dire de façon

catégorique si le Gouvernement du Honduras peut ou non intenter
une action contre celui du Nicaragua. (Contre-mémoiredes Etats-
Unis, annexe 37.)

Et il envisageait la solution suivante

((Ilserait aussi possible d'entamer l'action contre leNicaragua sans
tenir compte du fait que cet Etat n'est pas tenu par le second para-
graphe de l'article 36du Statut de la Cour internationale de Justice. Si.
par la suite. le Nicaragua acceptait lajuridiction. la situation serait à

peu près la mêmeque s'il avait donné son accord à un compromis
avant le début de l'instance. (Ibid.)

Enfin, ilest bon de rappeler que, après cet échangede correspondance
avec le Greffier. Ma.nley O. Hudson. lorsqu'il a publié son dernier article
annuel sur la Cour en 1957,a continué à faire figurer le Nicaragua sur la
liste des Etats a-vantacceptélajuridiction obligatoire de lu Cour. Selon le
défendeur. ill'a fait((peut-êtrepar égardpour son client. le Honduras O,

mais en y ajoutant une note ((nouvelle et énigmatique : voir la corres-
pondance iice sujet o.(M. Hudson, The Thirty-fifth Year of The World
Court ))5 1AJIL. 15157p .. 17 ;voir aussi lecontre-mémoire desEtats-Unis
en la rése ente affaire. Dar. 143).
11faut cependanit aussi rappeler que l'ambassadeur du Nicaragua à

Washington a niéque le Nicaragua aitjamais accepté de se soumettre à la
juridiction obligatoire (ibid., par. 116),encore que son attitude s'explique
par une raison précise.ce qui est bien établi.
Le Nicaragua soiutenait que le différend avec le Honduras était un
différend qui ne portait en aucune faqon sur la réalité de tout fait qui. s'il
était établi, constitilierait la violation d'un engagement international

(C.I.J. Mémoires, Sentencearbitrale rendue par le roi d'E.rpagnele 23 dé-
cembre 1906, vol. 1, p. 132, par. 3 ; voir aussi par. 4). C'est donc pour
ces motifs trèsparticuliers que dans cette affaire-là le Nicaragua a cherché
à se soustraire a laji~ridiction obligatoire de la Cour et à conclure avec le
Honduras un compromis contenant des conditions spécifiques.

Comme on le sait. lesparties ont effectivement conclu un compromis,ce
qui n'a pas empêché le Honduras d'invoquer dans sonmémoirel'article 36,
paragraphe 2, du Statut de la Cour et le décretdu 14février1935du Sénat
du Nicaragua portarit ratification du Statut et du protocole de signature du
Statut de la Cour Dermanente de Justice internationale. décret suivi d'une
décisiondans le mêmesens prise par la Chambre des députésle Il juillet

1935.dont on trouv'epublication dans lejournal officiel de 1939. no 130.
page 1033.Dans son mémoireégalement.le Honduras a évoquéle fait que
les parties avaient, siurla base de l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la
Cour internationale de Justice. reconnu sa juridiction obligatoire (C.I.J. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 165

mémoire.^,Sentence arbitrale rendue par Ie roi d'Espagne le 23 décenzbre
1906. vol. 1p. 59. par. 37-39).
Si le Greffier de l'époque avait une attitude négativesur la question.

pourquoi a-t-il continuéà publier ce renseignement ? A l'évidence, lanote
de bas de page ne résolvaitpas le problème. N'était-il pas de son devoir
d'appeler l'attention des organes compétents des Nations Unies sur le
problème afin de tirer la situation au clair compte tenu des faitspropres à
l'affaire relative a la Sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne le
23 dc;c,er?ihre906?Iv'aurait-il pas dû appeler I'attention de la Cour sur la

situation du Nicaragua telle qu'il lavoyait ?IIn'existait manifestement pas
d'autre moyen de parvenir à une conclusion définitive que d'aviser la Cour
et le Secrétaire génkralde l'organisation des Nations Unies pour qu'ils
règlent la question. Décision aurait pu être prise d'en informer le Nica-
ragua. et le Gouvernement de cet Etat aurait pu êtreinvitéà précisers'il
s'estimait lié,auquel cas il aurait pu être priéde parachever ses démarches

ou. si telle n'avait paisétésonintention. de le dire. ce qui aurait entraîné la
suppression de son riom sur la liste. Rien n'a étéfait àce moment-là et rien
n'a étéfait depuis, pendant une trentaine d'années.Force est de conclure
que c'est l'Organisation des Nations Unieset ceux de sesorganesqui n'ont
pas clarifié à l'époque la situation qui sont à blâmer pour cette très
malencontreuse controverse sur la question de la compétence, qui a fait

perdre du temps et qui a causétant de difficultés.
Si les choses se sont passées ainsi. ce n'est pas que le Nicaragua ait
bénéficié d'un statut spécialou que ledroit ait étéinterprétéensa faveur. Il
est donc vain de laisser entendre que la Cour a mis l'accent sur l'exercicede
sa compétence. Elle n'ajamais agi de la sorte. ni par le passé nià présent.

Pour ma part. j'ai toujours été partisan de vérifier avec rigueur si les
conditions étaient réuniespour qu'elle puisse se déclarer compétente.
Sur la déclaration du Nicaragua, je conclurai en définitive que la sou-
mission de cet Etat à la juridiction de la Cour permanente de Justice
internationale étaiti.mparfaite maisque. pourjuger de sasituation vis-à-vis
de la Cour actuelle. iifaut tenir compte a la fois de sa qualité de partie au

Statut de celle-ci, du temps écoulé - quarante annéesd'acquiescement de
la part de tous les intéressés - et de l'absence de mesures prises par les
organes compétents. Les indications figurant dans les Annuaires et les
~Üpport.sde la Cour au sujet de la situation du Nicaragua sont tout autant
importantes. Quoi qu'ilen soit, tous ces facteurs ont concouru àparfaire ce

qui peut avoirconstitué un obstacle à l'acceptation de lajuridiction. II ne
faut pas perdre de vue, en effet, que les effets juridiques, les droits et les
obligations naissent dans des circonstances extrêmementdiverses, et que
certaines sont imprévues et imprévisibles. Il arrive que les relations juri-
diques évoluentpar suite d'uneétonnante accumulation de manifestations
de volonté et d'actes.

Quant à la compétence établie par le traité bilatéralde 1956, elle ne
permet aucun doute. J'en arrive maintenant à uneautre question, soulevéed'abord par 1'Etat

défendeur : l'affaira: ne serait pas justiciable. C'est là assurément une
objection fort grave qui doit être dûment examinée. Enprincipe, une
affaire estjusticiable seulement si la compétencede la Cour est fondéeen
droit et si I'affaire Deut êtretranchée au fond conformément au droit.
doublecondition quiicependant <(neporte pas atteinte àla facultépour la
Cour. si les parties sont d'accord, de statuer ex aequo et bono (Statut,
art. 38, par. 2). Dans la présente affaire, le défendeur a fait valoir qu'il

n'existait c aucun C;~Soù la légalitéd'un prétendu usage [en cours] de la
force armée ait étésoumise au jugement de la Cour ))(contre-mémoire
des Etats-Unis, par. 480) et que <les décisions relatives à l'usage de la
force en cas de conflit armérelèvent de modes de règlement exclusive-
ment politiques qui, en vertu de leur nature même.n'ont pas à cons-
tater de fautejuridique ))(ibid., par. 484 ;voir aussi par. 520 et suiv.) ;
quand la sécurité d'un paysest menacée, la nécessitéde recourir à la

force ne serait qu'une question purement politique ou militaire et la
Cour ne pourrait donc pas trancher cette question. II a aussi fait valoir
que, comme la Cour l'a rappelédans son arrêt,les faits invoquésdans la
requêterelèvent, eri vertu de la Charte, (de la compétence exclusive
des organes politiques >)des Nations Unies, en particulier du Conseil de
sécurité (ihid.,par. 450 et suiv.). Néanmoins, à proprement parler, la
question de la compétence des autres organes des Nations Unies met

enjeu des problème:; d'<(administration de lajustice plutôt que dejusti-
ciabilité.
Ledéfendeura aussi formulélesdeuxassertionssuivantes : La requête
du Nicaragua est irrecevable faute d'épuisementdes procédures établies
pour réglerles problèmes généraux d'Amérique centrale et Un arrêt
limité à une partie des questions qui font l'objet des consultations de
Contadora entraînerait nécessairement la perturbation de celles-ci.

(Ihid.,par. 532 et suiv. : par. 548 et suiv.) Il estime en conséquence que le
différend n'est pas justiciable.
L'affairedu Cameroun septentrional est invoquéepar ledéfendeur,et en
particulier l'observation de la Cour selon laquelle <(mêmesi, une fois
saisie. elleestime avoir compétence,la Cour n'est pas toujourscontrainte
d'exercer cette compétence (C.I.J. Recueil 1963, p. 29). Dans cette
affaire-là, la Cour a notéque le Cameroun avait adressé sa demande à

l'Assembléegénérale,laquelle l'avait rejetée (ibid., p. 32). Et la Cour a
ajoutéque. dans ces conditions : (<L'arrêtde la Cour n'infirmerait pas
les décisionsde l'Assemblée générale. (Ibid.,p. 33.) Dans la présente
affaire, le défendeura affirméque la Cour devait agir en s'inspirant des
considérations ))formuléesde cette autre affaire. Je respecte ce point de
vue mais rappellerai qu'en l'affairedu Cameroun septentrional la Cour a
dit que <(la résolution[de l'Assemblée généralea] eu un effet juridique

définitif ))(ihid.p. 32,citépar le défendeur).Le passage le plus important
de son arrêtest toutefois le suivant : ((La fonction:de la Cour est de dire ledroit, mais elle ne peut rendre
des arrêts qu'à l'occasion de cas concrets dans lesquels ilexiste, au
moment du jugement, un litige réelimpliquant un conflit d'intérêts
juridiques entri: les parties. (C.I.J. Recueil 1963, p. 33-34.)

Autrement dit il s'agissait d'une affaire dépassée ))et la Cour a déclaré
les circonstances qui se sont produites depuis lors rendent toute
que
décisionjudiciaire sansobjet (ibid.,p. 38). Elle a adoptéla mêmeposition
dans lesaffaires des ,Essaisnucléaires :((La Cour ne voit donc pas de raison
de laisser se poursuivre une procédure qu'elle sait condamnée à rester
stérile. (C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 58.) Dans la présente affaire. en

revanche, des questions d'une brûlante actualitésont enjeu et lefait de dire
le droit peut avoir des effets positifs. Qui plus est, la décisionde la Cour
peut fort bien aider dans leursdélibérationslesautres organes ainsi que les
Etats qui se sont entremis. 11est donc vain d'invoquer lesdits précé-
dents.

La décision rendue par la Cour dans l'affaire du Détroit de Corfoua
également étéinvoquée. Mais l'argument qui en a été tiréa été réfuté
lorsqu'il a étésoulignéqu'un seul acte d'emploi de la force étaitalorsen jeu
tandis que la présente affaire portait sur des actes d'hostilité continus.
affaire du Détroitde Corfou n'a donc que peu de chose à voir avec la

question de savoir si la Cour peut ou non connaîtred'un conflit arméen
cours o. Dans tous les cas, ilfaut relever que les Parties au présent litige,
bien qu'en désaccord depuis longtemps- .ontinuent d'entretenir des rela-
tionsdiplomatiques.. qu'elles ne sontpas en étatde guerre. que leurs armées

ne sont pas en combat et que ce ne sont pas ces dernières qui commettent
les actes de force domnitl est question. La Cour n'est pas en présenced'un
affrontement entre lles (1forces armées de deux Etats. L'argument de la
nécessitéde la forct:, ou de son emploi par un organe d'un Etat, ne joue
donc pas. Dans une affaire de ce genre, on peut soutenir que lespossibilités

de règlement judiciaire ne sont subordonnées à aucune limite préétablie.
Dans un message du Conseil fédéralsuissepubliéen 1924à l'occasion de la
conclusion d'un traitéd'arbitrage et de règlementjudiciaire des différends,
on peut lire ce qui !suit :

« Un Etat n',abdique rien de sa souveraineté lorsque, librement,
délibérément. ilassure par avance une solution arbitrale oujudiciaire

àtous lesdifférends,sansexception, qui n'auraient pu êtreaplanispar
voie de négociations directes. II renonce seulement, par esprit de
justice et de paix, à faire prévaloir ce qu'il considère comme son bon
droit par des moyens qui pourraient êtreinconciliables avec la con-

ception mêmedu droit. ))(Feuille fédéralede la Conférution suisse,
1924, vol. III, ]p.697.)

Ce sont en généralles rapports de force - peu importe le nom qu'on
donne àcet aspect des relations entre Etats - qui lient indissolublement un
différend juridique donné à des considérations qui vont au-delà de son
objet juridique. empêchantainsi son règlement judiciaire. ACTIVITÉS kIILlTAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 168

Mais le droit international a acquis aujourd'hui une dimension sans
précédent. Presque tous les différends entre Etats revêtentdes aspects à la
fois politiques et juridiques : la politique et le droit se rejoignent presque
tout le temps. Les organes politiques, qu'ils soient nationaux ou interna-

tionaux, sont tenus de respecter le droit, ce qui ne signifie pas que tous ces
différends se prêtentà un règlementjudiciaire. Est-il besoin de rappeler
qu'au siècledernier et au début du nôtre les différends mettant enjeu les
((intérêtsvitaux des Etats ou leur (<honneur étaient considéréscomme
politiques et qu'ils ~kchappaientalors a un règlement par tierce partie ?

Mêmeun différend mineur peut êtreconsidérécomme touchant les inté-
rêts vitauxd'un Etat. En revanche. les différends frontaliers qui portent
souvent sur des centaines de kilomètres de terre ou de vastes zones mari-
times - et qui mette:ntdonc enjeu les intérêts vitaux de nombreux Etats -

ont ététrès fréquemment soumis à des tribunaux. C'est la que les critères
subjectifs et objectifs s'opposent. Si I'on applique des critères subjectifs,
c'est évidemment la volontédes parties, ou de l'une d'elle. qui est détermi-
nante. Si I'on applique des critères objectifs, on peut affirmer sans hési-
tation qu'il n'est pasde différend qui ne soit justiciable. Ilfaut alors faire

sa part àchaque catégoriede critères : nous vivons dans un monde où cer-
taines notions. bien qu'appartenant au vocabulairejuridique, continuent
à êtreempreintes d'appréciations subjectives. On en trouve un exemple
dans le domaine du désarmement et dans la notion mêmed'c<équilibre
des forces o. Si un Etat portait devant la Cour une affaire en invoquant le

critère de 1'0 équilibi-edes forces »,ce n'est qu'après mûre réflexionque la
Cour devrait exercer sa compétence. si bien établie fût-elle formellement.
La première tâche:de la Cour est de dire le droit, et de ne laisser planer
aucun doute sur sori sens.

L'existence de relations tendues entre les Parties n'est pasdéterminante
car elle peut résulterd'un différend éminemment juridique )>.IIne faut
pas non plus voir un critèredans 1'~importance )du différend. Parfois. les
autorités intéresséespréféreraientque le différend soit réglé par les parties
elles-mêmeset non pas par une petite équipedejuristes dont elles n'ont ja-

mais entendu parler leplus souvent, et qu'il le soit d'aprèsdes critères sub-
jectifs. sous forme cl'une décision moins savante mais plus pragmatique.
On prétend souvent que sur les questions très importantes le droit est
peu précistandis que sur les questions mineures ilest plus détaillé.Dans
son état actuel, le di-oit international peut êtreconsidérécomme suscep-

tible de fournir une solution àtous lesdifférends mais on peut sedemander
si cette solution régleratoujours les problèmes que recouvrent des diffé-
rends.
11apparaît donc clairemerit que la ligne de démarcationentre différends

justiciables et différendsnonjusticiables est extrêmementdifficile à tracer.
A mon avis, ce ne sont pas les aspects purement formels qui devraient être
décisifs mais le cadre juridique, l'efficacitéde la solution qui peut être
offerte et la contribution que la décisionpeut apporter au règlement d'un
des innombrables différends que connaît le monde aujourd'hui. A<:TIVITÉS NIILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.IND. LACHS) 169

Conclure que IcaCour ne peut statuer au fond sur la requêtedu
Nicaragua D, pour reprendre lestermes dudéfendeur, <ne signifie pas que
le droit international ne présenteni une pertinence directe ni une impor-

tance fondamentale pour réglerles différends internationaux 1) (contre-
mémoire des Etats-I'Jnis.par. 531).
Il a citéà ce sujeitles observations ci-après de Lauterpacht :

<(Là comme ailleurs, il faut segarder de confondre la limitation de
la totale libertk d'administrer la justice avec une limitation de la
primauté du droit '.O

Mais Lauterpacht a aussi affirméque :

<les possibilités de règlementjudiciaire sont infinies. Dans le do-
maine de la pollitique internationale, tous les conflits peuvent se ré-
duire à des différendsd'ordrejuridique. Le seul critère déterminant

de la justiciabilité d'un différend est la volonté des parties en litige
de le soumettre a l'arbitrage du droit. (Ihid)

Parmi les réservesdont le défendeura assorti sa déclaration d'accepta-
tion de la juridiction de la Cour. il n'en est pas une qui exclurait des
différendsprésentarit les mêmec saractéristiquesque le présent différend.
En effet, le défendeur n'est pas au nombre des Etats qui ont déclaré
accepter lajuridiction obligatoire de la Cour sauf en ce qui concerne les
<(différends résultailt d'une guerre ou d'hostilités internationales ))ou

<(touchant a la sécurité nationale».
Une fois saisie d'une affaire, la Cour n'est évidemmentpas liéepar les
thèsesde l'une oude l'autre des parties, qui peuvent qualifier le différend
diversement. Enl'espèce, ellen'étaip tas tenue de suivre leNicaragua et elle
ne l'ad'ailleurs pas suivisur plusieurspoints. A cet égard,ilest intéressant
de rappeler quelque:^observations formulées à propos de l'arrêt renduen
I'affaire relative au Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à

Téhéran par un éminentcommentateur des travaux de la Cour interna-
tionale de Justice :

<(Selon une doctrine de la justiciabilité des différends,on aurait
peine a imaginer un différend plusexplosif et par conséquent moins
justiciable. C'eritdans une lettre que l'Iran a adresséea la Cour le
9 décembre 1979que le caractère non justiciable du différend a été
souligné *.

<(De l'avisdes Etats-Unis,l'affaireétait éminemmentjusticiable.
[Comme l'agent.dudemandeur l'adéclaré lorsqu'il aprésentél'affaire
au cours de la plhasedes mesures conservatoires :](<laprésenteaffaire
offre à la Cour l'occasion la plus dramatique qu'elle ait jamais eue

The Functionof Law in the International Community, Oxford, 1933,p. 389.
Leo Cross. United States Diplornaticand Consular Staff in Tehran case. 2 AJIL,
1980.p. 395 et suiv. d'affirmer lapriimautédu droitparmi lesnationset ainsi de répondre à
l'attente de la communauté mondiale qui compte bien que la Cour
agira avec vigu'eurdans l'intérêd tu droit international et de la paix
internationale ')). IIsemblerait [ditGross] que la Cour a répondu à
cetteattente. (<Il ne fait aucun doute quecette affaire marque d'une

pierreblanche lesrelations entre les Etats-Unis et la Cour. ))[L'auteur
ajoute :] C'est la premièrefois en trente-cinq ansque les Etats-Unis
ont saisi laCour *. ))

Enfin. lesautres moyens misen Œuvrepar les Partiesen vue de résoudre
leur différend nlafft:ctent en rien la justiciabilité de la présente affaire.
Ainsi que je l'ai indiquéil y a déjà quelque temps :

Il existe à l'évidencedes différendsque seules les négociations
permettent de résoudre,la nature du problème et les mesures envi-
sagéesne laissantaucun autre choix. Mais ilen est aussi beaucoup que
l'on résoudrait plus facilement en combinant diverses méthodes.Le
caractkre souvent inhabituel des problèmes que doivent affronter les
Etats de nosjours oblige àutiliser leplus d'instruments et à réserverle
plus de voies possible pour résoudreles questions complexes et sou-
vent multidimensionnelles qui se posent. Il y a souvent avantage à
utiliser plusieurs méthodes, ensemble ou successivement. Il ne faut

donc voir aucune incompatibilité entre les divers instruments et tri-
bunaux dont 1e.sEtats peuvent user. car ils se complètent les uns les
autres '.O

III. L'ERREU JUDICIAIRE

Anatole France a fait dire à un personnage d'un de ses romans, lejuge
Thomas de Maulan : Un juge soucieux de bien remplir sa fonction se
garde de toute cause d'erreur. Croyez-le bien, cher monsieur, l'erreur
judiciaire est un mythe. ))Tous peuvent cependant commettre des erreurs
judiciaires. Comme M.Frankfurter l'a déclarédans l'affaire United Mrne

Workers : (Mêmec'ettecour n'a le dernier mot que pour un temps. Com-
poséed'hommes faillibles. elle n'estpas à l'abri de l'erreur. (330 US308.
citation figurant dans son opinion approbatrice en la célèbre affaire
Little Rock School : 358 US 22.)
Comme illustration de cette triste réalitéj.e doisdire qu'à la réflexionil
me semble que. par slonordonnance du4 octobre 1984 (C.I.J. Recuerl1984,

'LeoGross. op. tir(extrait de C.I.J. Mémoires,Personneldrplomutiqueet c,onsuluire
des Etuts-Unisù Téhérunp. . 35-36).
Ihrd., p. 410.
C.I.J. Recueil 1978, p. 52. p. 215et suiv.) la Co,uraurait dû donner àEl Salvador l'occasion de sefaire

entendresur sa déclaration d'intervention. Dans cetteordonnance, la Cour
a noté que la République d'El Salvador

se réserverait le droit, à la faveur d'une phase ultérieure sur le fond
de l'affaire, de se faire entendre au sujet de l'interprétation et de
l'application des conventions auxquelles elle est partieetqui auraient
trait à cette ph~asede la procédure )).

On aurait pu espérer qu'El Salvador, lors de la phase suivante - la
phase ... sur le fond ))- traite de toutes les questions présentant un inté-

rêtpour lui et qu'il aide ainsi la Cour dans l'accomplissement de sa tâche,
ou on aurait pu s'y attendre.
S'il est vrai au'il n'v avait Das lieu d'accorder à El Salvador le droit
d'intervenir au stadle de la compétence. il aurait étéprobablement dans
l'intérêtde la bonne administration de la justice que la Cour décide de

tenir audience O, ce qui lui aurait permis d'êtremieux informée des
préoccupations d'El Salvador ; pour tout le moins. cela aurait évitéqu'on
puisse avoir l'impression qu'il n'apparaît pas que justice a étéfaite o.En
définitive, il est d'une (importance fondamentale non seulement que

justice soit faite mais qu'il apparaisse manifestement et indubitablement
que justice a été faite (lord Hewart dans The Kingc. Sussex Justices ex
parte McCarrh,~,1 K.B. [1924], p. 250 et 259).
C'est M. Cardozci qui s'est cependant exclamé unjour : <(II m'arrive de

penser que nous nolis préoccupons trop des conséquencesdurables de nos
erreurs. Elles peuvent semer un certain trouble momentanément mais le
temps arrange bien des choses.
Ne serait-il pas un peu exagéréde tirer de l'erreur à laquelle je viens de
faire allusion des conclusions qui lui seraient totalement étrangères ?

IV. LES TENTATIVES RÉGIONALES DE RÈGLEMENT

Par sa décision.la Cour est censéerégler ledifférenddont elle a étésaisie

par les Parties à la présente instance.
Mais ilest aussi vivement à espérer que cette décision contribuera à
atténuer l'étatde tension et de confrontation qui règne entre elles. Elle
devrait fournir I'occasion d'ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de
leursrelations mutuelles et de redoubler d'efforts pour les aider àrésoudre

leur conflit.
La Cour devrait se féliciterde l'initiative diplomatique bien connue que
quatre pays de la région - la Colombie, le Mexique, le Panama et le
Venezuela - ont prise en 1983.Sonbut est de parvenir àla conclusion d'un

accord régionalentre ces Etats et lescinqpaysd'Amérique centrale. dont le
Nicaragua. Le Conseil de sécuritédesNations Unies s'estlui-mêmefélicitéde ce projet et a priéinstamment le groupe de Contadora de ne ménager
aucun effort en vue de trouver des solutions aux problèmes de la région
(résolution 530 du 19mai 1983). L'AssembléegénéraledesNations Unies
(résolution 38/10 du 11 novembre 1983) et l'Assemblée généralede
l'Organisation des Ehts américains (AC/résolution 675 (XXII-6/83) du

18 novembre 1983) se sont prononcées dans le mêmesens.
C'est avec une constance et une détermination remarquables que le
groupe de Contadora a poursuivi sesefforts ; is'estattaquéaux problèmes
fondamentaux qui aissaillent la régionen matière économique, sociale et
politique ainsi qu'eri matière de sécurité.Toute une sériede réunions. de

projets d'accords aiinsi que de consultations continuelles l'attestent.
Je suis convaincu que lesgouvernements des pays membres du groupe de
Contadora sont vraiment soucieux de s'acquitter de la tâche qu'ils ont
acceptée de leur plein gré: assurer la paix, l'intégritéterritoriale et le

développement écoriomique des pays d'Amérique centrale - à savoir le
Nicaragua, le Costa Rica. le Honduras, El Salvador et le Guatemala.
Récemment, ces lsroblèmes ont connu un regain d'intérêtet d'autres
paysd'Amérique latine - l'Argentine, le Brésil,lePérouet l'Uruguay - ont
crééle groupe de soutien O,lequel doit collaborer avec le groupe de
Contadora.

Alors que la Cour étaitsaisie de la présente affaire, les représentants de
tous ces Etats se sont réunisen vue de rédiger l'actede Contadora. Cette
réunion, ouverte à Guatemala le 15janvier 1986 - au moment où pour la
première fois depuis trente-deux ans un civil devenait président du Guate-
mala -. a étéjugée particulièrement heureuse. Quelques progrès ont été

enregistrés lors de la dernière séance,tenue en mai 1986. mais les traités
qui auraient dû en résulter ne sont pas encore prêts.
C'est là le meilleur moyen de résoudrele conflit. Ainsi le demandeur et
les autres pays d'Amérique centrale souscriraient à des obligations claires

et nettes, qui seraient garanties par d'autres Etatsd'Amérique latine avec la
participation du gouvernement de 1'Etat défendeur. Ilfaudrait donc que
les deux Parties cool?èrent avec le groupe de Contadora. lequel constitue
l'intermédiaire le ~lus aualifié.
Comme la Cour l'adit dans le passé,sa véritablemission, quelle que soit

la nature du différerid, est de (faciliter, dans toute la mesure compatible
avec son Statut, pareil règlement direct et amiable ))(C.P.J. I.sérieAno22,
p. 13).Ad'autres occasions. elle a fait observer que lesrèglements négociés
étaient hautement désirables (C.P.J.I. sérieA/B no 78, p. 178).
Tout en étant ini.imement convaincu que le règlement pacifique du

différend reste possible en pratique et qu'il n'y pas d'autre solution. j'es-
time que la Cour aurait dû aussi soulignerque, pour ne pas compromettre
un tel règlement, les deux Parties devraient s'abstenir de toutes activités
susceptibles d'aggraver ou de compliquer leurs relations et qu'elles de-
vraient faire tout leur possible pour accélérerles travaux qu'elles mènent
avec les Etats déjàm'eitionnésafin de parvenir à l'accord de réconciliation

qui s'impose en matière de coopération dans divers domaines.
L'arrêtpeut ainsi apporter une contribution constructive au règlement A<:TIVITÉSMiILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS)73

d'un différend lourd de dangers et ouvrir la àola stabilité dans une
région troublée depuis des décennies par des conflits et des affronte-
ments.
Dans bien d'autres cas, la Cour peut apporter sa contributioà la
solution des différends qui compromettent les bonnes relations entre les
Etats. C'est là sa tâche.

(Signe M)anfred LACHS.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE LACHS

At the outset, 1 am impelled to express my regret at what, to mymind, is
a strange occurrence in the present case. It was stated that much of the
evidence was "of a highly sensitive intelligence character" and asserted
that the Respondent would "not risk United States national security by
presenting such sensitive material in public".

Giving al1due respect where it is due, this is not the first time that
"security risks" have been invoked in connection with proceedings before

this Court. In the Corfu Channel case the United Kingdom Agent was
requested to produce certain documents "for use of the Court". These
documents were notproduced, the Agent pleading naval secrecy ;and the
United Kingdom witnesses declined to answer questions relating to them.
Consequently the Judgment stated :

"The Courtcannot ...draw from the refusa1to produce theorders
any conclusions differing from those to which the actual eventsgave
rise." (I.C.J.Reports 1949, p. 32.)

However,in the present case another factor has been added to the riskof
presenting "such sensitivematerial before aCourt", for inthe samecontext
an allusion was made to the alliancewhose members include thecountries
of which certain Judges were nationals. In brief, it was suggested that in
viewof thisalliance theseJudges, or rathertheJudge inquestion - for only
one is now involved - may be "more" than a Judge or "less" than a Judge.
In eithercase hewould be unfit to sit on the bench. If so, hewould be unfit
to sit not only in this but in any other case. For, even apart from the
stipulations of Article 2 of the Court's Statute, two requirements are
overriding :integrity and independence.

Ajudge - as needs no emphasis - is bound to be impartial, objective,
detached, disinterested and unbiased. In invoking the assistance of this
Court or acceptingitsjurisdiction,States must feelassured that thefacts of
thedispute willbe properly elicited ;theymusthave thecertaintythat their
jurai relationship willbe properly defined and that no partiality willresult
ininjustice towards them. Thus those on thebench may represent different
schools of law,may havedifferent ideas about law andjustice, be inspired
by conflicting philosophies or travel on divergent roads - as indeed will
often be true of the States parties to a case - and that their characters,
outlook and background will widely differ is virtually a corollary of the OPINIlON INDIVIDUELLE DE M. LACHS

[Traduction]

II me faut dire d'e:mbléequ'il s'estpasséen la présente affaire quelque
chose queje déploreletqui est étrange à mesyeux. Ila été ditqu'une grande
partie des preuves étaitconstituéepar <(des renseignements de caractère
hautement confidentiel » et affirmé que le défendeur n'entendait pas
mettre en danger la sécuriténationale des Etats-Unis en rendant pu-
bliques des informaitions aussi délicates )).

Qu'il me soit perrnis de dire que ce n'est pas la première fois que des
risques en matièrede sécurité ))sont invoquésdans une instance devant
la Cour. Dans l'affairedu Détroit de Corfou, l'agentdu Royaume-Uni avait
été invité à produire certains documents pour l'usagede la Cour o. Ces
documents ne furent pas produits - l'agent arguant du secret naval - et
les témoins du Royaume-Uni s'excusèrent de ne pouvoir répondre aux
questions relatives àices documents. La Cour a alors déclarédans son

arrêt :
<(La Cour ne peut ..tirer du refus de communication de l'ordre en
question des conclusions différentes de celles que l'on peut tirer des

faits tels qu'ils s.esont effectivement déroulés. ))(C.I.J. Recueil 1949,
p. 32.)
Dans la présenteadfaire, un élémentvient s'ajouter au risque que pose-

rait lacommunicatic~n à la Cour d'oinformations aussi délicates )>.Sur ce
dernier point, en effet, il a été fait allusion à l'alliance à laquelle appar-
tiennent lespays donitcertains membres de la Cour sont ressortissants. En
bref, il aétéinsinuéque, vu cette alliance, lesjuges en question - ou plutôt
le juge en question puisqu'un seul est maintenant concerné - seraient
peut-être plus ))ou moins )que desjuges. Quoi qu'il ensoit, leditjuge
serait inapte à siéger.Si cela étaitvrai, cejuge serait inapte a siégernon

seulement dans la prksente affaire, mais aussi dans n'importe quelle autre.
En effet, outre lesqualités énoncées à l'article 2 du Statut de la Cour. ilen
est deux primordialt:~ : l'intégritéet l'indépendance.
Un juge - est-il besoin de le souligner? - se doit d'êtreimpartial.
objectif, neutre, désintéresséet sans parti pris. Lorsqu'ils s'adressent à la
Cour ou en acceptenit sa compétence,les Etats doivent avoir la certitude
que les faits de la cause seront dûment élucidés,que leurs rapports juri-
diques seront dûmeint définiset qu'ils ne subiront pas d'injustice pour

cause de partialité. Certes, lesjuges peuvent représenter diverses écolesde
droit, avoir des idéesdifférentes sur le droit et la justice, et s'inspirer
d'idéologiesopposéesou emprunter des voiesdivergentes, comme cela est
d'ailleurs souvent lecasdes Etats parties à une instance. C'est en réalité la
diversité imposéepar le Statut qui fait qu'ils sedistinguent tellement lesdiversity imposed by the Statute. But whatever philosophy thejudges rnay
confess they are bound to "master the facts" and then apply to them the
law with utmost honesty.
As human beings, judges have their weaknesses and limitations ; how-
ever, to be equal to their task they have to try to overcome them. Thus in
both their achievements and shortcomings they must be looked upon as

individuals :it is their personality that matters. As James Brown Scott so
rightly stated :

"The Court is an admirable body representing the different forms
of civilization and systems of law and calculated not only to do
justice between nations without fear or favour but to their satisfac-
tion. One dream of the ages has been realized in our time." (15AJIL,
1921. pp. 557-558.)

This variety of origin of the Judges is certainly the great strength of this
Court. It is a major contributory factor to the confidence that al1States
rnay feel in the balanced nature of the Court's decisions and the broad
spectrum of legal opinion they represent. But can this diversityjustify an

invidious distinction between Judges according to their nationality or the
alliances of which their countries rnay happen to be members ?All Judges
"should benot only impartial but alsoindependent of control by their own
countries or the United Nations Organization" (UNCIO, Vol. 13.p. 174).
In fact, while they rnay have served their countries in various capacities,
they have had to cut the ties on becoming a Judge. As was once said :

"It is difficult for any Judge to solicit an act of faith in favoof a

process so epistemologically subjective and temporal. This is essen-
tially true of the international Judge who must seek a commitment
from various societies operating within differing systems of legal
hypothesis."

Each and every Judgestands on hisown record. As the late Judge Philip
C. Jessup held. speaking from his considerable experience and referring to
a particular dispute :

"It is one of the cases which show that a dissection of the views of
the Judges of the Court to prove some kind of national alignment is
often not supportable and rnay be quite misleading."

A telling illustration of this remark, and one apposite to the issue 1raise,
rnay be seen in the Judgment in the United States Diplornaticand Consular
Staff in Tehran case (I.C.J. Reports 1980,pp. 44-45 ; cf. also I.C.J. Reports

1982, p. 8). "The Justice writing an opinion", said John Mason Brown, a
distinguished literary figure on the American scene.
"carries a burden unknown to the playwright, thepoet or the novelist.uns des autres de par leurpersonnalité, leurs conceptions et leur formation.

Mais,quelle que soit l'idéologie qu'ilsprofessent, lesjuges doivent dominer
les faits puis leur appliquer le droit avec la plus grand honnêteté.
Lesjuges sont de:;êtres humainsqui ont leurs faiblesses et leurs limites
mais ils doivent s'efforcer de les surmonter pour se montrer àla hauteur de
leur tâche. Aussi doivent-ils êtreconsidéréscomme des individus, tant

pour ce qu'ils ont fait que pour ce qu'ils n'ont pas fait. C'est leur person-
nalité qui compte. Comme James Brown Scott l'a déclaréàjuste titre :

«La Cour est un organe admirable qui représente les différentes
formes de civilisation et les différents systèmesjuridiques ; elle a été
conçue pour rendre lajustice entre les nations. non seulement sans
crainte ni parti,alitémais encore à leur satisfaction. Un rêveséculaire

est devenu aujourd'hui réalité ... (15 AJIL, 1921, p. 557-558.)
C'est cette diversité d'origine desjuges qui fait certainement la force de

la Cour. Elle est un élémentessentiel de la confiance que tous les Etats
peuvent éprouverdevant l'équilibredes décisionsrendues par la Couret la
grande variété d'opinionsjuridiques qu'elles représentent. Mais cette
diversitépeut-ellejustifier qu'une distinctiondésobligeante soit faite entre

lesjuges selon leur nationalité ou les alliances dont leur pays peut faire
partie? Tous les juges doivent être non seulement impartiaux mais
également indépendants à l'égard d'un contrôle qu'exerceraient leurs
propres pays ou l'organisation des Nations Unies D. (Conférence des
Nutions Utliessur l'c~rganisation internationale, vol. 13,p. 176.) D'ailleurs,

s'ils ont étéau service de leur pays, à un titre ou à un autre, ils doivent
rompre ces liens lorsqu'ils deviennent juges. Comme on l'a fait observer :

<(II est difficile pour un juge, quel qu'il soit, de solliciter un acte de
foi en faveur d'un processus aussi foncièrement subjectif et temporel.
Cela vaut surtciut pour lejuge international qui doit s'assurer I'enga-
gement de sociétésdotéesde systèmesjuridiques d'inspiration diffé-
rente. ))

C'est sur ses actes qu'on juge un magistrat. Comme un ancien membre

de la Cour, le regretté Philip C. Jessup, l'a déclaréà propos d'une certaine
affaire, avec toute l'expériencequi était la sienne :

C'est là un,ede ces affaires qui montrent que disséquerles points
de vue des membres de la Cour pour prouver qu'ils s'alignent en
quelque sortesur la position de leur pays d'origine n'est souvent pas
défendable et peut êtrevraiment trompeur. ))

L'arrêtrendu en l'affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire
desEtuts-Unis à Téhéran(C.I.J. Recueil 1980, p. 44-45 ; voir aussi C.I.J.

Recueil 1982,p. 8)constitueune illustration frappante de cetteremarque et
un bon exemple du problème que je pose. John Mason Brown, éminent
homme de lettres américain. s'est exprimé dans les termes suivants :

Le juge qui rédigeune opinion porte un fardeau que ni le dra- It is a burden of public responsibility so heavy that its weight often
makes itself felt in his prose. Wisdom is what we want from a Judge,
not wit ; clarity of phrase. before beauty. decision rather than diver-
sion. No wonder Judges' opinions. being theawesome things they are,
using languageas an instrument of action and capable of changingthe

history of a nation, are seldom read as literature." (Lecture delivered
before the American Law Institute, 23 May 1952.)

Justice Frankfurter. speaking of Judges of the Supreme Court, ob-
served :

"What is essential for the discharge of functions that are almost too
much by nine fallible creatures is that you get men who bring to their
task, first and foremost. humility and an understanding of the range
of the problems and of their own inadequacy in dealing with them,
disinterestedness and allegiance to nothing except the effort, amid
tough words and limited insights, to find the path through precedent,

through policy, through history to the best Judgment that fallible
creatures can reach in that most difficult of al1task:the achievement
of justice between men and men, between men and State, through
reason called law."

The words of that great judge Oliver Wendell Holmes may be
added :

"The remoter and more general aspects of the law are those which
giveit universal interest. It is through them that you notonly become a
great master in your calling but connectyour subject with the universe
and catch an echo of the infinite, a glimpse of its unfathomable
process, a hint of the universal law." ("The Path of Law". a talk given

in 1897.)
This goal is certainly attainable to the very few, but we can and should
attempt to strive for it : to uphold the dignity of a profession to which

society forcenturieshas attachedprofound importance. In the light of such
considerations, which are seldom absentfrom thejudicial mind, it appears
unseemly todoubt a Judge on account of the place where he was born or
the passport he may carry. And this case isprobably unique as one in which
these are by implication claimed to impair a Judge's status, standing,
wisdom, discretion and impartiality, and to warrant the limitation of the
knowledge made available to him for the discharge of his trust. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 160

maturge, ni le poète, ni le romancier ne connaissent. Il assume une si

lourde responsabilité vis-à vis de l'opinion publique que son poids se
fait souvent sentir dans saprose. Ce qu'on attend d'un juge, c'est de la
sagesse et non de l'esprit, un style sinon élégantdu moins clair et des
prises de position plutôt que des digressions. Il n'est guèresurprenant
que les opinioris des juges, ces écrits qui forcent le respect, qui se

servent du 1ang;agecomme d'un instrument d'action et qui peuvent
changer le cours de l'histoire d'une nation, soient rarement considé-
réescomme de:; Œuvres littéraires. (Conférence donnée a 1'Ameri-
can Law Institute le 23 mai 1952.)

Au sujet des juges de la cour suprême, M. Frankfurter a formulé les
observations suivantes :

Pour que neuf individus faillibles puissent remplir des fonctions
qui sont presque trop lourdes pour eux, il est essentiel qu'il s'agisse
d'hommes qui, dans l'accomplissement de leurs tâches, se montrent
humbles, aucourant de tous lesproblèmes en cause, conscients de leur

inaptitude àen traiter etdésintéressése , t qui n'obéissentàrien d'autre
qu'au souci de rechercher. parmi des mots rebelles et des notions
limitées.la voie qui conduit à travers la jurisprudence, la politique et
l'histoire au meilleur arrêt auquel ces individus faillibles peuvent
parvenir dans la plus difficile de toutes les tâches : l'administration de

lajustice entre deshommes et d'autres hommes ou entre deshommes
et l'Etat, par cette émanation de la raison qu'on appelle le droit.

On peut y ajouter les remarques ci-après d'un autre juge illustre, Oliver
Wendel1 Holmes :

(Ce sont les aspects les plus lointains et les plus générauxdu droit
qui lui confèrent un intérêtuniversel. C'est en s'ouvrant a eux qu'on
devient un grand maître dans son domaine et qu'en plus, en reliant
celui-ci a l'univers. on capte un écho de l'infini, on entrevoit cet
incommensurablephénomène et on perçoit ledroit universel. ))(((The

Path of Law )),conférence donnée en 1897.)
Peu nombreux sont certainement ceux qui peuvent atteindre cet objectif,

mais nous pouvons et nous devrions tous essayer de l'atteindre. Il faut
défendre la dignité d'une profession à laquelle la société a attaché une
immense importance pendant des siècles.Compte tenu de ces considéra-
tions. qui sont rarement absentes de l'esprit des juges, ilne semble pas
indiquéde douter d'un juge en raison de son lieu de naissance ou de son

passeport. La présente affaire est probablement la seule dans laquelle il a
étésoutenu implicitement que le lieu de naissance ou lepasseport d'un juge
compromettraient son prestige, sa réputation, sa sagesse. sa discrétion et
son impartialité et constitueraient une raison valable pour limiter les
élémentsd'information mis à sa disposition pour qu'il s'acquitte de sa
tâche. Since the Court has pronounced its final Judgment in the present case
and 1did not express my views at the earlier stages of the proceedings, 1
take this opportunity to do so now. 1 have to revert to some questions
already settled but 1will do so very briefly in order not to overburden the
reader who faces so many pages reflecting the wealth of thought to which
thepresent case has given rise. Though 1would have preferred the Court to
have dealt in greater detail with the question of assistancefrom or through

Nicaragua to opposition forces in El Salvador, since the principal issues
before the Court were those of self-defence and resort to the use of force. 1
will not touch upon the substance of this question. 1 would also have
preferred different formulae to be used here and there in the Judgment. Be
that as it may, the first issue on which 1felt it behoves me to make my
position clear is that of the Court's jurisdiction under Article 36 of the

Statute.

The 1984 Judgment, as well as the separate or dissenting opinions

appended to it, revealed that the casehad some highly exceptionalaspects
beyond the routine questions that demand to be answered in determining
the Court's jurisdiction. These aspects arose chiefly from the fact that, in
the League of Nations system, two instruments were involved in the
procedure for accepting thejurisdiction of the Court as compulsory in al1
or certain international legal disputes : the Protocol of adherence to the
actual Statute of the Permanent Court of International Justice, and the

Declaration of acceptancecorresponding to the so-called Optional Clause.
While the former in al1 cases required ratification, the latter needed
ratifying only where domestic law so demanded, which was not Nicara-
gua's case.

Nicaragua made itsDeclaration as longago as 1929 ;thus in subsequent

Reports of the Permanent Court of International Justice it was listed
among those States having made a Declaration under the "Optional
Clause" without any requirement of ratification (P.C.I.J.,Series E,No. 16,
1939-1945, p. 49). It was not however listed among States bound by the
Clause (ihid., p. 50). because, as was noted, though it had signed the
Protocol and had notified the Secretary-General of the League (by a
telegram of 29 November 1939)that an instrument of ratification was to be

dispatched, no trace could be discovered of such an instrument having
been received.
The implications of this situation revolve on the interpretation of Article
36. paragraph 5, of the present Court's Statute, and 1have to Saythat the
issue may be seen also in a different perspective than that reflected in the
Judgment of 1984 (1.C.J.Reports 1984,pp. 403 ff.). 1feel that the making of
a Declaration under the Optional Clause was not only a manifestation of Comme la Cour arendu son arrêtdéfinitifen la présente instance et que
je n'ai pas exprimémes vues lors des phases antérieures,je saisisl'occasion
qui m'est donnée de le faire maintenant. Il me faut revenir sur certaines

questions déjà tranchées,maisje leferai très brièvement par respect pour le
lecteur qui se trouve devant tant de pages témoignant de l'abondance des
vues exprimées en la présente affaire. J'aurais préféréque la Cour s'ap-
pesantît davantage sur la question de l'assistance fournie à partir du
Nicaragua ou à travers le Nicaragua aux forces d'opposition au Salvador,
étantdonnéqu'elle étaitprincipalement saisie de la question de la légitime

défenseet de celle di:l'emploi de la force, maisje ne traiterai pas du fond de
la question. J'auraii; aussi préféréque certains passages de l'arrêt fussent
formulés différemment. En tout état de cause, la première question sur
laquellej'estime devoir précisermaposition estcelle de la compétencede la
Cour en vertu de l'article 36 du Statut.

1.LES QUESTIONS DE COMPÉTENCE

II ressort de l'arrêtde 1984, ainsi que des opinions individuelles et de
l'opinion dissidente qui y sontjointes, que la présente affaireprésentait des
aspects tout afait ex.ceptionnels par rapport aux questions que la Courdoit

normalement trancher pour établir sa compétence. Cette situation tenait
essentiellement au fait que, dans le système de la Sociétédes Nations. la
procédure d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Courpour tous
les différends internationaux d'ordre juridique ou pour certains d'entre
eux nécessitait deux.instruments :leprotocole de signature du Statut de la
Cour permanente de Justice internationale et la déclaration d'acceptation

correspondant à la disposition facultative. Alors que le protocole devait
êtreratifiédans ~OLIS les cas, la déclaration ne devait l'êtreque lorsque la
législation interne Il'exigeait- ce qui n'était pas le cas de la législation
nicaraguayenne.
Le Nicaragua a cléposé sa déclaration en 1929 déjà,si bien qu'il figure
dans les Rapports postérieurs de la Cour permanente de Justice interna-

tionale au nombre clesEtats qui avaient souscrit a la dispositon facultative
sans condition de ratification (C.P.J.I. sérieE no 16, 1939-1945, p. 43).
Mais le Nicaragua riefigurepas sur la liste desEtats liés(ibid.p. 44)parce
que. ainsiqu'il étaitindiquéennote. bien que cet Etat eût signéleprotocole
et notifié le Secrétaire généradl e la Sociétédes Nations (par télégramme
datédu 29 novembre 1939)que l'instrument de ratification serait envoyé.

aucune trace de la réception de cet instrument n'avait pu êtretrouvée.

Cette situation rriet en jeu l'interprétation de l'article 36. paragraph5,
du Statut de la Cour actuelle et je dois dire que la question peut être
envisagéedans une optique différente de celle adoptée par la Cour dans
son arrêtde 1984 (C.I.J. Recueil 1984, p. 403 et suiv.). A mon avis, en
faisant sa déclaration en vertu de la disposition facultative. le Nicaragua,Nicaragua's willingness to subject itself to compulsory jurisdiction but
also, ipsojure, a confirmation of its will to become a party tothe Statute of
the Permanent Court of International Justice. From the viewpoint of
intent it was thus tantamount to ratification of its signatureof the Protocol.
Formally. it is true, this did not suffice, and so we are faced here with the
classic issue of the relationship between "will" and "deed". For, as this

Court has itself remarked :

"Just as a deed without the intent is not enough,so equally the will
without the deed does not suffice to constitute a valid legal transac-
tion." (I.C.J.Reports 1961, p. 31.)

However. one has to bear in mind that in the case of Nicaragua the will
was clearly manifested by the whole procedure. beginning with the accep-
tance of the Optional Clause and ending with the telegram concerning the
ratification of the Protocol. evidenced by decisions of the competent
organs of the State including signature by the President. The telegram
indeed notified these acts to the Secretary-General of the League of

Nations. The question arises as to its legal effects, since the instrument of
ratification was not deposited.
In this context 1 wish to recall two factors which could not have
remained without legal effect.
It may of course be argued that ratification is not a mere formality.
However. in the present case. more attention should have been paid to the

conduct of the States concerned. their practice. "toleration" or "lack of
protest".
The conduct of Nicaragua, in particular, made it clear that it had
acquiesced in being bound to accept the compulsory jurisdiction of the
Court and that this acquiescence had an effect on the requirement of
ratification of the Protocol to the old Court's Statute - a requirement

moreover which could arguably have been regarded as otiose now that
Nicaragua's membership of the United Nations had made it a party to the
Statute of the new and may have called for a different action. Moreover
one shouldbear in mindthat the process of ratification had been initiated :
there was at least an "inchoate ratification" ;for the process had already
been engaged and completed, on the domestic plane, and the only point of

such domestic ratification was to legalize theinternational step which had
next to be taken.

Here 1find a very essential factor. and one which, by force of practice
over a period of almost 40 years, could not have remained without legal
effectupon an instrument even if legally imperfect.

An important factor was undoubtedly the Yearhook of the International
Court of Justice (to whose Statute Nicaragua had become a party). which
consistently featured Nicaragua among the States which had accepted its
compulsory jurisdiction, while adding a footnote :"the notification con-
cerningthedeposit of theinstrument of ratification has not, however. been ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 162

non seulement manifestait sa volonté de se soumettre à la juridiction
obligatoire. maisaussi, ipsojure, confirmait sa volontéde devenir partie au
Statut de la Cour permanente de Justiceinternationale. Du point de vue de

l'intention. cela revenait donc à ratifier le protocole de signature. Il est vrai
que. formellement, cela ne suffisait pas. On se trouve ici en présence du
problème classique du lien entre la (volonté )et l'~acte 1).Comme la Cour
elle-mêmel'a fait observer :

De mêmeque l'acte sans intention ne suffit pas. de mêmela
volonté sans acte ne suffit pas à constituer une opération juridique
valable. >>(C.I.J. Recueil 1961. p. 31.)

II ne faut cependant pas oublier que dans le cas du Nicaragua cette
volontés'estclairement manifestée àtoutes lesétapes,depuis l'acceptation
de la disposition fai:ultative jusqu'à l'envoi du télégrammeconcernant la
ratification du protocole, confirmé par les décisions des organes compé-

tents de 1'Eitatet mêmepar la signature du Président. En fait, ces actes ont
ét2 notifiés au Secrétaire généralde la Sociétédes Nations dans ledit
télégramme. Reste la question des effets juridiques de ce télégramme,
l'instrument de ratification n'ayant pas étédéposé.

Je voudrais rappe:leràce sujet deux facteursqui n'ont pas pu rester sans
effets juritiiques.
On peut certes prétendre que la ratification n'est pas qu'une simple
formalité. Mais en l'espèce, ilaurait fallu prêter davantage attention à la
conduite des Etats intéressés,à leur pratique, à leur ((tolérance ))ou à

1'0absence de protestation )>de leur part.
Par son comportement en particulier, le Nicaragua a bien montré qu'il
avait consenti a devoir accepter la juridiction obligatoire de la Cour et
que son consentement avait un effet sur la condition de ratification du

protocole de signature du Statut de l'ancienne Cour - condition qui,
de plus. aurait fort bien pu êtreconsidéréecomme superflue dès lors
qu'en devenant membre de l'organisation des Nations Unies le Nicara-
gua est devenu partie au Statut de la nouvelle Cour et que d'autres for-

malités étaient peut-être nécessaires. Par ailleurs, il ne faut pas oublier
que le processus de ratification avait été entamé : il y a eu au moins
un ((début de ratification :en effet, sur le plan interne ce processus
avait étédéjà engagé et achevé, et le seul but de la ratification sur ce
plan-là était de légaliserla mesure à prendre ensuite sur le plan interna-

tional.
Je vois là un facteur essentiel et qui, compte tenu d'une pratique s'éten-
dant sur près de quarante années. n'a pas pu rester sans effets juridiques
sur un instrument 'quiétait imparfait au regard du droit.

L'Ailnuirirede la Cour internationale de Justice (au Statut de laquelle le
Nicaragua est devenu partie) est un élémentimportant. Le Nicaragua y a
constamment figurk aunombre des Etats qui avaient acceptélajuridiction
obligatoire de la Cour mais on y trouve un renvoi àune note de bas de page

qui se termine par les mots : Cependant, le dépôt de cet instrument n'areceived in the Registry." Since 1955-1956 it read : "it does not appear,
however. that the instrument of ratification was ever received by the
League of Nations." One wonders how this affected the heading of the
list:and another list in which referencewas made to Article 36,paragraph
5, of the Statute of the present Court (cf. I.C.J. Yeurhook 1947-1948,
pp. 38 ff.).

In considering what value to attach to the Yeurhook of theCourt, which

is published by its Registrar on the instructions of the Court, one has
naturally to give full weight to the reservation that it "is prepared by the
Registry" and "in no way involves the responsibility of the Court". a caveat
that "refers particularly" to

"summaries ofjudgments. advisory opinions and orderscontained in
Chapter VI [which]cannot be quoted against the actual text of those

judgments. advisory opinions and orders and do not constitute an
interpretation of them".

However, there is much more to the matter than this : the Court itself has
been submitting annually for some years to the General Assembly of the
United Nations a report, signed by the President of the Court, which
becomes an officia1 document of the Assembly and has evidential value.

This report has from the outset, and without any caveat or footnote
whatsoever. included Nicaragua among States having made declarations
accepting the Court's compulsory jurisdiction.
The other factor is preparatory work that was needed to bring the case
concerning the Arbitrul Awurd Made by the King ofSpain on 23 Decemher
1906 before the Court. Here the enquiry conducted on the subject by
formerJudge Hudson, acting on behalf of Honduras, is not unenlighten-
ing.

Hudson approached the Registrar of the Court on this subject under
discussion and received a very interesting reply :

"1 do not think one could disagree with the view you expressed
when you said that it would be difficult to regard Nicaragua's rati-
fication of the Charter of the United Nationsas affecting that State's
acceptance of compulsory jurisdiction. If the declaration of 24 Sep-

tember 1929was in fact ineffective by reason of failure to ratify the
Protocol of signature, 1think it is impossible to Saythat Nicaragua's
ratification of the Charter would make it effective and thereforebring
into play Article 36,paragraph 5, of the Statute of thepresent Court."
(Letter of 2 September 1955 ;Counter-Memorial in the present case.
Ann. 35.)

Notwithstanding this statement, Hudson took a very guarded view on

the subject, because in analysing the case he arrived at the conclusion :pas éténotifiéau Greffe. A partir de l'Annuaire 1955-1956, cette note se

termine comme suit : <(Cependant, il semble que ledit instrument de
ratification ne soit jamais arrivé à la Sociétédes Nations. O On peut se
demander en quoi ces termes revenaient sur le libellédu titre qui précédait
la liste et sur celui qui précédaitune autre liste, où mention était faite de
l'article 36. paragraphe 5, du Statut de la Cour actuelle (voir C.I.J.

Annuaire 1947-1948, p. 32-33).
Pour déterminer l'importance à attacher à l'Annuaire de la Cour, lequel
est publié par le Greffier sur les instructions de la Cour, ilfaut naturel-
lement accorder toiut son poids à la réserve selon laquelle l'Annuaire,
rédigépar leGreffe, n'engage en aucune façon la Cour ))- mise en garde

qui vise :

En particulier. les résumésd'arrêts, avis consultatifs et ordon-
nancesfigurant auchapitre VI [qui]nesauraientêtre citésàl'encontre
du texte même(desarrêts,avis consultatifs et ordonnances, dont ils ne

constituent pas une interprétation. ))

Mais ce n'est pas tout. Depuis un certain nombre d'années, laCour elle-
mêmesoumetà1'As:semblég eénéraledes Nations Uniesun rapport annuel
signé par le Président, qui acquiert le statut de document officiel de
l'Assemblée générale eq tui a force probante. Dès le premier rapport, le

Nicaragua figure, siins aucune réserve ninote de bas de page, parmi les
Etats ayant fait une déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire
de la Cour.
Quant à l'autre facteur. il a trait aux recherches qu'il a fallu entreprendre
avant de porter devant la Cour l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par

leroi d'Espagne le 23 décembre 1906. Lesdemandes de renseignements d'un
ancienjuge, agissani:au nom du Honduras. Manley O. Hudson, ne sontpas
sans intérêt.
Manley O. Hudson a consulté le Greffier de la Cour sur la question et a
requ une réponse fort intéressante :

Je ne crois pas que l'on puisse vous donner tort quand vous dites
que l'on voit nial comment la ratification de la Charte des Nations
Unies par le Nicaragua pourrait se répercuter sur l'acceptation de la
juridiction obligatoire par cet Etat. Si la déclaration du 24 septembre

1929 étaiten rkalitédépourvue d'effets faute de ratification du pro-
tocole de signaiwre, il me semble insoutenable que la ratification de la
Charte par le Nicaragua ait pu donner effet à cette déclaration et
entraîner ainsi l'application de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de
la Cour actuelle. (Lettre du 2 septembre 1955 ; contre-mémoire des
Etats-Unis en la présente affaire, annexe 35.)

Ce nonobstant. iVIanley O. Hudson a adoptésur la question une attitude
très prudente. parce que après l'avoir étudiéeil étaitparvenu à la conclu-
sion suivante : "It must be borne in mind that theInternational Court of Justice
has not determined whether there is any degree to which Nicaragua's
Government is bound by the declaration of 24 September 1929as to
the International Court of Justice. Without such determination it is
impossible to say definitely whether or not the Government of Hon-
duras mayproceed against the Government of Nicaragua." (Counter-

Memorial in the present case. Ann. 37.)
He also visualized the following

"it isalso possible that the action should begin against Nicaragua in
spite of the fact that theState is not bound by the second paragraph of

Article 36 of the Statute of the International Court of Justice. If
Nicaragua later agrees to the jurisdiction the situation will be much
the same as if it had agreed to a special agreement in advance of the
case." (Ibid.)

Finally it is worth recalling that Hudson, after his exchanges with the
Registrar, when publishing his last annual article on the International
Court in 1957.continued to includeNicaragua in the list of Stutesparties to
the con~pulsoryjurisdiction of the Court. The Respondent suggests that he

did so "perhaps in deference to his client. Honduras" and goes on topoint
out that Hudson nevertheless "introduced a new cryptic footnote to Nica-
ragua's listing : 'See the relevant correspondence'." (M. Hudson. "The
Thirty-fifth Year of the World Court". 51 AJIL. 1957. 17: cf. also
Çounter-Memorial in the present case. para. 143.)
One should however also recall the statement of the Nicaraguan Ambas-

sador in Washington denying that Nicaragua had agreed to submit to
compulsoryjurisdiction (ibid.,para. 1 16).Yet therewasa special reason for
this attitude. and this is made clear.
Nicaragua held that thedispute with Honduras was one which "ne porte
en aucune façonsur laréalitédetout fait qui. s'ilétait établi.constituerait la
violation d'un engagement international" (1. C.J. Pleudings,Arhitral A~.ard
Mude by the King of Spuitzot~ 23 Decenlber 1906,Vol. 1,p. 132.para. 3 : cf.

also para. 4). These were, then. the special motives in that particular case
forNicaragua to try to evade the compulsoryjurisdiction of the Court and
to seek a special agreement on special conditions.

As is well known. the Parties did conclude a special agreement, yet. this
notwithstanding. Honduras referred in its Memorial to Article 36. para-
graph 2, of the Statute of the Court and alsoto the Decree of 14 February

1935of the Senate of Nicaragua ratifying the Statute and Protocol of the
Permanent Court of International Justice. a similar action undertaken
on 11 July 1935 by the Chamber of Deputies and its publication in the
OSficiul Gazette in 1939, No. 130, page 1033. In the same Memorial
Honduras referred further to the fact that the Parties had. on the basis of
Article 36, paragraph 2. of the Statute of the International Court of Jus-
tice. recognized its compulsory jurisdiction (I.C.J. Pleadings, Arbitral (<IInefautpas oublier que la Cour internationale de Justice n'a pas
décidési. en ce:qui la concerne. le Gouvernement du Nicaragua est
tenu à un titre quelconque par la déclaration du 24 septembre 1929.
Sans une décision à cet effet. il est impossible de dire de façon

catégorique si le Gouvernement du Honduras peut ou non intenter
une action contre celui du Nicaragua. (Contre-mémoiredes Etats-
Unis, annexe 37.)

Et il envisageait la solution suivante

((Ilserait aussi possible d'entamer l'action contre leNicaragua sans
tenir compte du fait que cet Etat n'est pas tenu par le second para-
graphe de l'article 36du Statut de la Cour internationale de Justice. Si.
par la suite. le Nicaragua acceptait lajuridiction. la situation serait à

peu près la mêmeque s'il avait donné son accord à un compromis
avant le début de l'instance. (Ibid.)

Enfin, ilest bon de rappeler que, après cet échangede correspondance
avec le Greffier. Ma.nley O. Hudson. lorsqu'il a publié son dernier article
annuel sur la Cour en 1957,a continué à faire figurer le Nicaragua sur la
liste des Etats a-vantacceptélajuridiction obligatoire de lu Cour. Selon le
défendeur. ill'a fait((peut-êtrepar égardpour son client. le Honduras O,

mais en y ajoutant une note ((nouvelle et énigmatique : voir la corres-
pondance iice sujet o.(M. Hudson, The Thirty-fifth Year of The World
Court ))5 1AJIL. 15157p .. 17 ;voir aussi lecontre-mémoire desEtats-Unis
en la rése ente affaire. Dar. 143).
11faut cependanit aussi rappeler que l'ambassadeur du Nicaragua à

Washington a niéque le Nicaragua aitjamais accepté de se soumettre à la
juridiction obligatoire (ibid., par. 116),encore que son attitude s'explique
par une raison précise.ce qui est bien établi.
Le Nicaragua soiutenait que le différend avec le Honduras était un
différend qui ne portait en aucune faqon sur la réalité de tout fait qui. s'il
était établi, constitilierait la violation d'un engagement international

(C.I.J. Mémoires, Sentencearbitrale rendue par le roi d'E.rpagnele 23 dé-
cembre 1906, vol. 1, p. 132, par. 3 ; voir aussi par. 4). C'est donc pour
ces motifs trèsparticuliers que dans cette affaire-là le Nicaragua a cherché
à se soustraire a laji~ridiction obligatoire de la Cour et à conclure avec le
Honduras un compromis contenant des conditions spécifiques.

Comme on le sait. lesparties ont effectivement conclu un compromis,ce
qui n'a pas empêché le Honduras d'invoquer dans sonmémoirel'article 36,
paragraphe 2, du Statut de la Cour et le décretdu 14février1935du Sénat
du Nicaragua portarit ratification du Statut et du protocole de signature du
Statut de la Cour Dermanente de Justice internationale. décret suivi d'une
décisiondans le mêmesens prise par la Chambre des députésle Il juillet

1935.dont on trouv'epublication dans lejournal officiel de 1939. no 130.
page 1033.Dans son mémoireégalement.le Honduras a évoquéle fait que
les parties avaient, siurla base de l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la
Cour internationale de Justice. reconnu sa juridiction obligatoire (C.I.J.Award Made by rhe King of Spain on 23 December 1906, Vol. 1, p. 59,
paras. 37-39).
If the Registrar referred to above had a negative viewon the subject, why

did he continue to publish this information ?Obviously, the footnote did
not resolve the problem. Was it not his duty to draw the attention of the
respective United Nations organs to it in order to clarify the situation in
the light of the circumstances which arose in the case concerning the
Arbitral Award Made hy the King of Spain on 23 December 1906 ?Should
not the attention of the Court have been drawn to the status of Nicaragua

as he saw it ? Clearly the only possible way of arriving at a definite
conclusion would have been forthe Court and the Secretary-General of the
United Nations to be informed in order to resolve the issue. It could have
been decided to inform Nicaragua accordingly. Its Government could
havebeen asked to make clear whether it considered itself bound. in which
case it may have been requested to clinch the matter, or, if it felt otherwise,

tosay so, which would imply its deletion from the list. This was not done,
and no action was taken for a further 30 years. Here 1 cannot avoid
concluding that the blame for this very awkward and time-wasting con-
troversy on the issue ofjurisdiction which caused so many difficulties must
be laid at the door of the United Nations and those of its organs which

failed to clarify the situation in time.

If this was so, the reason was not that Nicaragua was accorded special
status or that the law was interpreted in its favour. Thus any suggestions
that the Court insisted on the exercise of jurisdiction are revealed as
hollow. It has never so conducted itself in the past, and has not done so

now. 1, for one, have always been inclined to severity in testing the re-
quirements to this effect.
My final conclusion on the subject of Nicaragua's Declaration is that
while that State's submission to thejurisdiction of thePermanent Court of
International Justice was imperfect, so far as the present Court is con-
cerned. Nicaragua's status as a party to the Statute, the effluxion of time-

40 years' acquiescence on the part of al1concerned - the lack of action by
the responsible officials, must al1be taken into account. No less essential
has been the documentary affirmation of Nicaragua's status in the Year-
book and Reports of the Court. At al1events, al1these factors had combined
to cure the imperfection which may have constituted an obstacle in the

acceptance of the jurisdiction. For one should bear in mind that legal
effects, rights and obligations arise in the most different circumstances,
some unforeseen and unforeseeable : legal relations evolve sometimes
owing to a strange accumulation of will and deeds.

On the otherhand, thejurisdiction established by the bilateral treaty of
1956 leaves no room for doubt. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 165

mémoire.^,Sentence arbitrale rendue par Ie roi d'Espagne le 23 décenzbre
1906. vol. 1p. 59. par. 37-39).
Si le Greffier de l'époque avait une attitude négativesur la question.

pourquoi a-t-il continuéà publier ce renseignement ? A l'évidence, lanote
de bas de page ne résolvaitpas le problème. N'était-il pas de son devoir
d'appeler l'attention des organes compétents des Nations Unies sur le
problème afin de tirer la situation au clair compte tenu des faitspropres à
l'affaire relative a la Sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne le
23 dc;c,er?ihre906?Iv'aurait-il pas dû appeler I'attention de la Cour sur la

situation du Nicaragua telle qu'il lavoyait ?IIn'existait manifestement pas
d'autre moyen de parvenir à une conclusion définitive que d'aviser la Cour
et le Secrétaire génkralde l'organisation des Nations Unies pour qu'ils
règlent la question. Décision aurait pu être prise d'en informer le Nica-
ragua. et le Gouvernement de cet Etat aurait pu êtreinvitéà précisers'il
s'estimait lié,auquel cas il aurait pu être priéde parachever ses démarches

ou. si telle n'avait paisétésonintention. de le dire. ce qui aurait entraîné la
suppression de son riom sur la liste. Rien n'a étéfait àce moment-là et rien
n'a étéfait depuis, pendant une trentaine d'années.Force est de conclure
que c'est l'Organisation des Nations Unieset ceux de sesorganesqui n'ont
pas clarifié à l'époque la situation qui sont à blâmer pour cette très
malencontreuse controverse sur la question de la compétence, qui a fait

perdre du temps et qui a causétant de difficultés.
Si les choses se sont passées ainsi. ce n'est pas que le Nicaragua ait
bénéficié d'un statut spécialou que ledroit ait étéinterprétéensa faveur. Il
est donc vain de laisser entendre que la Cour a mis l'accent sur l'exercicede
sa compétence. Elle n'ajamais agi de la sorte. ni par le passé nià présent.

Pour ma part. j'ai toujours été partisan de vérifier avec rigueur si les
conditions étaient réuniespour qu'elle puisse se déclarer compétente.
Sur la déclaration du Nicaragua, je conclurai en définitive que la sou-
mission de cet Etat à la juridiction de la Cour permanente de Justice
internationale étaiti.mparfaite maisque. pourjuger de sasituation vis-à-vis
de la Cour actuelle. iifaut tenir compte a la fois de sa qualité de partie au

Statut de celle-ci, du temps écoulé - quarante annéesd'acquiescement de
la part de tous les intéressés - et de l'absence de mesures prises par les
organes compétents. Les indications figurant dans les Annuaires et les
~Üpport.sde la Cour au sujet de la situation du Nicaragua sont tout autant
importantes. Quoi qu'ilen soit, tous ces facteurs ont concouru àparfaire ce

qui peut avoirconstitué un obstacle à l'acceptation de lajuridiction. II ne
faut pas perdre de vue, en effet, que les effets juridiques, les droits et les
obligations naissent dans des circonstances extrêmementdiverses, et que
certaines sont imprévues et imprévisibles. Il arrive que les relations juri-
diques évoluentpar suite d'uneétonnante accumulation de manifestations
de volonté et d'actes.

Quant à la compétence établie par le traité bilatéralde 1956, elle ne
permet aucun doute. J'en arrive maintenant à uneautre question, soulevéed'abord par 1'Etat

défendeur : l'affaira: ne serait pas justiciable. C'est là assurément une
objection fort grave qui doit être dûment examinée. Enprincipe, une
affaire estjusticiable seulement si la compétencede la Cour est fondéeen
droit et si I'affaire Deut êtretranchée au fond conformément au droit.
doublecondition quiicependant <(neporte pas atteinte àla facultépour la
Cour. si les parties sont d'accord, de statuer ex aequo et bono (Statut,
art. 38, par. 2). Dans la présente affaire, le défendeur a fait valoir qu'il

n'existait c aucun C;~Soù la légalitéd'un prétendu usage [en cours] de la
force armée ait étésoumise au jugement de la Cour ))(contre-mémoire
des Etats-Unis, par. 480) et que <les décisions relatives à l'usage de la
force en cas de conflit armérelèvent de modes de règlement exclusive-
ment politiques qui, en vertu de leur nature même.n'ont pas à cons-
tater de fautejuridique ))(ibid., par. 484 ;voir aussi par. 520 et suiv.) ;
quand la sécurité d'un paysest menacée, la nécessitéde recourir à la

force ne serait qu'une question purement politique ou militaire et la
Cour ne pourrait donc pas trancher cette question. II a aussi fait valoir
que, comme la Cour l'a rappelédans son arrêt,les faits invoquésdans la
requêterelèvent, eri vertu de la Charte, (de la compétence exclusive
des organes politiques >)des Nations Unies, en particulier du Conseil de
sécurité (ihid.,par. 450 et suiv.). Néanmoins, à proprement parler, la
question de la compétence des autres organes des Nations Unies met

enjeu des problème:; d'<(administration de lajustice plutôt que dejusti-
ciabilité.
Ledéfendeura aussi formulélesdeuxassertionssuivantes : La requête
du Nicaragua est irrecevable faute d'épuisementdes procédures établies
pour réglerles problèmes généraux d'Amérique centrale et Un arrêt
limité à une partie des questions qui font l'objet des consultations de
Contadora entraînerait nécessairement la perturbation de celles-ci.

(Ihid.,par. 532 et suiv. : par. 548 et suiv.) Il estime en conséquence que le
différend n'est pas justiciable.
L'affairedu Cameroun septentrional est invoquéepar ledéfendeur,et en
particulier l'observation de la Cour selon laquelle <(mêmesi, une fois
saisie. elleestime avoir compétence,la Cour n'est pas toujourscontrainte
d'exercer cette compétence (C.I.J. Recueil 1963, p. 29). Dans cette
affaire-là, la Cour a notéque le Cameroun avait adressé sa demande à

l'Assembléegénérale,laquelle l'avait rejetée (ibid., p. 32). Et la Cour a
ajoutéque. dans ces conditions : (<L'arrêtde la Cour n'infirmerait pas
les décisionsde l'Assemblée générale. (Ibid.,p. 33.) Dans la présente
affaire, le défendeura affirméque la Cour devait agir en s'inspirant des
considérations ))formuléesde cette autre affaire. Je respecte ce point de
vue mais rappellerai qu'en l'affairedu Cameroun septentrional la Cour a
dit que <(la résolution[de l'Assemblée généralea] eu un effet juridique

définitif ))(ihid.p. 32,citépar le défendeur).Le passage le plus important
de son arrêtest toutefois le suivant : "The function of the Court is tostate the law, but it rnay pronounce
judgment only in connection with concrete cases where there exists at
the time of the adjudication anactual controversy involving a conflict

of legal interests between the parties." (I.C.J. Reports 1963,pp. 33-34.)
In short. it was a "moot" case. For the Court found that "circumstances
that have since arisen render any adjudication devoid of purpose" (ihid.,

p. 38).The same viewwas also held in the Nuclear Tests cases : "The Court
therefore sees no reason to allow the continuance of proceedings which it
knows are bound to be fruitless." (1.C.J. Reports 1974, p. 271, para. 58.)
The present case, in contrast, is one in which the issues are very much alive
and in which a clarification of the law can produce positive results. It
is above al1 one in which the action of the Court rnay well assist the

deliberations of the other organsand intermediaries concerned. The prece-
dents referred to are therefore inapt.

Reliance has also been placed on the decision of the Court in the Corfu
Channel case. However, the argument based on that case was rebutted by
recalling that what was there in question amounted to no more than a

single act involving use of force, whereas the present case features con-
tinuous hostile action. Corfu Channel has therefore little bearing on
whether or not the Court rnay consider situations of "ongoing armed
conflict". However that rnay be, it should be emphasized that the Parties
now before the Court have been at odds for a long time, yet they maintain
diplomatic relations, they are not at war. their armies are not engaged in
battle. and the acts of forceconsidered here are not executed by them. The

Court is not faced with the "armed forces" of one State acting against
another. Thus the argument of the necessity of force. or its use by an organ
of a State, is not involved. In a case of this kind it rnay be maintained that
there is no predetermined limit to the possibilities ofjudicial settlement. In
a message of the Swiss Federal Council published in 1924on the occasion
of the conclusion of a treaty for the arbitration and judicial settlement of

disputes it was stated that :

"Un Etat n'abdique rien de sa souveraineté lorsque, librement,
délibérémenti,l assure par avance une solution arbitrale oujudiciaire
àtous lesdifférends,sansexception,qui n'auraient pu êtreaplanis par
voie de négociations directes. Ilrenonce seulement. par esprit de
justice et de paix. à faire prévaloir ce qu'il considère comme son bon
droit par des moyens qui pourraient être inconciliables avec la con-

ception mêmedu droit." (Feuillefédérulede la Confédération suisse,
1924. Vol. III, p. 697.)

In general it is power relationships - or whatever other name rnay be
attached to this area of relations between States - which render a given
legal dispute indivorcible from considerations going beyond the legal
object and tlius prevent its judicial solution. ((La fonction:de la Cour est de dire ledroit, mais elle ne peut rendre
des arrêts qu'à l'occasion de cas concrets dans lesquels ilexiste, au
moment du jugement, un litige réelimpliquant un conflit d'intérêts
juridiques entri: les parties. (C.I.J. Recueil 1963, p. 33-34.)

Autrement dit il s'agissait d'une affaire dépassée ))et la Cour a déclaré
les circonstances qui se sont produites depuis lors rendent toute
que
décisionjudiciaire sansobjet (ibid.,p. 38). Elle a adoptéla mêmeposition
dans lesaffaires des ,Essaisnucléaires :((La Cour ne voit donc pas de raison
de laisser se poursuivre une procédure qu'elle sait condamnée à rester
stérile. (C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 58.) Dans la présente affaire. en

revanche, des questions d'une brûlante actualitésont enjeu et lefait de dire
le droit peut avoir des effets positifs. Qui plus est, la décisionde la Cour
peut fort bien aider dans leursdélibérationslesautres organes ainsi que les
Etats qui se sont entremis. 11est donc vain d'invoquer lesdits précé-
dents.

La décision rendue par la Cour dans l'affaire du Détroit de Corfoua
également étéinvoquée. Mais l'argument qui en a été tiréa été réfuté
lorsqu'il a étésoulignéqu'un seul acte d'emploi de la force étaitalorsen jeu
tandis que la présente affaire portait sur des actes d'hostilité continus.
affaire du Détroitde Corfou n'a donc que peu de chose à voir avec la

question de savoir si la Cour peut ou non connaîtred'un conflit arméen
cours o. Dans tous les cas, ilfaut relever que les Parties au présent litige,
bien qu'en désaccord depuis longtemps- .ontinuent d'entretenir des rela-
tionsdiplomatiques.. qu'elles ne sontpas en étatde guerre. que leurs armées

ne sont pas en combat et que ce ne sont pas ces dernières qui commettent
les actes de force domnitl est question. La Cour n'est pas en présenced'un
affrontement entre lles (1forces armées de deux Etats. L'argument de la
nécessitéde la forct:, ou de son emploi par un organe d'un Etat, ne joue
donc pas. Dans une affaire de ce genre, on peut soutenir que lespossibilités

de règlement judiciaire ne sont subordonnées à aucune limite préétablie.
Dans un message du Conseil fédéralsuissepubliéen 1924à l'occasion de la
conclusion d'un traitéd'arbitrage et de règlementjudiciaire des différends,
on peut lire ce qui !suit :

« Un Etat n',abdique rien de sa souveraineté lorsque, librement,
délibérément. ilassure par avance une solution arbitrale oujudiciaire

àtous lesdifférends,sansexception, qui n'auraient pu êtreaplanispar
voie de négociations directes. II renonce seulement, par esprit de
justice et de paix, à faire prévaloir ce qu'il considère comme son bon
droit par des moyens qui pourraient êtreinconciliables avec la con-

ception mêmedu droit. ))(Feuille fédéralede la Conférution suisse,
1924, vol. III, ]p.697.)

Ce sont en généralles rapports de force - peu importe le nom qu'on
donne àcet aspect des relations entre Etats - qui lient indissolublement un
différend juridique donné à des considérations qui vont au-delà de son
objet juridique. empêchantainsi son règlement judiciaire. But today the body of international law has in any case grown to
dimensions unknown in the past. Almost al1 disputes arising between
States have both political and legal aspects ; politics and law meet at

almost every point on theroad. Political organs, national or international,
are under obligation to respect the law.This does not mean that al1disputes
arising out of them are suitable forjudicial solution. Need 1recall that in
the last century and the beginning of the present, those concerning "vital
interests" of States, or their "honour", were viewed as political, and thus
not subject to third-party settlement ?Even a very minutedispute may be

viewed as touching the vital interests of a State. On the other hand,
boundary disputes which frequently involve hundreds of miles of land, and
vast areas of the ocean - thus concerningthe vital interests of many States
- have been most frequently referred to courts. It is here where subjective
and objective criteria confront one another. If the firstcriterion is applied,

then of course the will of the parties, or of one of them, is decisive. If the
second is involved, one can confirm without hesitation that there is no
dispute which is not justiciable. Yet a balance must be struck between the
two criteria : the world we livein is one where certain notions, though part
of the vocabulary of law, continue to be controlled by subjective evalua-
tions. An illustration in this respect may be found in the field of disar-

mament : or the very concept of "balance of power". If a State were to seek
a legal remedy from the Court, relying on the criterion of "balance of
power", the Court would have to reflect very seriously before assuming
jurisdiction, no matter how well established the Court's forrnal compe-
tence.
The Court's primary task is to ascertain the law, andto leave no doubtas

to its meaning.
Tension between the parties is not the decisive factor : it may be the
outcome of an eminently "legal" dispute. Nor is the test to be sought in the
"importance" of the dispute. Sornetimes the officials responsible would
prefer to have the dispute settled by the parties themselves and not by a

group of jurists who are mostly unknown to them ; to have it resolved
on subjective criteria, by a decision less learned but more practice-
oriented.
It is frequently argued that on matters of great importance law is less
precise while on other, minor matters it contains much more detail. One
could maintain that thepresent state of international lawopens the way to

the legal solution of al1disputes, but would such a solution alwaysdispose
of the problems behind them ?

Thus it becomes clear that the dividing line between justiciable and
non-justiciable disputes isone that can be drawn only with great difficulty.
It is not the purely formal aspectsthat should in my view be decisive, but

the legal framework, the efficacy of the solution that can be offered, the
contribution thejudgment may make to removing one more dispute from
the overcrowded agenda of contention the world has to deal with
today. ACTIVITÉS kIILlTAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS) 168

Mais le droit international a acquis aujourd'hui une dimension sans
précédent. Presque tous les différends entre Etats revêtentdes aspects à la
fois politiques et juridiques : la politique et le droit se rejoignent presque
tout le temps. Les organes politiques, qu'ils soient nationaux ou interna-

tionaux, sont tenus de respecter le droit, ce qui ne signifie pas que tous ces
différends se prêtentà un règlementjudiciaire. Est-il besoin de rappeler
qu'au siècledernier et au début du nôtre les différends mettant enjeu les
((intérêtsvitaux des Etats ou leur (<honneur étaient considéréscomme
politiques et qu'ils ~kchappaientalors a un règlement par tierce partie ?

Mêmeun différend mineur peut êtreconsidérécomme touchant les inté-
rêts vitauxd'un Etat. En revanche. les différends frontaliers qui portent
souvent sur des centaines de kilomètres de terre ou de vastes zones mari-
times - et qui mette:ntdonc enjeu les intérêts vitaux de nombreux Etats -

ont ététrès fréquemment soumis à des tribunaux. C'est la que les critères
subjectifs et objectifs s'opposent. Si I'on applique des critères subjectifs,
c'est évidemment la volontédes parties, ou de l'une d'elle. qui est détermi-
nante. Si I'on applique des critères objectifs, on peut affirmer sans hési-
tation qu'il n'est pasde différend qui ne soit justiciable. Ilfaut alors faire

sa part àchaque catégoriede critères : nous vivons dans un monde où cer-
taines notions. bien qu'appartenant au vocabulairejuridique, continuent
à êtreempreintes d'appréciations subjectives. On en trouve un exemple
dans le domaine du désarmement et dans la notion mêmed'c<équilibre
des forces o. Si un Etat portait devant la Cour une affaire en invoquant le

critère de 1'0 équilibi-edes forces »,ce n'est qu'après mûre réflexionque la
Cour devrait exercer sa compétence. si bien établie fût-elle formellement.
La première tâche:de la Cour est de dire le droit, et de ne laisser planer
aucun doute sur sori sens.

L'existence de relations tendues entre les Parties n'est pasdéterminante
car elle peut résulterd'un différend éminemment juridique )>.IIne faut
pas non plus voir un critèredans 1'~importance )du différend. Parfois. les
autorités intéresséespréféreraientque le différend soit réglé par les parties
elles-mêmeset non pas par une petite équipedejuristes dont elles n'ont ja-

mais entendu parler leplus souvent, et qu'il le soit d'aprèsdes critères sub-
jectifs. sous forme cl'une décision moins savante mais plus pragmatique.
On prétend souvent que sur les questions très importantes le droit est
peu précistandis que sur les questions mineures ilest plus détaillé.Dans
son état actuel, le di-oit international peut êtreconsidérécomme suscep-

tible de fournir une solution àtous lesdifférends mais on peut sedemander
si cette solution régleratoujours les problèmes que recouvrent des diffé-
rends.
11apparaît donc clairemerit que la ligne de démarcationentre différends

justiciables et différendsnonjusticiables est extrêmementdifficile à tracer.
A mon avis, ce ne sont pas les aspects purement formels qui devraient être
décisifs mais le cadre juridique, l'efficacitéde la solution qui peut être
offerte et la contribution que la décisionpeut apporter au règlement d'un
des innombrables différends que connaît le monde aujourd'hui.169 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVlTIES (SEP. OP. LACHS)

The view"that the Courtcannot adjudicatethe merits of the complaints
alleged in the Nicaraguan Application does not require the conclusion that
international law is neither directly relevant nor of fundamental impor-
tance in the settlement of international disputes" (Counter-Memorial,
para. 531).
In this context reference is made to Lauterpacht's dictum :

"Here as elsewherecare must be taken not to confuse the limitation
upon the unrestricted freedom ofjudicial decision with a limitation of
the rule of law l."

However, Lauterpacht also maintained that

"there is no fixed limit to the possibilities ofjudicial settlement. Al1
conflicts in the sphere of international politics can be reduced to
contests of a legalnature. The only decisive test of thejusticiability of
thedispute isthewillingnessof thedisputants to submitthe conflict to
the arbitrament of law." (Ihid.)

Among the reservations contained in the Respondent's declaration
recognizing the Court's jurisdiction, there is none which would exclude
disputes of thecharacter reflected in the present case. For it is not among
those declarants which have accepted the compulsory jurisdiction of the
Court with the exception of "disputes arising out of any war or interna-
tional hostilities", or "affecting the national security".

Oncethe case is brought before it, theCourt is obviously not bound by
the reasoning of either Party, which may attach to the dispute different
labels. Here it need not accept the reasoning of Nicaragua and in fact it
does not on several points. In this context it may be of interest to recall
some comments on the Judgment in the United States Diplornatic and
Consular Staff in Tehrun case made by a recognized authority on the
International Court of Justice :

"According to one doctrine ofjusticiability of disputes, it would be
difficult to imagine a more tension-laden and therefore non-justici-
able dispute. The alleged non-justiciable character of the dispute
was underscored by Iran in its letter of 9 December 1979 to the
Court *."

"In the view of the United States, the case was eminently justici-
able." [As the Applicant's Agent stated in presenting the case at the
phase of Provisional Measures :]"this case presents the Court with
the most dramaticopportunity it has everhad to affirm the ruleof law

' Cf. The Funcrion of Law in the lnrernutional Communiry, Oxford 1933, p. 389.
LeoCross . UnitedStute.?Diplomuticund ConsulurStuflin Tehrun 1974case. 2AJIL,
1980.pp. 395 ff. A<:TIVITÉS NIILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.IND. LACHS) 169

Conclure que IcaCour ne peut statuer au fond sur la requêtedu
Nicaragua D, pour reprendre lestermes dudéfendeur, <ne signifie pas que
le droit international ne présenteni une pertinence directe ni une impor-

tance fondamentale pour réglerles différends internationaux 1) (contre-
mémoire des Etats-I'Jnis.par. 531).
Il a citéà ce sujeitles observations ci-après de Lauterpacht :

<(Là comme ailleurs, il faut segarder de confondre la limitation de
la totale libertk d'administrer la justice avec une limitation de la
primauté du droit '.O

Mais Lauterpacht a aussi affirméque :

<les possibilités de règlementjudiciaire sont infinies. Dans le do-
maine de la pollitique internationale, tous les conflits peuvent se ré-
duire à des différendsd'ordrejuridique. Le seul critère déterminant

de la justiciabilité d'un différend est la volonté des parties en litige
de le soumettre a l'arbitrage du droit. (Ihid)

Parmi les réservesdont le défendeura assorti sa déclaration d'accepta-
tion de la juridiction de la Cour. il n'en est pas une qui exclurait des
différendsprésentarit les mêmec saractéristiquesque le présent différend.
En effet, le défendeur n'est pas au nombre des Etats qui ont déclaré
accepter lajuridiction obligatoire de la Cour sauf en ce qui concerne les
<(différends résultailt d'une guerre ou d'hostilités internationales ))ou

<(touchant a la sécurité nationale».
Une fois saisie d'une affaire, la Cour n'est évidemmentpas liéepar les
thèsesde l'une oude l'autre des parties, qui peuvent qualifier le différend
diversement. Enl'espèce, ellen'étaip tas tenue de suivre leNicaragua et elle
ne l'ad'ailleurs pas suivisur plusieurspoints. A cet égard,ilest intéressant
de rappeler quelque:^observations formulées à propos de l'arrêt renduen
I'affaire relative au Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à

Téhéran par un éminentcommentateur des travaux de la Cour interna-
tionale de Justice :

<(Selon une doctrine de la justiciabilité des différends,on aurait
peine a imaginer un différend plusexplosif et par conséquent moins
justiciable. C'eritdans une lettre que l'Iran a adresséea la Cour le
9 décembre 1979que le caractère non justiciable du différend a été
souligné *.

<(De l'avisdes Etats-Unis,l'affaireétait éminemmentjusticiable.
[Comme l'agent.dudemandeur l'adéclaré lorsqu'il aprésentél'affaire
au cours de la plhasedes mesures conservatoires :](<laprésenteaffaire
offre à la Cour l'occasion la plus dramatique qu'elle ait jamais eue

The Functionof Law in the International Community, Oxford, 1933,p. 389.
Leo Cross. United States Diplornaticand Consular Staff in Tehran case. 2 AJIL,
1980.p. 395 et suiv.170 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEP.OP. LACHS)

among nations and thus fulfil the world community's expectations

that theCourt will act vigorously in the interests of international law
and international peace l"."lt wouldseem [saysGross]that theCourt
lived up to these expectations." "There is no doubt that this case
represents a landmark in the relations between the United States and
the Court." [The author adds :] "This then is the first time in 35years

that the United States has turned to the Court '."

Finally, thejusticiability of the present case is not affected by any other
means tried by the Parties in order to solve their disputes. As 1indicated
some time ago :

"There are obviously some disputes which can be resolved only by
negotiations, because there isno alternative in viewof thecharacter of
the subject-matter involved and the measures envisaged. But there
are many other disputes in which a combination of methods would
facilitate their resolution. The frequently unorthodox nature of the

problems facing States today requires as many tools to be used
and as many avenues to be opened as possible. in order to resolve the
intricate and frequently multi-dimensional issuesinvolved. It is some-
times desirable to apply several methods at the same time or succes-
sively. Thus no incompatibility should be seen between the various

instruments and fora to which States may resort, for al1 are mu-
tually complementary 3."

III. JUDICIAL ERROR

Anatole France had one of the heroes of his stories. Judge Thomas de
Maulan, say : "un juge soucieux de bien remplir sa fonction se garde de

toute cause d'erreur. Croyez-le bien, cher monsieur, l'erreur judiciaire est
un mythe." Yet such errors do occur, to all.As Justice Frankfurter stated in
the United Mine Workers case : "Even this Court hasthe last sayonly for a
time. Being composed of fallible men, it may err." (330 US 308. quoted in
his concurring opinion in the famous Little Rock School case :358 US

22.)

As an illustration of this unfortunate fact. 1myself Sindupon reflection
that the Order of 4 October 1984 (I.C.J.Reports 1984, pp. 215 ff.)should

' Leo Gross. op. cit. (quoting from pp. 35-36 of the I.C.J. Pleudings. United Stutes
Brplon~uticund Consulur Stuff in Tehrun).
Ihid., p. 410.
' I.C.J. Reporrs1978.p. 52. d'affirmer lapriimautédu droitparmi lesnationset ainsi de répondre à
l'attente de la communauté mondiale qui compte bien que la Cour
agira avec vigu'eurdans l'intérêd tu droit international et de la paix
internationale ')). IIsemblerait [ditGross] que la Cour a répondu à
cetteattente. (<Il ne fait aucun doute quecette affaire marque d'une

pierreblanche lesrelations entre les Etats-Unis et la Cour. ))[L'auteur
ajoute :] C'est la premièrefois en trente-cinq ansque les Etats-Unis
ont saisi laCour *. ))

Enfin. lesautres moyens misen Œuvrepar les Partiesen vue de résoudre
leur différend nlafft:ctent en rien la justiciabilité de la présente affaire.
Ainsi que je l'ai indiquéil y a déjà quelque temps :

Il existe à l'évidencedes différendsque seules les négociations
permettent de résoudre,la nature du problème et les mesures envi-
sagéesne laissantaucun autre choix. Mais ilen est aussi beaucoup que
l'on résoudrait plus facilement en combinant diverses méthodes.Le
caractkre souvent inhabituel des problèmes que doivent affronter les
Etats de nosjours oblige àutiliser leplus d'instruments et à réserverle
plus de voies possible pour résoudreles questions complexes et sou-
vent multidimensionnelles qui se posent. Il y a souvent avantage à
utiliser plusieurs méthodes, ensemble ou successivement. Il ne faut

donc voir aucune incompatibilité entre les divers instruments et tri-
bunaux dont 1e.sEtats peuvent user. car ils se complètent les uns les
autres '.O

III. L'ERREU JUDICIAIRE

Anatole France a fait dire à un personnage d'un de ses romans, lejuge
Thomas de Maulan : Un juge soucieux de bien remplir sa fonction se
garde de toute cause d'erreur. Croyez-le bien, cher monsieur, l'erreur
judiciaire est un mythe. ))Tous peuvent cependant commettre des erreurs
judiciaires. Comme M.Frankfurter l'a déclarédans l'affaire United Mrne

Workers : (Mêmec'ettecour n'a le dernier mot que pour un temps. Com-
poséed'hommes faillibles. elle n'estpas à l'abri de l'erreur. (330 US308.
citation figurant dans son opinion approbatrice en la célèbre affaire
Little Rock School : 358 US 22.)
Comme illustration de cette triste réalitéj.e doisdire qu'à la réflexionil
me semble que. par slonordonnance du4 octobre 1984 (C.I.J. Recuerl1984,

'LeoGross. op. tir(extrait de C.I.J. Mémoires,Personneldrplomutiqueet c,onsuluire
des Etuts-Unisù Téhérunp. . 35-36).
Ihrd., p. 410.
C.I.J. Recueil 1978, p. 52.have granted El Salvador a hearing on its declaration of intervention. In

that Order the Court took note that El Salvador reserved

"the right in a later substantive phase of the case to address the
interpretation and application of the conventions to which it is also a
party relevant to that phase".

One might havehoped or expected that El Salvador would at the later stage
- the "substantive phase" - deal with al1the issues of interest to it. and
thus assist the Court in the performance of its task.

However. while there was no adequate reason to grant El Salvador the
right of intervention at the jurisdictional stage. it would probably have
been in the interest of theproper administration ofjustice forthe Court to
have granted "a hearing" and thus to have become more enlightened on the
issues El Salvadorhad in mind ;at the very least. it would have prevented

an impression of justice "not being seen to be done". It is. after al]. "of
fundamental importance that justice should not only be done, but should
manifestedly and undoubtedly be seen to be done" (Lord Hewart in Tl7e
King v. Srrsse.~J~rstic,esex parteMcCurthb: 1 K.B. 11924).pp. 256 and
259).

However. "1 sometimes think that we worry ourselves overmuch" -
Justice Cardozo once exclaimed - "about the enduring consequences of
our errors. They may work a little confusion for a time. The future takes
care of such things."
Might it not be a slight exaggeration to draw from the error to which 1

refer conclusions totally unrelated to it ?

IV. REGIONAL EFFORTS TOWARDS A SOLUTION

The Court's decision is intended to resolve the dispute between the
Parties submitted to it in the present case.
However, it is also greatly to be hoped that it will serve to diminish the

basic tension and confrontation between them. It should give occasion to
the opening of a new chapter in their mutual relationship and to the
redoubling of efforts to assist them in the resolution of their conflict.

The Court should take note with satisfaction of the well-known diplo-

matic initiative undertaken in 1983 by four countries of thearea : Colom-
bia, Mexico, Panama and Venezuela. Its purpose was to reach a regional
arrangement including those States and the five countries of Central
America - among them Nicaragua. This plan was commended by the p. 215et suiv.) la Co,uraurait dû donner àEl Salvador l'occasion de sefaire

entendresur sa déclaration d'intervention. Dans cetteordonnance, la Cour
a noté que la République d'El Salvador

se réserverait le droit, à la faveur d'une phase ultérieure sur le fond
de l'affaire, de se faire entendre au sujet de l'interprétation et de
l'application des conventions auxquelles elle est partieetqui auraient
trait à cette ph~asede la procédure )).

On aurait pu espérer qu'El Salvador, lors de la phase suivante - la
phase ... sur le fond ))- traite de toutes les questions présentant un inté-

rêtpour lui et qu'il aide ainsi la Cour dans l'accomplissement de sa tâche,
ou on aurait pu s'y attendre.
S'il est vrai au'il n'v avait Das lieu d'accorder à El Salvador le droit
d'intervenir au stadle de la compétence. il aurait étéprobablement dans
l'intérêtde la bonne administration de la justice que la Cour décide de

tenir audience O, ce qui lui aurait permis d'êtremieux informée des
préoccupations d'El Salvador ; pour tout le moins. cela aurait évitéqu'on
puisse avoir l'impression qu'il n'apparaît pas que justice a étéfaite o.En
définitive, il est d'une (importance fondamentale non seulement que

justice soit faite mais qu'il apparaisse manifestement et indubitablement
que justice a été faite (lord Hewart dans The Kingc. Sussex Justices ex
parte McCarrh,~,1 K.B. [1924], p. 250 et 259).
C'est M. Cardozci qui s'est cependant exclamé unjour : <(II m'arrive de

penser que nous nolis préoccupons trop des conséquencesdurables de nos
erreurs. Elles peuvent semer un certain trouble momentanément mais le
temps arrange bien des choses.
Ne serait-il pas un peu exagéréde tirer de l'erreur à laquelle je viens de
faire allusion des conclusions qui lui seraient totalement étrangères ?

IV. LES TENTATIVES RÉGIONALES DE RÈGLEMENT

Par sa décision.la Cour est censéerégler ledifférenddont elle a étésaisie

par les Parties à la présente instance.
Mais ilest aussi vivement à espérer que cette décision contribuera à
atténuer l'étatde tension et de confrontation qui règne entre elles. Elle
devrait fournir I'occasion d'ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de
leursrelations mutuelles et de redoubler d'efforts pour les aider àrésoudre

leur conflit.
La Cour devrait se féliciterde l'initiative diplomatique bien connue que
quatre pays de la région - la Colombie, le Mexique, le Panama et le
Venezuela - ont prise en 1983.Sonbut est de parvenir àla conclusion d'un

accord régionalentre ces Etats et lescinqpaysd'Amérique centrale. dont le
Nicaragua. Le Conseil de sécuritédesNations Unies s'estlui-mêmefélicitéSecurity Council of the United Nations (res. 530, 19 May 1983) and the
group was urged "to spare no effort to find solutions to the problems of
the region". Similar action was taken by the General Assembly (res.

38/ 10, 11November 1983)and theGeneral Assembly of the Organization
of American States (AC/res. 675 (XXII-6/83), 18 November 1983).

It is noteworthy in how consistent and determined a fashion the Group
has continued its efforts,addressing itself to basiceconomic. social, politi-
cal and security concerns which plague the region. Thishas been borneout

by a series of meetings, draft agreements and continuous consultations.

1am confident that the Governments of the "Contadora Group" States
are genuinely concerned to fulfil the task they voluntarily accepted :to
secure peace, territorial integrity and economic development in the coun-
tries of Central America ; i.e., Nicaragua, Costa Rica, Honduras, El Sal-

vador and Guatemala.
At a recent stage the interest in these problems has grown and other
Latin American States - Argentina, Brazil, Peru and Uruguay - have
established the so-called "support group" to work in CO-operationwith the
Contadora Group.
While the Court was dealing with the case, representatives of al1these

States met in order to prepare the Contadora Act. The meeting held in
Guatemala City (15 January 1986),following the inauguration of the first
civilian President after 32 years, was viewed as particularly successful. The
last meeting held in May 1986recorded some progress but as yet has not
produced the hoped-for treaties.

This remains the best way for the solution of the conflict : one in which
the Applicant and other Central American States would undertake clear
and unequivocal obligations and which would be guaranteed by other
Latin American States with the participation of the respondent Govern-
ment. Both Parties. then. should co-o~erate with the Contadora gr ou^ as
the most-qualified'inter&ediary.

As the Court held in the past, its real function, whatever the character
of the dispute, is "to facilitate, so far as is compatible with its Statute, a
direct and friendly settlement" (P.C.I.J.,Series A, No. 22, p. 13). It has
stressed on other occasions the great desirability of a negotiated settle-
ment (P.C.I.J., Series A/B, No. 78, p. 178).
Therefore, while it is myprofound conviction that a peaceful solution of

the dispute remains a realistic possibility and the only feasible one. 1
consider the Court should in themeantime have stressed that, in order not
to disturb such a solution,both Parties should refrain from any activities
likely to aggravate or complicate their relationship and should do every-
thing in their power to speed up their efforts, jointly with the States
mentioned, to reach the required agreement on reconciliation, and on

CO-operationin various domains.
The Judgment can thus make a constructive contribution to the reso-de ce projet et a priéinstamment le groupe de Contadora de ne ménager
aucun effort en vue de trouver des solutions aux problèmes de la région
(résolution 530 du 19mai 1983). L'AssembléegénéraledesNations Unies
(résolution 38/10 du 11 novembre 1983) et l'Assemblée généralede
l'Organisation des Ehts américains (AC/résolution 675 (XXII-6/83) du

18 novembre 1983) se sont prononcées dans le mêmesens.
C'est avec une constance et une détermination remarquables que le
groupe de Contadora a poursuivi sesefforts ; is'estattaquéaux problèmes
fondamentaux qui aissaillent la régionen matière économique, sociale et
politique ainsi qu'eri matière de sécurité.Toute une sériede réunions. de

projets d'accords aiinsi que de consultations continuelles l'attestent.
Je suis convaincu que lesgouvernements des pays membres du groupe de
Contadora sont vraiment soucieux de s'acquitter de la tâche qu'ils ont
acceptée de leur plein gré: assurer la paix, l'intégritéterritoriale et le

développement écoriomique des pays d'Amérique centrale - à savoir le
Nicaragua, le Costa Rica. le Honduras, El Salvador et le Guatemala.
Récemment, ces lsroblèmes ont connu un regain d'intérêtet d'autres
paysd'Amérique latine - l'Argentine, le Brésil,lePérouet l'Uruguay - ont
crééle groupe de soutien O,lequel doit collaborer avec le groupe de
Contadora.

Alors que la Cour étaitsaisie de la présente affaire, les représentants de
tous ces Etats se sont réunisen vue de rédiger l'actede Contadora. Cette
réunion, ouverte à Guatemala le 15janvier 1986 - au moment où pour la
première fois depuis trente-deux ans un civil devenait président du Guate-
mala -. a étéjugée particulièrement heureuse. Quelques progrès ont été

enregistrés lors de la dernière séance,tenue en mai 1986. mais les traités
qui auraient dû en résulter ne sont pas encore prêts.
C'est là le meilleur moyen de résoudrele conflit. Ainsi le demandeur et
les autres pays d'Amérique centrale souscriraient à des obligations claires

et nettes, qui seraient garanties par d'autres Etatsd'Amérique latine avec la
participation du gouvernement de 1'Etat défendeur. Ilfaudrait donc que
les deux Parties cool?èrent avec le groupe de Contadora. lequel constitue
l'intermédiaire le ~lus aualifié.
Comme la Cour l'adit dans le passé,sa véritablemission, quelle que soit

la nature du différerid, est de (faciliter, dans toute la mesure compatible
avec son Statut, pareil règlement direct et amiable ))(C.P.J. I.sérieAno22,
p. 13).Ad'autres occasions. elle a fait observer que lesrèglements négociés
étaient hautement désirables (C.P.J.I. sérieA/B no 78, p. 178).
Tout en étant ini.imement convaincu que le règlement pacifique du

différend reste possible en pratique et qu'il n'y pas d'autre solution. j'es-
time que la Cour aurait dû aussi soulignerque, pour ne pas compromettre
un tel règlement, les deux Parties devraient s'abstenir de toutes activités
susceptibles d'aggraver ou de compliquer leurs relations et qu'elles de-
vraient faire tout leur possible pour accélérerles travaux qu'elles mènent
avec les Etats déjàm'eitionnésafin de parvenir à l'accord de réconciliation

qui s'impose en matière de coopération dans divers domaines.
L'arrêtpeut ainsi apporter une contribution constructive au règlementlution of a dangerous dispute - paving the way to stability in a region
troubled for decades by conflict and confrontation.

This Court can make contributions in many other cases and resolve
controversies which trouble good relations between States. This is the task
to which the Court is committed.

(Signed) Manfred LACHS. A<:TIVITÉSMiILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP. IND. LACHS)73

d'un différend lourd de dangers et ouvrir la àola stabilité dans une
région troublée depuis des décennies par des conflits et des affronte-
ments.
Dans bien d'autres cas, la Cour peut apporter sa contributioà la
solution des différends qui compromettent les bonnes relations entre les
Etats. C'est là sa tâche.

(Signe M)anfred LACHS.

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Opinion individuelle de M. Lachs (traduction)

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