Opinion dissidente de M. Evensen (traduction)

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063-19820224-JUD-01-06-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. EVENSEN

[Traduction]

1. A mon grand regret,je me trouve dans l'impossibilitéde partager les
vues de la Cour sur la méthode pratique énoncéedans l'arrêt pour déter-
miner la lignededélimitationdes zones de plateau continental relevant de
chacune des deux Parties, ainsique sur les motifs avancés àcet effet. Mes
regrets sincères sontà la mesure du respect que j'éprouvepour la Cour
internationale de Justice et pour sa devancière, la Cour permanente de
Justice internationale, institutions internationaldont l'existence même

et le patient labeur ont donné au monde en tumulte de bonnes raisons
d'espérer lerègnede lajustice et l'instauration de la paix grâceaux efforts
consentis pour érigerun nouvel ordre international fondé sur la légalité,
sans recours aux armes et sans sacrifice inutile en vies humaines. Mon
opinion dissidentene diminuepas davantagele respect profond et sincère
que j'éprouve pourla Cour, en tant qu'organe composéd'illustres inter-
nationalistes qui, par leurs travaux, ont inlassablementrenforcéle rôle de
la Cour et accru son rayonnement d'organe international suprême de
règlement des différends. Enfin, je suis conscient de l'importance de la
présente affaire et de mes insuffisances au moment de présenter une

opinion dissidente en tant que juge ad hoc.
2. La compétence de la Cour en l'espècedécoule du compromis du
10juin 1977(voir art. 36, par. 1, du Statut), dont l'article 1 contient les
principales dispositions sur ce point.

Sur quelques points mineurs, les Parties sont en désaccordquant à la
manièrede traduire le texte originalarabe. Dans une certaine mesure, ces
désaccords reflètent leurs divergences de vues sur la compétence que le
compromis confère à la Cour. Toutefois, comme il ressort de l'arrêt,ces
désaccordssontrestéssansimportancepourl'interprétationpar laCourde
sa propre compétence.Je partage ce point de vue.

Jesouscrisaussi àl'opinion selonlaquellela tâchedelaCour enl'espèce,
telle qu'elle est définieà l'article 1 du compromis du 10juin 1977, se
différenciedecellequelecompromis du 2 février1967luiconfiait dans les
affaires du Plateau continental dela mer du Nord et de celle que le com-
promis d'arbitrage du IOjuillet 1975entre la France et le Royaume-Uni
attribuait au tribunal arbitral dans l'affaire de la délimitation du plateau
continental.
Aux termes de l'article 1 du compromis en la présente espèce, il est
demandé >à laCour internationale dejustice (derendre son arrêt ))surles
principes du droit international quipeuvent être appliquéspour délimiter

leszones respectives deplateau continental des Parties. Il appartientdonc
à la Cour de décider quels sont les (principes et règlesdu droit interna-tional ))applicables à la présente affaire, conformément à l'article 38,
paragraphe 1, du Statut de la Cour et compte tenu des dispositions du
compromis conclu entre les Parties. En énonçantcesprincipes et règles,la
Cour, ainsi qu'il lui est demandé, décideraconformément )):

a) à des principes équitables ;
b) aux circonstancespertinentes propres à la région ;

c) aux nouvelles tendances acceptées àla troisièmeconférencesur ledroit
de la mer (art. 1,premier alinéa).
Comme la Cour,je considère que ces dispositions peuvent avoir cer-
taines conséquences sur les sources de droit qui lui sont ouvertes en

l'espèce.Je souscris aussi à l'observation de la Cour selon laquelle la
mention de cesdivers facteurs à l'article 1ne peut avoir d'effet quesur les
relationsjuridiques entre les Parties à la présente affaire, et n'affecte en
rien la position en droit des autres Etats.
On me permettra cependant de n'êtrepas entièrementd'accord avecla
Cour sur le choix des élémentsparticuliers qui peuvent intervenir à cet
égard ;sur le poids à accorder à chacun d'eux ;enfin, sur l'importance
qu'ilsrevêtent les unspar rapport aux autres.Je reviendrai par la suitesur
ces questions.

Ledeuxièmealinéade l'article 1a aussi beaucoupd'importance pour la
tâche confiée à la Cour. Il y est dit : <<D'autre part il est également
démandé à la Cour )):
a) declarifierla méthodepratique pour l'application desdits principes et

règles ;
b) de le faire par rapport à la situation précise ;et
c) delefairedemanière à permettre aux experts desdeuxpays dedélimiter
ces zones sans difficulté aucune.

Je pense, comme laCour,que sa tâcheconsiste manifestement à statuer
de manière obligatoireet définitive
t<au contentieuxpar un arrêt rendu conformémentaux articles 59et
60 du Statut et à l'article 94, paragraphe 2, du Règlement, qui aura

donc l'effet etla force obligatoireque lui attribuent l'article94 de la
Charte des Nations Unies et lesdites dispositions du Statut et du
Règlement ))(arrêt, par.29).

La Cour n'a évidemment pas étépriée de donner un avis consultatif,
puisque celanepouvait pas luiêtredemandédansuneaffairecontentieuse
opposant deux Etats. Elle ne pouvait pas non plus accepter de donner de
simples <(directives aux Parties au présent différend, car les éléments
essentiels d'un véritable arrêt auraient alors fait défaut (Charte des
Nations Unies, art. 96).
Je conviens que, dans son arrêt, la Cour devait énoncer la méthodepratique pour l'application des principes et règlesdu droit international
avecledegrédeprécision qu'elleluiadonnédansledispositif. Jereconnais
aussique, lorsqu'un traitéseraconclu conformémentaux articles 2 et 3du
compromis pour appliquer l'arrêt,les négociations des Parties devront
avoir un caractère limité et technique, le but étant de fixer sous forme
conventionnelle la ligne concrètede délimitation tracée par leursexperts.
A ceteffet, ellesdevront seconformer àla méthodepratique énoncée dans
l'arrêtpour l'application des principes et règlesdu droit international.

3. Jereviensmaintenant auxdispositions dupremier alinéadel'article 1
du compromis, où ilest demandé àla Cour derendre sadécisionfondéesur
les principes et règlesdu droit international en se conformant :
a) à des principes équitables ;
b)aux circonstances pertinentes propres à la région ;
c) aux tendances récentes admises àla troisièmeconférencesur ledroit de

la mer.
Ilestmanifeste que cetteénumérationn'habilitepas la Cour àstatuer ex
aequo etbon0conformément à l'article 38, paragraphe 2, du Statut de la
Cour.
Mais on peut se demander si cette énumérationde l'article 1 modifie,
étendou restreint les sources du droit international dont la Cour pouvait

s'inspirer en l'espèce.
4. a)La mention desprincipes équitables découled'une conception déjà
bien établiedes sources applicables du droit international. L'existence
d'un accord entre les Parties sur cepoint est un fait important. Mais il ne
semblepas que cet accord s'étende à la teneur des principes équitables, ni
aux conséquencesjuridiques concrètes àtirer de la mention de ces prin-
cipes.
Il se peut que cette référence expressedu compromis aux principes
équitablesait étéinspirée d,ansune certainemesure, par lesdispositions du
projet de convention (texte officieux)dela troisièmeconférencesurledroit
de la mer (document A/CONF.62/WP.lO/Rev.3, du 27 août 1980).Ce
projet contenait à l'article 74, relatàfla zone économiqueexclusive, et
à l'article 83, relatif au plateau continental, des dispositions identiques

concernant la délimitation de ladite zone ou dudit plateau entre Etats
dont les côtes se font face ou sont adjacentes :
(<La délimitation du plateau continental [de la zone économique
exclusive]entreEtatsdont lescôtessont adjacentes ou sefont faceest
effectuéepar voied'accord conformément audroit international. Cet
accord est conclu selon des principes équitables, en prenant le cas

échéantpour référence la ligne médiane ou la ligne d'équidistance et
en tenant compte de tous les aspects de la situation dans la zone
considérée. (Art. 74 et 83, par. 1.)
Ce libelléa étémodifié au coursde la session de la conférence tenuel'année dernière.Dans le projet de convention sur le droit de la mer du
28 août 1981(A/CONF.62/L.78), les articles 74 et 83 contiennent main-
tenant la disposition suivante :

<<La délimitation du plateau continental [de la zone économique
exclusive]entre Etats dont lescôtes sont adjacentes ou sefont faceest
effectuéepar voie d'accord conformémentau droit international tel
qu'il estvisà l'article38du Statutde laCour internationale deJustice
de façon à aboutir à une solution équitable. ))

Ce nouveau texte a étéproposé, à titre de compromis, pour donner
satisfaction à deux groupes de pays qui s'opposaient. Il se pourrait qu'il
atteigne ce but, puisque ni le principe de l'équidistance ni lesprincipes
équitablesn'y sont mentionnés. La référence générale à l'article 38 du
Statut et la disposition selon laquelle la délimitationdoit aboutirà <<une
solution équitable en constituent la nouveauté,mais celle-cin'a pas été

débattue en détail à la conférence.
5. b)Il est évidentquela mention expressedescirconstancespertinentes
propres à la région, au premier alinéade l'article 1 du compromis, est,
comme l'a dit la Cour,

(<en complète harmonie avec sa jurisprudence, comme il ressort de
sonarrêtdans lesaffaires duPlateau continentaldelamerduNord,aux
termes duquel le droit international exigeque la délimitations'opère
((conformément à des principes équitables et compte tenu de toutes
les circonstances pertinentes ))(arrêt, par.23).

Manifestement, lorsqu'on trace une ligne de délimitationentre des zones
de plateau continental - ou entre des zones économiquesde 200milles -
les circonstances pertinentes de la régiondoivent jouer un rôle impor-
tant.
Cependant, la mention expressedes <(circonstances pertinentes propres
à la region D, dont cet alinéadu compromis, n'est pas sans intérêt.Les
Parties au différend,en reconnaissant explicitement la pertinence de ce

facteur, ont en effet soulignél'importance qu'ellesattachent aux circons-
tances particulièresà la région, cequine pouvait qu'encourager la Cour à
les prendre en considération dans toute la mesure du possible. L'impor-
tance de cette question pour les Parties ressort aussi du fait qu'il y est de
nouveau fait allusion au deuxièmealinéadel'article 1du compromis, où il
est demandé à la Cour de clarifier la méthodepratique pour l'application
des principes du droit international << dans cette situation précise>>.
Il paraît vain d'étudieren détail toutes les circonstances pertinentes

propres à la région.Il faut évidemment inclureparmi ellesla directiondes
côtes considérées ; le fait qu'elles soientdroites ou courbes, régulières ou
irrégulières;le fait qu'elles puissent êtreopposées les unesaux autres, de
sorte que le prolongement vers le large des zones de plateau et des zones
économiques exclusivesdonne lieu à des revendications concurrentes et
contradictoires sur cesplateaux ousur ceszones ;laprésencede sinuosités,
baies, îles, hauts-fonds découvrants, rochers, etc. La profondeur desespaces maritimes peut aussi jouer un rôle, ainsi que les particularités
géographiquesdes côtes et leur extension en mer, y compris les données
bathymétriques, géomorphologiques,etc. Par leur nature, tous ces élé-
ments sont des circonstances pertinentes propres à la région.Encore ne
s'agit-ilquedeconsidérationsgéographiques,quinesont paslesseules :les
deux Parties ont longuement invoquéla géologiede la région,non seule-
ment dans ses couches supérieures, mais aussidans ses couches plus
profondes, de manièredétailléee ,t en remontant presquejusqu'à la créa-
tion.
-----
Ces dispositions du compromis ont des précédents, parmilesquels on
peut citer la mention des circonstances spécialesfigurant à l'article 6,
paragraphes 1et 2, de la convention de Genève surleplateau continental
du 29 avril 1958 ; dans ce cas, cependant, ce principe était étroitement
rattaché au principe équidistance/ligne médiane. Dans le dispositif
(par. 101)de l'arrêtrendupar la Cour en 1969dans les affaires du Plateau
continentalde la mer du Nord, la Cour a déclaréque la délimitationdes
zones de plateau continental en question <doit s'opérerpar voie d'accord
conformément à des principes équitables et compte tenude toutes lescir-

constancespertinentes ... (C.I.J. Recueil1969,p. 53.Italiqueajouté).Selon
cetarrêt,lesfacteurs àprendre enconsidérationcomprenaient notamment
la configuration généraledes côtes des Parties ainsi que la présencede
toute caractéristique spécialeou inhabituelle.
Commeje l'aidéjà indiqué,les articles 74 et 83du projet de convention
sur le droit de la mer en date au 29 août 1981 (A/CONF.62/L.78) se
réfèrent, d'unemanièregénérale, à l'article 38du Statutde laCour, etiln'y
estplus fait expressémentmention de << touslesaspects delasituationdans
la zone considérée )).Cette modification n'a cependant pas pour but de

diminuer l'importance, pour une délimitation concrète, des différents
aspects de la situation dans la zone considérée.
6. c)La troisièmesource dedroit expressémentmentionnéeau premier
alinéade l'article 1du compromis est représentéepar << les nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième conférencesur le droit de la mer )).
Leprojet de convention n'apas encore été définitivementadoptépar la
conférencesurledroitde lamer ;c'esten vertu du compromis que la Cour
est autorisée à tenir compte de tendances qui, si ellesont atteint un stade
avancé d'élaboration etfont mêmepartie dans une large mesure de la

pratique desEtats,n'ont cependant pasencore acquislecaractèrede règles
du droit international général.Il se peut que certaines des tendances
récentes inclusesdans leprojet de convention aient atteint cestatut. Mais,
compte tenu des dispositions expresses du premier alinéade l'article 1du
compromis, il n'est ni nécessaire niopportun en l'espèced'établirune
distinction entre lestendances acce~téesetl'évolutionrécentedu droit due
aux travaux dela troisièmeconférencesurledroit de lamer et à lapratique
ultérieure desEtats.
La mention, dans le compromis, des nouvelles tendances acceptées à
la troisième conférencesur le droit de la mer peut malgrétout susciter

certaines difficultésd'interprétation et d'application enl'espèce. Quellessont lespropositionsinscritesdans leprojet de conventionquidoiventêtre
considéréescomme des (<tendances ? Ces tendances sont-elles <accep-

tées >au sens du compromis et quelle importancedoit-on leur attribuer ?
La questiondel'importance relative de différentestendances peut aussi se
poser. J'en donnerai comme exemple la question des rapports entre les
dispositions de la partie V du projet de convention, relative à la zone
économiqueexclusive, et celles de la partie VI, relative au plateau conti-
nental, tant du point de vue des notions employéesque des principaux
problèmes pratiques.
Plusieurs dispositions des quatre conventions de Genèvesur le droit de
la mer du 29 avril 1958,qui expriment les règlestraditionnelles du droit

international de la mer, ont été incorporéesau projet de convention de
1981.Cependant, mêmedans ces chapitres du projet de convention, cer-
taines tendances nouvelles ont trouvéplace. C'est ainsi que l'article 3 du
projet de conventiondispose, àpropos de la largeur de la mer territoriale,
que 1'Etatcôtier a le droit de fixer la largeur de sa mer territoriale, étant
entendu que <cette largeur ne dépassepas 12milles marins )>.Cette dis-
tance correspond à la limite qu'ont fixée lesdeux Parties à leur mer
territoriale.

L'importance accrue que leprojet deconventionsemble donner auxîles,
et mêmeaux rochers, peut aussi êtreune tendance àprendre en considé-
ration dans la présente affaire. Sur ce point, il convient de citer l'ar-
ticle 121,paragraphe 2, du projet de convention, aux termes duquel :

(<la mer territoriale, lazonecontiguë,la zone économiqueexclusiveet
le plateau continental d'une île sont délimitésconformément aux
dispositions de la convention applicables aux autres territoires ter-
restres>).

Cela supposeque lesîlesontenprincipeune zone économiqueexclusive
et un plateau continental propres. La mêmetendance se manifeste dans
le cas des simples rochers. L'article 121,paragraphe 3, dispose que seuls
lesrochers qui ne seprêtent pas à l'habitation humaine et à une vieéco-
nomique propre n'ont pas de zone économiqueexclusive ni de plateau
continental >).
Une tendance semblable se dégagedes dispositions concernant les
Etats archipels et les eaux archipélagiques : voir notamment le projet de

convention,partie IV et article 2.
La portée de cette tendance ne doit être à mon avis ni sous-estiméeni
méconnue en l'espèce,étant donné surtout l'importance de deux des
principalesformationsinsulaires, l'îlede Djerba et l'archipel des Kerken-
nah, avec les hauts-fonds découvrantsqui leur sont contigus.

7. D'autres <(nouvelles tendances acceptées >>ont une grande impor-
tance, en particulier celles qui se manifestent dans la partie V, relativà

la zone économiqueexclusive, notamment aux articles 55 à 62, 73 et 74,
et dans la partie VI, relative au plateau continental, notamment aux ar-
ticles 76, 77, 80, 81 et 83. Le principe de la zone économique exclusive de 200 milles marins est
une innovation en droit international. Cette zone économique exclusive
(ine s'étend pas au-delàde 200milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesuréela largeur de la mer territoriale ))(art. 57). Elle se
compose de trois éléments différents :

a) une zone de plateau continental ;
b) unezonedepêcheexclusive,sujet sur lequel sefontjour d'intéressantes
tendances à l'égarddes droits souverainsainsi que des droits et obli-
gations de conservation (art. 61 et suiv.) ;
c) une zoneéconomiqueexclusived'exploration et d'exploitation pour ce
qui concerne d'autres ressources naturelles, telles que la production
d'énergie (ià partir de l'eau, des courants et des vents ))(art. 56).

Cette triple nature de la zone est définie à l'article 56 dans les termes
suivants :

((1.Dans la zone économiqueexclusive,l'Etat côtier a :
a) des droits souverainsaux fins d'exploration et d'exploitation, de
conservationet de gestion desressources naturelles, biologiquesou
non biologiques, des fonds marins et de leur sous-sol et des eaux

surjacentes,ainsi qu'encequiconcerned'autres activitéstendant à
l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques,
telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et
des vents ..))

L'Etat côtier exercecesdroitsdans sazone de 200milles,que lesfonds y
soientprofonds ou non, et même slieur profondeur dépassel'isobathe des
2500mètresindiquéeau paragraphe 5 de l'article 76 pour la définition du
plateau continental, et indépendamment du fait que les fonds marins ou
leur sous-soldans la zone des 200milles puissent ou non être considérés
comme un prolongement naturel(voir art. 76, par. 1, 4 a) et 5). Bien
entendu, la zone économiquecomplètede200milles n'estpossibleque là
où les espaces océaniques le permettent. Cela n'est pas le cas dans la
présente affaire,où les côtesde la Tunisieet de la Libyeforment un angle

tel qu'ily aurait confrontation entreleurs zoneséconomiquesde 200milles
respectives, y compris les fonds marins et les sous-sols (zones du plateau
continental) si on voulait les porter à leur largeur maximum. Il résulte
en outre des dispositions de l'article 76 qu'en deçà d'une distance de
200milles à partir descôtes leprincipe du prolongementnaturel n'est pas
leprincipeprépondérant encequiconcerne lesfondsmarinsetle sous-sol
de la zone économique.
Dans ce contexte, il convient de noter que le principe d'une zone éco-
nomiques'étendantjusqu'à 200millesmarins est unprincipeaussivalableet

importantqueceluiduplateaucontinental. Cesdeuxprincipessont exposés
dans deuxparties différentesdu projet deconvention : la partie Vpour la
zoneéconomiqueexclusiveetlapartie VIpourleplateaucontinental. Dans
lapartie VIrelativeauplateau continental,une significationparticulièreetun statut privilégiésont accordés à la notion de la zonede 200milles,qu'il
s'agissede l'étendue du plateau continental (voir l'article 76 du projet de
convention) ou des contributions en espèce ou en nature (voir l'ar-
ticle 82).
Il paraît évidentque les dispositions des parties V et VI reflètent cer-

taines des (<nouvelles tendances acceptées i),des (<tendances récentes
admises i)visées àl'article 1du compromis. Tel est bien le cas des dispo-
sitions qui portent expressément surla délimitation des zones maritimes
entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face, aux articles 74
(zone économique exclusive) et 83 (plateau continental). Voir aussi l'ar-
ticle 76, paragraphe 10.
L'idéed'une zoneéconomiqueexclusivede 200millesestdéjàlargement
reconnuedanslapratique desEtats. L'événemenlteplus récent à cet égard

dans la régionméditerranéenne estla loi (dahir) du Maroc no 1-81, du
8 avril 1981.Cette loi établitune zone économiqueexclusivede 200milles
le long des côtes du Maroc. Aux termes de l'article 1,paragraphe 2, cette
zone :

(<s'étendjusqu'à unedistancede 200millesmarins, calculéedepuis les
lignesdebase droites ounormales àpartir desquellesestmesuréelamer
territorialeD.

L'article 11, relatifà la délimitation de la zone de 200 milles, prévoit
l'application du principe d'équidistance dans les termes suivants :

(Sans préjudice des circonstances d'ordre géographique ou géo-
morphologique et compte tenu de tous les facteurs pertinents, la
délimitation doit êtreeffectuéepar voie d'accords bilatéraux confor-
mément aux principes équitables établis endroit international. La
limiteextérieuredelazoneéconomiqueexclusivenedoitpasdépasser

la lignemédianedont tous les points sont équidistants despoints les
plus proches des lignes de base de la côte marocaine et des côtes,
adjacentes àcelle-ci ou lui faisant face, des Etats étrangers. (Voir
Bulletin officiel du Maroc, no 3575 (6 mai 1981),p. 232 et 233.)

Cependant, dèsle 20 août 1971,c'est-à-direavant mêmel'apparition de
lanotion dezoneéconomiqueexclusive,laTunisieavait concluavecl'Italie

un accord relatif à la délimitation du plateau continental entre les deux
pays. Cet accord se fondait sur le principe de l'équidistance, mesurée à
partir despoints lesplusproches deslignesde base de lamer territoriale,et
<<en tenant comptedes îles,îlotsethauts-fondsdécouvrants i)(art. 1).Des
dispositions spécialesétaientprévuespour lesîlesdePantelleria,Lampione,
Lampedusa et Linosa (art. 2) (arrêt,par. 20).
8. La notion du plateau continental subit aussi l'effet des nouvelles
tendances dans la partie VI, notamment à l'article 76 du projet, et ces

tendances s'écartent,dans une certaine mesure au moins, des idées anté-rieurementétablies,telles qu'ellesétaientformuléesparexemple àl'article
premier de la quatrième convention de Genève sur le droit de la mer, du
29 avril 1958.
L'article 76 du projet de convention envisage, au paragraphe 1, deux
sortes de plateau continental. La premièrecatégoriecorrespond à la partie
des fonds marins et de leur sous-sol qui s'étendau-delà de la mer terri-
toriale, sur toute l'étendue du prolongementnaturel du territoire terrestre

de l'Etat, et jusqu'au rebord externe de la marge continentale. L'autre
catégorieest constituéepar les fonds marins et leur sous-sol :
<jusqu'à 200milles marins des lignes de base à partir desquelles est
mesuréelalargeur delamer territoriale,lorsquelerebordexterne dela
marge continentale se trouve à une distance inférieure )).

Il résultedecettedernièredéfinitionque lefait que la partie du plateau qui
s'étendjusqu'à 200milles constitue le prolongement natureldu territoire
terrestre n'est pas un critère suffisantpour revendiquercette étendue. Le
plateau continental des 200millespeut s'étendreau-delàduprolongement
naturel, dans le talus et les grandes profondeurs océaniques(plaine abys-

sale). En réalité,ce deuxièmecritère de l'article 76 est un corollaire des
dispositions desarticles 55 à 57,relatifsàlazoneéconomiqueexclusivedes
200milles.
Le paragraphe 3 de l'article76 contient une définition supplémentaire
de la margecontinentale, qui se rapporte aupremier descritèresmention-
nés ci-dessus.Il dispose :

(La margecontinentale est le prolongement immergéde la masse
terrestre de l'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins
correspondant auplateau, au taluset au glacisainsique leur sous-sol.
Elle ne comprend ni les grands fonds des océans, avecleurs dorsales
océaniques,ni leur sous-sol.

Les paragraphes 4, 5 et 7 contiennent d'intéressantes dispositions sur
l'étendue dela marge continentale lorsque celle-ci dépasse200 milles.
Ces dispositions intéressent la présente affaire. Par exemple, le para-
graphe 4 a) i) indique qu'il faut parfois attacher de l'importance aux
couches sédimentairessupérieurespour déterminer l'étendue de lamarge
continentale au-delà de 200 milles :en effet,l'étendue dela marge conti-
nentalepeut êtreétabliepar référenceaux points où (l'épaisseurdesroches
sédimentairesest égaleau centièmeau moins de la distance entre lepoint
considéré etle pied du talus continental )>Les paragraphes 4 a) ii) et 5
montrent quant à eux que l'adjacence et la proximité sont égalementdes

considérations pertinentes, compte tenu des critères de distance ou de
profondeur qui y sont énoncés.
9. Les conclusions à tirer des tendances nouvelles consacréesdans les
parties V et VI du projet de convention peuvent êtreformuléescomme
suit :

L'introduction de la notion d'une zone économique exclusive de200milles dans lapartie V du projet de convention n'est pas fondéesurle
concept de prolongement naturel, mais sur l'idéeque l'Etat côtier doit
disposer de droits souverains effectifs sur les ressources naturelles situées
dans une zone d'eaux et de fonds marins jusqu'à 200 milles au large, que
l'Etat côtier en question possède ou non un plateau continental dans
l'acception traditionnelle de cette expression. Cette innovation est accep-

téedans la pratique récente des Etats. Par ailleurs, la notion de zone
économiquede 200 milles ne concerne pas seulement les ressources de la
mer(animéesouinertes)maisaussi lesressourcesnaturellesqui setrouvent
sur ou dans les fonds marins. Dans ce sens, cette notion se confond en
pratique avec la notion de plateau continental.
Il convient aussi de noter que les dispositions relatiàela délimitation
de la zone économique exclusive, énoncées à l'article74 du projet de
convention, et les dispositions relatives à la délimitation du plateau
continental entre Etats dont lescôtes sontadjacentesou sefont face,énon-
cées à l'article 83, sont identiques.
La relation réciproque qui existe entre la notion nouvelle de zone éco-
nomique exclusive et la notion de plateau continental semble poser cer-
tains problèmes, d'autant plus que certaines des tendances nouvelles

reconnuesdans l'article 76 paraissent confirmer ces relations réciproques
et cette interdépendance.
Le premier problème est qu'on peut se demander si la notion de pro-
longement naturel n'est pas affaibliepar ces tendances nouvelles àl'inté-
rieur de la zone des 200 milles. Mêmesans cette évolution,d'ailleurs, la
question se poserait de savoir si la notion de prolongement naturel peut
effectivement faciliter le tracéde la ligne de partage entre les plateaux
continentaux d'Etatslimitrophesdans descastelsquela présenteespèce,où
les Parties ont conjointementun plateau continental qui est le prolonge-
ment naturel commun de la masse terrestre de chacune d'elles.Un autre
problèmequi sembleseposer est celuide savoir sil'onpeut concevoir dans
un tel cas des lignes de délimitationdifférentespour la zone économique

exclusive et pour le plateau continental, attendu que la notion de zone
économiqueexclusive définiedans la partie V du projet de convention
comprend aussi les ressources minérales naturelles des fonds marins et
de leur sous-sol, c'est-à-dire les ressources naturelles du plateau conti-
nental. Un membre dela Cour a posé aux Parties,pendant lesplaidoiries,
une question concernant ce problème. Les réponsesn'ont pas paru très
concluantes. Avec tout le respect queje dois àla Cour, il me semble que
l'arrêt n'accorde pasune attention suffisante à cet aspect de la délimita-
tion inspirédesnouvelles tendances acceptées,ni parmi lesmotifs où sont
invoquéesles considérations d'équité ni dans le dispositif.
10. Je partage l'opinion (arrêt, par.41) selonlaquellele terme de(pla-
teau continental désigne uneinstitutiondu dr&&internationalqui, bien
querestant liée à un fait naturel, ne s'identifie pas au phénomènedésigné

par la mêmeexpression dans d'autres disciplines o.La notion de plateau
continental est un concept de droit international. Et ce concept peut
évidemmentêtrepétre itrefaçonnéparl'évolution etlesmodifications decedroit. La consolidation de lanotion de zoneéconomiqueest àcet égardun
élémenn ton négligeable,quipourrait éventuellementinfluencerlaméthode
pratique de délimitation.
Dans cecontexte, ilconvient de tenir compted'un fait nouveau apparu à
la conférence sur ledroit de la mer et dans la pratique des Etats, qui est
l'affaiblissement de l'effetpratique de la notion de prolongement naturel
par suitede l'apparition du concept de lazone économiquede 200milles -

sans parler des difficultés concrètesque pose le tracéd'une ligne de déli-
mitation fondée sur le prolongement naturel du plateau lorsque les deux
pays limitrophes font tous deux partie de la même masse terrestre.
Les Parties n'ont évoqué que brièvementla notion de zoneéconomique
exclusivede 200millesparmi lesnouvellestendances acceptées à la confé-
rence sur le droit de la mer. Peut-êtrecette notion nouvelle ne s'accorde-
t-ellepas très bien avec certaines des conclusionset des motifsjuridiques
avancéspar les Parties. Quoi qu'il ensoit, la question se pose de savoir si
dans son arrêtla Cour n'aurait pas dû accorder plus de poids à cette
tendance récente.Je crois qu'en l'espèceil serait difficile d'envisager des

lignes de délimitation différentes pourla zone économique exclusive et
pour le plateau continental : dans les deux cas, les zones à délimiter se
situent bien en deçà des 200milles marins au large <<des lignes de base à
partir desquellesest mesuréelalargeur de la mer territoriale )>Il meparaît
douteux que laméthodepratiquede délimitationdoiveêtreexclusivement
ou essentiellement fondéesurlesconsidérationsrelativesau plateau conti-
nental. Aussi est-ce peut-êtreadopter en l'espèceune conception trop
restrictive qued'affirmerque << lesprincipeset règlesdu droit international
qui peuvent être appliqués pourla délimitation des zones du plateau
continental découlent nécessairmentde la notion mêmede plateau conti-
nental (arrêt,par. 36).

11. Jepartage aussil'opinion expriméeauparagraphe 61del'arrêts ,elon
laquelle
<<malgréla conviction aveclaquelle les géologuesaffirment des deux
côtésqu'une zone donnéeconstitue le prolongement évidentou le
prolongementvéritablede l'unou del'autreEtat, il n'estpas possible

de définirjuridiquement leszonesdeplateau continental relevant soit
de la Tunisie soit de la Libye en tenant compte uniquement ou
principalement de considérations géologiques. Lerôle de la Cour
consiste àne recourir àlagéologiequedans lamesure oùl'application
du droit international l'exige.))

La Libye discerne une direction purement septentrionale du prolonge-
ment de la masseterrestre, qu'elleappelleune <(projection verslenord ))et
qui est fondée principalement sur la géologie(arrêt,par. 62). Dans ses
écritureset enplaidoirie, la Libye a présénté toute une séried'arguments
pour étayercettethèse. Mais,pris séparémentouconsidérés ensemble, ces
arguments neconfirment pas la théoriede laprojection verslenord, quine
paraît fondée ni en droit ni en fait.
La Tunisie observe un << prolongement naturel de son territoire versl'est (arrêt,par. 64)en s'inspirant d'un ensemble de considérationsplus
complexes qui font intervenir entre autres la géologie,la bathymétrie et la
géomorphologie.Ces disciplinesfont effectivement apparaître des parti-
cularitées intéressantes concernant la projection du plateau vers l'est.

Ces particularités suffisent à réfuterles allégations tendant à affirmer
l'existence d'uneprojection vers lenord. Celaétant,je partagel'opinion de
la Cour sur ce point :

(la Cour,sansadmettre queleur étendueetleurimportance relatives
puissentêtreramenées à desproportions aussiinsignifiantes que l'ont
donné à entendre les conseils dela Libye,ne saurait souscrire à l'idée
que l'une de ces caractéristiquesmarquerait une rupture ou solution
de continuité telle qu'elleconstituerait indiscutablement la limite de
deux plateaux continentaux ou prolongements naturels distincts ))
(par. 66).

Tirant les conséquences duprolongementnaturel vers l'est qu'elledis-
cerne,la Tunisie a suggéré un faisceau de lignes,présentécomme une série
de solutions possibles pour aboutir à une méthode équitablede délimita-
tion du plateau continental. Je partage néanmoinsl'avisde la Cour, selon

lequel aucune de ces lignes ne peut être admisecomme ligne de délimita-
tion équitable. De même,les constructions géométriquesparaissent trop
artificielles pour qu'on puisse les considérercomme équitables.De plus,
ellesrisqueraientd'avoir deseffetsinacceptablespour letracédeslignesde
délimitation avec les Etats tiers.
Cependant, je traiterai brièvement d'une thèse intéressante soutenue
dans cecontextepar laTunisieetfondéesur ladéfinitionphysiographique

de la marge continentale qui se trouve au paragraphe 3 de l'article 76 du
projet de convention. Aux termes de ce paragraphe :
(<La marge continentale est le prolongement immergéde la masse
terrestre de l'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins

correspondant auplateau, au talus et au glacisainsi que leur sous-sol.
Elle ne comprend ni les grands fonds des océans ...
La Tunisie,s'inspirant de cette définition de la <(margecontinentale )>,

soutient queleblocpélagiencorrespond aux ((fondsmarinset au sous-sol ))
du plateau, tandis que <(l'escarpement de Misratah-Malte ou flexure
ionienne correspondrait au talusetau glacis.La plaine abyssaleionienne
représenteraitles ((grands fonds des océans ))mentionnésdans la défini-
tion et il serait donc possible de définirl'orientationde la ligne de partage
du plateau continental entre les deux Parties en tirant une droitejoignant
un point du littoral tuniso-libyen au centre de ladite plaine abyssale. A

mon avis, leparagraphe 3 de l'article 76 doit être considéré comme reflé-
tant une des <<nouvelles tendances acceptées à la troisièmeconférence sur
le droit de la mer )) mentionnées à l'article 1 du compromis. Mais je
conviens que l'argument de la Tunisie n'est peut-être pas défendableet a
peu dechancesdeproduire un résultat équitable,comptetenu de toutes les
circonstancesde l'espèce.L'objet essentiel du paragraphe 3 de l'article76esteneffet de servirdecritèrepour ladétermination de lalimiteextérieure
du plateau continental des Etats dans les parages océaniques ; les règles
plusconcrètesrégissantcettedélimitationverslelargesonténoncéesdans
les paragraphes ultérieursdel'article 76,et notamment auxparagraphes 4
à7. Il se peut que la définition donnéeau paragraphe 3 de l'article 76 ait
certains effetssurladélimitationduplateaucontinental entre pays voisins.

DanslecasdesEtats qui sefont face O,celaest mêmeévident.Maisilest
moins évident que cette définitionpuisse avoir des effets pratiques équi-
valents surla délimitationlatéraledu plateau entre Etatslimitrophes.Enla
présenteespèce,on a affaire à un cas de délimitation qui sous certains
aspects semble êtreune délimitation entre Etats se faisant face et, sous
d'autres aspects, une délimitation entre Etats limitrophes.Toutefois, par
leurscaractéristiques,les zones de la Méditerranéequi sonticien cause ne
se prêtentpas aisément à une application pratique du paragraphe 3 de
l'article76 aux fins de la délimitation, du moins dans le cas d'espèce.Il

n'est pas évident non plus que l'application de ce texte produirait une
solution équitable. Il faut enfin tenir compte des dispositions du para-
graphe 10 du mêmearticle, qui se lit ainsi :

(<Leprésent articlene préjugepas de la questionde la délimitation
duplateaucontinental entre desEtatsdont lescôtessontadjacentes ou
se font face. ))
Ce qui paraît s'appliquer dans ce contexte.

12. Aux termes de l'article 1 du compromis du ler décembre 1978,la
Cour : <<en prenant sa décision[est priée]de tenir compte des principes
équitables et des circonstancespertinentes propres à la région...)>
Ilressortdecetexte quelelienestétroitentre les <principeséquitables
et les (circonstancespertinentes propres à la région )).

Mis à part le fait que les principes équitables sont expressémentinvo-
quésdans lecompromis, ilestincontestable quel'équitéfaitpartie du droit
international. Mais, en tant que principejuridique, l'équité ne peut pas

exercer seseffets dans le vide, ni surleplanjuridique - car ellefait partie
de tout le systèmedu droit international - ni sur leplan desfaits - car en
tant que principejuridique elle s'applique à un cas concret.En l'espèce,il
faut établir nettement la distinction entre une décisionéquitable et une
décisionex aequoet bono.La solution équitableen l'espèce,pour laquelle
les principes équitables sont invoqués,doit nécessairementprocéderdu
droit international etnonpasd'un pouvoirdedécisiondiscrétionnaire.Ou
encore, comme l'a dit Maitland dans une formule bien connue, qui a été
citéelors des plaidoiries : (L'équité n'est pas là pour saperle droit, mais

pour le faire triompher. La formuleest tout aussi valable dans lesystème
du droit international que dans les systèmesde common law.
A l'occasion de l'arrêt rendu parla Cour permanente de Justice inter-
nationale le28juin 1937dans l'affairedesPrisesd'eau à laMeuse,Hudson
a indiquécommentlesprincipeséquitablesfont partie intégrante du droit
international : <<Les règlesbien connues sous le nom de principes d'équitéont
depuis longtemps été considérées commefaisant partie du droit
international et,à ce titre, elles ont souvent été appliquéespar des
tribunaux internationaux ...Une démarcation nette entre le droit et
l'équité, teleue la prévoientcertains Etatsdans l'administration de
lajustice, ne doit pas trouver place dans lajurisprudence internatio-
nale ;mêmedans certains systèmesjuridiques nationaux, une forte
tendance s'estmanifestée à fondre ensemble le droit et l'équité. Cer-

tains tribunaux internationaux sont expressémentchargéspar lecom-
promis qui régit leurs activitésd'appliquer< edroit et l'équité>...A
propos d'une disposition de cette nature, un tribunal spécial de la
Cour permanente d'arbitrage disait en 1922 que la <(majorité des
juristes internationaux semblent s'accorder à reconnaître que ces
motsdoivents'entendre commesignifiant lesprincipesgénérauxdela
justice, à part de tout système particulier de jurisprudence ..H
(C.P.J.I. sérieA/B no70, p. 76.)

La Cour a traitéassez en détail de l'équité etant qu'élémend t u droit
international dans les affaires duPlateau continental de lamer du Nord
(C.I.J. Recueil 1969, par. 88-89). Les Parties, de leur côté, en ont parlé

abondamment dans leurs écritures et leurs plaidoiries.
Parlanature mêmedeschoses,ladistinction entre une décisionreposant
sur desprincipes équitables,laquelle relèvedu droit international confor-
mément àl'article 38,paragraphe 1,du Statut, et une décisionex aequoet
bono rendue conformément à l'article 38,paragraphe 2, du Statut est dif-
ficileà préciser.11ne faut néanmoins par la négliger.A mon sens, les
principes d'équiténe peuvent pas s'appliquer dansle vide. A cepropos, il
est intéressant de noter que, dans l'affaire de la délimitation du plateau
continental opposant la France et le Royaume-Uni, le tribunal arbitral,
dans sa sentencedu 30juin 1977,a pris bien soindene pas statuer dans le
vide et de ne pas s'inspirer d'un pouvoirde décisiontotalement discré-
tionnairepour tracer la délimitation.C'estleprincipedel'équidistancequi
dans cecas a servide point de départjuridique à l'application de l'équité.

Le tribunal a notamment déclaré à ce sujet:

<(Le tribunal constate que,dans une bonne partie descas dont il a
connaissance, où une caractéristique géographique particulière a
influencéletracéde la lignededélimitationdu plateau continental, la
méthode de délimitation adoptéea consisté à modifier leprincipe de
l'équidistance ou à y apporter une variante plutôt qu'à le rejeter
complètement. En l'espèce,il s'agit aussi, précisément,de l'effet de
déviation produit par une caractéristique géographique dans une
situation où la ligne d'équidistance des côtes des deux Etats consti-
tuerait sanscela la ligne de délimitation appropriée. Par conséquent,
le tribunal estime qu'il estconforme non seulementaux règlesjuri-
diquesapplicablesau plateau continental mais aussi à la pratique des

Etats de rechercher la solution dansune méthode modifianlteprincipe de l'équidistanceoy uapportantunevariante,plutôt quederecourir à un
critère de délimitation toutà fait différent.)(Délimitation duplateau

continental entrela France et leRoyaume-Uni, décisiondu 30juin
1977,par. 249.) (Italique ajouté.)
Ainsi, dans cet arbitrage et dans les affairesdu Plateau continentalde la

mer du Nord, le tribunal arbitral et la Cour internationale de Justice ont
l'un et l'autre utilisé,au moins comme point de départ, le principe de
l'équidistancepour seprononcer suivantl'équitéD . e plus, dans lesaffaires
du Plateau continental delamer duNord,leprincipe directeurétait que les
Parties devaient partager le plateau continental entre elles par voie d'ac-
cord,encoreque cetaccord dût êtrepostérieur àladécisiondela Couretlui
donner suite.
Dans les affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, la Cour a

estimé,commeon sait, quelerecours àla méthodedel'équidistancen'était
pas obligatoire pour les Parties. En fait, il n'y a pas de méthode de
délimitationquipuisse êtreconsidérée commeobligatoire en toutecircons-
tance.
La Cour a toutefois ajouté certaines observations intéressantes, qu'il
semble utile d'évoquer au sujetdu principe de l'équidistance.C'est ainsi
qu'auparagraphe 99de son arrêtlaCour a indiquéquellespourraient être
les solutions quand les zones de plateau revendiquéesse chevauchent :

Dans une mer qui a la configuration particulière de la mer du
Nord et en raison de la situation géographiqueparticulière des côtes
des Parties dans cette mer, il peut se faire que les méthodeschoisies
pour fixerla délimitationdeszonesrespectives conduisentencertains

secteurs à deschevauchements entre les zonesrelevantdesParties. La
Cour considèrequ'il faut acceptercette situation comme une donnée
defait etlarésoudresoitpar une divisiondeszonesdechevauchement
effectuéepar voie d'accord ou, àdéfaut, parparts égales,soit par des
accords d'exploitation en commun. cettedernièresolution paraissant
particulièrement appropriée lorsqu'il s'agitde préserverl'unitéd'un
gisement. ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 52, par. 99.)

Dans l'affaire des îles anglo-normandes, le tribunal arbitral a noté
l'importance que la Courinternationale de Justice attachait au principe de
l'équidistancedans l'application des principes équitables :

<Quant aux observations de la Cour sur le rôle du principe de
l'équidistance,elles sont loin de dénier toute valeur à la méthodede
délimitation par l'équidistance ;ce que la Cour a refusé,c'est de
considérercetteméthodecomme obligatoire en droitcoutumier. (On

n'a jamais douté O, a dit la Cour, <(que la méthode de délimitation
fondée sur l'équidistancesoit une méthode extrêmement pratique
dont l'emploi estindiqué dansun trèsgrand nombre de cas ))(C.I.J.
Recueil1969,par. 22) ;et la Cour a ajoutéceci : (<ilestprobablement
exact qu'aucune autre méthodede délimitationne combineau même degréles avantages de la commoditépratique et de la certitude dans
l'application ))(ibid., par. 23). Le bien-fondéde ces observations est

certainementconfirmépar la pratique des Etats ;celle-cimontre que
jusqu'à cejour un nombre considérable de délimitations de plateau
continentaux ont été éffectuéep sar l'application soit delaméthodede
l'équidistance,soit,assezfréquemment,par quelquevariante de cette
méthode. )>(Sentence arbitrale, par. 85.)

13. Dans son arrêt surles affaires du Plateau continentalde la mer du
Nord, la Cour a établi certaines distinctions entre Etats dont les côtes se
font face et Etats limitrophes. S'agissant des premiers, la Cour a dit
ceci :

<<leszonesde plateau continental setrouvant aularge d'Etats dont les
côtes se font face et séparant ces Etats peuvent êtreréclaméespar
chacun d'eux a titre de ~rolongument naturel de son territoire. Ces
zones serencontrent, sechevauchentet ne peuvent donc êtredélimi-
téesquepar une lignemédiane ; sil'on ne tient pas compte desîlots,
des rochers ou des légerssaillants de la côte, dont on peut éliminer

l'effet exagéré de déviation par d'autres moyens, une telle ligne doit
diviser également l'espacedont il s'agit. ))(C.I.J. Recueil1969,p. 36,
par. 57.)

S'agissant de la délimitation du plateau continental entre Etats limi-
trophes, la Cour a dit :
((Tout différent est le cas d'Etats limitrophes se trouvant sur la
mêmecôte et n'ayant pas de vis-à-visimmédiat ;les problèmes sou-

levésne sont pas du mêmeordre. ))(Ibid., p. 36-37, par. 57.)

Le raisonnement qui impose de faire une distinction entre une ligne
latérale de délimitation et une ligne de délimitation entre Etats se fai-

sant face est intéressant, surtout à cause de l'idéeformulée, qui est que,
dans le cas d'une délimitation latérale, par hypothèse, les (<Etats limi-
trophes ...[n'ont] pas de vis-à-vis immédiat )).En la présenteespèce,tou-
tefois, l'une des principales difficultéstient au fait que, si la Tunisie et la
Libye sont bien des Etats limitrophes, les côtes considéréesde l'un et
l'autre pays ont dans une large mesure lecaractèrede côtes sefaisant face
autant que celui de côtes adjacentes. Il faudrait tenir compte de cette

caractéristiqueessentielle pour adopter une méthode concrète de délirni-
tation, faute de quoi les circonstances pertinentes propres à la région
n'auront pas étéprises en considération et la solution retenue aura un
caractère peut-être plus discrétionnaire qu'équitable.
14. La question sepose de savoir s'ilserait possible de précisercertains
desprincipeséquitablesou certainesdesconsidérationsd'équitéqui pour-
raientjouer un rôle en l'espèce,eu égardnotamment aux (<circonstances
pertinentespropres àlarégionainsiqu'[aux]nouvellestendances acceptées

à la troisièmeconférence des Nations Unies sur le droit de la mer )). Il seraitimpossibleet superfludedonner la listecomplètedesprincipes
ou élémentsapplicables à la présenteespèce : superflu,parce qu'il serait
contraireà lanature mêmedesprincipeséquitablesdevouloir enétablirun
énoncéou une énumération définitive ; et impossible,pratiquement pour
les mêmesraisons. La Cour a dit à ce sujet, dans les affaires du Plateau
continental de la mer du Nord :

((Enréalité,iln'yapas de limitesjuridiques auxconsidérations que
les Etats peuvent examinerafin de s'assurer qu'ilsvont appliquer des

procédéséquitablesec t'estleplus souvent la balance entre toutes ces
considérationsquicréeral'équitableplutôt quel'adoptiond'uneseule
considérationen excluanttoutes les autres. De telsproblèmesd'équi-
libre entre diverses considérations varient naturellement selon les
circonstances de l'espèce. (C.I.J. Recueil 1969, p. 50, par. 93.)

Mais c'est pour cette raison même, à mon avis, que les considérations
d'équité à appliquer doivent être situéessur un plan juridique. Si elle
s'exercedans un videjuridique, comme si elle se suffisaitparfaitement à
elle-mêmel,'équitérisque fort de faire d'unedécisionjuridique conforme à
l'article 38,paragraphe 1,du Statut, une décisionex aequoet bon0répon-
dant auxdispositionsduparagraphe 2 dumêmearticle.Or laCour n'estpas
chargée enl'espècede rendre une décisiondu second type.

un principe juridique qui peut àl'évidencejouer un rôle en l'espèce, à
titre de corollairedes considérations d'équité, est précisémeln etprincipe
de l'équidistanceévoqué plus haut. Je partage l'avis dela Cour quand elle
dit que le principe de l'équidistance n'est pas un principe à appliquer
obligatoirement à la délimitation du plateau continental (ou des zones
économiquesexclusives)entre Etats voisins (arrêt,par.109).Mais on me
permettra d'avoir un avis différent de celui qu'elle exprime au para-
graphe 110.
Je conviens évidemmentqu'en l'espèceil n'est pas demandé a la Cour
(d'examiner en premier lieu leseffetsquepourrait avoirune délimitation

selon la méthodede l'équidistance, et de ne rejeter celle-ci au bénéfice
d'une autre méthode que si les résultats d'une ligne d'équidistance lui
paraissaient inéquitable )>.Cependant, dans ce contexte, il ne faut pas
oublier que l'article 6 de la quatrième convention de Genèvedu 29 avril
1958,sur le plateau continental, dispose notamment :

(<A défaut d'accord, et à moins que des circonstances spécialesne
justifient une autre délimitation, ..[la délimitation] est constituée
par la ligne médianedont tous lespoints sont équidistants despoints
les plus proches des lignes de base à partir desquelles est mesuréela
largeur de la mer territoriale de chacun ...[des] Etats [intéressés].>

Je voudrais aussi attirer l'attention sur l'article 12 de la première con-
vention de Genève du 29 avril 1958 sur la mer territoriale et la zone

contiguë. L'article 12dispose : (<Lorsque les côtes de deux Etats se sont face ou sont limitrophes,
aucunde cesEtats n'est endroit, à défautd'accordcontraireentre eux,
d'étendresa mer territorialeau-delà de la ligne médianedont tous les
points sontéquidistants despoints lesplus proches deslignes de base
à partir desquelles est mesuréela largeur de la mer territoriale de
chacun des deux Etats. )>

J'estime aussi qu'en disant au paragraphe 110de l'arrêt que <<l'équidis-
tance ..[n'est]pas à ses yeux ..une méthode qui serait en quelque sorte
priviligiéepar rapport à d'autres ))la Cour ne semblepas tenir comptedu

faitque, mêmedans leprojet de convention établien1981par la troisième
conférence sur le droit de la mer, le texte porte un intérêtspécial au
principe de la ligne d'équidistance ou médiane.L'article 15 relatif à la
délimitationdela mer territorialeentreEtats dont lescôtes sontadjacentes
ou sefont faceest rédigéen des termes identiques à ceux de la convention
de Genève. L'article 15 dispose :

<Lorsque lescôtes de deux Etats sontadjacentes ou sefont face, ni
l'un ni l'autre de ces Etats n'est en droit, sauf accord contraire entre
eux,d'étendresamer territorialeau-delàde lalignemédianedonttous
les points sont équidistants des points les plus proches des lignes de
base à partir desquellesestmesuréelalargeurde la mer territoriale de
chacun desdeux Etats. Cettedisposition ne s'applique cependant pas
dans lecasoù, en raison de l'existencede titreshistoriquesoud'autres

circonstances spéciales,il estnécessairededélimiterautrementla mer
territoriale des deux Etats.
En méconnaissant ainsi presque totalement ou en minimisant la mé-
thode de l'équidistanceau paragraphe 110de l'arrêt, la Cours'écartede

façon manifeste de la déclaration succincte qu'elle avait faite dans son
arrêtdu 20 février1969,au paragraphe 22 :
(11convient de noter l'emploi des termes obligatoireet obligation
dans les formules quiprécèdent.Onn'ajamais doutéque la méthode

de délimitationfondée sur l'équidistancesoit une méthodeextrême-
ment pratiquedont l'emploi estindiquédansun trèsgrandnombre de
cas. Elle peut êtreutiliséedanspresquetoutes les circonstances,pour
singulierquesoitparfois lerésultat ;elleprésentel'avantagequ'encas
de besoin, par exemple si une raison quelconque empêcheles parties
d'entreprendre des négociations, tout cartographe peut tracer sur
la carte une ligne d'équidistancedefacto et que les lignes dessinées
par des cartographes qualifiéscoïncideront pratiquement. (C.I.J.
Recueil 1969, p. 23.)

DemêmelaCourparaît oublier queleprincipedela ligned'équidistance
ou médianeestleseulprincipeconcretquisoit venu compléterla référence
générale à l'équitédont la troisième conférencesur le droit de la mer a
discutédans le contexte de la délimitation des zones économiquesexclu-
siveset du plateaucontinental d'Etats dont lescôtes sont adjacentes ou sefont face. Celaressortdes diverstextes de négociation officieuxet du texte
officieuxduprojetdeconventionsurledroit delamerdu 27 août 1980,aux
articles 74 et 83.
La Cour sembledemêmenepas tenircompte desdéclarationsfaitespar

letribunal arbitraldans sadécisiondu 30juin 1977,citéeauparagraphe 12
delaprésenteopiniondissidente.Et ellenégligetotalement la pratique des
Etats, très abondante, se dégageantde nombreuxaccords de délimitation
et des textes législatifs connexes, qui atteste l'importance pratique du
principe d'équidistance pour délimiterles plateaux continentaux et les
zones économiquesexclusives.
A mon avis les arguments avancésau paragraphe 110de l'arrêtn'indi-
quent aucun principejuridique susceptiblede motiver une décisionsur la
délimitation. Les circonstances pertinentes à évaluer doivent être
appliquéespar rapport à des règlesdedroit. Or en l'espècela Cour semble
considérer la délimitation fondé sur des <(circonstances pertinentes )>

comme une opération purement discrétionnaire dans laquelle elle peut,
plus ou moins à saguise,ne tenir aucun compted'élémentsgéographiques
pertinents tels que l'îlede Djerba, les promontoires de Zarziset l'archipel
des Kerkennah ;et se permettre de tracer des lignes de délimitation lon-
geant ces reliefsgéographiquesou de dévierarbitrairement d'autres lignes
sansessayerd'assureruneégalitéraisonnable,pourcequi estdeladistance
entre les côtespresque opposéesdont il s'agit. Jeme permets de le dire,le
raisonnement suivi au paragraphe 110 de l'arrêtet ailleurs, ainsi que les
paragraphes du dispositif, ressemblent plusà une décisionex aequoet bono
conforme à l'article 38,paragraphe 2, du Statut de la Cour qu'à l'exercice
despouvoirsconférés à la Courpar l'article 38,paragraphe 1,de ce Statut.

Et pourtant je ne pense pas que les résultats soient équitables.
15. Un autre élément à prendre en considération tient à la notion de
zone de 200milles,qui s'estconcrétiséedans leprojetde conventionsurle
droit de la mer, à l'article 76, paragraphe 1, de la partie VI, relative au
plateau continental, et à l'article 54 de la partie V, relativeà la zone
économiqueexclusive. Certes, la présente espèceporte sur la délimita-
tion du plateau continental entre les Etats en cause. Mais la notion des
200milles, tellequ'elleest traitée auxparties V et VIdu projet de conven-
tion,relève,tout aumoins à mon avis,desnouvellestendances admises àla
troisièmeconférencedesNations Uniessur ledroit delamer. Pourclarifier
<<la manière pratique par laquelle ..s'appliquent )>en l'espèceles prin-

cipes et règlesde droit international, il convient de tenir compte de cet
élémentnouveau, et ce pour plusieurs raisons. Quand des Etats voisins
revendiquent l'exerciceconcret de droits souverainsjusqu'à 200 millesau
large de leurs côtes- qu'il s'agissed'Etats dont les côtes se font face ou
d'Etats limitrophes - leursrevendications sefondent eneffet surun critère
de distance.Ce fait en soi renforce, semble-t-il, l'idéeque leprincipe de la
ligne d'équidistance oude la ligne médiane est une méthodede délimita-
tion équitable à appliquer quand les zones revendiquéesse chevauchent.
En outre, la Cour ne doit pas exclure la possibilitéque des zones écono-
miques exclusives soient revendiquéesdans la région considérée, commedans les autres parties de la Méditerranée. Oril serait raisonnable quela
lignede partage de ceszonescoïncide avesleslignesquiauront étéétablies
pour délimiterleplateau continental. Pour cetteraison encore, la ligne de
délimitation devrait selon moi répondre à desconsidérationsquelque peu
différentes de celles que la Cour a retenues. La méthode pratique de
délimitationquiaurait étéadoptéedanscesconditionseût mieuxconvenu

et eût étéplus équitable, eu égardaux circonstancesparticulières et aux
besoins particuliers de la région.Au paragraphe 109de l'arrêt,la Cour,
considérant la pratique des Etats et constatant que <<laméthode de
l'équidistancea été utiliséedans uncertain nombre de cas )),déclarececi :
<(L'équidistanceest applicable si elle conduit à une solution équitable,
sinon il convient d'avoir recours à d'autres méthodes. )Mais la Cour n'a
pas cherché,en l'espèce, à mettre l'équidistance à l'épreuve. Ellen'a pas

non plus cherché àsavoirsidansce casprécison pouvaitutilementrecourir
au principe de l'équidistance, sauf à l'adapter en fonction des principes
d'équitéet des circonstancespertinentes propres à la région,de façon à
aboutir à une solution équitable. A ce propos,je voudrais citer le para-
graphe 126de l'arrêt, où la Cour dit :

<De l'avis de la Cour, le changement radical d'orientation de la
côte tunisienne semble modifier jusqu'à un certain point la relation
existant entre la Tunisieet la Libye qui, Etats limitrophesau départ,
tendraient à devenir des Etats se faisant face. ))

Et la Cour de poursuivre :

<On aboutit ainsi à une situation dans laquelle la position d'une
ligne d'équidistancepèse plus qu'elle ne ferait normalement dans
l'appréciationglobale des considérations d'équité. ))
Mis àpart l'hommagerendu au principed'équidistancedans cettedernière

phrase,la Cour semblel'avoirtotalementécarté,mêmepour cescôtes <(se
faisant face o. Il n'a ététenu aucun compte de l'île de Djerba, dont la
superficie est de quelque 690 kilomètres carrés,ni des promontoires de
Zarzis. L'archipel des Kerkennah, pour des raisons que la Cour n'a pas
préciséess,'estvu attribuer un <(demi-effet O,etnonpaspourletracé d'une
ligne d'équidistance,mais pour le tracé d'une ligne de 52" qui s'écarte

radicalement de l'équidistance.
Qu'on me permette d'ailleurs de récuserlejugement que la Cour porte
dansl'extrait du paragraphe 109citéplushaut, quand elledit que <l'équi-
distance est applicable si elle conclut à une solution équitable ;sinon il
convient d'avoir recours à d'autres méthodes )>.Reléguerainsileprincipe
de l'équidistanceau dernier rang des méthodespratiques de délimitation
ne correspond guère, à mon avis, aux principes en vigueur du droit inter-

national tels qu'ils semanifestent dans la pratique des Etats, dans les
conventions multilatérales et bilatérales, dans les constatations énoncées
par la Cour dans son arrêtde 1969et dans celles formuléespar le tri-
bunal arbitral de 1977dans l'affaire de la délimitation du plateau conti-
nental. 16. Il est un principe équitable dont l'importance a été reconnuetant

par la Cour internationale de Justice dans les affaires du Plateau conti-
nentalde lamer duNord que par le tribunalarbitral de 1977dans l'affaire
de ladélimitationdu plateau continental :ceprincipe est qu'ilne faut pas
refaire la nature.
Dans son arrêt de 1969la Cour internationale de Justice disait ceci :

<(L'équité n'implique pas nécessairement l'égalité Il. n'estjamais
question de refaire la nature entièrementetl'équité ne commande pas
qu'un Etat sans accès à la mer se voie attribuer une zone de plateau
continental, pas plus qu'il ne s'agit d'égaliserla situation d'un Etat
dont les côtes sont étendues et celle d'un Etat dont les côtes sont

réduites.L'égalité se mesure dans un mêmeplan et ce n'est pas à de
telles inégalitésnaturelles que l'équitépourrait porter remède. ))
(C.I.J. Recueil 1969,p. 49-50, par. 91.)

S'agissant d'appliquer ce principe au cas d'espèce,la Cour ajoutait :

(<Il ne s'agit donc pas de refaire totalement la géographiedans
n'importe quelle situation de fait mais, en présenced'une situation
géographiquede quasi-égalité entre plusieurs Etats, deremédier à une
particularité non essentielle d'où pourrait résulterune injustifiable
différencede traitement. )(Ibid., p. 50, par. 91.) (Italique ajouté.)

Dans sa décisionde 1977 en l'affaire de la délimitation du plateau
continental le tribunal arbitral a appliqué ce principe à Ouessant et aux
Sorlingues :

((De surcroît, aussi bien Ouessant que les Sorlingues sont des îles
d'une certaine étendue et assezpeuplées ;de l'avisdu tribunal, elles
constituent toutes deux des faits géographiquesnaturels de la région

atlantique dont on ne saurait faire abstraction en fixant la ligne de
délimitation du plateau continental, sans (<refaire ...la géogra-
phie o.
..............................
De mêmeque l'équité n'apas pour fonction de refaire totalement la
géographielors de la délimitationdu plateau continental, ellen'apas
non pluspourfonction decréerunesituation decomplèteéquitélorsqluae
nature et la géographie ontcréé une inéquité. C'est pourquoi l'équité

n'oblige pas à attribuer à des côtes qui ne se trouvent pas dans un
mêmerapport avec le plateau continental des effets absolument
égaux. )>(Délimitation duplateau continental entre la France et le
Royaume-Uni, par. 248 et 249.) (Italique ajouté.)

Bien entendu, ce principe est étroitementlié à celui qui veut que soientprises en considération les << circonstances pertinentes propres a la
région )>Ilvade soique, dans letracédeslignesdedélimitationentreEtats
- qu'ils'agissed'espaces terrestresou d'espaces maritimes - les circons-
tances pertinentes propres à la région intéresséje ouent un rôle détermi-
nant. Cela tient à la nature des choses. De plus, il est préciséau premier
alinéade l'article 1du compromis, et répété au deuxième alinéa, qu'if laut
tenir compte des éléments concretsde la nature et de la géographie,entre

autres. Cela ne doit certainement pas aboutir à écarter, intégralement ou
partiellement, ces éléments.Pour qu'indépendamment de ces faits les
circonstances pertinentes propres à la région soient considérées comme
sans pertinence et puissent êtrelaisséesde côté,il faudrait donc de très
solides raisons d'équité etdejustice. Au paragraphe 79 de l'arrêt,la Cour
dit :

(<L'ensemble d'(<îles, îlots et hauts-fonds découvrants qui sont
une partie constitutive du littoral tunisien O, visédans les conclu-
sions tunisiennes, est une caractéristiquetouchant de prèsla préten-
tion de la Tunisie à des droits historiques ...))

Or les îles, îlots et hauts-fonds découvrants ont, pour la délimitation des
plateaux continentaux, beaucoup plus d'importance que ne l'indique cette
citation, tant pour des raisons de droit que pour des considérations

d'équité.
c'est ainsi que l'article premier de la convention de Genève sur le
plateau continental de 1958dispose que l'expression <plateau continen-
tal))englobe (<le lit de la mer et le sous-sol des régionssous-marines
analogues qui sont adjacentesaux côtes desîles >)Et, commenous l'avons
déjàdit, l'article 121du projet de conventionsur ledroit de la mer de 1981
dispose que les îles sont dotées d'unemer territoriale, d'une zone éco-

nomique exclusiveet d'un plateau continental délimités (conformément
aux dispositions de la convention applicables aux autres territoires ter-
restres )).
17. La Cour affirme au paragraphe 79 de l'arrêtque la présencede l'île
de Dierba et des Kerkennah re~résenteune circonstance aui est manifes-
tement à prendre en considération ; et elle ajoute : (<la Cour ne peut
accepter que la prise en considération de Djerba et des Kerkennah soit

exclue en principe ))Or, dans la phrase suivante, la Cour indique qu'ilne
va êtretenu strictement aucun compte de l'îlede Djerba ;pour ce qui est
des Kerkennah, elle ajoute : (<en revanche, l'existenceet la situation des
Kerkennah ...est un fait important ». Mais au paragraphe 129,la Cour
juge bon de n'attribuer aux Kerkennah qu'un demi-effet. Il n'est tenu
absolument aucun compte des très vastes hauts-fonds découvrants qui
entourent à la fois les Kerkennah et Djerba.

Il n'est pas non plus fait la moindre mention des importants promon-
toires de Zarzis, dont l'îlede Djerba n'est qu'un prolongement, ni du fait
que la côte, qui est orientée ouest-nord-ouest depuis Ras Ajdirjusqu'à la
baie d'El Biban, prend brusquement une direction quasi plein nord à sajonction avecla côtedela péninsulede Zarzis et sonprolongement, l'îlede
Djerba. L'arrêt ignore complètemenc te changement de direction radical.
Ne tenir aucun compte de ces caractéristiquespropres à certains seg-
ments extrêmementpertinents de la côte tunisienne et ne donner qu'un
demi-effet à l'archipel des Kerkennah revient, à mon avis, à refaire la
nature, ce quine sejustifie ni endroit ni en fait, et, vu l'importance de ces
accidents géographiques, n'estpas non plus équitable.
Jesignalerai àcepropos quelquesdétailsprobants :l'îledeDjerba esten
fait un prolongement du continent en direction du nord ; àmarée basse,

c'està peine une île, car elle n'est sépadu continent que par un détroit
extrêmementétroit.Dèsl'époque romainel,'îleétaitreliéeaucontinentpar
une digue qu'empruntent encore aujourd'hui les chameliers. Les eaux qui
entourent le reste de Djerba sont d'ailleurs,ellesaussi,très peuprofondes.
L'îlede Djerba est, comme les Kerkennah, entourée par une ceinture de
bancs et de hauts-fondsdécouvrants oùlesenginsdepêchefixesvisiblesen
surface sont très utilisés (mémoirede la Tunisie, par. 3.2à 3.27). L'îlea
une superficie d'environ 690 kilomètres carrés, c'est-à-dire deux foisles
dimensions de Malte. Son importance économique est appréciable. Sa
population permanente est nombreuse. Enfin, l'îleest devenue un centre
touristique important.
18. L'archipel desKerkennahformele prolongement naturel du littoral

nord du golfe de Gabès. Il comprend deux îles principales et un certain
nombre d'îles plus petites (mémoirede la Tunisie, par. 3.18 à 3.20). La
superficie des Kerkennah est d'environ 180kilomètrescarrés, c'est-à-dire
presque la dimension de Malte. Les Kerkennah sont entourées d'une
ceinture étendue de hauts-fonds découvrants etde bancs, d'une largeur
appoximative de 9 à 27 kilomètres.Elles sont situéesà11milles àl'estdu
continent, mais leprolongent en fait en raison de la trèsfaibleprofondeur
des eaux qui les en séparent. Lanavigation dans le passage situéentreles
îles et lecontinent est difficileet seules de petites embarcations peuvent la
pratiquer. De même,du côtédu large, l'archipel est entouréd'une vaste
zonedehauts-fonds découvrants.Ceszones.étroitementliéesauxîles.sont
exploitéespar la population locale, comme elles l'ont étépendant toute

l'histoire, selon des méthodes spécialesd'aquaculture qui présentent des
ressemblances frappantes avecl'agriculture. C'esten parcourant à pied les
innombrables installations permanentes de pêchevisibles en surface que
les pêcheurs(propriétaires)travaillent à leurs engins et en recueillent les
prises. Cet immense rempart de hauts-fonds découvrants estjalonné de
bouéesetdebalises(mémoirede laTunisie, par. 3.21).Lesîlesdel'archipel
des Kerkennah et les hauts-fonds découvrants, uniquespar la faible pro-
fondeur de leurs eaux, constituent des circonstances très frappantes et
pertinentes, qui caractérisent sans doute possible la région.Une impor-
tanceconsidérableest reconnue à ces caractéristiquesdans les annales du
droit international, dansla pratique des Etats, dans l'arrêtrendu le 18dé-
cembre 1951par la Courinternationale deJustice enl'affaire des Pêcheries

(C.I.J.Recueil 1951,p. 116et suiv.)ou dans desconventions multilatérales
etbilatérales commelesconventions de Genèvesurle droit de la mer et surle plateau continental, l'une et l'autre du 29 avril 1958. Les nouvelles
tendances acceptées à la troisièmeconférence des Nations Unies sur le
droit de la mer vont plusloin sur cette voie en reconnaissantl'importance
de caractéristiques locales telles que les îles, archipels, rochers, récifset
hauts-fonds découvrants. Dans l'affaire des Pêcheries mentionnéeci-des-
sus,leproblèmecrucialétait desavoir sile systèmenorvégiendeslignesde

base droites tracéesentre les innombrables îles, îlots, rochers et hauts-
fonds découvrants du rempart côtier appelé (<skjærgaard )),le long des
côtes nord de la Norvège, était (<incompatible avec les règlesdu droit
international )).Voici comment s'estprononcéela Cour :

<(La Cour doit préciser si la laisse de basse mer à prendre en
considérationest cellede la terreferme ou celledu (<skjærgaard ))La
côte étant,dans son secteur occidental,bordée par le (skjærgaard )),

qui constitue un tout avec la terre ferme, c'est la ligne extérieuredu
(skjærgaard qui s'impose commecellequi doit êtreprise en consi-
dération pour la délimitation de la ceinture des eaux territoriales
norvégiennes. Les réalités géographiques dictent cette solution. ))
(C.I.J. Recueil 1951, p. 128.)

La Cour a doncjugé quela méthodedeslignesde base droites tiréesentre
les îles, îlots, rochers et hauts-fonds découvrants, employéepour la
délimitationde la zone de pêchepar ledécretroyalnorvégiendu 12juillet

1935 n'est pas contraire au droit international )) (C.I.J. Recueil 1951,
D. 143).
En son article 4, relatif auxîles et.archipels du littoral, la convention de
Genèvede 1958sur la mer territoriale dispose au paragraphe 1 :

<<Dans les régions oùla lignecôtièreprésente deprofondes échan-
cruresetindentations, ou s'ilexisteunchapeletd'îleslelong delacôte,
à proximité immédiatede celle-ci, la méthode des lignes de base
droitesreliantdespoints appropriespeut êtreadoptéepour letracéde

la ligne de base à partir de laquelle est mesuréela largeur de la mer
territoriale. ))

Dans un article spécial surles îles, l'article 10,elle dispose :
<<1. Une île est une étendue naturelle de terre entourée d'eauqui
reste découverte à maréehaute.

2. La mer territoriale d'une île est mesuréeconformément aux
dispositions des présents articles.

A l'article 11la convention contient les dispositions suivantes relatives
aux hauts-fonds découvrants :
(<1. Par hauts-fonds découvrants, il faut entendre les élévations

naturelles de terrain qui sont entourées par la mer et découvertes à
maréebasse mais recourvertes à maréehaute. Dans les cas où des
hauts-fonds découvrants se trouvent, totalement ou partiellement, à une distance du continent ou d'une île ne dépassant pas la largeur
de la mer temtoriale, la laisse de basse mer sur ces fonds peut être
prise comme ligne de base pour mesurer la largeur de la mer terri-
toriale.
2. Dans les cas où les hauts-fonds découvrants se trouvent totale-

ment à une distance du continent ou d'une île supérieure à la largeur
de la mer territoriale, ils n'ont pas de mer territoriale propre. >)
L'article premier de la convention de Genèvesur leplateau continental

de 1958prévoitde même,dans les termes suivants, que les îles ont des
plateaux continentaux qui leur sont propres :
((Auxfinsdesprésentsarticles,l'expression ((plateau continental >)
est utiliséepour désigner ...b)lelit de la mer et lesous-sol des régions
sous-marines analogues qui sont adjacentes aux côtes des îles.>>

L'article 7 du projet de convention de 1981de la troisièmeconférence
sur le droit de la mer, relatif aux lignes de base droites, contient des
dispositionsidentiques à celles,précitéesd ,e l'article4de laconvention de
Genèvesur le droit de la mer de 1958. Et l'article 13du projet, relatif aux

hauts-fonds découvrants, contient des dispositions identiques à celles de
l'article 11 de la convention sur la mer territoriale de 1958. Voir aussi
l'article7, paragraphe 4.
Dans la présente affaire, surtout en ce qui concernel'archipel des Ker-
kennah et le golfe de Gabès, il faut tenir compte de l'article 7, para-
graphe 5, qui représenteune tendance desplus pertinentes de la troisième
conférence sur le droit de la mer :

((Dans lescasoù laméthodedeslignesdebasedroitess'appliqueen
vertu du paragraphe 1,ilpeut êtretenu compte,pour l'établissement
de certaines lignes de base, des intérêtséconomiquespropres à la
régionconsidéréedont la réalité et l'importance sont manifestement
attestées par un long usage. >)

Par leurs caractéristiques, les hauts-fonds découvrants qui entourent
l'archipel des Kerkennah et l'île de Djerba, tels que la Cour a pu les
observer grâce au film tourné sur les lieux, ressemblent beaucoup aux
formations visées à l'article 6, concernant les récifs,du projet de conven-
tion. Ce texte dispose :

Lorsqu'ils'agitdepartiesinsulaires d'uneformation atollienne ou
d'îlesbordéesde récifsfrangeants, la ligne debase à partir delaquelle
est mesuréela largeur de la mer territoriale est la laisse de basse mer
sur le récif,côtélarge, telle qu'elle estindiquéesur les cartes marines

reconnues officiellement par l'Etat côtier. >)
Qu'ilme soit permis de dire que la décisionde n'attribuer qu'un demi-
effet à l'archipel des Kerkennah et, en mêmetemps, de ne tenir aucun
compte des hauts-fonds découvrants qui les entourent et en font naturel-

lement partie n'est pas fondéeen droit et ne correspond pas à l'équité. 19. Le raisonnement suivi au paragraphe 128de l'arrêtn'est à mon avis
pas convaincant. La Cour relève qu'une ligne reliant le point le plus
occidental du golfedeGabès(probablement à 34" 10,5'delatitude nord) à
Ras Kapoudia formerait avecle méridienun angle de 42". Il s'agitd'une
ligne totalement imaginaire, d'une longueur d'environ 160 kilomètres.

Comme c'est une ligne droite, elle passe à ['intérieurdes terres, environ
6 milles (11kilomètres)du littoral et ne tient doncpas compte de la côte
réelle.Se fonder sur l'angle de cette ligne artificielle, qui forme(avec le
méridien un angle de près de 42" ))revient à mon avis à ((refaire la
nature D.En réalitéu, nedroite tracéed'aprèslespoints saillants de la côte
jusqu'à Ras Bousmada, dans la direction de Sfax,formerait avec le méri-
dien un angle d'environ 51" et non 42".
Au paragraphe 128,la Cour indique qu'à l'estde la ligneimaginaire de
42" :

<se trouvent les îles Kerkennah, entouréesd'îlots et de hauts-fonds
découvrants. En raison de leur étendueet de leur position, ces îles
constituentune circonstance pertinente auxfins deladélimitation ;la
Cour doit donc leur attribuer un certain effet. ))

En réalitéles Kerkennah, avecleur unique et vaste ensemble de hauts-
fonds découvrants,forment une configuration géographique typiqued'un
archipel côtier. La faible profondeur des eaux avoisinantes et les singula-
ritésde l'ensembledela régionconfèrent enfait auxKerkennah, àbien des
égards,un caractère intermédiaire entre celui d'un groupe d'îles et celui

d'un promontoire qui s'étendraitau nord du golfe de Gabès. Pour cette
raison déjà, mais aussiparce que le compromis de 1977insiste formelle-
ment sur lescirconstances pertinentespropres àla région,je dois exprimer
mon désaccord avecla déclarationdela Cour selonlaquellecet archipel ne
doit recevoir qu'un <<certain effet)).
Plus loin, dans le mêmeparagraphe, la Cour déclare :

<<Vu cette configuration géographique, la Cour a dû prendre en
considération non seulement les îles, mais aussi les hauts-fonds
découvrants qui, bienque ne possédant pas, commeles îles, un pla-
teau continental propre, sont reconnus à certaines fins en droit inter-
national ..))

Malgrécesassertions,la Cour, à laphrase suivante,sembledéciderdene
pas tenir compte deshauts-fonds découvrants et ausside n'attribuer qu'un
effet très limitéà l'archipel des Kerkennah. Après avoir déclaré qu'une
ligne tracéeentre le point le plus occidental du golfe de Gabès et les îles
Kerkennah (négligeant les hauts-fonds découvrants) formerait avec le
méridienun angle d'environ 62", elle poursuit en ces termes :

<<La Cour est ..d'avis qu'entout étatde cause une ligne de déli-
mitation infléchie jusqu'à 62" parallèlement à la côte de l'archipel
attribuerait un poids excessifaux Kerkennah dans les circonstances
de la présenteaffaire. La Cour n'indique pas pour quel motif la ligne de 62" attribuerait (un

poids excessifaux Kerkennah o.Ellene dit pas non plus pourquoi ellene
tient aucun compte des hauts-fonds découvrantsautour de l'archipel, qui
ont été cités àmaintes reprises au cours de l'instance parmi les particu-
larités géographiquespropres à la région.Si l'on tenait compte de ces
hauts-fonds découvrants,lalignereliant lepoint leplus occidental du golfe
de Gabès auxKerkennah s'écarteraitdu méridien d'environ 66" et nonde
62". Mêmeen s'entenant àla décisiondela Courd'attribuer un demi-effet
aux Kerkennah - résultat selonmoiinéquitableet quirefait lanature - on

ne devrait en aucun casaboutir à unelignede 52",mais àuneligneformant
avec le méridienun angle d'environ 57,5". Cette ligne elle-même serait
moins équitablequ'une ligne d'équidistance.
20. L'arrêtexamine aux paragraphes 118 et suivants une question qui
présente la plus grande importance du point de vue de <la méthode
pratique pour l'application ))desprincipes et règlesdu droit international
dans la <situation préciseo.Il s'agit de la ligne des 26", qui est décrite
comme suit dans le dispositif, au paragraphe 133C 2) :

((dans lepremier secteur, leplus proche descôtesdesParties, lepoint
de départ de la ligne de délimitation est l'intersectionde la limite
extérieurede la mer territoriale des Parties et d'une ligne droite tirée
du point frontière de Ras Ajdir et passant par le point 33" 55'N

12" E, àun angle de 26" environ à l'estdu méridien,correspondant à
l'angle de la limite nord-ouest des concessions pétrolières libyennes
noNC 76, 137, NC 41 et NC 53, laquelle est alignéesur la limite
sud-est du permis tunisien dit (<Permis complémentaire offshoredu
golfe de Gabès (21 octobre 1966) ; àpartir du point d'intersection
ainsidéterminél,a lignede délimitationentre lesdeuxplateaux conti-
nentaux sedirigera verslenord-est selon lemêmeangleen passant par
le point 33" 55'N 12" Ejusqu'à ce qu'ellerencontre le parallèle du

point le plus occidental de la côte tunisienne entre Ras Kapoudia et
Ras Ajdir, à savoir le point le plus occidental de la ligne de rivage
(laisse de basse mer) du golfe de Gabès )>.

SelonlaCour,lalignedes26" tiréedu << pointfrontièredeRasAjdir )de-
vrait conserver la mêmedirectionjusqu'à la latitude du << oint le plus oc-
cidental de la côte tunisienne)du golfede Gabès(environ 34"10' 30"N).
La Cour n'a pas expliquépourquoi c'est lepoint situéle plus à l'ouest
au fond du golfe de Gabès qu'il faut retenir ici, en faisant abstraction
de l'île de Djerba et des promontoires de Zarzis. Ces configurations
modifient complètement la direction de la côte tunisienne à une longitude
situéeà plusde60milles àl'estdupoint du golfedeGabèsretenupar laCour

(11" 10'Eaulieude 10" E).Jeconsidèrepourmapart quecette décisionde
la Cour a un caractère par trop discrétionnaire et n'estpas équitable.

Auparagraphe 18de sonarrêt,la Cour dit quela lignedes 26" n'estpasfondéesurun<< accord tacite entre lesParties - cequi serait impossible,vu
la portée pluslarge et la constance de leurs prétentions )>,et qu'elle ne
considèrepasnon plus que lecomportement desParties <<leur interdise de
formuler des prétentions contraires, par l'effet d'une sorte d'estoppel)).
Toutefois, ilestindiquéen même tempsqu'~ilest évidentquela Cour doit
tenir comptede tous les indices existants au sujet de la ligne ou des lignes
quelesParties elles-mêmes ontpu considérer outraiter en pratique comme
équitables - même à titrede solution provisoire H.J'aide sérieuxdoutes,je

regrette d'avoir à le dire, sur la validitéet l'équitde ce mode de raison-
nement ;pourquoi la Cour serait-elleobligéede tenir compte de <tous les
indices existants ))surtout lorsque ces <<indices ne semblent êtreenvi-
sagés qu'àtitre (<de solution provisoire ))et alors que dans la phrase
précédente laCour dit que de tels arrangements ne constituent pas un
(<accord tacite entre les Parties)),étant donné (<la portéeplus large et la
constance de leurs prétentions )>contradictoires ? La Cour considère en

outre que les Parties ne peuvent pas êtreempêchéep sar estoppelde faire
objection à une telle solution provisoire.
Je dois dire que, si j'éprouvede grandes difficultés à me rallier à la
formule de laCour selonlaquelleelledoit (tenir compte de tous lesindices
existants )),mon inquiétude ne fait que croître quand elle tire de ces
(<indices la solution essentielle en l'espèce.En effet le choix de la ligne

des26" - de cet<<indice ))- commepointdedépart, pour cequi concerne
une section importante du littoral tunisien, nonobstant le fait que ce
littoral s'infléchitnettement verslenord, affecte fondamentalement toute
la solution de l'affaire. Pour cette raison. et au vu des motifs indiauésen
faveur de ce choix, je crains fort que cette ligne ne soit plus arbitraire
aA'éaLitable.
Je pense que lesconcessionspétrolièresque lesdeux gouvernements ont
accordéesdans la région considérén ee peuvent pas servir d'<< indices

démontrant que les Parties aient tenu pour équitablela ligne des 26".
Ledécrettunisien surlespétrolesen date du 13décembre1948,ledécret
du lerjanvier 1953et la loi du 15mars 1958ont établiunsystèmeen vertu
duquel le Gouvernement tunisien n'offre pas de zones à la prospection
et à l'exploitation :les permis sont accordés à la demande des sociétés
pétrolières,et c'est à ces sociétés elles-même qsu'il appartient de définir

le périmètreauquel le permis s'appliquera. (Voir réplique tunisienne,
par. 1.07,et mémoire tunisien,vol. II,ann. 1.)Lepremier permis offshore,
accordé à la sociétéHusky Oil (permis no3) à la suite d'une demande
formuléeen 1960,étaitdélimité par des lignes de longitude et de latitude,
c'est-à-dire par des carrésou quadrillages. Au nord, ce permis s'étendait
nettement à l'estdu méridiende Ras Ajdir. (Répliquetunisienne, par. 1.09
et carteno 1.O1 .)En réponse à une demande émanant de la société pétro-

lièreSNPA-Rap en 1963,un permis lui a étéaccordéen 1964-1965.Ce
permis, appelé <<Permis no 2 du golfe de Gabès est indiqué sur la
carte 1.01jointe à la répliquetunisienne. D'après l'annexe1du mémoire
tunisien (vol. II), il aurait étéaccordéle 25 février1964.Il est également
définipar les latitudes et longitudes indiquéesdans la demande d'attri-bution de permis. (Ces longitudes sont a l'est de Ras Ajdir.) Le 21 octo-
bre 1966,et toujours à la demande des sociétés en question, le Gouverne-
ment tunisien a accordéunnouveau permis de recherches dans le golfe de
Gabès :il s'agit du permis no 4 (voir mémoire tunisien, vol. II, ann. l),
définidans la demandepar deslatitudes et des longitudes. A l'est,lapartie

septentrionale decepermis estlimitéepar unelongitudequi estnettement à
l'est de Ras Ajdir ; au sud-est, le permis est limité par un système de
quadrillage suivant plus ou moins la direction des 26".
En 1968 (vraisemblablement en avril, voir audience du 30 septembre
1981,p. 40) la Libye a accordé une concessionquijouxtait exactement le
systèmede quadrillagesprévupar lepermis tunisien no4etqui s'yadaptait.
La date exacte de cette concession n'est pas connue, si l'on en croit le
mémoire tunisien (par. 1.05,note 1).
LeGouvernement tunisien n'ajamais reconnu que la lignede cesystème
de quadrillages fût équitable, ni ne lui a donné son assentiment. Au
contraire, des négociationsont été entamées sur-le-champ entre les deux
pays, le 15juillet 1968, et elles se sont poursuivies de façon continue

jusqu'en 1977,c'est-à-dire jusqu'à la signature du compromis.
D'après les comptes rendus détailléset les notes qui figurent aux
annexes 8 à 42jointes au mémoire tunisien,la Partie tunisienneproposait
fermement que la ligne de partage médiane fût retenue comme ligne de
délimitation(voirentreautres la carte quifigure àl'annexe 24du volume II
du mémoire tunisien),alors que la Partie libyenne préconisait une ligne
tiréedroit nord à partir de Ras Ajdir. Ces négociations prolongées,qui
ont commencéimmédiatement aprèsl'octroi de la concession pétrolière
libyenne de 1968et qui ont durépresque neuf ans, démontrentclairement
que ni l'une ni l'autre des Parties n'a accepté de ligne de compromis
quelconque ou considéréla ligne des 26" comme équitable. Outre la
position très claire adoptée par les Parties au cours de ces négociations,
les permis accordés par la Tunisie en 1972 - permis no 9 en date du

21 mars 1972(voir mémoire tunisien, vol. II, ann. 21) et de 1976,permis
no 12en date du 18mars 1976 (ibid.,ann. 3) et transfert des permis nos2
et 4 en date du 8 avril 1974(ibid., ann. 4) démontrent qu'on ne peut pré-
sumer aucun assentiment ou indice d'équitéau sujet de la ligne des 26".
Décrivant au paragraphe 123la ligne des 26", la Cour affirme qu'~il
s'étaitétabliunmodusvivendiau sujet de lalimitelatéraledes compétences
enmatière de pêche o.Mais un modusvivendiimpliquefoncièrement deux
éléments :que l'arrangement en question soit provisoire, en attendant la
solution du différend ;et qu'ilneportepaspréjudice à l'une ou l'autre des
Parties. Le modusvivendiestjudicieusement défini comme suit dans l'ou-
vrage de Satow, intitulé Guide to Diplomatic Practice (5e éd.,p. 262) :

<(C'est ainsi qu'on qualifie un accord temporaire ou provisoire,
qu'on envisaged'ordinaire comme devant êtreremplacéplus tard, si
les circonstances le permettent, par un accord d'un caractère plus
permanent et détailléO . n ne peut pas toutefois le désigner commetel dans tous les cas : le plus souvent, ce qui constitue en fait un modus
vivendiest appelé (<accord temporaire ))ou (accord provisoire o.
Un exemple plus récent :

<<de ce qu'est en substance un modus vivendi(quoique non qualifié
commetel)est l'échangedenotesdu 13novembre 1973constituant un
accord provisoire dans le différend surles pêcheriesentre le Gouver-
nement du Royaume-Uni et le Gouvernement islandais. Il y est noté
que, comme suite aux négociationsentre les deux gouvernements, ...

les accordssuivants ont été mis au point en vue de la conclusion d'un
accord provisoire concernant les pêcheriesdans la zone en litige, en
attendant le règlementdu différendet sans préjugerla positionjuri-
dique ni les droits d'aucun des gouvernements à cet égard ..))(Ibid.,
p. 263.)
Dans son arrêt en l'affaire de la Compétenceen matière de pêcheries
(Royaume-Uni c. Islande), la Cour a déclaré à propos de cet accord :

<A la différencede l'échangede notes de 1961,l'accordprovisoire
de 1973ne seprésente pas comme un (règlement ))du différend et,
indépendamment du fait que sa duréeest limitée,il a nettement le

caractère d'un arrangement temporaire conclu sans préjudice des
droits desParties ;il necomportenonplus aucunerenonciation dela
part de l'une ou de l'autre à sesprétentionsportant sur les points en
litige. (C.Z.J. Recueil1974, p. 18.)

21. Au paragraphe 85, la Cour déclarequ'elle ne peut pas accepter la
suggestiondela Libyeselon laquellela <limite vers lelargeà partir deRas
Ajdir continue ou peut continuer en suivant vers lenord la direction de la
frontière terrestreo. Toutefois, au paragraphe 120, la Cour adopte une
position quelque peu différente, à savoir que :

<<le facteur de perpendicularité par rapport à la côte et la notion de
prolongement de la direction générale de la frontière terrestre consti-
tuent, de l'avis de la Cour, des critères pertinents quand il s'agit de
choisir une ligne de délimitation propre à produire une solution
équitable D.

La Cour n'ignore évidemmentpas que la frontière terrestre de 1910pré-
sente de nombreusescourbes et changeconstamment de direction. Pour
surmonter cet inconvénientpropre àla plupart desfrontièresterrestres,la
Cour déclare ensuite :

s'il est vraique les opinions des géographespeuvent différer sur la
(<direction ))d'une frontière terrestre ne consistant pas en une ligne
droite, oud'une côtequin'estpas rectilignesurunegrandedistancede
part et d'autre du point où l'ondoit tirer la perpendiculaire,la Cour
considèrequ'en la présenteespècela discussion devrait être centrée
sur la ligne des 26" que les Parties, aussi bien que les Etats dont elles
sont les successeurs territoriaux, ont considéréecomme une limite

appropriée o. Il me semble contradictoire de dire dans un paragraphe qu'une affir-
mation selonlaquelle la frontière terrestre devrait êtreprolongéeau large

est à rejeter, en déclarantd'autre part que (la notion de prolongement de
ladirectiongénéralede la frontièreterrestreconstitue, de l'avisde la Cour,
[un]critèrepertinent quand ils'agit,etc. )).Cet éndncé nereposesuraucun
principejuridique. Il est sansfondement dans les conventionssur le droit
de la mer, dans le droit international coutumier et dans la pratique des
Etats. Au contraire, les frontières terrestres sont généralementtracéesen
fonction de circonstances propres à la terre ferme - circonstances de
caractère géographique,historique, militaire,etc. Il n'est pas raisonnable

de supposerque la projection en mer d'une frontière terrestre ainsitracée
puisse servir àdélimiteruneligne de partage équitableseprolongeant fort
loin au large. Il existe évidemmentdes cas où les Etats conviennent de
projeter leur frontière terrestre dans des zones limitées ou acceptent le
tracéd'une droite à partir dupoint terminaldelacôte,suivantune lignede
longitude ou de latitude, pour déterminer la ligne de partage. Mais ces
exemples ne sont pas fréquents, et ils ne sauraientjustifier un prétendu
principe à cet effet.

Il n'est pas exact d'affirmer, comme le fait la Libye, que prolonger la
frontière terrestre au large pour constituer la limite maritime soit un
procédé (<bien établidans la pratique des Etats ))Le mémoire libyencite
aux paragraphes 117 à 119trois exemples qui représenteraient cette pra-
tique des Etats, à savoir l'accord du 4 juin 1974 entre la Gambie et le
Sénégal, l'accord du23 août 1975 entre la Colombie et l'Equateur et
l'accord du 21juillet 1972entre le Brésil etl'Uruguay. L'accord du 4juin
1974 entre la Gambie et le Sénégalstipule à l'article 1 que la (<limite

maritime vers le nord ...suit le parallèle de latitude 13" 35'36" N
(Limits in the Seas, no 85, p. 2 et 3. [Traduction du Greffe/). L'article 2
dispose que la frontière maritime vers le sud est orientée sur une courte
distance (environ 1 kilomètre) en direction du sud-ouest, pour prendre
ensuiteunedirectionnord surunedistance dequelquescentaines demètres
et rejoindre enfin le parallèle de 13" 03' 27" N.
L'accord entre la Colombie et 17Equateurdu 23 août 1975 prévoit à
l'article 1 que les deux pays décident :

<(d'adopter commelimite entre leurs zonesmaritimes et sous-marines
respectives actuellementétabliesou pouvant êtreétablies à l'avenirla
lignedu parallèlegéographiquequi passe par lepoint où la ligne dela

frontière internationale terrestre entre 1'Equateur et la Colombie
rejoint la mer )).(Limits in the Seas, no 69, p. 2. [Traduction du
Greffe.1)
Il s'agit d'une ligne frontière s'étendant au large sur une distance de

200 milles d'ouest enest, le long du parallèle de 1 O 27'24" N. Cette ligne
suitunedirectiontotalementdifférente decelledelafrontièreterrestre, qui
est orientéevers le nord-est.
L'accord du 21juillet 1972entre le Brésiletl'Uruguay n'estpas nonplus
un exemple de projection de la frontière terrestre. La ligne de la frontièremaritime y est définiecomme étantune ligne (<presqueperpendiculaire à

la ligne généralede la côte ))[traduction du Greffe]. Les ministres des
affaires étrangères des deux pays ont déclaré le10mai 1969que :
(<les deux gouvernementsreconnaissent comme ((limite latérale de

leurs juridictions maritimes respectives la ligne médiane dont les
points sont équidistants despoints les plusproches situéssur la ligne
de base >).Apparemment, la commission frontalière conjointe uru-
guayo-brésilienneavait décidéque des lignes simplifiéeset normali-
séesétaientéquitablespourles deuxpartenaires. )>(Limits in theSeas,
no73, p. 1-3.[Traduction du Greffe.])

Il ya une autre difficultéque l'on rencontre quand on veut projeter une
frontièreterrestre verslelarge,etquisemanifeste dansla présenteaffaire :
quelssont lessegmentsdelafrontière terrestrequi doivenatvoiruneffetsurla
directionde laprojection au large ? En effet, les frontières terrestres sont
souvent irrégulières,pour de multiplesraisons,et présentent desincurva-

tionsplus ou moinsimportantes ou unemultitude de directionsdifférentes
à chacun de leurs points. Est-ce uniquement le dernier segment de la
frontière terrestre, aboutissant au point terminal sur la côte, qui est à
retenir ? Quelle doit êtrela longueur de cesegmentpour qu'ilpuisseentrer
en ligne de compte dans la projection d'une ligne de partage qui peut
concernerdes zones maritimestrès étendues ? Ou bien faut-il tracer cette
projection selon l'orientation moyenne de l'ensemble de la frontière ? Il
semble qu'on doive conclure que dans la présente affaire, comme dans

plusieurs autres, la projection vers le large de la frontière terrestre est un
critère bien aléatoire pour le tracéde la ligne de délimitation.
22. Au paragraphe 120, la Cour mentionne aussi (le facteur de per-
pendicularité par rapport à la côte )>comme critère pertinent <(quand il
s'agit de choisir une ligne de délimitation )).Certes, les Etats peuvent
s'accordersuruneperpendiculairequand celaparaît commode dans un cas
précis.Mais il semble peu raisonnable, pour nombre de raisons dont
certaines seront indiquées plus loin, d'invoquer la perpendicularité dans

un cas compliquéportant sur des zones littorales difficiles.
Ni la quatrième conventionde Genève de 1958, ni le projet de conven-
tion mis au point en 1981par la troisièmeconférencesurledroit de la mer
n'ont adoptélesystèmede laperpendicularité àlacôte. Lesraisons en sont
évidentes.Il est en effet trèsrare que les lignes de rivage géographiques
soient rectilignessur de grandes distances. Or le systèmede la perpendi-
cularité risquefort d'être inapplicableou injuste si l'on ne se sert que de

lignesde rivagedroites assezcourtes commelignes de basepour tracerune
perpendiculaire qui se prolonge au large jusqu'à une distance de 200 à
350 milles à partir de la côte en question.
Danslaprésenteespèce,oùl'onaaffaireenréalité à deuxcôtesopposées
qui se font face, cela est manifeste. En pratique, la perpendiculaire à la
ligne de rivage n'est leplus souvent qu'une ligned'équidistance pervertie,
soit parce quela ligne de base sur laquelle elle a étéélevée est trop courte,
soit parce que les côtesconsidéréessontsiirrégulièresqu'ilfaut tracer uneligne de base droite et imaginairepour déterminer la perpendiculaire, en
faisant plus ou moins abstraction des particularités géographiques de la

ligne de rivage réelle.Dans le cas d'espèce, où la ligne de rivage est
extrêmementcompliquée,letracéd'uneperpendiculairepar rapport à une
ligne de base droite imaginairedevrait peut-être faire l'objet d'un raison-
nement inverse, c'est-à-dire qu'il faudrait tout d'abord imaginer la direc-
tion de la (perpendiculaire représentant une ligne de partage équitable
etconstruireensuiteune (lignedebase )à partir delaquelleonpuissetirer
cette perpendiculaire apparemment raisonnable.
Cela est particulièrement vrai lorsque la perpendiculaire doit servir de
lignedepartage sur une vaste distance, entre desplateauxcontinentauxou
des zones économiques.Il s'agitlà en réalitéd'un principe d'équidistance
perverti ou simplifié.Il n'est évidemmentpas àexclure qu'une perpendi-

culaire puisse êtreacceptable dans certains cas particuliers, mais la fai-
blesse manifeste du principe appelle la plus grande prudence.
En l'espèce,j'estime tout d'abord que l'irrégularitde la ligne de rivage
de part et d'autre de Ras Ajdir oblige à éleverla perpendiculaire sur une
ligne de base droite imaginaire s'étendant à des distances égalesde part
et d'autre de Ras Ajdir. Cette ligne de base serait manifestement assez
courte.
En second lieu,j'estime que cette perpendiculaire,qui présenterait une
angulation d'environ 26", serait valable seulement jusqu'à une distance
limitéeà partir de RasAjdir,ettout auplusjusqu'à lalimiteextérieurede la
mer territoriale des 12 milles. Jusqu'à cette limite, elle se rapprocherait

d'une ligne d'équidistance. Mais il ne sembleraitpas judicieux de la pro-
longer au large,par exemplejusqu'à lalatitude de 34" 10'30"N, commela
Courle suggère,et cepour plusieursmotifs. Il seraitinéquitableen effet de
prolonger la perpendiculaire à quelque 50 ou 60 milles versle large, sur la
based'une courteligne de baseimaginairede part et d'autre de RasAjdir,
car la perpendiculaire devient d'autant plus arbitraire qu'elle s'étendau
large, la ligne de base imaginaire ne faisant aucun cas des particularités
pertinentes de la côte. Or celles-cideviennent précisémentde plus enplus
importantes à mesure que la perpendiculaire s'en écarteen suivant une
directiondroite verslelarge.Amon avis,pour qu'une perpendiculaire soit

tiréeà partir de la limite extérieurede la mer territoriale, il faudrait donc
qu'ellesoit élevéesur une ligne debaseimaginairedifférente,joignant par
exemple le point le plus oriental de l'îlede Djerba du côté tunisien et un
point situéà une égaledistance de RasAjdirducôtélibyen. Celadonnerait
uneperpendiculairetotalement différente, par sonangulation par rapport
auméridien,decellequipeut êtreélevés eurla lignede basecorrespondant
à un trèscourt segmentde rivageautour deRas Ajdir. Celasuffit àmontrer
le caractère arbitraire de la direction attribuée aux perpendiculaires
lorsquel'irrégularitédescôtesoblige - commeenl'espèce - à lesmesurer à
partir de lignes de base imaginaires.

Je pense donc que les observations formulées par la Cour au para-
graphe 115 au sujet des effets déformants des <circonstances indivi-
duellespropres à la région))sont également valablespour la constructiondesperpendiculaires à lacôte. Plusuneperpendiculaire s'éloignedelacôte,

moins elle convient à une ligne de délimitation. C'est,à mon avis, le cas
pour l'extension de la perpendiculaire jusqu'à un point situéà 34' 10' 30"
de latitude nord.
23. La Cour évoque la question de la proportionnalité aux para-
graphes 102 à 104, 130et 131de l'arrêt,Maisj'éprouvecertains doutes,
d'unepart quant àla manièredont la Cour a établila réalitéd'unrapport
raisonnable et quant à la méthodequ'elle a appliquée à cet effet et, de
l'autre, quant au rôle de cette méthode en l'espèce.
Je partage l'opinion de la Cour, expriméeau paragraphe 103de l'arrêt,

selonlaquelle la proportionnalité peut êtreun facteurpertinent - non pas
peut-être entant que source de droit indépendante en matière de délimi-
tation, mais en tant que facteur permettant d'apprécier si certains prin-
cipes sont équitables et si la solution finale l'est aussi.
Dans les affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, la Cour
a reconnu la pertinence du facteur de proportionnalité. Au paragra-
phe 101D 3) de l'arrêt,c'est dans les termes suivants qu'ellefait mention
de la proportionnalité, parmi les facteurs ((à prendre en considération ))
au cours des négociations :

((le rapport raisonnable qu'une délimitation opéréeconformément à
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des
zones deplateau continental relevant de 1'Etatriverain et la longueur
desonlittoral mesuréesuivantladirection générale decelui-ci,compte
tenu
à cette fin des effets actuels ou éventuelsde toute autre délimi-
tation duplateaucontinental effectuée entreEtats limitrophesdans la
même région (C.I.J. Recueil 1969, p. 54).

Ce passage de l'arrêtest intéressant à plusieurs égards.
Premièrement, la Cour insiste sur le fait qu'elle a en vue un rapport
raisonnable.Cette conclusion de la Cour ne semble pas autoriser une
répartition mathématique deszones de plateau continental.
Deuxièmement,lefacteur deproportionnalité estétroitementlié à <une
délimitation opérée conformément à des principes équitables o.
Troisièmement,le critère de proportionnalité doit aboutir à un rapport
raisonnable entre les (<zones de plateau continental relevant de 1'Etat

riverain et la longueur de sonlittoral mesuréesuivant la direction générale
de celui-ci)).
Quatrièmement, la Cour insiste sur un point qui peut présenter une
importance pratique en l'espèce : la délimitation doit se faire(<compte
tenu à cette fin des effets actuels ou éventuelsde toute autre délimitation
du plateau continental effectuée entre Etats limitrophes dans la même
région o.
Il se trouve en effet que le plateau continental situé au large du littoral
tunisien orientévers l'est est sérieusementamputépar la ligne de délimi-

tation tracéeentre l'Italie et la Tunisie, et qu'il risque de l'êtreaussi par
d'autres délimitationsavec(l'Italieet)Malte.Lelittoral libyen orientéverslenord-est fait face àdes espaces maritimesbeaucoup plus vastes, et peut
donc êtrepourvu d'un plateau continental beaucoup plus étendu.
Au paragraphe 101de sa décisionde 1977,le tribunal arbitral anglo-
français a formulé d'intéressantesobservations sur le facteur de propor-
tionnalité etsur son rôle dans la délimitationdu plateau continental. Les
conclusions du tribunal arbitral contiennent quatre observations princi-
pales sur la proportionnalité :

a) La première constatation du tribunal est ainsi énoncée :

(<c'estla disproportion plutôt qu'un principe généralde proportion-
nalité quiconstitue lecritèreou facteur pertinent. Commele tribunal
l'adéjàsoulignéauparagraphe 78,ladélimitationéquitableduplateau
continental n'est pas une opération de partage et d'attribution du
plateau continental entre les Etats qui bordent ce plateau. Elle ne
consistepas davantage en une simpleattribution à cesEtats de zones
du plateau proportionnelles à la longueur de leur ligne côtière ;agir
ainsi serait, en effet, remplacer la délimitationpar une attribution de
parts. >>

b) Le tribunal fait ensuite observer, et c'estlà sa deuxièmeconstatation :
<(De plus, le principe fondamental suivant lequel le plateau conti-
nental relèved'un Etat côtier parce qu'il est leprolongement naturel

du territoire de celui-cilimitenettement le recours au facteur de pro-
portionnalité. ))
c) A ce propos, le tribunal ajoute

<Ainsi qu'il estprécisé dans lesaffaires du Plateaucontinental dela
mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969, par. 91), il ne peut jamais être
question de refaire entièrement la nature, par exemple d'égaliserla
situation d'un Etat dont lescôtes sont étendues à celled'un Etat dont
lescôtessontréduites ;ils'agitplutôt deremédier àladisproportion et
aux effets inéquitablesdus à des configurations ou caractéristiques

géographiques particulièresdans dessituationsoù,en l'absencedeces
particularités,les donnéesgéographiquesaboutiraient à une délimi-
tation attribuant à chaque Etat desétenduesde plateau continental à
peu près comparables. ))
d) Enfin le tribunal termine son analyse de la proportionnalité dans les

termes suivants :
<Laproportionnalitédoitdoncêtreutiliséecommeuncritèreouun
facteur permettant d'établir si certaines situations géographiques
produisent des délimitations équitables et non comme un principe
généralqui constituerait une source indépendante de droits sur des
étenduesde plateau continental.

La Cour, en appliquant le critèrede proportionnalité, déclareau para-
graphe 104de l'arrêtque : ((la question de laproportionnalité serapporte àlalongueurdescôtes
desEtats encauseetnon àdeslignesdebasedroites tracéestoutlelong
de ces côtes )).

Et, au paragraphe 131,elleconstate que lerapport entre leslongueursdes
côteslibyenneettunisiennepertinentes est approximativement de 31 à69 ;
etquesi l'on prend enconsidérationlalongueurenlignedroite delafaçade
maritime,

((il existe un rapport de 34 à 66 environ entre la façade maritime
libyennereprésentéepar une ligne droite reliant Ras Tadjoura àRas
Ajdir et la longueur totale des deux façades maritimes tunisiennes
représentéesrespectivement par une lignedroite reliant Ras Kapou-

dia au point leplus occidentaldu golfede Gabèset une seconde ligne
droite tracéeentre ce point et Ras Ajdir )>.
La Cour ne donne pas d'autres précisionssur la manière dont elle est

parvenue à cesrapports mathématiques.Lerapport de31 à 69suit-iltoutes
les sinuositésde la côte? Pour aboutir au second rapport, celui de 34 à66,
entre les longueursen lignedroite des façades maritimes, la Cour rogne-
t-elle sur le territoire terrestre au point de négligerentièrement les pro-
montoires setrouvant au sud du littoral tunisien, dont lespromontoires de
Zarzis, et néglige-t-elleaussi l'île de Djerba? Quel que soit le rapport
considéréi,l semble qu'il soit fait totalement abstraction de l'archipel des
Kerkennah et de seslignes de côte, pourtant étendues.Aucune précision

n'est donnée au sujet des hauts-fonds découvrants ni de l'île de Kneiss.
On me permettra aussi de ne pas être d'accordavec la Cour sur la
position qu'ellea adoptée à propos des <eauxintérieures >)et de leur effet
surlaproportionnalité. Au paragraphe 104,la Courdéclarequ'elle ((n'est
pas convaincue par l'argument de la Tunisie qui voudrait que les zones
d'eaux intérieures et d'eaux territoriales ne fussent pas prises en consi-
dération )>.Et, tout en réaffirmant que le plateau continental, au sens
juridique du terme, ne comprend pas les fonds marins des eaux inté-

rieures et de la mer territoriale, elle déclare au paragraphe 131qu'il faut
en tenir compte pour calculer la proportionnalité. J'estime que ces vues
sont contraires au concept mêmedu plateau continental et qu'elles ne
sont étayéesni par le droit positif ni par l'équité. En l'espèce, cela semble
particulièrement vrai pour les eaux intérieures.
- Du point de vue juridique et politique, les eaux intérieures sont en
principe assimiléesau territoire terrestre. L'Etat exercesa souverainetésur

seseaux intérieuresdela mêmemanièreque sur sonterritoire,d'ordinaire
en appliquant les mêmesdispositions législatives.Dansla présenteaffaire,
ilconvient enoutre deprendre enconsidérationlesdonnéesgéographiques
et physiques. Surde vastes étenduesdugolfe de Gabèsainsi qu'autour de
l'archipel des Kerkennah, de l'îlede Djerba et des deux promontoires de
Zarzis, les eaux sont si peu profondes qu'elles constituent un espace
intermédiaireentrela terreet lamer.Dans cesvasteszones,laprofondeurde
l'eau estrarement deplus de3 à 4 mètres,et lesfondsmarinsdécouvrent àmarée basse.L'exploitation économiquede ces étendues a d'ailleurs un
caractère hybride entre l'aquaculture et l'agriculture. Il est certain par
exemple que les forages pétroliersne peuvent pas y être faitsà l'aide des
installations maritimes ordinaires : plates-formes semi-submersibles,
navires de forage ou plates-formes autoélévatricesflottantes. Ces zones
peuvent-elles êtreconsidérées àquelquefinque cesoitcommefaisantpartie
du plateau continental ? De plus, l'isobathe des 10 mètres et celle des
20mètrespassenttrèsloin aulargedugolfedeGabès.Certainesde ceszones
peu profondes s'étendent mêmeau-delà des lignes de base droites fixées

par la Tunisie dans sa loi no 73-79 du 2 août 1973.Compte tenu de ces
considérationsde fait et de droit, est-ilvraiment conforme auxprincipes et
règlesdu droit international et àl'équité d'appliquerle critèrede propor-
tionnalitéenyincluant leszonesd'eauxintérieurestunisiennes oùleforage
pétroliernécessitel'emploid'installations terrestres ?La Cour me semble
avoir perdu de vue en l'occurrence le sens mêmede la notion de plateau
continental, zone maritime sur laquelle l'Etat côtier exerce une souverai-
neté fonctionnelle limitée - alors que ledit Etat exerce une souveraineté
complète sur samer territoriale,sansparler mêmede seseaux intérieures.
En expliquant le recours au critèrede proportionnalité, la Cour donne

comme raison que (l'on doit comparer ce qui est comparable ))(arrêt,
par. 130).A mon humble avis, la Cour a précisémentfait le contraire, du
moins en faisant entrer les eaux intérieures du golfe de Gabès dans les
calculs de proportionnalité.
Qu'il mesoitaussipermis de direquelaCour,dans son soucide trouver
des argumentsjuridiques, sembleêtrealléetrès loinen l'espèce,en élevant
presque le critère de la proportionnalité - appliquécomme une formule
mathématique - au niveau du droit international, alors qu'aussi bien la
Courdans sonarrêtde 1969queletribunalarbitraldans sadécisionde 1977
avaient fait un usage plus modeste du mêmecritère. A mon avis, l'arrêtde
1969et la décisionde 1977établissentunjuste équilibreentre la propor-

tionnalitéet les principes du droit international applicables.

24. Aux paragraphes 102et suivants de l'arrêt,la Cour évoquela ques-
tiondeslignesdebasedroitespromulguéesparla Tunisie.Auparagraphe 22
ci-dessusj'ai déjàdit que j'étaisen total désaccordavec lesconclusions de
cesparagraphessuivant lesquellesleseaux internes et la mer territoriale de
laTunisiedevraientêtreréputéesfairepartiedeszonesconsidéréesaux fins
de l'application d'un critèrede proportionnalité. Toutefois, la validitédes
lignesdebasedroites employéepar laTunisiedansla régiondesKerkennah
peut être d'une portée considérablequandil s'agit de décidersi les eaux

intérieuresdelaTunisiefontpartie deszonespertinentes auxfinsdu critère
de la proportionnalité. Je m'arrêteraidonc brièvement à cette question.
Dans la loi no73-49du 2août 1973,le Gouvernement tunisien a mis en
vigueur des lignes de base droites destinées à mesurer sa mer territoriale,
d'une largeur de 12 milles, dans certaines zones bordant ces côtes ; il
s'agissait des parties de la mer où se trouvent un chapelet d'îles, îlots et
hauts-fonds (les Kerkennah) ainsi que de la baie de Tunis et du golfe deGabès. (Voir l'annexe 86 au mémoire tunisien.) Une sériecontinue de
lignes de base droites étaient tiréesde Ras Kapoudia jusqu'aux hauts-
fondsavoisinant les Kerkennah, puisjusqu'à Ras Es-Mounsur lesîlots de
Gharbi qui font partie de l'archipel des Kerkennah ;ensuiteune ligne de
base droite fermait le golfe de Gabèsjusqu'à Ras Tourgueness.
Certes, la limite extérieured'une zone économiqueexclusive,de même
que celle d'un plateau continental de 200 milles aux termes de l'article76
du projet de convention, doit dépendre des ((lignes de base à partir des-

quelles est mesuréela largeur de la mer territoriale. ))
Les lignes de base promulguéespar la loi du 2 août 1973ne sont pas
contraires aux règlesactuellement applicables en droit international. La
prémissedont on part est qu'un Etat côtier a le droit souverain de fixer
unilatéralement des lignes de base droites servant à mesurer sa mer terri-
toriale, ses zones économiques,etc. Pour ce faire, il n'a pas besoin de
l'accordou du consentementd'autres pays.Toutefois,si ceslignesde base
sont contraires au droit international, il est loisible aux autres Etats de

protester. Si l'on tient compte de la pratique très générale des Etats, de
l'arrêt rendule 18décembre1951par la Cour internationale de Justiceen
l'affaire desPêcheries anglo-norvégiennes(C.I.J. Recueil 1951, p. 116et
suiv.),ainsiquedes dispositionsdesarticles 4et suivantsde la convention
sur la mer territoriale et la zone contiguë du 29 avril 1958 (première
conventionde Genève)et desarticles7et suivants du projet de convention
sur le droit de la mer en datedu 28 août 1981 - qui codifient en fait les
principes directeurs régissantle tracéde lignes de base droites -, il paraît
évidentque les lignes de base droites promulguées en 1973ne sont pas

contraires au droit international.
Onpeut citer d'abord leparagraphe 1del'article 7 du projet de conven-
tionde 1981,quisuitde trèsprèsletexteduparagraphe 1 del'article 4dela
première convention de Genèvede 1958ainsi conçu :

Dans les régions oùla lignecôtièreprésentede profondes échan-
cruresetindentations, ou s'ilexisteun chapelet d'îleslelong delacôte,
à proximité immédiatede celle-ci, la méthode des lignes de base
droitesreliantdespoints appropriéspeut êtreadoptéepour letracéde
la ligne de base à partir de laquelle est mesuréela largeur de la mer
territoriale.))

S'agissantdesformationsgéographiquesparticulièresquiconstituent les
hauts-fonds découvrants au large des Kerkennah et de l'île de Djerba, il
n'est peut-être pas sans intérêdte relever que le nouvel article 6 qui a été
insérédans le projet de convention de 1981 à propos des récifs estainsi
rédigé :

((Lorsqu'il s'agitdepartiesinsulairesd'une formationatollienne ou
d'îles bordéesderécifsfrangeants, la lignede base à partir delaquelle
estmesuréelalargeurde lamer territoriale estlalaissedebasse mersur
le récif,côtélarge, telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines
reconnues officiellement par l'Etat côtier. II est dit au paragraphe 4 de l'article 7 que :

(<Leslignesdebasedroitesnedoiventpas êtretiréesversou depuis
des hauts-fonds découvrants, à moins que des phares ou des instal-
lations similaires émergées en permanence n'yaient étéconstruitsou
que le tracé de telles lignes de base droites n'ait fait l'objet d'une
reconnaissance internationale générale. ))

11semble que desbaliseslumineusesaient étéplacées surla plupart de
ceshauts-fonds découvrants.En tout cas les engins de pêchestationnaires
quel'ony trouve en abondance et quisont de façonpermanente au-dessus
du niveau de la mer devraient entrer en ligne de compte dans le présent
contexte. Il est d'autre part certain qu'avec les techniquesactuelles l'ins-
tallation de balises lumineuses est une opération simple et peu coûteuse et

qu'on peut mettre ces balises en place en quelques heures.
D'autre part, le paragraphe 5 de l'article 7 est extrêment pertinent,
puisqu'il prévoitque :
<Dans lescasoùlaméthodedeslignesdebasedroitess'appliqueen

vertu du paragraphe 1,il peut être tenu compte,pour l'établissement
de certaines lignes de base, des intérêtséconomiquespropres à la
région considéréd eont la réalitéet l'importance sont manifestement
attestéespar un long usage. ))
Les faits historiques et économiques relatifs à la régionen cause ré-

pondent pleinement à cesconditions,ainsi qu'ilaété exposédans lespièces
de la procédure écrite eten plaidoirie (voir entre autres le mémoiretuni-
sien, par. 3.17-3.31 et 4.43 et suiv.).
En outre, les lignes de base droites tiréesautour de l'archipel des Ker-
kennah sontd'une faiblelongueur.Lapluslongue,c'est-à-dire cellequi se
trouve le plus au nord, semble être d'environ15milles d'aprèsles cartes
marines. esautres lignes sont plus courtes ;certaines d'entre elles n'ex-
cèdent pas 2 milles. Si l'on songe à la pratique des Etats dans le monde
, entier, ces lignes de base sont très modéréest,ant en ce qui concerneleur
longueur que leur mode d'application.

Onpeut en dire de mêmede la ligne de base droite quifermele golfe de
Gabès.Selonlescartes mannes dont on dispose,cette ligneaunelongueur
de quelque 45 à 46 milles entre le Ras Es-Moun et le Ras Tourgueness.
Il faut rappeler dans ce contexte que si, au départ,les lignes de base
droitesjoignant les <<points d'entrée naturels ))d'une baie ne doiventpas
êtred'une longueur supérieure à 24 milles, en vertu du paragraphe 4 de
l'article 10du projet deconventionde 1981,leparagraphe 6de l'article 10
introduit d'importantes modifications à cet égard. Il y est dit en effet :

(Les dispositionsprécédentesne s'appliquent pas aux baies dites
baies historiques ))ni dans les cas où la méthode des lignes de base
droitesprévue à i'article7 est suivie))

L'une ou l'autre des conditions suivantes s'applique à la ligne de base
droite fermant le golfe de Gabès :1) Cettelignepourraitfairesuitetoutnaturellement au systèmedelignes de
base droites tiréesau largede l'archipel des Kerkennahjusqu'à l'île de
Djerba puis vers le continent.

2) Les intérêts économiquestrès particuliers de la populationlocale dans
ces zones marines, notamment pour ce qui est de ses pêcheriestradi-
tionnelles utilisant des engins depêche stationnairesou exploitant des
bancs de pêchetraditionnels,qui ont créé aucoursdes temps des droits
depropriété, sontunfaitquia étéétabli. Ilparaîtnon moinsévidentque
le golfe de Gabès présenteles caractéristiques d'une baie historique.

En outre, les singularitésde la régionen question, où l'on trouve toute
une série d'îles à forte densité de population telles que l'archipel des
Kerkennah et les îles de Djerba et de Kneiss, seconjuguant avecles par-
ticularités géographiquesdes hauts-fonds découvrants et la forte inden-
tation du rivage (golfe de Gabès), représentent manifestement des (<cir-

constancespertinentes propres àla région ))(article 1du compromis). Ces
eauxsont d'autre part sipeu profondes quela population locale les consi-
dère généralementcomme une partie intégrante du territoire terrestre.

25. Il a étésoutenu dans les écritures quela ligne de délimitation ne
devait pas passer devant les côtes des Parties.
Il va de soi que le tracéd'une ligne de délimitation,aussi bien sur terre
qu'en mer, a toujours pour effet de limiter l'extension d'un territoire. Les

conflits ou les effets restrictifs semblent inhérents à une telle opération.

Enl'espèce,lescôtesdesdeux pays sont (opposées >)l'uneà l'autre selon
un angle de 90" ou plus. En pareil cas, la ligne de délimitation avance
nécessairementverslelargedansunedirection tellequ'ellepassedevant les
deux pays, du moins dans une perspectivemacrogéographique. Il paraît
également évidentqu'une Partie ne peut pas invoquer l'argument de la
(<façade )pour faire passer la ligne de délimitationuniquement devant le
territoire de l'autre Partie.

Selon moi, cette notion de ligne passant devant un pays pourrait
permettre d'évaluerl'équitédesrésultatsobtenus. Il semble àcet égardque
la ligne proposéedans le dispositif de l'arrêt passebeaucoupplus près des
côtestunisiennes quedescôtes libyennes.En réalitél,aligneproposéeparla
Cour - comme il ressort de la carte no3jointe à l'arrêt- est sur toute sa
longueurpresque deuxfoisplusprochedescôtesde laTunisiequede celles
delaLibye. Cerésultat neparaît paséquitable.La Courparaît icitraiterles
côtes de la Tunisie comme si elles étaienten quelque façon inférieures.

J'estimequ'ileût étéplus équitableen l'espècederépondre àl'argument
de la façade maritime en appliquant la méthode dela ligne d'équidistance
corrigée.
26. Au paragraphe 107del'arrêt la Courdéclarequ'encequi concerne
<(la présencede puits de pétrole dans une zone à délimiter,cette présence
peut, selonles faits,représenterunélémen t considérerdans leprocessusaucours duquel tous les facteurs pertinents sont soigneusement peséspour
aboutir à un résultat équitable)>Or ilmeparaît clair,d'aprèslacarte no85
présentéepar la Tunisie au cours de la procédure orale(voir égalementle
contre-mémoirelibyen, vol. 3,ann. 9) que l'un au moinsdespuits forésde
bonne foi par la Tunisie,sans soulever d'objection semble-t-il,en l'occur-
rence le puits Jarrafa no 1, dont les coordonnées sont 13"4'23,6" de
longitude est et 34" 31'28'8"delatitude nord, estnettement àl'intérieurde

la part de plateau continental revenant à la Libye d'après la ligne de
délimitation à 52". LaCour sembleavoir complètementnégligé cp euits en
adoptant la solution qu'elle énoncesur la base de l'équité, cequi paraît
contraire aux prémisses dont elle part dans l'extrait queje cite ci-dessus.
Il faut d'ailleurs se poser une question plus graveàmon avis : c'estde
savoir jusqu'à quel point les considérations économiques doivent faire
accepterun fait accompli.Autrement dit, faut-iltracer la ligne de partage
de façon à admettre l'existencede concessions accordéesunilatéralement
par l'une desPartiesau détriment de l'autre ? Ou à admettre l'existencede
puits forés par l'une ou l'autre des Parties dans une zone litigieuse ?
Adopter cetteconceptionrisquerait d'êtrecontraire au droitinternational,

et contraire aussià l'équité. La délimitation du plateau continentalentre
Etats limitrophes(et entreEtatsdont lescôtesse font face)doit enprincipe
êtredéterminée par voied'accordentre lesParties,cequi estprécisémentle
contraire d'une action unilatérale, que celle-ci se traduise par un acte
législatif(octroi de concessions dans une zone contestée) ou, pis encore,
par leforagedepuits etla miseen train d'une production pétrolièredansla
zoneen cause. La Cour,enacceptant d'unefaçonquelconque quele forage
de puits de pétroledans une zone contestéepuisse avoir la moindre per-
tinencepour la délimitation, encouragerait en fait les Partiesàenfreindre
certaines des tendances fondamentales formulées dans la quatrième
convention de Genève de 1958et dans le projet de convention de 1981,

et risquerait d'inciter les Etaàsadopter non pas une attitude de concilia-
tion mais une attitude agressive, consistant a prendre possession des
zones revendiquées.
Les articles 74 et 83'du projet de convention sur le droit de la mer,
concernant la délimitation du plateau continental (ou de la zone écono-
mique exclusive)entreEtats dont les côtessont adjacentes ou sefont face,
énoncent des dispositionsextrêmementintéressantes à cet égardau para-
graphre 3 :

(En attendant la conclusion de l'accord viséau paragraphe 1,les

Etats intéressés, dansun esprit de compréhensionet de coopération,
font tout leur possible pour conclure des arrangements pratiques
provisoires et pour ne pas compromettre ou entraver pendant cette
période de transition la conclusiondel'accord définitif. Les arrange-
ments provisoires sont sans préjudice de la délimitation finale. ))

Eton notera aussil'article 77,paragraphe 3,dumême projet deconvention,
qui stipule : (<Les droits de l'Etat côtier sur le plateau continental sont indé-
pendants de l'occupation effectiveou fictive, aussi bien que de toute
proclamation expresse. a

Cettedisposition,qui est reprise mot pour mot de l'article2,paragraphe 3,
delaquatrièmeconventionde Genèvede 1958,n'estpassansimportanceen
l'espèce.L'Etat côtier n'a pas besoin d'accomplir un acte positif pour
posséderun plateaucontinental. Al'inverse,l'actepositif d'un Etat tiersne
doitpasdéposséderfacilement l'Etatcôtierde sesdroits.En tout cas,cetype
d'acte ne doit pas êtreencouragé.

CONCLUSIONS

Pour lesraisonsindiquéesci-dessus,je me vois à mon grand regret dans
l'obligation de ne pouvoir souscrirà certains desprincipaux motifs de la
Cour et pas davantage à ses conclusions.
Mes objections sont notamment les suivantes :
Lesprincipalescirconstancespertinentespropres à larégion,oubien ont
étéignorées,ou bien n'ont pas peséde tout leur poids. Les considérations
d'équitéont joué un rôle, mais dans le vide, sans que fût établile lien

indispensable entre ces considérations et les principes et règlesdu droit
international reconnus, quoique non obligatoires,ce qui estompe la dis-
tinction entre les principes d'équitéen tant qu'élémentsde l'ordre juri-
diqueinternational et lesconsidérationsexaequoetbono.Jenesuispasnon
plus convaincu que les considérations d'équitéinvoquéesaient produit le
résultat souhaité, c'est-à-dire une solution équitable.J'estime par ailleurs
que la Cour n'a pas accordéassez d'intérêt au principe de l'équidistance
parmi les principes qui pouvaient être appliqués à la délimitation en
l'espèce.Je pense que le principe de l'équidistance aurait abouti en l'oc-
currence, sous réserve d'enadapter les effets ou de les modérer grâceaux
considérations d'équité,à une solution plus équitable et moins hypothé-
tique que la ligne indiquéepar la Cour. Celle-ci aurait dà tout le moins
essayer d'indiquer en détailcequ'eût étéuneligned'équidistance adaptée

enfonction desconsidérationsd'équitée ,tdirepourquoi une telleligneeût
produit un résultat peu équitable. Enfin, à mon sens, la Cour n'a pas
accordé suffisamment d'attention aux nouvelles tendances admises à la
troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, et en
particulieràlanotion dezoneéconomiqueexclusivede 200milles.Touten
s'inspirant largement,pour le tracéde sa ligne de délimitation, de consi-
dérations relatives à l'exploitation des hydrocarbures et à l'octroi de
concessions pétrolières, la Cour n'a, semble-t-il, pas songé qu'il serait
manifestement opportun de tracer des lignes de délimitation identiques
pour le plateau continental et pour la zone économique exclusive de
200 milles.
Je n'ignorepas qu'ilserait vain, voire inopportun, de suggérerune autre

ligne de délimitation, reposant, sous réserved'adaptation, sur le principede l'équidistance.Je m'abstiens donc de lefaire. Je pense toutefois qu'une
telle ligne eût étéplus facile à construire et eût représentéune meilleure
ligne de partage pour l'établissement ultérieurde zones économiques
exclusivesdans la région.
Toutefois, etbien qu'étantdans l<mpossibilitéde souscriresur plusieurs

points à l'arrêtdela Cour,y compissondispositif,je reconnais quela Cour
s'est employée à effectuer une délimitation répondant selon elle à la
nécessitéd'une solution équitable. Je reconnais en outre que, dans sa
décision,la Cour a cherché àindiquer le tracéd'une ligne partageant les
zones en litige entre les deux Parties. J'exprime donc l'espoir fervent que
l'arrêtde la Cour - qui est, bien entendu, obligatoire pour les Parties en
vertu de la Charte des Nations Unies, du Statut de la Cour et des enga-
gements contractés par les Parties elles-mêmes - favorisera les relations
d'amitié etdebon voisinageentre lesPartieset servira la causedela paix et
du progrès surnotre planète tourmentée.

Pour complémentde mon opinion dissidente exposée plus haut,je me
permets de soumettre respectueusement aux deux Parties les réflexions
suivantes.
L'évolutionrapide enregistréedepuisquelquesdizainesd'annéesdans le
domaine du droit international de la mer - à la suite de l'extraordinaire
révolution des techniques marines, comme d'ailleurs de toutes les tech-
niques - fait que de vastesrégionsde l'environnement marin doivent être
soumises à la souverainetéfonctionnelleetlimitéede1'Etatcôtier adjacent.
La nécessitéde tracer de nouvelles frontières maritimes entre Etats limi-
trophes ou se faisant face - souvent jusqu'à des distances de plusieurs
centaines de milles - dérive manifestement de cette évolution. Il est

également évidentque ces questions nouvelles entraînent forcément cer-
taines difficultés, voiredes tensions politiques, entre les meilleurs voisins,
nonpas faute de vouloir y trouver dessolutionsjustes et équitables, mais à
causede l'énormité etdu caractèretout àfait particulier desproblèmesqui
se posent.
Qu'il me soit donc permis de soumettre les réflexions suivantes à la
considération desParties.Je suisfermement d'avis que :dans leprocessus
de délimitation etdans les résultatsqu'il produit, il peut intervenir des
facteursautres que le simpletracéde lignes - des facteurs susceptibles de
rendre une ligneou un systèmede délimitation plusjuste et plus équitable

que cela ne serait le cas autrement.
Dans la présente espèce,les préoccupations immédiates des Parties
portent avant tout sur l'exploitation pétrolière. Mais, commeon le sait,
l'exploitation pétrolièresupposeune combinaison de capacités techniques
et de chance. Letracéd'une lignede délimitationentre lesEtats peut, pour
ce qui est du potentiel pétrolier, représenterun simple pari, un fait acci-
dentel qui risque de laisser de richesgisements d'un côtéde la ligneet rien
du tout de l'autre.
Certainsarrangements prévoyantune prospection commune, ainsi que
l'utilisation oumêmeunejuridiction conjointe, dans leszonesde superficielimitéequise chevauchent,peuvent servir de corollaire aux autres consi-
dérations d'équitéC .ela n'avait pas échappéà la Cour dans les affaires du
Plateau continentalde la mer du Nord, comme le démontrent le para-
graphe 101C 2) du dispositif ainsi que les paragraphes 97 et 99 de l'arrêt
(C.I.J. Recueil 1969, p. 51-53).
La Cour a esquissédans ces textes une solution possible dans le cas des

zones de chevauchement. Cette solutionconsiste, fauted'ententeentre les
Parties sur une ligne de délimitation, diviser la zone de chevauchement
(<par parts égalesw, à moins que les Parties (n'adoptent un régimede
juridiction, d'utilisation ou d'exploitation commune pour tout ou partie
des zones de chevauchement D.
S'agissantd'une telle proposition d'exploitation commune,je prendrais
pour point de départune ligne d'équidistance ajustéepartant du point où
lalignedes 26' tiréedeRasAjdir rencontrelalimite de lamer territoriale à
12milles de la côte. Je me permets de proposer une ligne de délimitation
ajustée qui, s'infléchissantàpartir de ce point, prendrait une direction
approximative de 46 ou 47" NE.
On peut suggéreren outre le systèmesuivant d'exploitation commune
des ressources pétrolières. De part et d'autre de la ligne rectifiée,il con-

viendrait de tracer une ligne s'écartant de quelque 10 à 15' de la ligne
de délimitation. Les deux zones ainsi délimitéesauraient approximati-
vement la mêmedimension et constitueraient une zone d'exploitation
commune.
Pourcettezoned'exploitation commune, les Partiesdevraientmettre au
point une politiquecommune deprospection etd'exploitation.Lamodeste
suggestion qui suit peut être formulée à propos de ces politiques.
Dans la zone située du côté tunisien de la ligne de délimitation, la
législation,la politiquepétrolièreet l'administration tunisiennerégiraient
les activités pétrolières. Dans lazone située du côté libyen, ce sont la
législation, la politique pétrolièreet l'administration libyenne qui régi-
raient ces activités.
Chacune des Parties aurait la possibilité de participer aux activités

pétrolièresdansla zone restreinte del'autre Partie, telle qu'elle estdéfinie
plus haut, avecuneparticipationdecinquantepourcentsoit directement soit
Dar le canal de concessionnaires. La Partie nationale aurait droit d'être
l'entrepreneur,à moins qu'il n'en soit convenu autrement.
Chaque Partie paierait les frais de prospection et d'exploitation en
fonction du pourcentage de sa participation.
Les Parties constitueraient un comitéconsultatif permanent pour les
activitésmenéesdans les zones d'exploitation commune.
Au cas où des dissentimentsrésulteraient des activités menéesdans les
zonesprécitées etoùlesPartiesneparviendraientpas à lesrésoudrepar voie
d'accord, des procédures de conciliation et d'arbitrage seraient prévues.
De même,il serait prévu des procédures d'exploitation unitaire pour
l'exploitation et la copropriétéau cas où un gisement de pétrolese trou-

verait à cheval sur la ligne de délimitation ou sur les lignes extérieures
délimitant les zones d'exploration commune. Dans les affairesdu Plateaucontinental delamer duNord, la Cour s'est
prononcéecomme suit sur la question de l'unité desgisements, au para-
graphe 97 de son arrêt :

((Un autre élémen t prendre en considérationdansla délimitation
des zones deplateau continental entreEtats limitrophesestl'unité de
gisement.Lesressourcesnaturellesdu sous-soldelamerdans lapartie
qui constitue le plateau continental sont l'objet mêmedu régime
juridique institué à la suite de la proclamation Truman. Or il est
fréquentqu'un gisements'étendedesdeuxcôtésdelalimiteduplateau
continental entre deux Etats et, l'exploitation de ce gisement étant

possibledechaquecôté,un problèmenaîtimmédiatementenraisondu
danger d'uneexploitationpréjudiciableouexagérép earl'un ou l'autre
desEtats intéressésS.ansallerplusloinquela merduNord,lapratique
des Etats montre comment ce problème a été traité et il suffira de
releverles engagementsprispar des Etats riverains de la mer du Nord
pour assurer l'exploitation la plus efficace ou la répartition des pro-
duits extraits (cf. notamment l'accord du 10 mars 1965 entre le
Royaume-Uni etlaNorvège,article 4,l'accorddu6 octobre 1965entre
le Royaume-uni et les Pays-~as sur l'exploitation de structures
géologiquess'étendant depart et d'autre de la ligne de séparation du
plateau continental situé sous la mer du Nord et l'accord du 14mai

1962entre la République fédérale etles Pays-Bas sur un plan d'ex-
ploitationcommunedes richessesdu sous-soldans lazonedel'estuaire
de l'Emsoù la frontière entre les deux Etats n'a pas été délimitéede
façon définitive). LaCour ne considèrepas que l'unité degisement
constitueplus qu'un élémendtefait qu'il estraisonnable deprendre en
considération au cours d'une négociationsur une délimitation. Les
Partiessontpleinementinformées de l'existencedu problème comme
des possibilitésde solution. (C.I.J. Recueil 1969, p. 51-52.)

Dans son intéressante opinion individuelle, M.Jessup examinait d'une
façon assezdétaillée lesquestionsdecoopération etd'exploitation unitaire
(p. 81-83).Jepartage sonopinion selonlaquelle, ((mêmesil'on estimeque
[leprincipe de coopération] ne révèlepas l'existence d'une règlede droit
international en voie de formation, on peut du moins y trouver un exposé
desfacteurs àprendreenconsidérationdans lesnégociationsquelesParties

doivent à présent entamer O.
Il existe nombre d'accords sur la délimitation du plateau continental
traitant expressémentde la questiondel'exploitationunitaire.Certainsde
ces accords sont mentionnés dans l'arrêtde la Cour de 1969 relatif aux
affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, page 52.
C'estainsique,dans l'accordentreleRoyaume-Unietla Norvègeconclu
le 10mars 1965,il est prévu à l'article 4 que:

(Au cas où une structure géologiqueou un gisement contenant du pétrole outout autre produit minéral,y compris du sable ou du gra-
vier, s'étendraientde part et d'autre de la ligne de séparation, et au
cas où lapartie de cette structure ou de cegisement qui est situéed'un
côtéde la ligne de séparation pourrait êtreexploitée,totalement ou
partiellement, àpartir de l'autre côtéde la ligne, les Parties contrac-
tantes, agissant le cas échéanten consultation avec les titulaires de
permisd'exploitation, s'efforcerontde semettre d'accord sur la façon
d'exploiter leplus efficacement la structure ou le gisement considérés

et de répartir le produit de cette exploitation))
On trouve des dis~ositions analog-es dans l'accord sur la délimitation
du plateau continental signéentre la Suède et la Norvège le 24 juillet
1968.
L'accordentre leDanemarket laNorvègedu 8décembre1965traduit un

engagement plus ferme : l'article4 prévoitque, en pareil cas, un accord
d'exploitation unitaire <<sera conclu >)à la requête de l'une des parties
contractantes. Des dispositionsidentiques figurent dans l'accord de déli-
mitation conclu entre les îles Féroé et laNorvègele 15juin 1979.

Il semble souhaitableque, dans laprésenteespèce,les Parties àl'accord
mentionné à l'article 2 du compromisprévoient des procédures d'exploi-
tation unitaire dans lescas où un gisement de pétrole seraitsituéde part et
d'autre de la ligne de délimitationou de la ligne de partage adoptéepour
définirla zone d'exploitation commune proposée plus haut.

(Signé Jens EVENSEN.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE EVENSEN

1. To my deep regret, 1 find myself unable to share the views of the
Court on thepracticâl method laid down in theJudgment for determining
theline of delimitation for thearea of thecontinental shelfappertaining to
each of the two Parties, or the reasons provided therefor in the Judgment.
My regrets are sincere because of the overwhelming respect 1feel for the
International Court of Justice and for its predecessor, the Permanent
Court of International Justice, as international institutions whose very
existenceand whosepatient work have givenjustified hopes to aturbulent
world that justice can be found and peace be built, not upon arms and
wanton sacrifice of human lives,but on the painstaking development of a

newinternational order based on the Rule of Law.Likewise,my dissenting
opinion in no way affectsthedeepand sincererespect 1havefor the Court,
comprised as it is of illustrious internationalists who, through their un-
tiring work, have enhanced the Court's role and impact as a conflict-
solving international organ of the highest order.1also realize the impor-
tance of the present case and my inadequacies when presenting a dissent-
ing opinion, acting as an ad hoc Judge in the present case.

2. The Court'sjurisdiction in this case derives from the Special Agree-
ment (Compromis) of 10 June 1977. (See Statute, Art. 36, para. 1.)The
main provisions regarding the Court's jurisdiction are contained in
Article 1 of the SpecialAgreement.
There are certain rninor discrepancies between the Parties in the trans-
lations from the original Arabic. These discrepancies to some extent
reflected the divergence of views between them as to the competence
entrusted to the Court by the SpecialAgreement. But as appears from the
Judgment, these discrepancies have not been of significance as to the

Court's interpretation of its competence. 1 share this view.
1likewiseshare the viewthat inthe present case, the task of the Court as
defined in Article 1of the SpecialAgreement of 10June 1977differsfrom
that entrusted to the International Court of Justice in the North Sea
ContinentalShelfcases by SpecialAgreement of 2 February 1967and that
entrusted to the Court of Arbitration in the Delimitation of the Conti-
nental Shelf case by the Arbitration Agreement of 10July 1975,between
France and the United Kingdom.
Under Article 1 of the present Special Agreement the International
Court of Justiceis "requested to render itsjudgment" with regard to what
principles and rules of international law may be applied for the delirnita-
tion of the respective continental shelf areas of the Parties. The starting
point is of course that it is for the Court tode what are the "principles OPINION DISSIDENTE DE M. EVENSEN

[Traduction]

1. A mon grand regret,je me trouve dans l'impossibilitéde partager les
vues de la Cour sur la méthode pratique énoncéedans l'arrêt pour déter-
miner la lignededélimitationdes zones de plateau continental relevant de
chacune des deux Parties, ainsique sur les motifs avancés àcet effet. Mes
regrets sincères sontà la mesure du respect que j'éprouvepour la Cour
internationale de Justice et pour sa devancière, la Cour permanente de
Justice internationale, institutions internationaldont l'existence même

et le patient labeur ont donné au monde en tumulte de bonnes raisons
d'espérer lerègnede lajustice et l'instauration de la paix grâceaux efforts
consentis pour érigerun nouvel ordre international fondé sur la légalité,
sans recours aux armes et sans sacrifice inutile en vies humaines. Mon
opinion dissidentene diminuepas davantagele respect profond et sincère
que j'éprouve pourla Cour, en tant qu'organe composéd'illustres inter-
nationalistes qui, par leurs travaux, ont inlassablementrenforcéle rôle de
la Cour et accru son rayonnement d'organe international suprême de
règlement des différends. Enfin, je suis conscient de l'importance de la
présente affaire et de mes insuffisances au moment de présenter une

opinion dissidente en tant que juge ad hoc.
2. La compétence de la Cour en l'espècedécoule du compromis du
10juin 1977(voir art. 36, par. 1, du Statut), dont l'article 1 contient les
principales dispositions sur ce point.

Sur quelques points mineurs, les Parties sont en désaccordquant à la
manièrede traduire le texte originalarabe. Dans une certaine mesure, ces
désaccords reflètent leurs divergences de vues sur la compétence que le
compromis confère à la Cour. Toutefois, comme il ressort de l'arrêt,ces
désaccordssontrestéssansimportancepourl'interprétationpar laCourde
sa propre compétence.Je partage ce point de vue.

Jesouscrisaussi àl'opinion selonlaquellela tâchedelaCour enl'espèce,
telle qu'elle est définieà l'article 1 du compromis du 10juin 1977, se
différenciedecellequelecompromis du 2 février1967luiconfiait dans les
affaires du Plateau continental dela mer du Nord et de celle que le com-
promis d'arbitrage du IOjuillet 1975entre la France et le Royaume-Uni
attribuait au tribunal arbitral dans l'affaire de la délimitation du plateau
continental.
Aux termes de l'article 1 du compromis en la présente espèce, il est
demandé >à laCour internationale dejustice (derendre son arrêt ))surles
principes du droit international quipeuvent être appliquéspour délimiter

leszones respectives deplateau continental des Parties. Il appartientdonc
à la Cour de décider quels sont les (principes et règlesdu droit interna-and rules of international law" applicableto thepresent case according to
Article 38,paragraph 1,of the Statute of the Court, taking into consider-
ation the provisions of the Special Agreement concluded between the
Parties. In laying down the principles and rules of international law ap-

plicable to the delimitation of the areas concerned the Court is requested
"to take its decision according to" :
(a) equitable principles ;
(b) the relevant circumstances which characterize the area ;
(c) the new acceptedtrendsin the Third Conferenceon the Law of the Sea
(Art. 1,para. 1).

1sharethe viewof theCourt that theseprovisions mayhave abearing on
the sources of law available to the Court in the present case ;and likewise
theobservation by the Court that the reference to these factorsinArticle 1
may affect the legal relations of the Parties in the present case only, but
cannot affect the position in law of other States.

However, 1beg to differ somewhat with the Court with regard to what
specificelementsmay be relevant in this connection ; therelative weightto
be given to these elementsand the relative weight and importance thereof

measuring the one vis-à-vis the other. 1shall revert to these questions.

Paragraph 2 of Article 1has likewise considerable bearing on the task
entrusted to the Court. It provides that "Also the Court is further
requested" :
(a) to clarify the practical method for the application of the above-men-
tioned principles and rules ;
(b) to do so in relation to the specific situation ;

(c) to do so,soasto enable theexperts of the twocountriesto delirnit these
areas without any difficulties.
1share the viewof the Court that clearly the Court's task is to render a
binding and final

"judgmentin acontentious caseinaccordance withArticles 59and 60
of the Statute and Article 94, paragraph 2, of the Rules of Court, a
judgment which willhave thereforethe effect and theforce attributed
to it under Article 94 of the Charter of the United Nations and the
said provisions of the Statute and the Rules of Court" (Judgment,
para. 29).

Of coursethe Court hasnot beenasked to render an advisory opinion, asit
could not be asked to do so, in the present contentious case between two
States. Nor could it agreein any other way solelyto give"guidance" to the
Parties to the present dispute which would lack the essentialelements of a
forma1judgment (UN Charter, Art. 96).

1 share the view that the Court in its Judgment should lay down thetional ))applicables à la présente affaire, conformément à l'article 38,
paragraphe 1, du Statut de la Cour et compte tenu des dispositions du
compromis conclu entre les Parties. En énonçantcesprincipes et règles,la
Cour, ainsi qu'il lui est demandé, décideraconformément )):

a) à des principes équitables ;
b) aux circonstancespertinentes propres à la région ;

c) aux nouvelles tendances acceptées àla troisièmeconférencesur ledroit
de la mer (art. 1,premier alinéa).
Comme la Cour,je considère que ces dispositions peuvent avoir cer-
taines conséquences sur les sources de droit qui lui sont ouvertes en

l'espèce.Je souscris aussi à l'observation de la Cour selon laquelle la
mention de cesdivers facteurs à l'article 1ne peut avoir d'effet quesur les
relationsjuridiques entre les Parties à la présente affaire, et n'affecte en
rien la position en droit des autres Etats.
On me permettra cependant de n'êtrepas entièrementd'accord avecla
Cour sur le choix des élémentsparticuliers qui peuvent intervenir à cet
égard ;sur le poids à accorder à chacun d'eux ;enfin, sur l'importance
qu'ilsrevêtent les unspar rapport aux autres.Je reviendrai par la suitesur
ces questions.

Ledeuxièmealinéade l'article 1a aussi beaucoupd'importance pour la
tâche confiée à la Cour. Il y est dit : <<D'autre part il est également
démandé à la Cour )):
a) declarifierla méthodepratique pour l'application desdits principes et

règles ;
b) de le faire par rapport à la situation précise ;et
c) delefairedemanière à permettre aux experts desdeuxpays dedélimiter
ces zones sans difficulté aucune.

Je pense, comme laCour,que sa tâcheconsiste manifestement à statuer
de manière obligatoireet définitive
t<au contentieuxpar un arrêt rendu conformémentaux articles 59et
60 du Statut et à l'article 94, paragraphe 2, du Règlement, qui aura

donc l'effet etla force obligatoireque lui attribuent l'article94 de la
Charte des Nations Unies et lesdites dispositions du Statut et du
Règlement ))(arrêt, par.29).

La Cour n'a évidemment pas étépriée de donner un avis consultatif,
puisque celanepouvait pas luiêtredemandédansuneaffairecontentieuse
opposant deux Etats. Elle ne pouvait pas non plus accepter de donner de
simples <(directives aux Parties au présent différend, car les éléments
essentiels d'un véritable arrêt auraient alors fait défaut (Charte des
Nations Unies, art. 96).
Je conviens que, dans son arrêt, la Cour devait énoncer la méthodepractical method for the application of the principles and rules of inter-
national law with the degree of precision applied by the Court in the
operative part thereof. 1 further share the view that in concluding a
treaty according to Articles2 and 3 of the Special Agreement for the pur-
pose of implementing the Judgment the negotiations of the Parties will
be of a limited and technical nature providing in treaty form for the
concrete line of delimitation drawn up by the experts of the two Parties.
This must be done in compliance with the practical method for the appli-
cation of the principles and rules of international law laid down in the
Judgment.

3. 1now revert to theprovisions of Article 1,paragraph 1,of the Special
Agreement wherein theCourt iscalleduponinrenderingits decision based
on principles and rules of international law to take account of :
(a) equitable principles ;
(6) the relevant circumstances which characterize the area ;and
(c) the recent trends admitted by the Third Conference on the Law of the
Sea.

Obviously this enumeration does not convey authority to the Court to
decide ex aequoetbonounder Article 38,paragraph 2,of the Statute of the
Court.
A further question is whether this enumeration in Article 1 changes,
enlarges or restricts the sources of international law available to the Court
in this case.
4. Re (a) : The reference to equitable principles follows from already
establishedconcepts of the applicablesources of international law. It is of
importance that the Parties are in agreement on this point. However, they

seemto disagree what theseequitableprinciplesare,and theconcrete legal
consequencesto be drawn from this reference.

The expressreference to equitable principles in the Agreement may to
some extent have been inspired by the provisionscontained in the Third
Conference on the Law of the Sea : draft convention (Informa1Text),
document A/CONF.62/WP.lO/Rev.3 of 27 August 1980.This draft text
had identical provisionsin Article 74 for Exclusive Econornic Zones and
Article 83 for the continental shelf with regard to delimitation of these
zones between States with opposite or adjacent coasts. Paragraph 1pro-
vided :

"The delimitation of the continental shelf [the exclusiveeconomic
zone]between States withopposite or adjacentcoastsshall be effected
by agreement in conformity with international law. Such an agree-
ment shall be in accordance with equitable principles,employingthe
median or equidistanceline, whereappropriate, and taking account of
al1circumstancesprevailing in the area concerned."

These formulations were arnended during last year's session of thepratique pour l'application des principes et règlesdu droit international
avecledegrédeprécision qu'elleluiadonnédansledispositif. Jereconnais
aussique, lorsqu'un traitéseraconclu conformémentaux articles 2 et 3du
compromis pour appliquer l'arrêt,les négociations des Parties devront
avoir un caractère limité et technique, le but étant de fixer sous forme
conventionnelle la ligne concrètede délimitation tracée par leursexperts.
A ceteffet, ellesdevront seconformer àla méthodepratique énoncée dans
l'arrêtpour l'application des principes et règlesdu droit international.

3. Jereviensmaintenant auxdispositions dupremier alinéadel'article 1
du compromis, où ilest demandé àla Cour derendre sadécisionfondéesur
les principes et règlesdu droit international en se conformant :
a) à des principes équitables ;
b)aux circonstances pertinentes propres à la région ;
c) aux tendances récentes admises àla troisièmeconférencesur ledroit de

la mer.
Ilestmanifeste que cetteénumérationn'habilitepas la Cour àstatuer ex
aequo etbon0conformément à l'article 38, paragraphe 2, du Statut de la
Cour.
Mais on peut se demander si cette énumérationde l'article 1 modifie,
étendou restreint les sources du droit international dont la Cour pouvait

s'inspirer en l'espèce.
4. a)La mention desprincipes équitables découled'une conception déjà
bien établiedes sources applicables du droit international. L'existence
d'un accord entre les Parties sur cepoint est un fait important. Mais il ne
semblepas que cet accord s'étende à la teneur des principes équitables, ni
aux conséquencesjuridiques concrètes àtirer de la mention de ces prin-
cipes.
Il se peut que cette référence expressedu compromis aux principes
équitablesait étéinspirée d,ansune certainemesure, par lesdispositions du
projet de convention (texte officieux)dela troisièmeconférencesurledroit
de la mer (document A/CONF.62/WP.lO/Rev.3, du 27 août 1980).Ce
projet contenait à l'article 74, relatàfla zone économiqueexclusive, et
à l'article 83, relatif au plateau continental, des dispositions identiques

concernant la délimitation de ladite zone ou dudit plateau entre Etats
dont les côtes se font face ou sont adjacentes :
(<La délimitation du plateau continental [de la zone économique
exclusive]entreEtatsdont lescôtessont adjacentes ou sefont faceest
effectuéepar voied'accord conformément audroit international. Cet
accord est conclu selon des principes équitables, en prenant le cas

échéantpour référence la ligne médiane ou la ligne d'équidistance et
en tenant compte de tous les aspects de la situation dans la zone
considérée. (Art. 74 et 83, par. 1.)
Ce libelléa étémodifié au coursde la session de la conférence tenue 281 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP.EVENSEN)

Conference. Thedraft convention onthe Lawof the Seaof28 August 1981
(doc. A/CONF.62/L.78), Articles 74 and 83, now provides :

"The delimitation of the continental shelf [the exclusiveeconomic
zone]between States withopposite oradjacent coastsshallbe effected
by agreement on the basis of international law as referred to in
Article 38of the Statute of theInternational Court of Justice in order
to achieve an equitable solution."

This new text was suggested as a compromise in order to satisfy two
group factions in the Conference. It may havesomemeritsinfulfillingthis
aim sinceitmakesno referenceeither to the equidistanceprinciple orto the
equity principle. The new twist isthe general reference to Article 38of the
Statute and theprovisions to the effect that the delimitation must result in
"an equitable solution". It has not been discussed in detail in the Con-
ference.
5. Re (6) :The expressreference inArticle 1,paragraph 1,of the Special
Agreement to the relevant circumstances which charactenze the area is of
course

"in complete harmony with thejurisprudence of theCourt, asappears
from its Judgment in theNorth Sea ContinentalShelfcases, in whichit
held that international law required delimitation to be effected 'in
accordance with equitable pnnciples and taking account of al1the
relevant circumstances' " (Judgment, para. 23).

It seems obvious that in drawing up lines of delimitation between the
respective continental shelves (and 200-mile economic zones), of neigh-
bouring countries, therelevantcircumstances in the regionconcernedmust
play an important role.
But the express reference to "the relevant circumstances which charac-
tenze the area" in Article 1,paragraph 1,of the SpecialAgreement is not
without significance. The Parties to the litigation have expresslyagreed as
to the relevancy of this element. This demonstrates the importance which

the Parties attach to these regional circumstances, which again must give
an added impetus to the Court to give them due consideration.The con-
Cernof the Parties in thisrespectisevident also fromthe repeated reference
thereto in Article 1, paragraph 2, of the SpecialAgreement in connection
with the request to the Court to clarify the practical method for the appli-
cation of the international law principles "in this specific situation".
It seemsfutile to attempt togivean exhaustiveanalysis of al1the relevant
circumstances which charactenze the area. It must obviously include the
directions of the coasts concerned ;whether they are straight or curved or
otherwise regular or irregular ;whether they arein opposite directions in
the sense that prolongations of the shelves and exclusiveeconomic zones

seaward would lead to collisions between competing claims for such
shelvesor zones ;the presence of sinuosities,bays,islands,drying shoals or
rocks, etc. The water depths of the areas concerned could play a role. Thel'année dernière.Dans le projet de convention sur le droit de la mer du
28 août 1981(A/CONF.62/L.78), les articles 74 et 83 contiennent main-
tenant la disposition suivante :

<<La délimitation du plateau continental [de la zone économique
exclusive]entre Etats dont lescôtes sont adjacentes ou sefont faceest
effectuéepar voie d'accord conformémentau droit international tel
qu'il estvisà l'article38du Statutde laCour internationale deJustice
de façon à aboutir à une solution équitable. ))

Ce nouveau texte a étéproposé, à titre de compromis, pour donner
satisfaction à deux groupes de pays qui s'opposaient. Il se pourrait qu'il
atteigne ce but, puisque ni le principe de l'équidistance ni lesprincipes
équitablesn'y sont mentionnés. La référence générale à l'article 38 du
Statut et la disposition selon laquelle la délimitationdoit aboutirà <<une
solution équitable en constituent la nouveauté,mais celle-cin'a pas été

débattue en détail à la conférence.
5. b)Il est évidentquela mention expressedescirconstancespertinentes
propres à la région, au premier alinéade l'article 1 du compromis, est,
comme l'a dit la Cour,

(<en complète harmonie avec sa jurisprudence, comme il ressort de
sonarrêtdans lesaffaires duPlateau continentaldelamerduNord,aux
termes duquel le droit international exigeque la délimitations'opère
((conformément à des principes équitables et compte tenu de toutes
les circonstances pertinentes ))(arrêt, par.23).

Manifestement, lorsqu'on trace une ligne de délimitationentre des zones
de plateau continental - ou entre des zones économiquesde 200milles -
les circonstances pertinentes de la régiondoivent jouer un rôle impor-
tant.
Cependant, la mention expressedes <(circonstances pertinentes propres
à la region D, dont cet alinéadu compromis, n'est pas sans intérêt.Les
Parties au différend,en reconnaissant explicitement la pertinence de ce

facteur, ont en effet soulignél'importance qu'ellesattachent aux circons-
tances particulièresà la région, cequine pouvait qu'encourager la Cour à
les prendre en considération dans toute la mesure du possible. L'impor-
tance de cette question pour les Parties ressort aussi du fait qu'il y est de
nouveau fait allusion au deuxièmealinéadel'article 1du compromis, où il
est demandé à la Cour de clarifier la méthodepratique pour l'application
des principes du droit international << dans cette situation précise>>.
Il paraît vain d'étudieren détail toutes les circonstances pertinentes

propres à la région.Il faut évidemment inclureparmi ellesla directiondes
côtes considérées ; le fait qu'elles soientdroites ou courbes, régulières ou
irrégulières;le fait qu'elles puissent êtreopposées les unesaux autres, de
sorte que le prolongement vers le large des zones de plateau et des zones
économiques exclusivesdonne lieu à des revendications concurrentes et
contradictoires sur cesplateaux ousur ceszones ;laprésencede sinuosités,
baies, îles, hauts-fonds découvrants, rochers, etc. La profondeur desgeographical features of the coasts and marine extensions thereof, includ-
ingbathymetry, geomorphology, etc.,al1theseelementsare by their nature

relevant circumstances that characterize the area. The above-mentioned
formulations are not confined to geographic aspects. Both Parties have
relied heavily on the geology of the area, not only of the upper layers
thereof but ingreat detail, deeperlying strata almost down and back to the
creation.

As to the forebears of these provisions in the SpecialAgreement, men-
tion may be made of the references to special circumstances which were
included inArticle 6,paragraphs 1 and 2,of the GenevaConvention onthe
Continental Shelfof 29 April1958, although herethe principle was closely
connected with the equidistance/median line principle. In the operative
paragraph (para. 101) of the Judgment of the Court in the North Sea
Continental Shelf cases of 1969, the Court held that delimitation of the
continental shelves concerned "is to be effected by agreement in accor-
dance with equitable principles, and taking account of al1the relevant

circumstances . ." (I.C.J. Reports 1969, p. 53) (emphasis added). Among
thefactors to be taken into account were,according to thatJudgment, inter
alia, the general configuration of the coasts of the Parties as well as the
presence of any special or unusual feature.
As hereinbefore mentioned, Articles 83 and 74 of the draft convention
on the Law of the Sea dated 29 August 1981 (doc. A/CONF.62/L.78)
contain a broad reference to Article 38 of the Statute of the Court, but no
longer any express reference to "al1circumstances prevailing in the area
concerned". But the purpose was not to weaken the importance of the
circumstances prevailing in the area for the concrete delimitation.

6. Re (c) :Thethirdgroup of elementsexpresslymentioned in Article 1,
paragraph 1,of the SpecialAgreement is "the new accepted trends in the
Third United Nations Law of the Sea Conference".
The draft convention has not yet been adopted as the final text by the

Lawof the SeaConference. It isbyvirtue of the SpecialAgreement that the
Court is authorized to take into account trends which - although having
reached an advanced stageofthe processofelaboration, evenastagewhere
such trends to a considerable extent have been included in the practice of
States - have not yet attained the force of general international law.
Certain of the recent trends in the draft convention may have acquired
such status. Owing to the expressprovisions in Article 1, paragraph 1,of
the Special Agreement, it is neither necessary nor appropriate in the
present case to make a distinction between accepted trends and recent
developments of law due to the activities of the Third Law of the Sea
Conference and the ensuing practice of States.
The reference in the SpecialAgreement to new accepted trends in the
Third Law of the SeaConference may obviously createcertain difficulties
with regard to its meaning and application to the present case. Whatespaces maritimes peut aussi jouer un rôle, ainsi que les particularités
géographiquesdes côtes et leur extension en mer, y compris les données
bathymétriques, géomorphologiques,etc. Par leur nature, tous ces élé-
ments sont des circonstances pertinentes propres à la région.Encore ne
s'agit-ilquedeconsidérationsgéographiques,quinesont paslesseules :les
deux Parties ont longuement invoquéla géologiede la région,non seule-
ment dans ses couches supérieures, mais aussidans ses couches plus
profondes, de manièredétailléee ,t en remontant presquejusqu'à la créa-
tion.
-----
Ces dispositions du compromis ont des précédents, parmilesquels on
peut citer la mention des circonstances spécialesfigurant à l'article 6,
paragraphes 1et 2, de la convention de Genève surleplateau continental
du 29 avril 1958 ; dans ce cas, cependant, ce principe était étroitement
rattaché au principe équidistance/ligne médiane. Dans le dispositif
(par. 101)de l'arrêtrendupar la Cour en 1969dans les affaires du Plateau
continentalde la mer du Nord, la Cour a déclaréque la délimitationdes
zones de plateau continental en question <doit s'opérerpar voie d'accord
conformément à des principes équitables et compte tenude toutes lescir-

constancespertinentes ... (C.I.J. Recueil1969,p. 53.Italiqueajouté).Selon
cetarrêt,lesfacteurs àprendre enconsidérationcomprenaient notamment
la configuration généraledes côtes des Parties ainsi que la présencede
toute caractéristique spécialeou inhabituelle.
Commeje l'aidéjà indiqué,les articles 74 et 83du projet de convention
sur le droit de la mer en date au 29 août 1981 (A/CONF.62/L.78) se
réfèrent, d'unemanièregénérale, à l'article 38du Statutde laCour, etiln'y
estplus fait expressémentmention de << touslesaspects delasituationdans
la zone considérée )).Cette modification n'a cependant pas pour but de

diminuer l'importance, pour une délimitation concrète, des différents
aspects de la situation dans la zone considérée.
6. c)La troisièmesource dedroit expressémentmentionnéeau premier
alinéade l'article 1du compromis est représentéepar << les nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième conférencesur le droit de la mer )).
Leprojet de convention n'apas encore été définitivementadoptépar la
conférencesurledroitde lamer ;c'esten vertu du compromis que la Cour
est autorisée à tenir compte de tendances qui, si ellesont atteint un stade
avancé d'élaboration etfont mêmepartie dans une large mesure de la

pratique desEtats,n'ont cependant pasencore acquislecaractèrede règles
du droit international général.Il se peut que certaines des tendances
récentes inclusesdans leprojet de convention aient atteint cestatut. Mais,
compte tenu des dispositions expresses du premier alinéade l'article 1du
compromis, il n'est ni nécessaire niopportun en l'espèced'établirune
distinction entre lestendances acce~téesetl'évolutionrécentedu droit due
aux travaux dela troisièmeconférencesurledroit de lamer et à lapratique
ultérieure desEtats.
La mention, dans le compromis, des nouvelles tendances acceptées à
la troisième conférencesur le droit de la mer peut malgrétout susciter

certaines difficultésd'interprétation et d'application enl'espèce. Quellesproposals in the draft convention should be considered as "trends" ?Are
such trends "accepted" in the sense of the SpecialAgreement ; and what
importance should beattached to suchtrends ?The question of therelative
importance ofdifferenttrends mayalsoarise.As an example,mention may
be made of the interrelationship between the provisions of Part V of the
draft convention concerning ExclusiveEconomic Zones and Part VI con-
cerning the Continental Shelf,both with regard to conceptualapproaches
and to basic substantive issues.

Anumber of the provisions of thefour Geneva Conventions on the Law
of the Sea of 29 April 1958expressing the more traditional rules of the
International Law of the Seahavebeen included inthedraft convention of
1981.But even in these chapters of the draft convention new trends have
frequently been included. Thus, Article 3 of the draft convention provides
as to the breadth of the territorial sea that a coastal Statehas the right to

establish a territorial sea "up to a limit not exceeding 12nautical miles".
This corresponds to the limit of the territorial sea claimed by the two
Parties.

The added importance which the draft convention seems to give to
islands - and evenrocks- may be a trend ofinterest to thepresent case. In
this connection, mention may be made of Article 121,paragraph 2, of the
draft convention whch provides :
"The territorial sea, the contiguous zone, the exclusive economic

zone, and the continental shelf of an island are determined in accor-
dance with theprovisions of this Convention applicable to other land
territory."
This entails that islands have an exclusiveeconomic zone and a conti-
nental shelf proper. The same trend isnoticeable evenwith regard to mere
rocks. Article 121,paragraph 3, provides that only "Rocks which cannot
sustain human habitation or economic life of their own shall have no
exclusive zone or continental shelf".

Similartrends are apparent fromthe provisionsconcerning archipelagic
Statesand archipelagicwaters ;see,interalia,thedraft convention of 1981,
Part IV and Article 2.
The bearing of the above-mentioned trend should in my respectful
opinion not beunderestimated ordisregarded in thepresent caseespecially
with regard to the importance of twomain island formations, the island of
Jerba and the Kerkennah archipelago, as well as their adjacent low-tide
elevations.
7. Of great bearing are also other "new accepted trends" especially
Part V, Exclusive Economic Zone, inter alia, Articles 55-62 and Ar-
ticles 73-74.Likewise,Part VI,Continental Shelf, interalia,Articles 76,77,
80, 81 and 83.sont lespropositionsinscritesdans leprojet de conventionquidoiventêtre
considéréescomme des (<tendances ? Ces tendances sont-elles <accep-

tées >au sens du compromis et quelle importancedoit-on leur attribuer ?
La questiondel'importance relative de différentestendances peut aussi se
poser. J'en donnerai comme exemple la question des rapports entre les
dispositions de la partie V du projet de convention, relative à la zone
économiqueexclusive, et celles de la partie VI, relative au plateau conti-
nental, tant du point de vue des notions employéesque des principaux
problèmes pratiques.
Plusieurs dispositions des quatre conventions de Genèvesur le droit de
la mer du 29 avril 1958,qui expriment les règlestraditionnelles du droit

international de la mer, ont été incorporéesau projet de convention de
1981.Cependant, mêmedans ces chapitres du projet de convention, cer-
taines tendances nouvelles ont trouvéplace. C'est ainsi que l'article 3 du
projet de conventiondispose, àpropos de la largeur de la mer territoriale,
que 1'Etatcôtier a le droit de fixer la largeur de sa mer territoriale, étant
entendu que <cette largeur ne dépassepas 12milles marins )>.Cette dis-
tance correspond à la limite qu'ont fixée lesdeux Parties à leur mer
territoriale.

L'importance accrue que leprojet deconventionsemble donner auxîles,
et mêmeaux rochers, peut aussi êtreune tendance àprendre en considé-
ration dans la présente affaire. Sur ce point, il convient de citer l'ar-
ticle 121,paragraphe 2, du projet de convention, aux termes duquel :

(<la mer territoriale, lazonecontiguë,la zone économiqueexclusiveet
le plateau continental d'une île sont délimitésconformément aux
dispositions de la convention applicables aux autres territoires ter-
restres>).

Cela supposeque lesîlesontenprincipeune zone économiqueexclusive
et un plateau continental propres. La mêmetendance se manifeste dans
le cas des simples rochers. L'article 121,paragraphe 3, dispose que seuls
lesrochers qui ne seprêtent pas à l'habitation humaine et à une vieéco-
nomique propre n'ont pas de zone économiqueexclusive ni de plateau
continental >).
Une tendance semblable se dégagedes dispositions concernant les
Etats archipels et les eaux archipélagiques : voir notamment le projet de

convention,partie IV et article 2.
La portée de cette tendance ne doit être à mon avis ni sous-estiméeni
méconnue en l'espèce,étant donné surtout l'importance de deux des
principalesformationsinsulaires, l'îlede Djerba et l'archipel des Kerken-
nah, avec les hauts-fonds découvrantsqui leur sont contigus.

7. D'autres <(nouvelles tendances acceptées >>ont une grande impor-
tance, en particulier celles qui se manifestent dans la partie V, relativà

la zone économiqueexclusive, notamment aux articles 55 à 62, 73 et 74,
et dans la partie VI, relative au plateau continental, notamment aux ar-
ticles 76, 77, 80, 81 et 83. The principle of Exclusive Economic Zones of 200 nautical miles is an
innovation in international law. These Exclusive Economic Zones "shall
not extend beyond 200 nautical miles from the baselines from which the
breadth of the territorial sea is measured" (Art. 57). The purposes of the

Exclusive Economic Zones are threefold. They are :
(a) a continental shelf zone ;
(b) an exclusivefisheries zone with some interesting modern trends with
regard to sovereign rights and conservation rights and obligations
(Arts. 61 ff.) ;
(c) an exclusive economic exploration and exploitation zone also with

regard to other natural resources such as the production of energy
"from water, currents and winds" (Art. 56).
This triple zone approach has been defined in Article 56 as follows :

"(1) In the exclusive economic zone, the coastal State has :

(a) sovereign rights for the purpose of exploring and exploiting, con-
serving and managingthe natural resources, whether living or non-
living, of the sea-bed and subsoil and the superjacent waters, and
with regard to other activities for the economic exploitation and
exploration of the zone, such as the production of energy from the
water, currents and winds ; ..."

The coastal State exercisesthese rights in its 200-milezone whether the
sea-bed thereof is shallow or deep, even if the depths thereof exceed the
2,500-metreisobath mentionedinArticle 76,paragraph 5 ; and regardless
of whether the sea-bed or subsoil within the 200-mile zone can be con-
sidered a naturalprolongation or not (seeArt. 76,paras. 1,4 (a) and 5).Of
course, a full 200-mileeconomiczone is only possible where the expanses
of theoceanconcernedsopermit.This isobviouslynot the casehere where
thecoasts of Tunisiaand Libya are angledin such amanner as to lead to a
collisionbetween their respective 200-mileeconomiczones includingtheir
sea-bed and subsoil (continental shelf areas), should they be extended
maximally. It alsofollowsfrom theprovisions of Article 76 that inside the
200-miledistancefromthe coasts, the natural prolongationprinciple isnot
the overriding principle with regard to the sea-bed and subsoil of the

economic zone.

In this contextit should be noted that the economiczone principleup to
200 miles is as valid and important a principle as the continental shelf
principle.The two principles are laid downin two separate parts ;Part V
for the ExclusiveEconomicZone,and Part VIfortheContinental Shelf.In
Part VIon thecontinental shelf,specialconsideration and privilegedstatus
is given to the 200-milezoneconceptboth with regard to the extent of the Le principe de la zone économique exclusive de 200 milles marins est
une innovation en droit international. Cette zone économique exclusive
(ine s'étend pas au-delàde 200milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesuréela largeur de la mer territoriale ))(art. 57). Elle se
compose de trois éléments différents :

a) une zone de plateau continental ;
b) unezonedepêcheexclusive,sujet sur lequel sefontjour d'intéressantes
tendances à l'égarddes droits souverainsainsi que des droits et obli-
gations de conservation (art. 61 et suiv.) ;
c) une zoneéconomiqueexclusived'exploration et d'exploitation pour ce
qui concerne d'autres ressources naturelles, telles que la production
d'énergie (ià partir de l'eau, des courants et des vents ))(art. 56).

Cette triple nature de la zone est définie à l'article 56 dans les termes
suivants :

((1.Dans la zone économiqueexclusive,l'Etat côtier a :
a) des droits souverainsaux fins d'exploration et d'exploitation, de
conservationet de gestion desressources naturelles, biologiquesou
non biologiques, des fonds marins et de leur sous-sol et des eaux

surjacentes,ainsi qu'encequiconcerned'autres activitéstendant à
l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques,
telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et
des vents ..))

L'Etat côtier exercecesdroitsdans sazone de 200milles,que lesfonds y
soientprofonds ou non, et même slieur profondeur dépassel'isobathe des
2500mètresindiquéeau paragraphe 5 de l'article 76 pour la définition du
plateau continental, et indépendamment du fait que les fonds marins ou
leur sous-soldans la zone des 200milles puissent ou non être considérés
comme un prolongement naturel(voir art. 76, par. 1, 4 a) et 5). Bien
entendu, la zone économiquecomplètede200milles n'estpossibleque là
où les espaces océaniques le permettent. Cela n'est pas le cas dans la
présente affaire,où les côtesde la Tunisieet de la Libyeforment un angle

tel qu'ily aurait confrontation entreleurs zoneséconomiquesde 200milles
respectives, y compris les fonds marins et les sous-sols (zones du plateau
continental) si on voulait les porter à leur largeur maximum. Il résulte
en outre des dispositions de l'article 76 qu'en deçà d'une distance de
200milles à partir descôtes leprincipe du prolongementnaturel n'est pas
leprincipeprépondérant encequiconcerne lesfondsmarinsetle sous-sol
de la zone économique.
Dans ce contexte, il convient de noter que le principe d'une zone éco-
nomiques'étendantjusqu'à 200millesmarins est unprincipeaussivalableet

importantqueceluiduplateaucontinental. Cesdeuxprincipessont exposés
dans deuxparties différentesdu projet deconvention : la partie Vpour la
zoneéconomiqueexclusiveetlapartie VIpourleplateaucontinental. Dans
lapartie VIrelativeauplateau continental,une significationparticulièreetcontinental shelf (see Art. 76 of the draft convention), and to payments

and contributions (see Art. 82 of the draft convention).

In seems clear that the provisions of both Part V and Part VI contain
"new accepted trends" as provided for in Article 1 of the Special Agree-
ment. This includes also the provisions specifically dealing with the de-
limitation of those marine areas between States with opposite and adja-
cent coasts in Article 74 (Exclusive Economic Zones) and Article 83
(Continental Shelf). See also Article 76, paragraph 10.

'Theconcept of exclusiveeconomiczones of 200miles has already won
wide recognition in the practice of States.The latest developmentin this
respect in the Mediterranean is the Moroccan Law (Dahr), No. 1-81of
8April 198 1.It establishesa 200-mile ExclusiveEconomic Zone alongthe
coasts of Morocco. The zone according to Article 1,paragraph 2 :

"extends up to a distance of 200 nautical miles calculated from the
straight baselines or the normal baselines from which the territorial
sea is measured".

Article 11concerning the delimitation of the 200-mile zone provides for
the application of the equidistance principle as follows :

"Without prejudice to the circumstances of a geographical or geo-
morphological order, and taking account of al1pertinent factors, the
delimitation shall be made in conformity with equitable principles
prevailing under international law,by means of bilateral agreements.
The outer limits of the exclusive econornic zone shall not extend
beyond the median line al1the points of which are equidistant from
the nearest points of the baselines of the Moroccan coasts and the
coasts of foreign countries whether these coasts are situated opposite
to or adjacent to the coasts of Morocco." (See Officia1Bulletin of
Morocco - No. 3575 (6.5.81),pp. 232-233.)

But asearlyas 20 August 1971,that is to Saybeforethe emergenceof the
concept of economic zones, Tunisia concluded an agreement with Italy
regarding the delimitation of the continental shelf between the two coun-
tries. The agreement was based on the principle of equidistance measured
fromthenearestpoints on thebaselines for territorial seasand "takinginto
account islands, islets, and low-tide elevations" (Art. l), special arrange-
ments being made for the Italian islands of Pantelleria, Lampione,Lam-
pedusa and Linosa (Art. 2) (Judgment, para. 20).
8. The concept of the continental shelf has also been subjected to new
trends in Part VI, inter aliai,n the proposed Article 76, trends which, to
some extent at least, depart from the earlier established concepts, forun statut privilégiésont accordés à la notion de la zonede 200milles,qu'il
s'agissede l'étendue du plateau continental (voir l'article 76 du projet de
convention) ou des contributions en espèce ou en nature (voir l'ar-
ticle 82).
Il paraît évidentque les dispositions des parties V et VI reflètent cer-

taines des (<nouvelles tendances acceptées i),des (<tendances récentes
admises i)visées àl'article 1du compromis. Tel est bien le cas des dispo-
sitions qui portent expressément surla délimitation des zones maritimes
entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face, aux articles 74
(zone économique exclusive) et 83 (plateau continental). Voir aussi l'ar-
ticle 76, paragraphe 10.
L'idéed'une zoneéconomiqueexclusivede 200millesestdéjàlargement
reconnuedanslapratique desEtats. L'événemenlteplus récent à cet égard

dans la régionméditerranéenne estla loi (dahir) du Maroc no 1-81, du
8 avril 1981.Cette loi établitune zone économiqueexclusivede 200milles
le long des côtes du Maroc. Aux termes de l'article 1,paragraphe 2, cette
zone :

(<s'étendjusqu'à unedistancede 200millesmarins, calculéedepuis les
lignesdebase droites ounormales àpartir desquellesestmesuréelamer
territorialeD.

L'article 11, relatifà la délimitation de la zone de 200 milles, prévoit
l'application du principe d'équidistance dans les termes suivants :

(Sans préjudice des circonstances d'ordre géographique ou géo-
morphologique et compte tenu de tous les facteurs pertinents, la
délimitation doit êtreeffectuéepar voie d'accords bilatéraux confor-
mément aux principes équitables établis endroit international. La
limiteextérieuredelazoneéconomiqueexclusivenedoitpasdépasser

la lignemédianedont tous les points sont équidistants despoints les
plus proches des lignes de base de la côte marocaine et des côtes,
adjacentes àcelle-ci ou lui faisant face, des Etats étrangers. (Voir
Bulletin officiel du Maroc, no 3575 (6 mai 1981),p. 232 et 233.)

Cependant, dèsle 20 août 1971,c'est-à-direavant mêmel'apparition de
lanotion dezoneéconomiqueexclusive,laTunisieavait concluavecl'Italie

un accord relatif à la délimitation du plateau continental entre les deux
pays. Cet accord se fondait sur le principe de l'équidistance, mesurée à
partir despoints lesplusproches deslignesde base de lamer territoriale,et
<<en tenant comptedes îles,îlotsethauts-fondsdécouvrants i)(art. 1).Des
dispositions spécialesétaientprévuespour lesîlesdePantelleria,Lampione,
Lampedusa et Linosa (art. 2) (arrêt,par. 20).
8. La notion du plateau continental subit aussi l'effet des nouvelles
tendances dans la partie VI, notamment à l'article 76 du projet, et ces

tendances s'écartent,dans une certaine mesure au moins, des idées anté-example as they aredefined in Article 1of the Fourth GenevaConvention
on the Law of the Sea of 29 April 1958.

Article 76 of the draft convention on the Law of the Sea operates in
paragraph 1with two types of continental shelf. The first type is that part
of the sea-bed and subsoil of the submarine areas that extend beyond the
State's territorial sea throughout the natural prolongation of its land
territory to the outer edge of the continental margin. The other typeis the
sea-bed and subsoil of a State up

"to a distance of 200-nautical milesfrom the baselines from whichthe
breadth of the territorial sea is measured where the outer edge of the
continental margin does not extend up to that distance".

It followsfrom this latter definition that it is not a criterion for claiming a
continental shelf up to 200 miles that this part of the shelf constitutes a
natural prolongation of the land territory. The 200-milecontinental shelf
can extend beyond the natural prolongation and into the rise and deep
ocean floor (abyssal plain) of the relevant ocean. Actually, this second
criterion of Article 76 is a corollary to the provisions laid down in
Articles 55-57 on the 200-mile Exclusive Economic Zone.

Paragraph 3ofArticle 76has an additional definition of thecontinental
margin relating to the first criterion mentioned above. It provides :

"The continental margincomprisesthe submerged prolongation of
the landmass of the coastal State, and consists of the sea-bed and
subsoil of the shelf, theslopeand the rise. It does not includethedeep
ocean floor with its oceanic ridges or the subsoil thereof."

Paragraphs 4,5 and 7 have interesting provisions concerningthe extent
of a continental margin that exceeds 200 miles. These provisions are of
interest in thepresent case.Thus, paragraph 4 (a) (i)demonstrates that the
upper layers of the sediment may be of importance for the extent (beyond
200 miles) of the continental margin, in so far as the extent of the conti-
nental margin may be established by reference to the points where "the
thickness of sedimentary rocksis at least 1percent of the shortest distance
from such point to the foot of the continental slope". Article 76, para-
graph 4 (a) (ii), and paragraph 5, demonstrate that adjacency and proxi-
mity are likewiserelevant considerationsas shownby thedistance or depth
criteria there laid down.

9. The conclusions to be drawn from the new trends arrived at in
Parts V and VI of the draft convention may be stated as follows :

The emergence of the 200-mile Exclusive Economic Zone concept inrieurementétablies,telles qu'ellesétaientformuléesparexemple àl'article
premier de la quatrième convention de Genève sur le droit de la mer, du
29 avril 1958.
L'article 76 du projet de convention envisage, au paragraphe 1, deux
sortes de plateau continental. La premièrecatégoriecorrespond à la partie
des fonds marins et de leur sous-sol qui s'étendau-delà de la mer terri-
toriale, sur toute l'étendue du prolongementnaturel du territoire terrestre

de l'Etat, et jusqu'au rebord externe de la marge continentale. L'autre
catégorieest constituéepar les fonds marins et leur sous-sol :
<jusqu'à 200milles marins des lignes de base à partir desquelles est
mesuréelalargeur delamer territoriale,lorsquelerebordexterne dela
marge continentale se trouve à une distance inférieure )).

Il résultedecettedernièredéfinitionque lefait que la partie du plateau qui
s'étendjusqu'à 200milles constitue le prolongement natureldu territoire
terrestre n'est pas un critère suffisantpour revendiquercette étendue. Le
plateau continental des 200millespeut s'étendreau-delàduprolongement
naturel, dans le talus et les grandes profondeurs océaniques(plaine abys-

sale). En réalité,ce deuxièmecritère de l'article 76 est un corollaire des
dispositions desarticles 55 à 57,relatifsàlazoneéconomiqueexclusivedes
200milles.
Le paragraphe 3 de l'article76 contient une définition supplémentaire
de la margecontinentale, qui se rapporte aupremier descritèresmention-
nés ci-dessus.Il dispose :

(La margecontinentale est le prolongement immergéde la masse
terrestre de l'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins
correspondant auplateau, au taluset au glacisainsique leur sous-sol.
Elle ne comprend ni les grands fonds des océans, avecleurs dorsales
océaniques,ni leur sous-sol.

Les paragraphes 4, 5 et 7 contiennent d'intéressantes dispositions sur
l'étendue dela marge continentale lorsque celle-ci dépasse200 milles.
Ces dispositions intéressent la présente affaire. Par exemple, le para-
graphe 4 a) i) indique qu'il faut parfois attacher de l'importance aux
couches sédimentairessupérieurespour déterminer l'étendue de lamarge
continentale au-delà de 200 milles :en effet,l'étendue dela marge conti-
nentalepeut êtreétabliepar référenceaux points où (l'épaisseurdesroches
sédimentairesest égaleau centièmeau moins de la distance entre lepoint
considéré etle pied du talus continental )>Les paragraphes 4 a) ii) et 5
montrent quant à eux que l'adjacence et la proximité sont égalementdes

considérations pertinentes, compte tenu des critères de distance ou de
profondeur qui y sont énoncés.
9. Les conclusions à tirer des tendances nouvelles consacréesdans les
parties V et VI du projet de convention peuvent êtreformuléescomme
suit :

L'introduction de la notion d'une zone économique exclusive dePart V of the draft convention is not based on the concept of natural
prolongation, but on the concept that a coastal State should have func-
tional sovereign rights over the natural resources in a belt of water and
sea-bed 200miles seawards whether the coastal State concerned possesses
a continental shelf in the traditional sense or not. This new development
has been accepted in recent State practice. This 200-mile economiczone
concept refersnot only to the resources of the seas (living or non-living),

but alsoto the natural resources onor inthesea-bed. To this extent itisalso
in practice a continental shelf concept.

Note should likewisebe taken of thefact that theprovisionsconcerning
thedelimitationofthe ExclusiveEconomic ZonesinArticle 74of the draft
convention and the provisionson the delimitation of continental shelves
between States with opposite or adjacent coasts, contained in Article 83,
are identical.
Certain questions appear to arise because of the inter-relation between

the new concept of exclusive economic zones and the continental shelf
concept, the VOTP $0 since certain new trends in Article 76 of the draft
convention seem to strengthen this inter-relation and interdependence.

Thefirst question which maybe raised iswhether theconcept of natural
prolongation has not been weakened by these recent trends within the
200-milezone. Even without these developments,the question still arises
as to whether the natural prolongation concept may appreciably assist in
drawing up the dividingline between the continental shelves of adjacent
States in cases like the present where the Parties share a common conti-

nental shelfwhichis thejoint natural prolongation of thelandmass ofboth
Parties.Another question which appears to arise iswhetherdifferent lines
of delimitation are conceivablefor the ExclusiveEconomic Zone and the
continental shelf in such a case, bearing in mind that the exclusive eco-
nomic zone concept laid down in Part V of the draft convention also
comprisesthe natural minera1resources of the sea-bed andits subsoil, that
is the natural resources of the continental shelf. A question about this
underlyingproblem wasput totheParties during theoralpleadings by one
Member of the Court. The answers seemed somewhat inconclusive. With
al1due respect, it seems to me as though sufficient attentionhas not been

given in the Judgment to this aspect of delimitation based on the new
accepted trends ; neither in the legal reasoning - including the equity
considerations - nor in the operative part thereof.

10. 1 share the view (Judgment, para. 41) that the term "continental
shelf"refers to "an institution of international law which,while it remains
linked to a physical fact, is not to be identified with the phenomenon
designated by the same term - 'continental shelf'- in other disciplines". It
is a concept of international law. And this concept may obviously be
moulded and changed by developmentsand changes in international law.200milles dans lapartie V du projet de convention n'est pas fondéesurle
concept de prolongement naturel, mais sur l'idéeque l'Etat côtier doit
disposer de droits souverains effectifs sur les ressources naturelles situées
dans une zone d'eaux et de fonds marins jusqu'à 200 milles au large, que
l'Etat côtier en question possède ou non un plateau continental dans
l'acception traditionnelle de cette expression. Cette innovation est accep-

téedans la pratique récente des Etats. Par ailleurs, la notion de zone
économiquede 200 milles ne concerne pas seulement les ressources de la
mer(animéesouinertes)maisaussi lesressourcesnaturellesqui setrouvent
sur ou dans les fonds marins. Dans ce sens, cette notion se confond en
pratique avec la notion de plateau continental.
Il convient aussi de noter que les dispositions relatiàela délimitation
de la zone économique exclusive, énoncées à l'article74 du projet de
convention, et les dispositions relatives à la délimitation du plateau
continental entre Etats dont lescôtes sontadjacentesou sefont face,énon-
cées à l'article 83, sont identiques.
La relation réciproque qui existe entre la notion nouvelle de zone éco-
nomique exclusive et la notion de plateau continental semble poser cer-
tains problèmes, d'autant plus que certaines des tendances nouvelles

reconnuesdans l'article 76 paraissent confirmer ces relations réciproques
et cette interdépendance.
Le premier problème est qu'on peut se demander si la notion de pro-
longement naturel n'est pas affaibliepar ces tendances nouvelles àl'inté-
rieur de la zone des 200 milles. Mêmesans cette évolution,d'ailleurs, la
question se poserait de savoir si la notion de prolongement naturel peut
effectivement faciliter le tracéde la ligne de partage entre les plateaux
continentaux d'Etatslimitrophesdans descastelsquela présenteespèce,où
les Parties ont conjointementun plateau continental qui est le prolonge-
ment naturel commun de la masse terrestre de chacune d'elles.Un autre
problèmequi sembleseposer est celuide savoir sil'onpeut concevoir dans
un tel cas des lignes de délimitationdifférentespour la zone économique

exclusive et pour le plateau continental, attendu que la notion de zone
économiqueexclusive définiedans la partie V du projet de convention
comprend aussi les ressources minérales naturelles des fonds marins et
de leur sous-sol, c'est-à-dire les ressources naturelles du plateau conti-
nental. Un membre dela Cour a posé aux Parties,pendant lesplaidoiries,
une question concernant ce problème. Les réponsesn'ont pas paru très
concluantes. Avec tout le respect queje dois àla Cour, il me semble que
l'arrêt n'accorde pasune attention suffisante à cet aspect de la délimita-
tion inspirédesnouvelles tendances acceptées,ni parmi lesmotifs où sont
invoquéesles considérations d'équité ni dans le dispositif.
10. Je partage l'opinion (arrêt, par.41) selonlaquellele terme de(pla-
teau continental désigne uneinstitutiondu dr&&internationalqui, bien
querestant liée à un fait naturel, ne s'identifie pas au phénomènedésigné

par la mêmeexpression dans d'autres disciplines o.La notion de plateau
continental est un concept de droit international. Et ce concept peut
évidemmentêtrepétre itrefaçonnéparl'évolution etlesmodifications deceThe development of the exclusiveeconomic zone concept is not an insig-
nificant element in this respect and might perhaps influencethe practical
method of delimitation.
In thiscontext,note should be taken of a developmentin the Law of the
Sea Conference and in the domain of State practice which has weakened
the practical impact of the concept of natural prolongation through the
development of that of the 200-mile economic zone ; this aside from the

practical difficulties of basinga line of delimitation for ajoint shelf on the
natural prolongation thereof when the two adjacent countries also share
the same landmass.
The Parties have only briefly touched upon the 200-mileexclusiveeco-
nomic zone concept as a new accepted trend in the Law of the Sea Con-
ference. This new conceDt might "ot fit well into some of the main sub-
missions and legalreasoning of the Parties. Even so,thequestion arises as
to whether the Court in its Judgment shouldnot have laid more emphasis
on this recenttrend. 1feelthat it ishardly conceivableinthepresent caseto
draw a different line of delimitation for the exclusiveeconomic zone and
forthecontinental shelf.The areas tobe delimited willinboth instances be
situated well inside the 200nautical miles "from the baselines from whch
the breadth of the territorial seaismeasured". To my mind, it is somewhat
doubtful that a practical method for the delimitation of the areas con-
cerned should be based solely or mainly on continental shelf considera-

tions.Thus, it may perhaps be atoorestrictiveapproach inthepresent case
to maintain that "the 'principlesand rules of international law which may
be applied' for the delimitation of continental shelf areas must be derived
from the concept of the continental shelf itself" (Judgment, para. 36).

11. 1 share the view expressed in paragraph 61 of the Judgment that

"despite theconfident assertions of the geologistson both sidesthat a
givenarea is 'an evidentprolongation' or 'the realprolongation' of the
one or theother Statefor legalpurposes it isnot possible to define the
areas of continental shelf appertaining to Tunisia and to Libya by
reference solelyor mainly to geologicalconsiderations. The function
of the Court is to make use of geologyonly so far as required for the
application of international law."

Libya discernsa purely northward direction of the prolongation of the
landmass - "the northward thrust" - based mainly ongeology(Judgment,
para. 62).In thewrittenand oral pleadings of Libya, avariety of arguments
havebeen put forward tosupport the al1egations.concerningthe northward
thrust ; neither taken separately nor considered together do these argu-
ments support the northward thrust theory which seemsuntenable in law
as well as on the facts.
Tunisia sees "an eastward natural prolongation off eastern Tunisia"droit. La consolidation de lanotion de zoneéconomiqueest àcet égardun
élémenn ton négligeable,quipourrait éventuellementinfluencerlaméthode
pratique de délimitation.
Dans cecontexte, ilconvient de tenir compted'un fait nouveau apparu à
la conférence sur ledroit de la mer et dans la pratique des Etats, qui est
l'affaiblissement de l'effetpratique de la notion de prolongement naturel
par suitede l'apparition du concept de lazone économiquede 200milles -

sans parler des difficultés concrètesque pose le tracéd'une ligne de déli-
mitation fondée sur le prolongement naturel du plateau lorsque les deux
pays limitrophes font tous deux partie de la même masse terrestre.
Les Parties n'ont évoqué que brièvementla notion de zoneéconomique
exclusivede 200millesparmi lesnouvellestendances acceptées à la confé-
rence sur le droit de la mer. Peut-êtrecette notion nouvelle ne s'accorde-
t-ellepas très bien avec certaines des conclusionset des motifsjuridiques
avancéspar les Parties. Quoi qu'il ensoit, la question se pose de savoir si
dans son arrêtla Cour n'aurait pas dû accorder plus de poids à cette
tendance récente.Je crois qu'en l'espèceil serait difficile d'envisager des

lignes de délimitation différentes pourla zone économique exclusive et
pour le plateau continental : dans les deux cas, les zones à délimiter se
situent bien en deçà des 200milles marins au large <<des lignes de base à
partir desquellesest mesuréelalargeur de la mer territoriale )>Il meparaît
douteux que laméthodepratiquede délimitationdoiveêtreexclusivement
ou essentiellement fondéesurlesconsidérationsrelativesau plateau conti-
nental. Aussi est-ce peut-êtreadopter en l'espèceune conception trop
restrictive qued'affirmerque << lesprincipeset règlesdu droit international
qui peuvent être appliqués pourla délimitation des zones du plateau
continental découlent nécessairmentde la notion mêmede plateau conti-
nental (arrêt,par. 36).

11. Jepartage aussil'opinion expriméeauparagraphe 61del'arrêts ,elon
laquelle
<<malgréla conviction aveclaquelle les géologuesaffirment des deux
côtésqu'une zone donnéeconstitue le prolongement évidentou le
prolongementvéritablede l'unou del'autreEtat, il n'estpas possible

de définirjuridiquement leszonesdeplateau continental relevant soit
de la Tunisie soit de la Libye en tenant compte uniquement ou
principalement de considérations géologiques. Lerôle de la Cour
consiste àne recourir àlagéologiequedans lamesure oùl'application
du droit international l'exige.))

La Libye discerne une direction purement septentrionale du prolonge-
ment de la masseterrestre, qu'elleappelleune <(projection verslenord ))et
qui est fondée principalement sur la géologie(arrêt,par. 62). Dans ses
écritureset enplaidoirie, la Libye a présénté toute une séried'arguments
pour étayercettethèse. Mais,pris séparémentouconsidérés ensemble, ces
arguments neconfirment pas la théoriede laprojection verslenord, quine
paraît fondée ni en droit ni en fait.
La Tunisie observe un << prolongement naturel de son territoire vers(Judgment, para. 64), based on a more complex set of factors including,
inter aliag ,eology, bathymetry and geomorphology. The geography,
bathymetry and geomorphology demonstrate interesting features with
regard to an eastward trend of the shelf.
These features alone disprove the allegations of a northward thrust.
Even so, 1share the view of the Court to the effect that :

"The Court, while not accepting that the relative size and impor-
tance of these features can be reduced to such insubstantial propor-
tions as counsel for Libya suggest, is unable to find that any of them
involvesuch amarked disruption or discontinuance of the sea-bed as
to constitute an indisputable indication of the lirnits of two separate
continental shelves, or two separate natural prolongations."
(Para. 66.)
As a consequence of the eastward natural prolongation, as seen by it,
Tunisiahas submitted a sheaf oflinesconstitutingamethod of alternatives

as theequitablemethod ofdelirnitation of thecontinental shelf.However,1
share the view of the Court that none of these lines is tenable as the
equitable line of delimitation. The geometric constructions seem some-
what too artificial to be consideredequitable. At the same time they may
have implications for lines of delimitation with third States that may be
unacceptable.

1 shall, however, deal briefly with one interesting line of argument
advanced by Tunisia in thiscontext, based on thephysiographicdefinition
of thecontinental marginlaid downinArticle 76,paragraph 3,of the draft
convention. This paragraph provides :

"The continental margin comprises the submerged prolongation of
the landmass of the coastal State,and consists of the sea-bed and the
subsoil of the shelf,the slopeand the rise. It doesnot includethedeep
ocean floor ..."
Based on this definition of the "continental margin" Tunisia subrnits
that the Pelagian Block corresponds to "the sea-bed and subsoil of the
shelf" while the "Misratah-Malta Escarpment or Ionian Flexure" corres-
ponds to the slopeand the risein the above definition. TheIonian Abyssal
Plain corresponds to "the deep ocean floor" mentioned in the definition.
Accordingly it shouldbepossible to define theorientation of,and draw the

dividingline for, the continental shelf between the two Parties by a line
drawn from apoint at theTunisian-Libyan coast tothecentre of theIonian
Abyssal Plain. In my opinion Article 76, paragraph 3, should be consid-
ereda "new acceptedtrend in theThirdConference on the Lawof the Sea"
according to Article 1of the SpecialAgreement. But 1share the viewthat
the argument advanced by Tunisia may not be tenable, and would hardly
lead to an equitableresult, al1circumstances taken into consideration.The
main purpose of Article 76, paragraph 3, is to serve as a yardstick for thel'est (arrêt,par. 64)en s'inspirant d'un ensemble de considérationsplus
complexes qui font intervenir entre autres la géologie,la bathymétrie et la
géomorphologie.Ces disciplinesfont effectivement apparaître des parti-
cularitées intéressantes concernant la projection du plateau vers l'est.

Ces particularités suffisent à réfuterles allégations tendant à affirmer
l'existence d'uneprojection vers lenord. Celaétant,je partagel'opinion de
la Cour sur ce point :

(la Cour,sansadmettre queleur étendueetleurimportance relatives
puissentêtreramenées à desproportions aussiinsignifiantes que l'ont
donné à entendre les conseils dela Libye,ne saurait souscrire à l'idée
que l'une de ces caractéristiquesmarquerait une rupture ou solution
de continuité telle qu'elleconstituerait indiscutablement la limite de
deux plateaux continentaux ou prolongements naturels distincts ))
(par. 66).

Tirant les conséquences duprolongementnaturel vers l'est qu'elledis-
cerne,la Tunisie a suggéré un faisceau de lignes,présentécomme une série
de solutions possibles pour aboutir à une méthode équitablede délimita-
tion du plateau continental. Je partage néanmoinsl'avisde la Cour, selon

lequel aucune de ces lignes ne peut être admisecomme ligne de délimita-
tion équitable. De même,les constructions géométriquesparaissent trop
artificielles pour qu'on puisse les considérercomme équitables.De plus,
ellesrisqueraientd'avoir deseffetsinacceptablespour letracédeslignesde
délimitation avec les Etats tiers.
Cependant, je traiterai brièvement d'une thèse intéressante soutenue
dans cecontextepar laTunisieetfondéesur ladéfinitionphysiographique

de la marge continentale qui se trouve au paragraphe 3 de l'article 76 du
projet de convention. Aux termes de ce paragraphe :
(<La marge continentale est le prolongement immergéde la masse
terrestre de l'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins

correspondant auplateau, au talus et au glacisainsi que leur sous-sol.
Elle ne comprend ni les grands fonds des océans ...
La Tunisie,s'inspirant de cette définition de la <(margecontinentale )>,

soutient queleblocpélagiencorrespond aux ((fondsmarinset au sous-sol ))
du plateau, tandis que <(l'escarpement de Misratah-Malte ou flexure
ionienne correspondrait au talusetau glacis.La plaine abyssaleionienne
représenteraitles ((grands fonds des océans ))mentionnésdans la défini-
tion et il serait donc possible de définirl'orientationde la ligne de partage
du plateau continental entre les deux Parties en tirant une droitejoignant
un point du littoral tuniso-libyen au centre de ladite plaine abyssale. A

mon avis, leparagraphe 3 de l'article 76 doit être considéré comme reflé-
tant une des <<nouvelles tendances acceptées à la troisièmeconférence sur
le droit de la mer )) mentionnées à l'article 1 du compromis. Mais je
conviens que l'argument de la Tunisie n'est peut-être pas défendableet a
peu dechancesdeproduire un résultat équitable,comptetenu de toutes les
circonstancesde l'espèce.L'objet essentiel du paragraphe 3 de l'article76outer limit of a State's continental shelf into the oceans. More concrete
rules for this seaward delimitationare givenin the subsequentparagraphs
of Article 76 ;in particular, paragraphs 4-7. The definition given in Arti-
cle 76, paragraph 3, may have a bearing on the delimitation of the conti-
nental shelves of neighbouring countries. This is obvious with regard to
"opposite" States. It is not so obvious that the definition of paragraph 3
willhave equalpractical bearing on the lateral delimitation of the shelves

of adjacent States. The present case has features of delimitation related
both to those of opposite and to those of lateral States. However, the
special features of the areas of the Mediterranean here concerned do not
lend themselveseasily to apracticalapplication ofArticle 76,paragraph 3,
for delimitationpurposes, at leastnot where thedelimitationinquestionis
concerned.Nor is it apparentthat it would result in an equitable solution.
In this context one must also bear in mind the provisions laid down in
Article 76, paragraph 10, to the effect that :

"The provisions of this article are withoutprejudice to thequestion
of delimitation of the continental shelf between States with opposite
or adjacent coasts,"

which seems relevant in this context.
12. Article 1 of the Special Agreement of 1December 1978 provides
that the Court : "shall take its decision according to equitable principles,
and the relevant circumstances which characterize the area .. ."
It appearsfrom theseprovisions that thereisa closerelationbetweenthe
"equitable principles" and the "relevant circumstances which characterize
the area".
Asidefrom theseexpressreferencesto equitableprinciplesinthe Special
Agreement, it is indisputable that equity forms part of international law.
But as a legalprinciple it cannot operate in a vacuum eitherjuridically - it
ispart of theinternational law system - or factually - asalegalprinciple it

applies to a concrete case. In the present case, it must be clearly distin-
guished from an 'ex aequoetbono"decision.The equitablesolution in this
case based on equitable principles must have its foundation in interna-
tional law not in adiscretionarydecision-making process. Or, as Maitland
stated in his famous dictumquoted in oral argument, "Equity camenot to
destroy the law but to fulfil it". This dictum is as valid within the inter-
national law system as in the cornrnon law systems.

In the Judgment of the Permanent Court of International Justicein the
River Meuse case of 28 June 1937,Judge Hudson stated how equitable
principles form an integral part of international law, as follows :esteneffet de servirdecritèrepour ladétermination de lalimiteextérieure
du plateau continental des Etats dans les parages océaniques ; les règles
plusconcrètesrégissantcettedélimitationverslelargesonténoncéesdans
les paragraphes ultérieursdel'article 76,et notamment auxparagraphes 4
à7. Il se peut que la définition donnéeau paragraphe 3 de l'article 76 ait
certains effetssurladélimitationduplateaucontinental entre pays voisins.

DanslecasdesEtats qui sefont face O,celaest mêmeévident.Maisilest
moins évident que cette définitionpuisse avoir des effets pratiques équi-
valents surla délimitationlatéraledu plateau entre Etatslimitrophes.Enla
présenteespèce,on a affaire à un cas de délimitation qui sous certains
aspects semble êtreune délimitation entre Etats se faisant face et, sous
d'autres aspects, une délimitation entre Etats limitrophes.Toutefois, par
leurscaractéristiques,les zones de la Méditerranéequi sonticien cause ne
se prêtentpas aisément à une application pratique du paragraphe 3 de
l'article76 aux fins de la délimitation, du moins dans le cas d'espèce.Il

n'est pas évident non plus que l'application de ce texte produirait une
solution équitable. Il faut enfin tenir compte des dispositions du para-
graphe 10 du mêmearticle, qui se lit ainsi :

(<Leprésent articlene préjugepas de la questionde la délimitation
duplateaucontinental entre desEtatsdont lescôtessontadjacentes ou
se font face. ))
Ce qui paraît s'appliquer dans ce contexte.

12. Aux termes de l'article 1 du compromis du ler décembre 1978,la
Cour : <<en prenant sa décision[est priée]de tenir compte des principes
équitables et des circonstancespertinentes propres à la région...)>
Ilressortdecetexte quelelienestétroitentre les <principeséquitables
et les (circonstancespertinentes propres à la région )).

Mis à part le fait que les principes équitables sont expressémentinvo-
quésdans lecompromis, ilestincontestable quel'équitéfaitpartie du droit
international. Mais, en tant que principejuridique, l'équité ne peut pas

exercer seseffets dans le vide, ni surleplanjuridique - car ellefait partie
de tout le systèmedu droit international - ni sur leplan desfaits - car en
tant que principejuridique elle s'applique à un cas concret.En l'espèce,il
faut établir nettement la distinction entre une décisionéquitable et une
décisionex aequoet bono.La solution équitableen l'espèce,pour laquelle
les principes équitables sont invoqués,doit nécessairementprocéderdu
droit international etnonpasd'un pouvoirdedécisiondiscrétionnaire.Ou
encore, comme l'a dit Maitland dans une formule bien connue, qui a été
citéelors des plaidoiries : (L'équité n'est pas là pour saperle droit, mais

pour le faire triompher. La formuleest tout aussi valable dans lesystème
du droit international que dans les systèmesde common law.
A l'occasion de l'arrêt rendu parla Cour permanente de Justice inter-
nationale le28juin 1937dans l'affairedesPrisesd'eau à laMeuse,Hudson
a indiquécommentlesprincipeséquitablesfont partie intégrante du droit
international : "What are widely known as principles of equity have long been
considered to constitute apart of international law, and as such they
have often been applied by international tribunals .. .A sharp divi-
sion between law and equity, such asprevails in the administration of
justice in some States,shouldfind no placein international jurispru-
dence ; even in some national legal systems, there has been a strong
tendency towards the fusion of law and equity. Some international
tribunals are expressly directed by the compromiswhich control them
toapply 'Lawand Equity' .. .Ofsuch aprovision, aspecialtribunal of

the Permanent Court of Arbitration said in 1922that 'the majority of
international lawyers seem to agree that these words are to be under-
stood to mean generalprinciples ofjustice as distinguishedfrom any
particular systemsofjurisprudence' ..." (P.C.I.J., SeriesA/B, No. 70,
p. 76.)

Equity as part of international law was dealt with in some detail in the
NorthSea ContinentalShelfcases (I.C.J. Reports1969,paras. 88-89).It has
been extensively dealt with by the Parties in their written pleadings and
oral argument.
By the very nature of things the line between a decision based on
equitable principles - lying within the realm of international law accord-

ing to Article 38,paragraph 1,of the Statute - and a decision ex aequoet
bon0according to Article 38,paragraph 2, of the Statute is a very delicate
distinction. This distinction shouldnot be blurred. Thus, in my respectful
opinion, equity principles cannot operate in a void. In this context, it is
interesting to note that in the Delimitation of the Continental Shelf case
between France and the United Kingdom the Court of Arbitration in its
Decision of 30June 1977wascarefulnot to operate in a void so as to leave
it to a totally discretionary decision-makingprocess where to draw the
dividingline.Theequidistanceprinciple was applied as ajuridical starting
point for the application of equity. In this context, it States, inter alia:

"The Court notes that in a large proportion of the delimitations
known to it, where a particular geographical feature has influenced
thecourse of acontinental shelfboundary, themethod of delimitation
adopted has been some modification or variant of the equidistance

principle rather than its total rejection. In the present instance, the
problem also arises precisely from the distorting effect of a geo-
graphical feature in circumstancesin which the lineequidistant from
the coasts of the two States would otherwise constitute the appro-
priate boundary. Consequently, it seems to the Court to be in accord
not only with the legal rules governing the continental shelf but also
with State practice to seek the solution in a method modi'ing or
varying theequidistance method rather thantohaverecoursetoa wholly <<Les règlesbien connues sous le nom de principes d'équitéont
depuis longtemps été considérées commefaisant partie du droit
international et,à ce titre, elles ont souvent été appliquéespar des
tribunaux internationaux ...Une démarcation nette entre le droit et
l'équité, teleue la prévoientcertains Etatsdans l'administration de
lajustice, ne doit pas trouver place dans lajurisprudence internatio-
nale ;mêmedans certains systèmesjuridiques nationaux, une forte
tendance s'estmanifestée à fondre ensemble le droit et l'équité. Cer-

tains tribunaux internationaux sont expressémentchargéspar lecom-
promis qui régit leurs activitésd'appliquer< edroit et l'équité>...A
propos d'une disposition de cette nature, un tribunal spécial de la
Cour permanente d'arbitrage disait en 1922 que la <(majorité des
juristes internationaux semblent s'accorder à reconnaître que ces
motsdoivents'entendre commesignifiant lesprincipesgénérauxdela
justice, à part de tout système particulier de jurisprudence ..H
(C.P.J.I. sérieA/B no70, p. 76.)

La Cour a traitéassez en détail de l'équité etant qu'élémend t u droit
international dans les affaires duPlateau continental de lamer du Nord
(C.I.J. Recueil 1969, par. 88-89). Les Parties, de leur côté, en ont parlé

abondamment dans leurs écritures et leurs plaidoiries.
Parlanature mêmedeschoses,ladistinction entre une décisionreposant
sur desprincipes équitables,laquelle relèvedu droit international confor-
mément àl'article 38,paragraphe 1,du Statut, et une décisionex aequoet
bono rendue conformément à l'article 38,paragraphe 2, du Statut est dif-
ficileà préciser.11ne faut néanmoins par la négliger.A mon sens, les
principes d'équiténe peuvent pas s'appliquer dansle vide. A cepropos, il
est intéressant de noter que, dans l'affaire de la délimitation du plateau
continental opposant la France et le Royaume-Uni, le tribunal arbitral,
dans sa sentencedu 30juin 1977,a pris bien soindene pas statuer dans le
vide et de ne pas s'inspirer d'un pouvoirde décisiontotalement discré-
tionnairepour tracer la délimitation.C'estleprincipedel'équidistancequi
dans cecas a servide point de départjuridique à l'application de l'équité.

Le tribunal a notamment déclaré à ce sujet:

<(Le tribunal constate que,dans une bonne partie descas dont il a
connaissance, où une caractéristique géographique particulière a
influencéletracéde la lignededélimitationdu plateau continental, la
méthode de délimitation adoptéea consisté à modifier leprincipe de
l'équidistance ou à y apporter une variante plutôt qu'à le rejeter
complètement. En l'espèce,il s'agit aussi, précisément,de l'effet de
déviation produit par une caractéristique géographique dans une
situation où la ligne d'équidistance des côtes des deux Etats consti-
tuerait sanscela la ligne de délimitation appropriée. Par conséquent,
le tribunal estime qu'il estconforme non seulementaux règlesjuri-
diquesapplicablesau plateau continental mais aussi à la pratique des

Etats de rechercher la solution dansune méthode modifianlteprincipe dijferent criterionof delimitation." (See HMSO, Cmnd. 7438, 1978,
para. 249.) (Emphasis added.)

Thus, in this arbitration as well as in the North Sea Continental Shelf
cases, the Court of Arbitration and the International Court of Justice,
respectively, used at least as one point of departure the equidistance
principle for the application of equity. Furthermore, in the North Sea
Continental Shelf cases the principle prevailed that the Parties should
divide the continental shelf between them by agreement although subse-
quent to and pursuant to the Court's decision.

In the North Sea Continental Shelf cases, the Court held, as is well
known, that the use of the equidistance method of delimitation was not
obligatory between the Parties. Actually no singlemethod of delimitation
could be considered obligatory in al1circumstances.

The Court made, however, some interesting findingsbearing upon the
equidistance principle. Thus, in paragraph 99 of its Judgment, the Court
indicated solutions where the claims to a continental shelf overlap as
follows :

"In a seawith theparticular configuration of the North Sea,and in
viewof the particular geographical situation of the Parties'coastlines
upon that sea, the methods chosen by them for the purpose of fixing
the delimitation of their respective areas may happen in certain
localities to lead to an overlapping of the areas appertaining to them.
The Court considersthat such a situation must be accepted as a given
fact and resolved either by an agreed, or failing that by an equal
division of the overlapping areas, or by agreements for joint exploi-
tation, the latter solution appearingparticularly appropriate when it
isaquestion ofpreserving theunity of adeposit."(I.C.J. Reports1969,
p. 52, para. 99.)

Theimportance which theInternational Court ofJusticeattached to the
equidistanceprinciple in applying equitable principles has been summed
up as follows by the Court of Arbitration in the Delimitation of the
Continental Shelf case in the following manner :

"As to the Court's [the I.C.J.'s] observations on the role of the
equidistance principle, it was far from discounting the value of the
equidistance method of delimitation, while declining to regard it as
obligatory under customary law. 'It has never been doubted', the
Court commented,'that theequidistancemethod is averyconvenient
one, the use of which is indicated in a considerablenumber of cases'
(I.C.J. Reports 1969, para. 22) ; and again it commented 'it would
probably be true to Saythat no other method of delimitation has the
same combination of practical convenience and certainty of applica- de l'équidistanceoy uapportantunevariante,plutôt quederecourir à un
critère de délimitation toutà fait différent.)(Délimitation duplateau

continental entrela France et leRoyaume-Uni, décisiondu 30juin
1977,par. 249.) (Italique ajouté.)
Ainsi, dans cet arbitrage et dans les affairesdu Plateau continentalde la

mer du Nord, le tribunal arbitral et la Cour internationale de Justice ont
l'un et l'autre utilisé,au moins comme point de départ, le principe de
l'équidistancepour seprononcer suivantl'équitéD . e plus, dans lesaffaires
du Plateau continental delamer duNord,leprincipe directeurétait que les
Parties devaient partager le plateau continental entre elles par voie d'ac-
cord,encoreque cetaccord dût êtrepostérieur àladécisiondela Couretlui
donner suite.
Dans les affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, la Cour a

estimé,commeon sait, quelerecours àla méthodedel'équidistancen'était
pas obligatoire pour les Parties. En fait, il n'y a pas de méthode de
délimitationquipuisse êtreconsidérée commeobligatoire en toutecircons-
tance.
La Cour a toutefois ajouté certaines observations intéressantes, qu'il
semble utile d'évoquer au sujetdu principe de l'équidistance.C'est ainsi
qu'auparagraphe 99de son arrêtlaCour a indiquéquellespourraient être
les solutions quand les zones de plateau revendiquéesse chevauchent :

Dans une mer qui a la configuration particulière de la mer du
Nord et en raison de la situation géographiqueparticulière des côtes
des Parties dans cette mer, il peut se faire que les méthodeschoisies
pour fixerla délimitationdeszonesrespectives conduisentencertains

secteurs à deschevauchements entre les zonesrelevantdesParties. La
Cour considèrequ'il faut acceptercette situation comme une donnée
defait etlarésoudresoitpar une divisiondeszonesdechevauchement
effectuéepar voie d'accord ou, àdéfaut, parparts égales,soit par des
accords d'exploitation en commun. cettedernièresolution paraissant
particulièrement appropriée lorsqu'il s'agitde préserverl'unitéd'un
gisement. ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 52, par. 99.)

Dans l'affaire des îles anglo-normandes, le tribunal arbitral a noté
l'importance que la Courinternationale de Justice attachait au principe de
l'équidistancedans l'application des principes équitables :

<Quant aux observations de la Cour sur le rôle du principe de
l'équidistance,elles sont loin de dénier toute valeur à la méthodede
délimitation par l'équidistance ;ce que la Cour a refusé,c'est de
considérercetteméthodecomme obligatoire en droitcoutumier. (On

n'a jamais douté O, a dit la Cour, <(que la méthode de délimitation
fondée sur l'équidistancesoit une méthode extrêmement pratique
dont l'emploi estindiqué dansun trèsgrand nombre de cas ))(C.I.J.
Recueil1969,par. 22) ;et la Cour a ajoutéceci : (<ilestprobablement
exact qu'aucune autre méthodede délimitationne combineau même tion' (ibid., para. 23). The truth of these observations is certainly
borne out by State practice, whch shows that up to date a large
proportion of the delimitations of the continental shelf have been
effected by the application either of the equidistancemethod or, not
infrequently, of some variant of that method." (See HMSO, Crnnd.
7438, 1978,p. 54, para. 85.)

13. In its Judgment in the North Sea ContinentalSheifcases, the Court
made certain distinctions between opposite States and adjacent States.
With regard to opposite States, the Court remarked :

"The continental shelf area off, and dividing, opposite States, can
be claimed by each of them to be a natural prolongation of its terri-
tory. Theseprolongations meetand overlap,and can therefore onlybe
delimited by means of a median line ; and, ignoring the presence of
islets, rocks and minor coastalprojections, the disproportionally dis-
torting effect of which can be eliminated by other means, such a line
must effect an equal division of the particular area involved." (I.C.J.
Reports 1969, p. 36, para. 57.)

Where the delimitation of the continental shelf of adjacent States was
concerned, the Court made the following observations :

"This type of case is therefore different from that of laterally
adjacent Stateson the samecoast with no immediatelyopposite coast
in front of it, and does not giverise to the same kind of problem .. ."
(Zbid.)
The line of reasoning for the distinction between lateral and opposite
delimitation isinteresting, especiallythe expressassumptionthat in lateral

delimitation "adjacent States on the same coast [have] no immediately
opposite coast in front of [them]". In the present case,however, one of the
main difficulties arises from the fact that although Tunisia and Libya are
adjacent States, their relevant coasts have to a substantial extent the
characteristics of opposite States as well as those of lateral States. This
main characteristic must be reflected in the practical method of delirnita-
tion. If not, the relevant circumstances which characterize the area have
not been taken into account, and the solutions arrived at may be discre-
tionary rather than equitable.

14. The question arises as to whether it would be possible to elucidate
certain of the equitableprinciples or considerations which mayplay a role
in the present case, talung into consideration, inter alia, "the relevant
circumstances which characterize the area, as well as the new accepted
trends in the Third Conference on the Law of the Sea". degréles avantages de la commoditépratique et de la certitude dans
l'application ))(ibid., par. 23). Le bien-fondéde ces observations est

certainementconfirmépar la pratique des Etats ;celle-cimontre que
jusqu'à cejour un nombre considérable de délimitations de plateau
continentaux ont été éffectuéep sar l'application soit delaméthodede
l'équidistance,soit,assezfréquemment,par quelquevariante de cette
méthode. )>(Sentence arbitrale, par. 85.)

13. Dans son arrêt surles affaires du Plateau continentalde la mer du
Nord, la Cour a établi certaines distinctions entre Etats dont les côtes se
font face et Etats limitrophes. S'agissant des premiers, la Cour a dit
ceci :

<<leszonesde plateau continental setrouvant aularge d'Etats dont les
côtes se font face et séparant ces Etats peuvent êtreréclaméespar
chacun d'eux a titre de ~rolongument naturel de son territoire. Ces
zones serencontrent, sechevauchentet ne peuvent donc êtredélimi-
téesquepar une lignemédiane ; sil'on ne tient pas compte desîlots,
des rochers ou des légerssaillants de la côte, dont on peut éliminer

l'effet exagéré de déviation par d'autres moyens, une telle ligne doit
diviser également l'espacedont il s'agit. ))(C.I.J. Recueil1969,p. 36,
par. 57.)

S'agissant de la délimitation du plateau continental entre Etats limi-
trophes, la Cour a dit :
((Tout différent est le cas d'Etats limitrophes se trouvant sur la
mêmecôte et n'ayant pas de vis-à-visimmédiat ;les problèmes sou-

levésne sont pas du mêmeordre. ))(Ibid., p. 36-37, par. 57.)

Le raisonnement qui impose de faire une distinction entre une ligne
latérale de délimitation et une ligne de délimitation entre Etats se fai-

sant face est intéressant, surtout à cause de l'idéeformulée, qui est que,
dans le cas d'une délimitation latérale, par hypothèse, les (<Etats limi-
trophes ...[n'ont] pas de vis-à-vis immédiat )).En la présenteespèce,tou-
tefois, l'une des principales difficultéstient au fait que, si la Tunisie et la
Libye sont bien des Etats limitrophes, les côtes considéréesde l'un et
l'autre pays ont dans une large mesure lecaractèrede côtes sefaisant face
autant que celui de côtes adjacentes. Il faudrait tenir compte de cette

caractéristiqueessentielle pour adopter une méthode concrète de délirni-
tation, faute de quoi les circonstances pertinentes propres à la région
n'auront pas étéprises en considération et la solution retenue aura un
caractère peut-être plus discrétionnaire qu'équitable.
14. La question sepose de savoir s'ilserait possible de précisercertains
desprincipeséquitablesou certainesdesconsidérationsd'équitéqui pour-
raientjouer un rôle en l'espèce,eu égardnotamment aux (<circonstances
pertinentespropres àlarégionainsiqu'[aux]nouvellestendances acceptées

à la troisièmeconférence des Nations Unies sur le droit de la mer )). To give an exhaustiveenumeration of such principles or elements ap-
plicable in thepresentcase would beimpossible and unwarranted. Unwar-
ranted because it would be contrary to the very nature of the concept of
equitable principles to attempt exhaustiveformulations or enumerations

and impossible for much the same reasons. The Court stated in the North
Sea Continental Shelf cases to this effect :
"In fact, there is no legal limit to the considerations which States

may take account of for the purpose of making sure that they apply
equitableprocedures, and more often than not it is the balancing-up
of al1such considerations that will produce this result rather than
reliance on one to the exclusion of al1others. The problem of the
relative weight to be accorded to different considerations naturally
varieswiththe circumstances of the case." (1.C.J. Reports1969,p. 50,
para. 93.)

But for this very reason, 1 respectfully submit that the equity consider-
ations to be applied must be placed in some legal context. If applied in a
legalvoid asentirely self-sufficient,equity may easilychangethecharacter
of a decision from being a legal decision under Article 38,paragraph 1,of
the Statute to becoming an ex aequo et bon0 decision governed by the
provisions of paragraph 2 of Article 38 of the Statute. The Court has no
such authority in the present case.
One legal principle which obviously may play a role in this case as a
corollary to equityconsiderations is the equidistanceprinciplementioned
above. 1sharethe viewof the Court that theequidistanceprinciple isnot a
mandatory principle for delimiting the continental shelf (or Exclusive
Economic Zones) of neighbouringStates(Judgment, para. 109).But 1re-
spectfully hold an opinion different from that expressed by the Court in

paragraph 110.

It is of coursecorrect that, in the present case, the Court is not required
"as a first step, to examinethe effects of a delimitation by application of
theequidistancemethod,and to reject that methodinfavour of someother
only if it considers the results of an equidistance line to be inequitable".
But in this context, it should be borne in mind that in the Fourth Geneva
Convention of 29April 1958,on the continental shelf, Article 6 provides,
inter alia:

"In the absence of agreement, and unless another boundary line is
justified by special circumstances,the boundary is the median line,
every point of which is equidistant from the nearest points of the
baselinesfrom which the breadth of the territorial sea of eachState is
measured."

1would likewise draw attention to Article 12of the first Geneva Con-
vention of 29 April 1958on the Territorial Sea and the Contiguous Zone.
Article 12 provides : Il seraitimpossibleet superfludedonner la listecomplètedesprincipes
ou élémentsapplicables à la présenteespèce : superflu,parce qu'il serait
contraireà lanature mêmedesprincipeséquitablesdevouloir enétablirun
énoncéou une énumération définitive ; et impossible,pratiquement pour
les mêmesraisons. La Cour a dit à ce sujet, dans les affaires du Plateau
continental de la mer du Nord :

((Enréalité,iln'yapas de limitesjuridiques auxconsidérations que
les Etats peuvent examinerafin de s'assurer qu'ilsvont appliquer des

procédéséquitablesec t'estleplus souvent la balance entre toutes ces
considérationsquicréeral'équitableplutôt quel'adoptiond'uneseule
considérationen excluanttoutes les autres. De telsproblèmesd'équi-
libre entre diverses considérations varient naturellement selon les
circonstances de l'espèce. (C.I.J. Recueil 1969, p. 50, par. 93.)

Mais c'est pour cette raison même, à mon avis, que les considérations
d'équité à appliquer doivent être situéessur un plan juridique. Si elle
s'exercedans un videjuridique, comme si elle se suffisaitparfaitement à
elle-mêmel,'équitérisque fort de faire d'unedécisionjuridique conforme à
l'article 38,paragraphe 1,du Statut, une décisionex aequoet bon0répon-
dant auxdispositionsduparagraphe 2 dumêmearticle.Or laCour n'estpas
chargée enl'espècede rendre une décisiondu second type.

un principe juridique qui peut àl'évidencejouer un rôle en l'espèce, à
titre de corollairedes considérations d'équité, est précisémeln etprincipe
de l'équidistanceévoqué plus haut. Je partage l'avis dela Cour quand elle
dit que le principe de l'équidistance n'est pas un principe à appliquer
obligatoirement à la délimitation du plateau continental (ou des zones
économiquesexclusives)entre Etats voisins (arrêt,par.109).Mais on me
permettra d'avoir un avis différent de celui qu'elle exprime au para-
graphe 110.
Je conviens évidemmentqu'en l'espèceil n'est pas demandé a la Cour
(d'examiner en premier lieu leseffetsquepourrait avoirune délimitation

selon la méthodede l'équidistance, et de ne rejeter celle-ci au bénéfice
d'une autre méthode que si les résultats d'une ligne d'équidistance lui
paraissaient inéquitable )>.Cependant, dans ce contexte, il ne faut pas
oublier que l'article 6 de la quatrième convention de Genèvedu 29 avril
1958,sur le plateau continental, dispose notamment :

(<A défaut d'accord, et à moins que des circonstances spécialesne
justifient une autre délimitation, ..[la délimitation] est constituée
par la ligne médianedont tous lespoints sont équidistants despoints
les plus proches des lignes de base à partir desquelles est mesuréela
largeur de la mer territoriale de chacun ...[des] Etats [intéressés].>

Je voudrais aussi attirer l'attention sur l'article 12 de la première con-
vention de Genève du 29 avril 1958 sur la mer territoriale et la zone

contiguë. L'article 12dispose : "Where the coasts of two States are opposite or adjacent to each
other, neither of the two Statesisentitled, failing agreement between

them to the contrary, to extend its territorial sea beyond the median
dividing line every point of which is equidistant from the nearest
points on thebaselinefrom whichthe breadth of the territorial seasof
each of the States is measured."
1 further respectfully submit that in stating in paragraph 110 of the

Judgment that "equidistance is not, in the viewof the Court ...a method
having someprivileged status in relation to other methods" the Court also
seemsunaware of thefact that evenin the draft convention of 1981,of the
Third Law of the SeaConference,the text has given specialconsideration
tothe equidistance/median lineprinciple.Article 15on thedelimitation of
the territorial sea between States with opposite or adjacent coasts is in
terms identical to those of the GenevaConvention.Article 15provides as
follows :

"Where the coasts of two States are opposite or adjacent to each
other, neither of the two States is entitled, failing agreement between
them to the contrary, to extend its territorial sea beyond the median
line everypoint of which isequidistant from thenearestpoints on the
baselinesfrom which the breadth of the territorial seasof each of the
two Statesismeasured. The aboveprovision does not apply, however,
where it is necessary by reason of historic title or other special cir-
cumstances to delimit the territorial seas of the two States in a way
which is at variance therewith."

In its almost total disregard or belittlement of the equidistancemethod
inparagraph 110of theJudgment theCourt nowclearlyisat variancewith
the succinct statement made by the Court in its Judgment of 20 February
1969,paragraph 22, to the effect that :

"Particular attention is directed to the use, in the foregoing for-
mulations, of the terms 'mandatory' and 'obligation'. It has never
been doubted that the equidistance method of delimitation is a very
convenientone,the useofwhichisindicatedinaconsiderablenumber
of cases.It constitutesamethod capable of being employed in almost
al1circumstances, however singular the results might sometimes be,

and has the virtue that if necessary, - if for instance, the Parties are
unable to enter into negotiations, - any cartographer can de facto
trace such a boundary on the appropriate maps and charts, and those
traced by competent cartographers will for al1 practical purposes
agree." (I.C.J. Reports1969, p. 23.)

The Court likewise seems to disregard the fact that the equidistance/
median line principle is the only concrete principle added to the broad
reference to equity which has been discussed in the Third Law of the Sea
Conference asrelated to thedelimitation of the ExclusiveEconomicZones
and the Continental Shelfofadjacent and oppositeStates.Thisis apparent (<Lorsque les côtes de deux Etats se sont face ou sont limitrophes,
aucunde cesEtats n'est endroit, à défautd'accordcontraireentre eux,
d'étendresa mer territorialeau-delà de la ligne médianedont tous les
points sontéquidistants despoints lesplus proches deslignes de base
à partir desquelles est mesuréela largeur de la mer territoriale de
chacun des deux Etats. )>

J'estime aussi qu'en disant au paragraphe 110de l'arrêt que <<l'équidis-
tance ..[n'est]pas à ses yeux ..une méthode qui serait en quelque sorte
priviligiéepar rapport à d'autres ))la Cour ne semblepas tenir comptedu

faitque, mêmedans leprojet de convention établien1981par la troisième
conférence sur le droit de la mer, le texte porte un intérêtspécial au
principe de la ligne d'équidistance ou médiane.L'article 15 relatif à la
délimitationdela mer territorialeentreEtats dont lescôtes sontadjacentes
ou sefont faceest rédigéen des termes identiques à ceux de la convention
de Genève. L'article 15 dispose :

<Lorsque lescôtes de deux Etats sontadjacentes ou sefont face, ni
l'un ni l'autre de ces Etats n'est en droit, sauf accord contraire entre
eux,d'étendresamer territorialeau-delàde lalignemédianedonttous
les points sont équidistants des points les plus proches des lignes de
base à partir desquellesestmesuréelalargeurde la mer territoriale de
chacun desdeux Etats. Cettedisposition ne s'applique cependant pas
dans lecasoù, en raison de l'existencede titreshistoriquesoud'autres

circonstances spéciales,il estnécessairededélimiterautrementla mer
territoriale des deux Etats.
En méconnaissant ainsi presque totalement ou en minimisant la mé-
thode de l'équidistanceau paragraphe 110de l'arrêt, la Cours'écartede

façon manifeste de la déclaration succincte qu'elle avait faite dans son
arrêtdu 20 février1969,au paragraphe 22 :
(11convient de noter l'emploi des termes obligatoireet obligation
dans les formules quiprécèdent.Onn'ajamais doutéque la méthode

de délimitationfondée sur l'équidistancesoit une méthodeextrême-
ment pratiquedont l'emploi estindiquédansun trèsgrandnombre de
cas. Elle peut êtreutiliséedanspresquetoutes les circonstances,pour
singulierquesoitparfois lerésultat ;elleprésentel'avantagequ'encas
de besoin, par exemple si une raison quelconque empêcheles parties
d'entreprendre des négociations, tout cartographe peut tracer sur
la carte une ligne d'équidistancedefacto et que les lignes dessinées
par des cartographes qualifiéscoïncideront pratiquement. (C.I.J.
Recueil 1969, p. 23.)

DemêmelaCourparaît oublier queleprincipedela ligned'équidistance
ou médianeestleseulprincipeconcretquisoit venu compléterla référence
générale à l'équitédont la troisième conférencesur le droit de la mer a
discutédans le contexte de la délimitation des zones économiquesexclu-
siveset du plateaucontinental d'Etats dont lescôtes sont adjacentes ou sefrom the various Informa1NegotiatingTextsand the Informa1Text of the
draft convention on the Law of the Seaof 27 August 1980,Articles 74and
83.
The Court likewise seems to disregard the findings of the Court of
Arbitration in its Decision of 30June 1977as quoted in paragraph 12of

this dissenting opinion. The Court completelydisregards the very abun-
dant State practice laid down in numerous delimitation agreements and
enactments demonstrating the practical importance of the equidistance
principle for the delimitation of continental shelves and the exclusive
economic zones.
In my opinion theargumentsadvancedinparagraph 110fail to mention
any legal principles on which a decision on delimitation should be based.
The "relevant circumstances" to be evaluated must be applied in relation
to some rules of law. However, in the present case, the Court seems to
consider that delimitation based on "relevant circumstances" as a purely
discretionaryoperation where the Court more or less at will can disregard
relevant geographicalfactors like the island of Jerba, the Zarzis promon-
tories and the Kerkennah Islands ; can draw lines of delimitation which

run closely in front of such geographical factors and veer lines in an
arbitrary manner without any attempt to establish reasonable equality as
to distance between the nearly opposite coasts concerned. In my respectful
submission, both the reasoning in paragraph 110 and elsewhere in the
Judgment as well as the operative paragraphs thereof seem closer to a
decision-makingprocess based on an ex aequo etbon0approach according
toArticle 38,paragraph 2,of the Statute of the Court than to the authority
given to the Court in Article 38, paragraph 1,of the Statute. The results,
however, are not equitable in my respectful opinion.
15. Another element to be taken into consideration is the development
of the 200-mile zone concept ; both as it has been developed in the draft
convention - Chapter VI on the Continental Shelf, Article 76, para-
graph 1, and in Chapter V, Article 54, on the Exclusive Economic Zone.

Admittedly this case is concerned with the delimitation of the continental
shelf of the two Parties. But the 200-mile concept as developed both in
Chapter V and in Chapter VI of the draft convention must, in my re-
spectful opinion, be considered at least as "new accepted trends" in the
"Third Lawofthe SeaConference". In clarifying"the practicalmethod for
the application" of the principles and rules of international law, consid-
erationshould be givento thisdevelopment,and forvariousreasons.When
neighbouringStates claim functional sovereignrightsup to 200miles - be
they opposite States or adjacent States - their claims are based on a
distance criterion.This very fact seems to strengthen the equidistance/
median line principle as an equitable approach for delimitingoverlapping
areas. Furthermore, theCourt should not excludethat ExclusiveEconomic
Zones may be established in the areas concerned as in other areas of the

Mediterranean. It seems reasonable that the dividing line for such zones
should coincide with those laid down for continental shelf purposes. Also
for this reason, 1believe that the line of delimitation should be based onfont face. Celaressortdes diverstextes de négociation officieuxet du texte
officieuxduprojetdeconventionsurledroit delamerdu 27 août 1980,aux
articles 74 et 83.
La Cour sembledemêmenepas tenircompte desdéclarationsfaitespar

letribunal arbitraldans sadécisiondu 30juin 1977,citéeauparagraphe 12
delaprésenteopiniondissidente.Et ellenégligetotalement la pratique des
Etats, très abondante, se dégageantde nombreuxaccords de délimitation
et des textes législatifs connexes, qui atteste l'importance pratique du
principe d'équidistance pour délimiterles plateaux continentaux et les
zones économiquesexclusives.
A mon avis les arguments avancésau paragraphe 110de l'arrêtn'indi-
quent aucun principejuridique susceptiblede motiver une décisionsur la
délimitation. Les circonstances pertinentes à évaluer doivent être
appliquéespar rapport à des règlesdedroit. Or en l'espècela Cour semble
considérer la délimitation fondé sur des <(circonstances pertinentes )>

comme une opération purement discrétionnaire dans laquelle elle peut,
plus ou moins à saguise,ne tenir aucun compted'élémentsgéographiques
pertinents tels que l'îlede Djerba, les promontoires de Zarziset l'archipel
des Kerkennah ;et se permettre de tracer des lignes de délimitation lon-
geant ces reliefsgéographiquesou de dévierarbitrairement d'autres lignes
sansessayerd'assureruneégalitéraisonnable,pourcequi estdeladistance
entre les côtespresque opposéesdont il s'agit. Jeme permets de le dire,le
raisonnement suivi au paragraphe 110 de l'arrêtet ailleurs, ainsi que les
paragraphes du dispositif, ressemblent plusà une décisionex aequoet bono
conforme à l'article 38,paragraphe 2, du Statut de la Cour qu'à l'exercice
despouvoirsconférés à la Courpar l'article 38,paragraphe 1,de ce Statut.

Et pourtant je ne pense pas que les résultats soient équitables.
15. Un autre élément à prendre en considération tient à la notion de
zone de 200milles,qui s'estconcrétiséedans leprojetde conventionsurle
droit de la mer, à l'article 76, paragraphe 1, de la partie VI, relative au
plateau continental, et à l'article 54 de la partie V, relativeà la zone
économiqueexclusive. Certes, la présente espèceporte sur la délimita-
tion du plateau continental entre les Etats en cause. Mais la notion des
200milles, tellequ'elleest traitée auxparties V et VIdu projet de conven-
tion,relève,tout aumoins à mon avis,desnouvellestendances admises àla
troisièmeconférencedesNations Uniessur ledroit delamer. Pourclarifier
<<la manière pratique par laquelle ..s'appliquent )>en l'espèceles prin-

cipes et règlesde droit international, il convient de tenir compte de cet
élémentnouveau, et ce pour plusieurs raisons. Quand des Etats voisins
revendiquent l'exerciceconcret de droits souverainsjusqu'à 200 millesau
large de leurs côtes- qu'il s'agissed'Etats dont les côtes se font face ou
d'Etats limitrophes - leursrevendications sefondent eneffet surun critère
de distance.Ce fait en soi renforce, semble-t-il, l'idéeque leprincipe de la
ligne d'équidistance oude la ligne médiane est une méthodede délimita-
tion équitable à appliquer quand les zones revendiquéesse chevauchent.
En outre, la Cour ne doit pas exclure la possibilitéque des zones écono-
miques exclusives soient revendiquéesdans la région considérée, commesomewhat different considerations than those chosen by the Court. The
resultingpractical method of delimitation wouldhavebeenmore adequate
and equitable considering the special circumstances and needs of the

region. In paragraph 109of the Judgment, the Court States,after having
noted that equidistance "has been employed in a number of cases" in the
practice of States that : "equidistance may be applied if it leads to an
equitable solution ;if not, other methods should be employed". But the
Court has not attempted to use this test in the present case. Nor has it
examined whether the equidistance principle could be fruitfully used,
adjusted by principles of equity and the relevant circumstances charac-
terizing the region concerned to bring about an equitable solution. In this
context, 1 wish to refer to paragraph 126 of the Judgment, where the
observation is made that :

"The major change in direction undergone by the Coastof Tunisia
seemsto theCourt to gosomeway,though notthe wholeway,towards

transforming the relationship of Libya and Tunisia from that of
adjacent States to that of opposite States"
and the Court continues :

"and thus to produce a situation in which the position of an equidis-
tance linebecomes afactor to begivenmoreweightin thebalancing of
equitable considerations than would othenvise be the case".

Aside from paying homage to the equidistance principle by this last sen-
tence, the Court seems to have disregarded it completely also with regard
to these "opposite" coasts. The island of Jerba, an island of some 690
square kilometres, has been totally disregarded, ashave thepromontories
ofZarzis.The archipelago ofKerkennah has, for reasons not spelledout by
the Court, been given "half weight", but not in regard to establishng an
equidistance line but a 52' line which deviates fundamentally from an
equidistance line.
1alsobegrespectfully to disagreewith the assessrnentof theCourt in the
above-quoted passage in paragraph 109, that "equidistance may be
applied ifit leads to an equitable solution ;ifnot, other methods should be
employed". This relegation of the equidistance principle to the last rank of

practical methods does not correspond - in my opinion - to prevailing
principles of international law as evidencedby State practice, multilateral
and bilateral conventions ;the findings of the Court in its 1969decisions
and the findingsby theCourt of Arbitration in 1977in the Delimitation of
the Continental Shelf case.dans les autres parties de la Méditerranée. Oril serait raisonnable quela
lignede partage de ceszonescoïncide avesleslignesquiauront étéétablies
pour délimiterleplateau continental. Pour cetteraison encore, la ligne de
délimitation devrait selon moi répondre à desconsidérationsquelque peu
différentes de celles que la Cour a retenues. La méthode pratique de
délimitationquiaurait étéadoptéedanscesconditionseût mieuxconvenu

et eût étéplus équitable, eu égardaux circonstancesparticulières et aux
besoins particuliers de la région.Au paragraphe 109de l'arrêt,la Cour,
considérant la pratique des Etats et constatant que <<laméthode de
l'équidistancea été utiliséedans uncertain nombre de cas )),déclarececi :
<(L'équidistanceest applicable si elle conduit à une solution équitable,
sinon il convient d'avoir recours à d'autres méthodes. )Mais la Cour n'a
pas cherché,en l'espèce, à mettre l'équidistance à l'épreuve. Ellen'a pas

non plus cherché àsavoirsidansce casprécison pouvaitutilementrecourir
au principe de l'équidistance, sauf à l'adapter en fonction des principes
d'équitéet des circonstancespertinentes propres à la région,de façon à
aboutir à une solution équitable. A ce propos,je voudrais citer le para-
graphe 126de l'arrêt, où la Cour dit :

<De l'avis de la Cour, le changement radical d'orientation de la
côte tunisienne semble modifier jusqu'à un certain point la relation
existant entre la Tunisieet la Libye qui, Etats limitrophesau départ,
tendraient à devenir des Etats se faisant face. ))

Et la Cour de poursuivre :

<On aboutit ainsi à une situation dans laquelle la position d'une
ligne d'équidistancepèse plus qu'elle ne ferait normalement dans
l'appréciationglobale des considérations d'équité. ))
Mis àpart l'hommagerendu au principed'équidistancedans cettedernière

phrase,la Cour semblel'avoirtotalementécarté,mêmepour cescôtes <(se
faisant face o. Il n'a ététenu aucun compte de l'île de Djerba, dont la
superficie est de quelque 690 kilomètres carrés,ni des promontoires de
Zarzis. L'archipel des Kerkennah, pour des raisons que la Cour n'a pas
préciséess,'estvu attribuer un <(demi-effet O,etnonpaspourletracé d'une
ligne d'équidistance,mais pour le tracé d'une ligne de 52" qui s'écarte

radicalement de l'équidistance.
Qu'on me permette d'ailleurs de récuserlejugement que la Cour porte
dansl'extrait du paragraphe 109citéplushaut, quand elledit que <l'équi-
distance est applicable si elle conclut à une solution équitable ;sinon il
convient d'avoir recours à d'autres méthodes )>.Reléguerainsileprincipe
de l'équidistanceau dernier rang des méthodespratiques de délimitation
ne correspond guère, à mon avis, aux principes en vigueur du droit inter-

national tels qu'ils semanifestent dans la pratique des Etats, dans les
conventions multilatérales et bilatérales, dans les constatations énoncées
par la Cour dans son arrêtde 1969et dans celles formuléespar le tri-
bunal arbitral de 1977dans l'affaire de la délimitation du plateau conti-
nental. 16. Anequitableprinciple whichhasbeen considered asimportant both
in theJudgment of theInternational Court of Justicein the 1969Judgment
in the North Sea ContinentalShelf cases as well as in the Court of Arbi-

tration's Decision in the,Delimitation of the Continental Shelfcasein 1977
is the principle of not refashioning nature.
The International Court of Justice in its 1969Judgment had this to Say
about the principle :

"Equity doesnot necessarilyimply equality.There can neverbe any
question of completely refashoning nature, and equity does not
requirethat a State without accesstothe seashould be allotted anarea
of continental shelf, any more than there could be a question of
renderingthesituation of aState with an extensivecoastline similar to
that of a State with a restricted coastline. Equality is to be reckoned
within the same plane, and it is not such natural inequalities as
these that equity could remedy." (I.C.J. Reports 1969, pp. 49-50,
para. 91 .)

As to the application of this principle in the case at hand, the Court
stated :

"It is therefore not a question of totally refashioninggeography
whatever the facts of the situation but, given ageographicalsituation
of quasi-equality asbetween anumber of States, of abating the effects
of an incidental special feature from which an unjustifiable differ-
ence of treatment could result." (Ibid., p. 50, para. 91.) (Emphasis
added.)

In its 1977Decision in the Delimitation of the Continental Shelf case,
the Court of Arbitration dealt with thisprinciplein regard to Ushant and
the Scilly Isles. The Court stated, inter alia :
"Both Ushant and the ScillyIslesare, moreover,islands of acertain
sizeand populated ;and, in theviewof theCourt, theyboth constitute

natural geographical facts of the Atlantic region which cannot be
disregarded in delimiting the continental shelf boundary without
'refashioning geography'.

Just as it is not the function of equity in the delimitation of the
continental shelf completely to refashion geography, so it is also not
thefunction ofequitytocreateasituation ofcompleteequitywherenature
andgeographyhave establishedan inequity. Equity does not, therefore,
cal1for coasts, the relation of which to the continental shelf is not
equal, to be treated as having completely equal effects." (SeeHMSO,
Cmnd. 7438, 1978,p. 116,paras. 248 and 249.) (Emphasis added.)

Thisprincipleis of course closelybound up with the principlethat "the 16. Il est un principe équitable dont l'importance a été reconnuetant

par la Cour internationale de Justice dans les affaires du Plateau conti-
nentalde lamer duNord que par le tribunalarbitral de 1977dans l'affaire
de ladélimitationdu plateau continental :ceprincipe est qu'ilne faut pas
refaire la nature.
Dans son arrêt de 1969la Cour internationale de Justice disait ceci :

<(L'équité n'implique pas nécessairement l'égalité Il. n'estjamais
question de refaire la nature entièrementetl'équité ne commande pas
qu'un Etat sans accès à la mer se voie attribuer une zone de plateau
continental, pas plus qu'il ne s'agit d'égaliserla situation d'un Etat
dont les côtes sont étendues et celle d'un Etat dont les côtes sont

réduites.L'égalité se mesure dans un mêmeplan et ce n'est pas à de
telles inégalitésnaturelles que l'équitépourrait porter remède. ))
(C.I.J. Recueil 1969,p. 49-50, par. 91.)

S'agissant d'appliquer ce principe au cas d'espèce,la Cour ajoutait :

(<Il ne s'agit donc pas de refaire totalement la géographiedans
n'importe quelle situation de fait mais, en présenced'une situation
géographiquede quasi-égalité entre plusieurs Etats, deremédier à une
particularité non essentielle d'où pourrait résulterune injustifiable
différencede traitement. )(Ibid., p. 50, par. 91.) (Italique ajouté.)

Dans sa décisionde 1977 en l'affaire de la délimitation du plateau
continental le tribunal arbitral a appliqué ce principe à Ouessant et aux
Sorlingues :

((De surcroît, aussi bien Ouessant que les Sorlingues sont des îles
d'une certaine étendue et assezpeuplées ;de l'avisdu tribunal, elles
constituent toutes deux des faits géographiquesnaturels de la région

atlantique dont on ne saurait faire abstraction en fixant la ligne de
délimitation du plateau continental, sans (<refaire ...la géogra-
phie o.
..............................
De mêmeque l'équité n'apas pour fonction de refaire totalement la
géographielors de la délimitationdu plateau continental, ellen'apas
non pluspourfonction decréerunesituation decomplèteéquitélorsqluae
nature et la géographie ontcréé une inéquité. C'est pourquoi l'équité

n'oblige pas à attribuer à des côtes qui ne se trouvent pas dans un
mêmerapport avec le plateau continental des effets absolument
égaux. )>(Délimitation duplateau continental entre la France et le
Royaume-Uni, par. 248 et 249.) (Italique ajouté.)

Bien entendu, ce principe est étroitementlié à celui qui veut que soientrelevant circumstances which characterize the area" must be taken into
consideration. It is obvious that in a case of drawing the lines of delimi-
tation between States - be it on land or in marine areas - the relevant
circumstances characterizing the region concerned must play a decisive

role. This follows from the very nature of things. In addition it has
expressly been laid down in the Special Agreement in Article 1, para-
graph 1, and reverted to in Article 1,paragraph 2, that the concrete ele-
mentsof, inter alia ,ature and geography shallbe taken into account.This
certainly does not mean that theyshould be disregarded wholly or in part.
If, irrespective of these facts such relevant regional circumstances should
be held irrelevant and consequently disregarded, very solid reasons of
equity and justice must exist therefore. In paragraph 79 of the Judgment,
the Court States :

"The body of 'islands, isletsand low-tide elevations which form a
constituent part of the Tunisian littoral', referred to in the Tunisian
submissions, is a feature closely related to the claim of Tunisia to
historic rights ..."
Butislands, isletsand low-tide elevationshave of course more far-reaching
effectsfor thedelimitation of thecontinental shelves than thosementioned
in the above quotation. This followsfrom principles of law as wellas from

considerations of equity.
Thus, inArticle 1of the GenevaConventiononthe Continental Shelfof
1958,it is provided that the definition of the term "continental shelf" is
used also as referring "to the sea-bed and subsoil of similar submanne
areasadjacenttothe coasts ofislands". As mentioned above,Article 121of
the draft conventionon the Law of the Sea of 1981,provides that islands
have their territorial sea, their ExclusiveEconomic Zone and their conti-
nental shelf proper "in accordance with the provisions of this Convention
applicable to other land territory".

17. The Court affirms in paragraph 79 of the Judgment that the pre-
senceof theisland ofJerba and of theKerkennah Islands isacircumstance
which clearlycallsfor consideration ; and further that "the Court cannot
accept the exclusionin principle of theisland of Jerba and the Kerkennah
Islandsfromconsideration". But in the next sentence,theCourtholdsthat
the island of Jerba is to be totally disregarded ;as to the relevancy of the

Kerkennah Islands, it is stated that "the existence and position of the
Kerkennah Islands ...,on theother hand, ishighlymaterial". However, in
paragraph 129of the Judgment, the Court has deemed it appropriate to
attribute onlyhalf-effect to the KerkennahIslands. The enormous low-tide
elevationssurrounding both the Kerkennah Islands and Jerba are disre-
garded so completely that no mention of them has been made at all.
Neither has any mention been made of the important promontories of
Zarzis, of which the island of Jerba is but a continuation ; nor of the fact
that the coastline from Ras Ajdir to the Bay of Al-Biban, which has a
directionwest-northwest, veers almost duenorth when meetingthe coast-prises en considération les << circonstances pertinentes propres a la
région )>Ilvade soique, dans letracédeslignesdedélimitationentreEtats
- qu'ils'agissed'espaces terrestresou d'espaces maritimes - les circons-
tances pertinentes propres à la région intéresséje ouent un rôle détermi-
nant. Cela tient à la nature des choses. De plus, il est préciséau premier
alinéade l'article 1du compromis, et répété au deuxième alinéa, qu'if laut
tenir compte des éléments concretsde la nature et de la géographie,entre

autres. Cela ne doit certainement pas aboutir à écarter, intégralement ou
partiellement, ces éléments.Pour qu'indépendamment de ces faits les
circonstances pertinentes propres à la région soient considérées comme
sans pertinence et puissent êtrelaisséesde côté,il faudrait donc de très
solides raisons d'équité etdejustice. Au paragraphe 79 de l'arrêt,la Cour
dit :

(<L'ensemble d'(<îles, îlots et hauts-fonds découvrants qui sont
une partie constitutive du littoral tunisien O, visédans les conclu-
sions tunisiennes, est une caractéristiquetouchant de prèsla préten-
tion de la Tunisie à des droits historiques ...))

Or les îles, îlots et hauts-fonds découvrants ont, pour la délimitation des
plateaux continentaux, beaucoup plus d'importance que ne l'indique cette
citation, tant pour des raisons de droit que pour des considérations

d'équité.
c'est ainsi que l'article premier de la convention de Genève sur le
plateau continental de 1958dispose que l'expression <plateau continen-
tal))englobe (<le lit de la mer et le sous-sol des régionssous-marines
analogues qui sont adjacentesaux côtes desîles >)Et, commenous l'avons
déjàdit, l'article 121du projet de conventionsur ledroit de la mer de 1981
dispose que les îles sont dotées d'unemer territoriale, d'une zone éco-

nomique exclusiveet d'un plateau continental délimités (conformément
aux dispositions de la convention applicables aux autres territoires ter-
restres )).
17. La Cour affirme au paragraphe 79 de l'arrêtque la présencede l'île
de Dierba et des Kerkennah re~résenteune circonstance aui est manifes-
tement à prendre en considération ; et elle ajoute : (<la Cour ne peut
accepter que la prise en considération de Djerba et des Kerkennah soit

exclue en principe ))Or, dans la phrase suivante, la Cour indique qu'ilne
va êtretenu strictement aucun compte de l'îlede Djerba ;pour ce qui est
des Kerkennah, elle ajoute : (<en revanche, l'existenceet la situation des
Kerkennah ...est un fait important ». Mais au paragraphe 129,la Cour
juge bon de n'attribuer aux Kerkennah qu'un demi-effet. Il n'est tenu
absolument aucun compte des très vastes hauts-fonds découvrants qui
entourent à la fois les Kerkennah et Djerba.

Il n'est pas non plus fait la moindre mention des importants promon-
toires de Zarzis, dont l'îlede Djerba n'est qu'un prolongement, ni du fait
que la côte, qui est orientée ouest-nord-ouest depuis Ras Ajdirjusqu'à la
baie d'El Biban, prend brusquement une direction quasi plein nord à saline of the Zarzis Peninsula and itscontinuation, the island of Jerba. This
complete change of direction has been disregarded in the Judgment.
Disregarding completely these special characteristics of very relevant
sections of the Tunisian coastline and only giving half effect to the Ker-
kennah Archipelago is in my respectful opinion a refashioning of nature
which is neither warranted in law nor by the facts, nor is the disregard of
such important geographical features equitable.
Somefurther details may be illustrative. The island ofJerba isactually a
continuation of the mainland in a northerly direction ; at low-tide it is
scarcely an island, but is separated from the mainland by a very narrow
strait(ford). Already in Roman timestheisland waslinked to the mainland
with a causeway which is still in use by came1drivers. The waters sur-
rounding the rest of Jerba are also very shallow. Jerba is, like the Ker-

kennah~, surrounded by a belt of banks and low-tide elevations where
stationary surface fishing-gear is in extensive use (Tunisian Memorial,
paras. 3.25-3.27).The island has an area of some 690 square kilometres,
which corresponds to twice the sizeof the island of Malta. The economic
importance of the island is significant. It has a considerable perma-
nent population and has likewise developed into an important tourist
centre.
18. The Kerkennah Archipelago forms a natural prolongation of the
north shore of the Gulf of Gabes.The Kerkennah Archipelago consists of
two main islands and a number of smaller islands (Tunisian Memorial,
paras. 3.1g-3.20). The area of the Kerkennahs is some 180 square kilo-
metres, Le., almost the size of the island of Malta. The Kerkennahs are
surrounded by an extensive belt of low-tide elevations and shoals some
9-27 kilometres in width. The Kerkennahs lie 11miles to the east of the
mainland but are virtually a continuation of the mainland by virtue of the
extreme shallowness of the waters separating them from the mainland.
Navigation in thepassagebetweentheislands and the mainland isdifficult
and only possible for small craft. On the seaward side of the Archipelago
there is likewise a large surrounding area of low-tide elevations. These

areas are closely linked to the islands and are exploited by the local
population, as has been the case throughout history, by a special form of
aquaculture bearing striking sirnilaritiesto agriculture. The countless per-
manent surface fishing installations are tended and hamested by the fish-
ermen (owners) on foot. This immense rampart of low-tide elevations is
marked by buoys and beacons (Tunisian Memorial, para. 3.21). Both the
islands of the Kerkennah Archipelago as well as the low-tide elevations
and the unique shallowness of the waters form very striking and relevant
circumstances, which certainly characterize the area. Such characteristics
have been given significant weight in the annals of international law, in
State practice, in the findings of the International Court of Justice in the
Anglo-Nonvegian Fisheries case of 18 December 1951 (1C ..J. Reports
1951,pp. 116ff.),and in multilateral and bilateral conventions such as the
Geneva Convention on the Lawof the Seaand the Geneva Convention on
the Continental Shelf both dated 29 April 1958.The new accepted trendsjonction avecla côtedela péninsulede Zarzis et sonprolongement, l'îlede
Djerba. L'arrêt ignore complètemenc te changement de direction radical.
Ne tenir aucun compte de ces caractéristiquespropres à certains seg-
ments extrêmementpertinents de la côte tunisienne et ne donner qu'un
demi-effet à l'archipel des Kerkennah revient, à mon avis, à refaire la
nature, ce quine sejustifie ni endroit ni en fait, et, vu l'importance de ces
accidents géographiques, n'estpas non plus équitable.
Jesignalerai àcepropos quelquesdétailsprobants :l'îledeDjerba esten
fait un prolongement du continent en direction du nord ; àmarée basse,

c'està peine une île, car elle n'est sépadu continent que par un détroit
extrêmementétroit.Dèsl'époque romainel,'îleétaitreliéeaucontinentpar
une digue qu'empruntent encore aujourd'hui les chameliers. Les eaux qui
entourent le reste de Djerba sont d'ailleurs,ellesaussi,très peuprofondes.
L'îlede Djerba est, comme les Kerkennah, entourée par une ceinture de
bancs et de hauts-fondsdécouvrants oùlesenginsdepêchefixesvisiblesen
surface sont très utilisés (mémoirede la Tunisie, par. 3.2à 3.27). L'îlea
une superficie d'environ 690 kilomètres carrés, c'est-à-dire deux foisles
dimensions de Malte. Son importance économique est appréciable. Sa
population permanente est nombreuse. Enfin, l'îleest devenue un centre
touristique important.
18. L'archipel desKerkennahformele prolongement naturel du littoral

nord du golfe de Gabès. Il comprend deux îles principales et un certain
nombre d'îles plus petites (mémoirede la Tunisie, par. 3.18 à 3.20). La
superficie des Kerkennah est d'environ 180kilomètrescarrés, c'est-à-dire
presque la dimension de Malte. Les Kerkennah sont entourées d'une
ceinture étendue de hauts-fonds découvrants etde bancs, d'une largeur
appoximative de 9 à 27 kilomètres.Elles sont situéesà11milles àl'estdu
continent, mais leprolongent en fait en raison de la trèsfaibleprofondeur
des eaux qui les en séparent. Lanavigation dans le passage situéentreles
îles et lecontinent est difficileet seules de petites embarcations peuvent la
pratiquer. De même,du côtédu large, l'archipel est entouréd'une vaste
zonedehauts-fonds découvrants.Ceszones.étroitementliéesauxîles.sont
exploitéespar la population locale, comme elles l'ont étépendant toute

l'histoire, selon des méthodes spécialesd'aquaculture qui présentent des
ressemblances frappantes avecl'agriculture. C'esten parcourant à pied les
innombrables installations permanentes de pêchevisibles en surface que
les pêcheurs(propriétaires)travaillent à leurs engins et en recueillent les
prises. Cet immense rempart de hauts-fonds découvrants estjalonné de
bouéesetdebalises(mémoirede laTunisie, par. 3.21).Lesîlesdel'archipel
des Kerkennah et les hauts-fonds découvrants, uniquespar la faible pro-
fondeur de leurs eaux, constituent des circonstances très frappantes et
pertinentes, qui caractérisent sans doute possible la région.Une impor-
tanceconsidérableest reconnue à ces caractéristiquesdans les annales du
droit international, dansla pratique des Etats, dans l'arrêtrendu le 18dé-
cembre 1951par la Courinternationale deJustice enl'affaire des Pêcheries

(C.I.J.Recueil 1951,p. 116et suiv.)ou dans desconventions multilatérales
etbilatérales commelesconventions de Genèvesurle droit de la mer et surin theThird Law of the SeaConference have gone further in this direction
of recognizing the importance of regional characteristics such as islands,
archipelagos, rocks,reefs andlow-tideelevations. In the Anglo-Norwegian
Fisheries case, mentioned above, the critical problem was whether the
Norwegian straight baseline system, drawn between the innumerable
islands, islets, rocks and low-tideelevations of the coastal rampart called

the "skjaergaard" alongthe coasts of northern Norway was "inconsistent
with the mles of international law". The Court held :

"The Court finds itself obliged to decide whether the relevant
low-water mark is that of the mainland or of the 'skjaergaard'. Since
the mainland is bordered in its western sector by the 'skjaergaard',
which constitutes a wholewith the mainland, it is the outer line of the
'skjaergaard'which must be taken into account in delimitingthebelt

of Norwegian territorial waters. This solution is dictated by geo-
graphic realities." (I.C.J. Reports 1951, p. 128.)

Consequently the Court held that the straight baseline method (drawn
between islands, islets, rocks and low-tideelevations) "employed for the
delimitation of the fisheries zone by the Royal Norwegian Decree of July
12th, 1935, is not contrary to international law" (I.C.J. Reports 1951,

p. 143).
The Geneva Convention of 1958 on the Territorial Sea provides, in
Article 4, concerning islands and coastal archipelagos, in paragraph 1
that :
"In localities where thecoastline isdeeply indented and cut into, or
if there is a fringe of islands alongthe Coastin its immediate vicinity,
the method of straight baselines joining appropriate points may be
employed in drawing the baseline from which the breadth of the
territorial sea is measured."

In a separate article on islands (Art. 10)it provides

"(1) An island is a naturally formed area of land, surrounded by
water, which is above water at high tide.
(2) The territorial sea of an island is measured in accordance with
the provisions of these articles."
The Convention has the following provisionson low-tide elevations in
Article 11 :

"(1) Alow-tideelevation isanaturallyformedarea ofland whichis
surrounded by and above water at low-tide but submerged at high
tide. Where a low-tide elevation is situated wholly or partly at a
distance not exceeding the breadth of the territorial sea from thele plateau continental, l'une et l'autre du 29 avril 1958. Les nouvelles
tendances acceptées à la troisièmeconférence des Nations Unies sur le
droit de la mer vont plusloin sur cette voie en reconnaissantl'importance
de caractéristiques locales telles que les îles, archipels, rochers, récifset
hauts-fonds découvrants. Dans l'affaire des Pêcheries mentionnéeci-des-
sus,leproblèmecrucialétait desavoir sile systèmenorvégiendeslignesde

base droites tracéesentre les innombrables îles, îlots, rochers et hauts-
fonds découvrants du rempart côtier appelé (<skjærgaard )),le long des
côtes nord de la Norvège, était (<incompatible avec les règlesdu droit
international )).Voici comment s'estprononcéela Cour :

<(La Cour doit préciser si la laisse de basse mer à prendre en
considérationest cellede la terreferme ou celledu (<skjærgaard ))La
côte étant,dans son secteur occidental,bordée par le (skjærgaard )),

qui constitue un tout avec la terre ferme, c'est la ligne extérieuredu
(skjærgaard qui s'impose commecellequi doit êtreprise en consi-
dération pour la délimitation de la ceinture des eaux territoriales
norvégiennes. Les réalités géographiques dictent cette solution. ))
(C.I.J. Recueil 1951, p. 128.)

La Cour a doncjugé quela méthodedeslignesde base droites tiréesentre
les îles, îlots, rochers et hauts-fonds découvrants, employéepour la
délimitationde la zone de pêchepar ledécretroyalnorvégiendu 12juillet

1935 n'est pas contraire au droit international )) (C.I.J. Recueil 1951,
D. 143).
En son article 4, relatif auxîles et.archipels du littoral, la convention de
Genèvede 1958sur la mer territoriale dispose au paragraphe 1 :

<<Dans les régions oùla lignecôtièreprésente deprofondes échan-
cruresetindentations, ou s'ilexisteunchapeletd'îleslelong delacôte,
à proximité immédiatede celle-ci, la méthode des lignes de base
droitesreliantdespoints appropriespeut êtreadoptéepour letracéde

la ligne de base à partir de laquelle est mesuréela largeur de la mer
territoriale. ))

Dans un article spécial surles îles, l'article 10,elle dispose :
<<1. Une île est une étendue naturelle de terre entourée d'eauqui
reste découverte à maréehaute.

2. La mer territoriale d'une île est mesuréeconformément aux
dispositions des présents articles.

A l'article 11la convention contient les dispositions suivantes relatives
aux hauts-fonds découvrants :
(<1. Par hauts-fonds découvrants, il faut entendre les élévations

naturelles de terrain qui sont entourées par la mer et découvertes à
maréebasse mais recourvertes à maréehaute. Dans les cas où des
hauts-fonds découvrants se trouvent, totalement ou partiellement, à mainland or an island, thelow-waterlineon theelevation maybeused
for measuring the breadth of the territorial sea.

(2) Where a low-tide elevation is wholly situated at a distance
exceeding the breadth of the territorial sea from the mainland or an
island, it has no territorial sea of its own."

Article 1 of the Geneva Convention of 1958on the Continental Shelf
likewise contains provisions to the effect that islands have continental
shelves of their own as follows :

"For the purpose of these articles, the term 'continental shelf' is
used as referring ... (b)tothe seabed and subsoil of similarsubmarine
areas adjacent to the coasts of islands."
Article 7of the draft conventiononthe Thrd Lawof the SeaConference
of 1981 on straight baselines contains provisions identical with those
quoted abovefromArticle 4oftheGenevaConvention of 1958on the Law
of the Sea. Article 13 of the draft on low-tide elevationshas provisions

identicalwith those contained inArticle 11of the 1958Conventionon the
Territorial Sea. See also Article 7, paragraph 4.

In thepresent case,especiallywith regard to theKerkennahArchipelago
and the Gulf of Gabes,paragraph 5 ofArticle 7should bebornein mind as
a highly relevant trend in the Third Law of the Sea Conference. It pro-
vides :

"Where the method of straight baselines is applicable under para-
gkaph 1,account may be taken, in determiningparticular baselines of
economicinterests peculiar to the region concerned, the reality and
the importance of which are clearly evidenced by long usage."

The specialcharacteristics of the low-tideelevationssurrounding both

theKerkennah Archipelagoand theisland of Jerba, as shown to the Court
by the film of those areas, bear a clear resemblance to the formations
regulated in Article 6 of the draft convention on reefs. It provides :

"In the ca- of islands situated on atolls or of islands having
fringing reefs, the baselineformeasuringthebreadth of the territorial
sea is the seaward low-water line of the reef, as shown by the appro-

priate symbol on charts officially recognized by the coastal State."

1 respectfully submit that giving only half effect to the Kerkennah
Archipelago and at the same time disregarding completely the low-tide
elevations surrounding and forming a natural part thereof, is not war-
ranted in law and does not correspond to equity. une distance du continent ou d'une île ne dépassant pas la largeur
de la mer temtoriale, la laisse de basse mer sur ces fonds peut être
prise comme ligne de base pour mesurer la largeur de la mer terri-
toriale.
2. Dans les cas où les hauts-fonds découvrants se trouvent totale-

ment à une distance du continent ou d'une île supérieure à la largeur
de la mer territoriale, ils n'ont pas de mer territoriale propre. >)
L'article premier de la convention de Genèvesur leplateau continental

de 1958prévoitde même,dans les termes suivants, que les îles ont des
plateaux continentaux qui leur sont propres :
((Auxfinsdesprésentsarticles,l'expression ((plateau continental >)
est utiliséepour désigner ...b)lelit de la mer et lesous-sol des régions
sous-marines analogues qui sont adjacentes aux côtes des îles.>>

L'article 7 du projet de convention de 1981de la troisièmeconférence
sur le droit de la mer, relatif aux lignes de base droites, contient des
dispositionsidentiques à celles,précitéesd ,e l'article4de laconvention de
Genèvesur le droit de la mer de 1958. Et l'article 13du projet, relatif aux

hauts-fonds découvrants, contient des dispositions identiques à celles de
l'article 11 de la convention sur la mer territoriale de 1958. Voir aussi
l'article7, paragraphe 4.
Dans la présente affaire, surtout en ce qui concernel'archipel des Ker-
kennah et le golfe de Gabès, il faut tenir compte de l'article 7, para-
graphe 5, qui représenteune tendance desplus pertinentes de la troisième
conférence sur le droit de la mer :

((Dans lescasoù laméthodedeslignesdebasedroitess'appliqueen
vertu du paragraphe 1,ilpeut êtretenu compte,pour l'établissement
de certaines lignes de base, des intérêtséconomiquespropres à la
régionconsidéréedont la réalité et l'importance sont manifestement
attestées par un long usage. >)

Par leurs caractéristiques, les hauts-fonds découvrants qui entourent
l'archipel des Kerkennah et l'île de Djerba, tels que la Cour a pu les
observer grâce au film tourné sur les lieux, ressemblent beaucoup aux
formations visées à l'article 6, concernant les récifs,du projet de conven-
tion. Ce texte dispose :

Lorsqu'ils'agitdepartiesinsulaires d'uneformation atollienne ou
d'îlesbordéesde récifsfrangeants, la ligne debase à partir delaquelle
est mesuréela largeur de la mer territoriale est la laisse de basse mer
sur le récif,côtélarge, telle qu'elle estindiquéesur les cartes marines

reconnues officiellement par l'Etat côtier. >)
Qu'ilme soit permis de dire que la décisionde n'attribuer qu'un demi-
effet à l'archipel des Kerkennah et, en mêmetemps, de ne tenir aucun
compte des hauts-fonds découvrants qui les entourent et en font naturel-

lement partie n'est pas fondéeen droit et ne correspond pas à l'équité. 19. The line of argument adopted in paragraph 128of the Judgment is
not convincingin my respectfulopinion.TheCourtnotesthat alinedrawn
from the westernmostpoint of the Gulf of Gabes(presumably at 34" 10.5'
north latitude) to Ras Kaboudia would have a bearing of 42" to the
meridian. This is a totally imaginaryline some 160kilometres long. As a
straightline it is drawninlandsome 6 miles(11kilometres) from the actual
sea-coast, thus disregarding the actual shoreline. To pay attention to the
bearing of this artificial line- which is "approximately 42" to the me-
ridian", is,in my respectfulopinion "a refashioning of nature". Actually a
straight line drawn to the protruding points of the Coastin a direction

towards Sfax to Ras Busmada would be at an angle of approximately51
to the meridian, not 42O.
In paragraph 128,the Court observes that to the east of the imaginary
line of 42"
"lie the Kerkennah Islands, surrounded by islets and low-tide eleva-
tions, and constituting by their size and position a circumstance
relevant for the delimitation, and to which the Court must therefore
attribute some effect".

Actually the Kerkennahs together with their unique and vast low-tide
elevationsform a geographicalconfigurationtypical of a coastal archipel-
ago. Becauseof the shallowness of the surrounding watersand the special
characteristics of the area as a whole, the Kerkennahs are in fact in many
respects a hybrid, between a promontory extending the northern part of
the Gulf of Gabes, andislands. For thesereasonsalone, but alsoin viewof
the heavy emphasis the Special Agreement of 1977put on the relevant
circumstances that characterize the area, 1disagree respectfully with the

Court's observation that this archipelago should only be given "some
effect".
Further down in the same paragraph, the Court States :
"In these geographicalcircumstances, the Court has to take into
account not only the islands, but also the low-tide elevations which,
while they do not, as do islands, have any continental shelf of their
own, do enjoy somerecognitionin international law for certain pur-
poses ..."

In spite of these assertions the Court seems to proceed in the next
sentence to disregard the low-tide elevations and also to give very little
effectto theKerkennah Archipelago. After having asserted that alinefrom
the most westerly point of the Gulf of Gabes to the Kerkennah Islands
(and disregarding the low-tide elevations) would run at a bearing of
approximately 62" to the meridian, the Court continues :

"The Court considersthat tocausethedelimitationline toveereven
as far as to 62", to run parallel to the island coastline, would, in the
circumstances of the case, amount to giving excessive weight to the
Kerkennahs." 19. Le raisonnement suivi au paragraphe 128de l'arrêtn'est à mon avis
pas convaincant. La Cour relève qu'une ligne reliant le point le plus
occidental du golfedeGabès(probablement à 34" 10,5'delatitude nord) à
Ras Kapoudia formerait avecle méridienun angle de 42". Il s'agitd'une
ligne totalement imaginaire, d'une longueur d'environ 160 kilomètres.

Comme c'est une ligne droite, elle passe à ['intérieurdes terres, environ
6 milles (11kilomètres)du littoral et ne tient doncpas compte de la côte
réelle.Se fonder sur l'angle de cette ligne artificielle, qui forme(avec le
méridien un angle de près de 42" ))revient à mon avis à ((refaire la
nature D.En réalitéu, nedroite tracéed'aprèslespoints saillants de la côte
jusqu'à Ras Bousmada, dans la direction de Sfax,formerait avec le méri-
dien un angle d'environ 51" et non 42".
Au paragraphe 128,la Cour indique qu'à l'estde la ligneimaginaire de
42" :

<se trouvent les îles Kerkennah, entouréesd'îlots et de hauts-fonds
découvrants. En raison de leur étendueet de leur position, ces îles
constituentune circonstance pertinente auxfins deladélimitation ;la
Cour doit donc leur attribuer un certain effet. ))

En réalitéles Kerkennah, avecleur unique et vaste ensemble de hauts-
fonds découvrants,forment une configuration géographique typiqued'un
archipel côtier. La faible profondeur des eaux avoisinantes et les singula-
ritésde l'ensembledela régionconfèrent enfait auxKerkennah, àbien des
égards,un caractère intermédiaire entre celui d'un groupe d'îles et celui

d'un promontoire qui s'étendraitau nord du golfe de Gabès. Pour cette
raison déjà, mais aussiparce que le compromis de 1977insiste formelle-
ment sur lescirconstances pertinentespropres àla région,je dois exprimer
mon désaccord avecla déclarationdela Cour selonlaquellecet archipel ne
doit recevoir qu'un <<certain effet)).
Plus loin, dans le mêmeparagraphe, la Cour déclare :

<<Vu cette configuration géographique, la Cour a dû prendre en
considération non seulement les îles, mais aussi les hauts-fonds
découvrants qui, bienque ne possédant pas, commeles îles, un pla-
teau continental propre, sont reconnus à certaines fins en droit inter-
national ..))

Malgrécesassertions,la Cour, à laphrase suivante,sembledéciderdene
pas tenir compte deshauts-fonds découvrants et ausside n'attribuer qu'un
effet très limitéà l'archipel des Kerkennah. Après avoir déclaré qu'une
ligne tracéeentre le point le plus occidental du golfe de Gabès et les îles
Kerkennah (négligeant les hauts-fonds découvrants) formerait avec le
méridienun angle d'environ 62", elle poursuit en ces termes :

<<La Cour est ..d'avis qu'entout étatde cause une ligne de déli-
mitation infléchie jusqu'à 62" parallèlement à la côte de l'archipel
attribuerait un poids excessifaux Kerkennah dans les circonstances
de la présenteaffaire. The Court does not give any reasons why the 62" line would give
"excessiveweight to the Kerkennahs". Nor does it giveanyreasons why it
totally disregards the low-tide elevations surrounding the Archipelago,
repeatedly invoked in the case asgeographicfeatures that characterizethe
area. If these low-tide elevations had been taken into account the line
drawn from thewesternmostpoint of the Gulf of Gabesto theKerkennahs
would run approximatelyin the direction of 66" to the meridian and not
62". Even according to the Court's ruling of giving half effect to the

Kerkennahs - a result which to my mind is unequal and a refashioning of
nature - the veering should in no event be a 52" line but a line running
some 57.5" to the meridian. Even thisline would be less equitable than an
equidistance line.
20. In paragraphs 118 ff. the Judgment deals with an issue of para-
mount importance for "the practical method for the application of" the
principlesand rules of international law in the "specific situation", that is,
the 26" line which is described in the following manner in the operative
part of the Judgment, paragraph 133C (2),

"in the first sector, namely in the sector closer to the Coast of the
Parties, the startingpoint for thelineofdelimitation isthepoint where
the outer limit of the territorial sea of the Parties is intersected by a
straight linedrawn from the land frontier point of Ras Ajdir through
the point 33" 55'N, 12" E, which line runs at a bearing of approxi-
mately 26" east of north, corresponding to the angle followed by the
north-western boundary of Libyan petroleum concessions numbers
NC 76,137, NC 41and NC 53,whichwasaligned on the south-eastern
boundary of Tunisian petroleum concession'Permis complémentaire
offshore du Golfe de Gabès'(21 October 1966) ;fromtheintersection
point so determined, the line of delimitation between the two conti-
nental shelvesis torun north-east throughthepoint 33" 55'N, 12"E,
thus on that samebearing, to thepoint ofintersection with theparallel
passing through the most westerly point of the Tunisian coastline

between RasKaboudia and RasAjdir, that isto Say,themost westerly
point on the shore-line (low-water mark) of the Gulf of Gabes".
In the Court's view, the 26" line from "the land frontier point of Ras
Ajdir" should continue on the samebearing until it reaches the parallel of
the "most westerly point of the Tunisian coastline" in the Gulf of Gabes
(34" 10'30" N approximately). The Court has not explained why the most
westerly bottom point of the Gulf of Gabes should be the relevant point

here whileat the same time theCourt isignoringtheisland ofJerba and the
promontories ofZarzis. These configurationschangecompletelythe direc-
tion of the Tunisian coastlinenorthward ata longitudemore than 60miles
to the east of the bottom point of the Gulf of Gabes actually used by
the Court.That is from some 10" east to some 1 1" 10'east latitude. 1re-
spectfully feel that this choice of the Court is discretionary and not equi-
table.
In paragraph 118of the Judgment, the Court Statesthat the 26" lineis La Cour n'indique pas pour quel motif la ligne de 62" attribuerait (un

poids excessifaux Kerkennah o.Ellene dit pas non plus pourquoi ellene
tient aucun compte des hauts-fonds découvrantsautour de l'archipel, qui
ont été cités àmaintes reprises au cours de l'instance parmi les particu-
larités géographiquespropres à la région.Si l'on tenait compte de ces
hauts-fonds découvrants,lalignereliant lepoint leplus occidental du golfe
de Gabès auxKerkennah s'écarteraitdu méridien d'environ 66" et nonde
62". Mêmeen s'entenant àla décisiondela Courd'attribuer un demi-effet
aux Kerkennah - résultat selonmoiinéquitableet quirefait lanature - on

ne devrait en aucun casaboutir à unelignede 52",mais àuneligneformant
avec le méridienun angle d'environ 57,5". Cette ligne elle-même serait
moins équitablequ'une ligne d'équidistance.
20. L'arrêtexamine aux paragraphes 118 et suivants une question qui
présente la plus grande importance du point de vue de <la méthode
pratique pour l'application ))desprincipes et règlesdu droit international
dans la <situation préciseo.Il s'agit de la ligne des 26", qui est décrite
comme suit dans le dispositif, au paragraphe 133C 2) :

((dans lepremier secteur, leplus proche descôtesdesParties, lepoint
de départ de la ligne de délimitation est l'intersectionde la limite
extérieurede la mer territoriale des Parties et d'une ligne droite tirée
du point frontière de Ras Ajdir et passant par le point 33" 55'N

12" E, àun angle de 26" environ à l'estdu méridien,correspondant à
l'angle de la limite nord-ouest des concessions pétrolières libyennes
noNC 76, 137, NC 41 et NC 53, laquelle est alignéesur la limite
sud-est du permis tunisien dit (<Permis complémentaire offshoredu
golfe de Gabès (21 octobre 1966) ; àpartir du point d'intersection
ainsidéterminél,a lignede délimitationentre lesdeuxplateaux conti-
nentaux sedirigera verslenord-est selon lemêmeangleen passant par
le point 33" 55'N 12" Ejusqu'à ce qu'ellerencontre le parallèle du

point le plus occidental de la côte tunisienne entre Ras Kapoudia et
Ras Ajdir, à savoir le point le plus occidental de la ligne de rivage
(laisse de basse mer) du golfe de Gabès )>.

SelonlaCour,lalignedes26" tiréedu << pointfrontièredeRasAjdir )de-
vrait conserver la mêmedirectionjusqu'à la latitude du << oint le plus oc-
cidental de la côte tunisienne)du golfede Gabès(environ 34"10' 30"N).
La Cour n'a pas expliquépourquoi c'est lepoint situéle plus à l'ouest
au fond du golfe de Gabès qu'il faut retenir ici, en faisant abstraction
de l'île de Djerba et des promontoires de Zarzis. Ces configurations
modifient complètement la direction de la côte tunisienne à une longitude
situéeà plusde60milles àl'estdupoint du golfedeGabèsretenupar laCour

(11" 10'Eaulieude 10" E).Jeconsidèrepourmapart quecette décisionde
la Cour a un caractère par trop discrétionnaire et n'estpas équitable.

Auparagraphe 18de sonarrêt,la Cour dit quela lignedes 26" n'estpasnot based on a "tacit agreement between the Parties - which, in view of
their more extensive and firmly maintained claims, would not be pos-
sible -", nor does theCourt hold "that they aredebarred byconduct from
pressing claims inconsistent with such conduct on some such basis as
estoppel". At the same time, however, the Court states that "it is evident
that the Court must take into account whatever indicia are available of the
lineor lineswhichthe Parties themselvesmay haveconsidered equitable or
acted upon as such - if only as an interim solution". 1regret that 1have
serious doubts with regard to the validity and equity of this line of rea-
soning. Why should the Court be bound to take into account "whatever

indicia are available", especially when it seems clear that these "indicia"
weremeant "only as an interim solution" especiallywhen the Courtin the
foregoing sentence holds that such arrangements are not a "tacit agree-
ment between the Parties" because they have made "extensive and firmly
maintained claims" to the opposite. The Court further holds that the
Parties cannot be "estoppe[d]" from objecting to such interim solution.

1 respectfully subrnit that although 1 have great difficulties with the
Court's statement that it "must take into account whatever indicia are
available", my concern grows even deeper when such "indicia" are ele-
vated to the main solution governing this case.Theadoption by the Court
of the 26" line, these so-called "indicia", as the starting point for an
extensive part of the Tunisian Coast,in spite of the fact that the coastline
veerssharplyto the north, fundamentally affects the wholeoutcome. Both
on account of its effect on the outcome of the case and on account of the

underlying reasoning for the 26"line1amdeeplyconcerned that thislineis
discretionary rather than equitable.
In my respectful opinion, the petroleum concessions of the two Gov-
ernments in the area concerned cannot serve as "indicia" that the Parties
considered the 26" line as equitable.
The Tunisian Oil Decree of 13December 1948,the Decree of 1January
1953 and the Act of 15March 1958 lay down a system whereby the
Government does not open up areas for prospecting and exploitation, but,
on the request of oil companies, concessions are granted. It was for the
companies themselves to define the desired perimeters of the concession
areas. (See Tunisian Reply, para. 1.07, and Tunisian Memorial, Vol. II,
Ann. 1.) The first offshore concession was granted to the Husky Oil
Company (Permit No. 3) on the basis of a request madein 1960 delimited
by longitudinal and latitudinal lines ; that is by grids or blocks. In the
north, this concession extends considerably eastward of alongitude from
Ras Ajdir. (Tunisian Reply, para. 1.09and Map 1.01.)On the basis of a
request from the oil Company SNPA-Rap in 1963, a concession was

granted to it in 1964/1965. This concession, called "No. 2 du Golfe de
Gabes", is shown on Map 1.01 in the Tunisian Reply. According to
Annex 1to theTunisian Memorial,Volume II, thisconcessionwasgranted
on 25 February 1964.The concession is also delineated by latitudes and
longitudes as set forth in the request for a concession. (Thelongitudes arefondéesurun<< accord tacite entre lesParties - cequi serait impossible,vu
la portée pluslarge et la constance de leurs prétentions )>,et qu'elle ne
considèrepasnon plus que lecomportement desParties <<leur interdise de
formuler des prétentions contraires, par l'effet d'une sorte d'estoppel)).
Toutefois, ilestindiquéen même tempsqu'~ilest évidentquela Cour doit
tenir comptede tous les indices existants au sujet de la ligne ou des lignes
quelesParties elles-mêmes ontpu considérer outraiter en pratique comme
équitables - même à titrede solution provisoire H.J'aide sérieuxdoutes,je

regrette d'avoir à le dire, sur la validitéet l'équitde ce mode de raison-
nement ;pourquoi la Cour serait-elleobligéede tenir compte de <tous les
indices existants ))surtout lorsque ces <<indices ne semblent êtreenvi-
sagés qu'àtitre (<de solution provisoire ))et alors que dans la phrase
précédente laCour dit que de tels arrangements ne constituent pas un
(<accord tacite entre les Parties)),étant donné (<la portéeplus large et la
constance de leurs prétentions )>contradictoires ? La Cour considère en

outre que les Parties ne peuvent pas êtreempêchéep sar estoppelde faire
objection à une telle solution provisoire.
Je dois dire que, si j'éprouvede grandes difficultés à me rallier à la
formule de laCour selonlaquelleelledoit (tenir compte de tous lesindices
existants )),mon inquiétude ne fait que croître quand elle tire de ces
(<indices la solution essentielle en l'espèce.En effet le choix de la ligne

des26" - de cet<<indice ))- commepointdedépart, pour cequi concerne
une section importante du littoral tunisien, nonobstant le fait que ce
littoral s'infléchitnettement verslenord, affecte fondamentalement toute
la solution de l'affaire. Pour cette raison. et au vu des motifs indiauésen
faveur de ce choix, je crains fort que cette ligne ne soit plus arbitraire
aA'éaLitable.
Je pense que lesconcessionspétrolièresque lesdeux gouvernements ont
accordéesdans la région considérén ee peuvent pas servir d'<< indices

démontrant que les Parties aient tenu pour équitablela ligne des 26".
Ledécrettunisien surlespétrolesen date du 13décembre1948,ledécret
du lerjanvier 1953et la loi du 15mars 1958ont établiunsystèmeen vertu
duquel le Gouvernement tunisien n'offre pas de zones à la prospection
et à l'exploitation :les permis sont accordés à la demande des sociétés
pétrolières,et c'est à ces sociétés elles-même qsu'il appartient de définir

le périmètreauquel le permis s'appliquera. (Voir réplique tunisienne,
par. 1.07,et mémoire tunisien,vol. II,ann. 1.)Lepremier permis offshore,
accordé à la sociétéHusky Oil (permis no3) à la suite d'une demande
formuléeen 1960,étaitdélimité par des lignes de longitude et de latitude,
c'est-à-dire par des carrésou quadrillages. Au nord, ce permis s'étendait
nettement à l'estdu méridiende Ras Ajdir. (Répliquetunisienne, par. 1.09
et carteno 1.O1 .)En réponse à une demande émanant de la société pétro-

lièreSNPA-Rap en 1963,un permis lui a étéaccordéen 1964-1965.Ce
permis, appelé <<Permis no 2 du golfe de Gabès est indiqué sur la
carte 1.01jointe à la répliquetunisienne. D'après l'annexe1du mémoire
tunisien (vol. II), il aurait étéaccordéle 25 février1964.Il est également
définipar les latitudes et longitudes indiquéesdans la demande d'attri- east of the longitudes of Ras Ajdir.) On 21 October 1966,and again upon
therequest of theoilcompaniesconcerned, the Tunisian Government gave
a complementary oil concession in the Gulf of Gabes, concession No. 4

delineated in the request. (Tunisian Memorial, Vol. II, Ann. 1.) It is de-
lineated by latitudes and longitudes. In the east, the northern part thereof
is delineated by a longitude considerably east of Ras Ajdir. In the south-
eastern part the concession area is delineated by a system of grids extend-
ing north-eastward more or less in the direction of 26".
However, in 1968 (presumably in April, see hearing of 30 Septem-
ber 1981,p. 40), Libya granted a concession whch exactly abutted and
fitted into the grid system laid down in Tunisian concession No. 4.
The exact date of this concessionis not known according to the Tunisian
Memorial (Tunisian Memorial, para. 1.05,note 1).
The Tunisian Government never acquiescedin or accepted that the line
of this grid system was equitable. On the contrary, negotiations were
comrnencedimmediately afterwards between the two countries on 15July
1968and werecontinuously carried on until1977 when the SpecialAgree-
ment of 10 June 1977 was concluded.

According to the detailed "compte rendus" and notes produced as
Tunisian Memorial, Annexes 8-42, the Tunisian Party maintained and
proposed the median dividing line as the proper line of delimitation (see,
inter alia, Map, Ann. 24, Tunisian Memorial, Vol. II), while the Libyan
Partymaintained alinedrawndue north fromRas Ajdir. Theseprotracted
negotiations, starting immediately after the granting of the Libyan oil
concession in 1968,and lasting for almost nine years, clearly demonstrate
that neither of the twoPartiesacquiesced in anycompromiseline, or found
the 26" line equitable. In addition to the clear stand taken by the Parties
during these negotiations, the concessions granted by Tunisia in 1972 -
concession No. 9 of 21 March 1972 (see Tunisian Memorial, Vol. II,
Ann. 21) in 1976 - concession No. 12of 18 March 1976(ibld., Ann. 3),
and transfer of concessions 2 and 4 on 8 April 1974 (ibid., Ann. 4)
demonstrate that no acquiescence or indicia of equity can be assumed

as to a 26" line.

In describing the 26" line in paragraph 123,the Court Statesthat "there
came into existencea modus vivendiconcerning the lateral delimitation of
fisheriesjurisdiction". But a modus vivendiarrangement basically implies
two elernents, namely, that the modus vivendiarrangement is provisional
pending a solution of the disagreement and that the arrangement is non-
prejudicial for the two Parties. A modus vivendi arrangement is aptly
described in Satow's Guide to Diplomatic Practice (5th ed.) on page 262as
follows :

"This is the title given to a temporary or provisional agreement,
usually intended to be replaced later on, if circumstances permit, by
one of amore permanent and detailed character. It maynot, however,
always be designated as such :more often than not, what is in sub-bution de permis. (Ces longitudes sont a l'est de Ras Ajdir.) Le 21 octo-
bre 1966,et toujours à la demande des sociétés en question, le Gouverne-
ment tunisien a accordéunnouveau permis de recherches dans le golfe de
Gabès :il s'agit du permis no 4 (voir mémoire tunisien, vol. II, ann. l),
définidans la demandepar deslatitudes et des longitudes. A l'est,lapartie

septentrionale decepermis estlimitéepar unelongitudequi estnettement à
l'est de Ras Ajdir ; au sud-est, le permis est limité par un système de
quadrillage suivant plus ou moins la direction des 26".
En 1968 (vraisemblablement en avril, voir audience du 30 septembre
1981,p. 40) la Libye a accordé une concessionquijouxtait exactement le
systèmede quadrillagesprévupar lepermis tunisien no4etqui s'yadaptait.
La date exacte de cette concession n'est pas connue, si l'on en croit le
mémoire tunisien (par. 1.05,note 1).
LeGouvernement tunisien n'ajamais reconnu que la lignede cesystème
de quadrillages fût équitable, ni ne lui a donné son assentiment. Au
contraire, des négociationsont été entamées sur-le-champ entre les deux
pays, le 15juillet 1968, et elles se sont poursuivies de façon continue

jusqu'en 1977,c'est-à-dire jusqu'à la signature du compromis.
D'après les comptes rendus détailléset les notes qui figurent aux
annexes 8 à 42jointes au mémoire tunisien,la Partie tunisienneproposait
fermement que la ligne de partage médiane fût retenue comme ligne de
délimitation(voirentreautres la carte quifigure àl'annexe 24du volume II
du mémoire tunisien),alors que la Partie libyenne préconisait une ligne
tiréedroit nord à partir de Ras Ajdir. Ces négociations prolongées,qui
ont commencéimmédiatement aprèsl'octroi de la concession pétrolière
libyenne de 1968et qui ont durépresque neuf ans, démontrentclairement
que ni l'une ni l'autre des Parties n'a accepté de ligne de compromis
quelconque ou considéréla ligne des 26" comme équitable. Outre la
position très claire adoptée par les Parties au cours de ces négociations,
les permis accordés par la Tunisie en 1972 - permis no 9 en date du

21 mars 1972(voir mémoire tunisien, vol. II, ann. 21) et de 1976,permis
no 12en date du 18mars 1976 (ibid.,ann. 3) et transfert des permis nos2
et 4 en date du 8 avril 1974(ibid., ann. 4) démontrent qu'on ne peut pré-
sumer aucun assentiment ou indice d'équitéau sujet de la ligne des 26".
Décrivant au paragraphe 123la ligne des 26", la Cour affirme qu'~il
s'étaitétabliunmodusvivendiau sujet de lalimitelatéraledes compétences
enmatière de pêche o.Mais un modusvivendiimpliquefoncièrement deux
éléments :que l'arrangement en question soit provisoire, en attendant la
solution du différend ;et qu'ilneportepaspréjudice à l'une ou l'autre des
Parties. Le modusvivendiestjudicieusement défini comme suit dans l'ou-
vrage de Satow, intitulé Guide to Diplomatic Practice (5e éd.,p. 262) :

<(C'est ainsi qu'on qualifie un accord temporaire ou provisoire,
qu'on envisaged'ordinaire comme devant êtreremplacéplus tard, si
les circonstances le permettent, par un accord d'un caractère plus
permanent et détailléO . n ne peut pas toutefois le désigner commetel stancea modus vivendimay be designated as a 'temporary agreement'
or an 'interim agreement'."

A more recent example
"of what is in substancea modus vivendi(although not so designated)
is the Exchange of Notes of 13 November 1973, constituting an
Interim Agreement in the Fisheries Dispute between the United
Kingdom Government and the Icelandic Government. This records
that, following dkcussion between the two Governments : ... the
following arrangements have been worked out for an interim agree-
ment relating to fisheriesin the disputed area,pending a settlement of
the dispute and without prejudice to the legal position or rights of
either Government in relation thereto ..." (ibid p..,63).

In its Judgment in the Iceland Fisheriescase the International Court of
Justice held as to this agreement :

"The interim agreement of 1973, unlike the 1961 Exchange of
Notes, does not describe itself as a 'settlement' of the dispute, and,
apart from being of limited duration, clearlypossesses the character
of a provisional arrangement adopted without prejudice to the rights
of the Parties, nor does it provide for the waiver of claims by either
Party in respect of the matters in dispute." (I.C.J. Reports 1974,
p. 18.)
21. In paragraph 85, the Court holds that it is unable to accept the
suggestion by Libya that the "boundary on the seaward side of Ras Ajdir
would continue, or could be expected to continue, in the northward

direction of the land frontier". In paragraph 120,however,theCourt takes
a somewhat different stand, namely that :
"the factor of perpendicularity to the coast and the concept of pro-
longation of thegeneraldirection of thelandboundary are,in theview
of the Court, relevant criteria to be taken into account in selecting a
line of delimitation calculated to ensure an equitable solution".

The Court is, of course, not unaware of the fact that theland b~undary of
1910isoften curved and that it changesdirection continuously. In order to
meet this weakness,which is inherent in most land boundaries, the Court
continues :
"and while there is undoubtedly room for difference of opinion

between geographers as to the 'direction'of anyland frontier whichis
not constituted by a straight line, or of any coast which does not run
straight for an extensivedistanceon each side of the point at which a
perpendicular is to be drawn, the Court considers that in the present
case any margin of disagreement would centre round the 26' line
which was identified both by the Parties and by the States of whch
they are the territorial successors as an appropriate limit". dans tous les cas : le plus souvent, ce qui constitue en fait un modus
vivendiest appelé (<accord temporaire ))ou (accord provisoire o.
Un exemple plus récent :

<<de ce qu'est en substance un modus vivendi(quoique non qualifié
commetel)est l'échangedenotesdu 13novembre 1973constituant un
accord provisoire dans le différend surles pêcheriesentre le Gouver-
nement du Royaume-Uni et le Gouvernement islandais. Il y est noté
que, comme suite aux négociationsentre les deux gouvernements, ...

les accordssuivants ont été mis au point en vue de la conclusion d'un
accord provisoire concernant les pêcheriesdans la zone en litige, en
attendant le règlementdu différendet sans préjugerla positionjuri-
dique ni les droits d'aucun des gouvernements à cet égard ..))(Ibid.,
p. 263.)
Dans son arrêt en l'affaire de la Compétenceen matière de pêcheries
(Royaume-Uni c. Islande), la Cour a déclaré à propos de cet accord :

<A la différencede l'échangede notes de 1961,l'accordprovisoire
de 1973ne seprésente pas comme un (règlement ))du différend et,
indépendamment du fait que sa duréeest limitée,il a nettement le

caractère d'un arrangement temporaire conclu sans préjudice des
droits desParties ;il necomportenonplus aucunerenonciation dela
part de l'une ou de l'autre à sesprétentionsportant sur les points en
litige. (C.Z.J. Recueil1974, p. 18.)

21. Au paragraphe 85, la Cour déclarequ'elle ne peut pas accepter la
suggestiondela Libyeselon laquellela <limite vers lelargeà partir deRas
Ajdir continue ou peut continuer en suivant vers lenord la direction de la
frontière terrestreo. Toutefois, au paragraphe 120, la Cour adopte une
position quelque peu différente, à savoir que :

<<le facteur de perpendicularité par rapport à la côte et la notion de
prolongement de la direction générale de la frontière terrestre consti-
tuent, de l'avis de la Cour, des critères pertinents quand il s'agit de
choisir une ligne de délimitation propre à produire une solution
équitable D.

La Cour n'ignore évidemmentpas que la frontière terrestre de 1910pré-
sente de nombreusescourbes et changeconstamment de direction. Pour
surmonter cet inconvénientpropre àla plupart desfrontièresterrestres,la
Cour déclare ensuite :

s'il est vraique les opinions des géographespeuvent différer sur la
(<direction ))d'une frontière terrestre ne consistant pas en une ligne
droite, oud'une côtequin'estpas rectilignesurunegrandedistancede
part et d'autre du point où l'ondoit tirer la perpendiculaire,la Cour
considèrequ'en la présenteespècela discussion devrait être centrée
sur la ligne des 26" que les Parties, aussi bien que les Etats dont elles
sont les successeurs territoriaux, ont considéréecomme une limite

appropriée o. In my respectfulopinion,it seemsinconsistentinoneparagraph tostate
that an allegation to the effect that theland boundary should be projected
into the sea must be rejected but on the other hand to state that the
"concept of prolongation of thegeneraldirection of thelandboundary" is,
in the view of the Court, one of the "relevant criteria to be taken into
account". No legal principle exists to this effect. It has no foundation in
law of the sea conventions, in customary international law or in State
practice.Onthecontrary, a landboundary isas a ruledrawninconformity
with the special circumstances prevailing on land :geographical, histori-

cal, military, etc. To assume that the projection of such a land boundary
out to sea is suitable as a means of establishingan equitable dividing line
far out to seaisnot reasonable.There are - of course - caseswhere States
have agreed toa projection of thelandboundaries in limited areas, orhave
agreed to use a straight linestarting from the terminalpoint of their coast
followingalongitude or latitude asthe dividingline. But suchexamplesare
not frequent and cannot serve as a basis for an alleged principle to this
effect.

It is not correct, as alleged by Libya, that the land boundary projected
seawards asamaritimeboundary "iswellestablished by Statepractice". In
the Libyan Memorial, paragraphs 117-119,three examples are mentioned
of such alleged State practice, namely, the agreement of 4 June 1974
between Gambia and Senegal ;the agreement of 23August 1975between
Colombiaand Ecuador and the agreement of 21July 1972between Brazil

and Uruguay. The agreement of 4June 1974between Gambiaand Senegal
provides inArticle 1that the "maritime boundary" to thenorth followsthe
parallel of latitude 13" 35'36" north (Limits in the Seas No. 85, pp. 2-3).
Article 2provides that the maritimeboundary to the southjust fora short
distance (about a kilometre)runs in a south-westerly direction, then in a
northerly direction for a few hundred metres and then continues as a
parallel of latitude 13" 03' 27" north.

The Agreement between Colombia and Ecuador of 23 August 1975
provides in Article 1 that the two countries have agreed :

"To determine, as a limit between their respective marine and
submarine areaswhich arenow established or that maybe established
infuture, theline of thegeographicalparallelintersecting that point at
which the international terrestrial border line between Ecuador and
Colombia reaches the sea" (Limits in the Seas No. 69, p. 2),

that is, a boundary line stretching seaward 200 miles from Westto east
alongthe parallel 1" 27'24" NL. It runs in an entirelydifferent direction
from the land boundary, which runs in a north-easterly direction.

Nor is the Agreement of 21 July 1972between Brazil and Uruguay an
example of a land boundary projection. The maritime boundary line was Il me semble contradictoire de dire dans un paragraphe qu'une affir-
mation selonlaquelle la frontière terrestre devrait êtreprolongéeau large

est à rejeter, en déclarantd'autre part que (la notion de prolongement de
ladirectiongénéralede la frontièreterrestreconstitue, de l'avisde la Cour,
[un]critèrepertinent quand ils'agit,etc. )).Cet éndncé nereposesuraucun
principejuridique. Il est sansfondement dans les conventionssur le droit
de la mer, dans le droit international coutumier et dans la pratique des
Etats. Au contraire, les frontières terrestres sont généralementtracéesen
fonction de circonstances propres à la terre ferme - circonstances de
caractère géographique,historique, militaire,etc. Il n'est pas raisonnable

de supposerque la projection en mer d'une frontière terrestre ainsitracée
puisse servir àdélimiteruneligne de partage équitableseprolongeant fort
loin au large. Il existe évidemmentdes cas où les Etats conviennent de
projeter leur frontière terrestre dans des zones limitées ou acceptent le
tracéd'une droite à partir dupoint terminaldelacôte,suivantune lignede
longitude ou de latitude, pour déterminer la ligne de partage. Mais ces
exemples ne sont pas fréquents, et ils ne sauraientjustifier un prétendu
principe à cet effet.

Il n'est pas exact d'affirmer, comme le fait la Libye, que prolonger la
frontière terrestre au large pour constituer la limite maritime soit un
procédé (<bien établidans la pratique des Etats ))Le mémoire libyencite
aux paragraphes 117 à 119trois exemples qui représenteraient cette pra-
tique des Etats, à savoir l'accord du 4 juin 1974 entre la Gambie et le
Sénégal, l'accord du23 août 1975 entre la Colombie et l'Equateur et
l'accord du 21juillet 1972entre le Brésil etl'Uruguay. L'accord du 4juin
1974 entre la Gambie et le Sénégalstipule à l'article 1 que la (<limite

maritime vers le nord ...suit le parallèle de latitude 13" 35'36" N
(Limits in the Seas, no 85, p. 2 et 3. [Traduction du Greffe/). L'article 2
dispose que la frontière maritime vers le sud est orientée sur une courte
distance (environ 1 kilomètre) en direction du sud-ouest, pour prendre
ensuiteunedirectionnord surunedistance dequelquescentaines demètres
et rejoindre enfin le parallèle de 13" 03' 27" N.
L'accord entre la Colombie et 17Equateurdu 23 août 1975 prévoit à
l'article 1 que les deux pays décident :

<(d'adopter commelimite entre leurs zonesmaritimes et sous-marines
respectives actuellementétabliesou pouvant êtreétablies à l'avenirla
lignedu parallèlegéographiquequi passe par lepoint où la ligne dela

frontière internationale terrestre entre 1'Equateur et la Colombie
rejoint la mer )).(Limits in the Seas, no 69, p. 2. [Traduction du
Greffe.1)
Il s'agit d'une ligne frontière s'étendant au large sur une distance de

200 milles d'ouest enest, le long du parallèle de 1 O 27'24" N. Cette ligne
suitunedirectiontotalementdifférente decelledelafrontièreterrestre, qui
est orientéevers le nord-est.
L'accord du 21juillet 1972entre le Brésiletl'Uruguay n'estpas nonplus
un exemple de projection de la frontière terrestre. La ligne de la frontièrefixed as a line "nearly perpendicular to the generalline of the coast". The
Foreign Ministers of the two countries stated in a declaration of 10May
1969that :

"the two Governments recognize 'as the lateral limit of their respec-
tive maritimejurisdictions, the median line whose points are equi-
distant from the nearest points on the baseline'. Apparently the
Uruguayan-Brazilian Joint Boundary Commission decided that a
simplified and normal line was equitable toboth sides." (Limits in the
Seas No. 73,pp. 1-3.)

Another difficultyencountered in attempts to project a land boundary
seawardsisplainly apparent in thepresent case. Whatsegmentsof theland
boundaryshall have a bearing onthe direction of the seawardprojection ?
Land boundaries are frequentlyirregularfor a number of reasons. A land
boundary has minor and major curvatures,often a host of different direc-
tions dong thevarious parts of theboundary. 1sit solelythelast segmentof
the land boundary ending in the terminal point of the coast that is rele-
vant? How large must this segment be to count in order to project a
dividinglineperhaps oververyextensivemaritime areas ? Orshould sucha
projection be drawn from the average direction of the whole border ?It
seemsto follow that at least in thepresent caseasin a numer of others,the
seaward projection of the land boundary would be a rather haphazard
element to introduce as a criterion for drawing the line of delimitation.

22. In paragraph 120the Court also touches upon "the factor of per-

pendicularitytothecoast" as arelevant criterion "to be taken into account
in selecting a line of delimitation". Admittedly States can agree to a
perpendicular where it seems convenientin the concrete case. But to rely
onit in complicated cases for difficultcoastal areas, contrary to the views
of the parties concerned, seems unreasonable, for a number of reasons,
some of which will be given below.
First: neither the fourth Geneva Convention of 1958 nor the draft
convention on the Thrd Law of the Sea Conference of 1981have adopted
the system of the perpendicular to the coast. The reasons seem obvious.
Geographicalcoastlines arevery seldom straight linesforanyconsiderable
distance. Consequently a perpendicular system might easily be inappli-
cable or unfair if only short straight coastlinescould be applied as base-
lines for a perpendicular drawn far out at sea to 200-350 miles from the
point of departure on the coastline concerned.

In the present case where one actually has two opposing coastlines

facing each other, this is apparent. In practice a perpendicular on a
coastline would asoftenasnot onlybea pervertedequidistanceline,either
because the baselinefrom which it would be drawn would be rather short
orbecause thecoasts concerned are soirregular asto cal1for thedrawing ofmaritime y est définiecomme étantune ligne (<presqueperpendiculaire à

la ligne généralede la côte ))[traduction du Greffe]. Les ministres des
affaires étrangères des deux pays ont déclaré le10mai 1969que :
(<les deux gouvernementsreconnaissent comme ((limite latérale de

leurs juridictions maritimes respectives la ligne médiane dont les
points sont équidistants despoints les plusproches situéssur la ligne
de base >).Apparemment, la commission frontalière conjointe uru-
guayo-brésilienneavait décidéque des lignes simplifiéeset normali-
séesétaientéquitablespourles deuxpartenaires. )>(Limits in theSeas,
no73, p. 1-3.[Traduction du Greffe.])

Il ya une autre difficultéque l'on rencontre quand on veut projeter une
frontièreterrestre verslelarge,etquisemanifeste dansla présenteaffaire :
quelssont lessegmentsdelafrontière terrestrequi doivenatvoiruneffetsurla
directionde laprojection au large ? En effet, les frontières terrestres sont
souvent irrégulières,pour de multiplesraisons,et présentent desincurva-

tionsplus ou moinsimportantes ou unemultitude de directionsdifférentes
à chacun de leurs points. Est-ce uniquement le dernier segment de la
frontière terrestre, aboutissant au point terminal sur la côte, qui est à
retenir ? Quelle doit êtrela longueur de cesegmentpour qu'ilpuisseentrer
en ligne de compte dans la projection d'une ligne de partage qui peut
concernerdes zones maritimestrès étendues ? Ou bien faut-il tracer cette
projection selon l'orientation moyenne de l'ensemble de la frontière ? Il
semble qu'on doive conclure que dans la présente affaire, comme dans

plusieurs autres, la projection vers le large de la frontière terrestre est un
critère bien aléatoire pour le tracéde la ligne de délimitation.
22. Au paragraphe 120, la Cour mentionne aussi (le facteur de per-
pendicularité par rapport à la côte )>comme critère pertinent <(quand il
s'agit de choisir une ligne de délimitation )).Certes, les Etats peuvent
s'accordersuruneperpendiculairequand celaparaît commode dans un cas
précis.Mais il semble peu raisonnable, pour nombre de raisons dont
certaines seront indiquées plus loin, d'invoquer la perpendicularité dans

un cas compliquéportant sur des zones littorales difficiles.
Ni la quatrième conventionde Genève de 1958, ni le projet de conven-
tion mis au point en 1981par la troisièmeconférencesurledroit de la mer
n'ont adoptélesystèmede laperpendicularité àlacôte. Lesraisons en sont
évidentes.Il est en effet trèsrare que les lignes de rivage géographiques
soient rectilignessur de grandes distances. Or le systèmede la perpendi-
cularité risquefort d'être inapplicableou injuste si l'on ne se sert que de

lignesde rivagedroites assezcourtes commelignes de basepour tracerune
perpendiculaire qui se prolonge au large jusqu'à une distance de 200 à
350 milles à partir de la côte en question.
Danslaprésenteespèce,oùl'onaaffaireenréalité à deuxcôtesopposées
qui se font face, cela est manifeste. En pratique, la perpendiculaire à la
ligne de rivage n'est leplus souvent qu'une ligned'équidistance pervertie,
soit parce quela ligne de base sur laquelle elle a étéélevée est trop courte,
soit parce que les côtesconsidéréessontsiirrégulièresqu'ilfaut tracer unean imaginary straight baseline for the perpendicular disregarding to a
greater or lesser degree the geographical peculiarities of the concrete
coastline. In thepresent case,wherethecoastline isextremelycomplicated,
constructing a perpendicular on an imaginary straight baseline would
perhaps have to be turned the other way around, namely first to try to
imagine the direction of the "perpendicular" which would give an equi-
tabledividingline and then to construct the "baseline" whichshouldform
the basis for this allegedly reasonable perpendicular.

This would be especially true where the perpendicular is to serve as an
extensive dividing line for continental shelves or economic zones. It is in
reality a simplified or pervertedequidistanceprinciple. It can of coursenot
be excluded that a perpendicular may be acceptablein specialcasesbut its
obvious weaknesses cal1for great caution.

In the present case, 1respectfully submitfirst that the coastline onboth
sidesof Ras Ajdir is rather irregular soas to make it necessary to construct
theperpendicular on an imaginarystraightbaselineextending to an equal
distance on both sides of Ras Ajdir. This baseline would obviously be
rather short.
Secondly 1submit that thisperpendicular at an angle of some26' could
only operate up to a limited distance from Ras Ajdir, at most out to the

outer limit of the 12-mile territorial sea. Up to this limit, it would also
approximate to an equidistanceline. To extend it far out into the sea, for
example, as suggested by the Court up to 34O10'30" NL would seem
inappropriate for several reasons. It would be inequitable to extend the
perpendicular some 50-60 miles seawards based on a short imaginary
baseline centred in Ras Ajdir. The further out the perpendicular extends
the more arbitrary it becomes, because the imaginarybaseline will disre-
gard pertinent characteristics of the Coast.These would become moreand
more relevant the more the perpendicular deviates from the regional
characteristics on its straight course seawards. In my opinion, a possible
perpendicular to bedrawnfromthe outer limit oftheterritorial seamust be
based on a different imaginary baseline drawn, for example, from the
easternmostpoint of the island of Jerba on the Tunisian side to a point at
an equal distance from Ras Ajdir on the Libyan side. This would givean
entirelydifferentperpendicular,measuredin degreesto themeridian,from

that measuredfrom abaselinedrawnfromthe verylimitedcoastlinein the
immediate vicinity of Ras Ajdir. These examples show the discretionary
directions of perpendiculars when they have to be measured from imag-
inarybaselines - asin thepresent case - due to theirregularcoastlinesin
question.

Thus 1feel that theobservationsmade by the Court in paragraph 115as
to thedistortingeffects "of theindividualcircumstancescharacterizingthe
area" is equally applicable to the application of perpendiculars to theligne de base droite et imaginairepour déterminer la perpendiculaire, en
faisant plus ou moins abstraction des particularités géographiques de la

ligne de rivage réelle.Dans le cas d'espèce, où la ligne de rivage est
extrêmementcompliquée,letracéd'uneperpendiculairepar rapport à une
ligne de base droite imaginairedevrait peut-être faire l'objet d'un raison-
nement inverse, c'est-à-dire qu'il faudrait tout d'abord imaginer la direc-
tion de la (perpendiculaire représentant une ligne de partage équitable
etconstruireensuiteune (lignedebase )à partir delaquelleonpuissetirer
cette perpendiculaire apparemment raisonnable.
Cela est particulièrement vrai lorsque la perpendiculaire doit servir de
lignedepartage sur une vaste distance, entre desplateauxcontinentauxou
des zones économiques.Il s'agitlà en réalitéd'un principe d'équidistance
perverti ou simplifié.Il n'est évidemmentpas àexclure qu'une perpendi-

culaire puisse êtreacceptable dans certains cas particuliers, mais la fai-
blesse manifeste du principe appelle la plus grande prudence.
En l'espèce,j'estime tout d'abord que l'irrégularitde la ligne de rivage
de part et d'autre de Ras Ajdir oblige à éleverla perpendiculaire sur une
ligne de base droite imaginaire s'étendant à des distances égalesde part
et d'autre de Ras Ajdir. Cette ligne de base serait manifestement assez
courte.
En second lieu,j'estime que cette perpendiculaire,qui présenterait une
angulation d'environ 26", serait valable seulement jusqu'à une distance
limitéeà partir de RasAjdir,ettout auplusjusqu'à lalimiteextérieurede la
mer territoriale des 12 milles. Jusqu'à cette limite, elle se rapprocherait

d'une ligne d'équidistance. Mais il ne sembleraitpas judicieux de la pro-
longer au large,par exemplejusqu'à lalatitude de 34" 10'30"N, commela
Courle suggère,et cepour plusieursmotifs. Il seraitinéquitableen effet de
prolonger la perpendiculaire à quelque 50 ou 60 milles versle large, sur la
based'une courteligne de baseimaginairede part et d'autre de RasAjdir,
car la perpendiculaire devient d'autant plus arbitraire qu'elle s'étendau
large, la ligne de base imaginaire ne faisant aucun cas des particularités
pertinentes de la côte. Or celles-cideviennent précisémentde plus enplus
importantes à mesure que la perpendiculaire s'en écarteen suivant une
directiondroite verslelarge.Amon avis,pour qu'une perpendiculaire soit

tiréeà partir de la limite extérieurede la mer territoriale, il faudrait donc
qu'ellesoit élevéesur une ligne debaseimaginairedifférente,joignant par
exemple le point le plus oriental de l'îlede Djerba du côté tunisien et un
point situéà une égaledistance de RasAjdirducôtélibyen. Celadonnerait
uneperpendiculairetotalement différente, par sonangulation par rapport
auméridien,decellequipeut êtreélevés eurla lignede basecorrespondant
à un trèscourt segmentde rivageautour deRas Ajdir. Celasuffit àmontrer
le caractère arbitraire de la direction attribuée aux perpendiculaires
lorsquel'irrégularitédescôtesoblige - commeenl'espèce - à lesmesurer à
partir de lignes de base imaginaires.

Je pense donc que les observations formulées par la Cour au para-
graphe 115 au sujet des effets déformants des <circonstances indivi-
duellespropres à la région))sont également valablespour la construction coast. The perpendicular to the coast becomes less and less suitable as a
line of delimitation the farther it extends from the coast. This is in my
respectful opinion apparent in the present case with the extension of the
perpendicular al1the way up to 34' 10'30" NL.
23. The question of proportionality has been dealt with by the Court,
inter alia, in paragraphs 102-104 and paragraphs 130-131. 1 feel certain
misgivings both with regard to the manner and method applied by the
Court to ascertainwhethera reasonableproportionality has been attained
and to its role in the present case.
1 share the view of the Court in paragraph 103 of the Judgment that
proportionality may be a relevantfactor ;perhaps not as an independent

source of law as to the delimitation but as a factor to evaluate whether
certain principles are equitable and whether the final solution is equi-
table.
Theproportionality element was recognized as relevant by the Interna-
tional Court of Justice in the North Sea Continental Sheif case. Thus in
paragraph 101(D) (3) of the Judgment the following reference to propor-
tionality was made as a factor "to be taken into account" in the course of
the negotiations :
"the element of a reasonable degree of proportionality, which a
delimitationcarried out inaccordance with equitableprinciplesought

to bring about between the extent of the continental shelf areas
appertaining to the coastal State and the length of its coast measured
in the generaldirection of the coastline,account being taken for this
purpose of the effects, actual or prospective, of any other continental
shelfdelimitations between adjacentStatesinthe sameregion" (I.C.J.
Reports 1969, p. 54).
The statement of the Court is interesting in several respects.
First, the Court emphasizes that it refers to a reasonabledegree of
proportionality. Any attempt of amathematicalportioning of continental
shelves does not seem warranted by the Court's findings.
Secondly, the element of proportionality is closely related to "a delimi-

tation carried out in accordance with equitable principles".
Thirdly, the element of porportionality ought to bring about a reason-
able relation between "the continental shelf areas appertaining to the
coastal State and thelength ofits coast measured inthegeneraldirection of
the coastline".
Fourthly, the Court emphasized an element which may be of concrete
interest in thepresent case,namely that "account [shouldbel taken forthis
purpose of the effects, actual or prospective, of anyother continental shelf
delimitations between adjacent States in the same region".

It is a factthat thecontinental shelfof the east-facingcoast of Tunisia is
severelycurtailed by thedelimitationlinedrawn between ItalyandTunisia
and could possibly be similarly curtailed by further delimitations with
(Italy and) Malta. The north-east facing coast of Libya confronts con-desperpendiculaires à lacôte. Plusuneperpendiculaire s'éloignedelacôte,

moins elle convient à une ligne de délimitation. C'est,à mon avis, le cas
pour l'extension de la perpendiculaire jusqu'à un point situéà 34' 10' 30"
de latitude nord.
23. La Cour évoque la question de la proportionnalité aux para-
graphes 102 à 104, 130et 131de l'arrêt,Maisj'éprouvecertains doutes,
d'unepart quant àla manièredont la Cour a établila réalitéd'unrapport
raisonnable et quant à la méthodequ'elle a appliquée à cet effet et, de
l'autre, quant au rôle de cette méthode en l'espèce.
Je partage l'opinion de la Cour, expriméeau paragraphe 103de l'arrêt,

selonlaquelle la proportionnalité peut êtreun facteurpertinent - non pas
peut-être entant que source de droit indépendante en matière de délimi-
tation, mais en tant que facteur permettant d'apprécier si certains prin-
cipes sont équitables et si la solution finale l'est aussi.
Dans les affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, la Cour
a reconnu la pertinence du facteur de proportionnalité. Au paragra-
phe 101D 3) de l'arrêt,c'est dans les termes suivants qu'ellefait mention
de la proportionnalité, parmi les facteurs ((à prendre en considération ))
au cours des négociations :

((le rapport raisonnable qu'une délimitation opéréeconformément à
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des
zones deplateau continental relevant de 1'Etatriverain et la longueur
desonlittoral mesuréesuivantladirection générale decelui-ci,compte
tenu
à cette fin des effets actuels ou éventuelsde toute autre délimi-
tation duplateaucontinental effectuée entreEtats limitrophesdans la
même région (C.I.J. Recueil 1969, p. 54).

Ce passage de l'arrêtest intéressant à plusieurs égards.
Premièrement, la Cour insiste sur le fait qu'elle a en vue un rapport
raisonnable.Cette conclusion de la Cour ne semble pas autoriser une
répartition mathématique deszones de plateau continental.
Deuxièmement,lefacteur deproportionnalité estétroitementlié à <une
délimitation opérée conformément à des principes équitables o.
Troisièmement,le critère de proportionnalité doit aboutir à un rapport
raisonnable entre les (<zones de plateau continental relevant de 1'Etat

riverain et la longueur de sonlittoral mesuréesuivant la direction générale
de celui-ci)).
Quatrièmement, la Cour insiste sur un point qui peut présenter une
importance pratique en l'espèce : la délimitation doit se faire(<compte
tenu à cette fin des effets actuels ou éventuelsde toute autre délimitation
du plateau continental effectuée entre Etats limitrophes dans la même
région o.
Il se trouve en effet que le plateau continental situé au large du littoral
tunisien orientévers l'est est sérieusementamputépar la ligne de délimi-

tation tracéeentre l'Italie et la Tunisie, et qu'il risque de l'êtreaussi par
d'autres délimitationsavec(l'Italieet)Malte.Lelittoral libyen orientéverssiderablylarger expanses of theMediterraneanand has thus the possibility
of much wider continental shelves.
The Court of Arbitration in the Delimitation of the Continental Shelf
Decision of 1977 has, in paragraph 101 (MiscellaneousNo. 15 (1978),
pp. 60-6l), interesting observations with regard to the element of propor-
tionality and its role in the delimitation of continental shelves.The find-
ings of the Court of Arbitration contain four main observations on pro-
portionality.

(a) The Court of Arbitration states as its first consideration that :
"it is disproportion rather than any generalprinciple of proportion-
ality which is the relevant criterion or factor. The equitable delimi-

tation of the continental shelf is not, as this Court has already
emphasized inparagraph 78,aquestion ofapportioning - sharingout
- thecontinental shelfamonest thc 2tates abuttinz mon i".NAr isit a
question of simply assigning to them areas of the shelf in proportion
to the length of their coastlines ;for to do this would be to substitute
for the delimitation of boundaries a distributive apportionment of
shares."

(b) As a second consideration, the Court of Arbitration emphasized :
"Furthermore, thefundamental principlethat thecontinental shelf
appertains to a coastal State as being the natural prolongation of its
territory places definite limits on recourse to the factor of propor-
tionality."

(c) In this connection the Court of Arbitration further stated :

"As wasemphasizedinthe NorthSea ContinentalShelfcases (I.C.J.
Reports 1969, para. 91), there can never be a question of completely
refashioningnature, such as by renderingthe situation of a State with
an extensive coastline similar to that of a State with a restricted
coastline ;it is rather a question of remedying the disproportionality
and inequitable effects produced by particular geographical config-
urations or featuresinsituations whereotherwise the appurtenance of
roughly comparable attributions of continental shelf to each State
would be indicated by the geographcal facts."

(d) Finally, the Court of Arbitration concluded its analysis of propor-
tionality as follows :

"Proportionality, therefore is to be used as a criterion or factor
relevant in evaluating the equities of certain geographcal situations,
not asageneralprincipleproviding an independent source ofrights to
areas of continental shelf." (Para 101 .)

In applying its proportionality test,the Court states inparagraph 104of
the Judgment thatlenord-est fait face àdes espaces maritimesbeaucoup plus vastes, et peut
donc êtrepourvu d'un plateau continental beaucoup plus étendu.
Au paragraphe 101de sa décisionde 1977,le tribunal arbitral anglo-
français a formulé d'intéressantesobservations sur le facteur de propor-
tionnalité etsur son rôle dans la délimitationdu plateau continental. Les
conclusions du tribunal arbitral contiennent quatre observations princi-
pales sur la proportionnalité :

a) La première constatation du tribunal est ainsi énoncée :

(<c'estla disproportion plutôt qu'un principe généralde proportion-
nalité quiconstitue lecritèreou facteur pertinent. Commele tribunal
l'adéjàsoulignéauparagraphe 78,ladélimitationéquitableduplateau
continental n'est pas une opération de partage et d'attribution du
plateau continental entre les Etats qui bordent ce plateau. Elle ne
consistepas davantage en une simpleattribution à cesEtats de zones
du plateau proportionnelles à la longueur de leur ligne côtière ;agir
ainsi serait, en effet, remplacer la délimitationpar une attribution de
parts. >>

b) Le tribunal fait ensuite observer, et c'estlà sa deuxièmeconstatation :
<(De plus, le principe fondamental suivant lequel le plateau conti-
nental relèved'un Etat côtier parce qu'il est leprolongement naturel

du territoire de celui-cilimitenettement le recours au facteur de pro-
portionnalité. ))
c) A ce propos, le tribunal ajoute

<Ainsi qu'il estprécisé dans lesaffaires du Plateaucontinental dela
mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969, par. 91), il ne peut jamais être
question de refaire entièrement la nature, par exemple d'égaliserla
situation d'un Etat dont lescôtes sont étendues à celled'un Etat dont
lescôtessontréduites ;ils'agitplutôt deremédier àladisproportion et
aux effets inéquitablesdus à des configurations ou caractéristiques

géographiques particulièresdans dessituationsoù,en l'absencedeces
particularités,les donnéesgéographiquesaboutiraient à une délimi-
tation attribuant à chaque Etat desétenduesde plateau continental à
peu près comparables. ))
d) Enfin le tribunal termine son analyse de la proportionnalité dans les

termes suivants :
<Laproportionnalitédoitdoncêtreutiliséecommeuncritèreouun
facteur permettant d'établir si certaines situations géographiques
produisent des délimitations équitables et non comme un principe
généralqui constituerait une source indépendante de droits sur des
étenduesde plateau continental.

La Cour, en appliquant le critèrede proportionnalité, déclareau para-
graphe 104de l'arrêtque : "the element of proportionality is related to lengths of the coasts of
the States concerned, not to straight baselines drawn round those
coasts".
In paragraph 131, the Court in applying this criterion finds that the

"relevant coastline of Libya stands in the proportion of approximately
31 : 69 to the relevant coastline of Tunisia". If a straight-line coastal
front is used
"the coastal front of Libya, represented by a straightlinedrawnfrom
Ras Tajoura to Ras Ajdir, stands in the proportion of approxi-
mately 34 :66 to the sum of the two Tunisian coastal fronts repre-
sented by a straight line drawn from Ras Kaboudia to the most
westerly point of the Gulf of Gabes, and a second straight line from
that point to Ras Ajdir".

The Court does not givedetails as to how these mathematicalproportions
have been arrived at. Does theproportion 31 :69follow al1the sinuosities
of thecoast ? Does the secondproportion 34 :66straight-linecoastal front
cut inland so as to totally disregardthe two promontories in the south of
the Tunisian coast including the promontories of Zarzis and does it also

disregard the island of Jerba ? In either of these two proportions, the
Kerkennah Archipelago with its longcoastlines seems to be totally disre-
garded. No details are given about the low-tide elevations or the island of
Kneis.

1likewisebeg to disagree with theCourt as to theposition theCourt has
chosenwith regard to "interna1waters" and their effectonproportionality.
In paragraph 104,theCourt Statesthat it "is not convinced by theTunisian
contention that the areas of internal and territorial waters must be
excluded from consideration". Although the Court reaffirms that in the
legal sense the continental shelf does not include the sea-bed of internal
waters and the territorial sea, the Court holds in paragraph 131that such
areasmust be included for the assessment ofproportionality. 1respectfully
submit that such a notion runs contrary to the veryconcept of continental
shelf and is based neither on positive law nor on equity. This seems
especially apparent with regard to the internal waters in this case.

In the legal and political sense,internal waters are in principle equated

with the land territory. A State exercises its sovereignty over internal
watersin the same manner and ordinarilyon thebasis of the same lawsas
are applicabletotheland domain. In thepresent case,thegeographical and
physical facts should furthermore be taken into consideration. In vast
areas of the Gulf of Gabes as well as in the areas surrounding the Ker-
kennah Archipelago, the island of Jerba and the two promontories of
Zarzis, the waters are so shallowas to form an intermediaryzone between
land and sea. In these vast areas, the depth seldom exceeds3-4metres and
they form dry land at lowtide. The economic exploitation of these areas is ((la question de laproportionnalité serapporte àlalongueurdescôtes
desEtats encauseetnon àdeslignesdebasedroites tracéestoutlelong
de ces côtes )).

Et, au paragraphe 131,elleconstate que lerapport entre leslongueursdes
côteslibyenneettunisiennepertinentes est approximativement de 31 à69 ;
etquesi l'on prend enconsidérationlalongueurenlignedroite delafaçade
maritime,

((il existe un rapport de 34 à 66 environ entre la façade maritime
libyennereprésentéepar une ligne droite reliant Ras Tadjoura àRas
Ajdir et la longueur totale des deux façades maritimes tunisiennes
représentéesrespectivement par une lignedroite reliant Ras Kapou-

dia au point leplus occidentaldu golfede Gabèset une seconde ligne
droite tracéeentre ce point et Ras Ajdir )>.
La Cour ne donne pas d'autres précisionssur la manière dont elle est

parvenue à cesrapports mathématiques.Lerapport de31 à 69suit-iltoutes
les sinuositésde la côte? Pour aboutir au second rapport, celui de 34 à66,
entre les longueursen lignedroite des façades maritimes, la Cour rogne-
t-elle sur le territoire terrestre au point de négligerentièrement les pro-
montoires setrouvant au sud du littoral tunisien, dont lespromontoires de
Zarzis, et néglige-t-elleaussi l'île de Djerba? Quel que soit le rapport
considéréi,l semble qu'il soit fait totalement abstraction de l'archipel des
Kerkennah et de seslignes de côte, pourtant étendues.Aucune précision

n'est donnée au sujet des hauts-fonds découvrants ni de l'île de Kneiss.
On me permettra aussi de ne pas être d'accordavec la Cour sur la
position qu'ellea adoptée à propos des <eauxintérieures >)et de leur effet
surlaproportionnalité. Au paragraphe 104,la Courdéclarequ'elle ((n'est
pas convaincue par l'argument de la Tunisie qui voudrait que les zones
d'eaux intérieures et d'eaux territoriales ne fussent pas prises en consi-
dération )>.Et, tout en réaffirmant que le plateau continental, au sens
juridique du terme, ne comprend pas les fonds marins des eaux inté-

rieures et de la mer territoriale, elle déclare au paragraphe 131qu'il faut
en tenir compte pour calculer la proportionnalité. J'estime que ces vues
sont contraires au concept mêmedu plateau continental et qu'elles ne
sont étayéesni par le droit positif ni par l'équité. En l'espèce, cela semble
particulièrement vrai pour les eaux intérieures.
- Du point de vue juridique et politique, les eaux intérieures sont en
principe assimiléesau territoire terrestre. L'Etat exercesa souverainetésur

seseaux intérieuresdela mêmemanièreque sur sonterritoire,d'ordinaire
en appliquant les mêmesdispositions législatives.Dansla présenteaffaire,
ilconvient enoutre deprendre enconsidérationlesdonnéesgéographiques
et physiques. Surde vastes étenduesdugolfe de Gabèsainsi qu'autour de
l'archipel des Kerkennah, de l'îlede Djerba et des deux promontoires de
Zarzis, les eaux sont si peu profondes qu'elles constituent un espace
intermédiaireentrela terreet lamer.Dans cesvasteszones,laprofondeurde
l'eau estrarement deplus de3 à 4 mètres,et lesfondsmarinsdécouvrent àlikewisea hybrid between aquacultureand agriculture. In these areas, it is
obvious that oildrilling,for example,cannot employordinarymaritime oil
rigssuch assemi-submersibleplatforms,drilling vesselsor floatingjack-up
platforms. Should such areas be consideredpart of a continental shelf for
any purpose ? Furthermore, the 10-metre and 20-metre isobaths extend
seawards for a considerabledistancein the Gulf of Gabes. Some of these
shallow areas extend even beyond the straight baselines established by
Tunisia by Law No. 73-79 of 2 August 1973.In view of these considera-

tions of fact and law,isit reallyin accordance with theprinciplesand rules
ofinternational lawor equity tobaseproportionality considerationsonthe
areas of Tunisia's internal waters even in areas where land drilling equip-
ment wouldhave tobe usedfor oildrilling ? It seemsperhaps tome that the
Courthere losessightof the veryconcept of continental shelfasamaritime
zonewith limitedfunctional sovereigntyfor the coastal States as opposed
to the full sovereigntyit exercises overitsterritorial sea not to speak of its
areas of internal waters.

Injustifying the useof the proportionality test,the Court applies as one
reason that "one must compare like with like" (Judgment, para. 130).In
myrespectfulopinion,the Court has appliedjust theoppositeapproach at

least in including the internal waters of the Gulf of Gabes in the propor-
tionality test.
1further respectfully submit that the Court in the present case seemsto
have gone much farther in almost elevating the proportionality test -
applied asamathematicalformula - to the status ofinternational lawinits
search for legal arguments compared to the more modest use of the pro-
portionality test made by the Court in its Judgment of 1969in the North
Sea ContinentalShelfcase, and by the Court of Arbitration in its Decision
of 1977in the Delimitation of the Continental Shelf case. In my opinion,
the 1969Judgment and the 1977Decision struck the proper balance be-
tween proportionality and the applicableprinciples of international law.
24. In paragraphs 102ff. in the Judgment the Court touchesupon the
question of the straight baselines established by Tunisia. In paragraph 22

of my dissentingopinion, 1have expressed my firm disagreement with the
Court's findings in paragraphs 102ff. that Tunisian internal waters and
territorial seashould be included inthe relevant areasfor theapplicationof
a proportionality test. However, the validity of the straight baselines
applied by Tunisiain the Kerkennah area may have considerablebearing
on the question of the inclusion of the internal waters of Tunisia in the
areas relevant for the proportionality test. Therefore, 1shall dwell briefly
on this issue.
ByLawNo. 73-49of 2August 1973,the Tunisian Government provided
straightbaselines for measuring its 12milesterritorial seaforcertain areas
along its coasts ;namely, those parts thereof that are fringed by islands,
isletsand shoals(the Kerkennahs)andthe BayofTunisand Gulf ofGabes.
(See Annex 86 to the Tunisian Memorial.) A continuous set of straightmarée basse.L'exploitation économiquede ces étendues a d'ailleurs un
caractère hybride entre l'aquaculture et l'agriculture. Il est certain par
exemple que les forages pétroliersne peuvent pas y être faitsà l'aide des
installations maritimes ordinaires : plates-formes semi-submersibles,
navires de forage ou plates-formes autoélévatricesflottantes. Ces zones
peuvent-elles êtreconsidérées àquelquefinque cesoitcommefaisantpartie
du plateau continental ? De plus, l'isobathe des 10 mètres et celle des
20mètrespassenttrèsloin aulargedugolfedeGabès.Certainesde ceszones
peu profondes s'étendent mêmeau-delà des lignes de base droites fixées

par la Tunisie dans sa loi no 73-79 du 2 août 1973.Compte tenu de ces
considérationsde fait et de droit, est-ilvraiment conforme auxprincipes et
règlesdu droit international et àl'équité d'appliquerle critèrede propor-
tionnalitéenyincluant leszonesd'eauxintérieurestunisiennes oùleforage
pétroliernécessitel'emploid'installations terrestres ?La Cour me semble
avoir perdu de vue en l'occurrence le sens mêmede la notion de plateau
continental, zone maritime sur laquelle l'Etat côtier exerce une souverai-
neté fonctionnelle limitée - alors que ledit Etat exerce une souveraineté
complète sur samer territoriale,sansparler mêmede seseaux intérieures.
En expliquant le recours au critèrede proportionnalité, la Cour donne

comme raison que (l'on doit comparer ce qui est comparable ))(arrêt,
par. 130).A mon humble avis, la Cour a précisémentfait le contraire, du
moins en faisant entrer les eaux intérieures du golfe de Gabès dans les
calculs de proportionnalité.
Qu'il mesoitaussipermis de direquelaCour,dans son soucide trouver
des argumentsjuridiques, sembleêtrealléetrès loinen l'espèce,en élevant
presque le critère de la proportionnalité - appliquécomme une formule
mathématique - au niveau du droit international, alors qu'aussi bien la
Courdans sonarrêtde 1969queletribunalarbitraldans sadécisionde 1977
avaient fait un usage plus modeste du mêmecritère. A mon avis, l'arrêtde
1969et la décisionde 1977établissentunjuste équilibreentre la propor-

tionnalitéet les principes du droit international applicables.

24. Aux paragraphes 102et suivants de l'arrêt,la Cour évoquela ques-
tiondeslignesdebasedroitespromulguéesparla Tunisie.Auparagraphe 22
ci-dessusj'ai déjàdit que j'étaisen total désaccordavec lesconclusions de
cesparagraphessuivant lesquellesleseaux internes et la mer territoriale de
laTunisiedevraientêtreréputéesfairepartiedeszonesconsidéréesaux fins
de l'application d'un critèrede proportionnalité. Toutefois, la validitédes
lignesdebasedroites employéepar laTunisiedansla régiondesKerkennah
peut être d'une portée considérablequandil s'agit de décidersi les eaux

intérieuresdelaTunisiefontpartie deszonespertinentes auxfinsdu critère
de la proportionnalité. Je m'arrêteraidonc brièvement à cette question.
Dans la loi no73-49du 2août 1973,le Gouvernement tunisien a mis en
vigueur des lignes de base droites destinées à mesurer sa mer territoriale,
d'une largeur de 12 milles, dans certaines zones bordant ces côtes ; il
s'agissait des parties de la mer où se trouvent un chapelet d'îles, îlots et
hauts-fonds (les Kerkennah) ainsi que de la baie de Tunis et du golfe debaselines is drawn from Ras Kaboudia to the shoalsfringingthe Kerken-
nah Islands, continuing to Ras-Es-Moun on the Isles of Gharbi in the
Kerkennahs and then a straight baselineacrossthe Gulf of Gabes to Ras
Turques.

Admittedly the outer limit of an Exclusive Economic Zone as wellas a
200miles continental shelf under Article 76 of the draft convention must
be based on "the baselinesfrom which the breadth of the territorial sea is
measured".
The baselines laid downin the Act of 2August 1973arenot contrary to
theprevailing rules ofinternational law. The startingpoint is that a coastal

Statehas the sovereignright to establishunilaterallystraightbaselines for
measuringits territorial sea and its economic zones, etc. It does not need
any agreement with or acceptance by other countries to do so. But if such
baselines are contrary to international law other States may protest.
According toa very extensiveState practice,the Judgmentin the Fisheries
case of 18 December 1951 by the International Court of Justice (I.C.J.
Reports1951,pp. 116ff.)aswellastheprovisionsintheConventiononthe
Territorial Sea and the Contiguous Zone of 29 April 1958 (the First
Geneva Convention), Article 4 ff., and the draft convention on the Law
of the Sea of 28 August 1981,Article 7 ff. - whch actually codify the
governingprinciplesconcerningstraight baselines - it seemsclear that the
straight baselines of the 1973enactment are not contrary to international
law.

As a starting point, Article 7, paragraph 1, of the draft convention of
1981may be quoted. It is taken verbatim from Article 4, paragraph 1,of
the First Geneva Convention of 1958 :
"In localities wherethecoastline isdeeplyindented and cut into, or
if there is a fringe of islandsalongthe Coastin its immediate vicinity,

the method of straight baselines joining appropriate points may be
employed in drawing the baseline from which the breadth of the
territorial sea is measured."

In connection with the particular geographical formations constituting

the low-tide elevations lying seaward of the Kerkennah Islands and the
Island of Jerbait may be of interest to note the newArticle 6introducedin
the draft convention of 1981concerning reefs to the following effect :

"In the case of islands situated on atolls or of islands having
fringing reefs, thebaselineformeasuringthe breadth of the territorial
sea is the seaward low-water line of the reef, as shown by the appro-

priate symbol on charts officially recognized by the coastal State."Gabès. (Voir l'annexe 86 au mémoire tunisien.) Une sériecontinue de
lignes de base droites étaient tiréesde Ras Kapoudia jusqu'aux hauts-
fondsavoisinant les Kerkennah, puisjusqu'à Ras Es-Mounsur lesîlots de
Gharbi qui font partie de l'archipel des Kerkennah ;ensuiteune ligne de
base droite fermait le golfe de Gabèsjusqu'à Ras Tourgueness.
Certes, la limite extérieured'une zone économiqueexclusive,de même
que celle d'un plateau continental de 200 milles aux termes de l'article76
du projet de convention, doit dépendre des ((lignes de base à partir des-

quelles est mesuréela largeur de la mer territoriale. ))
Les lignes de base promulguéespar la loi du 2 août 1973ne sont pas
contraires aux règlesactuellement applicables en droit international. La
prémissedont on part est qu'un Etat côtier a le droit souverain de fixer
unilatéralement des lignes de base droites servant à mesurer sa mer terri-
toriale, ses zones économiques,etc. Pour ce faire, il n'a pas besoin de
l'accordou du consentementd'autres pays.Toutefois,si ceslignesde base
sont contraires au droit international, il est loisible aux autres Etats de

protester. Si l'on tient compte de la pratique très générale des Etats, de
l'arrêt rendule 18décembre1951par la Cour internationale de Justiceen
l'affaire desPêcheries anglo-norvégiennes(C.I.J. Recueil 1951, p. 116et
suiv.),ainsiquedes dispositionsdesarticles 4et suivantsde la convention
sur la mer territoriale et la zone contiguë du 29 avril 1958 (première
conventionde Genève)et desarticles7et suivants du projet de convention
sur le droit de la mer en datedu 28 août 1981 - qui codifient en fait les
principes directeurs régissantle tracéde lignes de base droites -, il paraît
évidentque les lignes de base droites promulguées en 1973ne sont pas

contraires au droit international.
Onpeut citer d'abord leparagraphe 1del'article 7 du projet de conven-
tionde 1981,quisuitde trèsprèsletexteduparagraphe 1 del'article 4dela
première convention de Genèvede 1958ainsi conçu :

Dans les régions oùla lignecôtièreprésentede profondes échan-
cruresetindentations, ou s'ilexisteun chapelet d'îleslelong delacôte,
à proximité immédiatede celle-ci, la méthode des lignes de base
droitesreliantdespoints appropriéspeut êtreadoptéepour letracéde
la ligne de base à partir de laquelle est mesuréela largeur de la mer
territoriale.))

S'agissantdesformationsgéographiquesparticulièresquiconstituent les
hauts-fonds découvrants au large des Kerkennah et de l'île de Djerba, il
n'est peut-être pas sans intérêdte relever que le nouvel article 6 qui a été
insérédans le projet de convention de 1981 à propos des récifs estainsi
rédigé :

((Lorsqu'il s'agitdepartiesinsulairesd'une formationatollienne ou
d'îles bordéesderécifsfrangeants, la lignede base à partir delaquelle
estmesuréelalargeurde lamer territoriale estlalaissedebasse mersur
le récif,côtélarge, telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines
reconnues officiellement par l'Etat côtier. Paragraph 4 of Article 7 provides that :
"Straight baselines shallnot be drawn to and from low-tide eleva-
tions, unless lighthouses or similar installations which are perma-

nently above sea levelhave been built on them or except in instances
where the drawing of baselines to and from such elevations has
received general international recognition."
Light buoys seem to have been positioned on most of these low-tide
elevations. In any event, the stationary fishing gear which has been placed
on them in abundance and whichispermanently above sea-levelshould be
taken into consideration in this context. It is further an indisputable fact
that new technology has made the installation of light beacons a simple

and inexpensive operation ;and they can be installed within hours.

Further, paragraph 5 of Article 7 is highly valid in this context, it pro-
vides :
"Where the method of straightbaselines is applicable under para-
graph 1,account may be taken in determiningparticular baselines, of
economicinterests peculiar to the region concerned, the reality and

the importance of which are clearly evidenced by long usage."

Thehistoricand economicfacts of the region concernedfully meet these
requirements,asis set forth in the written and oral proceedings (see,inter
alia, the Tunisian Mernorial, paras 3.17-3.31 and 4.43 ff.).

Furthermore,thestraight baselinesdrawnaround theKerkennah Archi-
pelago are modest in length.The longest, the northernmost one, seems to

be some 15mileslongaccordingtonauticalcharts. The others are shorter ;
some of them down to a couple of miles. Compared to State practice
throughout the world, these baselines areconservativeboth with regard to
length and with regard to mode of application.

The same conclusions are applicable to the straight baseline across the
Gulf of Gabes. The length of this baseline is some 45/46 miles from
Ras-Es-Moun to Ras Turques according to the availablenautical charts.
In this context it should be borne in mind that - although the starting
point for straight baselines across the "natural entrance points" of a bay
should not exceed 24 miles according to Article 10, paragraph 4, of the
draft convention of 1981 - Article 10,paragraph 6, has very important
modifications to this starting point. It States :

"The foregoing provisions do not apply to so-called 'historicbays',
or in any case where the system of straight baselinesprovidedfor in
Article 7 is applied."
Both these conditions are applicable to the straight baseline drawn

across the Gulf of Gabes : II est dit au paragraphe 4 de l'article 7 que :

(<Leslignesdebasedroitesnedoiventpas êtretiréesversou depuis
des hauts-fonds découvrants, à moins que des phares ou des instal-
lations similaires émergées en permanence n'yaient étéconstruitsou
que le tracé de telles lignes de base droites n'ait fait l'objet d'une
reconnaissance internationale générale. ))

11semble que desbaliseslumineusesaient étéplacées surla plupart de
ceshauts-fonds découvrants.En tout cas les engins de pêchestationnaires
quel'ony trouve en abondance et quisont de façonpermanente au-dessus
du niveau de la mer devraient entrer en ligne de compte dans le présent
contexte. Il est d'autre part certain qu'avec les techniquesactuelles l'ins-
tallation de balises lumineuses est une opération simple et peu coûteuse et

qu'on peut mettre ces balises en place en quelques heures.
D'autre part, le paragraphe 5 de l'article 7 est extrêment pertinent,
puisqu'il prévoitque :
<Dans lescasoùlaméthodedeslignesdebasedroitess'appliqueen

vertu du paragraphe 1,il peut être tenu compte,pour l'établissement
de certaines lignes de base, des intérêtséconomiquespropres à la
région considéréd eont la réalitéet l'importance sont manifestement
attestéespar un long usage. ))
Les faits historiques et économiques relatifs à la régionen cause ré-

pondent pleinement à cesconditions,ainsi qu'ilaété exposédans lespièces
de la procédure écrite eten plaidoirie (voir entre autres le mémoiretuni-
sien, par. 3.17-3.31 et 4.43 et suiv.).
En outre, les lignes de base droites tiréesautour de l'archipel des Ker-
kennah sontd'une faiblelongueur.Lapluslongue,c'est-à-dire cellequi se
trouve le plus au nord, semble être d'environ15milles d'aprèsles cartes
marines. esautres lignes sont plus courtes ;certaines d'entre elles n'ex-
cèdent pas 2 milles. Si l'on songe à la pratique des Etats dans le monde
, entier, ces lignes de base sont très modéréest,ant en ce qui concerneleur
longueur que leur mode d'application.

Onpeut en dire de mêmede la ligne de base droite quifermele golfe de
Gabès.Selonlescartes mannes dont on dispose,cette ligneaunelongueur
de quelque 45 à 46 milles entre le Ras Es-Moun et le Ras Tourgueness.
Il faut rappeler dans ce contexte que si, au départ,les lignes de base
droitesjoignant les <<points d'entrée naturels ))d'une baie ne doiventpas
êtred'une longueur supérieure à 24 milles, en vertu du paragraphe 4 de
l'article 10du projet deconventionde 1981,leparagraphe 6de l'article 10
introduit d'importantes modifications à cet égard. Il y est dit en effet :

(Les dispositionsprécédentesne s'appliquent pas aux baies dites
baies historiques ))ni dans les cas où la méthode des lignes de base
droitesprévue à i'article7 est suivie))

L'une ou l'autre des conditions suivantes s'applique à la ligne de base
droite fermant le golfe de Gabès :(1) It is a natural continuation of the system of straight baselines drawn
outside the Archipelago of Kerkennah continuing to the Island of
Jerba and then on to the mainland.
(2) The very particular economic interests of thelocalpopulation in these
marine areas, especially in connection with their traditional fisheries
based on stationary fishing gear or traditional fishing banks, which
over the ages have assumed the character of proprietary rights, have
been demonstrated. It seems equally clear that the Gulf of Gabes has
the characteristics of an historic bay.

Furthermore, the very special features of the area in question with the
combination of densely populated islands such as the Kerkennah Archi-
pelago, the Islands of Jerba and of Kneiss, as well as the particular geo-
graphical features of the low-tideelevations of the region combined with
the most important indentation (the Gulf of Gabes) of thesecoastlines, are
clearly "relevant circumstances which characterizethe area" (see Art. 1of
the SpecialAgreement). In addition, these waters are so shallow that they
to a large extent are considered as appurtenances to the land territory by
the local population.
25. In the pleadings, it wasmaintained that aline ofdelimitationshould

not pass in front of a Party's coasts.
Of course,the drawing of frontiers both on land and at seamust always
entai1restrictions on the extensions of a country's territorial expanse. So
the frontal collisionor restriction would be inherent in thedrawing oflines
of delimitation.
In the present case, the coastlines of the two countries lie opposite to
each other at an approximate angle of 90" or more. In such a case, the
delimitationline would necessarily extend seawardsin adirection whereit
would front both countries at least in amacrogeographicalaspect. It seems
equally clear that one of the Partiescannot invoke the "frontal" argument
in such a manner as to win acceptance for a solution whereby the dividing
line should solely "front" the other country.
1 respectfully submit that this frontal line argumentation could be a
measure of the equity of the results arrived at. It seems that the line
proposed in theoperative part of theJudgment willbe drawn much closer
to the coasts of Tunisia than those of Libya. As a matter of fact, the line

proposed by the Court. - as appears from Map No. 3 attached to this
Judgment - is in its whole length almost twice as close to the coasts of
Tunisia as to the coasts of Libya. This result does not seem equitable.
Actually,theCourthere seemstoattribute someinferiorrank to thecoasts
of Tunisia.
The "coastal front" argument would in my respectful submission be
more equitably met in the present case by the application of an adjusted
equidistance line approach.
26. In paragraph 107of the Judgment, the Court Statesthat "As to the
presence of oil-wellsin an area to be delimited, it may, depending on the
facts, be an element tobe taken into account in the process of weighingal11) Cettelignepourraitfairesuitetoutnaturellement au systèmedelignes de
base droites tiréesau largede l'archipel des Kerkennahjusqu'à l'île de
Djerba puis vers le continent.

2) Les intérêts économiquestrès particuliers de la populationlocale dans
ces zones marines, notamment pour ce qui est de ses pêcheriestradi-
tionnelles utilisant des engins depêche stationnairesou exploitant des
bancs de pêchetraditionnels,qui ont créé aucoursdes temps des droits
depropriété, sontunfaitquia étéétabli. Ilparaîtnon moinsévidentque
le golfe de Gabès présenteles caractéristiques d'une baie historique.

En outre, les singularitésde la régionen question, où l'on trouve toute
une série d'îles à forte densité de population telles que l'archipel des
Kerkennah et les îles de Djerba et de Kneiss, seconjuguant avecles par-
ticularités géographiquesdes hauts-fonds découvrants et la forte inden-
tation du rivage (golfe de Gabès), représentent manifestement des (<cir-

constancespertinentes propres àla région ))(article 1du compromis). Ces
eauxsont d'autre part sipeu profondes quela population locale les consi-
dère généralementcomme une partie intégrante du territoire terrestre.

25. Il a étésoutenu dans les écritures quela ligne de délimitation ne
devait pas passer devant les côtes des Parties.
Il va de soi que le tracéd'une ligne de délimitation,aussi bien sur terre
qu'en mer, a toujours pour effet de limiter l'extension d'un territoire. Les

conflits ou les effets restrictifs semblent inhérents à une telle opération.

Enl'espèce,lescôtesdesdeux pays sont (opposées >)l'uneà l'autre selon
un angle de 90" ou plus. En pareil cas, la ligne de délimitation avance
nécessairementverslelargedansunedirection tellequ'ellepassedevant les
deux pays, du moins dans une perspectivemacrogéographique. Il paraît
également évidentqu'une Partie ne peut pas invoquer l'argument de la
(<façade )pour faire passer la ligne de délimitationuniquement devant le
territoire de l'autre Partie.

Selon moi, cette notion de ligne passant devant un pays pourrait
permettre d'évaluerl'équitédesrésultatsobtenus. Il semble àcet égardque
la ligne proposéedans le dispositif de l'arrêt passebeaucoupplus près des
côtestunisiennes quedescôtes libyennes.En réalitél,aligneproposéeparla
Cour - comme il ressort de la carte no3jointe à l'arrêt- est sur toute sa
longueurpresque deuxfoisplusprochedescôtesde laTunisiequede celles
delaLibye. Cerésultat neparaît paséquitable.La Courparaît icitraiterles
côtes de la Tunisie comme si elles étaienten quelque façon inférieures.

J'estimequ'ileût étéplus équitableen l'espècederépondre àl'argument
de la façade maritime en appliquant la méthode dela ligne d'équidistance
corrigée.
26. Au paragraphe 107del'arrêt la Courdéclarequ'encequi concerne
<(la présencede puits de pétrole dans une zone à délimiter,cette présence
peut, selonles faits,représenterunélémen t considérerdans leprocessusaurelevant factors to achieve an equitable result". However, it seems to
appear clearly from Map 85 presented by the Tunisian Party during the
oralpleadings (seealso LibyanCounter-Memorial, Vol. 3,Ann. 9),that at
least one welldrilledin good faith by Tunisia,without objections it seems,
namely the Jarrafa No. 1with CO-ordinates13' 4'23.6" E longitude and
34" 31'28.8" N latitude is situated well inside the Libyan part of the
continental shelfbased on the 52" line of delimitation.The Court seemsto
have completely disregarded the existence of this well in reaching its
solution based on equity, which seems perhaps to be contrary to the
starting point taken by the Court in the above-mentioned quotation.

A more serious question to me, however, is to what extent economic

considerations should lead to the acceptance offaitas ccomplis ;that is to
Say :should the dividingline be drawn in such a manner as to recognize
unilaterally granted concessions by one of the Parties to the detriment of
the other ? Or wells drilled by either Party in an area in dispute ?Such an
approach would possibly be contrary to international law as well as to
equity. The delimitation of the continental shelf between adjacent (and
opPosite) States is, in principle, to be determined by agreement between
theParties, whichisjust theopposite of unilateral action eitherintheform
of unilateral legislative actions,the unilateral granting of concessions in a
disputed area, or, more serious still, by drilling wells and starting up
petroleumproduction in disputed areas. Anyacceptance by the Court that
the drilling of oil-wells, in an area which was disputed, should have any
relevance for the delimitation, would really be an invitation to Parties to
violate certainbasictrendslaid down inthe Fourth GenevaConvention of
1958and the draft convention of 1981,and might invite aggressive atti-

tudes, through the staking out of claims, instead of conciliatory ap-
proaches.

Articles 74 and 83 of the draft convention on the Law of the Sea, on
delimitation of the continental shelf(econorniczone) between States with
opposite or adjacent coasts, have very interesting provisions in para-
graph 3, as follows :

"Pending agreement as provided for in paragraph 1, the States
concerned,in a spirit of understanding and CO-operation,shall make
every effort to enter into provisional arrangements of a practical
nature and during this transitional period, not to jeopardize or
hamper the reaching of the final agreement. Such arrangements shall

be without prejudice to the final delimitation."

Notice should also be taken of Article 77, paragraph 3, of the draft
convention of 1981.It provides :cours duquel tous les facteurs pertinents sont soigneusement peséspour
aboutir à un résultat équitable)>Or ilmeparaît clair,d'aprèslacarte no85
présentéepar la Tunisie au cours de la procédure orale(voir égalementle
contre-mémoirelibyen, vol. 3,ann. 9) que l'un au moinsdespuits forésde
bonne foi par la Tunisie,sans soulever d'objection semble-t-il,en l'occur-
rence le puits Jarrafa no 1, dont les coordonnées sont 13"4'23,6" de
longitude est et 34" 31'28'8"delatitude nord, estnettement àl'intérieurde

la part de plateau continental revenant à la Libye d'après la ligne de
délimitation à 52". LaCour sembleavoir complètementnégligé cp euits en
adoptant la solution qu'elle énoncesur la base de l'équité, cequi paraît
contraire aux prémisses dont elle part dans l'extrait queje cite ci-dessus.
Il faut d'ailleurs se poser une question plus graveàmon avis : c'estde
savoir jusqu'à quel point les considérations économiques doivent faire
accepterun fait accompli.Autrement dit, faut-iltracer la ligne de partage
de façon à admettre l'existencede concessions accordéesunilatéralement
par l'une desPartiesau détriment de l'autre ? Ou à admettre l'existencede
puits forés par l'une ou l'autre des Parties dans une zone litigieuse ?
Adopter cetteconceptionrisquerait d'êtrecontraire au droitinternational,

et contraire aussià l'équité. La délimitation du plateau continentalentre
Etats limitrophes(et entreEtatsdont lescôtesse font face)doit enprincipe
êtredéterminée par voied'accordentre lesParties,cequi estprécisémentle
contraire d'une action unilatérale, que celle-ci se traduise par un acte
législatif(octroi de concessions dans une zone contestée) ou, pis encore,
par leforagedepuits etla miseen train d'une production pétrolièredansla
zoneen cause. La Cour,enacceptant d'unefaçonquelconque quele forage
de puits de pétroledans une zone contestéepuisse avoir la moindre per-
tinencepour la délimitation, encouragerait en fait les Partiesàenfreindre
certaines des tendances fondamentales formulées dans la quatrième
convention de Genève de 1958et dans le projet de convention de 1981,

et risquerait d'inciter les Etaàsadopter non pas une attitude de concilia-
tion mais une attitude agressive, consistant a prendre possession des
zones revendiquées.
Les articles 74 et 83'du projet de convention sur le droit de la mer,
concernant la délimitation du plateau continental (ou de la zone écono-
mique exclusive)entreEtats dont les côtessont adjacentes ou sefont face,
énoncent des dispositionsextrêmementintéressantes à cet égardau para-
graphre 3 :

(En attendant la conclusion de l'accord viséau paragraphe 1,les

Etats intéressés, dansun esprit de compréhensionet de coopération,
font tout leur possible pour conclure des arrangements pratiques
provisoires et pour ne pas compromettre ou entraver pendant cette
période de transition la conclusiondel'accord définitif. Les arrange-
ments provisoires sont sans préjudice de la délimitation finale. ))

Eton notera aussil'article 77,paragraphe 3,dumême projet deconvention,
qui stipule : "The rights of the coastal State over the continental shelf do not
depend on occupation, effectiveor notional, or on any express proc-
lamation."

This provision, taken verbatim from Article 2, paragraph 3, of the
Fourth Geneva Convention of 1958 is not without importance in the
present context. Positive actions are not required for a coastal State to
possess a continental shelf. Vice versa, positive actions by another State
should not easily deprive a coastal State of its rights. At the least, such
action should not be encouraged.

CONCLUSIONS

For the reasonsset forth in the foregoing, 1have,with deepregret, come
to theconclusionthat 1cannot concur in anumber of themainreasonsand
in the conclusions of the Court.
Among my concerns are the following :

Main relevant circumstances characterizing the area have either been
disregarded or not given the weight which should have been attributed to
them. Considerations of equity have been allowed to operate in a void,
disregardingthe necessary connection between suchequityconsiderations
and recognized - albeit non-compulsory - principles and rules of inter-
national law, thus blurring the distinction between principles of equityas
part of the international legal order and considerations ex aequo etbono.
Nor am 1 convinced that the equity considerations invoked lead to the
desired results of an equitable solution. Further, 1am of the opinion that
theCourt hasnot paid sufficient regard to theequidistanceprincipleasone
of thepossibleprinciples tobe applied tothisdelimitation. In my view,the
equidistanceprinciple would, in the present case - adjusted or tempered

by considerations of equity - have given a more equitable and a more
verifiablesolution than the line given by the Court. The Court should at
least have endeavoured to give a detailed analysis of an equidistanceline
adjusted by equity considerations, and why such a line would lead to
inequitable results. In my respectful opinion, the Court has not paid
sufficient attentionto the new acceptedtrends in theThird Law of the Sea
Conference.Among such trends is the development of the concept of the
200-mileExclusiveEconomic Zones. In basing its line of delimitation to a
great extent on aspects of oil exploitation and oil concessions the Court
seemsto have disregardedtheobviousadvisability ofhavingidentical lines
of delimitation for the continental shelf and the 200-mile ExclusiveEco-
nomic Zone.

1realize the futility and perhaps even the inappropriateness of suggest-
ing an alternative line of delimitation based on an adjusted equidistance (<Les droits de l'Etat côtier sur le plateau continental sont indé-
pendants de l'occupation effectiveou fictive, aussi bien que de toute
proclamation expresse. a

Cettedisposition,qui est reprise mot pour mot de l'article2,paragraphe 3,
delaquatrièmeconventionde Genèvede 1958,n'estpassansimportanceen
l'espèce.L'Etat côtier n'a pas besoin d'accomplir un acte positif pour
posséderun plateaucontinental. Al'inverse,l'actepositif d'un Etat tiersne
doitpasdéposséderfacilement l'Etatcôtierde sesdroits.En tout cas,cetype
d'acte ne doit pas êtreencouragé.

CONCLUSIONS

Pour lesraisonsindiquéesci-dessus,je me vois à mon grand regret dans
l'obligation de ne pouvoir souscrirà certains desprincipaux motifs de la
Cour et pas davantage à ses conclusions.
Mes objections sont notamment les suivantes :
Lesprincipalescirconstancespertinentespropres à larégion,oubien ont
étéignorées,ou bien n'ont pas peséde tout leur poids. Les considérations
d'équitéont joué un rôle, mais dans le vide, sans que fût établile lien

indispensable entre ces considérations et les principes et règlesdu droit
international reconnus, quoique non obligatoires,ce qui estompe la dis-
tinction entre les principes d'équitéen tant qu'élémentsde l'ordre juri-
diqueinternational et lesconsidérationsexaequoetbono.Jenesuispasnon
plus convaincu que les considérations d'équitéinvoquéesaient produit le
résultat souhaité, c'est-à-dire une solution équitable.J'estime par ailleurs
que la Cour n'a pas accordéassez d'intérêt au principe de l'équidistance
parmi les principes qui pouvaient être appliqués à la délimitation en
l'espèce.Je pense que le principe de l'équidistance aurait abouti en l'oc-
currence, sous réserve d'enadapter les effets ou de les modérer grâceaux
considérations d'équité,à une solution plus équitable et moins hypothé-
tique que la ligne indiquéepar la Cour. Celle-ci aurait dà tout le moins
essayer d'indiquer en détailcequ'eût étéuneligned'équidistance adaptée

enfonction desconsidérationsd'équitée ,tdirepourquoi une telleligneeût
produit un résultat peu équitable. Enfin, à mon sens, la Cour n'a pas
accordé suffisamment d'attention aux nouvelles tendances admises à la
troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, et en
particulieràlanotion dezoneéconomiqueexclusivede 200milles.Touten
s'inspirant largement,pour le tracéde sa ligne de délimitation, de consi-
dérations relatives à l'exploitation des hydrocarbures et à l'octroi de
concessions pétrolières, la Cour n'a, semble-t-il, pas songé qu'il serait
manifestement opportun de tracer des lignes de délimitation identiques
pour le plateau continental et pour la zone économique exclusive de
200 milles.
Je n'ignorepas qu'ilserait vain, voire inopportun, de suggérerune autre

ligne de délimitation, reposant, sous réserved'adaptation, sur le principeprinciple. Consequently, 1shallrefrain from so doing. 1believe, however,
that such a linemight have beenmore easilyfounded, and have been more
appropriate as a dividing line in the future establishment of Exclusive
Economic Zones in the area.
Notwithstanding the several respectsin which 1find myself unable to
agreewith theJudgment of the Court, includingthe operativeparagraphs
thereof, 1recognizethat the Court has endeavoured to effecta delimitation

whichin its viewisresponsive to searchfor an equitablesolution. 1further
recognize that in its decision the Court has endeavoured to draw a line
whichdividedthe disputed areas between the two Parties.Consequently, 1
express the fervent hope that the Court's Judgment, which of course is
binding upon the two Parties by virtue of the United Nations Charter, the
Statute of the Court and the commitments of the two Parties, will be
conducive to further enhancing the friendship and good neighbourliness
between the twoPartiesand peaceful and progressivedevelopments on our
troubled globe.
In addition to my dissenting opinion set forth in the foregoing, 1res-
pectfully venture to present the following thoughts to the two Parties.

The rapid development over the last few decades in the field of the

international lawof the sea - followingthe staggeringrevolution in marine
technology, as in technology as a whole - entails that vast areas of the
marine environment must be subjected to the functional, limited sover-
eigntyof theadjacentcoastalState. The need for drawing up newmaritime
boundaries between lateral or opposite neighbouring States - often
hundreds of milesseawards - isobviouslyinherent in thisdevelopment. It
is equally obviousthat these new challengesmust causecertaindifficulties
and even political strains between the best of neighbours,not because of
theirlack of willto findjust and equitablesolutions to theirproblems, but
because of the enormity and uniqueness of the problems themselves.

Consequently, 1beg to present the following thoughts for their consi-

deration. 1feel strongly that : There may be other elements in the delimi-
tation process and in the delimitation results than the bare drawing of
lines :elements that may make aline ora systemof delimitationmorejust
and equitable than otherwise might have been the case.

In the present case, the underlying immediate concerns are first and
foremost petroleum exploitation. But it is a well-known fact that petro-
leum exploitation isamixture ofknow-how and luck.The drawing of aline
of delimitation between States may, as far asoilpotentials are concerned,
beapure gamble, an accidentalfact whichmayleave rich structures onone

side of the line and barrenness on the other.

An arrangement for joint exploration, user or even joint jurisdiction
over restricted overlapping areas may be a corollary to other equity con-de l'équidistance.Je m'abstiens donc de lefaire. Je pense toutefois qu'une
telle ligne eût étéplus facile à construire et eût représentéune meilleure
ligne de partage pour l'établissement ultérieurde zones économiques
exclusivesdans la région.
Toutefois, etbien qu'étantdans l<mpossibilitéde souscriresur plusieurs

points à l'arrêtdela Cour,y compissondispositif,je reconnais quela Cour
s'est employée à effectuer une délimitation répondant selon elle à la
nécessitéd'une solution équitable. Je reconnais en outre que, dans sa
décision,la Cour a cherché àindiquer le tracéd'une ligne partageant les
zones en litige entre les deux Parties. J'exprime donc l'espoir fervent que
l'arrêtde la Cour - qui est, bien entendu, obligatoire pour les Parties en
vertu de la Charte des Nations Unies, du Statut de la Cour et des enga-
gements contractés par les Parties elles-mêmes - favorisera les relations
d'amitié etdebon voisinageentre lesPartieset servira la causedela paix et
du progrès surnotre planète tourmentée.

Pour complémentde mon opinion dissidente exposée plus haut,je me
permets de soumettre respectueusement aux deux Parties les réflexions
suivantes.
L'évolutionrapide enregistréedepuisquelquesdizainesd'annéesdans le
domaine du droit international de la mer - à la suite de l'extraordinaire
révolution des techniques marines, comme d'ailleurs de toutes les tech-
niques - fait que de vastesrégionsde l'environnement marin doivent être
soumises à la souverainetéfonctionnelleetlimitéede1'Etatcôtier adjacent.
La nécessitéde tracer de nouvelles frontières maritimes entre Etats limi-
trophes ou se faisant face - souvent jusqu'à des distances de plusieurs
centaines de milles - dérive manifestement de cette évolution. Il est

également évidentque ces questions nouvelles entraînent forcément cer-
taines difficultés, voiredes tensions politiques, entre les meilleurs voisins,
nonpas faute de vouloir y trouver dessolutionsjustes et équitables, mais à
causede l'énormité etdu caractèretout àfait particulier desproblèmesqui
se posent.
Qu'il me soit donc permis de soumettre les réflexions suivantes à la
considération desParties.Je suisfermement d'avis que :dans leprocessus
de délimitation etdans les résultatsqu'il produit, il peut intervenir des
facteursautres que le simpletracéde lignes - des facteurs susceptibles de
rendre une ligneou un systèmede délimitation plusjuste et plus équitable

que cela ne serait le cas autrement.
Dans la présente espèce,les préoccupations immédiates des Parties
portent avant tout sur l'exploitation pétrolière. Mais, commeon le sait,
l'exploitation pétrolièresupposeune combinaison de capacités techniques
et de chance. Letracéd'une lignede délimitationentre lesEtats peut, pour
ce qui est du potentiel pétrolier, représenterun simple pari, un fait acci-
dentel qui risque de laisser de richesgisements d'un côtéde la ligneet rien
du tout de l'autre.
Certainsarrangements prévoyantune prospection commune, ainsi que
l'utilisation oumêmeunejuridiction conjointe, dans leszonesde superficiesiderations. It wasnot alien to thisCourtinthe NorthSea ContinentalShelf
cases, as is demonstrated in the dispositifby the Court in paragraph 101
(C), subparagraph (2), page 53, and also by paragraphs 97 and 99 of the
Judgment (I.C.J. Reports 1969, pp. 51-52).

Here the Court touched upon a possible solution with regard to over-
lapping areas. If the Parties were not able to agree on a dividingline, the
Court's proposa1was to divide the overlappingarea "equally", unless the
Parties "decide on a régimeofjoint jurisdiction, user, or exploitation for
the zones of overlap or any part of them".

My starting point for such a proposa1ofjoint exploitation would be an
adjustedequidistancelinestartingat thepoint where the 26" linefromRas

Ajdir intersects the 12-mile territorial sea limit. 1venture to propose an
adjusted line of delimitation veering from this point in a direction some
46-47" (north-east).

In addition, the following system of joint exploitation of petroleum
resources may be indicated. On both sides of the straightened line a line
veering some 10"-15" from the delimitation line should be drawn. The
areas thus indicated should be of approximately the same size. The two
areas thus indicated should constitute ajoint exploitation zone.

For this joint exploitation zone, the Parties should establish a joint
policy of exploration and exploitation. The following modest suggestion
may be made as to such policies.
In the area lying on the Tunisian side of the line of delimitation, Tuni-
sian legislation,oilpolicy and administration should governthepetroleum
activities. In the area lyingon theLibyan side,Libyan legislation,oilpolicy
and administration should prevail.

Each Party should have the possibility to participate in the petroleum
activitiesin therestricted area of the other Party as definedabove, with50
per cent participation either directly or through concessionaires. The
national Party should have the right to be the operator unless otherwise
agreed.

Each Party would have to pay the costs involved in the exploration and
exploitation in accordance with the percentage of his participation.
The Parties should establish a permanent consultative committee for
activities in the joint exploitation areas.
In case disagreementsishouldiarise out of activities in the aforemen-
tioned areas which the Parties were not able to solve by agreement,con-
ciliation procedures and arbitration procedures should be provided for.
Likewise,unitizationproceduresshould be provided in order to regulate
the exploitation and the shared ownership where a petroleum deposit
either straddles the line of delimitation or the outer lines restricting the
zones of joint exploration.limitéequise chevauchent,peuvent servir de corollaire aux autres consi-
dérations d'équitéC .ela n'avait pas échappéà la Cour dans les affaires du
Plateau continentalde la mer du Nord, comme le démontrent le para-
graphe 101C 2) du dispositif ainsi que les paragraphes 97 et 99 de l'arrêt
(C.I.J. Recueil 1969, p. 51-53).
La Cour a esquissédans ces textes une solution possible dans le cas des

zones de chevauchement. Cette solutionconsiste, fauted'ententeentre les
Parties sur une ligne de délimitation, diviser la zone de chevauchement
(<par parts égalesw, à moins que les Parties (n'adoptent un régimede
juridiction, d'utilisation ou d'exploitation commune pour tout ou partie
des zones de chevauchement D.
S'agissantd'une telle proposition d'exploitation commune,je prendrais
pour point de départune ligne d'équidistance ajustéepartant du point où
lalignedes 26' tiréedeRasAjdir rencontrelalimite de lamer territoriale à
12milles de la côte. Je me permets de proposer une ligne de délimitation
ajustée qui, s'infléchissantàpartir de ce point, prendrait une direction
approximative de 46 ou 47" NE.
On peut suggéreren outre le systèmesuivant d'exploitation commune
des ressources pétrolières. De part et d'autre de la ligne rectifiée,il con-

viendrait de tracer une ligne s'écartant de quelque 10 à 15' de la ligne
de délimitation. Les deux zones ainsi délimitéesauraient approximati-
vement la mêmedimension et constitueraient une zone d'exploitation
commune.
Pourcettezoned'exploitation commune, les Partiesdevraientmettre au
point une politiquecommune deprospection etd'exploitation.Lamodeste
suggestion qui suit peut être formulée à propos de ces politiques.
Dans la zone située du côté tunisien de la ligne de délimitation, la
législation,la politiquepétrolièreet l'administration tunisiennerégiraient
les activités pétrolières. Dans lazone située du côté libyen, ce sont la
législation, la politique pétrolièreet l'administration libyenne qui régi-
raient ces activités.
Chacune des Parties aurait la possibilité de participer aux activités

pétrolièresdansla zone restreinte del'autre Partie, telle qu'elle estdéfinie
plus haut, avecuneparticipationdecinquantepourcentsoit directement soit
Dar le canal de concessionnaires. La Partie nationale aurait droit d'être
l'entrepreneur,à moins qu'il n'en soit convenu autrement.
Chaque Partie paierait les frais de prospection et d'exploitation en
fonction du pourcentage de sa participation.
Les Parties constitueraient un comitéconsultatif permanent pour les
activitésmenéesdans les zones d'exploitation commune.
Au cas où des dissentimentsrésulteraient des activités menéesdans les
zonesprécitées etoùlesPartiesneparviendraientpas à lesrésoudrepar voie
d'accord, des procédures de conciliation et d'arbitrage seraient prévues.
De même,il serait prévu des procédures d'exploitation unitaire pour
l'exploitation et la copropriétéau cas où un gisement de pétrolese trou-

verait à cheval sur la ligne de délimitation ou sur les lignes extérieures
délimitant les zones d'exploration commune.322 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP. EVENSEN)

In the North Sea Continental Sheifcase, the Court deals with the prob-
lems of unitization in paragraph 97 as follows :

"Another factor to be taken into considerationin the delimitation
of areas of continental shelf asbetween adjacent States is the unity of
any deposits.The natural resources of the subsoil of the sea in those
parts whichconsist of continental shelf are the veryobject of the legal
régimeestablished subsequent to the Tmman Proclamation. Yet it
frequently occurs that the same deposit lies on both sides of the line
dividingacontinental shelfbetween twoStates,and sinceit ispossible

to exploit such a deposit from either side, a problem immediately
ariseson account of the risk of prejudicial or wastefulexploitation by
one or other of the States concerned. To look no further than the
North Sea, the practice of States shows how this problem has been
dealt with,and al1that isneeded is to refer to theundertakingsentered
into by the coastal States of that seawith a viewto ensuring the most
efficientexploitation or the apportionment of the products extracted
- (see in particular the agreement of 10 March 1965between the
United Kingdom and Norway,Article4 ;the agreement of 6 October
1965between the Netherlands and the United Kingdom relating to
'the exploitation of single geological structures extending across the
dividing line on the continental shelf under the North Sea' ; and the
agreement of 14 May 1962 between the Federal Republic and the

Netherlands concerning a joint plan for exploiting the natural
resourcesunderlying the area of the Ems Estuary where the frontier
between the two States has not been finally delimited). The Court
doesnot consider that unity of depositconstitutesanythingmore than
a factual element which it is reasonable to take into consideration in
the course of thenegotiationsfor a delimitation. The Parties are fully
awareof the existence of the problem as also of the possible ways of
solving it." (I.C.J. Reports 1969, pp. 51-52.)

Inhisinteresting separate opinion,JudgeJessup dwellson thequestions
ofCO-operationand unitizationin somedetail (pp. 81-83oftheJudgment).
1respectfullyshare his views that :evenif theprinciple of CO-operation"is
not considered to reveal an emerging rule of international law, (it) may at
least be regarded as an elaboration of the factors to be taken into account
in the negotiations now to be undertaken by the Parties".

There are a number of examples where the question of unitization has
been dealt with expressly in agreementson the delimitation of the conti-

nental shelf. Some are mentioned in the Court's Judgment of 1969in the
North Sea Continental Sheif cases, on page 52.
Thus, in the Agreement between the United Kingdom and Nonvay of
10 March 1965,it is provided in Article 4 :
"If any singlegeologicalpetroleumstructure or petroleumfield, or Dans les affairesdu Plateaucontinental delamer duNord, la Cour s'est
prononcéecomme suit sur la question de l'unité desgisements, au para-
graphe 97 de son arrêt :

((Un autre élémen t prendre en considérationdansla délimitation
des zones deplateau continental entreEtats limitrophesestl'unité de
gisement.Lesressourcesnaturellesdu sous-soldelamerdans lapartie
qui constitue le plateau continental sont l'objet mêmedu régime
juridique institué à la suite de la proclamation Truman. Or il est
fréquentqu'un gisements'étendedesdeuxcôtésdelalimiteduplateau
continental entre deux Etats et, l'exploitation de ce gisement étant

possibledechaquecôté,un problèmenaîtimmédiatementenraisondu
danger d'uneexploitationpréjudiciableouexagérép earl'un ou l'autre
desEtats intéressésS.ansallerplusloinquela merduNord,lapratique
des Etats montre comment ce problème a été traité et il suffira de
releverles engagementsprispar des Etats riverains de la mer du Nord
pour assurer l'exploitation la plus efficace ou la répartition des pro-
duits extraits (cf. notamment l'accord du 10 mars 1965 entre le
Royaume-Uni etlaNorvège,article 4,l'accorddu6 octobre 1965entre
le Royaume-uni et les Pays-~as sur l'exploitation de structures
géologiquess'étendant depart et d'autre de la ligne de séparation du
plateau continental situé sous la mer du Nord et l'accord du 14mai

1962entre la République fédérale etles Pays-Bas sur un plan d'ex-
ploitationcommunedes richessesdu sous-soldans lazonedel'estuaire
de l'Emsoù la frontière entre les deux Etats n'a pas été délimitéede
façon définitive). LaCour ne considèrepas que l'unité degisement
constitueplus qu'un élémendtefait qu'il estraisonnable deprendre en
considération au cours d'une négociationsur une délimitation. Les
Partiessontpleinementinformées de l'existencedu problème comme
des possibilitésde solution. (C.I.J. Recueil 1969, p. 51-52.)

Dans son intéressante opinion individuelle, M.Jessup examinait d'une
façon assezdétaillée lesquestionsdecoopération etd'exploitation unitaire
(p. 81-83).Jepartage sonopinion selonlaquelle, ((mêmesil'on estimeque
[leprincipe de coopération] ne révèlepas l'existence d'une règlede droit
international en voie de formation, on peut du moins y trouver un exposé
desfacteurs àprendreenconsidérationdans lesnégociationsquelesParties

doivent à présent entamer O.
Il existe nombre d'accords sur la délimitation du plateau continental
traitant expressémentde la questiondel'exploitationunitaire.Certainsde
ces accords sont mentionnés dans l'arrêtde la Cour de 1969 relatif aux
affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, page 52.
C'estainsique,dans l'accordentreleRoyaume-Unietla Norvègeconclu
le 10mars 1965,il est prévu à l'article 4 que:

(Au cas où une structure géologiqueou un gisement contenant du any single geological structure or field of any other minera1deposit,
including sand or gravel,extends across the dividingline and the part
of such structure or field whch is situated on one sideof the dividing
lineis exploitable, whollyorinpart,from theother sideof the dividing
line,the Contracting Partiesshall,in consultationith thelicensees,if
any, seek to reach agreement as to themanner in which the structure
or field shall be most effectivelyexploited and the manner in which
the proceeds deriving therefrom shall be apportioned."

Similar provisions were included in the Agreement on the delimitation
of the continental shelf betweeri Sweden and Norway of 24 July 1968.

A somewhat firmer commitment was made in the Agreement between
Denmark and Norway of 8December 1965.Article 4 of this Agreement
provides that in such cases a unitization agreement "shall be concluded"
upon the request of oneof the contracting parties. Identical provisions are
included in thedelimitation Agreementbetween theFaroes and Norway of
15June 1979.
It seemsadvisable that the Parties in the present case in the agreement

referred toin Article 2of the SpecialAgreement should include provisions
on unitization in caseswhere a petroleum field is situated on bothides of
the dividing line or the dividing line for the above proposed zone ofjoint
exploitation.

(SigneJd ens EVENSEN. pétrole outout autre produit minéral,y compris du sable ou du gra-
vier, s'étendraientde part et d'autre de la ligne de séparation, et au
cas où lapartie de cette structure ou de cegisement qui est situéed'un
côtéde la ligne de séparation pourrait êtreexploitée,totalement ou
partiellement, àpartir de l'autre côtéde la ligne, les Parties contrac-
tantes, agissant le cas échéanten consultation avec les titulaires de
permisd'exploitation, s'efforcerontde semettre d'accord sur la façon
d'exploiter leplus efficacement la structure ou le gisement considérés

et de répartir le produit de cette exploitation))
On trouve des dis~ositions analog-es dans l'accord sur la délimitation
du plateau continental signéentre la Suède et la Norvège le 24 juillet
1968.
L'accordentre leDanemarket laNorvègedu 8décembre1965traduit un

engagement plus ferme : l'article4 prévoitque, en pareil cas, un accord
d'exploitation unitaire <<sera conclu >)à la requête de l'une des parties
contractantes. Des dispositionsidentiques figurent dans l'accord de déli-
mitation conclu entre les îles Féroé et laNorvègele 15juin 1979.

Il semble souhaitableque, dans laprésenteespèce,les Parties àl'accord
mentionné à l'article 2 du compromisprévoient des procédures d'exploi-
tation unitaire dans lescas où un gisement de pétrole seraitsituéde part et
d'autre de la ligne de délimitationou de la ligne de partage adoptéepour
définirla zone d'exploitation commune proposée plus haut.

(Signé Jens EVENSEN.

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Opinion dissidente de M. Evensen (traduction)

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