Opinion dissidente de M. Stassinopoulos

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062-19781219-JUD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. STASSINOPOULOS

A mon vifregret,je ne peux pas m'associer àl'arrêt.Faisant donc usage
dudroit que me confèrel'article 57du Statut,je mepermets d'indiquer les
raisons de mon dissentiment.
1. La Cour n'a pas voulu prendre position sur la question du maintien
en vigueur de l'Actegénéralde 1928.Je crois pourtant qu'elleaurait pu le
faire,parce que lerequérant aun intérêltégitime à connaître le sort que la
Cour réserve à cette convention qui fut la principale base de compétence
invoquée. Enoutre, comme la Cour l'observe (par. 39 de l'arrêt)

(<ilestévidentquetoutprononcé surlasituation de l'Actede 1928par
lequel la Cour déclareraitque celui-ciest ou n'estplus une convention
en vigueurpourrait influencer lesrelationsd'Etats autres quela Grèce
et la Turquie u.

Il y aurait donc un intérêt plusgénéral,dans une sociétéinternationale
organisée, à trancher la question, après les trois cas qui se sont déjà
présentésdevant la Cour (affairesdes Essais nucléaires et affairedu Procès
deprisonniers de guerrepakistanais). En revanche, le fait que l'arrêtlaisse
de côté la question du maintien en vigueur de l'Acte créedes situations
difficiles. Sil'Actegénéraln'étaitpas en vigueur, la réservegrecque n'au-
rait pas d'effet,et il serait donc vain de s'occuperde son contenu. D'autre

part, la Cour est amenée àfonder des considérants surun traitédont elle
n'examine pas la teneur. Par exemple, au paragraphe 43, il est dit que la
déclarationde la Turquie relative àla réserve estconsidérée comme<< re-
venant àse <prévaloir ))delaréserveausensetenapplicationdel'article39,
paragraphe3, de l'Acte )>(les italiques sont de moi).

2. Dans le cas où la Cour aurait examinéla question de la validitéde
l'Acte généralj,e me serais prononcé pour l'affirmative, surtout pour les
raisons suivantes.
3. Les partiesà l'Acte n'ont pas manifesté la volontéde cesser d'être
parties àcelui-ci. En dehors des démarchesformelles prévuespar le droit

international classique, tellesquela dénonciation,ilaurait également lieu
de considérerqu'un traitépeut prendre fin s'ilest établi,de façon claire et
non équivoque,que cela résulte du comportement subséquent desparties.
Mais en cequi concernele non-usage,non seulement ledroit international
coutumier n'admet pas pareille cause d'extinction mais encore la confé-
rence de Vienne surle droit destraités aévitédélibérémendte mentionner,
dans la convention de 1969,la désuétude commecause d'extinction des
obligations internationales des Etats. On nesaurait nier l'existenceetlavaliditédel'Acte généraelninvoquant
l'oubli, car il est impossible d'envisager que les nombreux traitésqui lient
des Etats pourraient perdreleur forcejuridique du simple fait qu'ilsn'ont
pas étéinvoqués ouqu'il n'ena pas étéfait usage.
L'existencede l'Actegénéralareçu une tellepublicitédepuis lesaffaires
des Essais nucléairesqu'il n'estpas concevable que la Turquie ait oublié
d'indiquer par un acte quelconque sa volonté de ne plus êtreliéepar cet
instrument. Depuis le litige opposant l'Australie etla Nouvelle-Zélandeà
la France en 1973,deux Etats, la France et la Grande-Bretagne, ont pris
soin de dénoncercet Acte, de sorte qu'il ne les lie plus.

En outre,l'affaire duProcèsdeprisonniersdeguerrepakistanais a donné
aussi une certaine publicité
à l'Acte général puisqu'ila été demandé a la
Cour depréciserdans quellemesure l'Acteobligeait l'Indepar lebiais dela
succession d7Etats.
Cela étant,le Gouvernement de la Turquie n'ignorait pas l'existencede
cetActe lorsquela Grècea introduit laprésente affaire.Lefait invoquépar
la Turquie qu'aucune allusion n'y a été faite à une certaine phase des
pourparlers n'affecte en rien la situation de l'Acte comme instrument
conventionnel ouvrant une voie d'accèsdirecte à la Cour. Pour soutenir
que l'Acte a cesséd'êtreen vigueur, il faudrait qu'une situation radicale
relativeà son objet età son mécanismesoit intervenue. Or, pareille situa-
tion, susceptible de mettre en cause la validitéde l'Actegénéral,n'est pas
intervenue.
4. Selonun desarguments avancésdansla lettre turque de 1976,l'Acte

généraln'a pas survécu à la Sociétédes Nations. Pourtant, dès l'élabora-
tion du texte de l'Acte, il a éténettement affirméque celui-ci, contraire-
ment au projet de protocole de Genève de 1924, n'aurait aucun lien
institutionnel et structurel avec la Sociédes Nations - la raison princi-
pale étantquel'on avoulu laisserl'Actegénéralfonctionner parallèlement
à la Sociétédes Nations, attirer des Etats qui ne seraient pas membres de
cette Organisation et offrir un mécanismede rechange à l'ambiance très
politiséedel'organisation de Genève.Lesprocès-verbauxdu Conseil de la
Société des Nations de 1928montrent bien ce souci desgouvernements, et
notamment de la Grande-Bretagne, de dissocier l'Acte généralde la
Société des Nations. Dans le même sens,on peut rappeler que l'arbitrage
prévupar l'Acte générala étéliénon pas au mécanismede la Sociétédes
Nations mais à la convention de La Have de 1907.

En ce qui concerne le règlementjudiciaire prévupar les articles 17 et
suivants de l'Acte,la procédure instauréepar l'Acteest indépendanteet la
référence à la Cour permanente tombe aujourd'hui sous le coup de I'ar-
ticle 37 du Statut de la Cour internationale de Justice, selon lequel ces
dispositions continuent à êtreapplicables dans le cadre du transfert de
compétenceopéréau profit de la Cour internationale de Justice.
Les dispositions relatives au Secrétariat généralde la Sociétédes
Nations en tant que dépositaire de l'Acte généralont joué au profit du Secrétariat généralde l'organisation des Nations Unies en vertu de la
résolution A/24 (1)de l'Assembléegénérale des Nations Unies de 1946.Le

Secrétaire général des Nations Unies a depuis lors exercé cesfonctions.
L'Acte générap lrévoitque l'adhésion d7Etatstiers s'effectuera par une
communication queleuradressera leConseil dela Société desNations. Les
documents produits par la Grèce démontrent que le rôle attribué à la
Société des Nations à cet égards'expliquesur leplan historique par le fait
que certains gouvernements voulaient s'assurer que les parties à l'Acte
généralauraient tous les attributs de la souveraineté telle qu'elle était

entendue à l'époque.
De toute façon, cette considérationn'apas d'effetsur les relations entre
la Grèceet la Turquie, dans le cadre de l'Actegénéralc ,ar les deux Etats y
ont adhéréen tant que Membres de la Société desNations.
5. Yen viens maintenant àl'examen desquestions relatives à la réserve
grecque à l'Acte général.

Vu les procéduressuivies en la présenteespèce, lesconditions permet-
tant d'invoquer une réservepar le jeu de réciprocité sont-elles rem-
plies ?

L'article 39,paragraphe 3,de l'Actegénéralq , ui se rapporte aux condi-
tions de mise en Œuvre de la réciprocitédes réserves, est conçucomme
suit : Siune des parties en litige a formulé uneréserve,lesautres parties
pourront se prévaloir vis-à-vis d'ellede la même réserve. ))L'emploi des
termes << une des parties en litige - et pas simplement << une desparties
- ainsi que du verbe <<pourront imposel'interprétation d'aprèslaquelle
cette disposition exclut le déclenchementautomatique de la réciprocité,

qui apparaît clairement conditionnépar la volontéde l'autre <(partie en
litige)).Cette (<partie en litige D, au sens de partie qui participe à la
procédure 1,doit,pour seprévaloirde cette réciprocitée ,xprimer savolon-
tédevant la Cour d'une façon formelle et, notamment, de la manière
prévuepar l'article 67du Règlement de la Cour sur les exceptions préli-
minaires.
Dans lecasprésent,leslettres turques de 1976et de 1978neconstituent

pas une exception préliminaire introduite suivant les formalitésprévues à
l'article 67 du Règlement; or ces formalités devraient êtrerespectées,
s'agissant d'une exception aussi importante pour les intérêts du deman-
deur.
En effet,la réciprocitéest un mécanismequipeut nuire à 1'Etatauteurde
laréserve;ildoitdonc offrirun minimum de garanties àcet Etat afin de ne

pas pouvoir sedéclencher à tout moment et sans formalité.Il ne faudrait, à
mon avis, admettre le déclenchement de la réciprocitéque si un Etat

i <(Litige: Contestation en justiceuveaupetit Lurousseillustré,400eéd.),c'est-
présentes devant un tribunal).xpressio«parties en liti))signifie donc((partiesprésent à la procédure soulèveune exception dans les formes et délais
prescrits. On devrait donc refuser cet avantage à un Etat qui n'est pas
présenten l'affaire.

Je comprends bien la façon dont la Cour applique certaines règlesde
procédure habituelles aux tribunaux internes et concernant la situation
procédurale des parties en défaut.Je respecte profondément ce système,
surtoutquand il s'agitdechercherlavéritésurlaquestion delacompétence
de la Cour. Mais puisqu'il s'agit ici,plus spécialement,de permettrà un
Etat de profiter dujeu de la réciprocité,il seraitjuste,on sens, que ce
droit spécialet concret, de natureà nuire aux intérêts dudemandeur, ne
soit pas reconnu à un Etat qui non seulement est absent de la procédure
mais encore ne cesse pas de déclarerqu'il n'estpas et qu'il ne veut en
aucune façon êtrepartie à l'affaire, et cela alors que l'article 39, para-

graphe 3, de l'Acte généralvise spécialementles (parties en liti ).e

6. En outre,je suisd'avisque la réserveenquestion a étéliminéee ,n ce
qui concerne la présenteaffaire, par lecommuniqué conjoint de Bruxelles
du 3 1mai 1975.
Jem'occuperaiplusloin dela naturejuridique decetinstrument. Mais je
dois indiquer ici que, même sila majoritéde la Cour lui refuse lecaractère
de traitéinternational générateurdedroits et d'obligations internationales
(ce qui està mon avis, son caractère réel), cecommuniquén'en constitue
pas moinsun accord international, créépar lafusion dela volontédesdeux
premiers ministres qui ont décidéde soumettre, mêmeen principe, le

présent différend à la Cour. Or, le moindre effet juridique que l'on est
obligéde reconnaître à cecommuniquéest que la Turquie a renoncé àson
droit d'invoquer la réserve.On ne peut pas en effet donner, mêmeen
principe, sonconsentement à ce que cette affaire soit soumiàela Cour et
conserver en même tempsle droit d'invoquer une réservequi exclut (de
l'avisde la Turquie) cette mêmeaffaire de la compétencede cette même
Cour. Ce serait permettre une contradiction flagrante, inadmissible dans
les rapports internationaux.
Pour ces motifs, je crois que la Turquie n'est pas entrée d'une façon
régulièredans lejeu de la réciprocitéde la réserve etque, par conséquent,
l'invocation de cette réservepar la Turquie étant inopérante,l'examen de

ses prétentions concernant le sens de la réserve seraitsuperflu.

7. J'en arrive maintenant àla question del'interprétation de la réserve,
interprétation dont les élémentsfondamentaux ont étéavancésdans le
mémoire etles plaidoiries de 1978,et non pas nécessairementdans I'at-
mosphèremouvemerîtéede la crise de l'été1976,où l'attention principaledu requérants'estportéesur leséléments propres àjustifier l'indication de
mesures conservatoires.
8. Pour éclaircirtout de suite l'historique de la réserveformuléepar la
Grèceen adhérant à l'Actegénéral en1931,il faut rappeler que la Grèce,
deux ans auparavant, en 1929,avait adhéré,avec une réserve, àla clause
facultative de juridiction obligatoire de la Cour, conformément à l'ar-
ticle 36, paragraphe 2, du Statut.
Cette réservede 1929enlevait à la compétencede la Cour deux caté-
gories de différends:

(a) les différends ayant trait au statut territorial de la Grèce, y
compris ceux relatifs àsesdroits de souverainetésursesports et
ses voies de communication, et
b) les différendsayant directement ou indirectement trait à l'appli-
cation des traités ou conventions acceptéspar elle et prévoyant
une autre procédure )).

Cette réservede 1929 a étéformulée à la suite d'une suggestion du
professeur N. Politis, visantàprotégerla Grècecontre les revendications
bulgares sur la Thrace et relativement aux minoritésbulgarophones. Dans
cesconditions, la Grèceformula une réserve autonomerelative àsonstatut
territorial, en comprenant dans celle-ci les droits de souveraineté sur ses

ports et ses voies de communication.
La Grèce visait ainsi à exclure de la compétence de la Cour tous les
différendsayant trait au statut territorial,en ayant pleine conscience que
l'article 36,paragraphe 2, du Statut concerneles différendsjuridiquedans
lesquelssetrouveimpliqué1'Etatqui acceptelajuridiction obligatoire dela
Cour.
9. Tout àfait différenteest la formule employéedans la réserve insérée
dans l'instrument d'adhésionde la Grèce àl'Acte général,en 1931.

Cette réserve,formulée conformément à l'article 39, paragraphe 1, de
l'Acte généralc ,omprend deux parties, comme suit:
a) parla partie a),de caractère temporel, sont exclusles différendsnésde
faits antérieursà l'adhésion (catégorie correspondant à l'alinéaa) de
l'article 39, paragraphe 2, de l'Acte général);

b) par la partie b) la Grèce entend exclure de la compétence de la
Cour
(<les différendsportant sur des questions que le droit international
laisseà la compétenceexclusive des Etats et, notamment, les diffé-
rends ayant trait au statut territorial de la Grèce, y compris ceux
relatifsà ses droits de souveraineté sur ses ports et ses voies de

communication )).
10. Quel est lesens de la réserveb)?Plus spécialement exclut-ellede la
compétencede la Cour le présent différend,qui se rapporte à la délimi-tation du plateau continental de la mer Egée ?La réponsedoit êtrenette-
ment négative,pour les raisons suivantes.

Le sens littéralde la réserve

11. Comme il ressort clairement, mêmed'une première lecture du texte
de la réserve,celle-ciexclutdelacompétencedelaCourune seulecatégorie
de différends:ceuxquiportent surdesquestions que ledroitinternational
laisseà la compétenceexclusive des Etats. La réserveextrait de ce même

ensemble, et cite à titre particulier, les différends ayant trait au statut
territorial de la Grècequi appartiendraient en mêmetemps au groupe des
différendsque le droit international laissà la compétenceexclusivedes
Etats n.
Ainsi, la réserven'apas exclu deux catégoriesde différends.Ceseraitle
cas si son texte était libellécomme suit:

a) lesdifférendsque ledroitinternational laisse à lacompétenceexclusive
des Etats, et
b) les différendsayant trait au statut territorial.

Mais le texte ne mentionne qu'une seule catégorie, à savoir les différends
que le droit international laisseà la compétenceexclusive des Etats et,

parmi eux, il cite<<notamment ))les différendsayant trait au statut terri-
torial.
La rédaction ne laisse aucun doute sur ce sens de la réserve. Lemot
<(notamment )) signifie,d'après touteslessources littéraires,qu'onconsi-
dèrenécessairede citer plusparticulièrement unpoint spéciald'unenotion
dont on a déjàparlé.On a mentionné le <(genre O, l'ensemble, et on se

réfèreplus spécialement à une partie,àune parcelle de cet ensemble. C'est
comme si le texte de la réservedisait: c<'exclus lesdifférendsque le droit
international laisseà la compétenceexclusive,maisje crois nécessairede
citer, dans cette catégorieprisecommeun ensemble, lesdifférendsayant
trait au statut territorial.
12. Le mot grec, employédans le texte grec, est le mot ~i8i~hrcpov. En

grec, le mot E~~IK&T€~OVsignifie (plus spécialement )>et c'est un adverbe
comparatif, dérivédu mot ciSos:

&os = espèce
C~S~KOS = spécial(adjectif)
€~&K&~€~OS = plus spécial (adjectifcomparatif)
c~Ô~KWS = spécialement(adverbe)
€~~~KC$T€~OV = plus spécialement ou notamment (adverbe compara-
tif).

(Notamment a et<(et notamment>>ont exactementle mêmesens,la conjonction
« et»n'ayantd'autresignificationque la liaisondu genre avec I'espèce.

78 Ainsi, commeje l'aidit, le groupedes ((différendsayant trait au statut
territorialO,excluparla réserveb),n'estpaslatotalitédesdifférendsayant
trait au statut territorial, mais seulement une partie de cette totalitéà
savoir <<les différends ayant trait au statut territorial que le droit inter-

national laisseà la compétenceexclusivedes Etats ))S'ils'agitd'un diffé-
rend ayant trait au statut territorial, mais qui n'est pas laissépar le droit
international à la compétenceexclusive des Etats, ce différendn'est pas
exclude lacompétencedelaCour, etc'estexactement lecaspour leplateau
continental, dont le statut n'est pas une question laisséepar le droit
international à la compétenceexclusivedes Etats, mais une question régie
par le droit international.
Ainsi, ledifférendqui a traià la délimitationdu plateau continental de
lamer Egée,étantun différendque ledroitinternational n'a paslaissé à la
compétenceexclusivede la Grèce,n'estpas exclu,envertu de la réserveb),
de la compétencede la Cour.

La Grèce n'avait pasl'intention d'exclureles différends
ayant trait auplateau continental

13. La Grèce, enformulant la réserveb) n'avait point l'intention d'ex-
clure ledifférendayant trait à la délimitationdu plateau continental de la
mer Egée.La vraie intention de la Grèce en l'espèce estsuffisamment
éclairéepar la lettre de M. Politis, qui a suggérélelibede la réservepour
exclure de lacompétencede la Cour lesdifférendsquipourraient découler
des revendicationsextraconventionnelles dela Bulgarievisant àobtenir un
passage à travers le territoire de la Thrace.
Cette intention de la Grèce de se protéger contre les revendications

bulgares, à la fois territoriales et non territoriales, étaitamplementjusti-
fiée, parceque la Bulgarie avait nettement fait savoir qu'elle prétendait
renverser les arrangements territoriaux et politiques cristalliséspar les
traitésde paix. Aux yeux de la Grèce, il y avait donc danger de voir ces
revendications de nature politique entrer dans lecadre des mécanismesde
l'Actegénéralp ,uisquecedernier, endehors de laprocédurejudiciaire qui,
elle, vise les différends juridiques, comprend aussi des procédures de
conciliation et d'arbitrage, susceptibles d'aboutirdes solutions ex aequo
et bono,pour des questions de nature politique, comme celles que soule-
vaient lesprétentionsde la Bulgarie.Il étaitdonc nécessairepour la Grèce
de chercher à se prémunir contre une éventuelle remiseen cause de son

statut territorial, fixépar les traités.Mais le Gouvernement d'Athènesn'a
pas voulu réserverla totalité desdifférendsayant trait au statut territorial
(et cela pour contribuer à l'atmosphère d'apaisement de l'époque et à
l'application généraledansla mesure du possible du règlementpacifique
des différends); il s'est bornéà réserver ceuxque le droit international
laisseà la compétence exclusive. A cette catégorie plus étroite apparte-
naient les différends pouvant naître desrevendications de la Bulgarie, qui
avaient un caractèrerévisionniste quantaux traités envigueur. 79 MER ÉGÉE (OP.DISS.STASSINOPOULOS)

Dans ces conditions, les questions relatives au statut territorial de la
Grèce, tel que définipar les traités, n'entrent pasdans la réserve à l'Acte
généralC . e qui entre dans cette réserve,sont les revendicationspolitiques
tendant à renverser les engagements pris.

La notion de «statut territorial» ne comprend pas lestatut du plateau
continental et, moins encore,la délimitation duplateau continental

14. La notion de statut territorial ne comprend pas le statutdu plateau

continental. En effet, le plateau continental se trouve au-dessous de la
haute mer, qui est une mer libre; lesdroits souverains spécifiquesde 1'Etat
riverain (droit d'exploration et d'exploitation sur le sol et le sous-sol de la
mer) ont un caractère économique et,en tout cas, ne sont pas de nature à
placer leplateau continental dans leterritoire de1'Etat.Des activitésautres
que la recherche et l'exploitation du plateau continental ne sont pas
interdites aux Etats tiers qui peuvent l'utiliser même desfins militaires !
Sidonc n'importe quel Etat tiers peut poser des armesetemployer lelit de
la haute mer à des fins militaires, comment pourrait-on parler de <<terri-

toire))ou d'(<extension territoriale ))de l'Etat riverain?
Le <<statut du plateau continental ne saurait par suite êtreconsidéré
comme rentrant dans la notion du (statut territorial de17Etato.

Distinction entre«statut » et «délimitationu

15. En tout état de cause, dans le différend soumis à la Cour par la
requêtedu Gouvernement grec,ilne s'agitpas du <<statut territoria))de la
Grèce,maisde ladélimitationdu plateau continental. Dans lecas mêmeoù
le statut du plateau continental serait considéré comme comprisdans le

<<statut territoria))(cequeje n'admets pas), larequêtegrecque serapporte
non au statut mais à la délimitation du plateau continental. Or, il y a le
statut d'une part, la délimitation de l'autre. Le statut est la situation
juridique, la condition juridique, l'ensembledesrèglesqui déterminentune
situation juridique, alors que la délimitation concerne simplement l'appli-
cation correcte decesrèglesdu droitinternational pour tracer leslimitesdu
plateau continental.
Cette question de délimitation ne saurait donc en aucune façon être
considérée commeenglobéedans une question tout àfait différente,celle

de la détermination du statut juridique du plateau continental.

La réserve doitêtreinterprétée defaçon restrictive

16. Enfin, on doit ,ajouterun argument de nature générale, enfaveurde
cette interprétation. Cet argument est tirédu principe, dégagéindirecte-
ment de lajurisprudence de cette Cour, selon lequel les réservesdoiventêtreinterprétéesd'une façon stricte et non pas prises au sens large. Cette
interprétation restrictive s'impose:

a) parceque lesréservesconstituent desexceptions à une règlegénéralee,t
que toutes les exceptions, restrictions et limitations d'une règlesont,

d'après un principegénéraldu droit, toujours interprétéesd'une façon
restrictive, et
6) parce que toute réserve constitueune exception à la règlegénérale du
règlementpacifique desdifférendsadoptéepar l'Actegénéral, eq tu'une
interprétationlargeet extensive dela réserves'effectueraitaudétriment
de le règlegénéraledu règlement pacifique des différends.

La réservea étééliminée après lecommuniquéde Bruxelles

17. Enfin, en tout étatde cause,la réserve grecquea étééliminée par le
communiqué conjoint de Bruxelles du 31 mai 1975, comme je l'ai déjà
indiquéplus haut.
Sur le caractère de ce communiqué,qui constitue un accord internatio-
nal générateurde droits et d'obligations internationales, je me propose de
revenir plus loin. Mais je dois tout de suite exprimer mon opinion selon
laquelle à partir du 31 mai 1975,date de l'accord consacrépar lecommu-
niquéconjoint des deuxpremiers ministres, la réservegrecquede 1931a été
éliminée;on ne peut donc plus parler de son interprétation. Commeje l'a?

déjàdit, il n'est pas juridiquement possible que le Gouvernement turc
invoque devant cetteCour une réservequi, avecleconsentement explicite
et délibéré de la Turquie, est éliminéedepuis le 31 mai 1975quant à la
présente affaire.
18. Dans ces conditions, j'ai la plus grande difficultà suivre le raison-
nement de la Cour dans l'interprétationqu'elledonne àla réservegrecque.
Elle écartele sens grammatical clair du texte français. Après quoi, pour
dire que les mots << et, notamment, ))ne désignent pas une espèce d'une
catégoriepluslarge,laCour retient unephrase du textegrecdel'exposédes
motifs du projet de loi introduit devant le Parlement hellénique,puis elle

en vient immédiatementau textefrançais, sans tenir compte du texte grec
de laloi d'approbation elle-même,textequi doit êtrepris en considération
en tout premier lieu et dans lequel figure le mot C~~IK~TC~OV, mot qui
signifie sans ambages ((plus spécialement D, et cela, dans tous les cas,
mêmes'il est placéentre deux virgules.

19. D'ailleurs, dans la réserve grecque,le(<statut territoria))neparaît
pas seulement comme un exemple d'une question portant sur la compé-
tence exclusive mais il implique la volonté ferme de la Grèce de faire
échapper aux procéduresde l'Acte généralce qui pourrait tendre à une

revision de son statut territorial.
En outre, en ce qui concerne les réalitéshistoriques de la péninsulebalkanique, les circonstances dans lesquelles la Grèce a adhéré à l'ar-
ticle 36, paragraphe 2, du Statut, n'étaientpas les mêmesque celles qui
l'ont conduite à adhérer à l'Acte général. Commel'agent de la Grèce l'a
signalé,lebaromètre politique de la régionchangeaitpar trop rapidement
pour qu'on puisse dire que 1929et 1931c'est la mêmechose.
20. Quant à l'argument selon lequel la Grècea renouveléen 1934et en
1939sa réservede 1929,sans la modifier, cela ne prouve absolument rien

par rapport aux raisonsquil'ont déterminée à formuler la réserve àl'Acte
général etle texte clair de cette réserve.
21. Enfin,pour en terminer avec les questions soulevéesrelativement à
cette réserve,je dois signaler que le concept d'(<unité territoriale et poli-
tique de la Grèce ))invoquédans la requêtesignifie qu'on ne saurait en
aucune façon traiter différemmentla partie continentale et la partie insu-
laire de la Grèce.

22. Lecommuniquéconjoint de Bruxellesdu 31mai 1975,loin d'êtreun
simple H communiqué de presse )),comme la Turquie le prétend dans sa
lettre du 10octrobre 1978, constitue un accord international verbal (et

constaté par écrit),intervenuentre leschefs desdeuxgouvernements dans
la rencontre au sommet aui a eu lieu à Bruxelles.
Les deux premiersministresdéclarentd'une manièretrèsnette, dans ce
communiqué,qu'ils <(ont décidé que lesproblèmesduplateaucontinen-
tal <doivent êtrerésoluspar la Cour internationale de Justice o.
D'abord, l'expression <<ont décidé )>signifie qu'il s'agitd'une décision
déjàprisepar la fusion des deuxvolontéset nonpas d'une simpleintention
de procéder à un accord dans l'avenir. Il s'agit donc d'une déclaration de

volontépleine et entière, génératriced'obligations internationales et qui,
en outre, n'est soumise à aucune condition.
Ensuite, le verbe (doivent [au présent] êtrerésolus ))signifie que la
compétencede la Courreconnuepar cecommuniquéestconsidérée par les
deux parties comme existant dès le moment de la publication du commu-
niqué et non pas dans l'avenir. Les deux parties n'ont pas dit que les
différends (<devront ou ((devraient êtrerésoluspar la Cour ));elles ont

dit <doivent êtrerésoluspar la Cour )).C'estune affirmation manifestant
une décisiondéjàprise et une compétencedéjàcrééeQ . uipourraitjamais
déformerles mots <<ont décidé et (<doivent )),et leur faire dire que la
décisionn'est pas encore prise, que les différendsne doivent pas encore
êtresoumis àla Cour, et que tout cela n'est qu'une perspective à réaliser
dans l'avenir ?

Cette efficacitédu communiquéconjoint n'est point affectéepar le fait
que la Turquie a manifestéde la réticence à se conformer à ce qui a été
conclu à Bruxelles, admettant toutefois que la soumission du présent 82 MER ÉGÉE (OP.DISS.STASSINOPOULOS)

différend àlaCour aété décidée <(enprincipe et qu'il nerestait qu'à fixer,
par des négociations, les (modalités )) de cette soumission.

Un accord verbal peut créerdesengagements internationaux; la Cour a
eu déjàl'occasion de confirmer le non-formalisme en matière d'engage-
ments internationaux et le caractère conforme au droit international des
accords verbaux.
23. La Turquie elle-mêmea eu pleine conscience de la signification de
l'accord concluentre les deux premiers ministres à Bruxelles. Le premier

ministre turc, M. Souleiman Demirel, dans sa lettre adresséeau premier
ministre grec, M. C.Caramanlis (annexée à la lettre turque du 10octo-
bre 1978),souligneque <(laTurquie estdisposéeetmêmerésolu eadhérer
à l'accord de Bruxelles au pied de la lettre )) (<Turkey is willing and
determined to adhere to the Brussels Agreement to the letter D). Il s'agit
d'unautre accord portant surChypre, mais sil'onprend <(àlalettre )>cette

déclaration,on peut déduire a) que laTurquie considèrede tellesdécisions
commedesaccords internationaux, et b)qv'elleseconsidèreliéepar elles,
et réaffirmesa volontéde rester fidèle à l'exécutionde ce qui a été décidé,
exécutionfidèleet <(au pied de la lettre))Quelleest donc ((la lettr1)de la
décisionde Bruxelles du 31mai 1975 ? Elle se trouve dans le texte du
communiqué: (<Ils ont décidéque ces problèmes doivent êtrerésolus

pacifiquement par la voie desnégociations et concernant le plateau conti-
nental de la mer Egéepar la Cour internationale de La Haye.
Je conclus que lecommuniqué conjointpossède pleine valeurdetitrede
compétence de la Cour, en vertu de l'article 36, paragraphe 1, de son
Statut.

24. Si l'on éprouvait un doute sur la compétence de la Cour,je me
permets de soutenir qu'encas de doute l'on devraittrancher enfaveur dela
compétence.

En effet, dans tous lesdomaines du droit existent desprincipesgénéraux
destinés à faciliter la mission du juge, lequel hésite souvent entre deux
solutions qui lui paraissent également plausibles. Cesprincipes intervien-
nent alors pour aider lejuge à résoudredesproblèmesdifficileset épineux
auxquels il ne peut parfois pas trouver de solution. Sans ces principes
généraux dudroit, beaucoup de lois et bien des institutions, dans leur

totalité, perdraient une grande partie de leur valeur. Mais, grâce à ces
principes, <<le juge peut maîtriser la loi )),selon l'expression des auteurs
français, et ériger les textes,souvent modestes et sans âme, en idées
directrices et animatrices de la vie sociale.
Ce rôle des principes généraux estbeaucoup plus important dans les
domaines du droit quisont caractérisés par l'absenced'unsystèmestable et

rigide de règles - comme c'est lecas pour le droit international.
Donc, dans le droit public interne où, au contraire du droit civil, il83 MER ÉGÉE (OP. DISS. STASSINOPOULOS)

n'existepasnonplus un code ))derègles,lasourceoriginale desprincipes
généraux setrouve dans l'idéede la libertéetde la démocratieet,au-delà,
dans laDéclaration desdroits del'homme.Ondit indubio,pro libertate:en
casdedoute, on doitopterpourlasolutionquiserait laplus libérale,laplus
favorable à la liberté démocratique.
En droit international, et notamment dans le domaine de la justice
internationale, la sourcedesprincipes généraux doit êtrecherchéedans les

idéesdirectricesqui ont entraînéla créationdes grands organismes inter-
nationaux afin d'assurer la paix par le règlementpacifique des différends
internationaux. En cas de doute, lejuge international doit, à mon avis,
pencherpour l'étendue laplus générale de sa compétenceet l'efficacitéde
sa mission. Après les deux guerres mondiales, un appel suprême a été
adresséaux peuples civilisés,afin qu'ils se conforment a des règlessupé-
rieurespour assurerla solutionpacifique de leurs divergences.Plus géné-
rales seraient ces règles,plus efficace serait cet appel universel.
Je mepermetsdoncd'émettrel'idéequela Couraccomplirait une Œuvre
historique si,encasde doute sursacompétence(enl'espècesurlesensdela

réserve grecque),elle se laissait guider par ce principe fondamental de la
généralité de cette compétence, laquelle contribue au maintien de la
paix.

(Signé)Michel STASSINOPOULOS.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. STASSINOPOULOS

A mon vifregret,je ne peux pas m'associer àl'arrêt.Faisant donc usage
dudroit que me confèrel'article 57du Statut,je mepermets d'indiquer les
raisons de mon dissentiment.
1. La Cour n'a pas voulu prendre position sur la question du maintien
en vigueur de l'Actegénéralde 1928.Je crois pourtant qu'elleaurait pu le
faire,parce que lerequérant aun intérêltégitime à connaître le sort que la
Cour réserve à cette convention qui fut la principale base de compétence
invoquée. Enoutre, comme la Cour l'observe (par. 39 de l'arrêt)

(<ilestévidentquetoutprononcé surlasituation de l'Actede 1928par
lequel la Cour déclareraitque celui-ciest ou n'estplus une convention
en vigueurpourrait influencer lesrelationsd'Etats autres quela Grèce
et la Turquie u.

Il y aurait donc un intérêt plusgénéral,dans une sociétéinternationale
organisée, à trancher la question, après les trois cas qui se sont déjà
présentésdevant la Cour (affairesdes Essais nucléaires et affairedu Procès
deprisonniers de guerrepakistanais). En revanche, le fait que l'arrêtlaisse
de côté la question du maintien en vigueur de l'Acte créedes situations
difficiles. Sil'Actegénéraln'étaitpas en vigueur, la réservegrecque n'au-
rait pas d'effet,et il serait donc vain de s'occuperde son contenu. D'autre

part, la Cour est amenée àfonder des considérants surun traitédont elle
n'examine pas la teneur. Par exemple, au paragraphe 43, il est dit que la
déclarationde la Turquie relative àla réserve estconsidérée comme<< re-
venant àse <prévaloir ))delaréserveausensetenapplicationdel'article39,
paragraphe3, de l'Acte )>(les italiques sont de moi).

2. Dans le cas où la Cour aurait examinéla question de la validitéde
l'Acte généralj,e me serais prononcé pour l'affirmative, surtout pour les
raisons suivantes.
3. Les partiesà l'Acte n'ont pas manifesté la volontéde cesser d'être
parties àcelui-ci. En dehors des démarchesformelles prévuespar le droit

international classique, tellesquela dénonciation,ilaurait également lieu
de considérerqu'un traitépeut prendre fin s'ilest établi,de façon claire et
non équivoque,que cela résulte du comportement subséquent desparties.
Mais en cequi concernele non-usage,non seulement ledroit international
coutumier n'admet pas pareille cause d'extinction mais encore la confé-
rence de Vienne surle droit destraités aévitédélibérémendte mentionner,
dans la convention de 1969,la désuétude commecause d'extinction des
obligations internationales des Etats. DISSENTING OPINION OF JUDGE STASSINOPOULOS

[Translation]

Very much to my regret, 1 am unable to concur in the Judgment. 1
therefore avail myself of the right conferred upon me by Article 57of the
Statute of the Court to indicate the reasons for my dissent.
1. The Court has been unwilling to adopt a position as to whether the
1928General Act has continued in force. It could however, in my view,
have done so, sincethe Applicant has alegitimate interest in learningwhat
the Court considers to be the status of thisconvention, which wasthe main
basis of jurisdiction relied upon. Moreover, as the Judgment observes:
". ..itis evident that any pronouncement of the Court as to the status
of the 1928Act,whether itwerefound tobe aconvention in forceor to

be no longer in force, may have implications in the relations between
States other than Greece and Turkey" (para. 39).
In an organized international society, therefore, the settlement of this
question, after the three cases already subrnitted to the Court (Nuclear
Tests and Trial of Pakistani Prisoners of War), would present a more
generalinterest. The fact that theJudgment leaveson one sidethequestion
whether the Act remains in force gives rise, on the other hand, to some
difficult situations. If the General Act were not in force, the Greek reser-
vation would be without effect and there would therefore be no point in
dealing with its substance. Then again, the Court has based parts of its
reasoning on a treaty whosecontents it has refrained from exarnining. For

example,paragraph 43of theJudgment saysthat Turkey7sstatement about
thereservation "must beconsideredasconstituting an 'enforcement'of the
reservation within therneaningof;and in c~nforrn~~ with,Article 39,para-
graph3, of the Act" (emphasis added).
2. In the event the Court had examined the question of the validity of
the General Act, 1would have favoured an affirmativeconclusion, above
al1for the following reasons:
3. The parties to the Act have not evinced the will to cease to be parties
to it.uite apart from the forma1steps known to classicinternational law,
such as denunciation, one may also consider it possible to deduce the
termination of a treaty if that may be clearly and unequivocally inferred
from theparties' subsequent conduct. But whereit is aquestion of a treaty
not beingused,not only does customary international law refuse to admit
this as a cause of extinction but the Vienna Conference on the Law of
Treaties deliberately avoided mentioning desuetude in the 1969Conven-
tion as a cause of extinction of States' international obligations. On nesaurait nier l'existenceetlavaliditédel'Acte généraelninvoquant
l'oubli, car il est impossible d'envisager que les nombreux traitésqui lient
des Etats pourraient perdreleur forcejuridique du simple fait qu'ilsn'ont
pas étéinvoqués ouqu'il n'ena pas étéfait usage.
L'existencede l'Actegénéralareçu une tellepublicitédepuis lesaffaires
des Essais nucléairesqu'il n'estpas concevable que la Turquie ait oublié
d'indiquer par un acte quelconque sa volonté de ne plus êtreliéepar cet
instrument. Depuis le litige opposant l'Australie etla Nouvelle-Zélandeà
la France en 1973,deux Etats, la France et la Grande-Bretagne, ont pris
soin de dénoncercet Acte, de sorte qu'il ne les lie plus.

En outre,l'affaire duProcèsdeprisonniersdeguerrepakistanais a donné
aussi une certaine publicité
à l'Acte général puisqu'ila été demandé a la
Cour depréciserdans quellemesure l'Acteobligeait l'Indepar lebiais dela
succession d7Etats.
Cela étant,le Gouvernement de la Turquie n'ignorait pas l'existencede
cetActe lorsquela Grècea introduit laprésente affaire.Lefait invoquépar
la Turquie qu'aucune allusion n'y a été faite à une certaine phase des
pourparlers n'affecte en rien la situation de l'Acte comme instrument
conventionnel ouvrant une voie d'accèsdirecte à la Cour. Pour soutenir
que l'Acte a cesséd'êtreen vigueur, il faudrait qu'une situation radicale
relativeà son objet età son mécanismesoit intervenue. Or, pareille situa-
tion, susceptible de mettre en cause la validitéde l'Actegénéral,n'est pas
intervenue.
4. Selonun desarguments avancésdansla lettre turque de 1976,l'Acte

généraln'a pas survécu à la Sociétédes Nations. Pourtant, dès l'élabora-
tion du texte de l'Acte, il a éténettement affirméque celui-ci, contraire-
ment au projet de protocole de Genève de 1924, n'aurait aucun lien
institutionnel et structurel avec la Sociédes Nations - la raison princi-
pale étantquel'on avoulu laisserl'Actegénéralfonctionner parallèlement
à la Sociétédes Nations, attirer des Etats qui ne seraient pas membres de
cette Organisation et offrir un mécanismede rechange à l'ambiance très
politiséedel'organisation de Genève.Lesprocès-verbauxdu Conseil de la
Société des Nations de 1928montrent bien ce souci desgouvernements, et
notamment de la Grande-Bretagne, de dissocier l'Acte généralde la
Société des Nations. Dans le même sens,on peut rappeler que l'arbitrage
prévupar l'Acte générala étéliénon pas au mécanismede la Sociétédes
Nations mais à la convention de La Have de 1907.

En ce qui concerne le règlementjudiciaire prévupar les articles 17 et
suivants de l'Acte,la procédure instauréepar l'Acteest indépendanteet la
référence à la Cour permanente tombe aujourd'hui sous le coup de I'ar-
ticle 37 du Statut de la Cour internationale de Justice, selon lequel ces
dispositions continuent à êtreapplicables dans le cadre du transfert de
compétenceopéréau profit de la Cour internationale de Justice.
Les dispositions relatives au Secrétariat généralde la Sociétédes
Nations en tant que dépositaire de l'Acte généralont joué au profit du AEGEAN SEA (DISS.OP.STASSINOPOULOS) 73

The existence and validity of the General Act cannot be denied on
grounds of oblivion, for it is impossible to contemplate that the host of
treaties binding States could lose their force just because they have not
been invoked or put to use.
Since the Nuclear Tests cases, so much publicity has been given to the
existenceof theGeneral Act that it isinconceivable that Turkeycould have
forgotten to take any action needed to manifest its desire to be bound by
that instrument no longer. Since the 1973dispute wherein Australia and
New Zealand were opposed to France, two States, France and the United
Kingdom, have taken care to denounce the Act so that it no longer binds
them.
Further publicity was given to the General Act by the Trialofpakistani
Prisonersof War case,inasmuch as the Court was requested to say to what
extent the Act bound India through considerations of State succession.

That being so,Turkey wasnot unaware of the existenceof the Act when
Greece instituted the present proceedings. The fact, whch Turkey has
raised, that it was not alluded to at a certain stage of the talks does not in
any way affect the standing of the Act as a conventional instrument
providing a direct path of access to the Court. To justify a claim that the
Act has ceased to be in force it would be necessary for some radical
situation touching its object and mechanism to have arisen. But no such
situation capable of casting doubt on the validity of the General Act has
come into being.
4. One of thearguments put fonvard in the Turkish letter of 1976isthat
the General Act allegedlyfailed to survivethe Leagueof Nations. Yet right
from the timewhen the Actwasdrafted itwasclearlystated that, unlike the
Geneva draft protocol of 1924,it was to have no institutional or structural
connection with the League of Nations-chiefly because the intention was
to have the General Act function in parallel with the League, attractStates
not members thereof, and offer alternative machinery to the Geneva
organization with its highly politicized atmosphere. The 1928records of
the League Council bear witness that governments, and in particular the

British Government, were anxious to dissociate the General Act from the
League of Nations. It may likewise be pointed out that the arbitration
procedure provided for in the General Act was bound up with the 1907
Hague Convention, and not the machinery of the League.

As for the procedure forjudicial settlement instituted by Articles 17ff.
of the Act, that is independent,and the reference to the Permanent Court
of International Justice is now governed by Article 37of the Statute of the
International Court of Justice, whereby those provisions continue to be
applicable withn the framework of the transfer of jurisdiction to the
latter.
The provisions relating to the depositary functions of the LeagueSecre-
tariat are tobe taken as applying to the Secretariat of the United Nations Secrétariat généralde l'organisation des Nations Unies en vertu de la
résolution A/24 (1)de l'Assembléegénérale des Nations Unies de 1946.Le

Secrétaire général des Nations Unies a depuis lors exercé cesfonctions.
L'Acte générap lrévoitque l'adhésion d7Etatstiers s'effectuera par une
communication queleuradressera leConseil dela Société desNations. Les
documents produits par la Grèce démontrent que le rôle attribué à la
Société des Nations à cet égards'expliquesur leplan historique par le fait
que certains gouvernements voulaient s'assurer que les parties à l'Acte
généralauraient tous les attributs de la souveraineté telle qu'elle était

entendue à l'époque.
De toute façon, cette considérationn'apas d'effetsur les relations entre
la Grèceet la Turquie, dans le cadre de l'Actegénéralc ,ar les deux Etats y
ont adhéréen tant que Membres de la Société desNations.
5. Yen viens maintenant àl'examen desquestions relatives à la réserve
grecque à l'Acte général.

Vu les procéduressuivies en la présenteespèce, lesconditions permet-
tant d'invoquer une réservepar le jeu de réciprocité sont-elles rem-
plies ?

L'article 39,paragraphe 3,de l'Actegénéralq , ui se rapporte aux condi-
tions de mise en Œuvre de la réciprocitédes réserves, est conçucomme
suit : Siune des parties en litige a formulé uneréserve,lesautres parties
pourront se prévaloir vis-à-vis d'ellede la même réserve. ))L'emploi des
termes << une des parties en litige - et pas simplement << une desparties
- ainsi que du verbe <<pourront imposel'interprétation d'aprèslaquelle
cette disposition exclut le déclenchementautomatique de la réciprocité,

qui apparaît clairement conditionnépar la volontéde l'autre <(partie en
litige)).Cette (<partie en litige D, au sens de partie qui participe à la
procédure 1,doit,pour seprévaloirde cette réciprocitée ,xprimer savolon-
tédevant la Cour d'une façon formelle et, notamment, de la manière
prévuepar l'article 67du Règlement de la Cour sur les exceptions préli-
minaires.
Dans lecasprésent,leslettres turques de 1976et de 1978neconstituent

pas une exception préliminaire introduite suivant les formalitésprévues à
l'article 67 du Règlement; or ces formalités devraient êtrerespectées,
s'agissant d'une exception aussi importante pour les intérêts du deman-
deur.
En effet,la réciprocitéest un mécanismequipeut nuire à 1'Etatauteurde
laréserve;ildoitdonc offrirun minimum de garanties àcet Etat afin de ne

pas pouvoir sedéclencher à tout moment et sans formalité.Il ne faudrait, à
mon avis, admettre le déclenchement de la réciprocitéque si un Etat

i <(Litige: Contestation en justiceuveaupetit Lurousseillustré,400eéd.),c'est-
présentes devant un tribunal).xpressio«parties en liti))signifie donc((parties AEGEAN SEA (DISS.OP.STASSINOPOULOS) 74

by virtue of resolution A/24 (1),adopted by the General Assembly of the
latter Organization in 1946. Sincethen the Secretary-General of theUnited
Nations has exercised those functions.
The General Act provides for the accessionof third States tobe acquired
via a communication to be sent them by the Council of the League. The
documents produced by Greece demonstrate that the role of the Leagueof
Nations in this connection has its historical explanation in the fact that
certain governments wished to make sure that parties to the General Act
possessed al1the attributes of sovereignty as understood at the time.

In any case,thisconsideration has no effecton relations between Greece
and Turkey within the framework of the General Act, because both
acceded to it as member States of the League of Nations.
5. 1shall now consider the questions which arise concerning the Greek
reservation to the General Act.

Having regard to the procedures followed in the present case, are the
conditions for the invocation of reservations by reciprocity fulfilled?

Article 39, paragraph 3, of the General Act, which concerns the condi-
tions foractivatingthe reciprocity of reservations, isworded asfollows: "If
one of the parties toa dispute [partiesenlitige]hasmade areservation,the
other parties may enforce the same reservation in regard to that party."
The useof thewords "one of the parties toa dispute"instead ofjust "one of
the parties", and of the verb "may", implies that this provision must be
interpreted as excluding the supposition that reciprocity comes into play
automatically: itsimplementation isclearly made dependent on the willof
the other party to the litige. The party in question-meaning a party
participating in the proceedings l-must, to enforce that reciprocity,

express its will before the Court in a forma1manner, and in particular in
the way laid down in Article 67 of the Rules of Court with respect to
preliminary objections.
In the present instance, the Turkish letters of 1976 and 1978 do not
constitute a preliminary objection raised in accordance with the formali-
tics laid down in Article 67of the Rules of Court; those formalitiesshould
howeverbeobserved,considering that the objection isone socrucial to the
interests of the Applicant.
The point is that reciprocity is a mechanism which may operate to the
detriment of the State whch has made the reservation; it should therefore
besubject toat least aminimum of safeguards for that State, to ensure that

it cannot be triggered atjust any time, without formality. It should not, in
The Nouveaupetit Larousseillustré,400thedition, defines as"contestation en
justice",.eadispute heforeacourt.Hencepurties enlitigemeans"parties present before
a court".présent à la procédure soulèveune exception dans les formes et délais
prescrits. On devrait donc refuser cet avantage à un Etat qui n'est pas
présenten l'affaire.

Je comprends bien la façon dont la Cour applique certaines règlesde
procédure habituelles aux tribunaux internes et concernant la situation
procédurale des parties en défaut.Je respecte profondément ce système,
surtoutquand il s'agitdechercherlavéritésurlaquestion delacompétence
de la Cour. Mais puisqu'il s'agit ici,plus spécialement,de permettrà un
Etat de profiter dujeu de la réciprocité,il seraitjuste,on sens, que ce
droit spécialet concret, de natureà nuire aux intérêts dudemandeur, ne
soit pas reconnu à un Etat qui non seulement est absent de la procédure
mais encore ne cesse pas de déclarerqu'il n'estpas et qu'il ne veut en
aucune façon êtrepartie à l'affaire, et cela alors que l'article 39, para-

graphe 3, de l'Acte généralvise spécialementles (parties en liti ).e

6. En outre,je suisd'avisque la réserveenquestion a étéliminéee ,n ce
qui concerne la présenteaffaire, par lecommuniqué conjoint de Bruxelles
du 3 1mai 1975.
Jem'occuperaiplusloin dela naturejuridique decetinstrument. Mais je
dois indiquer ici que, même sila majoritéde la Cour lui refuse lecaractère
de traitéinternational générateurdedroits et d'obligations internationales
(ce qui està mon avis, son caractère réel), cecommuniquén'en constitue
pas moinsun accord international, créépar lafusion dela volontédesdeux
premiers ministres qui ont décidéde soumettre, mêmeen principe, le

présent différend à la Cour. Or, le moindre effet juridique que l'on est
obligéde reconnaître à cecommuniquéest que la Turquie a renoncé àson
droit d'invoquer la réserve.On ne peut pas en effet donner, mêmeen
principe, sonconsentement à ce que cette affaire soit soumiàela Cour et
conserver en même tempsle droit d'invoquer une réservequi exclut (de
l'avisde la Turquie) cette mêmeaffaire de la compétencede cette même
Cour. Ce serait permettre une contradiction flagrante, inadmissible dans
les rapports internationaux.
Pour ces motifs, je crois que la Turquie n'est pas entrée d'une façon
régulièredans lejeu de la réciprocitéde la réserve etque, par conséquent,
l'invocation de cette réservepar la Turquie étant inopérante,l'examen de

ses prétentions concernant le sens de la réserve seraitsuperflu.

7. J'en arrive maintenant àla question del'interprétation de la réserve,
interprétation dont les élémentsfondamentaux ont étéavancésdans le
mémoire etles plaidoiries de 1978,et non pas nécessairementdans I'at-
mosphèremouvemerîtéede la crise de l'été1976,où l'attention principalemy view, be accepted that reciprocity may take effect unless a State

participatingin theproceedings raises an objection in accordancewith the
procedures and within the time-limits laid down.The benefit of reciprocity
should thus be refused to a State which is not present in the proceed-
ings.
1well understand the way in which the Court applies certain rules of
procedure customary in municipal courts, concerning the procedural situ-
ation of parties which fail to appear. 1have a deep respect for that system,
especially when it is a matter of seeking the truth on the question of the
Court'sjurisdiction. But since it is here more precisely a matter of permit-
ting a State to enjoy the benefit of reciprocity, it would in my opinion be
only proper that this special and concrete right, one likely to harm the
interests of the Applicant, should not be regarded as available to a State
which not only is absent from the proceedings but has al1along declared
that it isnot, anddoes not wish to be in any way,a party to the case, when
Article 39,paragraph 3,of theGeneral Act refers specificallyto theparties
"en litige".

6. Furthermore, the reservation in question was in my vieweliminated,
so far as thepresent case isconcerned, by the BrusselsJoint Communiqué
of 3 1May 1975.
1shall be going into the legal nature of that instrument below. For the
moment 1 must simply state that, even if the majority of the Court deny it
the character of an international treaty (which is in my view its real
character), thiscommuniquéisstillan internationa! agreement,created by
the merging of willsof two Prime Ministers who decided to submit, be it in
principle, the present dispute to the Court. But the least effect of a legal
kind which this communiquémust be admitted to have is that Turkey has
renounced its right to enforce the reservation; one cannot, even in prin-
ciple, give consent to the submission of this case to the Court and at the
same time retain the right to invoke a reservation which (in Turkey'sview)
excludes that verv case from the Court's iurisdiction. To hold otherwise
would be to a flagrant self-contradiction, one inadmissible in
international relations.

For these reasons,1 believe that the way Turkey set about bringing the
reciprocity of the reservation into play was irregular and that, as its
reliance on that reservation was inoperative, it would be superfluous in
consequence to examine its contentions regarding the sense of the reser-
vation.

7. 1now come to the question of the interpretation of the reservation.
The basicelements of this interpretation wereput forward in the Memorial
and oral arguments of 1978,and not necessarilyin the hecticatmosphereof
the crisis which occurred in the summer of 1976,when the Applicant'sdu requérants'estportéesur leséléments propres àjustifier l'indication de
mesures conservatoires.
8. Pour éclaircirtout de suite l'historique de la réserveformuléepar la
Grèceen adhérant à l'Actegénéral en1931,il faut rappeler que la Grèce,
deux ans auparavant, en 1929,avait adhéré,avec une réserve, àla clause
facultative de juridiction obligatoire de la Cour, conformément à l'ar-
ticle 36, paragraphe 2, du Statut.
Cette réservede 1929enlevait à la compétencede la Cour deux caté-
gories de différends:

(a) les différends ayant trait au statut territorial de la Grèce, y
compris ceux relatifs àsesdroits de souverainetésursesports et
ses voies de communication, et
b) les différendsayant directement ou indirectement trait à l'appli-
cation des traités ou conventions acceptéspar elle et prévoyant
une autre procédure )).

Cette réservede 1929 a étéformulée à la suite d'une suggestion du
professeur N. Politis, visantàprotégerla Grècecontre les revendications
bulgares sur la Thrace et relativement aux minoritésbulgarophones. Dans
cesconditions, la Grèceformula une réserve autonomerelative àsonstatut
territorial, en comprenant dans celle-ci les droits de souveraineté sur ses

ports et ses voies de communication.
La Grèce visait ainsi à exclure de la compétence de la Cour tous les
différendsayant trait au statut territorial,en ayant pleine conscience que
l'article 36,paragraphe 2, du Statut concerneles différendsjuridiquedans
lesquelssetrouveimpliqué1'Etatqui acceptelajuridiction obligatoire dela
Cour.
9. Tout àfait différenteest la formule employéedans la réserve insérée
dans l'instrument d'adhésionde la Grèce àl'Acte général,en 1931.

Cette réserve,formulée conformément à l'article 39, paragraphe 1, de
l'Acte généralc ,omprend deux parties, comme suit:
a) parla partie a),de caractère temporel, sont exclusles différendsnésde
faits antérieursà l'adhésion (catégorie correspondant à l'alinéaa) de
l'article 39, paragraphe 2, de l'Acte général);

b) par la partie b) la Grèce entend exclure de la compétence de la
Cour
(<les différendsportant sur des questions que le droit international
laisseà la compétenceexclusive des Etats et, notamment, les diffé-
rends ayant trait au statut territorial de la Grèce, y compris ceux
relatifsà ses droits de souveraineté sur ses ports et ses voies de

communication )).
10. Quel est lesens de la réserveb)?Plus spécialement exclut-ellede la
compétencede la Cour le présent différend,qui se rapporte à la délimi-main attention was devoted to the factors tending tojustify the indication

of measures of protection.
8. By way of immediate clarification of the history of the reservation
formulated by Greece whenit acceded to the General Act in 1931, it should
be recalled that twoyears previously, in 1929,Greece acceded, subject to a
reservation, to the optional clause for compulsory jurisdiction of the
Court, under Article 36, paragraph 2, of the Statute.
This 1929reservation removed from thejurisdiction of the Court two
categories of disputes:

"(a) disputes relating to the territorial status of Greece, including
disputes relating to its rights of sovereignty over its ports and
lines of communication;
(b) disputes relating directly or indirectly to the application of trea-
ties or conventions accepted by Greece and providing for an-
other procedure."

This 1929reservation was formulated following a suggestion by Profes-
sor N. Politis, made with a view to protecting Greece against claims by
Bulgaria over Thrace and in relation to Bulgarian-speaking minorities. In
these circumstances, Greece formulated an independent reservation con-
cerning its territorial status, and included in that reservation rights of
sovereignty over its ports and lines of communication.
Greece thus sought to exclude from the jurisdiction of the Court al1
disputes relating to its territorial statbeing fully aware that Article 36,
paragraph 2, of the Statute relates to legal disputes involving the State
accepting the compulsoryjurisdiction of the Court.

9. The form of words used in the reservation inserted in the 1931

instrument of accession by Greece to the General Act is entirely differ-
ent.
This reservation, which was formulated pursuant to Article 39, para-
graph 1,of the General Act, was made up of two parts, namely:
(a) by part (a), which relates to the time element, those disputes are
excluded which result from facts prior to the accession-a category
corresponding to subparagraph (a)of paragraph 2of Article 39 of the

General Act;
(b) by part (b),Greece'sintention was to exclude from the jurisdiction of
the Court
"disputes concerning questions which by international law are solely
within the domestic jurisdiction of States, and in particular disputes
relating to the territorial status of Greece,includingdisputes relating

to its rights of sovereignty over its ports and lines of communica-
tion".
10. What is the meaning of reservation (b)?More particularly, does it
exclude from the Court's jurisdiction the present dispute, which concemstation du plateau continental de la mer Egée ?La réponsedoit êtrenette-
ment négative,pour les raisons suivantes.

Le sens littéralde la réserve

11. Comme il ressort clairement, mêmed'une première lecture du texte
de la réserve,celle-ciexclutdelacompétencedelaCourune seulecatégorie
de différends:ceuxquiportent surdesquestions que ledroitinternational
laisseà la compétenceexclusive des Etats. La réserveextrait de ce même

ensemble, et cite à titre particulier, les différends ayant trait au statut
territorial de la Grècequi appartiendraient en mêmetemps au groupe des
différendsque le droit international laissà la compétenceexclusivedes
Etats n.
Ainsi, la réserven'apas exclu deux catégoriesde différends.Ceseraitle
cas si son texte était libellécomme suit:

a) lesdifférendsque ledroitinternational laisse à lacompétenceexclusive
des Etats, et
b) les différendsayant trait au statut territorial.

Mais le texte ne mentionne qu'une seule catégorie, à savoir les différends
que le droit international laisseà la compétenceexclusive des Etats et,

parmi eux, il cite<<notamment ))les différendsayant trait au statut terri-
torial.
La rédaction ne laisse aucun doute sur ce sens de la réserve. Lemot
<(notamment )) signifie,d'après touteslessources littéraires,qu'onconsi-
dèrenécessairede citer plusparticulièrement unpoint spéciald'unenotion
dont on a déjàparlé.On a mentionné le <(genre O, l'ensemble, et on se

réfèreplus spécialement à une partie,àune parcelle de cet ensemble. C'est
comme si le texte de la réservedisait: c<'exclus lesdifférendsque le droit
international laisseà la compétenceexclusive,maisje crois nécessairede
citer, dans cette catégorieprisecommeun ensemble, lesdifférendsayant
trait au statut territorial.
12. Le mot grec, employédans le texte grec, est le mot ~i8i~hrcpov. En

grec, le mot E~~IK&T€~OVsignifie (plus spécialement )>et c'est un adverbe
comparatif, dérivédu mot ciSos:

&os = espèce
C~S~KOS = spécial(adjectif)
€~&K&~€~OS = plus spécial (adjectifcomparatif)
c~Ô~KWS = spécialement(adverbe)
€~~~KC$T€~OV = plus spécialement ou notamment (adverbe compara-
tif).

(Notamment a et<(et notamment>>ont exactementle mêmesens,la conjonction
« et»n'ayantd'autresignificationque la liaisondu genre avec I'espèce.

78the delimitation of thecontinental shelf of the Aegean Sea?The answer to
this question must be a clear negative, for the reasons given below.

The Literal Meaning of the Reservation

11. As is clearly apparent even on an initial reading of the text of the
reservation, it excludesfrom the Court'sjurisdiction one singlecategory of
disputes, namely those which by international law are solely within the
domestic jurisdiction of the States. The reservation singles out for par-
ticular mention, from within this whole category,disputes relating to the
territorial status of Greece which at the same time belong to the group of
"disputes concerning questions which by international law are solely

within the domestic jurisdiction of States".
Thus the reservation did not exclude two categories of dispute. That
would be the case if its text had been drawn up as follows:
(a) disputes concerning questions which by international law are solely

within the domestic jurisdiction of States, and
(b) disputes relating to territorial status.
But the text mentions only one category, that is to Saydisputes concerning
questions which by international law are solely within the domesticjuris-

diction of States, and, among these, the reservation mentions "in particular
[notamment]" disputes relating to territorial status.
The drafting is such as to leave no doubt as to the meaning of the
reservation. The French word "notamment" signifies, according to al1
literary sources, that it is thought necessary to mention moreparticularly a
special element of a concept already mentioned. The "genus" as a whole
had been mentioned, and a part or parce1of that wholeis mentioned more
particularly. It is as if the text of the reservation read: "1exclude disputes

whichbyinternational laware solelywithin the domesticjurisdiction, but 1
think it necessary to mention, within this category taken as a whole,
'disputes relating to territorial status'."
12. The Greek word, which is used in the Greek text, is the word
ciSl~Wrcpov.In Greek, ~iS~~6rcpov signifies "more particularly", and it is
a comparative adverb, derived from the word OS:

cjSos = species
ciS1~Os = special (adjective)
€~~~K&T€Pos = more special (comparative adjective)
CEÔIKWS = specially (adverb)

ciS~~6rcpov = more specially or more particularly (comparative ad-
verb).

1Notumment and et notumment have exactly the sarne meaning, the conjunction et
having no other significance than linking the genus to the species.

78 Ainsi, commeje l'aidit, le groupedes ((différendsayant trait au statut
territorialO,excluparla réserveb),n'estpaslatotalitédesdifférendsayant
trait au statut territorial, mais seulement une partie de cette totalitéà
savoir <<les différends ayant trait au statut territorial que le droit inter-

national laisseà la compétenceexclusivedes Etats ))S'ils'agitd'un diffé-
rend ayant trait au statut territorial, mais qui n'est pas laissépar le droit
international à la compétenceexclusive des Etats, ce différendn'est pas
exclude lacompétencedelaCour, etc'estexactement lecaspour leplateau
continental, dont le statut n'est pas une question laisséepar le droit
international à la compétenceexclusivedes Etats, mais une question régie
par le droit international.
Ainsi, ledifférendqui a traià la délimitationdu plateau continental de
lamer Egée,étantun différendque ledroitinternational n'a paslaissé à la
compétenceexclusivede la Grèce,n'estpas exclu,envertu de la réserveb),
de la compétencede la Cour.

La Grèce n'avait pasl'intention d'exclureles différends
ayant trait auplateau continental

13. La Grèce, enformulant la réserveb) n'avait point l'intention d'ex-
clure ledifférendayant trait à la délimitationdu plateau continental de la
mer Egée.La vraie intention de la Grèce en l'espèce estsuffisamment
éclairéepar la lettre de M. Politis, qui a suggérélelibede la réservepour
exclure de lacompétencede la Cour lesdifférendsquipourraient découler
des revendicationsextraconventionnelles dela Bulgarievisant àobtenir un
passage à travers le territoire de la Thrace.
Cette intention de la Grèce de se protéger contre les revendications

bulgares, à la fois territoriales et non territoriales, étaitamplementjusti-
fiée, parceque la Bulgarie avait nettement fait savoir qu'elle prétendait
renverser les arrangements territoriaux et politiques cristalliséspar les
traitésde paix. Aux yeux de la Grèce, il y avait donc danger de voir ces
revendications de nature politique entrer dans lecadre des mécanismesde
l'Actegénéralp ,uisquecedernier, endehors de laprocédurejudiciaire qui,
elle, vise les différends juridiques, comprend aussi des procédures de
conciliation et d'arbitrage, susceptibles d'aboutirdes solutions ex aequo
et bono,pour des questions de nature politique, comme celles que soule-
vaient lesprétentionsde la Bulgarie.Il étaitdonc nécessairepour la Grèce
de chercher à se prémunir contre une éventuelle remiseen cause de son

statut territorial, fixépar les traités.Mais le Gouvernement d'Athènesn'a
pas voulu réserverla totalité desdifférendsayant trait au statut territorial
(et cela pour contribuer à l'atmosphère d'apaisement de l'époque et à
l'application généraledansla mesure du possible du règlementpacifique
des différends); il s'est bornéà réserver ceuxque le droit international
laisseà la compétence exclusive. A cette catégorie plus étroite apparte-
naient les différends pouvant naître desrevendications de la Bulgarie, qui
avaient un caractèrerévisionniste quantaux traités envigueur. AEGEAN SEA (DISS.OP.STASSINOPOULOS) 78

Thus, as 1 have observed, the group comprising "disputes relating to
territorial status", excluded by reservation (b), is not the totality of al1
disputes relating to territorial status, but only a part of that totality,
namely "the disputes relating to territorial status which by international
law are solely within the domestic jurisdiction of States". If what is in
question is a dispute which relates to territorial status,but which is not by
international law solely within the domestic jurisdiction of States, such
dispute is not excluded from the jurisdiction of the Court, and that is

exactly the case of the continental shelf, the status of which is not a
question which by international law is solelywithin the domesticjurisdic-
tion of States, but is a question governed by international law.
Thus the dispute relating to the delimitation of the Aegean Sea conti-
nental shelf,beinga dispute whichby international lawisnot solelywithin
the domesticjurisdiction of Greece, isnotexcludedby virtue of reservation
(b) from the jurisdiction of the Court.

GreeceDid not Intend to Exclude Disputes concerningthe
Continental Shelf

13. Greece, when formulating reservation (b),did not intend to exclude
the dispute concerning the delimitation of the Aegean Sea continental
shelf. The real intention of Greece in this particular case is made suffi-
ciently clear by the letter from Mr. Politis, who suggested the wording of
the reservation, in order to exclude from the jurisdiction of the Court

disputes which rnight arise out of Bulgaria's claims to transit across the
territory of Thrace, which went beyond the treaty provisions.
This intention of Greece to protect itself against Bulgarian demands,
both territorial and non-territorial, was amplyjustified, sinceBulgaria had
clearly indicated that it sought to upset the territorial and political arran-
gements crystallized in the peace treaties. From Greece7spoint of view,
there was thus a danger that it might find these demands, of a political
nature, covered by the procedures of the General Act, since that Act
included, in addition to judicial procedures designed for legal disputes,
procedures for conciliation and arbitration capable of leading to settle-
ments ex aequo et bonofor questions of a political nature, like those raised
by the claims of Bulgaria.Greecethereforehad totakeprecautions against
any challenging of its territorial status as laid down in the treaties. But the
Athens Government (in order to contribute towards the atmosphere of
appeasement prevailing at the time and to the generalized application, as
far as possible, of the peaceful settlement of disputes) did not think fit to

make a reservation of al1disputes concerning territorial status; it merely
reserved those disputes which by international law are solely within
domestic jurisdiction. This narrower category included disputes which
might arise out of Bulgaria'sdemands, which were revisionist innature in
relation to the treaties inforce. 79 MER ÉGÉE (OP.DISS.STASSINOPOULOS)

Dans ces conditions, les questions relatives au statut territorial de la
Grèce, tel que définipar les traités, n'entrent pasdans la réserve à l'Acte
généralC . e qui entre dans cette réserve,sont les revendicationspolitiques
tendant à renverser les engagements pris.

La notion de «statut territorial» ne comprend pas lestatut du plateau
continental et, moins encore,la délimitation duplateau continental

14. La notion de statut territorial ne comprend pas le statutdu plateau

continental. En effet, le plateau continental se trouve au-dessous de la
haute mer, qui est une mer libre; lesdroits souverains spécifiquesde 1'Etat
riverain (droit d'exploration et d'exploitation sur le sol et le sous-sol de la
mer) ont un caractère économique et,en tout cas, ne sont pas de nature à
placer leplateau continental dans leterritoire de1'Etat.Des activitésautres
que la recherche et l'exploitation du plateau continental ne sont pas
interdites aux Etats tiers qui peuvent l'utiliser même desfins militaires !
Sidonc n'importe quel Etat tiers peut poser des armesetemployer lelit de
la haute mer à des fins militaires, comment pourrait-on parler de <<terri-

toire))ou d'(<extension territoriale ))de l'Etat riverain?
Le <<statut du plateau continental ne saurait par suite êtreconsidéré
comme rentrant dans la notion du (statut territorial de17Etato.

Distinction entre«statut » et «délimitationu

15. En tout état de cause, dans le différend soumis à la Cour par la
requêtedu Gouvernement grec,ilne s'agitpas du <<statut territoria))de la
Grèce,maisde ladélimitationdu plateau continental. Dans lecas mêmeoù
le statut du plateau continental serait considéré comme comprisdans le

<<statut territoria))(cequeje n'admets pas), larequêtegrecque serapporte
non au statut mais à la délimitation du plateau continental. Or, il y a le
statut d'une part, la délimitation de l'autre. Le statut est la situation
juridique, la condition juridique, l'ensembledesrèglesqui déterminentune
situation juridique, alors que la délimitation concerne simplement l'appli-
cation correcte decesrèglesdu droitinternational pour tracer leslimitesdu
plateau continental.
Cette question de délimitation ne saurait donc en aucune façon être
considérée commeenglobéedans une question tout àfait différente,celle

de la détermination du statut juridique du plateau continental.

La réserve doitêtreinterprétée defaçon restrictive

16. Enfin, on doit ,ajouterun argument de nature générale, enfaveurde
cette interprétation. Cet argument est tirédu principe, dégagéindirecte-
ment de lajurisprudence de cette Cour, selon lequel les réservesdoivent That being so, questions relating to the territorial status of Greece, as
defined by the treaties, do not fa11within the reservation made to the
General Act. What do fa11within that reservation are political demands
tending to overturn existing commitments.

The Concept of "Territorial Status" Does not Znclude the Status of the
Continental Shelf, Still Less the Delimitation of the Continental Shelf

14. The concept of territorial status does not include the status of the
continental shelf.Thecontinental shelf liesbelow the high seas,which are
free; and the specific sovereign rights of the coastal State (the right to
explore and exploit theseabed and the subsoil thereof) are of an econornic
character and,in anycase,arenot such as to situate thecontinental shelfin
the territory of the State. Third States are not forbidden to engage in
activities other than the exploration and exploitation of the continental
shelf: they can even use it for military purposes! If, therefore, any third
State whatever can deploy weapons and use the bed of the high seas for
military purposes, how can one speak of "territory" or of "territorial
extension" of the coastal State?
The "status" of the continental shelf could not therefore be considered

as falling within the concept of the "territorial status of the State".

Distinction Between "Status" and "Delimitation"

15. In any case, the dispute submitted to the Court by the Greek
Government's Application does not concern the "territorial status" of

Greece, but the delimitation of the continental shelf. Even if the status of
the continental shelfwere considered to be included in "territorial status"
(which 1 do not concede), the Greek Application still concerns not the
status but the delimitation of the continental shelf. Status is one thing,
delimitation another. Status is the legal situation, the legal condition, the
whole set of rules defining a legal situation, whereas delimitation merely
concernsthecorrectapplication of those rulesof international lawin order
to draw the boundaries of the continental shelf.

Therefore this question of delimitation cannot in any way be regarded
as included in something which is quite a different question, that of the
determination of the legal status of the continental shelf.

The ReservationMust Be Interpreted Restrictively

16. A final argument of a general nature should be added in favour of
this interpretation. It isanargument derived from theprinciple, whichmay
indirectly be deduced from the case-law of this Court, that reservationsêtreinterprétéesd'une façon stricte et non pas prises au sens large. Cette
interprétation restrictive s'impose:

a) parceque lesréservesconstituent desexceptions à une règlegénéralee,t
que toutes les exceptions, restrictions et limitations d'une règlesont,

d'après un principegénéraldu droit, toujours interprétéesd'une façon
restrictive, et
6) parce que toute réserve constitueune exception à la règlegénérale du
règlementpacifique desdifférendsadoptéepar l'Actegénéral, eq tu'une
interprétationlargeet extensive dela réserves'effectueraitaudétriment
de le règlegénéraledu règlement pacifique des différends.

La réservea étééliminée après lecommuniquéde Bruxelles

17. Enfin, en tout étatde cause,la réserve grecquea étééliminée par le
communiqué conjoint de Bruxelles du 31 mai 1975, comme je l'ai déjà
indiquéplus haut.
Sur le caractère de ce communiqué,qui constitue un accord internatio-
nal générateurde droits et d'obligations internationales, je me propose de
revenir plus loin. Mais je dois tout de suite exprimer mon opinion selon
laquelle à partir du 31 mai 1975,date de l'accord consacrépar lecommu-
niquéconjoint des deuxpremiers ministres, la réservegrecquede 1931a été
éliminée;on ne peut donc plus parler de son interprétation. Commeje l'a?

déjàdit, il n'est pas juridiquement possible que le Gouvernement turc
invoque devant cetteCour une réservequi, avecleconsentement explicite
et délibéré de la Turquie, est éliminéedepuis le 31 mai 1975quant à la
présente affaire.
18. Dans ces conditions, j'ai la plus grande difficultà suivre le raison-
nement de la Cour dans l'interprétationqu'elledonne àla réservegrecque.
Elle écartele sens grammatical clair du texte français. Après quoi, pour
dire que les mots << et, notamment, ))ne désignent pas une espèce d'une
catégoriepluslarge,laCour retient unephrase du textegrecdel'exposédes
motifs du projet de loi introduit devant le Parlement hellénique,puis elle

en vient immédiatementau textefrançais, sans tenir compte du texte grec
de laloi d'approbation elle-même,textequi doit êtrepris en considération
en tout premier lieu et dans lequel figure le mot C~~IK~TC~OV, mot qui
signifie sans ambages ((plus spécialement D, et cela, dans tous les cas,
mêmes'il est placéentre deux virgules.

19. D'ailleurs, dans la réserve grecque,le(<statut territoria))neparaît
pas seulement comme un exemple d'une question portant sur la compé-
tence exclusive mais il implique la volonté ferme de la Grèce de faire
échapper aux procéduresde l'Acte généralce qui pourrait tendre à une

revision de son statut territorial.
En outre, en ce qui concerne les réalitéshistoriques de la péninsulemust be interpreted strictly, and not read broadly. Such a restrictive
in'terpretation is required:

(a) because reservations are exceptions to a general rule, and al1excep-
tions, restrictions and limitations of a rule are, as ageneral principle of
law, always interpreted restrictively;

(b) because every reservation constitutes an exception to the general rule
of peaceful settlement of disputes adopted by the General Act, and a
broad and extensiveinterpretation of the reservation would operate to
the detriment of the general rule of peaceful settlement of disputes.

The Reservation Hus Ceasedto Operate Since the Brussels
Communiqué

17. Finally, and in any event, the Greek reservation has been neutra-
lized by the Joint Communiqué of Brussels of 31 May 1975, as 1 have
already indicated above.
1shall have more to Sayas to the character of this Communiqué,which
constitutes an international agreement giving rise to international rights
and obligations. 1 must at once, however, express my view that from
31 May 1975onwards, that is fromthe date of the agreement enshrined in
the Joint Communiqué of the two Prime Ministers, the Greek reservation
of 193 1has ceased to operate; its interpretation, therefore, has become a
moot issue. As 1 have already stated, it is not legally possible for the
Turkish Government to relybefore this Courton a reservation which,with
the express and deliberateconsent of Turkey,has been elirninated sofar as
the present case is concerned since 31 May 1975.
18. In these circumstances 1have the greatest difficulty in following the
Court's reasoning in the interpretation which it gives to the Greek reser-
vation. It sets aside the clear grammatical meaning of the French text.

Subsequently, in support of its viewthat the words "et,notamment, "do not
designate a species within a broader category, the Court picks out a
sentence from the Greek text of the exposé desmotifs of the bill submitted
to the Greek Parliament and then immediately refers to the French text,
without taking into account the Greek text of the actual law approving the
accession, a textwhch must be taken into consideration in the veryfirst
place and includes the word €~~~K~T€POV; this quite unequivocally
means "more specially" in al1 cases, even if it is placed between two
commas.
19. Moreover, in the Greek reservation "territorial status" does not
appear merelyasan example of aquestionrelatingtodomesticjurisdiction
but implies the firm intention of Greeceto excludefrom theprocedures of
the General Act anything which might tend to a revision of its territorial
status.
Furthermore, sofar asthe historical realities of the Balkan peninsula arebalkanique, les circonstances dans lesquelles la Grèce a adhéré à l'ar-
ticle 36, paragraphe 2, du Statut, n'étaientpas les mêmesque celles qui
l'ont conduite à adhérer à l'Acte général. Commel'agent de la Grèce l'a
signalé,lebaromètre politique de la régionchangeaitpar trop rapidement
pour qu'on puisse dire que 1929et 1931c'est la mêmechose.
20. Quant à l'argument selon lequel la Grècea renouveléen 1934et en
1939sa réservede 1929,sans la modifier, cela ne prouve absolument rien

par rapport aux raisonsquil'ont déterminée à formuler la réserve àl'Acte
général etle texte clair de cette réserve.
21. Enfin,pour en terminer avec les questions soulevéesrelativement à
cette réserve,je dois signaler que le concept d'(<unité territoriale et poli-
tique de la Grèce ))invoquédans la requêtesignifie qu'on ne saurait en
aucune façon traiter différemmentla partie continentale et la partie insu-
laire de la Grèce.

22. Lecommuniquéconjoint de Bruxellesdu 31mai 1975,loin d'êtreun
simple H communiqué de presse )),comme la Turquie le prétend dans sa
lettre du 10octrobre 1978, constitue un accord international verbal (et

constaté par écrit),intervenuentre leschefs desdeuxgouvernements dans
la rencontre au sommet aui a eu lieu à Bruxelles.
Les deux premiersministresdéclarentd'une manièretrèsnette, dans ce
communiqué,qu'ils <(ont décidé que lesproblèmesduplateaucontinen-
tal <doivent êtrerésoluspar la Cour internationale de Justice o.
D'abord, l'expression <<ont décidé )>signifie qu'il s'agitd'une décision
déjàprisepar la fusion des deuxvolontéset nonpas d'une simpleintention
de procéder à un accord dans l'avenir. Il s'agit donc d'une déclaration de

volontépleine et entière, génératriced'obligations internationales et qui,
en outre, n'est soumise à aucune condition.
Ensuite, le verbe (doivent [au présent] êtrerésolus ))signifie que la
compétencede la Courreconnuepar cecommuniquéestconsidérée par les
deux parties comme existant dès le moment de la publication du commu-
niqué et non pas dans l'avenir. Les deux parties n'ont pas dit que les
différends (<devront ou ((devraient êtrerésoluspar la Cour ));elles ont

dit <doivent êtrerésoluspar la Cour )).C'estune affirmation manifestant
une décisiondéjàprise et une compétencedéjàcrééeQ . uipourraitjamais
déformerles mots <<ont décidé et (<doivent )),et leur faire dire que la
décisionn'est pas encore prise, que les différendsne doivent pas encore
êtresoumis àla Cour, et que tout cela n'est qu'une perspective à réaliser
dans l'avenir ?

Cette efficacitédu communiquéconjoint n'est point affectéepar le fait
que la Turquie a manifestéde la réticence à se conformer à ce qui a été
conclu à Bruxelles, admettant toutefois que la soumission du présent AEGEAN SEA (DISS.OP. STASSINOPOULOS) 81
concerned, the circumstances in which Greece acceded to Article 36,
paragraph 2,of the Statute werenot the same as those which induced it to
accede to the General Act. As the Agent of Greece pointed out, the
political barometer of thegion used to change far too rapidly for it to be
possible to say that the position in 1931was the same as in 1929.

20. The argument that Greece renewed its 1929reservation in 1934and
1939 without amending it proves absolutely nothing compared with the
reasons which caused it to formulate the reservation to the General Act
and the clear text of that reservation.
21. Lastly, toconclude consideration of the questions raisedwithregard
to this reservation, 1 must point out that the concept "territorial and
political unity of Greece" relied upon in the Applicationns that the
mainland and insular portions of Greece may in no waybe treated differ-
ently.

DOES THE COMMUNIQU ÉF 31 MAY1975 CONFER JURISDICTION
ON THE COURT TO ENTERTAIN THE PRESENT DISPUTE?

22. TheJoint Communiquéissuedin Brusselson 31 May 1975,far from
being a mere "press release", as Turkey claimed in itser of 10October
1978, constitutes an oral international agreement (recorded in writing)
reached between theHeads of the twoGovernments at the summit meeting
which took place in Brussels.
In this Communiquéthe two Prime Ministers declare very clearly that
they "decided" that the problems of the continental shelf "should be
resolved by the International Court of Justice".
First of all, the expression "decided" means that a decision had already
been arrived atby themerging of the twowills,andnot merely an intention
to reach an agreement in thefuture. The expression is therefore a full and

complete declaration of intention, which gives rise to international obli-
gations and which is not, moreover, made subject to any condition.
The verb "doivent [in the present tense] êtrerésolus"means that the
jurisdiction of the Court recognizedby this Communiquéis considered by
the two parties to exist from the moment at which the Communiqué was
published, and not from somepoint in the future.The two parties did not
say that the disputesdevront [willhave to]" or "devraient [ought to] être
résolusparla Cour"; they said "doiventêtrésolusparla Cour".This is an
affirmation demonstrative of adecision already taken, and ajurisdiction
already conferred. How could the words "ont décidé[decided, or have
decided]" and "doivent[should, or areto bel" bedistorted to mean that the
decision has not yet been taken and that the disputes should not yet be

submitted totheCourt,or that al1this ismerely aprospect to be realizedin
the future?
This efficacy of the Joint Communiquéis not affected by the fact that
Turkey has shown reluctance to conform to the agreement concluded in
Brussels, admitting, nevertheless, that the submission of the present 82 MER ÉGÉE (OP.DISS.STASSINOPOULOS)

différend àlaCour aété décidée <(enprincipe et qu'il nerestait qu'à fixer,
par des négociations, les (modalités )) de cette soumission.

Un accord verbal peut créerdesengagements internationaux; la Cour a
eu déjàl'occasion de confirmer le non-formalisme en matière d'engage-
ments internationaux et le caractère conforme au droit international des
accords verbaux.
23. La Turquie elle-mêmea eu pleine conscience de la signification de
l'accord concluentre les deux premiers ministres à Bruxelles. Le premier

ministre turc, M. Souleiman Demirel, dans sa lettre adresséeau premier
ministre grec, M. C.Caramanlis (annexée à la lettre turque du 10octo-
bre 1978),souligneque <(laTurquie estdisposéeetmêmerésolu eadhérer
à l'accord de Bruxelles au pied de la lettre )) (<Turkey is willing and
determined to adhere to the Brussels Agreement to the letter D). Il s'agit
d'unautre accord portant surChypre, mais sil'onprend <(àlalettre )>cette

déclaration,on peut déduire a) que laTurquie considèrede tellesdécisions
commedesaccords internationaux, et b)qv'elleseconsidèreliéepar elles,
et réaffirmesa volontéde rester fidèle à l'exécutionde ce qui a été décidé,
exécutionfidèleet <(au pied de la lettre))Quelleest donc ((la lettr1)de la
décisionde Bruxelles du 31mai 1975 ? Elle se trouve dans le texte du
communiqué: (<Ils ont décidéque ces problèmes doivent êtrerésolus

pacifiquement par la voie desnégociations et concernant le plateau conti-
nental de la mer Egéepar la Cour internationale de La Haye.
Je conclus que lecommuniqué conjointpossède pleine valeurdetitrede
compétence de la Cour, en vertu de l'article 36, paragraphe 1, de son
Statut.

24. Si l'on éprouvait un doute sur la compétence de la Cour,je me
permets de soutenir qu'encas de doute l'on devraittrancher enfaveur dela
compétence.

En effet, dans tous lesdomaines du droit existent desprincipesgénéraux
destinés à faciliter la mission du juge, lequel hésite souvent entre deux
solutions qui lui paraissent également plausibles. Cesprincipes intervien-
nent alors pour aider lejuge à résoudredesproblèmesdifficileset épineux
auxquels il ne peut parfois pas trouver de solution. Sans ces principes
généraux dudroit, beaucoup de lois et bien des institutions, dans leur

totalité, perdraient une grande partie de leur valeur. Mais, grâce à ces
principes, <<le juge peut maîtriser la loi )),selon l'expression des auteurs
français, et ériger les textes,souvent modestes et sans âme, en idées
directrices et animatrices de la vie sociale.
Ce rôle des principes généraux estbeaucoup plus important dans les
domaines du droit quisont caractérisés par l'absenced'unsystèmestable et

rigide de règles - comme c'est lecas pour le droit international.
Donc, dans le droit public interne où, au contraire du droit civil, il AEGEAN SEA (DISS.OP.STASSINOPOULOS) 82

dispute to the Court had been decided "in principle" and that al1that
remained wasfor the "terms" for the submission tobe determined through
negotiations.
An oral agreement can give rise to international commitments; the
Court has already had occasion to confirm the lack of strict forma1 re-
quirements for international commitments and the consistency of oral
agreements with international law.
23. Turkey itself was fully aware of the significance of the agreement
concluded between the two Prime Ministers in Brussels. The Turkish
PrimeMinister,Mr. Suleiman Demirel, in hisletter addressed to theGreek

Prime Minister, Mr. C. Karamanlis (annexed to the Turkish letter of 10
October 1978),stressesthat "Turkey iswillingand determined to adhere to
the Brussels Agreement to the letter". The agreement in question was
another one, concerning Cyprus, but from "the letter" of this statement
one may infer (a) that Turkey considers such decisions tobe international
agreements, and (b)that itconsiders itself bound by them and reaffirms its
willto remainfaithful to theimplementation ofwhat wasdecided-faithful
implementation "to the letter". What is, then, "the letter" of the decision
taken in Brussels on 31 May 1975? It is to be found in the text of the
Communiqué: "They decided that those problems should be resolved
peacefully by means of negotiations and asregardsthecontinental shelf of
the Aegean Sea by the International Court at The Hague."

1 conclude that the Joint Communiqué is fully valid as a source of

jurisdiction of the Court in pursuance of Article 36, paragraph 1, of its
Statute.

24. If any doubt werefelt asto thejurisdiction of the Court, 1venture to
subrnit that, in the event of such a doubt, the decision should be taken in
favour of jurisdiction.
In al1fields of law there are general principles designed to facilitate the
work of thejudge, who is often reluctant to choose between two solutions
which seemto him tobeequally plausible. These principles then come into
play to help the judge to settle difficult and thorny problems to which he
sometimes cannot find a solution.Without these general principles, many
lawsand many institutions, in their totality, would losealarge part of their
value. But, thanks to these principles,"lejugepeut maîtriser la loi"in the
words of the French writers, and a court may thus convert texts which are

often modest and spiritlessinto ideascapable of moulding and stimulating
the life of a society.
This role played by general principles is much more important in those
fields of law whch are characterized by the absence of a stable and rigid
system of rules, as is the case with international law.
Thus, in constitutional law, unlike civil law, there being no "code" of83 MER ÉGÉE (OP. DISS. STASSINOPOULOS)

n'existepasnonplus un code ))derègles,lasourceoriginale desprincipes
généraux setrouve dans l'idéede la libertéetde la démocratieet,au-delà,
dans laDéclaration desdroits del'homme.Ondit indubio,pro libertate:en
casdedoute, on doitopterpourlasolutionquiserait laplus libérale,laplus
favorable à la liberté démocratique.
En droit international, et notamment dans le domaine de la justice
internationale, la sourcedesprincipes généraux doit êtrecherchéedans les

idéesdirectricesqui ont entraînéla créationdes grands organismes inter-
nationaux afin d'assurer la paix par le règlementpacifique des différends
internationaux. En cas de doute, lejuge international doit, à mon avis,
pencherpour l'étendue laplus générale de sa compétenceet l'efficacitéde
sa mission. Après les deux guerres mondiales, un appel suprême a été
adresséaux peuples civilisés,afin qu'ils se conforment a des règlessupé-
rieurespour assurerla solutionpacifique de leurs divergences.Plus géné-
rales seraient ces règles,plus efficace serait cet appel universel.
Je mepermetsdoncd'émettrel'idéequela Couraccomplirait une Œuvre
historique si,encasde doute sursacompétence(enl'espècesurlesensdela

réserve grecque),elle se laissait guider par ce principe fondamental de la
généralité de cette compétence, laquelle contribue au maintien de la
paix.

(Signé)Michel STASSINOPOULOS. AEGEAN SEA (DISS.OP. STASSINOPOULOS) 83

rules, the original source of general principles is to be found in the idea of
freedom and democracy and, beyond that,in the Universal Declaration of
Human Rights. In dubio, pro libertate,as the saying goes: in the event of
doubt, the most liberal solution, that which is most conducive to demo-

cratic freedom, must be chosen.
In international law,and particularly in the fieldofinternational justice,
the source of general principles must be sought in the dominant ideas
which have led to the establishment of the major international bodies for
the purpose of securing peace and the peaceful settlement of international
disputes. In case of doubt, an international court must, in my opinion,
incline towards the broader scope of itsjurisdiction, and the effectiveness
ofits mission.After twoworld wars,asupreme appeal wasaddressed to the
civilizednations, calling upon them to conform to higher rules with a view
to securing the peaceful settlement of their differences. The broader those
rules, the more effective this universal appeal would be.
1therefore venture to put fonvard the idea that the Court would take a
step of historical importance if,in the caseof doubtas toitsjurisdiction (in

this case, with regard to the meaning of the Greek reservation), it allowed
itself to be guided by this basic principle of the universality of itsris-
diction, which contributes to the maintenance of peace.

(Signed) Michel STASSINOPOULOS.

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Opinion dissidente de M. Stassinopoulos

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