Opinion individuelle de M. Morelli

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046-19660718-JUD-01-02-EN
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046-19660718-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. MORELLI

1. Je désireindiquer les raisons pour lesquelles,à mon avis, l'arrêt
rendu par la Cour en 1962sur les exceptions préliminaires neconstituait
pas un obstacle à ce que la demande fût rejetéeau fond pour le motif
qu'elle ne s'appuyait pas sur des droits subjectifs substantiels propres
aux demandeurs.
Je suis d'avis qu'un arrêt surdes exceptions préliminaires, en parti-

culier un arrêt qui, comme celui dont il s'agit, rejette les exceptions
préliminaires présentéespar une partie, est définitifet obligatoire par
rapport àla suite de la procédure. Ce caractère obligatoire est toutefois
limitéaux questions quiont ététranchées, questions qui ne peuvent con-
cerner que la recevabilitéde la demande ou la juridiction de la Cour.
Au contraire, les motifs sur lesquels la Cour se fonde pour trancher
une question lui ayant été soumisepar une exception préliminaire
sont dépourvus de tout caractère obligatoire. Cette limite de la valeur
obligatoire de l'arrêt concerne tous les motifs de la décision, quelle
qu'en soit la nature. Elle s'applique aux motifs de fait aussi bien qu'aux
motifs de droit, aux motifs de procédure aussi bien qu'aux motifs tou-
chant au fond de l'affaire. Pour ce qui est de ces derniers motifs, ily
a une raison complémentairequi amène elleaussi àen excluretout carac-
tère obligatoire: étant donné que l'acte introductif d'une exception

préliminaire a, en vertu de l'article 62, paragraphe 3, du Règlement,
l'effet de suspendre la procédure sur le fond, il est impossible qu'une
question concernant le fond soit tranchée d'une façon définitivepar
un arrêtsur des exceptions préliminaires.
2. Il faut interpréter l'arrêt de1962 pour préciser la portée de la
décision rendue sur la question soumise à la Cour par la troisième
exception préliminaire. Il s'agit en particulier de savoir si, en rejetant
cette exception, la Cour a entendu affirmer que le pouvoir d'action
découlant de l'article7 du Mandat est indépendant de tout droit sub-
jectif substantiel, en ce sens qu'il peut êtreexercésans que le demandeur
doive invoquer l'existence d'un droit subjectif qui lui soit propre. Il
suffirait pour le demandeur d'alléguerl'existence d'une obligation du
Mandataire, indépendamment du point de savoir si cette obligation

est due au demandeur plutôt qu'à d'autres sujets. Il s'agirait en con-
séquence d'une sorte d'action populaire et la juridiction exercéepar
la Cour aurait le caractère d'une juridiction de droit objectif.

La décisionpar laquelle l'arrêt de1962, d'après l'interprétation que
Son vient d'indiquer, aurait reconnu aux Membres de la Sociétédes
Nations le pouvoir de saisir la Cour pour les obligations du Mandataire
57 concernant les habitants du territoire, et cela indépendamment de
l'existence d'un droit subjectif propre au demandeur, serait une décision
concernant la façon de configurer l'action que les demandeurs dans la
présente affaireauraient légitimementexercée.Par une telle décisionla
Cour aurait tranché une question purement procédurale concernant,
d'un côté, le pouvoir d'action des demandeurs et, de l'autre, la juri-
diction de la Cour. La décisionn'aurait d'aucune façon touché au fond
de l'affaire. En effet la Cour ne se serait pas prononcée sur l'existence
de droits subjectifs substantiels propres aux demandeurs. Elle aurait
simplement déclaréque l'existencede ces droits étaitnon seulement sans
pertinence par rapport à la juridiction de la Cour, mais aussi toàtfait

étrangère à la tâche qui lui étaitconfiée.Cette tâche consistaàtétablir
l'existence non pas de droits subjectifs des demandeurs, mais plutôt
d'obligations du Mandataire, que celles-ci soient dues aux demandeurs
ou à d'autres sujets.
Etant donné la nature purement procédurale de la question qui au-
rait ététranchée par l'arrêtde 1962, d'après l'interprétation de celui-ci
que l'on a indiquée,la solution donnée à cette question serait définitive
et obligatoire. Par conséquent et en premier lieu, il n'aurait pas été
possible, au stade de la procédure consacrée au fond de contester la
juridiction de la Cour pour ce motif que les dispositions du Mandat
concernant les habitants du territoire ne conféreraient pas aux Etats
demandeurs un droit subjectif propre. En deuxième lieu, la Cour aurait

été liéepar la configuration donnéedans l'arrêtde 1962 àl'action exercée
par les demandeurs. En d'autres termes, la Cour aurait étéobligée,
pour statuer sur le fond, d'établir l'existence ou l'inexistence non pas
de droits subjectifs des demandeurs, mais plutôt d'obligations du Man-
dataire, que celles-ci soient dues aux demandeurs ou à d'autres sujets.
Le problème de l'existence actuelle de droits subjectifs découlant, pour
tels ou tels sujets, du Mandat n'aurait pu êtreconsidéré qu'enraison
de l'influence indirecte que la solution de ce problème pouvait avoir
sur le problème de l'existence d'obligations imposées par le Mandat
et par conséquent du maintien en vigueur du Mandat.
3. L'interprétation de l'arrêt de 1962, en particulier pour ce qui
concerne la troisième exception préliminaire, est loin d'êtrefacile. II
faut toutefois exclure la possibilité de donner à la décision sur cette

exception préliminaire le sens qui vient d'êtreindiqué par voie d'hypo-
thèse. Entendre la décisionen ce sens reviendrait non pasà l'interpréter
en recherchant ce que la Cour a voulu dire en réalité, maisplutôt à la
modifier et à l'intégrer dans le dessein d'aboutir à une construction
cohérente.
En effet il n'y a rien dans l'arrêtqui indique l'intention de la Cour
d'accepter en généralla notion d'action populaire, ni d'appliquer cette
notion au cas d'espèce.L'arrêtne déclare d'aucunefaçon que pour établir
le bien-fondéde la demande il n'est pas nécessairede rechercher si celle-
ci s'appuie sur des droits subjectifs des demandeurs.
Au contraire, l'arrêtde 1962se borne à affirmer que le différendsou-
mis à la Cour est un différendau sens de l'article 7 du Mandat, sansdonner aucune indication quant à la façon de configurer l'action exercée
par les demandeurs.
Loin d'exclure la nécessitéd'un droit subjectif des demandeurs pour
que le demande puisse être considérée comme bien fondée, l'arrêtde
1962 parle expressément d'un droit ou intérêtjuridique des Membres

de la Société desNations à ce que le Mandataire observe ses obligations.
En se référant à l'article 7 du Mandat, la Cour dit:

((La portée et l'objet manifestes des dispositions de cet article
indiquent en effet qu'on entendait par là que les Membres de la
Société desNations eussent un droit ou un intérêjturidique à ce
que le Mandataire observât ses obligations à la foisà l'égarddes
habitants du territoire sous Mandat et à l'égardde la Sociétédes
Nations et de ses Membres. x (C.I.J. Recueil 1962, p. 343.)

Ce passage révèlesans doute une certaine confusion entre, d'une

part, le droit ou pouvoir d'action, seul droit ou pouvoir découlant
pour les Membres de la Société desNations de la disposition de l'ar-
ticle7, alirxéa2, du Mandat, à laquelle la Cour se réfèreet, d'autre
part, le droit subjectif substantiel, droit qui semble correctement in-
diqué lorsqu'on parle d'un droit ou intérêt juridique à ce que l'obligé
observe son obligation.
Cependant, quelles que soient les critiques que l'on pourrait adresser
à l'arrêtà propos d'une telle confusion, il est bien sûr que c'est cette
confusion elle-mêmequi exclut d'une façon péremptoire la possibilité
d'entendre la décision sur la troisième exception préliminaire dans le
sens qu'il ne serait pas nécessaired'établirun droit subjectif substantiel

des demandeurs. En effet, dèslors que l'on constate que l'arrêtn'a pas
distingué entre le pouvoir d'action et le droit subjectif substantiel, il
n'est plus possible de lui faire dire quelque chose qui serait diamétra-
lement opposé à une telle constatationà savoir que le pouvoir d'action
non seulement serait tout à fait distinct du droit subjectif substantiel,
mais aussi qu'il ferait complètement abstraction du droit subjectif
substantiel, et cela a un tel point que la Cour pourrait juger la demande
comme bien fondéemêmeau cas où celle-ci ne s'appuierait pas sur un
droit subjectif substantiel du demandeur.
4. Il y a d'autres raisons qui amènent également à écarter la possi-

bilité d'entendre en ce sens l'arrêtde 1962.
L'article7 du Mandat se réfère à l'hypothèse d'un différendqui vien-
drait à s'éleverentre le Mandataire et un autre Membre de la Société
des Nations. La nécessitéd'un différendpour que la Cour puisse être
saisie est d'ailleurs reconnue par l'arrêt.C'est justement pour établir
la présence en l'espèce de cette condition, requise comme nécessaire
par l'article7 du Mandat, que l'arrêt entreprend dès le début de dé-
montrer l'existence d'un différendentre les Parties(C.I.J. Recueil 1962,
p. 328); puis, à propos de la troisième exception préliminaire, l'arrêt
affirme que le différenddont il s'agit est un différendau sens de l'ar7icle
du Mandat.

59 Or, si l'article 7 avait conféréaux Membres de la Sociétédes Nations
un pouvoir d'action pour la protection de droits substantiels ne leur
appartenant pas, on ne voit pas la raison pour laquelle cet article aurait
subordonné l'exercice d'une telle action à l'existence d'un différend
auquel 1'Etatqui voudrait saisir la Cour devrait êtrepartie. La nécessité,
clairement reconnue par l'arrêt de1962, d'un différend entre le de-
mandeur et le Mandataire exclut que l'action découlant de l'article 7
du Mandat puisse êtreconfigurée, ou qu'elle ait étéconfigurée par
l'arrêtde 1962,comme une action populaire. La nécessité d'un différend

entre le demandeur et le Mandataire implique en effet la nécessitéd'un
conflit entre des intérêtsdes parties, quelle que soit la nature de ces
intérêts.Etant donné, d'autre part, le caractère juridique que le diffé-
rend doit revêtir, cequi résulte de la référencefaite par l'article 7 aux
règles de droit contenues dans les dispositions du Mandat, il s'ensuit
qu'il est nécessaire pour le demandeur d'invoquer un droit subjectif
qui lui soit propre en tant que moyen de protection de son intérêt.

5. L'article 7 du Mandat n'exige pas seulement, pour que la Cour
puisse êtresaisie, qu'il existe un différend entre le demandeur et le
Mandataire; il exige en outre que ce différend nesoit pas susceptible
d'êtreréglépar des négociations. Cette exigence aussi est reconnue par

l'arrêtde 1962, qui consacre sa dernière partie relativeà la quatrième
exception préliminaire, à démontrer que ladite exigence était réalisée
en l'espèce.
En se référant à un différend«qui ne soit pas susceptible d'êtreréglé
par des négociations)), l'article7 suppose évidemment un différend
qui soit susceptible en soi d'êtreréglépar des négociations entre les
parties; il doit s'agir toutefois d'un différendpour la solution duquel
les négociations se seraient révéléeesn fait inefficaces. Cette interpré-
tation de l'article 7 est clairement admise par l'arrêt. Aavoir affirmé
que des négociations ont eu réellement lieu, l'arrêtconclut en effet
((qu'il n'est pas raisonnablement permis d'espérer que de nouvelles
négociations puissent aboutir à un règlement » (C.I.J. Recueil 1962,
p. 345).

Or, il serait impossible de considérer le différenddont il s'agit comme
un différend susceptible en soi d'être réglpéar des négociations entre
les Parties, si l'on partait de l'idéeque les demandeurs pouvaient saisir
la Cour en fondant leur demande sur des droits subjectifs appartenant
non pas à eux-mêmes,mais à d'autres sujets. Il est touà fait évident
que les demandeurs ne pouvaient d'aucune façon disposer de ces droits
subjectifs, ce quiaurait constituéun obstacle radicàlce que le différend
pût êtreréglépar des négociations entre les demandeurs et le Manda-
taire. Par conséquent, en admettant que le différenddont il s'agit était
un différend susceptibleen soi d'être réglp éar des négociations entre
les Parties, l'arrêtde 1962a reconnu nécessairementque les demandeurs
ne pouvaient agir qu'en invoquant un droit subjectif qui leur était
propre.

6. 11faut ajouter que l'arrêt de1962 ne pouvait s'écarterdes termes de la demande et que rien n'indique que cet arrêt ait euune telle inten-
tion.

Or, au paragraphe 9 des requêtes, lesdemandeurs disent que, dans
le différend qu'ilssoutiennent exister entre eux et l'Afrique du Sud,
ils ont toujours cherchéà affirmer et à protéger leur ((intérêjturidique
au juste exercice du Mandat » en contestant la violation par l'Afrique
du Sud de ses devoirs en qualité de Mandataire et en protestant contre
cette violation. Les demandeurs ajoutent qu'au cours des négociations
qu'ils affirment avoir eu lieu, ils ont fait preuveà tout moment «de
l'intérêjturidique))qu'ils portent «au juste exercice du Mandat ». Et
ils concluent en disant qu'ils ont précisémentintroduit l'instance afin
de protéger l'intérêjturidique qu'ils prennent au juste exercice du

Mandat.
C'est l'intérêjturidique ou le droit subjectif des demandeurs au juste
exercice du Mandat qui constitue donc la causa petendi de la demande.
Par conséquent, c'est sur la demande caractériséepar une telle causa
petendi que la Cour était appelée à se prononcer. L'arrêt de1962 n'a
rien dit de contraire.
7. L'analyse de la partie de l'arrêtde 1962 concernant la troisième
exception préliminaire nous amène à conclure que la décisiondonnée
par le rejet de cette exception préliminaire a consisté uniquement à

affirmer que le différend soumis à la Cour, et considérépar l'arrêt
comme existant, était un différendau sens de l'article 7 du Mandat.
La décision neconcernait pas du tout la façon de configurer l'action
découlant de cet article et exercéepar les demandeurs. En particulier
la décision ne donnait Das à cette action la confuguration tout à fait
inaccoutumée d'après laquelle elle pouvait êtreexercée sans que le
demandeur dût invoquer l'existence d'un droit subjectif substantiel
qui lui fût propre.
Il s'ensuit que, dans la phase de la procédure consacréeau fond,
la Cour était entièrement libre en ce qui concerne le problème con-

sistantà savoir si l'existence d'un droit subjectif substantiel des deman-
deurs étaitnécessairepour que la demande pût êtreconsidéréecomme
bien fondée.
Ce problème n'aurait pu êtretranchéquepar l'affirmative. En premier
lieu, une telle solution aurait étéconforme à la façon dont l'action à
exercer devant le juge international est d'ordinaire configurée. En
deuxième lieu, elle aurait étéimposéepour les raisons qui ont été déjà
indiquées, par les termes mêmesde l'article 7 du Mandat qui exige,
pour que la Cour puisse êtresaisie, qu'un différend existeentre le de-

mandeur et le Mandataire et que ce différendsoit susceptible en soi
d'être réglé par des négociations entre les parties. En troisième lieu,
la Cour ne pourrait s'écarterdu libellé desrequêtespar lesquelles elle
a étésaisie d'une demande s'appuyant sur un prétendu droit subjectif
des demandeurs au juste exercice du Mandat.
Il faut faire observer à propos de cette derniére remarque que la
juridiction de la Cour dans la présente affaire sefonde sur l'article 7
du Mandat, article qui se réfère à tout différend Crelatifà l'interpréta- tion ou à l'application des dispositions du Mandat ».Or, par rapport
à toute clause juridictionnelle inscrite dans un traité et se référant,com-
me celle de l'article7 du Mandat, aux différends relatifs à l'interpré-

tation ou à l'application des dispositions dudit traité, il ne suffit pas,
pour qu'un différend puisseêtreconsidérécomme envisagépar la clause,
qu'une partie invoque d'une façon quelconque une disposition quel-
conque du traité; il est au contraire nécessaireque cette partie affirme
un droit subjectif propre découlant des dispositions du traité (voir
les considérations développées à cet égard dans mon opinion indivi-
duelle relative l'affaire du Camerounseptentrional, C.I.J. Recueil 1963,
p. 145-146).
Il s'ensuit qu'aucas où, contrairement aux termes mêmes des requêtes,
on aurait constaté que, dans la présente affaire, lademande avait été
présentéeindépendamment de toute référence à un droit subjectif des
demandeurs, la Cour aurait dû non pas rejeter la demande au fond,
mais plutôt déclarerson défaut de juridiction. Cela aurait étépossible

mêmeau stade de la procédure consacréau fond, puisqu'il s'agit d'une
question qui, bien que concernant la juridiction de la Cour, n'a pas
étéexaminéedans l'arrêtsur les exceptions préliminaires.
8. Etant donné que la demande ne pouvait êtreconsidéréecomme
bien fondéequ'à la condition de constater l'existence d'un droit sub-
jectif substantiel des demandeurs, il était nécessairede voir si les dis-
positions du Mandat concernant les habitants du territoire confèrent
des droits subjectifs aux Membres de la Société desNations considérés
individuellement.
Il s'agit là d'un problème appartenant entièrement au fond, d'un
problème qui ne pouvait donc êtreen aucune façon préjugépar l'arrêt
de 1962.Par conséquentaucune des affirmations explicites ou implicites
concernant la solution de ce problème que l'on voudrait par hypothèse
voir dans ledit arrêt,n'aurait lié en rienla Cour dans lejugement qu'elle

devait donner sur le fond de l'affaire.
Je suis d'avis que le problème dont il s'agit ne pouvait être tranché
que par la négative,ce que, dans son arrêt surle fond, la Cour a fait
sur la base de motifs très détaillés,surabondants mêmeet dans leur
ensemble tout à fait convaincants.
En effet les dispositions du Mandat concernant l'administration
du territoire et le traitement de ses habitants, visent des intérêtqui
ne sont pas des intérêts individuels des différentsEtats Membres de la
Société desNations, mais plutôt des intérêtscollectifs, c'est-à-dire des
intérêts communs à tous les Etats Membres.
Ces intérêtscollectifs ne sont pas protégéspar les dispositions dont
il s'agit moyennant des droits subjectifs conférésaux différentsEtats
intéressés,de sorte que chacun de ces Etats puisse individuellement
exiger le comportement prévu; cela entraînerait en fait la possibilité

de prétentions opposézsentre elles de la part de deux ou de plusieurs
Etats invoquant tous la mêmedisposition du Mandat. Une telle éven-
tualité doit êtreécartée,du fait mêmeque le droit subjectif est conféré
non pas aux Etats Membres individuellement, mais soit à la Société
62des Nations en tant que sujet unique distinct des Etats qui la composent,
soit, si l'on nie la personnalité juridique de la Sociétédes Nations, aux

Etats Membres considéréstoutefois en tant que groupe et non pas
individuellement. Si l'on accepte cette dernière conception, il s'agit
d'un droit subjectif dont l'exercice est organisé d'une certaine façon
en ce sens qu'il ne peut êtreexercépar ses titulaires que collectivement,
c'est-à-dire parla voie des organes sociaux.
Il s'ensuit que chaque Etat Membre coilsidéréindividuellement
n'a aucun droit subjectif découlant des dispositions du Mandat qui
concernent l'administration du territoire. Par conséquent, il ne peut,
sur la base de ces dispositions, avancer contre le Mandataire des pré-
tentions qui pourraient être éventuellementen opposition avec l'attitude
observéepar Ies organes de la Société desNations.

9. Ayant coilstatéque la demande ne pouvait s'appuyer sur des droits
subjectifs propres aux demandeurs, la Cour n'avait qu'à ia rejeter. Ce
rejet est fondé sur le défaut de qualité des demandeurs.
Par qualitéon n'entend pas autre chose en ce cas que l'appartenance
à un sujet plutôt qu'à un autre sujet du droit substantiel invoquédans
le procès. Il s'agit par conséquent d'une qualité substantielleet non pas
procédurale. Le défaut d'une telle qualité doit justement amener à
un rejet au fond et non pas à une déclaration d'irrecevabilitéde la de-
mande. En effet nier que les demandeurs sont titulaires de droits sub-
jectifs correspondant aux obligations découlant éventuellement pour
le Mandataire des dispositions du Mandat relatives à l'administration
du territoire revientà dire que la demande est pour cette raison mal

fondée.
Le défautde qualitédes demandeurs ne constitue que l'un des motifs
sur lesquels le rejet de la demande pouvait être fondé. En rejetant la
demande à raison du défaut de qualité, la Cour n'avait pas besoin de
se prononcer sur d'autres motifs éventuels.
L'un des motifs pour lesquels le rejet de la demande pourrait être
également prononcé consiste dans l'inexisteiice même d'obligations
à la charge du Mandataire, et cela à raison éventuellementdu fait que
le Mandat serait devenu caduc. On pourrait même penserqu'un tel
motif a un caractère plus radical que celui de l'inexistence de droits
subjectifs pour les demandeurs; on pourrait penser en d'autres termes
que la question de l'existence d'obligations la charge du Mandataire

est une question préalablepar rapport à la question de voir si ces obii-
gations, éventuellement reconnues comme existantes, sont dues aux
demandeurs plutôt qu'à d'autres sujets. On pourrait penser en effet
que c'est seulement vis-à-vis d'une obligation réellementexistante qu'il
est possible de poser la question de savoir quel sujet est titulaire des
droits subjectifs correspondantà cette obligation.
Il faut toutefois faire remarquer qu'entre les différentes questions
concernant le fond il n'y a pas un ordre rigoureux imposépar desraisons
logiques; l'ordreà suivre dans un cas concret pour la solution des
différentesquestions de fond est suggéréplutôt par des raisons que l'on
pourrait dire d'économie et qui conseillent l'emploi des moyens les

6366 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. INDMORELLI)

plus simples pour aboutirà la décision.La Cour pouvait donc en I'es-
pècecommencer par l'examen de la question de la qualitépar rapport
aux droits subjectifs éventuels, et cela en supposant par hypothèse
que certaines obligations découlent encore du Mandat à la charge
de l'Afrique du Sud.
En observant cet ordre et en déclarant le défautde qualité des de-
mandeurs, la Cour a suivi un raisonnement en quelque sorte hypo-
thétique. Toutefois la décision laquelle la Cour a abouti par cette
voie etqui a consistà rejeter la demande au fond est une décision ab-

solue et non pas hypothétique.La demande a étéconsidéréepar la Cour
comme mal fondée,et cela mêmepour le cas où des obligations pour-
raient êtrereconnues comme existant à la charge de l'Afrique du Sud
sur la base du Mandat, parce qu'en ce cas ce n'est pas aux demandeurs
qu'appartiendraient les droits subjectifs correspondants obligations
éventuelles.

(Signé G)aetano MORELLI.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. MORELLI

1. Je désireindiquer les raisons pour lesquelles,à mon avis, l'arrêt
rendu par la Cour en 1962sur les exceptions préliminaires neconstituait
pas un obstacle à ce que la demande fût rejetéeau fond pour le motif
qu'elle ne s'appuyait pas sur des droits subjectifs substantiels propres
aux demandeurs.
Je suis d'avis qu'un arrêt surdes exceptions préliminaires, en parti-

culier un arrêt qui, comme celui dont il s'agit, rejette les exceptions
préliminaires présentéespar une partie, est définitifet obligatoire par
rapport àla suite de la procédure. Ce caractère obligatoire est toutefois
limitéaux questions quiont ététranchées, questions qui ne peuvent con-
cerner que la recevabilitéde la demande ou la juridiction de la Cour.
Au contraire, les motifs sur lesquels la Cour se fonde pour trancher
une question lui ayant été soumisepar une exception préliminaire
sont dépourvus de tout caractère obligatoire. Cette limite de la valeur
obligatoire de l'arrêt concerne tous les motifs de la décision, quelle
qu'en soit la nature. Elle s'applique aux motifs de fait aussi bien qu'aux
motifs de droit, aux motifs de procédure aussi bien qu'aux motifs tou-
chant au fond de l'affaire. Pour ce qui est de ces derniers motifs, ily
a une raison complémentairequi amène elleaussi àen excluretout carac-
tère obligatoire: étant donné que l'acte introductif d'une exception

préliminaire a, en vertu de l'article 62, paragraphe 3, du Règlement,
l'effet de suspendre la procédure sur le fond, il est impossible qu'une
question concernant le fond soit tranchée d'une façon définitivepar
un arrêtsur des exceptions préliminaires.
2. Il faut interpréter l'arrêt de1962 pour préciser la portée de la
décision rendue sur la question soumise à la Cour par la troisième
exception préliminaire. Il s'agit en particulier de savoir si, en rejetant
cette exception, la Cour a entendu affirmer que le pouvoir d'action
découlant de l'article7 du Mandat est indépendant de tout droit sub-
jectif substantiel, en ce sens qu'il peut êtreexercésans que le demandeur
doive invoquer l'existence d'un droit subjectif qui lui soit propre. Il
suffirait pour le demandeur d'alléguerl'existence d'une obligation du
Mandataire, indépendamment du point de savoir si cette obligation

est due au demandeur plutôt qu'à d'autres sujets. Il s'agirait en con-
séquence d'une sorte d'action populaire et la juridiction exercéepar
la Cour aurait le caractère d'une juridiction de droit objectif.

La décisionpar laquelle l'arrêt de1962, d'après l'interprétation que
Son vient d'indiquer, aurait reconnu aux Membres de la Sociétédes
Nations le pouvoir de saisir la Cour pour les obligations du Mandataire
57 SEPARATE OPINION OF JUDGE MORELLI

[Translation]
1. 1wish to give the reasons why, in my view, the Court's 1962Judg-
ment on the preliminary objections was no bar to the rejection of the
claim on the merits on the ground of its not being based on substantive
rights pertaining to the Applicants.

It is my view that a judgment on preliminary objections, particularly
a judgment which, like the judgment in question, dismisses the prelimi-
nary objections submitted by a Party, is final and binding in the further
proceedings. Its binding effect is however confined to the questions
decided, and these can relate only to the adnlissibility of the claim or
the jurisdiction of the Court.
On the other hand, the Court's reasoning in deciding a question sub-
mitted to it in the form of a preliminary objection is devoid of any
binding effect. This limitation on the binding effect of the judgrnent
applies to al1the reasons for the decision, whatever their nature, whether
of fact or of law, procedural or touching on the merits. Those touching
on the merits of the case must be denied any binding effect for an ad-
ditional reason; since, under Article 62, paragraph 3, of the Rules of
Court, the filing of a preliminary objection suspends the proceedings on
the merits, it is not possible for a question concerning the merits to be
decided with final effect in a judgment on preliminary objections.

2. The 1962 Judgment requires interpretation to elucidate the exact
scope of the decision on the question submitted to the Court in the third
prelililinary objection. In particular it is necessary to ascertain whether
it was the Court's intention in dismissing that objection to hold the right
to institute proceedings under Article 7 of the Mandate to be independent
of any substantive right, in the sense that an applicant might avail
himself of it without being required to assert the existence of a substan-
tive right of his own. On this construction it would be sufficientfor the
applicant to rely on an obligation of the mandatory irrespective of
whether the obligation were owed to the applicant or to some other
person or persons. Thus the action would be a sort of actio popularis,
and the jurisdiction exercised by the Court would be of the nature of a
jurisdiction simply to declare the law objectively.
The decision by which the 1962 Judgment held, according to this

interpretation, that the Members of the League of Nations had the
right to seisethe Court in respect of the Mandatory's obligations relating
57 concernant les habitants du territoire, et cela indépendamment de
l'existence d'un droit subjectif propre au demandeur, serait une décision
concernant la façon de configurer l'action que les demandeurs dans la
présente affaireauraient légitimementexercée.Par une telle décisionla
Cour aurait tranché une question purement procédurale concernant,
d'un côté, le pouvoir d'action des demandeurs et, de l'autre, la juri-
diction de la Cour. La décisionn'aurait d'aucune façon touché au fond
de l'affaire. En effet la Cour ne se serait pas prononcée sur l'existence
de droits subjectifs substantiels propres aux demandeurs. Elle aurait
simplement déclaréque l'existencede ces droits étaitnon seulement sans
pertinence par rapport à la juridiction de la Cour, mais aussi toàtfait

étrangère à la tâche qui lui étaitconfiée.Cette tâche consistaàtétablir
l'existence non pas de droits subjectifs des demandeurs, mais plutôt
d'obligations du Mandataire, que celles-ci soient dues aux demandeurs
ou à d'autres sujets.
Etant donné la nature purement procédurale de la question qui au-
rait ététranchée par l'arrêtde 1962, d'après l'interprétation de celui-ci
que l'on a indiquée,la solution donnée à cette question serait définitive
et obligatoire. Par conséquent et en premier lieu, il n'aurait pas été
possible, au stade de la procédure consacrée au fond de contester la
juridiction de la Cour pour ce motif que les dispositions du Mandat
concernant les habitants du territoire ne conféreraient pas aux Etats
demandeurs un droit subjectif propre. En deuxième lieu, la Cour aurait

été liéepar la configuration donnéedans l'arrêtde 1962 àl'action exercée
par les demandeurs. En d'autres termes, la Cour aurait étéobligée,
pour statuer sur le fond, d'établir l'existence ou l'inexistence non pas
de droits subjectifs des demandeurs, mais plutôt d'obligations du Man-
dataire, que celles-ci soient dues aux demandeurs ou à d'autres sujets.
Le problème de l'existence actuelle de droits subjectifs découlant, pour
tels ou tels sujets, du Mandat n'aurait pu êtreconsidéré qu'enraison
de l'influence indirecte que la solution de ce problème pouvait avoir
sur le problème de l'existence d'obligations imposées par le Mandat
et par conséquent du maintien en vigueur du Mandat.
3. L'interprétation de l'arrêt de 1962, en particulier pour ce qui
concerne la troisième exception préliminaire, est loin d'êtrefacile. II
faut toutefois exclure la possibilité de donner à la décision sur cette

exception préliminaire le sens qui vient d'êtreindiqué par voie d'hypo-
thèse. Entendre la décisionen ce sens reviendrait non pasà l'interpréter
en recherchant ce que la Cour a voulu dire en réalité, maisplutôt à la
modifier et à l'intégrer dans le dessein d'aboutir à une construction
cohérente.
En effet il n'y a rien dans l'arrêtqui indique l'intention de la Cour
d'accepter en généralla notion d'action populaire, ni d'appliquer cette
notion au cas d'espèce.L'arrêtne déclare d'aucunefaçon que pour établir
le bien-fondéde la demande il n'est pas nécessairede rechercher si celle-
ci s'appuie sur des droits subjectifs des demandeurs.
Au contraire, l'arrêtde 1962se borne à affirmer que le différendsou-
mis à la Cour est un différendau sens de l'article 7 du Mandat, sans to the inhabitants of the Territory, irrespective of whether the applicant
possessed any substantive right, would be a decision concerning the
characterization of the action, conceived of as legitimately brought by
the Applicants in the present case. By such a decision the Court would
have settled a purely procedural question relating, on the one hand, to
the Applicants' right to institute proceedings and, on the other hand,
to the Court's jurisdiction. The decision would not have touched on the
merits of the case at all. The Court would have said nothing about the
existence of any substantive rights pertaining to the Applicants. The

Court would simply have fourid that the existence of such rights was
irrelevant not only to its jurisdiction, but also to the duty with which
it had been entrusted. According to this interpretation that duty was
to establish the existence, not of rights vested in the Applicants, but
rather of obligations incumbent on the Mandatory, regardless of whether
they were owed to the Applicants or to some other person or persons.
Having regard to the purely procedural character of the question
which, according to this interpretation, would have been decided by
the 1962 Judgment, the way in which this question was disposed of
would be final and binding. In the first place, therefore, it would not
in the merits phase of the proceedings have been possible to dispute
the Court's jurisdiction on the ground that the provisions of theMandate
relating to the inhabitants of the Territory did not confer any individual
rights on the Applicants. In the second place, the Court would have
been bound by the 1962Judgment's characterization of the Applicants'
action. In other words, in order to decide the merits, the Court would

have had to establish the existence or non-existence, not of rights per-
taining to the Applicants, but rather of obligations owed by the Manda-
tory, whether to the Applicants or to some other person or persons.
The question of the present existence for any particular person or
persons of rights under the Mandate would have been open to exami-
nation only in so far asthe answer to this question might have an indirect
influence on the question of the existence of obligations owed under the
Mandate and thus of the subsistence of the Mandate itself.
3. The 1962 Judgment, particularly as regards the third preliminary
objection, is far from easy to interpret. Any possibility of construing
the decision on that preliminary objection on the lines of the above
hypothesis must however be excluded. To read the decision in that way
would be, not to interpret it with a view to ascertaining the Court's
real intention, but rather to modify and systematize it with a view to
fittingit into a particular logical construction.

There is in fact nothing in the Judgment to show that it was the Court's
intention to admit the concept of acti oopularis as a general proposition
or to apply it to this case. There is nothing in the Judgment to the effect
that to. establish whether the claim is well-founded it is not necessary
to ascertain whether it is based on rights pertaining to the Applicants.
On the contrary, the 1962 Judgment confines itself to declaring that
the dispute brought before the Court is a dispute within the meaning of
58donner aucune indication quant à la façon de configurer l'action exercée
par les demandeurs.
Loin d'exclure la nécessitéd'un droit subjectif des demandeurs pour
que le demande puisse être considérée comme bien fondée, l'arrêtde
1962 parle expressément d'un droit ou intérêtjuridique des Membres

de la Société desNations à ce que le Mandataire observe ses obligations.
En se référant à l'article 7 du Mandat, la Cour dit:

((La portée et l'objet manifestes des dispositions de cet article
indiquent en effet qu'on entendait par là que les Membres de la
Société desNations eussent un droit ou un intérêjturidique à ce
que le Mandataire observât ses obligations à la foisà l'égarddes
habitants du territoire sous Mandat et à l'égardde la Sociétédes
Nations et de ses Membres. x (C.I.J. Recueil 1962, p. 343.)

Ce passage révèlesans doute une certaine confusion entre, d'une

part, le droit ou pouvoir d'action, seul droit ou pouvoir découlant
pour les Membres de la Société desNations de la disposition de l'ar-
ticle7, alirxéa2, du Mandat, à laquelle la Cour se réfèreet, d'autre
part, le droit subjectif substantiel, droit qui semble correctement in-
diqué lorsqu'on parle d'un droit ou intérêt juridique à ce que l'obligé
observe son obligation.
Cependant, quelles que soient les critiques que l'on pourrait adresser
à l'arrêtà propos d'une telle confusion, il est bien sûr que c'est cette
confusion elle-mêmequi exclut d'une façon péremptoire la possibilité
d'entendre la décision sur la troisième exception préliminaire dans le
sens qu'il ne serait pas nécessaired'établirun droit subjectif substantiel

des demandeurs. En effet, dèslors que l'on constate que l'arrêtn'a pas
distingué entre le pouvoir d'action et le droit subjectif substantiel, il
n'est plus possible de lui faire dire quelque chose qui serait diamétra-
lement opposé à une telle constatationà savoir que le pouvoir d'action
non seulement serait tout à fait distinct du droit subjectif substantiel,
mais aussi qu'il ferait complètement abstraction du droit subjectif
substantiel, et cela a un tel point que la Cour pourrait juger la demande
comme bien fondéemêmeau cas où celle-ci ne s'appuierait pas sur un
droit subjectif substantiel du demandeur.
4. Il y a d'autres raisons qui amènent également à écarter la possi-

bilité d'entendre en ce sens l'arrêtde 1962.
L'article7 du Mandat se réfère à l'hypothèse d'un différendqui vien-
drait à s'éleverentre le Mandataire et un autre Membre de la Société
des Nations. La nécessitéd'un différendpour que la Cour puisse être
saisie est d'ailleurs reconnue par l'arrêt.C'est justement pour établir
la présence en l'espèce de cette condition, requise comme nécessaire
par l'article7 du Mandat, que l'arrêt entreprend dès le début de dé-
montrer l'existence d'un différendentre les Parties(C.I.J. Recueil 1962,
p. 328); puis, à propos de la troisième exception préliminaire, l'arrêt
affirme que le différenddont il s'agit est un différendau sens de l'ar7icle
du Mandat.

59 Article 7 of the Mandate, without purporting to characterize the
Applicants' action in any particular way.
Far from excluding the necessity of a right pertaining to the Applicants
for the claim to be able to be regarded as well-founded, the 1962 Judg-
ment explicitly refers to the legal right or interest of the Members of
the League of Nations in the observance by the Mandatory of its obli-
gations. With reference to Article 7 of the Mandate, the Court said:

"The manifest scope and purport of the provisions of this Article
indicate that the Members of the League were understood to have a
legal right or interest in the observance by the Mandatory of its
obligations both towardthe inhabitants of the Mandated Territory,

and toward the League of Nations and its Members." (I.C.J. Reports
1962, p. 343.)

This passage seems to indicate some confusion between, on the one
hand, the right to institute proceedings, the only right of Members of
the League of Nations under Article 7, paragraph 2, of the Mandate,
the provision to which the Court is referring, and, on the other hand,
substantive rights, which appear to be correctly designated by the
reference to a legal right orinterest in the observance of its obligation
by the person owing the obligation.
However, whatever the criticism to which the Judgmerit may be open
in connection with this confusion, it is quite clear that any possibility
of taking the decision on the third objection to mean that it is not
necessary to establish a substantive right pertaining to the Applicants
is totally excluded by this very confusion. Once it is established that the-
Judgment did not draw any distinction between the right to institute

proceedings and substantive rights, it becomes impossible to extract a
diametrically opposite meaning from the Judgment, namely not only
that the right to institute proceedings isquite separate from substantive
rights, but also that itis so completely independent of any substantive
right that the Court could uphold the claim as well-founded even.if it
were not based on a substantive right vested in the Applicants.

4. There are other reasons which also rule out any possibility of
interpreting the 1962Judgment in this way.
Article 7 of the Mandate deals with the case of a dispute arising
between the Mandatory and another Member of the League of Nations,
and the need for the existence of a dispute to enable the Court to be
seised is recognized in the Judgment. It is precisely inorder to establish
that this condition, laid down as a sine qua non by Article 7 of the
Mandate, is fulfilled in this case that the Judgment begins by seeking
to demonstrate the existence of a dispute between the Parties (I.C.J.

Reports 1962, p. 328); then, in connection with the third preliminary
objection, the Judgment finds that the dispute in question is a dispute
within the meaning of Article 7 of the Mandate. Or, si l'article 7 avait conféréaux Membres de la Sociétédes Nations
un pouvoir d'action pour la protection de droits substantiels ne leur
appartenant pas, on ne voit pas la raison pour laquelle cet article aurait
subordonné l'exercice d'une telle action à l'existence d'un différend
auquel 1'Etatqui voudrait saisir la Cour devrait êtrepartie. La nécessité,
clairement reconnue par l'arrêt de1962, d'un différend entre le de-
mandeur et le Mandataire exclut que l'action découlant de l'article 7
du Mandat puisse êtreconfigurée, ou qu'elle ait étéconfigurée par
l'arrêtde 1962,comme une action populaire. La nécessité d'un différend

entre le demandeur et le Mandataire implique en effet la nécessitéd'un
conflit entre des intérêtsdes parties, quelle que soit la nature de ces
intérêts.Etant donné, d'autre part, le caractère juridique que le diffé-
rend doit revêtir, cequi résulte de la référencefaite par l'article 7 aux
règles de droit contenues dans les dispositions du Mandat, il s'ensuit
qu'il est nécessaire pour le demandeur d'invoquer un droit subjectif
qui lui soit propre en tant que moyen de protection de son intérêt.

5. L'article 7 du Mandat n'exige pas seulement, pour que la Cour
puisse êtresaisie, qu'il existe un différend entre le demandeur et le
Mandataire; il exige en outre que ce différend nesoit pas susceptible
d'êtreréglépar des négociations. Cette exigence aussi est reconnue par

l'arrêtde 1962, qui consacre sa dernière partie relativeà la quatrième
exception préliminaire, à démontrer que ladite exigence était réalisée
en l'espèce.
En se référant à un différend«qui ne soit pas susceptible d'êtreréglé
par des négociations)), l'article7 suppose évidemment un différend
qui soit susceptible en soi d'êtreréglépar des négociations entre les
parties; il doit s'agir toutefois d'un différendpour la solution duquel
les négociations se seraient révéléeesn fait inefficaces. Cette interpré-
tation de l'article 7 est clairement admise par l'arrêt. Aavoir affirmé
que des négociations ont eu réellement lieu, l'arrêtconclut en effet
((qu'il n'est pas raisonnablement permis d'espérer que de nouvelles
négociations puissent aboutir à un règlement » (C.I.J. Recueil 1962,
p. 345).

Or, il serait impossible de considérer le différenddont il s'agit comme
un différend susceptible en soi d'être réglpéar des négociations entre
les Parties, si l'on partait de l'idéeque les demandeurs pouvaient saisir
la Cour en fondant leur demande sur des droits subjectifs appartenant
non pas à eux-mêmes,mais à d'autres sujets. Il est touà fait évident
que les demandeurs ne pouvaient d'aucune façon disposer de ces droits
subjectifs, ce quiaurait constituéun obstacle radicàlce que le différend
pût êtreréglépar des négociations entre les demandeurs et le Manda-
taire. Par conséquent, en admettant que le différenddont il s'agit était
un différend susceptibleen soi d'être réglp éar des négociations entre
les Parties, l'arrêtde 1962a reconnu nécessairementque les demandeurs
ne pouvaient agir qu'en invoquant un droit subjectif qui leur était
propre.

6. 11faut ajouter que l'arrêt de1962 ne pouvait s'écarterdes termes However, if Article 7 of the Mandate had conferred on Members of
the League of Nations the right to institute proceedings for the protection
of substantive rights not pertaining to them, there could be no reason
for Article 7 making the institution of such proceedings dependent on
the existence of a dispute to which the State desiring to seise the Court
must be a Party. The requirement, clearly upheld by the 1962Judgment,
that there should be a dispute between the applicant and the Mandatory
precludes the possibility of a right to institute proceedingsder Article 7
of the Mandate being characterized as an actiopopularis, or of its having

been so characterized by the 1962 Judgment. The need for there to be
a dispute between the applicant and the Mandatory requires by impli-
cation that there should be a conflict of interest between the parties,
whatever the nature of those interests. Having regard, on the other
hand, to the legal character which must be possessed by the dispute,
as appears from the reference in Article 7 to the legal rules contained
in the provisions of the Mandate, it follows that the applicant must be
able to rely on a right given to him as a means of protecting his interest.
- 5. For it to be possible to seise the Court, Article 7 of the Mandate
requires not only that there should be a dispute between the applicant
and the Mandatory, but also that such a dispute should be one that
cannot be settled by negotiation. This requirement also was recognized
in the 1962Judgment, the final section of which, concerning the fourth
preliminary objection, is devoted to showing that this requirement is
satisfied in this case.
By its reference to a dispute which "can~iot be settled by negotiation"
Article 7 clearly envisages a dispute which is inherently capable of being

settled by negotiation between the parties, but one which negotiation
has in fact failed to settle. This interpretation of Article 7 is clearly
upheld by the Judgment. After finding that negotiations had really
taken place, the Judgment draws the conclusion "that no reasonable
probability exists that further negotiations would lead to a settlement"
(I.C.J. Reports 1962, p. 345).

Now it would not be possible to find the dispute to be one inherently
capable of being settled by negotiation between the Parties if it had
first been accepted that the Applicants could seise the Court by means
of a claim based on rights vested not in them but in other persons. It is
quite obvious that the Applicants would have been in no sort of control
of such rights, and this would have been a complete bar to the possi-
bility of the dispute being settled by negotiation between the Applicants
and the Mandatory. Thus, by finding the dispute to be one inherently
capable of being settled by negotiation between the Parties, the 1962

Judgment necessarilyheld that the Applicants had a right of action only
if they could rely on a substantive right of their own.

6. It must be added that it was not possible for the 1962 Judgment
60 de la demande et que rien n'indique que cet arrêt ait euune telle inten-
tion.

Or, au paragraphe 9 des requêtes, lesdemandeurs disent que, dans
le différend qu'ilssoutiennent exister entre eux et l'Afrique du Sud,
ils ont toujours cherchéà affirmer et à protéger leur ((intérêjturidique
au juste exercice du Mandat » en contestant la violation par l'Afrique
du Sud de ses devoirs en qualité de Mandataire et en protestant contre
cette violation. Les demandeurs ajoutent qu'au cours des négociations
qu'ils affirment avoir eu lieu, ils ont fait preuveà tout moment «de
l'intérêjturidique))qu'ils portent «au juste exercice du Mandat ». Et
ils concluent en disant qu'ils ont précisémentintroduit l'instance afin
de protéger l'intérêjturidique qu'ils prennent au juste exercice du

Mandat.
C'est l'intérêjturidique ou le droit subjectif des demandeurs au juste
exercice du Mandat qui constitue donc la causa petendi de la demande.
Par conséquent, c'est sur la demande caractériséepar une telle causa
petendi que la Cour était appelée à se prononcer. L'arrêt de1962 n'a
rien dit de contraire.
7. L'analyse de la partie de l'arrêtde 1962 concernant la troisième
exception préliminaire nous amène à conclure que la décisiondonnée
par le rejet de cette exception préliminaire a consisté uniquement à

affirmer que le différend soumis à la Cour, et considérépar l'arrêt
comme existant, était un différendau sens de l'article 7 du Mandat.
La décision neconcernait pas du tout la façon de configurer l'action
découlant de cet article et exercéepar les demandeurs. En particulier
la décision ne donnait Das à cette action la confuguration tout à fait
inaccoutumée d'après laquelle elle pouvait êtreexercée sans que le
demandeur dût invoquer l'existence d'un droit subjectif substantiel
qui lui fût propre.
Il s'ensuit que, dans la phase de la procédure consacréeau fond,
la Cour était entièrement libre en ce qui concerne le problème con-

sistantà savoir si l'existence d'un droit subjectif substantiel des deman-
deurs étaitnécessairepour que la demande pût êtreconsidéréecomme
bien fondée.
Ce problème n'aurait pu êtretranchéquepar l'affirmative. En premier
lieu, une telle solution aurait étéconforme à la façon dont l'action à
exercer devant le juge international est d'ordinaire configurée. En
deuxième lieu, elle aurait étéimposéepour les raisons qui ont été déjà
indiquées, par les termes mêmesde l'article 7 du Mandat qui exige,
pour que la Cour puisse êtresaisie, qu'un différend existeentre le de-

mandeur et le Mandataire et que ce différendsoit susceptible en soi
d'être réglé par des négociations entre les parties. En troisième lieu,
la Cour ne pourrait s'écarterdu libellé desrequêtespar lesquelles elle
a étésaisie d'une demande s'appuyant sur un prétendu droit subjectif
des demandeurs au juste exercice du Mandat.
Il faut faire observer à propos de cette derniére remarque que la
juridiction de la Cour dans la présente affaire sefonde sur l'article 7
du Mandat, article qui se réfère à tout différend Crelatifà l'interpréta- to depart from the terms of the claim, and there is no indication that
there was any such intention.

In paragraph 9 of the Applications the Applicants state that, in
the dispute which they maintain to exist between them and South
Africa, they have continuously sought to assert and protect their "legal
interest in the proper exercise of the Mandate" by disputing and pro-
testing the violation by South Africa of its duties as Mandatory. The
Applicants add that during the negotiations which they assert to have
taken place, they exhibited at al1times their "legal interest in the proper
exercise ofthe Mandate". They conclude by declaring that they instituted
the proceedings for the very purpose of protecting their legal interest in
the proper exercise of the Mandate.

It isthus the legal interest, or right, of the Applicants in the proper
exercise of the Mandate which constitutes the causapetendi of the claim.
It was thus on the claim as characterized by such a causa petendi that
the Court had to giveits decision. Nothing to the contrary is to be found

in the 1962Judgment.
7. An analysis of that part of the 1962 Judgment which relates to
the third preliminary objection leads to the concl~isionthat the decision
represented by the dismissal of that preliminary objection amounts solely
to a findingthat the dispute submitted to theCourt, held by the Judgment
to exist,was a dispute within the meaning of Article 7 of the Mandate.
This decision does not in any way concern the charzcterization of the
action provided for by that Article and utilized by the Applicants. In
particular this decision does not give such action the quite unusual
characterization according to which it could be utilized without the
need for the applicant to rely on a substantive right of his own.

It follows that in the merits phase of the proceedings the Court was
completely unfettered with regard to the question of whether it was

necessary for the Applicants to have a substantive right in order that
the claim might be upheld.

Such a question could only have been decided in the affirmative. In
the first place, such a decision would have been in accordance with
the normal characterization of an international action. Secondly, it
would have been required, for the reasons set out above, by the actual
terms of Article 7 of the Mandate, which stipulates that, for it to be
possible to seisethe Court, there must be a dispute between the applicant
and the Mandatory which is inherently capable of being settled by
negotiation between the parties. Thirdly, it was not open to the Court
to depart from the wording of the Applications, by which it had been
seised of a claim based on an alleged right of the Applicants in theproper
exercise of the Mandate.
In connection with this last point it must be observed that the Court's

jurisdiction in the present case is founded on Article 7 of the Mandate,
which refers to any dispute "relating to the interpretation or the appli- tion ou à l'application des dispositions du Mandat ».Or, par rapport
à toute clause juridictionnelle inscrite dans un traité et se référant,com-
me celle de l'article7 du Mandat, aux différends relatifs à l'interpré-

tation ou à l'application des dispositions dudit traité, il ne suffit pas,
pour qu'un différend puisseêtreconsidérécomme envisagépar la clause,
qu'une partie invoque d'une façon quelconque une disposition quel-
conque du traité; il est au contraire nécessaireque cette partie affirme
un droit subjectif propre découlant des dispositions du traité (voir
les considérations développées à cet égard dans mon opinion indivi-
duelle relative l'affaire du Camerounseptentrional, C.I.J. Recueil 1963,
p. 145-146).
Il s'ensuit qu'aucas où, contrairement aux termes mêmes des requêtes,
on aurait constaté que, dans la présente affaire, lademande avait été
présentéeindépendamment de toute référence à un droit subjectif des
demandeurs, la Cour aurait dû non pas rejeter la demande au fond,
mais plutôt déclarerson défaut de juridiction. Cela aurait étépossible

mêmeau stade de la procédure consacréau fond, puisqu'il s'agit d'une
question qui, bien que concernant la juridiction de la Cour, n'a pas
étéexaminéedans l'arrêtsur les exceptions préliminaires.
8. Etant donné que la demande ne pouvait êtreconsidéréecomme
bien fondéequ'à la condition de constater l'existence d'un droit sub-
jectif substantiel des demandeurs, il était nécessairede voir si les dis-
positions du Mandat concernant les habitants du territoire confèrent
des droits subjectifs aux Membres de la Société desNations considérés
individuellement.
Il s'agit là d'un problème appartenant entièrement au fond, d'un
problème qui ne pouvait donc êtreen aucune façon préjugépar l'arrêt
de 1962.Par conséquentaucune des affirmations explicites ou implicites
concernant la solution de ce problème que l'on voudrait par hypothèse
voir dans ledit arrêt,n'aurait lié en rienla Cour dans lejugement qu'elle

devait donner sur le fond de l'affaire.
Je suis d'avis que le problème dont il s'agit ne pouvait être tranché
que par la négative,ce que, dans son arrêt surle fond, la Cour a fait
sur la base de motifs très détaillés,surabondants mêmeet dans leur
ensemble tout à fait convaincants.
En effet les dispositions du Mandat concernant l'administration
du territoire et le traitement de ses habitants, visent des intérêtqui
ne sont pas des intérêts individuels des différentsEtats Membres de la
Société desNations, mais plutôt des intérêtscollectifs, c'est-à-dire des
intérêts communs à tous les Etats Membres.
Ces intérêtscollectifs ne sont pas protégéspar les dispositions dont
il s'agit moyennant des droits subjectifs conférésaux différentsEtats
intéressés,de sorte que chacun de ces Etats puisse individuellement
exiger le comportement prévu; cela entraînerait en fait la possibilité

de prétentions opposézsentre elles de la part de deux ou de plusieurs
Etats invoquant tous la mêmedisposition du Mandat. Une telle éven-
tualité doit êtreécartée,du fait mêmeque le droit subjectif est conféré
non pas aux Etats Membres individuellement, mais soit à la Société
62 cation of the provisions of the Mandate". Now, in respect of a juris-
dictional clause in a treaty which refers, like Article 7 of the Mandate,
to disputes relating to the interpretation or the application of the pro-
visions of the treaty, it not sufficient,for a dispute to be held to be one

as envisaged in that clause, for a party to rely in any way whatever on
any provision whatever of the treaty; on the contrary, a party must
assert an individual right under the provisions of the treaty (see the
considerations developed in this connection in my separate opinion in
Northern Cameroons, I.C.J. Reports 1963, pp. 145-146).

It follows that if, contrary to the actual terms of the Applications,
it were found that in this case the claim had been submitted without
reference to any right of the Applicants, the Court ought, rather than
rejectingthe claim on the merits, to have found that it lackedjurisdiction.
This would have been possible even in the merits phase of the proceed-
ings, since it is a question which, although relating to the jurisdiction
of the Court, was not examined in the Judgment on the preliminary
objections.
8. Sincethe claimcould be upheld onlyif a substantiveright pertaining

to the Applicants were found to exist, it was necessary to consider
whether the provisions of the Mandate relating to the inhabitants of
the temtory confer rights on Members of the League in their individual
capacities.

This is a question which belongs entirely to the merits and one there-
for which could not in any way be prejudged by the 1962Judgment.
Hence no express or implied finding purporting to decide such an issue
which it might be sought to discern in that Judgment would have been
in any way binding on the Court in its Judgment on the merits.

In my view this question could only be decided in the negative, and
this, in its Judgment on the merits, the Court has done on the basis of
very detailed, even superabundant reasoning which, as a whole, carries
complete conviction.
In fact the provisions of the Mandate concerning the administration
of the territory and the treatment of its inhabitants envisage interests

which do not belong to the various States Members of the League of
Nations in their individual capacities but are rather collective interests,
that is to say interests belonging toal1the States Members jointly.
These collective interests are not protected by the provisions in ques-
tion by means of rights conferred on the different States concerned,
so that each of those States could individually require the prescribed
conduct; this would give rise to the possibility of conflicting demands
on the part of two or more States all relying on the same provision
of the Mandate. Such an eventualitymust be ruled out by the very fact
that the right is conferred not on the States Members in their individual
capacities, but either on the League of Nations as a singleerson distinct

62des Nations en tant que sujet unique distinct des Etats qui la composent,
soit, si l'on nie la personnalité juridique de la Sociétédes Nations, aux

Etats Membres considéréstoutefois en tant que groupe et non pas
individuellement. Si l'on accepte cette dernière conception, il s'agit
d'un droit subjectif dont l'exercice est organisé d'une certaine façon
en ce sens qu'il ne peut êtreexercépar ses titulaires que collectivement,
c'est-à-dire parla voie des organes sociaux.
Il s'ensuit que chaque Etat Membre coilsidéréindividuellement
n'a aucun droit subjectif découlant des dispositions du Mandat qui
concernent l'administration du territoire. Par conséquent, il ne peut,
sur la base de ces dispositions, avancer contre le Mandataire des pré-
tentions qui pourraient être éventuellementen opposition avec l'attitude
observéepar Ies organes de la Société desNations.

9. Ayant coilstatéque la demande ne pouvait s'appuyer sur des droits
subjectifs propres aux demandeurs, la Cour n'avait qu'à ia rejeter. Ce
rejet est fondé sur le défaut de qualité des demandeurs.
Par qualitéon n'entend pas autre chose en ce cas que l'appartenance
à un sujet plutôt qu'à un autre sujet du droit substantiel invoquédans
le procès. Il s'agit par conséquent d'une qualité substantielleet non pas
procédurale. Le défaut d'une telle qualité doit justement amener à
un rejet au fond et non pas à une déclaration d'irrecevabilitéde la de-
mande. En effet nier que les demandeurs sont titulaires de droits sub-
jectifs correspondant aux obligations découlant éventuellement pour
le Mandataire des dispositions du Mandat relatives à l'administration
du territoire revientà dire que la demande est pour cette raison mal

fondée.
Le défautde qualitédes demandeurs ne constitue que l'un des motifs
sur lesquels le rejet de la demande pouvait être fondé. En rejetant la
demande à raison du défaut de qualité, la Cour n'avait pas besoin de
se prononcer sur d'autres motifs éventuels.
L'un des motifs pour lesquels le rejet de la demande pourrait être
également prononcé consiste dans l'inexisteiice même d'obligations
à la charge du Mandataire, et cela à raison éventuellementdu fait que
le Mandat serait devenu caduc. On pourrait même penserqu'un tel
motif a un caractère plus radical que celui de l'inexistence de droits
subjectifs pour les demandeurs; on pourrait penser en d'autres termes
que la question de l'existence d'obligations la charge du Mandataire

est une question préalablepar rapport à la question de voir si ces obii-
gations, éventuellement reconnues comme existantes, sont dues aux
demandeurs plutôt qu'à d'autres sujets. On pourrait penser en effet
que c'est seulement vis-à-vis d'une obligation réellementexistante qu'il
est possible de poser la question de savoir quel sujet est titulaire des
droits subjectifs correspondantà cette obligation.
Il faut toutefois faire remarquer qu'entre les différentes questions
concernant le fond il n'y a pas un ordre rigoureux imposépar desraisons
logiques; l'ordreà suivre dans un cas concret pour la solution des
différentesquestions de fond est suggéréplutôt par des raisons que l'on
pourrait dire d'économie et qui conseillent l'emploi des moyens les

63 fronl its component States, or if the League of Nations is not accepted
as having legal personality, then on the States Members as a group
and not in their individual capacities. Under the second of these two
concepts it would be a right the exercise of which is organized in a
certain way, so that it may be exercised by its holders only collectively,

that is to Saythrough corporate organs.

It follows that no State Member derives any right in its individual
capacity from the provisions of the Mandate concerning the adminis-
tration of the territory. Consequently its not open to any State Member,
on the basis of those provisions, to make demands on the Mandatory
which might possibly be in conflict with the view taken by the League
organs.
9. Once it was established that the claim could not be based on
rights pertaining to the Applicants, the Court was bound to reject it.
The rejection is grounded on the Applicants' lack of standing.
Standing in this case means the possession by one person rather
than another of the substantive right relied on in the proceedings. It is
thus substantive and not procedural standing. Lack of such standing
must necessarily entail rejection of the claim on the merits and not a
finding of inadmissibility. For a finding that the Applicants are not the

holders of rights corresponding to any obligations owed by the Manda-
tory under the provisions of the Mandate relating to the administration
of the territory amounts to a declaration that the claim is for that
reason not well-founded.

Lack of standing on the part of the Applicants is only one of the
reasons on which the rejection of the daim could have been grounded.
Having rejected the claim on the ground of lack of standing the Court
had no need to go into other possible grounds.
One of the grounds on which the claiin could also have been rejected
is the non-existence of obligations owed by the Mandatory, possibly
because of the lapse of the Mandate. Such a ground rnight even be
considered as more radical in nature than the non-existence of rights
pertaining to the Applicants; in other words, it might be considered
that the question of the existence of obligations owed by the Mandatory
is a preliminary question with respect to the question of whether such

obligations, if found to exist, are owed to the Applicants or to some
other person or persons. For it might be considered that it is only in
respect of an actual existing obligation that it is possible to enquire into
the identity of the holder of the rights corresponding to the obligation.

It must however be observed that as between the various questions
al1 of which concern the merits, there is no strict order of logic; the
order to be followed in any particular case in dealing with the various
questions of merits is dictated rather by reasons of what might be
called economy, which counsel the use of the simplest means of reaching

6366 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. INDMORELLI)

plus simples pour aboutirà la décision.La Cour pouvait donc en I'es-
pècecommencer par l'examen de la question de la qualitépar rapport
aux droits subjectifs éventuels, et cela en supposant par hypothèse
que certaines obligations découlent encore du Mandat à la charge
de l'Afrique du Sud.
En observant cet ordre et en déclarant le défautde qualité des de-
mandeurs, la Cour a suivi un raisonnement en quelque sorte hypo-
thétique. Toutefois la décision laquelle la Cour a abouti par cette
voie etqui a consistà rejeter la demande au fond est une décision ab-

solue et non pas hypothétique.La demande a étéconsidéréepar la Cour
comme mal fondée,et cela mêmepour le cas où des obligations pour-
raient êtrereconnues comme existant à la charge de l'Afrique du Sud
sur la base du Mandat, parce qu'en ce cas ce n'est pas aux demandeurs
qu'appartiendraient les droits subjectifs correspondants obligations
éventuelles.

(Signé G)aetano MORELLI.the decision. It was thus perfectly open to the Court, in this case, to
begin by examining the question af standing in relation to any rights
which might exist on the assumptioii that South Africa still owes certain
obligationsunder the Mandate.

In adopting this order and finding that the Applicants have no
standing, the Court has followed an as it were hypothetical line of
reasoning. However, the decision to which it has led the Court, namely
the rejection of the claim on the merits, is an absolute and not a hypo-

thetical decision. The Court has found the claim to be not well-founded,
even if it were possible to hold that obligations are owed by South
Africaunder the Mandate, because, in that event,the rights corresponding
to any such obligations would not belong to the Applicants.

(Signed G)aetano MORELLI.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Morelli

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