Opinion individuelle de M. Lachs (traduction)

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064-19800524-JUD-01-01-EN
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064-19800524-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LACHS

[Traduction]

Je voudrais formuler quelques observations au sujet de l'arrêtet de
la manière dont il résout les questions litigieuses entre les deux Etats
concernés.Je crois toiutd'abord souhaitable d'exprimer certaines préoc-
cupations au sujet de l'inclusion de la décisionqui fait l'objet dupara-
W .~he 5 du disvositif.
Ce n'estpas qu'il puisseyavoir aucun doutequant au principe en cause,
car la règle selon laquelle la violation d'un engagement, s'ilen résulteun
préjudice, entraîne I'cibligationde réparer a étéaffirmée à plusieurs re-
prises par lesjuridictions internationales. En réalitécette idéeest sous-
entendue, elle va sansdire.<<La réparation, a déclaréla Cour permanente
de Justice internationale, est..le complément indispensable d'un man-
quement à l'application d'une convention, sans qu'il soit nécessaireque
celasoit inscrit dans la convention même. (C.P.J.IsérieA no 9,p. 21.)Ce

prononcévisait enfait une convention et non unedécisionjudiciaire. Mais
l'arrêtrendu par la Cour actuelle dans l'affaire duétroit de Corfou offre
l'exemple d'une décisionde la Cour dont le dispositif ne disait rien de
l'obligation de répareir.
Il n'étaitdonc pas nécessairede déciderdans le dispositif du présent
arrêtque pareille obligation était due, alors que la responsabilité qui
pouvait faire conclure à son existence se trouvait clairement définieà la
fois dans les motifs et dans le paragraphe2 du dispositif. C'est pourquoi
j'ai considéréle paragraphe 5 comme superflu. Compte tenu des circons-
tances de l'affaire,ne:saine économiejudiciaire aurait conduit, me sem-
ble-t-ilà limiter le domaine de la chosejugée auxquatre premiers para-
graphes et à conclure en réservantpour décision ultérieure,au cas où les

parties ne pourraient se mettre d'accord, toute suite de procédure que
nécessiterait unedemande en réparation.
En procédantde la riorte,la Cour aurait,je pense, laissélechamp librà
une telle suite de procédure sans priver 1'Etat requérant d'une réponse
suffisante à sa présente demande sur ce point.

Je tiens ensuiteà souligner quelle est, selon moi, la valeur du présent
arrêt.J'estime qu'ilconstituenon seulement une décision enl'espèce, mais
une importante confirmation d'un ensemble de dispositionsjuridiques qui
est l'un des principaux piliers de la communauté internationale. Cet
ensemble dedispositionsaétéincorporédans lesconventions de Viennede

1961 et de 1963 qui constituent, à mon avis, avec les règles du droit
international général,lefondement del'arrêt.Lesprincipeset lesrèglesdes PERSONNEL D1:PLOMATIQUE ET CONSULAIRE (OP.IND.LACHS) 48

privilègeset immunités diplomatiques ne sont pas - l'onne saurait trop y
insister- l'invention ou le systèmed'un seul groupe de nations, d'un seul
continent ou d'une seilleculture ;ilsont étéétablisau cours des siècleset
sont partagéspar les n,ationsde toutes races et de toutes civilisations. Il est
significatif que le préambulede la convention de 1961rappelle que, <de-
puis uneépoquereculée,lespeuplesde tous lespays reconnaissent lestatut
des agents diplomatiques et s'achève sur ces mots :« Affirmant que les
règlesdu droit international coutumier doivent continuer àrégir les ques-
tions qui n'ont pas étéexpressément régléed sans les dispositions de la

présente convention. » Au surplus, à la date du 31 décembre 1978, la
convention de Vienne de 1961sur lesrelationsdiplomatiquesavaitobtenu
la ratification ou l'adhésion de cent trente-deux Etats, y comprissoixante
et un Etats d'Afrique ou d'Asie. Pour la convention de 1963sur les rela-
tions consulaires, les chiffres étaientà la mêmedate de quatre-vingt-un
Etats, dont quarante-cinq appartenant aux deux continents susdits. Il est
donc clair que ces deux conventions sont l'expression du droit, d'un droit
qu'approuvent toutes les régionsdu globe et les peuples du Nord comme
du Sud, de l'Estcomme de l'Ouest. Lesrèglesdedroit dont il s'agit sont le
bien commun de la cornmunautéinternationale et ellesont été confirmées
dans l'intérêd te tous.

Ilest cependant tout à fait regrettablequ'une fois de plusla Cour ait dû
statuer sans I'assistance qu'elle pouvait attendre de la présentation de sa
cause par 1'Etatdéfendeur, à l'exception des arguments d'ordre général
contenusdans deux letl.resqui lui ontétéadressées.LaCour apris actedes

griefs formuléspar la liépublique islamique d'Iran contre les Etats-Unis
d'Amériqueet laissélaporte ouverte pour que ladémonstration lui en soit
fournie. Malheureusenient l'Iran a choisi de se priver des moyens dont il
disposait pour développerses thèses.Tout en s'acquittant des obligations
dont elle est tenue en vertu de l'article 53 du Statut, la Cour n'a pu se
prononcer sur aucunedemande du Gouvernement iranien parce qu'iln'y
en a pas eu ;on ne saurait en rejeter la responsabilité sur elle.
Dans ce contexte, je tiens à rappeler que la Cour a étéinstituée par la
Charte desNations Unies comme <organejudiciaireprincipaldesNations
Unies (art. 92) et pour servir toute la communauté internationale en
réglant «conformémerit audroit international les différends qui lui sont
soumis (Statut. art. 38, par. 1). Elle ne peut s'acquitter de cette tâche
qu'avec I'assistance des Etats intéressés.Les gouvernements demeurent

évidemment libres d'agir en la matière comme ils le souhaitent, mais je
pense que, ayant crééla Cour, ils lui doivent de comparaître devant elle
lorsqu'ils y sont invité- c'est-à-dire de reconnaître les faits, de présenter
une défenseou d'introduire une demande reconventionnelle selon le rôle
qu'ilsentendent assumer.Par ailleurs undemandeur ne saurait,après avoir
introduit l'instance, prendre des mesures unilatérales d'ordre militaire ou
autre comme s'il n'y avait pas d'instance en cours. PERSONNEL DTPLOMATIQUE ET CONSULAIRE (OP.IND. LACHS) 49

LaCour ayant statuésurlesquestions dedroit qui lui étaientsoumises,il
convient de sedemander sil'onpeut utilement indiquer lesmodalitésd'une
solution pratiquedes problèmesqui seposent entre lesparties. A cet égard
il ne serait paséalistede méconnaîtreque le mandat confiépar le Secré-
taire généraldes Nations Unies à sa commission spécialeétablissait un
rapport entre lesgrieifsde chacune des parties.
Lestravaux de cette commission ont donc placélaquestionsur leterrain
de la négociationdiplomatique, cequi aurait dû grandement en faciliter la
solution. Malheureusement lesefforts de lacommission n'ont pas abouti et
les événements subséquentsont contribué à aggraver la tension. Néan-

moins, maintenant que l'arrêta tranché,avec l'autoritéde la chosejugée,
l'un des principaux problèmes en cause, il me semble qu'il devrait être
possible de reprendre les négociations en vuede rechercher une solution
pacifique du différend. Je ne puis qu'exprimer, comme je l'ai fait en
d'autres occasions, ma profonde conviction selon laquelle, si la Cour n'a
pas le pouvoir d'obliger les partieà engager des négociations, son arrêt
devrait, dans la mesure convenable, lesy encourager, conformément à son
rôle d'institution consacrée au règlement pacifique des différends.
En conséquence lei, deux Etats, en tant que parties à la Charte et
membres de lacommunautéinternationale,devraientmaintenant entamer
des négociationsen vile de mettre finà un désaccord qui,combinéavec
d'autres facteurs, entretient le climat de tension et d'incompréhension
régnant aujourd'hui dans cette partie du monde. En tenant compte des
griefs de l'Iran contre:les Etats-Unis pour autant qu'elle a étémise en

mesure de le faire, laour s'estpréoccupéenon seulement de la question
immédiate de la responsabilité d'actes déterminésdont elle était saisie,
mais aussi du désaccord plus largequi a perturbé les relations entre les
deux pays. Etantdonnéque la Républiqueislamique d'Iran aradicalement
rompu tout lien avec un passé récentcorrespondant au règnede l'ancien
souverain, la nécessité s'imposde reprendre la recherche d'une solutioà
cesproblèmeset, tant que ledialogueest interrompu entre lesdeux parties,
on doit àmon avis faire appel à l'initiative de tiers. J1faut encourager les
Etats concernés à rechercher une solution afin d'éviterentre eux toute
nouvelle détériorationde la situation. Pour combler le gouffre qui les
sépare,pour dissiper la tension et la méfiance, la seulevoie est celled'une
action patiente etjudicieuse par la médiation,la conciliation ou les bons
offices. Le rôle du Secrétaire général des ations Unies est peut-êtreici
l'élément clé.

Sij'aijointàl'arrêtlesobservations quiprécèdent,c'est que,je l'espère,il
marquera une étapeverslasolution desgravesdivergences subsistant dans
lesrelations entre les deux Etats concernés.Les moyenspacifiques quej'ai
citéspeuvent encore paraître difficileà appliquer, mais notre époque a
montréque lerecours à de telsmoyens peut permettre de progresser versla
solution de problèmes encore plus complexes, tandis que le recoursà des
méthodes dangereuses tend à avoir l'effet inverse.Les efforts déjàaccom-
plis ont échouépourdiversesraisons, dont beaucoup tiennent précisément
à l'absencedecommunicationdirecte et d'autres aufait quela situation est PERSONNEL DIPLOMATIQUE ET CONSULAIRE (OP.IND.LACHS) 50

dominéepar des facteursdépassant l'objet spécifiquedu différend.Dans
ce contexte l'élémentcapital du choix du moment a été perdude vue.
II faudra saisir le moment opportun en vue d'élaborerune procédure
acceptable de part et d'autre. Maisje suis convaincu que la valeur de la
diplomatie, soulignée en l'occurrence, sera confirmée par les événe-
ments.

(Signé)Manfred LACHS.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE LACHS

1wishto make somecomments regarding theJudgment and the solution
of the outstanding issuesbetween the two States concerned. First I wishto
express somepreoccupation over the inclusion of the decision recorded in
subparagraph 5 of the operative part.

It isnot that there can beany doubt as to the principle involved,for that
the breach of an undertaking, resulting in injury, entails an obligation to
make reparation isapoint whichinternational courts havemade on several
occasions. Indeed, the point is implicit, it can go without saying. "Re-
paration", said the Permanent Court of International Justice, "is the
indispensable complement of a failure to apply a convention and there is
no necessity for this to be stated in the convention itself" (P.C.I.J., Series
A, No. 9, p. 21). This dictum did not, as it happens refer to a judicial
decision but to a convention. But the Court's Judgment of 9 April 1949in
the Corju Channel case illustrates the point in a decision of the Court,
which then, in theoperativeparagraph, did not make anystatement on the
obligation to make reparation.
There was thus no necessity for the operative paragraph of the present

Judgment to decide the obligation, when the responsibility from which it
rnightbe deduced had been clearlyspelledout both in the reasoning and in
subparagraph 2.I accordingly felt subparagraph 5to be redundant. In the
circumstances of the case it would, to my mind, have been soundjudicial
economy to confine the res judicata to the first four subparagraphs and to
conclude with the reservation for further decision, failing agreement
between the Parties, ofany subsequentprocedure necessitated in respectof
a claim to reparation.

By so proceeding the Court would in my opinion have left the ground
clearfor suchsubsequent procedure, whilenot deprivingtheApplicant ofa
sufficient response to its present claim under that head.

Iwishnow to emphasize thevaluewhichthepresentJudgment possesses
in myeyes. Iconsider it to constitute not only adecisionof theinstant case
but an important confirmation of a body of law which isone of the main
pillars of the international community.This body of law has been speci-
ficallyenshrined in the Vienna Conventions of 1961and 1963,whichin my
view constitute, together with the rules of general international law, the
basis of the present Judgrnent. The principles and rules of diplomatic OPINION INDIVIDUELLE DE M. LACHS

[Traduction]

Je voudrais formuler quelques observations au sujet de l'arrêtet de
la manière dont il résout les questions litigieuses entre les deux Etats
concernés.Je crois toiutd'abord souhaitable d'exprimer certaines préoc-
cupations au sujet de l'inclusion de la décisionqui fait l'objet dupara-
W .~he 5 du disvositif.
Ce n'estpas qu'il puisseyavoir aucun doutequant au principe en cause,
car la règle selon laquelle la violation d'un engagement, s'ilen résulteun
préjudice, entraîne I'cibligationde réparer a étéaffirmée à plusieurs re-
prises par lesjuridictions internationales. En réalitécette idéeest sous-
entendue, elle va sansdire.<<La réparation, a déclaréla Cour permanente
de Justice internationale, est..le complément indispensable d'un man-
quement à l'application d'une convention, sans qu'il soit nécessaireque
celasoit inscrit dans la convention même. (C.P.J.IsérieA no 9,p. 21.)Ce

prononcévisait enfait une convention et non unedécisionjudiciaire. Mais
l'arrêtrendu par la Cour actuelle dans l'affaire duétroit de Corfou offre
l'exemple d'une décisionde la Cour dont le dispositif ne disait rien de
l'obligation de répareir.
Il n'étaitdonc pas nécessairede déciderdans le dispositif du présent
arrêtque pareille obligation était due, alors que la responsabilité qui
pouvait faire conclure à son existence se trouvait clairement définieà la
fois dans les motifs et dans le paragraphe2 du dispositif. C'est pourquoi
j'ai considéréle paragraphe 5 comme superflu. Compte tenu des circons-
tances de l'affaire,ne:saine économiejudiciaire aurait conduit, me sem-
ble-t-ilà limiter le domaine de la chosejugée auxquatre premiers para-
graphes et à conclure en réservantpour décision ultérieure,au cas où les

parties ne pourraient se mettre d'accord, toute suite de procédure que
nécessiterait unedemande en réparation.
En procédantde la riorte,la Cour aurait,je pense, laissélechamp librà
une telle suite de procédure sans priver 1'Etat requérant d'une réponse
suffisante à sa présente demande sur ce point.

Je tiens ensuiteà souligner quelle est, selon moi, la valeur du présent
arrêt.J'estime qu'ilconstituenon seulement une décision enl'espèce, mais
une importante confirmation d'un ensemble de dispositionsjuridiques qui
est l'un des principaux piliers de la communauté internationale. Cet
ensemble dedispositionsaétéincorporédans lesconventions de Viennede

1961 et de 1963 qui constituent, à mon avis, avec les règles du droit
international général,lefondement del'arrêt.Lesprincipeset lesrèglesdes48 DIPLOMATIC AND CONSULAR STAFF (SEPO. P.LACHS)

privilegesand immunitiesare not - and thiscannot be over-stressed - the
invention or deviceof one group of nations, of onecontinent or one circle
of culture, but have been established for centuries and are shared by
nations of al1racesand al1civilizations.Characteristically, thepreamble of
the 1961Convention "Recall[s] that peoples of al1nations from ancient
times have recognized the status of diplomatic agents" and concludeswith
thewords :'Xffirmingthat the rulesofcustomaryinternational lawshould
continue to govern questions not expressly regulated by the provisions of

the present Convention." Moreover, by 31 December 1978 the Vienna
Convention of 1961on Diplomatic Relationshad been ratified or acceded
to by 132States,including61 from Africa and Asia.In the caseof the 1963
Convention on Consular Relations, the figures at the same date were 81,
with 45 from those two continents. It is thus clear that these Conventions
reflect the law as approved by al1regions of the globe, and by peoples
belonging to both North and South, East and West alike. The laws in
question are the common property of the international community and
were confirmed in the interest of al].

It is a matter of particular concern, however, that the Court has again
had to make its pronouncements without the assistance of the Respon-
dent's defence, apart from the general argumentscontained in two letters

addressed to it. TheCourt took note of the claims of the Islamic Republic
of Iran against the United States of Amenca and kept the door open for
their substantiation before it. But, unfortunately, Iran chose to deprive
itself of the available means for developing its contentions. While dis-
charging its obligations under Article 53of its Statute, the Court could not
decide on any claim of the Iranian Government, for no such claim was
submitted ;thus the responsibility for not doing so cannot be laid at the
door of the Court.
In thiscontext 1amanxious to recallthat the Court wascalledinto being
by the Charter of the United Nations as "the principaljudicial organ of the
United Nations" (Art. 92), and is intended to serve al1the international
cornrnunity in order to "decide in accordance with international law such
disputes asare submitted to it" (Statute,Art. 38,para. 1).But to be able to

perform this task, the Court needs the assistance of the Statesconcerned.
Governments remain, of course,freeto actas theywishinthismatter, but 1
think that, havingcalleditinto existence,theyoweitto theCourt to appear
before itwhen sonotified - to admit, defend or counter-claim - whichever
role they wish to assume. On the other hand, the Applicant, having insti-
tuted proceedings, is precluded from taking unilateral action, military or
othenvise, as if no case is pending. PERSONNEL D1:PLOMATIQUE ET CONSULAIRE (OP.IND.LACHS) 48

privilègeset immunités diplomatiques ne sont pas - l'onne saurait trop y
insister- l'invention ou le systèmed'un seul groupe de nations, d'un seul
continent ou d'une seilleculture ;ilsont étéétablisau cours des siècleset
sont partagéspar les n,ationsde toutes races et de toutes civilisations. Il est
significatif que le préambulede la convention de 1961rappelle que, <de-
puis uneépoquereculée,lespeuplesde tous lespays reconnaissent lestatut
des agents diplomatiques et s'achève sur ces mots :« Affirmant que les
règlesdu droit international coutumier doivent continuer àrégir les ques-
tions qui n'ont pas étéexpressément régléed sans les dispositions de la

présente convention. » Au surplus, à la date du 31 décembre 1978, la
convention de Vienne de 1961sur lesrelationsdiplomatiquesavaitobtenu
la ratification ou l'adhésion de cent trente-deux Etats, y comprissoixante
et un Etats d'Afrique ou d'Asie. Pour la convention de 1963sur les rela-
tions consulaires, les chiffres étaientà la mêmedate de quatre-vingt-un
Etats, dont quarante-cinq appartenant aux deux continents susdits. Il est
donc clair que ces deux conventions sont l'expression du droit, d'un droit
qu'approuvent toutes les régionsdu globe et les peuples du Nord comme
du Sud, de l'Estcomme de l'Ouest. Lesrèglesdedroit dont il s'agit sont le
bien commun de la cornmunautéinternationale et ellesont été confirmées
dans l'intérêd te tous.

Ilest cependant tout à fait regrettablequ'une fois de plusla Cour ait dû
statuer sans I'assistance qu'elle pouvait attendre de la présentation de sa
cause par 1'Etatdéfendeur, à l'exception des arguments d'ordre général
contenusdans deux letl.resqui lui ontétéadressées.LaCour apris actedes

griefs formuléspar la liépublique islamique d'Iran contre les Etats-Unis
d'Amériqueet laissélaporte ouverte pour que ladémonstration lui en soit
fournie. Malheureusenient l'Iran a choisi de se priver des moyens dont il
disposait pour développerses thèses.Tout en s'acquittant des obligations
dont elle est tenue en vertu de l'article 53 du Statut, la Cour n'a pu se
prononcer sur aucunedemande du Gouvernement iranien parce qu'iln'y
en a pas eu ;on ne saurait en rejeter la responsabilité sur elle.
Dans ce contexte, je tiens à rappeler que la Cour a étéinstituée par la
Charte desNations Unies comme <organejudiciaireprincipaldesNations
Unies (art. 92) et pour servir toute la communauté internationale en
réglant «conformémerit audroit international les différends qui lui sont
soumis (Statut. art. 38, par. 1). Elle ne peut s'acquitter de cette tâche
qu'avec I'assistance des Etats intéressés.Les gouvernements demeurent

évidemment libres d'agir en la matière comme ils le souhaitent, mais je
pense que, ayant crééla Cour, ils lui doivent de comparaître devant elle
lorsqu'ils y sont invité- c'est-à-dire de reconnaître les faits, de présenter
une défenseou d'introduire une demande reconventionnelle selon le rôle
qu'ilsentendent assumer.Par ailleurs undemandeur ne saurait,après avoir
introduit l'instance, prendre des mesures unilatérales d'ordre militaire ou
autre comme s'il n'y avait pas d'instance en cours. The Court having given its mling on the issues of law placed before it,
one should consider whether one can usefully point the way towards the
practical solution of the problems between the parties. Here it would not
be realistic to ignore the fact that the mandate given by the Secretary-
General of the United Nations to his special commission linked the
grievances of either side.
The efforts of that commission thus brought the problem into a field of
diplornatic negotiation where its solution should have been greatly
facilitated.Unfortunately, those efforts failed, while further events con-
tributed to an aggravation of the tension. Nevertheless, now that the
Judgment has, with force of law, determined one of the major issues in
question, it should in my opinion be possible for negotiations to be

resumed with aviewto seekingapeaceful solution tothe dispute. 1can only
repeat the deep-rooted conviction 1 have expressed on other occasions,
that, whle the Court is not entitled to oblige parties to enter into nego-
tiations, itsJudgment should where appropriate encourage them to do so,
in consonance with its role as an institution devoted to the cause of
peaceful settlement.
Accordingly, both countries, as parties to the Charter and members of
the international community, should now engage in negotiations with a
view to terminating their disagreement, which with other factors is sus-
taining the cloud of tension and misunderstanding that now hangs over
that part of the world. By taking such account of the grievances of Iran
against the United States as it had been enabled to do, the Court gave its
attention not only to the immediate question of responsibility for specific
acts placed before it, but also to the wider disagreement that has perturbed
relations between the two countries. In view of the fact that the Islamic
Republic of Iran has radically severedits tieswith the recent past under the
former ruler, it isnecessary to adopt a renewed approachtothe solution of
these problems, and whileboth parties are not on speakingterms 1believe

recourse should be had to a third-party initiative. The States concerned
must be encouraged to seek a solution in order to avoid a further deteri-
oration of the situation between them. To close the apparent abyss, to
dispel the tension and the mistrust, onlypatient and wiseaction - media-
tion, conciliation or good offices - should be resorted to. The role of the
Secretary-General of the United Nations may here be the key.

1append these words to the Judgment because 1 am hopeful that its
pronouncements may mark a step towards the resolution of the grave
differences which remain in the relations between the two States con-
cerned. The peaceful means which 1 have enumerated may still appear
difficult of application, but our agehas shown that, with their aid. progress
can be made towards the solution of even more complex problems, while
perilous methods tend to render them even more intractable. Past efforts
have failed for a variety of reasons, many of them deriving precisely from
the lack of direct communication, and the situation being dominated by PERSONNEL DTPLOMATIQUE ET CONSULAIRE (OP.IND. LACHS) 49

LaCour ayant statuésurlesquestions dedroit qui lui étaientsoumises,il
convient de sedemander sil'onpeut utilement indiquer lesmodalitésd'une
solution pratiquedes problèmesqui seposent entre lesparties. A cet égard
il ne serait paséalistede méconnaîtreque le mandat confiépar le Secré-
taire généraldes Nations Unies à sa commission spécialeétablissait un
rapport entre lesgrieifsde chacune des parties.
Lestravaux de cette commission ont donc placélaquestionsur leterrain
de la négociationdiplomatique, cequi aurait dû grandement en faciliter la
solution. Malheureusement lesefforts de lacommission n'ont pas abouti et
les événements subséquentsont contribué à aggraver la tension. Néan-

moins, maintenant que l'arrêta tranché,avec l'autoritéde la chosejugée,
l'un des principaux problèmes en cause, il me semble qu'il devrait être
possible de reprendre les négociations en vuede rechercher une solution
pacifique du différend. Je ne puis qu'exprimer, comme je l'ai fait en
d'autres occasions, ma profonde conviction selon laquelle, si la Cour n'a
pas le pouvoir d'obliger les partieà engager des négociations, son arrêt
devrait, dans la mesure convenable, lesy encourager, conformément à son
rôle d'institution consacrée au règlement pacifique des différends.
En conséquence lei, deux Etats, en tant que parties à la Charte et
membres de lacommunautéinternationale,devraientmaintenant entamer
des négociationsen vile de mettre finà un désaccord qui,combinéavec
d'autres facteurs, entretient le climat de tension et d'incompréhension
régnant aujourd'hui dans cette partie du monde. En tenant compte des
griefs de l'Iran contre:les Etats-Unis pour autant qu'elle a étémise en

mesure de le faire, laour s'estpréoccupéenon seulement de la question
immédiate de la responsabilité d'actes déterminésdont elle était saisie,
mais aussi du désaccord plus largequi a perturbé les relations entre les
deux pays. Etantdonnéque la Républiqueislamique d'Iran aradicalement
rompu tout lien avec un passé récentcorrespondant au règnede l'ancien
souverain, la nécessité s'imposde reprendre la recherche d'une solutioà
cesproblèmeset, tant que ledialogueest interrompu entre lesdeux parties,
on doit àmon avis faire appel à l'initiative de tiers. J1faut encourager les
Etats concernés à rechercher une solution afin d'éviterentre eux toute
nouvelle détériorationde la situation. Pour combler le gouffre qui les
sépare,pour dissiper la tension et la méfiance, la seulevoie est celled'une
action patiente etjudicieuse par la médiation,la conciliation ou les bons
offices. Le rôle du Secrétaire général des ations Unies est peut-êtreici
l'élément clé.

Sij'aijointàl'arrêtlesobservations quiprécèdent,c'est que,je l'espère,il
marquera une étapeverslasolution desgravesdivergences subsistant dans
lesrelations entre les deux Etats concernés.Les moyenspacifiques quej'ai
citéspeuvent encore paraître difficileà appliquer, mais notre époque a
montréque lerecours à de telsmoyens peut permettre de progresser versla
solution de problèmes encore plus complexes, tandis que le recoursà des
méthodes dangereuses tend à avoir l'effet inverse.Les efforts déjàaccom-
plis ont échouépourdiversesraisons, dont beaucoup tiennent précisément
à l'absencedecommunicationdirecte et d'autres aufait quela situation estfactors unrelated to the specific nature of the dispute. Against this back-
ground, the cmcial element of timing went awry.
It will be necessary to seize the propitious moment when a procedure

acceptable to both sides can be devised. But the uses of diplomacy which
are corroborated on the present occasion will, 1am confident, be vindi-
cated in the event.

(Signed)Manfred LACHS. PERSONNEL DIPLOMATIQUE ET CONSULAIRE (OP.IND.LACHS) 50

dominéepar des facteursdépassant l'objet spécifiquedu différend.Dans
ce contexte l'élémentcapital du choix du moment a été perdude vue.
II faudra saisir le moment opportun en vue d'élaborerune procédure
acceptable de part et d'autre. Maisje suis convaincu que la valeur de la
diplomatie, soulignée en l'occurrence, sera confirmée par les événe-
ments.

(Signé)Manfred LACHS.

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Opinion individuelle de M. Lachs (traduction)

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