Opinion individuelle de Sir Gerald Fitzmaurice (traduction)

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045-19620615-JUD-01-03-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE SIR GERALD FITZMACRICE

[Traduction]
Rien qu'en parfait accord avec le dispositif de l'arrêt dela Cour,
avec le raisonnement sur lequel il se fonde et avec ses termes, il y a
certaines questions que j'aimerais développer davantage et d'autres
- qui ne figurent pas dans l'arrêt - qui me semblent mériter
d'êtrediscutées brièvement.
N'ayant aucune intention de revenir à nouveau sur l'ensemble
du sujet, j'exposerai mes arguments seriatim, dans l'ordre qui me
semble le plus convenable, et sans essayer d'établir un lien quel-

conque entre eux.
La situation avant1904

Il est dit dans l'arrêtde la Cour qu'elle n'a pas à examiner la
situation qui existait avant la convention de 1904; et c'est exact
dans la mesure où les droits des Parties dépendent ou découlent
de cette convention ou des événements subséquents. Il est toutefois
un fait non mentionné dans l'arrêtqui aurait pu revêtir une im-
portance décisive en l'espèce, à savoir qu'antérieurement au règle-
ment de frontières de la période 1904-1908 le temple de Préah
Vihéar était situé sur un territoire soumis alors à la soilveraineté
du Siam, le traité du 15 juillet 1867 entre la France (agissant au
nom du Cambodge) et le Siam (nom sous lequel la Thaïlande était
alors désignée)ayant fixé une ligne frontière dont le tracé était
situé très au sud de la chaîne des Dangrek, à travers la pleine cam-
bodgienne. La convention de 1904 ayant eu pour effet de reporter
la frontière vers le nord et de la fixer le long de la lignegénéralede

la chaîne des Dangrek, il s'ensuit qu'aux termes de cette convention,
la Thaïlande abandonnait certains territoires. Il y a donc lieu de
présumer, in favoremejus qui dat, que la Thaïlande n'a renoncé à
aucun territoire dont on ne peut prouver qu'elle l'a effectivement
abandonné. Si donc il s'agit de choisir entre deux tracés différents
de la frontière dans la région de Préah Vihéar, l'un plus au nord,
l'autre plus au sud, c'est ce dernier tracé qui prévaut, à moins
que le premier ne puisse êtreétabli. Je partage l'avis de la Cour
lorsqu'elle estime que le premier de ces tracés (celui qui est situé
le plus au nord) peut être et est effectivement établi, pour les
motifs exposés dans l'arrêt; mais les considérations ci-dessus sont
nécessairespour faire apparaître pleinement le sens de la conclusion
à laquelle la Cour est parvenue.
La question est mise en relief d'une autre faço?. Pendant toute
la procédurela Thaïlande a soutenu que, puisqu'aucune délimitation
effective de la frontière dans le secteur oriental de la chaine des
Dangrek n'a jamais étéopérée(c'est ce qu'elle prétend) comme

50l'exigeait l'article 3 de la convention de 1904, il en résulte auto-
matiquement (en vertu de l'article ~e*)que la frontière doit suivre
la ligne de partage des eaux que le levé topographique a permis de
reconnaître. Une interprétation encoreplus favorable àla Thaïlande
serait qu'en l'absence de la délimitation exigée par l'article 3,
complétant l'article ~er,celui-ci ne pouvait avoir eu aucun effet
pratique, si bien qu'aucune nouvelle lignefrontière néedela conven-
tion de 1904n'avait pu êtreétablie,et que la frontière est demeurée
telle qu'elle était immédiatement avant 1904, et la zone du temple
située en Thaïlande. Ces deux interprétations étant favorables à
la Thaïlande, et l'une comme l'autre ayant un caractère décisif,
si la Cour n'avait pas jugé qu'en tout état de cause la Thaïlande

avait ultérieurement et en toute indépendance accepté une frontière
qui situe le temple au Cambodge, il n'était pas nécessairede choisir
entre elles.
Il existe un autre aspect de la situation antérieure à 1904 qui
présente aussi de l'importance, à szvoir les preuves nombreuses
figurant au dossier au sujet de l'imprécisiondes frontières entre le
Siam et l'Indochine française (dont le Cambodge faisait alors partie),
état de choses ancien et qui a troublé les rapports entre la France
et le Siam. Il en est question vers la fin de l'arrêt.C'est pourtant
un point qu'il convient de garder constamment présent à l'esprit
dès le départ, pour apprécier ce que les Parties ont eu vraiment
l'intention de réaliserpar les accords de frontière de la périodede
1904-1908 et comme indication de leur désir d'arriver à un règle-

ment préciset durable.
Considérationsde caractèretopographique,
historique et culturel

La Cour les a écartéesd'une seule phrase, comme n'étant pas
juridiquement décisives. J'admets qu'elles ne le sont pas, mais il
me semble qu'il y a lieu de dire pourquoi, puisque ces considérations
ont occupéune place importante dans les thèses des deux Parties.
Des questions de ce genre peuvent avoir une certaine importance
juridique dans une affaire touchant à la souveraineté territoriale
qui porte sur la preuve de faits que chaque Partie peut produire
à l'appui de sa prétention, et non pas sur un élément plus concret
et plus positif, tel qu'un traité. Dans la présente affaire,les deux

Parties acceptent et soutiennent mêmeque leurs droits dérivent
de la convention de 1904 et des événements ultérieursrelatifs à
cette convention, ou de nature à l'affecter. Il s'ensuit que certains
facteurs étrangers, qui pourraient avoir eu un certain poids lors-
qu'elles ont établi cette convention, et plus particulièrement lors-
qu'il s'est agi de déterminerle tracéde la frontière, n'ont plus qu'une
pertinence relative pour déterminer, en droit, où en est aujourd'hui
le tracé.
En outre, pour que ce facteurs aient une importance appréciable,
il serait au moins nécessaireque tous concourent et fournissent des

51indications sans ambiguïté. Ce n'est pas le cas. Comme la Cour
le souligne dans son arrêt, aucune déduction certaine ne ressort
du désirdes Parties d'établir une frontière naturelle et visible les
Dangrek en eux-mêmesleur en fournissent une et, d'une manière
générale,peuvent jouer ce rôle, que la frontière des Dangrek longe
la ligne de crête, laligne de partage des eaux, ou la ligne d'escar-
pement. De même,ilest difficilede tirer de lasituation du temple des
conclusions certaines. Il surplombe la plaine cambodgienne mais
il est orienté vers la Thaïlande. Son accès principal vient de cette
direction; mais il y a aussi un accès du côté du Cambodge - et
cet accès,du fait qu'il est abrupt et difficile et précisémentpour

cette raison - doit avoir étéconçu délibérémentet dans un but
précis,pour ainsi dire contranaturam, puisqu'il nécessiteune montée
de plusieurs centaines de mètres. Cependant la difficulté d'accès
n'est pas ou n'était pas uniquement d'un seul côté: le dossier
témoigne que la densité de la jungle du côté nord (Thaïlande)
du temple nécessitait une préparation spéciale pour les visites,
à l'intention desquelles des sentiers devaient être frayés ou dé-
blayés. Cette difficulté d'accèsparticulière était beaucoup moins
prononcée du côté du Cambodge: mais ce qui reste certain, c'est
que si, quoique pour des raisons différentes et de façons différentes,
l'accèsn'était facile d'aucun côté, ilétait praticable des deux côtés
et a étéréalisé desdeux côtés à diverses époques et avec plus ou
moins de succès.

Quant aux origines khmères du temple, cet argument (avancé
par le Cambodge) est un élément égalementneutre, puisqu'il
semble êtreadmis qu'il y a et qu'il y avait dans cette régiondes
populations de race khmère des deux côtésde la frontière.

Les travaux de la Commission mixte
en vertu de Laconvention de 1904

Bien que n'étant pas en désaccord avec les conclusions de l'arrêt
sur ce point, je pense que tant de faits reposent sur des conjectures
qu'il est extrêmement difficile d'en tirer une conclusion certaine.
Différentesdéductions peuvent s'avérerplus ou moins raisonnables
et légitimes mais, en fin de compte, la seule chose certaine est

que la carte de l'annexe 1 a étédressée à Paris par des officiers
topographes français en novembre 1907 et comme telle n'a jamais
étévue (encore moins approuvée ou adoptée) par la Commission
mixte, qui semble même avoir cessé entièrement ses fonctions
vers février de cette année-là, ou tout au moins n'a jamais,
après janvier, tenu de réunion dont il soit fait mention. Faute
de preuve, la question de savoir si la carte se fondait sur des
instructions données par la Commission ou sur des croquis ap-
prouvéspar elle ne peut être,en l'absence de preuves, qu'une ques-
tion de conjecture. Il me semble donc que la Thaïlande triomphe
danscette partie de l'affaire, sur laquelle il sufàipeu près de dire ARRÊT 15 VI 62 (OP. IND. SIR GER.4LD FITZMAURICE) 55
que, pour respectable que soit l'origine de la carte en question, elle

doit êtreconsidéréecomme étant une Œuvre purement unilatérale,
ne liant en aucune façon la Thaïlande au moment où elle lui a été
communiquée et entièrement sujette, à cette époque, à son accep-
tation ou à son rejet, soit en totalité, soit en partie.
Acceptation dela fronti2i.edel'annexeI par la conduitedela Thaïlande

Si la question avait ététerminée une fois la carte dressée,ou si
la carte n'avait jamais étécommuniquée officiellement à la Thaï-
lande, ou si elle avait étécommuniquée de telle façon ou en telles
circonstances qu'aucune conclusion contraire n'ait pu êtretirée du
fait que la Thaïlande n'a pas réagi, ou encore si la carte avait été
communiquée mais rejetée soit en totalité, soit en ce qui concerne
Préah Vihéar, alors, selon moi, la Thaïlande aurait eu droit à une

conclusion en sa faveur, car je considère personnellement qu'on
ne peut raisonnablement mettre en doute que, dans cette région
particulière, la ligne réelle de partage des eaux suit et suivait en
1904 la ligne d'escarpement. (De plus, je ne peux considérer pour
ma part la déviation établie à Préah Vihéar par rapport à la ligne
de partage des eaux comme rentrant dans les pouvoirs discrétion-
naires d'adaptation que pouvait posséder la Commission mixte;
mais cette question est en tout cas sans importance, étant donné
que ce n'est pas la Commission mixte, comme telle, qui a dresséou
approuvé la carte.)
Le point vitaldanscette affaire est donc de savoir si la Thaïlande,
par sa conduite en 1908 et plus tard, a en fait accepté la frontière de
la carte de l'annexe1 comme représentant le résultat des travaux de

délimitation prévus à la convention de 1904,sachant comment ladite
carte avait été dressée; ouplus simplement, si la Thaïlande a seule-
ment accepté la ligne comme étant la frontière, acceptant aussi le
risque d'une inexactitude possible.
L'arrêt dela Cour répond à ces questions dans l'affirmative sur
des bases avec lesquelles je suis pleinement d'accord. Ce faisant,
je ne perds pas de vue le fait que l'acceptation d'une obligation
contractuelle par la seule conduite ne doit pas êtreprésumée à la
légère,spécialement quand il est question d'une frontière et encore
moins quand la ligne frontière ainsi prétendue acceptée implique
une dérogation au critère de délimitation indiqué dans le traité en
question. Mais si l'argument tiré de l'erreur ou de la méprise est

exclu, comme je pense qu'il doit l'être(voir plus loin), je ne puis
interpréter la conduite de la Thaïlande, considéréedans son en-
semble, autrement que comme l'acceptation de cette ligne parti-
culière pour représenter la frontière en cette région. De plus, une
conduite mêmenégative, c'est-à-dire ne pas agir, ne pas réagir ou
se taire dans des circonstances où cela ne peut qu'impliquer l'accep-
tation ou le consentement est, à mon avis, tout à fait suffisante à
cette fin si les faits sont clairs.
Je voudrais seulement ajouter aux vues exprimées dans l'arrêt

53que je ne peux pas accepter l'argument présentési éloquemment
pour la Thaïlande que toute adhésion à la frontière de l'annexe 1

aurait impliquéune dérogation à une obligation contractuelle solen-
nelle. Cela est certainement une pétitionde principe, car, ainsi que
le dit l'arrêt, les gouvernements ont toujours la possibilité, dans
leurs relations bilatérales, de se mettre d'accord sur une dérogation
de cette sorte, du moment qu'ils le font en toute connaissance de
cause ou (comme je pense que c'est ici le cas de la Thaïlande) dans
des circonstances dans lesquelles on doit considérer qu'ils ont
accepté, et en quelque sorte escompté à l'avance, les risques ou
les conséquences du manque (ou de la possibilité du manque) de
connaissance. Dans le cas actuel,la conduite de chacune des Parties
à propos de ce qui était pour toutes deux un point d'accord im-
portant était, à mon avis, la preuve, ou l'équivalent de la preuve
d'un accord pour accepter une certaine ligne comme frontière. Ce
qui me semble réellement êtrearrivé n'était pas, au sens juridique,
une dérogation aux stipulations du traité en question, mais l'accep-
tation réciproque d'un certain résultat comme étant sa conséquence

réelle, que cette conséquence soit ou non exactement conforme au
critère du traité.
Je crois utile de mentionner ici un point de détail qui risque
cependant d'engendrer une certaine confusion. L'une des cartes
communiquées aux autorités siamoises couvrait la chaîne du Pnom
Padang qui prolonge la chaîne des Dangrek vers l'est, dans la
direction du fleuve Mékong,et montrait une frontière suivant appa-
remment la crêtedu Pnom Padang. Cela parce que la convention
de 1904, tout en prescrivant la ligne de partage des eaux pour
les Dangrek, prescrivait la ligne de crêtepour le Pnom Padang,
et la délimitation effective fut exécutéepar la Commission mixte
créée conformémentà cette convention. Le traité de frontières
subséquent de mars 1907 prescrivait toutefois la ligne de partage
des eaux pour le Pnom Padang aussi bien que pour les Dangrek.
Mais entre temps déjà, la première Commission mixte (1904) (voir
procès-verbal de sa réunion du 18 janvier 1907) avait adopté la

ligne de crête(il semble pourtant que, dans cette région, la Com-
mission ait considéréque la ligne de crêteet la ligne de partage des
eaux coïncidaient). Pour autant que j'ai compris la question, il en
est résultéque, bien que ce fut strictement la tâche de la seconde
Commission mixte (1907) de délimiter la frontière le long des
chaînes des Dangrek et du Pnom Padang, elle n'a délimitéque le
secteur occidental des Dangrek (le secteur oriental rentrant dans
la tâche attribuée àla première Commission) et n'a pas délimitédu
tout le Pnom Padang. La détermination de la ligne de crêteeffectuée
par la première Commission dans la régiondu Pnom Padang restait
donc valable. Il semble donc qu'il y ait eu une entente tacite entre
les gouvernements pour ignorer dans cette mesure les dispositions
pertinentes du traité de 1907, puisqu'une délimitation avait déjà
étéeffectuée, mêmesi ce n'était pas celle prévue par ce traité. Donclà encore, les gouvernements avaient accepté la ligne tracée sur la
carte comme étant la ligne frontière, mêmesi elle ne correspon-
dait pas aux dispositions du dernier traité à ce sujet. Ce n'est là
qu'une question secondaire, mais elle illustre très à propos que les
gouvernements ne s'estimaient pas nécessairement liésaux critères
du traité en ce qui concerne la ligne frontière acceptée finalement

par eux.

La questionde b'erreur

La Cour a amplement traité de cette question, mais commeelle
se trouve au centre mêmede l'affaire, je désireprésenter quelques
cbservations supplémentaires à ce sujet.
Dans l'intérêtde la stabilité des contrats, le principe de l'erreur
comme vice de consentement est généralementappliqué de façon
assez restrictive; et j'estime que cette attitude est également cor-
recte en droit international, dans l'intérêtde la stabilité des traités
et des frontières établies par traité ou par d'autres formes d'accord.
Qu'il y ait eu (comme je le pense) une erreur sur la carte par rap-
port à la véritable ligne de partage des eaux n'implique pas néces-
sairement que la Thaïlande ait étévictime d'une méprise, et, si
elle le fut, qu'elle puisse maintenant, en droit, invoquer ce fait.
Les autorités siamoises, en 1908 et ultérieurement, ne pouvaient pas

avoir manqué de se rendre compte que la carte de l'annexe 1 mon-
trait Préah Vihéar commese trouvant au Cambodge, puisque cette
carte l'indiquait clairement ;et pour lesraisons indiquéesdans l'arrêt
de la Cour, le fait qu'à cette époque lesautorités siamoises n'aient
attaché aucune importance au temple ou n'aient pas réalisél'im-
portance qu'il pourrait avoir par lasuitepour ellesn'a juridiquement
aucune pertinence. Ce fait, per se, n'aurait jamais pu fournir une
base juridique pour réclamer une rectification de frontière.
Il ne reste donc plus qu'une seule question: celle de savoir si les
autorités siamoises, en admettant (comme le fait l'arrêt) qu'elles
aient accepté que Préah Vihéar soit attribué au Cambodge (comme
partie de l'Indochine française), l'ont fait dans la croyance erronée
- et (ainsi que le prétend la Thaïlande) seulement sur la base de
cette croyance - que la frontière tracée sur la carte correspondait
à la ligne de partage des eaux.
Mêmesi les autorités siamoises étaient à cette époque victimes
d'une telle méprise, il existe à mon avis deux raisons décisives

pour lesquelles la Thaïlande ne peut s'appuyer sur ce fait ni l'invo-
quer en plaidoirie. La première de ces raisons seprésente comme suit.
C'est le Gouvernement siamois lui-mêmequi, avec l'accord et
mêmesur la proposition des membres siamois de la Commission
mixte, avait demandé formellement que le travail de préparation
des cartes des régions frontières soit effectuépar les officiers topo-
graphes français. Il en a été demême en cequi concerne les travaux
de la seconde Commission mixte aux termes du traité de 1907.
55De plus, dans le secteur oriental des Dangrek les autorités siamoises
n'ont mêmepas fait accompagner les officiers français chargés de
faire le levépar un officiersiamois, comme ils auraient pu le faire et
comme il a étéfait dans d'autres cas (et c'est en fait un officier

français cambodgien qui a procédéau levédans le secteur oriental
des Dangrek, ainsi que les membressiamoisde la Commission mixte
le savaient parfaitement). La lettre du ministre du Siam à Paris
à laquelle étaient jointes les séries des cartes dont l'annexe 1 fait
partie, indique aussi dans les termes les plus clairs qu'il s'agissait
des cartes préparéespar les officiers français à la demande des
membres siamois de la Commission. Les cartes ont étéalors com-
muniquées aux membres siamois de la Commission mixte, qui
bien sûr connaissaient également ce fait et qui, de plus, devaient
savoir si, et jusqu'à quel point, ces cartes se fondaient sur les
travaux faits ou approuvés par la Commission elle-même,ou sur les
instructions donnéespar cette dernière.
Il est donc évident que personne du côté siamois ne pouvait se
méprendre quan: à la provenance de ces cartes. De plus, il est
évident que les autorités siamoises ont délibérémentlaissé toute
l'affaire entre les mains des éléments français intéresséset ont

ainsi accepté le risque de voir les cartes se révéler inexactes à
certains égards. Par conséquent, il leur appartenait, s'ils le vou-
laient, de vérifier les résultats de la manière qui convenait,
eu égard aux circonstances, par exemple en consultant des
experts neutres. S'ils n'ont pas voulu le faire (quelle qu'en soit
la raison), alors il leur fallait s'incliner devant ces résultats. La
demande officielle de copies supplémentaires à l'usage des gouver-
neurs de province montre en tout cas qu'il ne s'agissait pas simple-
ment d'une réceptionpassivede cescartes par lesautoritéssiamoises.
L'explication de tout cela réside sans aucun doute dans le fait
que, du côté siamois, on faisait entièrement confiance aux connais-
sances techniques et à la bonne foi des officiers topographes fran-
çais chargés d'établir les cartes. On ne peut douter non plus que
ces derniers aient agi en entière bonne foi, qu'ils ont fait usage de
toutes leurs connaissances techniques, et qu'ils étaient persuadés

que la ligne de partage des eaux dans la région de Préah Vihéar
correspondait à la frontière indiquéeà l'annexe 1. On peut regretter
pour le Siam le fait qu'il manquait à l'époque d'expérience
topographique et cartographique, mais il s'agit d'Etats indépen-
dants, souverains, auxquels s'appliquent certaines règles de droit,
et il reste le fait qu'en l'absence de toute question d'un défaut de
bonne foi, l'effet juridique de la confiance accordée aux connais-
sances d'un expert est que l'on doit s'en tenir aux résultats- bref,
il s'agit d'appliquer un principe apparenté à celui de cavept emetor.
Il en est ainsi dans tous les aspects de la vie. Celui qui consulte un
avocat, un docteur, un architecte, ou un autre expert, est censé(en
l'absence de fraude ou de négligence - dont il n'est pas question ici)
accepter la possibilité d'une erreur de l'expert dans le conseil qu'il

56donne ou de l'imperfection de son travail. Comme tous les êtres
humains, l'expert est faillible. A l'exception des cas auxquels s'ap-
plique la doctrine du risque ou de la responsabilité ((absolue »,le
droit en général n'accordepas de recours contre des erreurs faites
en bonne foi et sans négligence par des experts dûment qualifiés.
Sinon, qui accepterait le risque de donner un avis d'expert? Les
officiersfrançais, en l'occurrence, étaient évidemment faillibles. Ain-
si (et les deux Parties sont d'accord à ce sujet) ils ont fait une erreur

sur le cours de la rivière O'Tasem qui doit avoir affecté toute la
question du tracé de la ligne de partage des eaux dans la région
de Préah Vihéar. Les autorités françaises d'Indochine ignoraient
cette erreur. Elles ont accepté les cartes pour correctes. De même
les autorités siamoises, connaissant le caractère et la provenance de
la carte, étant en mesure de consulter leurs commissaires qui l'a-
vaient reçue,ou des experts de leur choix, n'ont pas fait d'objection
et n'ont pas poséde question à propos d'une ligne qui avait clai-
rement pour but de représenter et de constituer la frontière dans

cette région et qui plaçait Préah Vihéar du côté cambodgien
de la ligne, ainsi que l'on pouvait s'en rendre compte à première
vue. Aujourd'hui la Thaïlande dit que la carte était inexacte et
qu'elle a étévictime d'une méprise à son sujet. Mais il est clair que
les autorités siamoises avaient alors accepté le risque qu'une erreur
de ce genre pourrait justement êtredécouverte un jour ou l'autre;
et quiconqueagit ainsi doit êtreégalementconsidéré par celamême,et
à l'avance, comme ayant acceptéles erreurs qui se révèlentplus tard.
L'autre raison décisive pour laquelle il n'est pas possible d'ac-

cepter l'argument de la Thaïlande selon lequel elle a cru àtort que la
frontière de l'annexe 1 correspondait à la ligne de partage des eaux,
et que c'est seulement sur cette base qu'elle a accepté que Préah
Vihéar soit situé au Cambodge, est que cette allégation, comme
l'arrêt dela Cour le souligne, est entièrement incompatible avec
son attitude à l'égard des (actes accomplis sur les lieux ))qu'elle
invoque pour prouver qu'elle estimait avoir la souveraineté sur
PréahVihéaret qu'elle n'avait jamais acceptéla frontière de l'annexe
1 ;car s'il en avait étéainsi, elle aurait dû considérerque la frontière

tracée sur la carte était inexacte et que c'était la seule raison pour
laquelle la carte indiquait Préah Vihéar commesituéau Cambodge.
Cela ne change rien que la Cour ait jugéque les actes accomplis sur
les lieux par la Thaïlande ne suffisaient pas, en fait, à démontrer
qu'elle n'avait pas accepté la frontière indiquée sur la carte. La
contradiction avec l'allégation de mépriserésidedans le fait même
de soutenir que ces actes ont suffi.

Les nactes accomplis SZIYles liezix)par la TlzaBandc
Si l'attitude de la Thaïlande àl'égarddes actes qu'elle a accomplis

sur les lieux lui interdit d'invoquer l'erreur sur la question de la
ligne de partage des eaux, il lui reste le droit de les avancer comme
preuve du fait qu'elle croyait avoir la souveraineté sur PréahVihéar
57et qu'elle n'a pas acceptéla frontière del'annexe 1danscette région.
Mais à l'instar de la Cour, je ne trouve pas que ces actes soient

réellement convaincants à cet égard. Je sais bien que la Thaïlande
a produit un volume impressionnant de preuves sur ses-activités
admini~tratives locales visant Préah Vihéar; mais je ne vois pas
très bien quelle valeur légale onpeut leur attacher. J'ai déjà attiré
l'attention sur le fait qu'antérieurement au règlement conventionnel
de 1904, la régionde Préah Vihéar (non pas certes prise isolément,
mais en tant que partie du secteur oriental des Dangrek) était, et
avaitétédepuis 1867,soumise àla souveraineté siamoise, car la fron-
tière à cetfe époque passait au sud de l'ensemble de la chaîne des
Dangrek. Etant donnécettesituation, on pouvait peut-être s'atten-
dre (ce qui n'aurait du reste pas eu grande importance) à ce que
dans cette régionassez reculéeet en raison des difficultés probables
de communication avec Bangkok, les fonctionnaires et les autorités

locaux de la province de Khulthan continuassent, pour un certain
temps, à Préah Vihéar et dans les environs, à accomplir les actes
et à remplir les fonctions qui par le passéentraient dans leur com-
pétence. Si telle était la situation, on ne pourrait guère en tirer de
conclusions très positives. Il est vrai que les autorités siamoises
ont pris des mesures pour faire connaître dans la région les modi-
fications de frontière, mais il se peut que sur place on ait mis du
temps à s'en rendre compte. Il se peut qu'il y ait eu pour un certain
tempsun élémentde fluidité dans la situation locale; mais l'attitude
réelledu Siam en tant qu'Etat doit, pour les raisons indiquées dans
l'arrêt de la Cour, êtreadmise comme étant celle manifestée au
cours de la visite du prince Damrong en 1930 et ultérieurement à
cette visite - qui est de loin l'événementle plus significatif dans

cette partie de l'affaire. Cet événementparaît selon moi avoir cons-
titué la reconnaissance tacite de la souveraineté du Cambodge sur
Préah Vihéar et l'existence de raisons pour lesquelles le Siam
n'aurait pas protesté ne peut, en droit, modifier les faits.
J'ai étéégalement frappé par la déposition de l'un des témoins
expert de la Thaïlande - un témoin qui m'a paru évidemment hon-
nête,en qui l'on peut avoir confiance - déclarant qu'au cours d'une
visite dans cette région en juillet 1961, pendant laquelle il a passé
onze jours à faire le levéde la zone du temple, il n'a vu aucun signe
des habitants, des rizières, des activités forestières ou autres qui
tiennen tant de place dans les preuves fournies parla Thaïlande pour
la périodesuivant lesrèglements conventionnels de 1904-1908. Ceté-
moin, lors du contre-interrogatoire par le Cambodge, répondant à la

question de savoir s'il avait vu des gens habitant entre PréahVihéar
et le village le plus proche du côtéthaïlandais - une distance de
IO à 15 kilomètres -, a dit ((Non, personne ne vit là ».Quand on
lui a demandé s'il avait vu des gens sur la montagne de Préah
Vihéar même,il a répondu qu'à part le poste de police thaïlandais
et un gardien du temple, il avait vu parfois quelques visiteurs ..
ou touristes ».Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu des gens culti-
58 vant le riz, il a répondu ((Non. La région est couverte de jungle
forestière et il n'y a pas de rizièresD.Quand on lui a demandé s'il

avait vu des bûcherons ou des forestiers dans les parages, il a ré-
pondu ((Pendant les onze jours de mon séjour,je n'ai vu personne ».
Au cours d'un nouvel interrogatoire par la Thaïlande, aucune
question n'a été poséeau témoin sur ces points.
Il n'est évidemment pas possible de tirer de ce témoignage,parti-
culièrement sur la base d'un séjoursi court, des conclusions précises
en ce qui concerne la situation qui existaità une périodeantérieure.
Cependant, mêmeen onze jours, il est possible de voir si, dans une
zone restreinte, il y a des habitations, des cultures, des travaux
forestiers en train, etc. Il semble donc raisonnable d'en déduire
- tenant compte de l'activité déployéedu côtésiamois dans cette
régionau cours de la périodequi a suivi le règlement conventionnel,
ainsi qu'elle a été décrite dans les témoignages fournis par la

Thaïlande - qu'elle doit avoir subi entre temps une diminution
notable.

Les traitésde I925 et 1937

Cestraités, dont la portéeet les effets ont étéamplement discutés
au cours des débats écrits et oraux, n'ont, à mon avis, qu'une
signification limitéebien que de poids en l'espèce,dans ce sens qu'ils
indiquent l'importance qu'attachaient les Parties à la stabilité et à
la permanence de leurs frontières. Cela est démontrépar le fait
que la revision des frontières a étéexplicitement exclue de la procé-
dure de revision qui était d'autre part l'un des objets principaux
de ces traités. La Cour en est arrivée sur la base de ces faits à une

conclusion avec laquelle je suis entièrement d'accord, à savoir qu'il
est raisonnable de déduirede cet aspect des traités que les Parties,
par les règlements de frontières de la période 1904 à 1908, recher-
chaient également la stabilité et la permanence, et que ce facteur
doitdonc l'emporter et dissiperles doutes possibles ausujetd'une par-
tie de la frontière dont la validité est maintenant mise enquestion.
C'est un principe général de droit qui a étéappliqué dans de
nombreuses situations que de considérer l'attitude, l'état d'esprit
ou les intentions manifestés à une époqueultérieure par une partie
comme une preuve sérieuse - à propos de la même affaire oud'une
affaire étroitement connexe - de son attitude, de son état d'esprit
ou de ses intentions à une date antérieure; à condition toutefois

qu'il n'y ait pas de preuves directes réfutant la présomption ainsi
avancée. De même - fait très important dans les affaires qui
affectent la souveraineté terrritoriale -, l'existence à une date
ultérieure d'un état de fait ou d'une situation peut fournir une
preuve par présomption sérieusede son existence à une date anté-
rieure, mêmequand la situation ou l'état de fait ultérieurs doivent
êtreécartés à d'autres égards (M. Huber dans l'affaire de l'fle de
59 Palmas, Recueil des sentences arbitrales, vol. II,p. 866; voir aussi
l'opinion dissidente de M. Basdevant dans l'affaire des Llfinqz~iers
et des Écréhozu,C.I.J. Recueil 1953, pp. 76 et suiv.).
Le Cambodge a cependant invoqué un autre effet des traités de
1925 et 1937, à savoir qu'en confirmant le<frontières déjà établies,
ils donnent une base conventionnelle nouvelle et indépendante à la
frontière de l'annexe 1,la validant ainsi, même sielle n'avait pas été
valable auparavant. Je ne pense pas que cette affirmation soit fon-
dée. TJne telle confirmation des frontières existantes implique sans
aucun doute que les frontières existaient, et aussi peut-être qu'elles

existaient et qu'elles étaient complètes à tous les points de contact
entre les deux pays; mais cela, en soi, ne donne aucune indication
sur ce qu'étaient ces frontières ou sur leur tracé exact. Une confir-
mation ne peut que confirmer ce qui est. Elle ne peut pas en soi
modifier, ajouter ou soustraire quelque chose à ce qui est et qui doit
êtreétabli à partir d'une autre source - en l'espèce, par une réfé-
rence aux règlements conventionnels antérieurs et aux événements
s'y rapportant. La confirmation prouvait l'importance que les Par-
ties attachaient aux frontières,mais à tous autres égardselle laissait
les choses en l'état,quelles qu'elles fussent.

La Cour a appliqué ce principe à la présente affaire dans ce sens
que, mêmesi l'on pouvait avoir un doute quant à l'acceptation, à
l'origine, par la Thaïlande de la carte de l'annexe 1et de la frontière
qui y est indiquée - par laquelle elle aurait donc étéliée -, elle
est forclose par sa conduite postérieure à prétendre maintenant
qu'elle ne l'a pas acceptée. Je suis d'accord avec cette conclusion
(en posant que, pour les raisons déjà indiquées, l'erreur ou la mé-
prise ne peuvent êtreinvoquées). Mais la Cour n'a fait qu'esquisser
la question, qui demande d'amples développements.
Le principe de la forclusion est, dans le donlaine du droit inter-
national, l'équivalent le plus proche de la règle de comwtopzlaw de

l'estoppel,bien qu'il ne soit peut-être pas appliquédans des condi-
tions aussi restricti\~es, et il est certainement appliqué comme
règle de fond et non pas simplement comme une règle concernant
l'administration des preuves et la procédure. En théorie,ce principe
est tout à fait distinct de la notion de l'acquiescement. Mais l'ac-
quiescement peut opérer commeforclusion ou estoppeldans certains
cas, par exemple là où le silence, dans une occasion où il y a devoir
ou nécessitéde parler ou d'agir, implique accord ou renonciation
à des droits, et peut êtreconsidéré comme unemanifestation à cet
effet. (Voir les affaires et la citation d'une OPi?zionoj the H~itislz
Law [email protected]éedans l'article de L). W. Bowett (Estoppel before

I~zlernafionnl T~ibzrtzalsaad ifs relafiorz foacqzriesce~îc e, dans le
Britislz I'ear Book O/ I.tztertzntiol7law, I9j7, pp 197-201: ainsi
que ((Law oj Trenties, 1961 »,p. 48s de Lord McSair.) Sur cette
base, il faut considérer que, dans la présente affaire, le silence de la
GoThaïlande, dans des circonstances où le silence signifiait acquiesce-
ment, ou constituait la manifestation de l'acceptation de la fron-
tière de la carte, entraîne pour la Thaïlande forclusion ou estopfiel
pour nier cette acceptation, ou opère comme une renonciation à
son droit original de rejeter la frontière de la carte ou son tracé à
Préah Vihéar.
Cependant, dans les cas où il peut êtreprouvé, par sa conduite

ou de toute autre manière, qu'une partie s'est engagée ou est liée
par une obligation, il n'est strictement pas nécessaire ni même
approprié d'invoquer le principe de la forclusion ou de l'estoppel,
quoique les termes de ce principe soient en pratique souvent em-
ployéspour décrirecette situation. Ainsi on peut dire que A, ayant
accepté une certaine obligation, ou étant liépar un certain instru-
ment, ne peut pas ensuite nier ce fait et (souffler le chaud et le
froid ». Sans doute A ne peut pas êtreadmis à nier; mais cela
veut simplement dire que A est liéet que, étant lié,il ne peut pas
échapper à cette obligation par le seul fait d'en nier l'existence.
En d'autres mots, s'il peut êtreprouvé quela dénégation estfausse,
il n'y a ni lieu ni besoin d'invoquer la forclusion ou l'estoppel.Une
telle défenseest essentiellement un moyen d'exclure une dénégation

qui pourrait êtreexacte - sans tenir compte de son exactitude.
Elle empêche l'affirmation de ce qui, en fait, pourrait êtrevrai.
Par conséquent, son emploi doit être sujet à certaines restrictions.
Donc le véritable domaine d'application du principe de forclusion
ou d'estoppel, stricto sensu, dans le contexte qui nous occupe, est
le cas où il est possible que la partie intéresséene se soit pas engagée
ou n'ait pas acceptél'obligation en question (ou qu'ily ait possibilité
d'en douter), mais où la conduite ultérieure de cette partie a été
telle, et a eu des conséquences telles, qu'on ne peut lui permettre
de nier l'existence d'un engagement, ou qu'elle soit liée.
Les conditions essentielles de l'application du principe de forclu-
sion ou d'estoppel, strictement interprété, est que la partie qui

l'invoque doit ((s'êtrefiée » aux déclarations ou à la conduite de
l'autre partie, cecison propre détriment ou àl'avantage de l'autre.
La nécessitésouvent invoquée d'un ((changement de position »sub-
séquent de la partie qui invoque la forclusion ou l'estoppel est
implicite ici. A ce propos, une source fréquente de méprise consiste
à présumer qu'un changement de position signifie que la partie qui
invoque la forclusion ou l'estoppeldoit avoir étéamenée à changer
ss propre position par des actes qu'elle a elle-mêmeaccomplis en
conséquencedes déclarations ou de la conduite de l'autre partie. Il
y a certainement du vrai en cela, mais le véritable sens de la pré-
somption est que ces déclarations ou cette conduite del'autre partie
doivent avoir amené un changement dans les positions relatives des
parties, empirant la position de l'une ou améliorant celle de l'autre,
ou les deux à la fois.

La mêmecondition de la nécessitéd'un changement ou d'une
modification dans la position relative des parties s'applique ARRÊT 15 VI 62 (OP. IND. SIR GERALD FITZMAURICE!
64
également à certaines autres notions qu'on associe d'habitude
étroitement au principe de la forclusion ou de l'estoppel, comme
par exemple le principe que l'une des parties doit s'être ((fiée))aux
déclarations ou à la conduite de l'autre, ou que celle-ci doit, de la

mêmemanière, (s'êtreprésentée ))comme adoptant une certaine
attitude ou doit avoir formulé une (déclaration ))quelconque. Ces
facteurs sont sans doute normalement présents, mais la question
essentielle est et demeure de savoir si les déclarations ou la conduite
de la partie qu'on récuse ont produit dans les positions relatives
un changement à son avantage ou au détriment de l'autre. S'il en
est ainsi, cette partie n'est pas recevable à contester ce qu'elle a dit

ou fait.
Appliquant ce critère aux circonstances de l'espèce, il ne fait
guère de doute que la position juridique du Cambodge a étéaffaiblie
du fait que (bien qu'une affirmation frappante de sa souveraineté
ait étémanifestée à l'occasion de la visite du prince Damrong en
1930) ce n'est qu'en 1949 qu'une protestation quelconque sur le
plan diplomatique a étéformuléeau sujet des mesures locales prises
par la Thaïlande en violation, ou tout au moins à titre de dénégation

implicite de cette souveraineté. Mais la France (exerçant le protec-
torat) était fondée à penser, du fait de la conduite des autorités
centrales siamoises, que celles-ci acceptaient la frontière indiquée
sur la carte à Préah Vihéar. Sur cette base, mais sur cette base
seulement, la France pouvait en toute sécuriténégliger lesactivités
des autorités locales siamoises et (laissant de côté -la période de
guerre qui, je crois, doit êtreécartéeen l'espèce)limiter son action
diplomatique, comme elle senible l'avoir fait, au cas touchant
clairement les autorités centrales siamoises.

De même,c'est seulement sur la base d'une présomption justi-
fiable de l'acceptation par la Thaïlande de la frontière portée sur la
carte qu'une activité administrative relativement faible de la part
de la France et du Cambodge à Préah Vihéaraurait étécompatible
avec le maiiltien de la souveraineté. C'est un principe international
établi en droit qu'en particulier dans les régionssauvages et isolées,
un nombre assez faible d'actes de maintien de la souveraineté suffit

quand le titre ne dépend pas essentiellement du caractère ou du
nombre de ces actes eux-mêmes,mais dérive d'une source connue
et indépendante, telle qu'un traité ou autre règlement convention-
nel. Donc, sur la base de l'acceptation par la Thaïlande de la
frontière de la carte comme partie du règlement conventionnel, il
n'aurait pas éténécessaire, pour conserver le titre du Cambodge
(à propos d'une localité telle que la zone du temple), d'accomplir
autre chose que les actes les plus minimes d'administration usuelle.

Il est clair que si l'on permettait aujourd'hui à la Thaïlande de nier
son acceptation, toute la base juridique qui explique l'inactivité
relative de la France et du Cambodge en cette régionserait détruite.
Aux considérations qui précèdent, il peut être utile d'ajouter
une fornlule qui évite délibérémentd'entrer dans les détails tech-
62niques, donnée par un ancien membre de la Cour (écrivant en une
autre qualité) et que voici:
((Un État ne saurait se prévaloir des dispositions d'un traité
lorsqu'ellessontàson avantage et lesrépudierlorsqueleur esécution
devient onéreuse.Il importe peu que la règlesoit fondéesur ceque
le droit anglais appelle le principe de l'irrecevabilitédes rétractations
(estopfiel)ou sur le principe plus généralementadmis de la bonne
foi, le premier n'étant d'ailleurs, selon toute vraisemblance, qu'un
aspect du second. ))(Lauterpacht, Rapport sur le droit des traités,
doc. N. U. AlCN.4163du 24 mars 1953,p. 184.)

Problème d'interprétation: conflit entre la disposition prévoyant la
ligne de partage deseaux et la frontièrede la carte

La Cour a examiné attentivement cette question tout enindiquant
qu'en fait, étant donné la base principale de l'arrêt, elle ne se po-
sait pas à proprement parler, puisque les Parties elles-mêmes
avaient résolu tout conflit possible en acceptant la frontière tracée
sur la carte comme étant le résultat des travaux de délimitation,
mêmesi elle ne suivait pas dans tous ses points la ligne de partage
des eaux. Je pense que la Cour a eu toutefois raison de considérer

comment il fallait résoudre un conflit, en tant que problème ordi-
naire d'interprétation des traités, et ce pour la raison suivante.
Dans la procédure actuelle, la Thaïlande aurait eu la possibilité
d'adopter une ligne d'action tout à fait différente de celle qu'elle a
suivie en fait. Au lieu de nier son acceptation de la carte comme
représentant le résultat des travaux de délimitation, elle aurait pu
l'admettre et admettre également que la carte faisait partie du
règlement conventionnel. Mais ayant admis ce fait, la Thaïlande
aurait encore pu faire valoir que, précisément parce que la carte
était devenue partie du règlement, tout conflit entre la carte et une
clause du traité devait êtrerésolu suivant les règles ordinaires d'in-

terprétation des traités, et que la Thaïlande devait pouvoir béné-
ficier de cette procédure, tout comme ce serait le cas si l'on décou-
vrait une contradiction entre deus dispositions de la convention
elle-même. Sur cette base, même si la Thaïlande admettait avoir
accepté la carte, elle pouvait soutenir que dans un conflit entre
une disposition conventionnelle indiquant ((une ligne de partage
des eaux 1)et une carte donnant un tracé différent, c'est la première
qui devait prévaloir. Il était donc nkcessaire que la Cour traite la
question sur cette base.
Il n'y a naturellement aucune règle généralequi exige qu'un tel
conflit soit résolu en faveur de la frontière de la carte, et ily a eu

bon nombre d'autres cas (dont qiielques-uns ont étécités devant la
Cour) où il n'en a pas étéainsi, quoique la carte ait fait partie des
instruments composant l'ensemble di1 règlement conventionnel
(comme ici) et n'ait pas étéune simple feuille imprimée ou une
page d'atlas, auquel cas elle n'aurait par elle-même eu aucun
caractère obligatoire pour les parties. Cette question doit toujours

63dépendre de l'interprétation du règlement conventionnel, considéré
dans son ensemble, à la lumière des circonstances qui ont conduit
à son établissement. En se plaçantà ce point de vue dans l'affaire
qui nous occupe, je suis d'accord avec la Cour que, dans ce cas

particulier, la question d'interprétation doit êtrerésolueen faveur
de la frontière de la carte.
Tracéde la liglzede partage deseaux

Conformément à la base sur laquelle la Cour a fondé son arrêt
(et quej'accepte), ildevient inutile de considérer quel est le véritable
tracé de la ligne de partage des eaux à Préah Vihéar. Je désire
cependant dire que les témoignages d'experts à ce sujet, écrits et
oraux, m'ont personnellement convaincu que la ligne de partage
des eaux suit (et suivait aussi pendant la période 1904-1908) le
tracé décrit par la Thaïlande.

(Signé G). G. FITZNAURICE.

Bilingual Content

SEPARATE OPIKION OF SIR GER-4LD FITZAIXURICE

Although 1 am in full agreement with the operational part of
the Judgment of the Court, and with its reasoning and language,
there are certain matters which 1 should like to develop futher,and
others-not mentioned in the Judgment-which seem to me to
require a brief discussion.
Since 1 have no intention of going over the whole ground again,
1 shall set out my points seriatim,in order of convenience, and
without attempting to establish any particular connecting links
between them.

The pre-1904eosition
The Judgment states that the Court is not called upon to go
into the situation as it existed previous to the treaty settlement
of 1904; and this is true inasmuch as the rights of the Parties depend

on, or flou, from, that settlementor events subsequent to it. There
is however one fact, not referred to in the Judgment, which could
have been of decisive importancein this case, namely that, previous
to the boundary settlements of the period 1904-1908, the Temple
of Preah Vihear was situated in territory that was, at that fime,
under Siamese sovereignty, because a treaty of 15 Julb- 1867
between France (acting on behalf of Cambodia) and Siam (as Thai-
land was then called) had established a frontier line running ~-.11
south of the Dangrek range of mountains, across the Cambodian
plain. Since the effect of the 1904 treaty settlement \vas to shift
the frontier to the north, and to place it along the general line of
the Dangrek range, it follows that, by this settlement, Thailand
was giving up territory. As a conseqiience, there arises a presump-
tion in favore?tzejztsqui datthat Thailand did not relinquish any
territory shecannot be proved to have relinquished. This means that

in any conflict between a more northerly and a more southerly
frontier line in theregion of Preah Vihear, the latter line must be
held to prevail,unless the former can be established. 1 agree with
the Court that the former (i.e. the more northerly) line can be,
and is, established, for the reasons given in the Judgment; but the
foregoing considerations require to be stated in order that the
significance of theconclusioil may be fully apparent.

The matter is brought into relief in another way. Throughout
these proceedings Thailand has contended that, there never having
been (as she maintains) any effective delimitation of the frontier
in the eastern sector of the Dangrek range, as required by Article 3

50OPINION INDIVIDUELLE DE SIR GERALD FITZMACRICE

[Traduction]
Rien qu'en parfait accord avec le dispositif de l'arrêt dela Cour,
avec le raisonnement sur lequel il se fonde et avec ses termes, il y a
certaines questions que j'aimerais développer davantage et d'autres
- qui ne figurent pas dans l'arrêt - qui me semblent mériter
d'êtrediscutées brièvement.
N'ayant aucune intention de revenir à nouveau sur l'ensemble
du sujet, j'exposerai mes arguments seriatim, dans l'ordre qui me
semble le plus convenable, et sans essayer d'établir un lien quel-

conque entre eux.
La situation avant1904

Il est dit dans l'arrêtde la Cour qu'elle n'a pas à examiner la
situation qui existait avant la convention de 1904; et c'est exact
dans la mesure où les droits des Parties dépendent ou découlent
de cette convention ou des événements subséquents. Il est toutefois
un fait non mentionné dans l'arrêtqui aurait pu revêtir une im-
portance décisive en l'espèce, à savoir qu'antérieurement au règle-
ment de frontières de la période 1904-1908 le temple de Préah
Vihéar était situé sur un territoire soumis alors à la soilveraineté
du Siam, le traité du 15 juillet 1867 entre la France (agissant au
nom du Cambodge) et le Siam (nom sous lequel la Thaïlande était
alors désignée)ayant fixé une ligne frontière dont le tracé était
situé très au sud de la chaîne des Dangrek, à travers la pleine cam-
bodgienne. La convention de 1904 ayant eu pour effet de reporter
la frontière vers le nord et de la fixer le long de la lignegénéralede

la chaîne des Dangrek, il s'ensuit qu'aux termes de cette convention,
la Thaïlande abandonnait certains territoires. Il y a donc lieu de
présumer, in favoremejus qui dat, que la Thaïlande n'a renoncé à
aucun territoire dont on ne peut prouver qu'elle l'a effectivement
abandonné. Si donc il s'agit de choisir entre deux tracés différents
de la frontière dans la région de Préah Vihéar, l'un plus au nord,
l'autre plus au sud, c'est ce dernier tracé qui prévaut, à moins
que le premier ne puisse êtreétabli. Je partage l'avis de la Cour
lorsqu'elle estime que le premier de ces tracés (celui qui est situé
le plus au nord) peut être et est effectivement établi, pour les
motifs exposés dans l'arrêt; mais les considérations ci-dessus sont
nécessairespour faire apparaître pleinement le sens de la conclusion
à laquelle la Cour est parvenue.
La question est mise en relief d'une autre faço?. Pendant toute
la procédurela Thaïlande a soutenu que, puisqu'aucune délimitation
effective de la frontière dans le secteur oriental de la chaine des
Dangrek n'a jamais étéopérée(c'est ce qu'elle prétend) comme

50of the Treaty of 1904, the result (by virtue ofArticle 1) is automati-

cally to cause the frontier to run along the line of the watershed
as ascertained by scientific survey. An interpretation even more
favourable to Thailand would however be that, in the absence of
the delimitation required by Article 3, in completion of Article 1,
the latter provision could not have taken any practical effect, so
that no new frontier line under the Treaty of 1904 would have
come into existence at all, and the frontier would have remained
as it was immediately previous to 1904, with the Temple area in
Thailand. Since both these interpretations are favourable to Thai-
land, and either would have been decisive if the Court had not
held that Thailand had in any event, subsequently, and inde-
pendently, accepted a frontier placing the Temple in Cambodia,
it was not necessary to choose between them.

There is another as~ect of the ~re-1ao4 situation which is mate-

rial, namely the considerable evidénce[n ihe record of the unsettled
state of the frontiers between Siam and French Indo-China (of
which Cambodia was then part), which had existed for a long time
and was the cause of disturbed relations between France and Siam.
This is mentioned towards the end of the Judgment. It is however
a point that has to be borne constantly in mind from the start, in
assessing what the Parties were really intending to achieve by the
frontier Settlements of the period 1904-1908, and as indicative of
their desire to achieve a settlement that would be definite and
durable.

Considerations of a topographical,
historical and cultural character
The Court has dismissed these in a sentence, as not being legally
decisive. 1agree that they are not; but 1think it desirable to Say
why, since these considerations occupied a prominent place in

the arguments of the Parties. Such matters may have some legal
relevance in a case about territorial sovereignty which turns on
the weight of factual evidence that each party can adduce in
support of its claim, and not on any more concrete and positive
element, such as a treaty. In the present case it is accepted, and
indeed contended by both Parties, that their rights derive from the
treaty settlement of 1904, and on the subsequent events relative to
or affecting that settlement. In consequence, extraneous factors
which might have weighed with them in making that settlement,
and more particularly in determining how the line of the frontier
was to run, can only have an incidental relevance in determining
where today, as a matter of law, it does run.

Moreover, for these factors to have any serious influence, it

would at least be necessary that they should al1point in the same
51l'exigeait l'article 3 de la convention de 1904, il en résulte auto-
matiquement (en vertu de l'article ~e*)que la frontière doit suivre
la ligne de partage des eaux que le levé topographique a permis de
reconnaître. Une interprétation encoreplus favorable àla Thaïlande
serait qu'en l'absence de la délimitation exigée par l'article 3,
complétant l'article ~er,celui-ci ne pouvait avoir eu aucun effet
pratique, si bien qu'aucune nouvelle lignefrontière néedela conven-
tion de 1904n'avait pu êtreétablie,et que la frontière est demeurée
telle qu'elle était immédiatement avant 1904, et la zone du temple
située en Thaïlande. Ces deux interprétations étant favorables à
la Thaïlande, et l'une comme l'autre ayant un caractère décisif,
si la Cour n'avait pas jugé qu'en tout état de cause la Thaïlande

avait ultérieurement et en toute indépendance accepté une frontière
qui situe le temple au Cambodge, il n'était pas nécessairede choisir
entre elles.
Il existe un autre aspect de la situation antérieure à 1904 qui
présente aussi de l'importance, à szvoir les preuves nombreuses
figurant au dossier au sujet de l'imprécisiondes frontières entre le
Siam et l'Indochine française (dont le Cambodge faisait alors partie),
état de choses ancien et qui a troublé les rapports entre la France
et le Siam. Il en est question vers la fin de l'arrêt.C'est pourtant
un point qu'il convient de garder constamment présent à l'esprit
dès le départ, pour apprécier ce que les Parties ont eu vraiment
l'intention de réaliserpar les accords de frontière de la périodede
1904-1908 et comme indication de leur désir d'arriver à un règle-

ment préciset durable.
Considérationsde caractèretopographique,
historique et culturel

La Cour les a écartéesd'une seule phrase, comme n'étant pas
juridiquement décisives. J'admets qu'elles ne le sont pas, mais il
me semble qu'il y a lieu de dire pourquoi, puisque ces considérations
ont occupéune place importante dans les thèses des deux Parties.
Des questions de ce genre peuvent avoir une certaine importance
juridique dans une affaire touchant à la souveraineté territoriale
qui porte sur la preuve de faits que chaque Partie peut produire
à l'appui de sa prétention, et non pas sur un élément plus concret
et plus positif, tel qu'un traité. Dans la présente affaire,les deux

Parties acceptent et soutiennent mêmeque leurs droits dérivent
de la convention de 1904 et des événements ultérieursrelatifs à
cette convention, ou de nature à l'affecter. Il s'ensuit que certains
facteurs étrangers, qui pourraient avoir eu un certain poids lors-
qu'elles ont établi cette convention, et plus particulièrement lors-
qu'il s'est agi de déterminerle tracéde la frontière, n'ont plus qu'une
pertinence relative pour déterminer, en droit, où en est aujourd'hui
le tracé.
En outre, pour que ce facteurs aient une importance appréciable,
il serait au moins nécessaireque tous concourent et fournissent des

5154 JUDGM. I5 VI62 (SEP. OP.SIR GERALD FITZM-AURICE)

direction, and furnish unambiguous indications. This is not the
case here. As the Judgment of the Court points out, no certain
deduction can be drawn from the desire of the Parties for natural
and visible frontiers-the Dangreks in themselves furnished that,
and would, in a general way, have done so, whether the line along
the Dangreks was a crest, awatershed or an escarpment line. Equally,
it is difficult to draw any certain deduction from the siting of the
Temple. It overlooks the Cambodian plain: but it faces in the direc-
tion of Thailand. Its main access is from the latter direction;
but there is also access from the Cambodian side-and this access,
because steep and hard, must-precisely for that reason-have
been contrived deliberately and of set purpose, contra ?zatilwam

as it were, since it involved a climb of several hundred metres.
Yet difficulty of access is not-or was not-al1 on one side: there
ismuch evidence in the documentation of the case that the thickness
of the jungle on the northern (Thai) side of the Temple had the
consequence that visits had to be specially prepared, by the clear-
ing of paths and the blazing of trails. This particular difficulty
was much less ~rominent on the Cambodian side: but what re-
mains certain isLthat if,though for different reasons and in differ-
ent ways, access was not easy from either side, it was feasible
from both, and was also achieved from both, at varying times
and in varying degrees.

As to the Khmer origins of the Temple-this factor (put forurard

by Cambodia) operates in an equally neutral way, since it seems
to beadmitted that there are and were,in these regions, populations of
Khmer race on both sides of the frontier.

The proceedi~zgsof the Mixed Cornnzissio~t
ztnder tlzeTreaty of1904

Although 1 do not dissent from what the Judgment says urider
this head, 1 think many of the facts are so conjectural that it
is exceedingly difficult to draw any sure conclusions from them.
Various inferences may be more or less reasonable and urarranted,
but when al1 is said and done the only certain thing is that the
Annex 1 map \vas produced in Paris by French topographical
officers in November 1907, and was never, as such, seen (much

less approved or adopted) by the Mixed Commission, which indeed
appears to have ceased to function entirely after about February
of that year-or at any rate it did not, after January, hold any
meeting of which there is any record. Whether the map was based
on any instructions that the Commission had given, or on rough
sketches approved by it, must, in the absence of any evidence,
remain a matter of surmise. It seems to me therefore that Thailand
succeeds on this part of the case, about which it is hardly
necessary to Say more than that, however respectable the

52indications sans ambiguïté. Ce n'est pas le cas. Comme la Cour
le souligne dans son arrêt, aucune déduction certaine ne ressort
du désirdes Parties d'établir une frontière naturelle et visible les
Dangrek en eux-mêmesleur en fournissent une et, d'une manière
générale,peuvent jouer ce rôle, que la frontière des Dangrek longe
la ligne de crête, laligne de partage des eaux, ou la ligne d'escar-
pement. De même,ilest difficilede tirer de lasituation du temple des
conclusions certaines. Il surplombe la plaine cambodgienne mais
il est orienté vers la Thaïlande. Son accès principal vient de cette
direction; mais il y a aussi un accès du côté du Cambodge - et
cet accès,du fait qu'il est abrupt et difficile et précisémentpour

cette raison - doit avoir étéconçu délibérémentet dans un but
précis,pour ainsi dire contranaturam, puisqu'il nécessiteune montée
de plusieurs centaines de mètres. Cependant la difficulté d'accès
n'est pas ou n'était pas uniquement d'un seul côté: le dossier
témoigne que la densité de la jungle du côté nord (Thaïlande)
du temple nécessitait une préparation spéciale pour les visites,
à l'intention desquelles des sentiers devaient être frayés ou dé-
blayés. Cette difficulté d'accèsparticulière était beaucoup moins
prononcée du côté du Cambodge: mais ce qui reste certain, c'est
que si, quoique pour des raisons différentes et de façons différentes,
l'accèsn'était facile d'aucun côté, ilétait praticable des deux côtés
et a étéréalisé desdeux côtés à diverses époques et avec plus ou
moins de succès.

Quant aux origines khmères du temple, cet argument (avancé
par le Cambodge) est un élément égalementneutre, puisqu'il
semble êtreadmis qu'il y a et qu'il y avait dans cette régiondes
populations de race khmère des deux côtésde la frontière.

Les travaux de la Commission mixte
en vertu de Laconvention de 1904

Bien que n'étant pas en désaccord avec les conclusions de l'arrêt
sur ce point, je pense que tant de faits reposent sur des conjectures
qu'il est extrêmement difficile d'en tirer une conclusion certaine.
Différentesdéductions peuvent s'avérerplus ou moins raisonnables
et légitimes mais, en fin de compte, la seule chose certaine est

que la carte de l'annexe 1 a étédressée à Paris par des officiers
topographes français en novembre 1907 et comme telle n'a jamais
étévue (encore moins approuvée ou adoptée) par la Commission
mixte, qui semble même avoir cessé entièrement ses fonctions
vers février de cette année-là, ou tout au moins n'a jamais,
après janvier, tenu de réunion dont il soit fait mention. Faute
de preuve, la question de savoir si la carte se fondait sur des
instructions données par la Commission ou sur des croquis ap-
prouvéspar elle ne peut être,en l'absence de preuves, qu'une ques-
tion de conjecture. Il me semble donc que la Thaïlande triomphe
danscette partie de l'affaire, sur laquelle il sufàipeu près de dire provenance of the map was, it must be held to have been a purely
unilateral production, not in any way binding on Thailand at the
moment of its communication to her, and subject entirely, at that
time, to her acceptance or rejection, either in whole or in part.

Thailand's acceptanceby conductof the Annex I line

Had the matter ended with the production of the map; or if
the map had never been officially communicated to Thailand;
or had been communicated in such a way, or in such circumstances,
that no adverse conclusion could be drawn from her failure to react;
or had been communicated but rejected, either as a whole, or in
relation to Preah Vihear; then Thailand would, in my opinion,
have been entitled to a finding in her favour, since 1 personally
consider that there is little reasonable doubt that, in this particular
region, the true line of the watershed runs, and ran in 1904, along

the line of the ,escarpment. (Moreover, 1 could not myself regard
the deviation from the line of the watershed at Preah Vihear as
being covered by any discretionary powers of adaptation which
the Mixed Commission might have possessed; but this matter is
not in any event material, since it was not the Mixed Commission
as such which made or approved the map.)

The crucial issue in this case is therefore whether Thailand, by
her conduct in 1908, and thereafter, in fact accepted the Annex 1
map line as representing the outcome of the work of delimitation
provided for by the Treaty of 1904, knowing how it had been pro-
duced; or, more simply, whether Thailand just accepted the line
as being the frontier line, accepting also the risk of its possible
inaccuracy.
The Judgment of the Court answers these questions in the affir-
mative, on grounds in which 1 fully concur. In doing so,1 am not

unmindful of the fact that acceptance by conduct alone, of an obliga-
tion in the nature of a treaty obligation, is not lightly to be pre-
sumed; especially where a frontier is in question; and even more
so where the frontier line thus said to be accepted involves a
departure from the delimitary criterion indicated by the relevant
treaty. But if the plea of error or misapprehension is excluded, as
1 think it has to be (see below), 1 can place no other interpretation
on Thailand's conduct, considered as a whole, than that she ac-
cepted this particular line as representing the frontierin thisgion.
Moreover, even negative conduct-that is to' Say failure to act,
react or speak, in circumstances where failure so to do must imply
acquiescence or acceptance-is, in my opinion, quite sufficient for
this purpose, if the facts are clear.

1 would only add to the vie~vsexpressed in the Judgment, that ARRÊT 15 VI 62 (OP. IND. SIR GER.4LD FITZMAURICE) 55
que, pour respectable que soit l'origine de la carte en question, elle

doit êtreconsidéréecomme étant une Œuvre purement unilatérale,
ne liant en aucune façon la Thaïlande au moment où elle lui a été
communiquée et entièrement sujette, à cette époque, à son accep-
tation ou à son rejet, soit en totalité, soit en partie.
Acceptation dela fronti2i.edel'annexeI par la conduitedela Thaïlande

Si la question avait ététerminée une fois la carte dressée,ou si
la carte n'avait jamais étécommuniquée officiellement à la Thaï-
lande, ou si elle avait étécommuniquée de telle façon ou en telles
circonstances qu'aucune conclusion contraire n'ait pu êtretirée du
fait que la Thaïlande n'a pas réagi, ou encore si la carte avait été
communiquée mais rejetée soit en totalité, soit en ce qui concerne
Préah Vihéar, alors, selon moi, la Thaïlande aurait eu droit à une

conclusion en sa faveur, car je considère personnellement qu'on
ne peut raisonnablement mettre en doute que, dans cette région
particulière, la ligne réelle de partage des eaux suit et suivait en
1904 la ligne d'escarpement. (De plus, je ne peux considérer pour
ma part la déviation établie à Préah Vihéar par rapport à la ligne
de partage des eaux comme rentrant dans les pouvoirs discrétion-
naires d'adaptation que pouvait posséder la Commission mixte;
mais cette question est en tout cas sans importance, étant donné
que ce n'est pas la Commission mixte, comme telle, qui a dresséou
approuvé la carte.)
Le point vitaldanscette affaire est donc de savoir si la Thaïlande,
par sa conduite en 1908 et plus tard, a en fait accepté la frontière de
la carte de l'annexe1 comme représentant le résultat des travaux de

délimitation prévus à la convention de 1904,sachant comment ladite
carte avait été dressée; ouplus simplement, si la Thaïlande a seule-
ment accepté la ligne comme étant la frontière, acceptant aussi le
risque d'une inexactitude possible.
L'arrêt dela Cour répond à ces questions dans l'affirmative sur
des bases avec lesquelles je suis pleinement d'accord. Ce faisant,
je ne perds pas de vue le fait que l'acceptation d'une obligation
contractuelle par la seule conduite ne doit pas êtreprésumée à la
légère,spécialement quand il est question d'une frontière et encore
moins quand la ligne frontière ainsi prétendue acceptée implique
une dérogation au critère de délimitation indiqué dans le traité en
question. Mais si l'argument tiré de l'erreur ou de la méprise est

exclu, comme je pense qu'il doit l'être(voir plus loin), je ne puis
interpréter la conduite de la Thaïlande, considéréedans son en-
semble, autrement que comme l'acceptation de cette ligne parti-
culière pour représenter la frontière en cette région. De plus, une
conduite mêmenégative, c'est-à-dire ne pas agir, ne pas réagir ou
se taire dans des circonstances où cela ne peut qu'impliquer l'accep-
tation ou le consentement est, à mon avis, tout à fait suffisante à
cette fin si les faits sont clairs.
Je voudrais seulement ajouter aux vues exprimées dans l'arrêt

5356 JUDGM. 15 VI 62 (SEP.OP. SIR GERA1,D FITZMAURICE)
1 cannot accept the plea so eloquently urged on behalf of Thailand

that any adherence to the Annex 1 line would have involved a
departure from a solemn treaty obligation. This surely begs the
question; for as the Judgment says, it is always open to govern-
ments, in their bilateral relations, to agree on a departure of this
kind, provided they do so knowingly, or (as 1think was Thailand's
case here) in circumstances in which they must be held to have
accepted, and as it were discounted in advance, the risks or conse-
quences of lack, or possible lack, of knowledge. In the present case,
the conduct of each Party, over what was an important matter of
common concern to both, was, in my opinion, evidence of, or
amounted to, a mutual agreement to accept a certain line as the
frontier line. What seems to me therefore really to have occurred
was not in the legal 'sense a departure from the treaty provision

concerned, but the mutual acceptance of a certain result as being
its actual outcome, irrespective of the precise conformity of that
outcome with the treaty criterion.

1 think it desirable here to mention a point of detail, but one
nevertheless liable to give rise to some confusion. Another of the
maps communicated to the Siamese authorities covered the Pnom
Padang range of mountains which prolongs the Dangrek range
eastwards to the river Mekong, and showed a frontier line apparently
running along the crest of the Pnom Padang. This was because the
Treaty of 1904, while prescribing a watershed line for the Dangreks,

prescrjbed a crest line for the Pnom Padang, and the actual delimi-
tation was carried out by the Mixed Commission set up under that
Treaty. The subsequent boundary Treaty of March 1907, however,
prescribed a watershed line for the Pnom Padang as well as for the
Dangreks. But already inthe meantime, the first (1904)Mixed Com-
mission had (seeminutes of its meeting of 18 January 1907)adopted
the crest line (though the Commission seems in this region to have
regarded the crest and watershed lines as coinciding). As far as 1
can understand the matter, the result was that although it was
strictly part of the task of the second (1907) Mixed Commission
to delimit the frontier along the Dangrek and Pnom Padang ranges,
it only delimited the western Dangrek sector (the eastern sector
being the task of the first Commission), and did not delimit the

Pnom Padang at all. The crest line delimitation carried out by the -
first Commission in the Pnom Padang region therefore stood.
There seems thus to have been a tacit understanding between the
Governments that the relevant provisions of the 1907Treaty would
to thisextent be ignored, since a delimitation, even though not the
oneprovided for in this latter Treaty, had already been carried out.
Here again, therefore, the Governments accepted the map line as
being the line of the frontier, even though it did not correspond

54que je ne peux pas accepter l'argument présentési éloquemment
pour la Thaïlande que toute adhésion à la frontière de l'annexe 1

aurait impliquéune dérogation à une obligation contractuelle solen-
nelle. Cela est certainement une pétitionde principe, car, ainsi que
le dit l'arrêt, les gouvernements ont toujours la possibilité, dans
leurs relations bilatérales, de se mettre d'accord sur une dérogation
de cette sorte, du moment qu'ils le font en toute connaissance de
cause ou (comme je pense que c'est ici le cas de la Thaïlande) dans
des circonstances dans lesquelles on doit considérer qu'ils ont
accepté, et en quelque sorte escompté à l'avance, les risques ou
les conséquences du manque (ou de la possibilité du manque) de
connaissance. Dans le cas actuel,la conduite de chacune des Parties
à propos de ce qui était pour toutes deux un point d'accord im-
portant était, à mon avis, la preuve, ou l'équivalent de la preuve
d'un accord pour accepter une certaine ligne comme frontière. Ce
qui me semble réellement êtrearrivé n'était pas, au sens juridique,
une dérogation aux stipulations du traité en question, mais l'accep-
tation réciproque d'un certain résultat comme étant sa conséquence

réelle, que cette conséquence soit ou non exactement conforme au
critère du traité.
Je crois utile de mentionner ici un point de détail qui risque
cependant d'engendrer une certaine confusion. L'une des cartes
communiquées aux autorités siamoises couvrait la chaîne du Pnom
Padang qui prolonge la chaîne des Dangrek vers l'est, dans la
direction du fleuve Mékong,et montrait une frontière suivant appa-
remment la crêtedu Pnom Padang. Cela parce que la convention
de 1904, tout en prescrivant la ligne de partage des eaux pour
les Dangrek, prescrivait la ligne de crêtepour le Pnom Padang,
et la délimitation effective fut exécutéepar la Commission mixte
créée conformémentà cette convention. Le traité de frontières
subséquent de mars 1907 prescrivait toutefois la ligne de partage
des eaux pour le Pnom Padang aussi bien que pour les Dangrek.
Mais entre temps déjà, la première Commission mixte (1904) (voir
procès-verbal de sa réunion du 18 janvier 1907) avait adopté la

ligne de crête(il semble pourtant que, dans cette région, la Com-
mission ait considéréque la ligne de crêteet la ligne de partage des
eaux coïncidaient). Pour autant que j'ai compris la question, il en
est résultéque, bien que ce fut strictement la tâche de la seconde
Commission mixte (1907) de délimiter la frontière le long des
chaînes des Dangrek et du Pnom Padang, elle n'a délimitéque le
secteur occidental des Dangrek (le secteur oriental rentrant dans
la tâche attribuée àla première Commission) et n'a pas délimitédu
tout le Pnom Padang. La détermination de la ligne de crêteeffectuée
par la première Commission dans la régiondu Pnom Padang restait
donc valable. Il semble donc qu'il y ait eu une entente tacite entre
les gouvernements pour ignorer dans cette mesure les dispositions
pertinentes du traité de 1907, puisqu'une délimitation avait déjà
étéeffectuée, mêmesi ce n'était pas celle prévue par ce traité. Doncwith the latest treaty provision on the subject. This is a minor
matter, but it illustrates very aptly how the Governments did not
consider themselves as necessarily tied down to the treaty criteria
in what they finally accepted as the frontier line.

The questionof error

The Court has dealt very fully with this matter, but it is so
central to the whole issue in this case that 1desire to make some
additional remarks about it.

In the interests of the stability of contracts, the principle of
error as vitiating consent is usually applied somewhat strictly;and
1consider that this approach is also the correct one in international
law, in the interests of the stability of treaties, and of frontier
lines established by treaty or other forms of agreement. That there
was (as 1 think) an error in themap by,reference to the true water-
shed line does not necessarily mean that Thailand was herself
under any misapprehension, nor that, if she was, she can, in law,
now plead the fact. The Siamese authorities, in 1908 and thereafter,
cannot possibly have failed to realize that the Annex 1map showed
Preah Vihear as being in Cambodia, since it so clearly did; and for
the reasons given in the Judgment of the Court, the fact that, at
this time, the Siamese authoritiesmay have attached no importance
to the Temple, or may have failed to realize the importance it
would eventually assume for them, is legally quite irrelevant. This
could never, per se,be a legal ground for claiming frontier rectifi-
cation.

The sole remaining question therefore is whether the Siamese
authorities, if (as the Judgment holds) they accepted that Preah
Vihear should be attributed to Cambodia (as part of French Indo-
China), did so in the mistaken belief-and (as Thailand alleges)

only on the basis of such a belief-that the line on the map corre-
sponded to the watershed line.

Even if the Siamese authorities of that date were under such
a misapprehension, there are, in my opinion, two decisive reasons
why Thailand cannot now rely on or plead the fact. The first arises
as follows.
It was the Siamese Government itself which, with the assent,
and actually at the suggestion of the Siamese members of the
Mixed Commission, formally requested that the work of preparing
the maps of the frontier areas should be carried out by the French
topographical officers. It was thesame in connection with the work
of the second Mixed Commission under the Treaty of 1907. In the
55là encore, les gouvernements avaient accepté la ligne tracée sur la
carte comme étant la ligne frontière, mêmesi elle ne correspon-
dait pas aux dispositions du dernier traité à ce sujet. Ce n'est là
qu'une question secondaire, mais elle illustre très à propos que les
gouvernements ne s'estimaient pas nécessairement liésaux critères
du traité en ce qui concerne la ligne frontière acceptée finalement

par eux.

La questionde b'erreur

La Cour a amplement traité de cette question, mais commeelle
se trouve au centre mêmede l'affaire, je désireprésenter quelques
cbservations supplémentaires à ce sujet.
Dans l'intérêtde la stabilité des contrats, le principe de l'erreur
comme vice de consentement est généralementappliqué de façon
assez restrictive; et j'estime que cette attitude est également cor-
recte en droit international, dans l'intérêtde la stabilité des traités
et des frontières établies par traité ou par d'autres formes d'accord.
Qu'il y ait eu (comme je le pense) une erreur sur la carte par rap-
port à la véritable ligne de partage des eaux n'implique pas néces-
sairement que la Thaïlande ait étévictime d'une méprise, et, si
elle le fut, qu'elle puisse maintenant, en droit, invoquer ce fait.
Les autorités siamoises, en 1908 et ultérieurement, ne pouvaient pas

avoir manqué de se rendre compte que la carte de l'annexe 1 mon-
trait Préah Vihéar commese trouvant au Cambodge, puisque cette
carte l'indiquait clairement ;et pour lesraisons indiquéesdans l'arrêt
de la Cour, le fait qu'à cette époque lesautorités siamoises n'aient
attaché aucune importance au temple ou n'aient pas réalisél'im-
portance qu'il pourrait avoir par lasuitepour ellesn'a juridiquement
aucune pertinence. Ce fait, per se, n'aurait jamais pu fournir une
base juridique pour réclamer une rectification de frontière.
Il ne reste donc plus qu'une seule question: celle de savoir si les
autorités siamoises, en admettant (comme le fait l'arrêt) qu'elles
aient accepté que Préah Vihéar soit attribué au Cambodge (comme
partie de l'Indochine française), l'ont fait dans la croyance erronée
- et (ainsi que le prétend la Thaïlande) seulement sur la base de
cette croyance - que la frontière tracée sur la carte correspondait
à la ligne de partage des eaux.
Mêmesi les autorités siamoises étaient à cette époque victimes
d'une telle méprise, il existe à mon avis deux raisons décisives

pour lesquelles la Thaïlande ne peut s'appuyer sur ce fait ni l'invo-
quer en plaidoirie. La première de ces raisons seprésente comme suit.
C'est le Gouvernement siamois lui-mêmequi, avec l'accord et
mêmesur la proposition des membres siamois de la Commission
mixte, avait demandé formellement que le travail de préparation
des cartes des régions frontières soit effectuépar les officiers topo-
graphes français. Il en a été demême en cequi concerne les travaux
de la seconde Commission mixte aux termes du traité de 1907.
55eastern Dangrek sector moreover, the Siamese authorities did not
even cause the French officersdoing the survey work to be accom-
panied by a Siamese officer, as they could have done, and as was
in fact done in other cases (and it was actually a French officer of
Cambodian race who did the survey work in the eastern Dangrek
sector, as the Siamese members of the Mixed Commission perfectly
well knew). The despatch from the Siamese Minister in Paris
enclosing the series of maps, ofwhich the Annex 1 map was one, also
stated in the clearest possible terms that they were the maps pro-

duced by the French officersin response to "the Siamese Commis-
sioners" request. The maps were then communicated to the Siamese
members of the Mixed Commission, who of course equally knew
this, and further would have known how far, if at all, the maps
were based on work done or approved, or on instructions given by,
the Commission itself .

It is apparent, therefore, that no one on the Siamese side could
have been under any misapprehension as to the provenance of
these maps. Furthermore, is is evident that the Siamese authorities
deliberately left the whole thing to the French elements involved,
and thus accepted the risk that the maps might prove inaccurate
in some respects. Consequently, it was for them to verify the
results, if they wished to do so, in whatever way was most appro-
priate in the circumstances, e.g. by consulting neutral experts.
If they did not (for whatever reasons) wish to do this, then they
had to abide by these results. The forma1 request for extra copies
for the use of the provincial Governors shows that, in any event,
the case was not one of a mere passive reception of these maps by
the Siamese authorities.
The explanation of al1this, there can-be no reasonable doubt, is
that, in effect, everyone on the Siamese side relied on the skill
and good faith of the French topographical officers producing the

maps. There can equally be no doubt that the latter acted in com-
plete good faith, used al1 their skill, and fully believed that the
watershed in the Preah Vihear region ran as indicated by the An-
nex 1line. One may sympathize with Siam's lack of topographical
and cartographical expertise at this time, but one is dealing with
sovereign independent States to whom certain rules of law apply;
and it remains the fact that, in the absence of any question of
lack of good faith, the legal effect of reliance on the skill of an
expert is that one must abide by the results-in short, a principle
akin to that of caveat emptor is relevant. This is so in al1 walks
of life. A man who consults a lawyer, doctor, architect, or other
expert, is held (in the absence of fraud or negligence-not here
in question) to accept the possibility that the expert may be
mistaken in the advice he gives, or less than perfect in the work
he does. Like al1 human beings, he is fallible. Except in cases in
which the doctrine of "absolute" risk or liability prevails, the law

56De plus, dans le secteur oriental des Dangrek les autorités siamoises
n'ont mêmepas fait accompagner les officiers français chargés de
faire le levépar un officiersiamois, comme ils auraient pu le faire et
comme il a étéfait dans d'autres cas (et c'est en fait un officier

français cambodgien qui a procédéau levédans le secteur oriental
des Dangrek, ainsi que les membressiamoisde la Commission mixte
le savaient parfaitement). La lettre du ministre du Siam à Paris
à laquelle étaient jointes les séries des cartes dont l'annexe 1 fait
partie, indique aussi dans les termes les plus clairs qu'il s'agissait
des cartes préparéespar les officiers français à la demande des
membres siamois de la Commission. Les cartes ont étéalors com-
muniquées aux membres siamois de la Commission mixte, qui
bien sûr connaissaient également ce fait et qui, de plus, devaient
savoir si, et jusqu'à quel point, ces cartes se fondaient sur les
travaux faits ou approuvés par la Commission elle-même,ou sur les
instructions donnéespar cette dernière.
Il est donc évident que personne du côté siamois ne pouvait se
méprendre quan: à la provenance de ces cartes. De plus, il est
évident que les autorités siamoises ont délibérémentlaissé toute
l'affaire entre les mains des éléments français intéresséset ont

ainsi accepté le risque de voir les cartes se révéler inexactes à
certains égards. Par conséquent, il leur appartenait, s'ils le vou-
laient, de vérifier les résultats de la manière qui convenait,
eu égard aux circonstances, par exemple en consultant des
experts neutres. S'ils n'ont pas voulu le faire (quelle qu'en soit
la raison), alors il leur fallait s'incliner devant ces résultats. La
demande officielle de copies supplémentaires à l'usage des gouver-
neurs de province montre en tout cas qu'il ne s'agissait pas simple-
ment d'une réceptionpassivede cescartes par lesautoritéssiamoises.
L'explication de tout cela réside sans aucun doute dans le fait
que, du côté siamois, on faisait entièrement confiance aux connais-
sances techniques et à la bonne foi des officiers topographes fran-
çais chargés d'établir les cartes. On ne peut douter non plus que
ces derniers aient agi en entière bonne foi, qu'ils ont fait usage de
toutes leurs connaissances techniques, et qu'ils étaient persuadés

que la ligne de partage des eaux dans la région de Préah Vihéar
correspondait à la frontière indiquéeà l'annexe 1. On peut regretter
pour le Siam le fait qu'il manquait à l'époque d'expérience
topographique et cartographique, mais il s'agit d'Etats indépen-
dants, souverains, auxquels s'appliquent certaines règles de droit,
et il reste le fait qu'en l'absence de toute question d'un défaut de
bonne foi, l'effet juridique de la confiance accordée aux connais-
sances d'un expert est que l'on doit s'en tenir aux résultats- bref,
il s'agit d'appliquer un principe apparenté à celui de cavept emetor.
Il en est ainsi dans tous les aspects de la vie. Celui qui consulte un
avocat, un docteur, un architecte, ou un autre expert, est censé(en
l'absence de fraude ou de négligence - dont il n'est pas question ici)
accepter la possibilité d'une erreur de l'expert dans le conseil qu'il

56 JUDGM. 15 VI 62 (SEP. OP. SIR GERALD FITZMAURICE)
59
as a general rule affords no remedy against errors made in good
faith and without negligence by duly qualified experts. The dangers
of giving expert advice could not othenvise be accepted. The
French officersin this case were of course fallible. They for instance
(and both Parties were agreed about this) made an error over the
course of the OJTasem stream, which must have affected the whole

question of how the watershed line ran in the Preah Vihear region.
The authorities of French Indo-China were unaware of this error.
They accepted the map as correct. Equally, the Siamese authorities,
knowing the character and provenance of the map, being in a posi-
tion toconsult their Commissioners who had received it, or experts
of their own choice, made no objection, and raised no query, in
relation to a line which was clearly intended to represent and con-
stitute the line of the frontier in this region, and which anyone
looking at it must have seen at once placed Preah Vihear on the
Cambodian side of the line. Today Thailand says the map was
erroneous and that she was under a misapprehension about it.
But the Siamese authorities of that date plainly accepted the risk
that just such an error as this might in time be discovered: and
whoever does that, must be held thereby also, and in advance, to
have accepted such errors as do in fact eventually come to light.

The other decisive reason why it is not possible to receive Thai-
land's plea that she mistakenly believed the Annex 1 line to corre-
spond to the line of the watershed, and that she only on that basis
accepted the siting of Preah Vihear in Cambodia, is, as the Judg-
ment of the Court points out, that this plea is totally inconsistent
with her attitude over her "acts on the ground", which she puts
forward as evidence that she considered herself to have sovereignty
over Preah Vihear and had never accepted the Annex 1 line; for if
this was so, she must have regarded the map line as erroneous, and
the map as showing Preah Vihear in Cambodia for that reason only.
It does not make any difference that the Court has found that
Thailand's acts on the ground did not in factsufficeto demonstrate
her non-acceptance of the map line. The inconsistency with the
plea of mistaken belief lies in the very contention that they did.

Thailand's "acts on the ground"

If Thailand's attitude respecting her acts on the ground debars
her from pleading error over the watershed question, she remains
fully entitled to put them forward as evidence of a belief on her
part that she had sovereignty over Preah Vihear, and did not accept
57donne ou de l'imperfection de son travail. Comme tous les êtres
humains, l'expert est faillible. A l'exception des cas auxquels s'ap-
plique la doctrine du risque ou de la responsabilité ((absolue »,le
droit en général n'accordepas de recours contre des erreurs faites
en bonne foi et sans négligence par des experts dûment qualifiés.
Sinon, qui accepterait le risque de donner un avis d'expert? Les
officiersfrançais, en l'occurrence, étaient évidemment faillibles. Ain-
si (et les deux Parties sont d'accord à ce sujet) ils ont fait une erreur

sur le cours de la rivière O'Tasem qui doit avoir affecté toute la
question du tracé de la ligne de partage des eaux dans la région
de Préah Vihéar. Les autorités françaises d'Indochine ignoraient
cette erreur. Elles ont accepté les cartes pour correctes. De même
les autorités siamoises, connaissant le caractère et la provenance de
la carte, étant en mesure de consulter leurs commissaires qui l'a-
vaient reçue,ou des experts de leur choix, n'ont pas fait d'objection
et n'ont pas poséde question à propos d'une ligne qui avait clai-
rement pour but de représenter et de constituer la frontière dans

cette région et qui plaçait Préah Vihéar du côté cambodgien
de la ligne, ainsi que l'on pouvait s'en rendre compte à première
vue. Aujourd'hui la Thaïlande dit que la carte était inexacte et
qu'elle a étévictime d'une méprise à son sujet. Mais il est clair que
les autorités siamoises avaient alors accepté le risque qu'une erreur
de ce genre pourrait justement êtredécouverte un jour ou l'autre;
et quiconqueagit ainsi doit êtreégalementconsidéré par celamême,et
à l'avance, comme ayant acceptéles erreurs qui se révèlentplus tard.
L'autre raison décisive pour laquelle il n'est pas possible d'ac-

cepter l'argument de la Thaïlande selon lequel elle a cru àtort que la
frontière de l'annexe 1 correspondait à la ligne de partage des eaux,
et que c'est seulement sur cette base qu'elle a accepté que Préah
Vihéar soit situé au Cambodge, est que cette allégation, comme
l'arrêt dela Cour le souligne, est entièrement incompatible avec
son attitude à l'égard des (actes accomplis sur les lieux ))qu'elle
invoque pour prouver qu'elle estimait avoir la souveraineté sur
PréahVihéaret qu'elle n'avait jamais acceptéla frontière de l'annexe
1 ;car s'il en avait étéainsi, elle aurait dû considérerque la frontière

tracée sur la carte était inexacte et que c'était la seule raison pour
laquelle la carte indiquait Préah Vihéar commesituéau Cambodge.
Cela ne change rien que la Cour ait jugéque les actes accomplis sur
les lieux par la Thaïlande ne suffisaient pas, en fait, à démontrer
qu'elle n'avait pas accepté la frontière indiquée sur la carte. La
contradiction avec l'allégation de mépriserésidedans le fait même
de soutenir que ces actes ont suffi.

Les nactes accomplis SZIYles liezix)par la TlzaBandc
Si l'attitude de la Thaïlande àl'égarddes actes qu'elle a accomplis

sur les lieux lui interdit d'invoquer l'erreur sur la question de la
ligne de partage des eaux, il lui reste le droit de les avancer comme
preuve du fait qu'elle croyait avoir la souveraineté sur PréahVihéar
5760 JUDGM. 15 VI 62 (SEP. OP. SIR GERALD FITZMAURICE)
the Annex 1 line in that region. But lilte the Court, 1 do not find
these acts really convincing in that sense. Thailand has, 1 linow,

produced an impressive volume of evidence of local administrative
activity relative to Preah Vihear; but jt is not clear to me just
what legal value can be attached to it. 1 have already drau~n
attention to the fact that previous to the 1904 treaty settlement,
the Preah Vihear regjon (not in isolation of course, but as part of
the eastern Dangrek sector) was, and had since 1867 been, under
Siamese sovereignty, because the frontier at that time ran south
of the whole Dangrek range. In view of this, it was perhaps to be
expected (and would not in itself signify greatly) that in this rather
remote region, and because of the difficulties of communication
with Bangkok mhich must then have existed, the local officials
and authorities of Khukhan province should, for a time, have
those acts and
continued, at and near Preah Vihear, to perform
carry out those activities which they had been accustomed to per-
form and carry out for some time past. If this was the position, no
very positive inference can be drawn from it. It is true that the
Siamese authorities did take steps to make the frontier changes
known locally; but, in thisregion, realization of them may have been
slow to come through. There may for a time have been an element
of fluidity in the local situation; butthe real attitude of Siam as a
State must, for the reasons given in the Judgment of the Court,
be taken to be that evinced in the course of, and following upon,
the visit of Prince Damrong in 1930-by far the most significant
incident in this part of the case. To me it seems to have constituted
a tacit recognition of Cambodian sovereignty over Preah Vihear,
and the existence of possible reasons why Siam did not protest

cannot, in law, alter the fact.

1also could not help being struck by the evidence of one of Thai-
land's own expert witnesses-a patently honest and reliable one,
it seemed to me-to the effect that, in the course of a visit to this
region in July 1961, during which he spent eleven days in carrying
out a survey of the Temple area, he saw no sign of the inhabitants,
rice cultivations, or forestry or other activities, that figure SC
prominently in the evidence furnished by Thailand respecting the
period following on the treaty Settlements of 1904-1908. This

witness, when cross-examined on behalf of Cambodia, was asked
whether he saw any people living between Preah Vihear and the
nearest village on the Thai side-a distance of 10-15 kilometres-
and he answered "No, there is [SC.he saw] nobody living there".
When asked whether he saw any people on Mount Preah Vihear
itself, hesaid that, apart from the Thai police post, and one guard
at the Temple, he saw "occasionally a few visitors ...or tourists".
When asked whether he saw any people cultivating rice, he said

58et qu'elle n'a pas acceptéla frontière del'annexe 1danscette région.
Mais à l'instar de la Cour, je ne trouve pas que ces actes soient

réellement convaincants à cet égard. Je sais bien que la Thaïlande
a produit un volume impressionnant de preuves sur ses-activités
admini~tratives locales visant Préah Vihéar; mais je ne vois pas
très bien quelle valeur légale onpeut leur attacher. J'ai déjà attiré
l'attention sur le fait qu'antérieurement au règlement conventionnel
de 1904, la régionde Préah Vihéar (non pas certes prise isolément,
mais en tant que partie du secteur oriental des Dangrek) était, et
avaitétédepuis 1867,soumise àla souveraineté siamoise, car la fron-
tière à cetfe époque passait au sud de l'ensemble de la chaîne des
Dangrek. Etant donnécettesituation, on pouvait peut-être s'atten-
dre (ce qui n'aurait du reste pas eu grande importance) à ce que
dans cette régionassez reculéeet en raison des difficultés probables
de communication avec Bangkok, les fonctionnaires et les autorités

locaux de la province de Khulthan continuassent, pour un certain
temps, à Préah Vihéar et dans les environs, à accomplir les actes
et à remplir les fonctions qui par le passéentraient dans leur com-
pétence. Si telle était la situation, on ne pourrait guère en tirer de
conclusions très positives. Il est vrai que les autorités siamoises
ont pris des mesures pour faire connaître dans la région les modi-
fications de frontière, mais il se peut que sur place on ait mis du
temps à s'en rendre compte. Il se peut qu'il y ait eu pour un certain
tempsun élémentde fluidité dans la situation locale; mais l'attitude
réelledu Siam en tant qu'Etat doit, pour les raisons indiquées dans
l'arrêt de la Cour, êtreadmise comme étant celle manifestée au
cours de la visite du prince Damrong en 1930 et ultérieurement à
cette visite - qui est de loin l'événementle plus significatif dans

cette partie de l'affaire. Cet événementparaît selon moi avoir cons-
titué la reconnaissance tacite de la souveraineté du Cambodge sur
Préah Vihéar et l'existence de raisons pour lesquelles le Siam
n'aurait pas protesté ne peut, en droit, modifier les faits.
J'ai étéégalement frappé par la déposition de l'un des témoins
expert de la Thaïlande - un témoin qui m'a paru évidemment hon-
nête,en qui l'on peut avoir confiance - déclarant qu'au cours d'une
visite dans cette région en juillet 1961, pendant laquelle il a passé
onze jours à faire le levéde la zone du temple, il n'a vu aucun signe
des habitants, des rizières, des activités forestières ou autres qui
tiennen tant de place dans les preuves fournies parla Thaïlande pour
la périodesuivant lesrèglements conventionnels de 1904-1908. Ceté-
moin, lors du contre-interrogatoire par le Cambodge, répondant à la

question de savoir s'il avait vu des gens habitant entre PréahVihéar
et le village le plus proche du côtéthaïlandais - une distance de
IO à 15 kilomètres -, a dit ((Non, personne ne vit là ».Quand on
lui a demandé s'il avait vu des gens sur la montagne de Préah
Vihéar même,il a répondu qu'à part le poste de police thaïlandais
et un gardien du temple, il avait vu parfois quelques visiteurs ..
ou touristes ».Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu des gens culti-
5861 JGDGAf. 15 VI 62 (SEP. OP. SIR GER-4LD FITZ~~~ACRICE)
'%o. This area is covered by jungle forests and there is no rice
cultivation". Asked whether he saw any woodcutters or foresters

about, he replied "During the eleven days 1 stayed there 1 did not
see anybody". In re-examination on behalf of Thailand, no questions
were put to the witness on these points.

It is obviously not permissible from this evidence, particularly
on the basis of so short a stay, to draw any definite conclusion as to
the situation existing at the earlier period. But even in eleven
days it is possible to see if, in a restricted area, there are any habi-
tations, cultivations, forestry work in progress, and so on. It seerns
therefore reasonable to infer-taking the scale of Siamese activity
in this area, in the period following on the treaty settlement, to
have been as indicated in the evidence furnished by Thailand-
that it n~ust since have undergone a notable diminution.

The Treuties oj 19.2a 5gzd1937

These Treaties. the bearinc"and effect of which was much discus-
sed in the written and oral proceedings, have, in my opinion, only
a limited, though weighty çignificance in this case, namely as indi-
cative of the importance the Parties attached to having stable and
durable frontiers. This was shown by the fact that frontier revision
was, in terrns, escluded from the revisionary processes which were
otherwise one of the main objects of these Treaties. The Court

has made this fact the basis of a finding, with which 1 fully agree,
that it is reasonable to assume from this feature of the Treaties
that, by the boundary Settlements of the period 1904-1908, the
Parties nrere equally seeking stability and durability, and that this
factor should therefore prevail in resolving any doubts in favour
of, or against, a part of the frontier the validity of which is now
called in question.
It is a general principle of law, which has been applied in many
contexts, that a party's attitude, state of mind or intentions at a
later date can be regarded as good evidence-in relation to the
same or a closely connectecl matter-of his attitude, state of mind
or intentions at an earlier date also; provided of course that there

is no direct evidence rebutting the presurnption thus raised.
Similarly-and very important in cases affecting territorial sover-
eignty-the existence of a state of fact, or of a situation, at a later
date, may furnish good presumptive evidence of its existence at
an earlier date also. even where the later situation or state of affairs
has in other respects to be excluded from consideration (Judge
Huber in the Island of Palmas case, Reports oj InternatioilnlArbitral
Awnrds, Vol. II, at p. 866; and see also the separate Opinion of vant le riz, il a répondu ((Non. La région est couverte de jungle
forestière et il n'y a pas de rizièresD.Quand on lui a demandé s'il

avait vu des bûcherons ou des forestiers dans les parages, il a ré-
pondu ((Pendant les onze jours de mon séjour,je n'ai vu personne ».
Au cours d'un nouvel interrogatoire par la Thaïlande, aucune
question n'a été poséeau témoin sur ces points.
Il n'est évidemment pas possible de tirer de ce témoignage,parti-
culièrement sur la base d'un séjoursi court, des conclusions précises
en ce qui concerne la situation qui existaità une périodeantérieure.
Cependant, mêmeen onze jours, il est possible de voir si, dans une
zone restreinte, il y a des habitations, des cultures, des travaux
forestiers en train, etc. Il semble donc raisonnable d'en déduire
- tenant compte de l'activité déployéedu côtésiamois dans cette
régionau cours de la périodequi a suivi le règlement conventionnel,
ainsi qu'elle a été décrite dans les témoignages fournis par la

Thaïlande - qu'elle doit avoir subi entre temps une diminution
notable.

Les traitésde I925 et 1937

Cestraités, dont la portéeet les effets ont étéamplement discutés
au cours des débats écrits et oraux, n'ont, à mon avis, qu'une
signification limitéebien que de poids en l'espèce,dans ce sens qu'ils
indiquent l'importance qu'attachaient les Parties à la stabilité et à
la permanence de leurs frontières. Cela est démontrépar le fait
que la revision des frontières a étéexplicitement exclue de la procé-
dure de revision qui était d'autre part l'un des objets principaux
de ces traités. La Cour en est arrivée sur la base de ces faits à une

conclusion avec laquelle je suis entièrement d'accord, à savoir qu'il
est raisonnable de déduirede cet aspect des traités que les Parties,
par les règlements de frontières de la période 1904 à 1908, recher-
chaient également la stabilité et la permanence, et que ce facteur
doitdonc l'emporter et dissiperles doutes possibles ausujetd'une par-
tie de la frontière dont la validité est maintenant mise enquestion.
C'est un principe général de droit qui a étéappliqué dans de
nombreuses situations que de considérer l'attitude, l'état d'esprit
ou les intentions manifestés à une époqueultérieure par une partie
comme une preuve sérieuse - à propos de la même affaire oud'une
affaire étroitement connexe - de son attitude, de son état d'esprit
ou de ses intentions à une date antérieure; à condition toutefois

qu'il n'y ait pas de preuves directes réfutant la présomption ainsi
avancée. De même - fait très important dans les affaires qui
affectent la souveraineté terrritoriale -, l'existence à une date
ultérieure d'un état de fait ou d'une situation peut fournir une
preuve par présomption sérieusede son existence à une date anté-
rieure, mêmequand la situation ou l'état de fait ultérieurs doivent
êtreécartés à d'autres égards (M. Huber dans l'affaire de l'fle de
5962 JUDGM. 15 VI 62 (SEP. OP. SIR GERALD FITZMAURICE)
Judge Basdevant in the Minquiers and Ecrehoscase, I.C. J. Reports

1953, at P. 76 fi.).

Cambodia however claimed another effect for the Treaties of
1925 and 1937, namely that by confirming the frontiers as already
established, they imparted a new and independent treaty basis
to the Annex 1line, thereby validating it, even if it was not valid
before. 1 do not think this contention well-founded. Such a con-
firmation of the existing frontiers no doubt implied that frontiers
did exist, and possibly also that they existed and were complete
at al1points of contact between the two countries; but this could
not, by itself, Say anything at al1 as to what these frontiers were,
or how exactly they ran. A confirmation only confirms what is;
it cannot per se alter, add to, or detract from the latter, which must

be ascertained ab extra-in this case by reference to the previous
treaty settlements and the events relevant to them. The confirma-
tion was evidence of the importance the Parties attached to the
frontiers, but otherwise it left matters as they were, whatever they
were.

The principle of preclusion and estoppel
The Court has applied this principle in the present case to the
effect that even ifthere could be any doubt asto whetherThailand did
originally accept the Annex 1 map and line, so as to become bound
by it, she is precluded by her subsequent conduct from now assert-
ing her non-acceptance. With this conclusion 1agree (it being postu-
lated, for reasons already given, that no error or misapprehension

can be pleaded). But the Court only glances at the matter, which
needs a good deal of development.

The principle of preclusion is the nearest equivalent in the field
of international law to the common-law rule of estoppel, though
perhaps not applied under such strict limiting conditions (and it
is certainly applied as a rule of substance and not merely as one
of evidence or procedure). It isquite distinct theoretically from the
notion of acquiescence. But acquiescence can operate as a preclu-
sion or estoppel in certain cases, for instance where silence, on an
occasion where there was a duty or need to speak or act, implies
agreement, or a waiver of rights, and can be regarded as a represen-
tation to that effect (see the cases, and the quotation from an

Opinion of the British Law Officers, cited in Dr. D. W. Bowett's
article,"Estoppel before international tribztnals and its relation to
acquiescence",in the British 1-ear Book of International Law for
1957, at pp. 197-201; and see also Lord McNair's Law O/ Treaties,
1961, p.488). On that basis, it must be held in the present case that
Thailand's silence, in circumstances in which silence meant ac-
quiescence, or acted as a representation O; acceptance of the map
60 Palmas, Recueil des sentences arbitrales, vol. II,p. 866; voir aussi
l'opinion dissidente de M. Basdevant dans l'affaire des Llfinqz~iers
et des Écréhozu,C.I.J. Recueil 1953, pp. 76 et suiv.).
Le Cambodge a cependant invoqué un autre effet des traités de
1925 et 1937, à savoir qu'en confirmant le<frontières déjà établies,
ils donnent une base conventionnelle nouvelle et indépendante à la
frontière de l'annexe 1,la validant ainsi, même sielle n'avait pas été
valable auparavant. Je ne pense pas que cette affirmation soit fon-
dée. TJne telle confirmation des frontières existantes implique sans
aucun doute que les frontières existaient, et aussi peut-être qu'elles

existaient et qu'elles étaient complètes à tous les points de contact
entre les deux pays; mais cela, en soi, ne donne aucune indication
sur ce qu'étaient ces frontières ou sur leur tracé exact. Une confir-
mation ne peut que confirmer ce qui est. Elle ne peut pas en soi
modifier, ajouter ou soustraire quelque chose à ce qui est et qui doit
êtreétabli à partir d'une autre source - en l'espèce, par une réfé-
rence aux règlements conventionnels antérieurs et aux événements
s'y rapportant. La confirmation prouvait l'importance que les Par-
ties attachaient aux frontières,mais à tous autres égardselle laissait
les choses en l'état,quelles qu'elles fussent.

La Cour a appliqué ce principe à la présente affaire dans ce sens
que, mêmesi l'on pouvait avoir un doute quant à l'acceptation, à
l'origine, par la Thaïlande de la carte de l'annexe 1et de la frontière
qui y est indiquée - par laquelle elle aurait donc étéliée -, elle
est forclose par sa conduite postérieure à prétendre maintenant
qu'elle ne l'a pas acceptée. Je suis d'accord avec cette conclusion
(en posant que, pour les raisons déjà indiquées, l'erreur ou la mé-
prise ne peuvent êtreinvoquées). Mais la Cour n'a fait qu'esquisser
la question, qui demande d'amples développements.
Le principe de la forclusion est, dans le donlaine du droit inter-
national, l'équivalent le plus proche de la règle de comwtopzlaw de

l'estoppel,bien qu'il ne soit peut-être pas appliquédans des condi-
tions aussi restricti\~es, et il est certainement appliqué comme
règle de fond et non pas simplement comme une règle concernant
l'administration des preuves et la procédure. En théorie,ce principe
est tout à fait distinct de la notion de l'acquiescement. Mais l'ac-
quiescement peut opérer commeforclusion ou estoppeldans certains
cas, par exemple là où le silence, dans une occasion où il y a devoir
ou nécessitéde parler ou d'agir, implique accord ou renonciation
à des droits, et peut êtreconsidéré comme unemanifestation à cet
effet. (Voir les affaires et la citation d'une OPi?zionoj the H~itislz
Law [email protected]éedans l'article de L). W. Bowett (Estoppel before

I~zlernafionnl T~ibzrtzalsaad ifs relafiorz foacqzriesce~îc e, dans le
Britislz I'ear Book O/ I.tztertzntiol7law, I9j7, pp 197-201: ainsi
que ((Law oj Trenties, 1961 »,p. 48s de Lord McSair.) Sur cette
base, il faut considérer que, dans la présente affaire, le silence de la
Go JUDGM. 15 VI 62 (SEP. OP. SIR GERALD FITZMAURICE)
63
line, operates to preclude or estop her from denying such acceptance,
or operates as a waiver of her original right to reject the map line
or its direction at Preah Vihear.

However, in those cases where it can be shown that a party has,

by conduct or othenvise, undertaken, or become bound by, an
obligation, it is strictly not necessary or appropriate to invoke
any rule of preclusion or estoppel, although the language of that
rule is, in practice, often employed to describe the situation. Thus
it may be said that A, having accepted a certain obligation, or
having become bound by a certain instrument, cannot now be
heard to deny the fact, to "blow hot and cold". True enough, A
cannot be heard to deny it; but what this really means is simply
that A is bound, and, being bound, cannot escape from the obliga-
tion merely by denying its existence. In other words, if the denial
can be shown to be false, there is no room or need for any plea of
preclusion or estoppel.Such a plea is essentially a means of excluding
a denial that might be correct--irrespective of its correctness.
It prevents the assertion of what might in fact be true. Its use must

in consequence be subject to certain limitations. The real field of
operation, therefore, of the rule of preclusion or estoppel, stricto
sensu, in the present context, is where it is possible that the party
concerned did not give the undertaking or accept the obligation
in question (or there is room for doubt whether it did), but where
that party's subsequent conduct has been such, and has had
such consequences, that it cannot be allowed to deny the existence
of an undertaking,or that it is bound.

The essential condition of the operation of the rule of preclusion
or estoppel, as strictly to be understood, is that the party invoking
the rule must have "relied upon" the statements or conduct of the
other party, either toits own detriment or to the other's advantage.
The often invoked necessity for a consequent "change of position"
on the part of the party invoking preclusion or estoppel is implied

in this.A frequent source of misapprehension in this connection is
the assumption that change of position means that the party in-
voking preclusion or estoppel must have been led to change its own
position, by action it has itself taken consequent on the statements
or conduct of the other party. It certainly includes that:but what
it really means is that these statements, or this conduct, must have
brought about a change in the relative positions of the parties,
worsening that of the one, or improving that of the other, or both.

The same requirement, that a change or alteration in the relative
positions of the parties should have been caused, covers also certain

61Thaïlande, dans des circonstances où le silence signifiait acquiesce-
ment, ou constituait la manifestation de l'acceptation de la fron-
tière de la carte, entraîne pour la Thaïlande forclusion ou estopfiel
pour nier cette acceptation, ou opère comme une renonciation à
son droit original de rejeter la frontière de la carte ou son tracé à
Préah Vihéar.
Cependant, dans les cas où il peut êtreprouvé, par sa conduite

ou de toute autre manière, qu'une partie s'est engagée ou est liée
par une obligation, il n'est strictement pas nécessaire ni même
approprié d'invoquer le principe de la forclusion ou de l'estoppel,
quoique les termes de ce principe soient en pratique souvent em-
ployéspour décrirecette situation. Ainsi on peut dire que A, ayant
accepté une certaine obligation, ou étant liépar un certain instru-
ment, ne peut pas ensuite nier ce fait et (souffler le chaud et le
froid ». Sans doute A ne peut pas êtreadmis à nier; mais cela
veut simplement dire que A est liéet que, étant lié,il ne peut pas
échapper à cette obligation par le seul fait d'en nier l'existence.
En d'autres mots, s'il peut êtreprouvé quela dénégation estfausse,
il n'y a ni lieu ni besoin d'invoquer la forclusion ou l'estoppel.Une
telle défenseest essentiellement un moyen d'exclure une dénégation

qui pourrait êtreexacte - sans tenir compte de son exactitude.
Elle empêche l'affirmation de ce qui, en fait, pourrait êtrevrai.
Par conséquent, son emploi doit être sujet à certaines restrictions.
Donc le véritable domaine d'application du principe de forclusion
ou d'estoppel, stricto sensu, dans le contexte qui nous occupe, est
le cas où il est possible que la partie intéresséene se soit pas engagée
ou n'ait pas acceptél'obligation en question (ou qu'ily ait possibilité
d'en douter), mais où la conduite ultérieure de cette partie a été
telle, et a eu des conséquences telles, qu'on ne peut lui permettre
de nier l'existence d'un engagement, ou qu'elle soit liée.
Les conditions essentielles de l'application du principe de forclu-
sion ou d'estoppel, strictement interprété, est que la partie qui

l'invoque doit ((s'êtrefiée » aux déclarations ou à la conduite de
l'autre partie, cecison propre détriment ou àl'avantage de l'autre.
La nécessitésouvent invoquée d'un ((changement de position »sub-
séquent de la partie qui invoque la forclusion ou l'estoppel est
implicite ici. A ce propos, une source fréquente de méprise consiste
à présumer qu'un changement de position signifie que la partie qui
invoque la forclusion ou l'estoppeldoit avoir étéamenée à changer
ss propre position par des actes qu'elle a elle-mêmeaccomplis en
conséquencedes déclarations ou de la conduite de l'autre partie. Il
y a certainement du vrai en cela, mais le véritable sens de la pré-
somption est que ces déclarations ou cette conduite del'autre partie
doivent avoir amené un changement dans les positions relatives des
parties, empirant la position de l'une ou améliorant celle de l'autre,
ou les deux à la fois.

La mêmecondition de la nécessitéd'un changement ou d'une
modification dans la position relative des parties s'appliqueother notions usually closely associated with the principle of pre-
clusion or estoppel, such as for instance that the one party must have
"relied" on the statements or conduct of the other; or that the
latter must, by the same means, have "held itself out" as adopting
a certain attitude; or must have made a "representation" of some

kind. These factors are no doubt normally present; but the essen-
tial question is and remains whether the statements or conduct of
the party impugned produced a change in relative positions, to its
advantage or the other's detriment. If so, that party cannot be
heard to deny what it said or did.

Applying this test to the circumstances of the present case, there
can be little doubt that' Cambodia's legal position was weakened
by the fact that (although a striking assertion of her sovereignty
had been manifested on the occasion of Prince Damrong's visit in
1930) it was not until 1949 that any protest on the diplomatic level
was made about local acts of Thailand in violation, or at any rate
in implied denial, of that sovereignty. But France (exercising the
protectorate) was entitled to assume from the conduct of the
central Siamese authorities that the latter accepted the frontier as

mapped at Preah Vihear. On that basis, but on that basis only,
France could safelyignore the activities of local Siamese authorities,
and (the war period being ruled out, as 1 think it must be in this
case) confine her diplomatic action, as she seems to have done, to
cases clearly involving the central Siamese authorities.

Similarly, it was only on the basis of a justifiable assumption of
Thailand's acceptance of the frontier line as mapped that a com-
paratively low level of administrative activity on thepart of France
and Cambodia at Preah Vihear would have been compatible with
the upkeep of sovereignty. It is an established principle of inter-
national law that, especially in wild or remote regions, compara-
tively few acts are necessary for that purpose where the title does
not primarily depend on the character or number of those acts
themselves, but derives from a known and independent source,

such as a treaty settlement. On the basis therefore of the acceptance
of the map line by Thailand,as part of the treaty settlement,there
would, in the upkeep of Cambodian title, have been no need (in
respect of such a locality as that of the Temple area) to perform any
but the most minimal and routine acts of administration. Clearly,
ifThailand could now be heard to deny this acceptance, the whole
legal foundation on which the relative inactivity of France and
Cambodia in this region was fully explicable would be destroyed.

In addition to the foregoing considerations, it may be useful to
recall a deliberately non-technical statement of the matter given
62 ARRÊT 15 VI 62 (OP. IND. SIR GERALD FITZMAURICE!
64
également à certaines autres notions qu'on associe d'habitude
étroitement au principe de la forclusion ou de l'estoppel, comme
par exemple le principe que l'une des parties doit s'être ((fiée))aux
déclarations ou à la conduite de l'autre, ou que celle-ci doit, de la

mêmemanière, (s'êtreprésentée ))comme adoptant une certaine
attitude ou doit avoir formulé une (déclaration ))quelconque. Ces
facteurs sont sans doute normalement présents, mais la question
essentielle est et demeure de savoir si les déclarations ou la conduite
de la partie qu'on récuse ont produit dans les positions relatives
un changement à son avantage ou au détriment de l'autre. S'il en
est ainsi, cette partie n'est pas recevable à contester ce qu'elle a dit

ou fait.
Appliquant ce critère aux circonstances de l'espèce, il ne fait
guère de doute que la position juridique du Cambodge a étéaffaiblie
du fait que (bien qu'une affirmation frappante de sa souveraineté
ait étémanifestée à l'occasion de la visite du prince Damrong en
1930) ce n'est qu'en 1949 qu'une protestation quelconque sur le
plan diplomatique a étéformuléeau sujet des mesures locales prises
par la Thaïlande en violation, ou tout au moins à titre de dénégation

implicite de cette souveraineté. Mais la France (exerçant le protec-
torat) était fondée à penser, du fait de la conduite des autorités
centrales siamoises, que celles-ci acceptaient la frontière indiquée
sur la carte à Préah Vihéar. Sur cette base, mais sur cette base
seulement, la France pouvait en toute sécuriténégliger lesactivités
des autorités locales siamoises et (laissant de côté -la période de
guerre qui, je crois, doit êtreécartéeen l'espèce)limiter son action
diplomatique, comme elle senible l'avoir fait, au cas touchant
clairement les autorités centrales siamoises.

De même,c'est seulement sur la base d'une présomption justi-
fiable de l'acceptation par la Thaïlande de la frontière portée sur la
carte qu'une activité administrative relativement faible de la part
de la France et du Cambodge à Préah Vihéaraurait étécompatible
avec le maiiltien de la souveraineté. C'est un principe international
établi en droit qu'en particulier dans les régionssauvages et isolées,
un nombre assez faible d'actes de maintien de la souveraineté suffit

quand le titre ne dépend pas essentiellement du caractère ou du
nombre de ces actes eux-mêmes,mais dérive d'une source connue
et indépendante, telle qu'un traité ou autre règlement convention-
nel. Donc, sur la base de l'acceptation par la Thaïlande de la
frontière de la carte comme partie du règlement conventionnel, il
n'aurait pas éténécessaire, pour conserver le titre du Cambodge
(à propos d'une localité telle que la zone du temple), d'accomplir
autre chose que les actes les plus minimes d'administration usuelle.

Il est clair que si l'on permettait aujourd'hui à la Thaïlande de nier
son acceptation, toute la base juridique qui explique l'inactivité
relative de la France et du Cambodge en cette régionserait détruite.
Aux considérations qui précèdent, il peut être utile d'ajouter
une fornlule qui évite délibérémentd'entrer dans les détails tech-
62by a former Judge of the Court (writing in another capacity), as
follows :
"A State cannot be allowed to avail itself of the advantages
of the treaty when it suits it to do so and repudiate it when its
performance becomes onerous. It is of little consequence whether
that rule is based on what in English law is known as the principle
of estoppel or the more generally conceived requirement of good
faith. The former is probably not more than one of the aspects of
the latter." (Lauterpacht, Report on the Law of Treaties, U.N.
Document AlCN.4163of 24 March 1953,p. 157.)

Tlzequestion ofinterpretation-watershed claz~se versus ma9 line

The Court has dealt fully with this matter, although indicating

in effect that, given the main basis of the Judgment, it does not
strictly arise,because the Parties themselves resolved any possible
conflict when they accepted the rnap line as being the outcome of
the work of delimitation even if it might not in al1respects follow
the watershed line. 1 think the Court was nevertheless right to
consider how any conflict should, as a matter of ordinary treaty
interpretation, be resolved, for the following reason.

It would have been open to Thailand in the present proceedings to
have adopted a different course from the one she in fact followed.
Instead of denying, she might have admitted acceptance of the
rnap as representing the outcome of the work of delimitation, and
also that the rnap became part of the treaty settlement. Having
admitted that, however, it would still have been open to Thailand
to contend that, precisely because the rnap had become part of the
settlement, any conflict arising between it and a clause of theTreaty
must fa11to be resolved by the ordinary processes of treaty inter-

pretation, and that Thailand mustbe entitled to the benefit of those
processes, just as would be the case if an inconsistency were discover-
ed between two provisions of the Treaty itself. On that basis, even
if Thailand admitted her acceptance of the map, it \vas open to
her to argue that in a conflict between a treatv clause that says
"watershed" and a rnap that says something different, the former
must prevail. It was therefore necessary for the Court to deal with
the matter on that basis.

There is of course no general rule whatever requiring that a
conflict of this kind should be resolved in favour of the rnap line,
and therehave been plenty of cases (some of which were cited before
the Court) where it has not been, even though the rnap was one of
the instruments forming part of the whole treaty settlement (as
here), and not a mere published sheet or atlas page-in which case
it would, in itself, have no binding character for the parties. The

question is one that must always depend on the interpretation of
63niques, donnée par un ancien membre de la Cour (écrivant en une
autre qualité) et que voici:
((Un État ne saurait se prévaloir des dispositions d'un traité
lorsqu'ellessontàson avantage et lesrépudierlorsqueleur esécution
devient onéreuse.Il importe peu que la règlesoit fondéesur ceque
le droit anglais appelle le principe de l'irrecevabilitédes rétractations
(estopfiel)ou sur le principe plus généralementadmis de la bonne
foi, le premier n'étant d'ailleurs, selon toute vraisemblance, qu'un
aspect du second. ))(Lauterpacht, Rapport sur le droit des traités,
doc. N. U. AlCN.4163du 24 mars 1953,p. 184.)

Problème d'interprétation: conflit entre la disposition prévoyant la
ligne de partage deseaux et la frontièrede la carte

La Cour a examiné attentivement cette question tout enindiquant
qu'en fait, étant donné la base principale de l'arrêt, elle ne se po-
sait pas à proprement parler, puisque les Parties elles-mêmes
avaient résolu tout conflit possible en acceptant la frontière tracée
sur la carte comme étant le résultat des travaux de délimitation,
mêmesi elle ne suivait pas dans tous ses points la ligne de partage
des eaux. Je pense que la Cour a eu toutefois raison de considérer

comment il fallait résoudre un conflit, en tant que problème ordi-
naire d'interprétation des traités, et ce pour la raison suivante.
Dans la procédure actuelle, la Thaïlande aurait eu la possibilité
d'adopter une ligne d'action tout à fait différente de celle qu'elle a
suivie en fait. Au lieu de nier son acceptation de la carte comme
représentant le résultat des travaux de délimitation, elle aurait pu
l'admettre et admettre également que la carte faisait partie du
règlement conventionnel. Mais ayant admis ce fait, la Thaïlande
aurait encore pu faire valoir que, précisément parce que la carte
était devenue partie du règlement, tout conflit entre la carte et une
clause du traité devait êtrerésolu suivant les règles ordinaires d'in-

terprétation des traités, et que la Thaïlande devait pouvoir béné-
ficier de cette procédure, tout comme ce serait le cas si l'on décou-
vrait une contradiction entre deus dispositions de la convention
elle-même. Sur cette base, même si la Thaïlande admettait avoir
accepté la carte, elle pouvait soutenir que dans un conflit entre
une disposition conventionnelle indiquant ((une ligne de partage
des eaux 1)et une carte donnant un tracé différent, c'est la première
qui devait prévaloir. Il était donc nkcessaire que la Cour traite la
question sur cette base.
Il n'y a naturellement aucune règle généralequi exige qu'un tel
conflit soit résolu en faveur de la frontière de la carte, et ily a eu

bon nombre d'autres cas (dont qiielques-uns ont étécités devant la
Cour) où il n'en a pas étéainsi, quoique la carte ait fait partie des
instruments composant l'ensemble di1 règlement conventionnel
(comme ici) et n'ait pas étéune simple feuille imprimée ou une
page d'atlas, auquel cas elle n'aurait par elle-même eu aucun
caractère obligatoire pour les parties. Cette question doit toujours

63the treaty settlement, considered as a whole, in the light of the
circiimstances in which it was arrived at. So considered in the
present case, 1agree with the Court that, in this particular instance,
the question of interpretation must be resolved in favour of the
map line.

The cozLrseof the watershedline

According to the basis adopted for the Judgment of the Court
(with which basis 1 agree), it becomes unnecessary to consider how
the watershed line really runs at Preah Vihear. 1nevertheless desire
to Say that the expert evidence on this subject, written and oral,
convinced me personally that the watershed line runs (and ran also
in the period 1904-1908) as contended for by Thailand.

(Signed)G.G. FITZMAURICE.dépendre de l'interprétation du règlement conventionnel, considéré
dans son ensemble, à la lumière des circonstances qui ont conduit
à son établissement. En se plaçantà ce point de vue dans l'affaire
qui nous occupe, je suis d'accord avec la Cour que, dans ce cas

particulier, la question d'interprétation doit êtrerésolueen faveur
de la frontière de la carte.
Tracéde la liglzede partage deseaux

Conformément à la base sur laquelle la Cour a fondé son arrêt
(et quej'accepte), ildevient inutile de considérer quel est le véritable
tracé de la ligne de partage des eaux à Préah Vihéar. Je désire
cependant dire que les témoignages d'experts à ce sujet, écrits et
oraux, m'ont personnellement convaincu que la ligne de partage
des eaux suit (et suivait aussi pendant la période 1904-1908) le
tracé décrit par la Thaïlande.

(Signé G). G. FITZNAURICE.

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Opinion individuelle de Sir Gerald Fitzmaurice (traduction)

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