Opinion individuelle de M. Jiménez de Aréchaga (traduction)

Document Number
054-19720818-JUD-01-07-EN
Parent Document Number
054-19720818-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA

1. J'ai votépour le dispositif de l'arrêt et, d'une manière générale,

j'en accepte les motifs, mais je ne suis pas en mesure d'approuver l'une
des conclusions à laquelle la Cour est parvenue, à savoir qu'elle est
compétente pour statuer en appel sur la troisième décisionadoptéepar le
Conseil de I'OACI le 29juillet 1971,concernant la ((plainte1)soumise par
le Pakistan en vertu de I'article II, section 1, de l'Accord de transit.

Cette question n'ayant pas étédisjointe, j'ai votépour le dispositif de
l'arrêt, estimant que,dans la présenteaffaire, l'impossibilitéde faireappel
de la ((plainte ))n'étaitpas le principal problème à trancher. Je pense toute-
fois qu'il se pose une question d'interprétation des traités qui peut avoir
de l'importance pour l'avenir; c'est pourqoui je crois devoir joindre à

l'arrêtla présente opinion individuelle pour dire sur quels points je
m'écartedeladécision etdu raisonnement de la Cour, ce qui me permettra
en outre d'indiquer les raisons qui ont déterminémon vote sur l'ensemble
de l'affaire.

2. Dans deux sections bien distinctes, I'article 11 de l'Accord de
transit arrête une procédure pour le règlement des désaccords et une
autre pour l'examen des plaintes introduites par un Etat contractant qui

estime qu'une mesure prise par un autre Etat contractant constitue une
injustice à son égard ou porte préjudice à ses intérêts.Les désaccords
relatifs à l'interprétation ou à l'application de l'Accord de transit sont
soumis à la procédure prévue au chapitre XVIII de la Convention de
Chicago et sont par conséquent également régispar I'article 84 de cette
Convention qui prévoit un droit d'appel devant la Cour. En revanche, la

section 1de I'articleIIde l'Accord de transit ne mentionne ni directement
ni indirectement la possibilitéd'un appelàla Cour. Cette omission signifie
qu'il n'a pas été conféré compétence à la Cour pour connaître en appel
des plaintes envisagées à la section1 de I'article II.
3. Le fait que la Cour n'ait aucune juridiction d'appel à l'égard

des plaintes se conçoit, car un règlement judiciaire sur la base du droit
international relativement aux droits et obligations juridiques des parties
serait incompatible avec la nature mêmede la procédure de plainte
Cette procédure vise essentiellement des mesures prises par un autre Etat
contractantet qui, mêmeadoptéespar cet Etat dans l'exercicede sesdroits,
risquent d'êtreinjustes ou préjudiciables à l'égardd'une autre partie. II CONSEILDE L'OACI (OP. IND. JIMÉNEZDE ARÉCHAGA) 141

ne serait pas conforme à la logique du système niaux pouvoirs et fonc-
tions de la Cour ((dont la mission est de réulerconformément au droit
international 1les différends quilui sont soumis, que des recommanda-
tions et conclusions adresséespar le Conseil de I'OACI aux Etats inté-
resséssoient susceptibles d'appel. Ces recommandations et conclusions
n'ont pas à êtreexclusivement fondées sur les droits et obligations juri-
diques des parties mais peuvent tenir compte de considérations d'équité

et d'o~sArtunité.
4. L'interprétation qui vient d'êtredonnée des textes fondamentaux
prévoyant la compétencede la Cour est confirméepar le Règlement du
Conseil pour la solution des différends,adoptépar le Conseil de I'OACI.
La structure de cet instrument, dont la mise au point avec l'aide dejuris-
tes a pris plusieurs années d'études,est trèsrévélatrice. Il comporte trois

titres: 1.Désaccord; II. Plaintes et III. Dispositions générales.A l'arti-
cle premier, qui est I'article introductif,ilest expliquéque les titres 1 et
III s'appliquent aux désaccords relatifs à I'interprétation ou à I'applica-
tion de la Convention de Chicago et que les titres II en III s'appliquent
aux plaintes soumises en vertu de I'article II, section 1, de l'Accord de
transit.
L'article 18est la seule disposition du Règlement du Conseil qui pré-

voie un appel. Il figure au titre 1et n'est, par conséquent,pas applicable
aux plaintes, alors que les autres dispositions du titre 1 leur sont expres-
sémentétendues.L'article 18précise,au paragraphe 2, que (lesdécisions
rendues sur les affaires soumises en vertu des clauses a) et 6) de l'alinéa
1de I'article 1 peuvent faire l'objet d'un appel conformément à l'article
84 de la Convention ))Ainsi I'article premier indique, grâce à une omis-
sion délibéréeq , ue les décisions relatives aux plaintes ne peuvent pas

faire l'objet d'un appel conformément à I'article 84.Cet instrument doit
être considéré comme une interprétation mûrement réfléchiep ,ar le Con-
seil de I'OACI, de la Convention et de l'Accord de transit en ce qui
concerne la question des appels, interprétation qui ne saurait être traitée
à la légère.
5. Le Règlement du Conseil pour la solution des différends oblige
la partie qui saisit le Conseil d'une affaire à présenterune ((requête )au

titre de l'article 2 lorsqu'elle demande une décisionsur un désaccord
juridique en vertu de I'article 84 de la Convention de Chicago ou de
I'article II, section, de l'Accord de transit, et à soumettre une ((plainte ))
au titre de l'article 21 lorsqu'elle demande une recommandation en vertu
de l'article II, section 1, de l'Accord de transit. C'est ce qu'a fait le
Pakistan qui a présenté à la fois une ((requête » visant expressément
I'article2 du Règlement(il s'estprévaluainsi de l'article 84de la Conven-

tion de Chicago et de la section 2 de l'article II de l'Accord de transit) et
une c~plainte )yvisant expressément I'article 21 du Règlement (et donc
fondéesur la section 1de I'article II de l'Accord de transit).
Par conséquent ilsemble que, conformément aussi bien au Règlement
qu'à l'interprétation donnéepar 1'Etatrequérant, le critère de la distinc-
tion entre erequêtes ))et ((plaintes)soit celui-ci: une partie cherche-t-elleà obtenir une décisiondu Conseil sur un désaccord juridique envertu de

l'article II, section2, de l'Accord de transit, ou une recommandationen
vertu de l'articleII, section 1,du mêmeinstrument?
6. Cependant, selon l'arrêt dela Cour, il semblerait que la question
de savoir s'il existe un droit d'appel ne dépende pas de cecritère objectif
mais du caractère des griefs dont fait état la partie contractante. Il y
aurait une décision susceptible d'appelquand un Etat allègue la violation
de ses droits par une autre partie, mêmesi cet Etat a déposéune ((plainte ))

en invoquant l'article II, section 1;le seul cas où une action fondéesur la
section 1 ne pourrait donner lieu à appel serait celui où il ne serait pas
fait grief ((d'un acte illicite ni d'une prétendue violation des traités,
mais d'une mesure qui, tout en étant licite, entraîne un préjudice )).

On invoque à l'appui la considération que ((dans la mesure où les
allégations sur lesquelles se fonde une plainte sortent du cadre fixépar
la section 1et se rapportent, non pas à une mesure licite entraînant une

injustice ou un préjudice, mais à une mesure illicite impliquant violation
des Traités, cette plainte peut êtreassimilée à une requêtepour ce qui
concerne l'existenced'un droit d'appel devant la Cour » (par. 21).
7. Je ne trouve rien dans les termes de l'article II, section 1, qui
impose, ni même suggèrecette distinction. Rien, dans cette section,
n'interdit à une partie contractante victime d'une injustice ou d'un pré-
judice causépar des mesures illicites de déposer une ((plainte ». L'expé-

rience pratique de l'application de ce paragraphe de l'Accord detransit et
l'opinion des commentateurs se rejoignent pour établir que ((les faits
justifiant le dépôt d'uneplainte peuvent comprendre des questions rela-
tives à l'interprétation ou à l'application des accords))'; et de même
((une injustice ou un préjudice peuvent résulterde mesures prises par un
Etat contractant en violation des accords, mais ne se produisent pas
uniquement dans ce cas »2. Dans une telle hypothèse, lapartie lésép eeut

choisir entre le dépôt d'une plainte et l'introduction d'une requête,ou
bien ellepeut cumuler les deux procédures et déposer à la fois une requête
et une plainte, en invoquant les mêmesmotifs ou des motifs analogues.
Il peut y avoir des raisons impérieuses d'agirde la sorte :un Etat contrac-
tant peut souhaiter obtenir une recommandation qui apporte à un
problème urgent une solution rapide et en outre faire prononcer une
décisionobligatoire qui, à la suite d'une procédure plus longue, I'indem-

nisera d'un préjudice passé.
8. En l'espèce, le Pakistan a cumulé les deux procédures; tandis
que dans la (requête »il sollicitait une décisionaccordant une réparation
et des dommages-intérêtspour les pertes et préjudices subis à cause de la
suspension des survols, aucune demande semblable de dédommagement
monétaire ne figure dans la ((plainte ))qui tend seulement à obtenir des
conclusions et recommandations sur des niesures correctives pour I'ave-

'Buergenthal, Law Making in theCivil Aviation Organization, 1969p.159.
Ibid.,p.160.
100nir. Cela, me semble-t-il, suffit à conférer une identité distincte à chacun
de ces deux actes et a exclure la possibilitéde les assimiler, car ils peuvent
suivre des voies différentes à l'avenir, mêmesi les termes employés, les
violations des traités alléguéeset les autres chefs de demande coïncident.
9. Le fait qu'une partie puisse avoir choisi de présenter sous la forme

d'une plainte, en tout ou en partie, des réclamations qu'elle a déjà
présentéessous la forme d'une requêtene saurait modifier la situation
juridique.
Si une partie sollicite, pour des motifs identiques, à la fois une décision

du Conseil et une recommandation, elle suit simultanément deux chemins
distincts, mais elle ne saurait, par ce procédé, cumuler ou combiner les
recours et les protections juridiques auxquels elle peut prétendre dans
la cadre de chacune des deux procédures. Si la partie requérante obtient
une décision, cette décision, en mêmetemps qu'obligatoire, est sus-

ceptible d'appel. Si la mêmepartie obtient une recommandation, il n'en
résulte ni lien obligatoire, ni faculté d'interjeter appel devant la Cour ou
un tribunal arbitral .
Cela doit êtrevrai pour 1'Etat requérant comme pour 1'Etatdéfendeur.
Si l'on adrilet que le défendeur peut maintenant faire appel de la décision

du Conseil relative a la ~cplainte)),cela implique nécessairement que
toute décision future sur le fond de la même 1plainte )pourra revenir en
appel devant la Cour à l'initiative de la partie perdante.

10. L'argument principal invoqué à l'appui de la conclusion à laquelle
cn vient l'arrêt,c'est celui du ((paradoxe )auquel on arriverait si la Cour
déclarait le Conseil incompétent pour connaître de certaines violations
invoquées dans une ((requête », alors que le même Conseil pourrait
néanmoins se prononcer sur les mêmesquestions en examinant une

(lplainte))pour laqu?lle l'appel serait exclu.
Si l'on tient compte des pouvoirs que doit exercer le Conseil en vertu
de I'article II, section 1, de l'Accord de transit et de la forme que doit
revêtirson action aux terines de cette disposition, je ne découvre aucun
paradoxe dans une telle situation. La décision négativede la Cour sur un

appel relatif à une ((requête )) empêcherait naturellement le Conseil
d'arriver à une décision obligatoire sur les violations des Traités dénon-
céesdans cette requête 1)Mais pourquoi cette décision hypothétique de
la Cour empêcherait-ellele Conseil quand ila à connaitre d'une plainte,

de faire des recommandations, non sur les violations comme telles mais
sur les mesures correctives àprendre à l'égard des injustices et préjudices
qui en résultent?
Si le Conseil a le pouvoir de faire des recommandations mêmeau
cas où 1'Etat défendeur a agi entièrement dans l'exercice de ses droits,

ce que nul ne conteste, il doit à plus forte raison jouir de la faculté
de faire des recommandations semblables quand la Cour a décidéque la
question des prétendues violations des Traités échappe à la compétence
du Conseil en vertu de l'article 84.
11. Au paragraphe 24 de l'arrêtla Cour conclut que ((dans la mesure

101où I(plainte 11 et (requête )) coïncident )),la décision par laquelle le

conseil s'est déclaré compétentpour connaitre de la plainte du Pakistan
est susceptible d'appel. Pour moi les décisionsde caractère juridictionnel
concernant la plainte et la requêtene coïncident pas, étant donné que la
compétence du Conseil de I'OACI en vertu de la section 1 de l'article

II est beaucoup plus étendue qu'en vertu de la section 2, au point que
l'on peut dire qu'il n'existe pas de critères juridiques applicables pour
contrôler la décision du Conseil de I'OACI d'inscrire une ((plainte 11à

son ordre du jour.
Dans I'article 84de la Convention de Chicago et à I'article II, section 2,
de l'Accord de transit, la clause juridictionnelle est précise et susceptible

de contrôle judiciaire, comme l'arrêt lui-mêmlee démontre. Par contre,
I'article 11,section 1, donnant au Conseil compétence pour accueillir
et examiner ades plaintes ))est rédigéde telle sorte que, de toute évidence,
l'intention n'a jamais été de soumettre ce genre de décision à un contrôle

judiciaire. Ce texte donne à toute partie contractante la facultéde saisir
le Conseil d'une demande chaque fois que, selon son appréciation sub-
jective, elle estime qu'une mesure prise par un autre Etat constitue une

injustice a son égard ou porte préjudice à ses intérêts.La disposition
poursuit en ces terines: ((le Conseil, à la suite d'une pareille demande,
étudiera la question 11.Ce libellédonne au Conseil le pouvoir d'inscrire

automatiqiiement la demande a son ordre du jour et n'impose donc ni
limite ni restriction d'ordre juridique à l'étendue dela compétence du
Conseil pour accueillir et examiner une eplainte )).

12. J'approuve tout à fait la conclusion de l'arrêt selon laquelle la
Cour a compétence pour connaître de l'appel contre les décisions no"
et 2 du Conseil de I'OACI relatives a la requêtedu Pakistan.

L'article 84 de la Convention de Chicago prévoit iin droit d'appel (1de
la décisiondu Conseil ))au sujet d'((undésaccord entre deux ou plusieurs
Etats contractants à propos de l'interprétation ou de l'application de la
présente Convention ..))(les italiques sont de nous).

Chacune des deux décisions susmentionnées du Conseil de I'OACI
constitue iine décision concernant un désaccord entre I'lnde et le Pakis-
tan à propos de l'interprétation ou de l'application de I'article 84 de la

Convention. L'Inde a soutenu que le Conseil de I'OACI n'avait pas
compétence pour le motif que les termes ((interprétation ))ou lapplica-
tion 1)ne visent pas la IIsuspension )Iet I'eextinction ))et que c'était un

régime bilatéral spéciale , t non la Convention, qui étaiten vigueur entre
les Parties; le Pakistan a contesté ces deux thèses.
13. Dans le présent désaccordsur le point de savoir si le Conseil de
I'OACI avait la faculté d'agir et devait l'exercer, des négociations ont

étéengagées en vain.
Avant de prendre ses décisions du 29 juillet 1971, le Conseil avait euconnaissance des lettres échangéesentre les Parties ainsi que des com-
munications qui lui avaient été transmises et d'où ilressortait que la

question juridictionnelle faisait obstacle aux négociations sur le fond
que les Parties avaient étéinvitéesà engager par la résolution du Conseil
du 8 avril 1971. Selon ces élémentsd'information, si I'lnde étaitdisposée
à avoir des 11entretiens bilatéraux JJavec le Pakistan, elle tenait aussi à
ce qu'ils se déroulent ((sans intervention de tiers JJc'est-à-dire en dehors

du Conseil de I'OACI (mémoiredu Gouvernement indien, annexe E, b),
procès-verbal de la 3' séance,27 juillet 1971, Débat, par. 69 à 78).
L'Inde s'étantdonc refuséeà négociersur la question de la compétence
ou à négocier sur le fond tant que la ques~ionjuridictionnelle se poserait,
le Conseil de I'OACI étaitparfaitement fondé à en déduire implicitement
que le désaccord sur sa compétence ne pouvait être réglépar voie de

négociation entre les parties.
14. Le différend concernant la compétence du Conseil de I'OACI a
étéporté à l'attention du Conseil par l'Inde quand elle a soulevé ses
exceptions préliminaires: le document pertinent constitue la requêtede
1'Etat impliquédans ce désaccord au sens de l'article 84 de la Convention

de Chicago. D'après la Convention et notamment son article 85, seules
les parties à un désaccord peuvent exercer le droit d'appel: en l'espèce,
l'appelant était partie au différend. Toutes les conditions requises par
l'article84 étaient par conséquent satisfaites et, dans ces conditions, la
Cour ne serait pas fondée à rejeter l'appel comme irrecevable ainsi que
le Pakistan l'a demandé en plaidoirie, excipant d'une interprétation res-

trictive du Règlement du Conseil pour la solution des différends.
15. La question de la compétence pour connaître de l'appel doit être
tranchée exclusivement sur la base des dispositions conventionnelles
établissant la compétence de la Cour, compte tenu des principes fonda-
mentaux du droit international en matière de compétence qui sont visés

au paragraphe 18 de l'arrêt.
Le Règlement pour la solution des différends adopté par le Conseil de
I'OACI ne saurait avoir pour effet d'exclure la compétence de la Cour, si
celle-ciest établiesur la base des dispositions conventionnellesapplicables.
Un règlement adopté par l'organe de première instance ne saurait ni
élargir ni restreindre la juridiction d'appel que la Cour tient des dis-

positions acceptéespar les Etats contractants, dont le consentement cons-
titue le fondement de cette compétence.
16. Au reste, l'objet du règlement dont ils'agit n'étaitpas de diminuer
la compétence de la Cour ou d'y porter atteinte mais seulement de
déterminer la procédure à suivre au sein du Conseil de I'OACI lui-même.

Les conclusions restrictives formulées par le conseil du Pakistan
pendant la procédure orale ne paraissent pas non plus justifiées.
La lecture du règlement donne une impression contraire. Inspiré par
le Règlement de la Cour, il vise les prononcés du Conseil sur sa propre
compétence et réussit en fait à les présenter comme des décisions in-

dépendantes et distinctes. Ce sort indépendant réservéaux décisionssur la
compétence ne peut s'expliquer que comme une reconnaissance desprincipes fondamentaux du droit international et d'une bonne administra-
tion de la justice, qui exigent que la compétence soit établie de manière
à la fois préliminaire et concluante avant que l'organe judiciaire puisse
aborder le fond. On ne peut y parvenir que s'il est permis de faire appel

séparément de la décision concernant la compétence, comme l'indique
l'arrêt dela Cour, afin que la question soit réglée définitivement((avant
toute autre mesure à prendre en vertu du ..Règlement 1(Règlement pour

la solution des différends, art. 5, par. 4).
17. Pour ce qui est des articles 36 et 37 du Statut de la Cour, il serait
difficilement concevable que la Cour puisse constater que la Convention
de Chicago et l'Accord de transit, qui ont recueilli les ratifications oü les

adhésions de 120 et 79 Etats respectivement, y con~pris les deux Parties
en l'espèce,ne sont pas des traités ou conventions 1en vigueur 1).
Cela est vrai aussi en ce qui concerne les relations entre les Parties
elles-mêmes.La thèse présentée à la Cour par l'lnde est qu'elle a sus-

pendu ces traités à l'égard duPakistan. Si la suspension d'un traité multi-
latéral entre deux des Etats contractants influe temporairement sur
l'application du traité entre elles, elle n'empêche pas le maintien en

vigueur du traité entre toutes les parties, et mêmeentre les deux Etats en
question. Cela est confirmé par plusieurs dispositions de la convention
de Vienne sur le droit des traités relatives à la ((suspension de I'applica-
tion ))des traités, comme les articles 72 et45. Ce dernier article en par-

ticulier fait une distinction, dans sa section finale, entre, d'une part, la
nullité d'un traité ou le fait d'y mettre fin, qui touche à son 1maintien
en vigueur^^,et, d'autre part, la suspension qui ne concerne que le
(maintien en application )]du traité.

III. COMPÉTENC DEU CONSEIL DE L'OACI

18. Pour contester la compétence du Conseil de I'OACI, I'lnde a
invoqué soit l'un soit l'autre des motifs suivants d'exception:

1) L'Inde allègue que le Pakistan, par son comportement à l'occasion

du détournement d'un avion indien sur Lahore, a commis une viola-
tion substantielle de la Convention de Chicago et de l'Accord de
transit, et qu'elle est donc en droit de considérer ces traités comme
suspendus. D'après la thèse de I'lnde, les questions relatives à l'((ex-

tinction )ou à la (suspension )]des traités ne relèvent pas de laclause
juridictionnelle de l'article 84 de la Convention de Chicago qui se
réfère aux désaccords survenus à propos de ((l'interprétation 1)ou de
(1l'application 11du traité.

2) L'Inde allègueque, depuis 1966,la Convention de Chicago et l'Accord
de transit ont étéremplacés, dans les relations entre l'Inde et le
Pakistan, par un réginiespécialde caractère bilatéral, qui ne comporte
pas de droit d'atterrissage et ne permet le survol qu'à titre provisoire,

sous condition de réciprocitéet avec l'autorisation de 1'Etat dont le
territoire doit être survolé.Ce régime spécial exclurait lacompétence CONSEIL DE L'OACI (OP. IND. JIMÉNEZDE ARÉCHAGA) 147

du Conseil de I'OACI pour un motif différent de celui qui est indiqué
au paragraphe 1ci-dessus, à savoir que la compétence s'étendseule-

ment aux désaccords relatifs à I'interprétation ou à I'application de
la Convention de Chicago et de l'Accord de transit et non aux dés-
accords survenus à propos d'arrangements bilatéraux.

1. L'alligation de violation substantielle

19. Le premier motif d'exception avancé par l'Inde et la position
adoptée par le Pakistan obligent à examiner les rapports entre la préten-

due violation d'un traité et les effets qu'elle peut produire à l'égardd'une
clause juridictionnelle, comme celle qui figure à l'article 84 de la Conven-
tion.
Lorsque la violation d'un traitéest alléguée, plusieursoptions s'ouvrent

à la partie qui se prétend léséepar cette violation. L'une d'elles consiste
à demander la reprise de l'exécution età réclamer la réparation du pré-
judice résultant de la violation. C'est ainsi que le Pakistan a saisi le

Conseil de I'OACI d'une requête, lui demandant d'ordonner à l'Inde
d'exécuter lesobligations qui lui incombent en vertu de la Convention de
Chicago et de l'Accord de transit et de payer une indemnité pour les
dommages résultant de I'inexécution.

20. La jurisprudence de la Cour actuelle et de sa devancière a établi
que, si une clause juridictionnelle vise tout désaccord survenu à propos
de I'interprétation ou de I'application (ou de I'exécution) d'un traité,

l'organe prévu dans la clause est compétent pour examiner les questions
relatives à I'exécution ou a l'inexécution des obligations rusultant du
traité, ainsi que la demande en réparation fondéesur la prztendue viola-

tion.
21. La première proposition a été établiedans l'avis consultatif sur
l'Interprétationdes trait&sde paix, où la Cour a jugé que les différends
((relatifs à I'exécution ou à la non-exécution des obligations prévues ))

dans un traité «sont nettement de ceux qui portent sur I'interprétation
ou sur I'exécution ))des traités dont ils'agit (C.I.J. Recueil 1950, p. 75) '.

La deuxième proposition, à savoir que la compétence d'un organe
habilité àcoiinaître d'un différendrelatif à I'interprétation ou à I'applica-
tion des dispositions d'un traités'étend aussiaux-demandes en réparation
fondées sur le défaut d'exécution de ces dispositions a été établiepar la

Cour permanente, qui a jugé que (1les divergences relatives à des répara-
tions, éventuellement dues pour manquement à I'application d'une
convention, sont, partant, des divergences relatives à I'application ))(af-

faire relative à l'Usine de Chorzbw, conipéter~ce,C.P.J.I. série A no 9,
p. 21).

l En l'espèce, la clause juridictionnelle se réféta1I'exécution1et non à «I'appli-

cation 1)du traité.Cette différence est icisans intérêt crapplication 1est un terme
pliis large, plus souple. moins rigide qu'ciexécution * (C.P.J.IsérieA no 5, p. 48). 22. Lorsqu'il y a eu violation substantielle d'un traité, [I'Etat qui se
prétend lésépar la violation peut, au lieu de demander la reprise d'exécu-
tion et une indemnisation (comme l'a fait le Pakistan), invoquer le droit
de considérer le traité ou certaines de ses dispositions comme suspendus
ou caducs. C'est ce que, devant la Cour, I'lnde a affirméavoir fait en la
présente affaire.

Quand l'une dcs parties a eu recours à l'organe prévu par le traité, il
semble diflicile d'adniettre en principe que l'autre partie puisse exclure
la juridiction ainsi invoquée, en soutenant qu'une violation a été com-
mise et que cette violation constitue un motif de mettre fin au traité ou
de suspendre totalement ou partiellement son application. Cela revien-
drait à dire qu'une partie a la faculté,par son action unilatérale, d'enlever
à un organe dont les fonctions sont établies sur la base du consentement

de toutes les parties la possibilité d'exercersa compétence. Cette thèse au-
rait aussi pour conséquence que I'organe en question perdrait son pou-
voir d'agir précisémentdans les cas d'inexécution lesplus graves, quand
on affirme qu'une violation substantielle du traité a étécommise.
23. Une analyse plus détailléedu problème confirme la considération
de principe énoncée ci-dessus. La conclusion qu'il y a bien eu violation
du traité et que cette violation est assez grave pour autoriser une des

Parties à f'invoquer comme un motif de mettre fin au traité ou d'en
suspendre I'application présuppose et exige l'interprétation du trqité en
question. II faut tout d'abord établir si le comportement d'une des
Parties est vraiment incompatible avec les termes du traité ou contraire
A ces termes, ou s'il est exclu nécessairement par ce traité. Il est indis-
pensable ensuite d'établir s'il y a eu violation substantielle, puisque seule
cette catégorie de violation peut justifier la cessation ou la suspension.A

l'article60 de la convention de Vienne qui, d'après la Cour, codifie à cet
égard le droit coiitumier existant (C.I.J.Recueil 1971,p. 47), une viola-
tion substantielle est définiecomme étant la violation d'une disposition
essentielle pour la réalisation de l'objet ou du but du traité. Or pour
établir l'existence d'une violation substantielle, il faut nécessairement
interpréter les dispositions du traité, y compris son préambule.

24. La nécessitéd'examiner ainsi l'interprétation du traité en question
est encore plus pressante quand, comme en l'espèce, 1'Etatprétendument
en faute conteste soit le fait qu'il y ait eu violation, soit la responsabilité
qu'il pourrait encourir de ce chef, soit le caractère substantiel de la viola-
tion. En cecas, ils'élève entre les parties des divergences qui doivent être
considéréescomme des désaccords survenus à propos de l'interprétation
ou de l'application des traités, puisqu'on ne peut les réglersans se référer

à ces instruments mêmes.
25. En l'espèce.la Convention de Chicago contient plusieurs disposi-
tions permettant une appréciation juridique de certains faits contestés qui
sont à l'origine du désaccord et qui ont une incidence directe sur les
problèmes poséspar les détournements d'avions en matière de sécuritéde
l'aviation civile internationale. Quand l'Institut de droit international a examiné, à sa session de
Zagreb, le 3 septembre 1971, les règles du droit international qui s'ap-
pliquent de lege latu aux actes de ldétournement illicite des aéronefs )),
ila conclu comme suit:

((1. Suivant les principes généraux du droit international aérien,

tels qu'ils sont exprimés notamment dans la Convention de
Chicago du 7décembre 1944,les Etats doivent assurer la sécurité,
la régularitéet l'efficacitéde la navigation aérienneet collaborer
entre eux à cette fin;

2. Suivant les principes générauxdu droit international qui sont
notamment exprimés par les articles 25 et 37 de la Convention
de Chicago du 7 décembre 1944, les Etats doivent fournir assis-
tance aux aéronefs en détresse sur leur territoire et, sous réserve

de l'exercice d'un droit de contrôle par leurs propres autorités,
permettre aux propriétaires de l'aéronef ou auxautorités de 1'Etat
dans lequel l'aéronef est immatriculé de fournir les mesures
d'assistance que les circonstances pourraient rendre nécessaires. ))

Toutes ces dispositions correspondent à l'objet et au but du traité tel

qu'il est définidans son préambule et qui est d'établir I(certains principes
et arrangements, afin que l'aviation civile internationale puisse se déve-
lopper d'une manière sûre et ordonnée )).
26. A cette fin, on a assigné à 'IOACI, organisation internationale

crééepar la Convention de Chicago, certains buts et objectifs (art. 44 de la
Convention), entre autres ceux 11d'assurer le développement ordonné et
sûr de l'aviation civile internationale dans le monde entier ». ld'éviter la
discrimination entre Etats contractants ))et 1de promouvoi: la sécuritéde

vol dans la navigation aérienne internationale )).Dans la poursuite de ces
fins et objectifs, cette institution spécialisée desNations Unies a montré
qu'elle s'inquiétait des actes de violence commis contre les transports
aérienscivils internationaux en faisant adopter sous son égideles conven-

tions de Tokyo et de La Haye destinées à faire face à ce problème.
L'Assemblée générale des Nations Unies a reconnu cette préoccupation
spéciale,en demandant instamment que l'on apporte un plein appui à de
tels efforts (résolution 2551 (XXIV), par. 3 et résolution 2645 (XXV),

par. 8).
27. Les points en litige entre les Parties appellent l'interprétation de
plusieurs des dispositions susmentionnées, ainsi qu'un examen attentif
des buts et objectifs fondamentaux de l'organisation créée par la

Convention de Chicago. Parmi ces objectifs, celui de la sécurité dela
navigation aérienne internationale n'est pas le seul qui puisse être
pertinent,car ilyen a un autre, qui fait un devoir à l'institution spécialisée
d'organiser et de coordonner, de façon ordonnée et à l'échellemondiale,

la navigation aérienne civile internationale.
Ainsi, les diverses allégations et contre-allégations des Parties sur cet
aspect de l'affaire non seulement constituent des désaccords relatifs à
l'interprétation et à l'application de la Convention de Chicago et deI'Accord de transit, mais en mêmetemps concernent les buts et objectifs
fondamentaux de I'OACIet certaines de sesfonctions lesplus importantes.

2. Le régime spéciul
28. Le deuxième motif d'exception soulevé par I'Inde contre la compé-
tence du Conseilde I'OACI consiste à affirmer que, depuis 1965,le survol
par les avions indiens et lesavions pakistanais est gouvernépar un régime
spécial qui a remplacéla Convention de Chicago et I'Accord de transit

dans les relations entre les Parties.
A l'appui de cette thèse deux notifications émanant de I'lnde ont été
invoquées;la première, du 6 septembre 1965,disposait qu'aucun aéronef
pakistanais ne devait survoler aucune partie de I'lnde; la deuxième, du
10 février 1966, c'est-à-dire postérieure à la déclaration de Tachkent,
amendait cette directive par l'adjonction des termes «sauf avec l'auto-
risation du Gouvernement central et conformément auxconditions mises
à cette autorisation ».
L'Inde affirme qu'il y a incompatibilité totale entre la Convention de
Chicagoet I'Accordde transit d'une part et la notification de 1966d'autre
part, étant donné queles droits inséparables de survoler le territoire d'un

autre Etat et d'y atterrirà des fins non commerciales sans l'autorisation
préalablede cet Etat sont l'essentiel destraités multilatéraux.
29. Le Pakistan soutient pour sa part que la suspension des survols en
1965étaitfondéesur l'article 89 de la Convention de Chicago, qui stipule
qu'en cas de guerre les dispositions de la Convention ne portent pas
atteinteà la liberté d'action desparties,àcondition que l'existencedel'état
de crise soit notifiéeau Conseil; or une telle notification, dit-il, a étéfaite
par I'lnde le9 septembre 1965.Par la déclaration de Tachkent, les Parties
se sont engagées ((à prendre des mesures en vue de mettre en Œuvreles
accords existant entre I'lnde et le Pakistan)et,dans un nouvel échangede
lettres en date des 3 et 7 février 1966, un accord s'est réalisésur ((une
reprise immédiate des survols des deux territoires sur la même base

qu'avant le I"août 1965 ))d'où ilrésulte, selonlePakistan, que loin d'en-
visagerd'établirun régimenouveau ou spécial,les Parties se référaient à la
reprise età l'application des ((accords existants».
30. Cette confrontation des thèses des Parties révèlequ'il existe entre
elles des désaccords notamment sur les questions suivantes:

1) La question de savoir si la déclaration de Tachkent et les échanges
ultérieurs ont entraîné l'application effective de la Convention de
Chicago et de I'Accord de transit, comme le soutient le Pakistan, ou
ont simplement prévu que des mesures seraient prises ultérieurement
polir mettre en Œuvre les accords existants, comme le soutient l'Inde.
2) La question de savoir siales mesures prises par l'lnde en 1965 et la
pratique ultérieure des Parties ont eu pour effet d'établir un régime
spécialremplaçant la Convention de Chicago et I'Accord de transit,
comme le soutient I'lnde, ouconstituaient simplement une application
de la Convention à des circonstances spécialesdans l'exercice de la

108 liberté d'action reconnue par l'article 89 ou en vertu des garanties

prévuespar d'autres dispositions de la Convention, comme le soutient
le Pakistan.

31. LI suffit de comparer lesthèsesdes Parties pour arriver à la conclu-
sion que, quelle que soit leur valeur respective, ces assertions contraires
constituent des désaccords relatifs à I'interprétation et à l'application de
la Convention de Chicago et de I'Accord de transit, ce qui fait entrer en

jeu les dispositions du chapitre XVlll de la Convention de Chicago et
établitla compétencedu Conseil de I'OACI pour lesexaminer et statuer en
première instance à leur sujet.
L'une des Parties aflirme l'existence du régime spécialet l'autre la nie,
en invoquant diverses dispositions de la Convention pour expliquer

l'attitude des Parties et en soutenant en outre qu'un régime bilatéral
s'écartant de la Convention ne serait pas admissible aux termes des arti-
cles 82 et 83 de la Convention elle-même.
Quant à savoir s'il y a en fait un accord spécial s'écartant des traités
ou une pratique conforme à ceux-ci, et si un tel accord peut valablement

exister entre des Etats parties à la Convention de Chicago, ce sont là
des questions qui se rapportent nécessairement à I'interprétation et a
l'application de la Convention de Chicago et de l'Accord de transit. En
d'autres termes, il existe peut-être un régime spécialcomme l'affirme

I'lnde, mais pour constater son existence mêmeet sa validitéjuridique il
faut d'abord interpréter et appliquer la Convention de Chicago et l'Ac-
cord de transit.
32. Une analyse plus détaillée despoints dont les Parties ont débattu
devant le Conseil de I'OACI et laCour confirme la conclusion qui précède.

L'arrêt signale,aux paragraphes 41 et 42, les interprétations contradic-
toires de l'article 89 défendues devant la Cour par les Parties.
Plus décisiveencore auant à la nécessitéd'inter~réter l'article 89 Dour
statuer sur les questions fondamentales qui se posent en l'espèce est,
à mon avis, une autre déclaration que le conseil de I'lnde a faite devant

le Conseil de I'OACI.
Le conseil de I'lnde aproposéalors I'interprétation suivante de l'article
89: 1L'article 89 accorde la libertéd'action non pas simplement pendant
la durée de la guerre - le texte ne dit pas 1pendant la guerre 1)- mais

niêmeune fois que la guerre est terminée, si I'Etat a besoin d'une certaine
libertéd'action pour assurer sa sécuritéessentielle ))(mémoiredu Gouver-
nenient indien, annexe E, a), procès-verbal de la 2' séance, Débat, 27
juillet 1971, par. 59).
La Cour est fondée à tenir compte de cette déclaration, qui pose des

questions fondamentales pour I'interprétation de cette disposition,
puisqii'il lui incombe de décider en appel si, sur la basedu conlpte rend1
(lesdébatsqui ont eu lieu uu Conseil de I'OACI, celyi-ci a eu raison de se
dire compétent pour connaître de ce désaccord. 3. Les autorisations préalables

33. Dans sa réplique, l'Inde cite certains exemples pour démontrer
qu'une autorisation préalable a étésystématiquement exigéeen pratique,
afin de prouver qu'en fait les traités multilatéraux avaient étéremplacés
par le (1régime spécial ». Pendant la procédure orale devant la Cour, de

nouveaux documents ont été joints audossier à l'appui de cette thèse.

On aurait pu considérer que ces allégations et ces documents consti-
tuent des faits soumis ex noi.0, puisqu'ils n'ont été ni présentésni dé-
battus devant l'organe de première instance.
L'une des limitations résultant de l'exercice par la Cour d'une juridic-

tion d'appel est qu'elle doit examiner la décision du Conseil de I'OACI
comme le ferait une cour d'appel. Elle n'a par conséquent pas la faculté
de prendre en considération des faits nouveaux ou des événements ul-
térieurs et doit apprécier les décisions du Conseil de I'OACI compte
tenu des faits et arguments de droit, tels qu'ils se présentaient à la fin

de juillet 1971 et ont été portésà l'attention du Conseil.
34. Quoi qu'il en soit, les allégations opposéesdes Parties concernant
les autorisations demandées ou accordées pour les survols et les atter-
rissages, qu'il s'agisse de services aériens réguliers ou de services non
réguliers, ne concernent pas vraiment les faits de la cause. Ce n'est pas

sur les faits eux-mêmes,à propos desquels elles ont présentél'une et
l'autre des indications complémentaires, que les Parties sont en désac-
cord, mais sur la qualification et la portée juridiques des demandes ou
octrois d'autorisations aux fins de survol ou d'atterrissage.
Tout en insistant sur la nécessitéd'obtenir une autorisation préalable
dans chaque cas, I'lnde a établi une distinction entre les autorisations

accordées pour une certaine période, par exemple six mois, et les auto-
risations spéciales accordéespour chaque vol. Le Pakistan a fait ressortir
quant àlui que,conformément àl'article 68de la Convention de Chicago et
à l'article 1de l'Accord de transit, les itinéraires à suivre par les aéronefs
devaient être soumispour approbation aux autorités compétentes. Selon

le Pakistan, de telles requêtesne constituaient pas des demandes d'autori-
sation incompatibles avec la Convention de Chicago et I'Accord de transit,
mais visaient l'autorisation d'adopter un itinéraire déterminéà l'avance.
35. Cette contradiction dans la présentation des mêmesfaits pose une
fois de plus des questions touchant à I'interprétation et à l'application

de la Convention de Chicago et de l'Accord de transit et en particulier
la question épineuse de la pratique divergente des Etats contractants en
ce qui concerne l'obligation de demande1 une autorisation préalable ou
d'autres permissions pour les survols et les atterrissages à des fins non
commerciales d'aéronefs assurant des services réguliers ou non réguliers.
Cette question ne concerne pas seulement l'interprétation et I'appli-

cation des traités multilatéraux en cause - c'est une question pour
l'examen de laquelle le Conseil de I'OACI possède une expériencepar-
ticulière.

110 36. Lorsqu'ils ont rédigéle chapitre XVIll de la Convention de Chi-
cago, les fondateurs de I'OACI ont manifestement voulu confier des
fonctions de règlement pacifique à un organe tel que le Conseil, coniposé
de représentants choisis par les Etats membres pour leur expérience de
l'application des instruments internationaux qu'ils ontà mettre en Œuvre

et a administrer. Le Conseil est habilité, non seulement àjuger les désac-
cords, mais aussi à agir comme médiateur. Quand on a accordé ces
pouvoirs au Conseil, on a sûrement dû tenir compte de l'influence que
peut exercer un organe comprenant des délégués représentant les prin-
cipales zones géographiques du monde et composé d'Etats choisis pour
leur rôle prépondérant dans les transports aériens ou leur importante
contribution aux services de la navigation aérienne civile internationale.

II a étéprévuun appel devant la Cour internationale de Justice ou devant
un tribunal d'arbitrage ad lzoc pour que, lorsque le Conseil aurait à
rendre une décision sur un désaccord, son jugement fût soumis au con-
trôle d'un organe compétent pour statuer sur les droits et devoirs des
parties en vertu du droit international.

I. Pertinetice dla question

37. La Cour n'a jugé ni nécessaire ni mêmeapproprié d'aborder la
question des irrégularités de procédurequ'aurait commises le Conseil de
I'OACI d'après l'Inde.

Je ne puis partager cette conception trop restrictive à mon sens des
pouvoirs et obligations de la Cour lorsqu'elle statue en appel. Le droit
d'appel consacré par l'article 84 de la Convention de Chicago comporte
le droit d'obtenir non seulement que la Cour se prononce sur le point
de savoir si la décision rendue en première instance était fondée quant
au droit de fond applicable, mais aussi qu'elle dise si la décision a été
valablement adoptée, conformément aux principes essentiels de procé-

dure devant régir les fonctions quasi judiciaires de l'organe du premier
degré.Les.considérationsénoncées auparagraphe 26 de l'arrêt renforcent
d'ailleurs cette manière de voir.
La thèse qui pourrait êtredégagéede l'arrêtempêcherait éventuelle-
ment l'examen, par la Cour, des questions de procédure, mêmesi la
décision rendue en première instance violait de manière flagrante les

principes et garanties procédurales les plus élémentaires: par exemple,
si la décision avait étéprise sans entendre une des Parties ou en n'en
autorisant qu'une seule a voter.
Mêmesi une décision adoptée dans de telles conditions aboutissait à
des conclusions justifiées du point de vue du droit de fond applicable,
ilserait injustifié, à mon avis, de nier la pertinence de la question de
procédure, ou le pouvoir de la Cour de déclarer la décision nulle et de

nul effet, en partant simplement de cette considération logique que la
réponse à une question de droit objective ne saurait dépendre de ce qui
s'est passédevant l'organe du premier degré. Le fait d'être compétent

111ne donne pas à cet organe toute liberté de violer les garanties fondamen-
tales de procédure afin de parvenir à la décision, en elle-mêmefondée,
par laquelle ilse déclare compétent.

2. Validitédes dr'cisionssusceptiblesd'appel

38. Je ne pense pas qu'en l'espèce les imperfections procédurales
dont I'appelant fait état aient suffisamment d'importance pour que la
Cour soit fondée à prononcer la nullité, ainsi qu'on le lui demandait.
39. La première observation formulée a trait à la forme des questions
mises aux voix. Cette observation est exacte sur un plan général, vu
qu'en posant une question sous une forme négative il serait éventuelle-

ment possible, dans un cas futur hypothétique, qu'une décisionfavorable
à la compétence soit prise, la question négative étant rejetée, mêmes'il
n'y avait pas de majorité absolue en faveur de cette compétence.
Toutefois, sur le plan pratique, l'objection n'affecte pas, en l'espèce,
la validité des décisions mises en cause (décisions nos 1et 2) qui, à mon
avis, sont les seules qui offrent matière à un appel. Si les questions avaient

été formulées de manièreaffirmative, la compétence du Conseil pour
connaître de la requêten'en aurait pas moins obtenu la majorité prescrite
par l'article 52 de la Convention de Chicago. L'appelant en a d'ailleurs
convenu au cours de la procédure orale (audience du 23 juin 1972).
40. La deuxième objection soulevée par l'appelant est que la décision
no3, concernant la plainte, n'a pas eu l'appui de la majoritédes membres

du Conseil. Pour les motifs que j'ai exposésdans la première partie de la
présente opinion, j'estime que la Cour n'est pas compétente pour con-
naître de la décision no 3. La question de la validité de cette décision
ou de la majorité exigéepour son adoption ne constitue pas selon moi
Linproblème sur lequel la Cour ait compétence pour se prononcer dans
le présent appel.

41. Un troisième motif d'objection est que le Conseil est passé au
scrutin bien que plusieurs de ses membres aient demandé un renvoi.
Le vote sur la proposition de renvoi a cependant fait ressortir que, dans
leur majorité, les délégués (qu'ils aient ou non fait noter leur abstention)
se considéraient prêtsà prendre une décision et en outre suffisamment
informés après ce qui constituait à leur avis une étude adéquate des

arguments des Parties. Certains membres du Conseil ont exprimé
l'opinion qu'un renvoi suffisamment long pour permettre la distribution
des procès-verbaux aux Etats membres porterait tort à la Partie dont
les droits de survol étaient suspendus, et serait par conséquent contraire
à l'article 28 du Règlement pour la solution des différends. Dans ces
conditions, la décision du Conseil de passer au vote après que le président
eut annoncé que le scrutin aurait lieu à la séancesuivante (mémoire du

Gouvernement indien, annexe E, d),procès-verbal de la 5'séance,Débat,
par. 135) était pleinement conforme aux dispositions du traité et au
règlement intérieur du Conseil.
42. Dans sa réplique, I'appelant a fait observer que les propositions

112mises aux voix ont étéprésentéespar le président du Conseil de I'OACI,
qui n'est pas membre de cet organe, et que personne n'a appuyé ses

propositions.
Cette objection ne tient pas compte de la situation et des pouvoirs
particuliers du président du Conseil en vertu de la Convention de Chicago
et de décisionsque le Conseil a adoptées conformément à cette Conven-
tion.
Les propositions mises aux voix par le président du Conseil n'étaient

pas régiespar les règles41 et 46 du règlement intérieur du Conseil, mais
par les règles 30, 35 et 37, qui donnent au président le pouvoir de pro-
poser au Conseil toute recommandation relative à toute question du
programme des travaux, de lui poser des questions et de prendre des
décisions qui sont définitives sauf s'il en est fait appel ou si elles sont

infirméespar le Conseil lui-même.
Quand les questions ont étémises aux voix, aucun membre du Conseil
(et l'Inde était l'un de ces membres) n'a soulevéd'objection ni contesté
le droit du président d'agir comme il le faisait. Les décisions prises
par le Conseil sur la base de ces propositions ne peuvent donc plus être
remises en cause par l'appelant à présent et pour ce motif. Pour reprendre

les termes employéspar la Cour dans l'avisconsultatif relatifà la Namibie:
11Faute d'avoir soulevéle problème en temps voulu devant l'instance qui
convenait, il ne lui est plus loisible de le faire à ce stade devant la Cou1)
(C.I.J. Rec~ceil1971, par. 25, p. 23).
43. Un dernier motif qui a été invoqué au stade de la prockdure orale

devant la Cour est que la décisionattaquée n'étaitpas motivée.
Rien dans la Convention de Chicago ni dans le règlei,lent intérieur
du Conseil n'oblige celui-ci à se prononcer sur une exception préliminaire
en rendant une sentence ou un jugernent qui énoncedans Linor.dre logiq~ie
les motifs de la décision.

II ne paraît donc p3s possible de conclure que la décisioii n'est pas
valable parce qu'elle n'a pas revêtu laforme d'un jugenient.
La Cour n'a éprouvé aucunedifficultéà statuer en appel à cause de la
fornie de la décision attaquée. Dans les procès-verbaiix dcs discussions
et décisions du Conseil, que la Cour avait à sa disposition, on trouvait

l'énoncé completdes motifs et arguments invoqués par les Parties, des
explications de vote, et d'autres déclarations prononcées par le président
et par les membres du Conseil q~iiont fait état des raisons de Icur vote.

44. Différentes thèses ayant étéavancées dans certaines opinions
individuelles au sujet de la portée et des effets futurs de I'arrGtrendu par
la Cour, je tiens à préciser ma propre position au sujet du pargaraphe 2
de son dispositif:

A mon avis, ce paragraphe ne peut être compris que comme une
décision définitivesur la question jiiridictionnelle. Le Conseil de I'OACIest compétentpour connaître du désaccorddont il s'agit. Laquestion a
étéréglée.
Si le Conseil de I'OACI en vient à examiner le fond, il devra se pronon-
cer sur les conclusions du Pakistan, mais pour ce faire il lui faudra tout
d'abord déterminer le droit applicable aux relations entre les Parties.

(Lepoint de savoir quel droit matérielpeut légalementêtreappliquépar

lestribunaux de Dantzig neseprésentequ'unefoislacompétenceétablie »',
a déclaréla Cour permanente, qui a ajouté: (La compétence implique
le pouvoir de décider quel est le droit matériel applicable en l'affaire
à laquelle la compétence s'étend. 1)
Ainsi, avant de se prononcer sur les conclusions du Pakistan, le Con-
seil de I'OACI devrait établir si la Convention de Chicago et l'Accord
de transit s'appliquent ou ne s'appliquent pas dans les relations entre

les Parties.
Ce faisant, il pourra se heurter à nouveau, dans un contexte différent,
à certains des arguments soulevéspar l'Inde pour s'opposer à la compé-
tence du Conseil. Ces arguments sont insuffisants aux fins d'exclure cette
compétence, niais l'Inde pourrait encore les invoquer comme moyens
de défenseau fond sur la question du droit matérielapplicable.

II n'en reste pas moins que la question de compétence en tant que

telle est définitivementréglée par la présente décision.En d'autres termes,
dans l'hypothèse où le Conseil accepterait les thèses de l'Inde sur la
suspension ou le régime spécial, celaentraînerait, selon moi, non pas
l'incompétenceou le défaut de juridiction du Conseil, mais le rejet des
demandesdu Pakistan sur le fond, au motif que le droit matérielinvoqué
à l'appui de ces demandes ne serait plus dans cette hypothèse applicable
aux relations entre les Parties.

' Compétence des tribrrnar1.xde Dantzig, avis cons~rltatif, 1928, C.sérieB
no 15, p.24-25.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA

1. While 1have voted for the operative part of the Judgment and am
in general agreement with the reasoning by which it is justified, I am,
however. unable to concur in one of the conclusions reached bv the
Court: that it is competent to pronounce on appeal on the third decision

adopted by the Co~incil of ICA0 on 29 July 1971 with regard to the
"Complaint" filed by Pakistan under Section 1of Article IIof the Transit
Ag"eement.
Since a separate vote was not taken on this question, 1voted for the
operative provisions of the Judgment considering that, in the context of
the present case, the non-appealability of the "Complaint" was not the

main issue to be decided. 1 believe, however, that a question of treaty
interpretation which may be of importance in the future is involved and
therefore feel constrained to append the present separate opinion, ex-
plaining those aspects on which 1 differ from the Court's decision and
reasoning. This will also afford me the occasion of setting forth the
reasons which dccided niy vote on the case as a whole.

2. Article II of the Transit Agreement in two separate and distinct
sections cstablishes one pr0cedui.e for the adjudication of disagreements
and a different one for the disposition of complaints by a contracting

State which deems that action by another party is causing injustice or
hardship to it. Disagreements relating to the interpretation or applica-
tion of the Transit Agreement are subject to the saine procedure as
that which applies to disagreements under Chapter XVIlI of the Chicago
Convention, thus including a right of appeal to the Court under Article
84 thereof. On the other hand, no direct or indirect reference is made
in Section I of Article II of the Transit Agreement to an appeal to the

Court. Such an omission signifies that the Court lias not been conferred
appellate jurisdiction with respect to complaints under Section 1 of
Article IL.
3. The lack of appellate jurisdiction of the Co~irt with respect to
complaints is understandable, since adjudication on the basis of inter-
national law on the legal rights and duties of the parties would be in-

compatible with the very nature of the complaint proceedings. These
are primarily designed to deal with action by another contracting State
which, even falling within its legal rights, inay cause injustice or hardship
to another party. Itwould not correspond to the logic of the system and OPINION INDIVIDUELLE DE M. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA

1. J'ai votépour le dispositif de l'arrêt et, d'une manière générale,

j'en accepte les motifs, mais je ne suis pas en mesure d'approuver l'une
des conclusions à laquelle la Cour est parvenue, à savoir qu'elle est
compétente pour statuer en appel sur la troisième décisionadoptéepar le
Conseil de I'OACI le 29juillet 1971,concernant la ((plainte1)soumise par
le Pakistan en vertu de I'article II, section 1, de l'Accord de transit.

Cette question n'ayant pas étédisjointe, j'ai votépour le dispositif de
l'arrêt, estimant que,dans la présenteaffaire, l'impossibilitéde faireappel
de la ((plainte ))n'étaitpas le principal problème à trancher. Je pense toute-
fois qu'il se pose une question d'interprétation des traités qui peut avoir
de l'importance pour l'avenir; c'est pourqoui je crois devoir joindre à

l'arrêtla présente opinion individuelle pour dire sur quels points je
m'écartedeladécision etdu raisonnement de la Cour, ce qui me permettra
en outre d'indiquer les raisons qui ont déterminémon vote sur l'ensemble
de l'affaire.

2. Dans deux sections bien distinctes, I'article 11 de l'Accord de
transit arrête une procédure pour le règlement des désaccords et une
autre pour l'examen des plaintes introduites par un Etat contractant qui

estime qu'une mesure prise par un autre Etat contractant constitue une
injustice à son égard ou porte préjudice à ses intérêts.Les désaccords
relatifs à l'interprétation ou à l'application de l'Accord de transit sont
soumis à la procédure prévue au chapitre XVIII de la Convention de
Chicago et sont par conséquent également régispar I'article 84 de cette
Convention qui prévoit un droit d'appel devant la Cour. En revanche, la

section 1de I'articleIIde l'Accord de transit ne mentionne ni directement
ni indirectement la possibilitéd'un appelàla Cour. Cette omission signifie
qu'il n'a pas été conféré compétence à la Cour pour connaître en appel
des plaintes envisagées à la section1 de I'article II.
3. Le fait que la Cour n'ait aucune juridiction d'appel à l'égard

des plaintes se conçoit, car un règlement judiciaire sur la base du droit
international relativement aux droits et obligations juridiques des parties
serait incompatible avec la nature mêmede la procédure de plainte
Cette procédure vise essentiellement des mesures prises par un autre Etat
contractantet qui, mêmeadoptéespar cet Etat dans l'exercicede sesdroits,
risquent d'êtreinjustes ou préjudiciables à l'égardd'une autre partie. IIto the powers and functions of the Court "whose function is to decide
in accordance with international law" that an appeal should lie against
recommendations and findings addressed by the Council of ICAO to
the States concerned. Such recommendations and findings do not need
to be based exclusively on the legal rights and duties of the parties, but
may take into account considerations of equity and expediency.

4. The foregoing interpretation of the basic texts providing for the
Court's jurisdiction is confirmed by the Rules for the Settlement of Dif-
ferences, adopted by the ICA0 Council. The structure of this instrument,
adopted after several years of study of the matter and with the help of
legal experts is significant It divided into three parts: 1.Disagreements;
II. Complaints and III. General Provisions. The introductory Article 1

explains that Parts 1 and IILapply to disagreements relating to the in-
terpretation or application of the Chicago Convention and that Parts
II and III apply to complaints submitted under Article II, Section 1, of
the Transit Agreement.

Article 18 of the Council's Rules is the only article in the whole
Rules which provides for appeals. This Article is included in Part I and

therefore does not apply to complaints, while other provisions of Part
1 are extended to complaints by express reference. Article 18 provides,
in its paragraph (2),that "decisions rendered on cases submitted under
Article 1 (1) (a) and (b) are subject to appeal pursuant to Article 84 of
the Convention". Thus Article 1 indicates by careful omission that deci-
sions with regard to complaints are not subject to appeal under Article
84. This instrument must be viewed as a carefully considered interpre-

tation by the ICAO Council of the Convention and Transit Agreement
concerning the question of appeals, which should not be lightly disre-
garded.

5.The Council's Rules for the Settlement of Differences require the
party bringing a matter to the Council's attention to filean "application"
under Article 2 when it asks for a decision of the Council on a legal

disagreement under Article 84 of the Chicago Convention or Section 2
of Article 11 of the Transit Agreement, and to file a "complaint" under
Article 21 when it asks for a recommendation of the Council under Sec-
tion 1 of ArticleII of the Transit Agreement. This was done by Pakistan
which filed both an "Application" mentioning specifically Article2 of
the Rules (thus invoking Article 84 of the Chicago Convention and Sec-
tion 2 of Article II of the Transit Agreement) and a "Complaint" men-
tioning specifically Article 21 of the Rules (thus invoking Section 1 of

Article II of the Transit Agreement).
Both according to the Rules and to the interpretation given by the
requesting State, the criterion of the distinction between "applications"
and "complaints" is whether a party is seeking a decision of the Council CONSEILDE L'OACI (OP. IND. JIMÉNEZDE ARÉCHAGA) 141

ne serait pas conforme à la logique du système niaux pouvoirs et fonc-
tions de la Cour ((dont la mission est de réulerconformément au droit
international 1les différends quilui sont soumis, que des recommanda-
tions et conclusions adresséespar le Conseil de I'OACI aux Etats inté-
resséssoient susceptibles d'appel. Ces recommandations et conclusions
n'ont pas à êtreexclusivement fondées sur les droits et obligations juri-
diques des parties mais peuvent tenir compte de considérations d'équité

et d'o~sArtunité.
4. L'interprétation qui vient d'êtredonnée des textes fondamentaux
prévoyant la compétencede la Cour est confirméepar le Règlement du
Conseil pour la solution des différends,adoptépar le Conseil de I'OACI.
La structure de cet instrument, dont la mise au point avec l'aide dejuris-
tes a pris plusieurs années d'études,est trèsrévélatrice. Il comporte trois

titres: 1.Désaccord; II. Plaintes et III. Dispositions générales.A l'arti-
cle premier, qui est I'article introductif,ilest expliquéque les titres 1 et
III s'appliquent aux désaccords relatifs à I'interprétation ou à I'applica-
tion de la Convention de Chicago et que les titres II en III s'appliquent
aux plaintes soumises en vertu de I'article II, section 1, de l'Accord de
transit.
L'article 18est la seule disposition du Règlement du Conseil qui pré-

voie un appel. Il figure au titre 1et n'est, par conséquent,pas applicable
aux plaintes, alors que les autres dispositions du titre 1 leur sont expres-
sémentétendues.L'article 18précise,au paragraphe 2, que (lesdécisions
rendues sur les affaires soumises en vertu des clauses a) et 6) de l'alinéa
1de I'article 1 peuvent faire l'objet d'un appel conformément à l'article
84 de la Convention ))Ainsi I'article premier indique, grâce à une omis-
sion délibéréeq , ue les décisions relatives aux plaintes ne peuvent pas

faire l'objet d'un appel conformément à I'article 84.Cet instrument doit
être considéré comme une interprétation mûrement réfléchiep ,ar le Con-
seil de I'OACI, de la Convention et de l'Accord de transit en ce qui
concerne la question des appels, interprétation qui ne saurait être traitée
à la légère.
5. Le Règlement du Conseil pour la solution des différends oblige
la partie qui saisit le Conseil d'une affaire à présenterune ((requête )au

titre de l'article 2 lorsqu'elle demande une décisionsur un désaccord
juridique en vertu de I'article 84 de la Convention de Chicago ou de
I'article II, section, de l'Accord de transit, et à soumettre une ((plainte ))
au titre de l'article 21 lorsqu'elle demande une recommandation en vertu
de l'article II, section 1, de l'Accord de transit. C'est ce qu'a fait le
Pakistan qui a présenté à la fois une ((requête » visant expressément
I'article2 du Règlement(il s'estprévaluainsi de l'article 84de la Conven-

tion de Chicago et de la section 2 de l'article II de l'Accord de transit) et
une c~plainte )yvisant expressément I'article 21 du Règlement (et donc
fondéesur la section 1de I'article II de l'Accord de transit).
Par conséquent ilsemble que, conformément aussi bien au Règlement
qu'à l'interprétation donnéepar 1'Etatrequérant, le critère de la distinc-
tion entre erequêtes ))et ((plaintes)soit celui-ci: une partie cherche-t-elleon a legal disagreement under Section 2 of Article 11of the Transit Agree-
ment, or a recommendation under Section 1 of Article II of the same
instrument.
6. According to the Court's Judgment, however, it would appear that
the question whether a right of appeal lies does not depend on this ob-

jective criterion-the legal provisions invoked by the requesting Stateand
the powers to be exercised by the Council-but on the substance of the
grievances put forward by the contracting party. A decision subject to
appeal would exist if a State cornplains of a violation of its legal rights
by another party, even if that State has filed a "complaint" invoking
Section 1 of Article II; action under Section 1, not subject to appeal,

would only exist if the grievance "is not of illegal action, not of alleged
breaches of the Treaty, but of action lawfol, yet prejudicial".
This is supported by the consideration that "in so far as a 'complaint'
exceeds the bounds of the type of allegation contemplated by Section 1,
and relates not to lawful action causing hardship or injustice, but to il-
legal action involving breaches of the Treaties, it becomes assimilable to

the case of an 'application' for the purposes of its appealability to the
Court" (para. 21).
7. 1 can find nothing in the language of Article Il, Section 1, which
compels or even suggests these bounds or limitations. There is nothing
in Section 1 that precludes a contracting party suffering injustice or
hardship because of unlawful action from bringing a "complaint". Past

practice in the application of the Transit Agreement and the opinion of
commentators lead to the conclusion that "the facts justifying the sub-
mission of a complaint could include questions relating to the inter-
pretation or application of the Agreements '", and that furthermore
"an injustice or hardship may be caused by action on the part of a con-

tracting State which is in violation of the Agreements, but it is not limited
thereto 2". In such a case, the injured party may have a choice between
filing a complaint or instituting an application, or it may set in motion
both procedures, filing both an application and a complaint on the
same or similar grounds. There may be powerful reasons for so doing:
a contracting State may wish to obtain a recommendation solving a

pressing problem in an expeditious way and also to get a binding decision
which, after a longer procedure, will afford compensation for past dam-
ages.

8. In this case, Pakistan resorted to both procedures and while in the
"Application" it asked for a decision awarding compensation and in-'

demnity for the losses and injury suffered by the suspension of over-
flights, a request for monetary compensation does not appear in the
"Complaint", where only recommendations and findings of corrective
action for the future are sought. This, in my view, is sufficient to give

Buergenthal,Law Making in theCivil Aviation Organization,1969p.159.
Ibid., p160.
100à obtenir une décisiondu Conseil sur un désaccord juridique envertu de

l'article II, section2, de l'Accord de transit, ou une recommandationen
vertu de l'articleII, section 1,du mêmeinstrument?
6. Cependant, selon l'arrêt dela Cour, il semblerait que la question
de savoir s'il existe un droit d'appel ne dépende pas de cecritère objectif
mais du caractère des griefs dont fait état la partie contractante. Il y
aurait une décision susceptible d'appelquand un Etat allègue la violation
de ses droits par une autre partie, mêmesi cet Etat a déposéune ((plainte ))

en invoquant l'article II, section 1;le seul cas où une action fondéesur la
section 1 ne pourrait donner lieu à appel serait celui où il ne serait pas
fait grief ((d'un acte illicite ni d'une prétendue violation des traités,
mais d'une mesure qui, tout en étant licite, entraîne un préjudice )).

On invoque à l'appui la considération que ((dans la mesure où les
allégations sur lesquelles se fonde une plainte sortent du cadre fixépar
la section 1et se rapportent, non pas à une mesure licite entraînant une

injustice ou un préjudice, mais à une mesure illicite impliquant violation
des Traités, cette plainte peut êtreassimilée à une requêtepour ce qui
concerne l'existenced'un droit d'appel devant la Cour » (par. 21).
7. Je ne trouve rien dans les termes de l'article II, section 1, qui
impose, ni même suggèrecette distinction. Rien, dans cette section,
n'interdit à une partie contractante victime d'une injustice ou d'un pré-
judice causépar des mesures illicites de déposer une ((plainte ». L'expé-

rience pratique de l'application de ce paragraphe de l'Accord detransit et
l'opinion des commentateurs se rejoignent pour établir que ((les faits
justifiant le dépôt d'uneplainte peuvent comprendre des questions rela-
tives à l'interprétation ou à l'application des accords))'; et de même
((une injustice ou un préjudice peuvent résulterde mesures prises par un
Etat contractant en violation des accords, mais ne se produisent pas
uniquement dans ce cas »2. Dans une telle hypothèse, lapartie lésép eeut

choisir entre le dépôt d'une plainte et l'introduction d'une requête,ou
bien ellepeut cumuler les deux procédures et déposer à la fois une requête
et une plainte, en invoquant les mêmesmotifs ou des motifs analogues.
Il peut y avoir des raisons impérieuses d'agirde la sorte :un Etat contrac-
tant peut souhaiter obtenir une recommandation qui apporte à un
problème urgent une solution rapide et en outre faire prononcer une
décisionobligatoire qui, à la suite d'une procédure plus longue, I'indem-

nisera d'un préjudice passé.
8. En l'espèce, le Pakistan a cumulé les deux procédures; tandis
que dans la (requête »il sollicitait une décisionaccordant une réparation
et des dommages-intérêtspour les pertes et préjudices subis à cause de la
suspension des survols, aucune demande semblable de dédommagement
monétaire ne figure dans la ((plainte ))qui tend seulement à obtenir des
conclusions et recommandations sur des niesures correctives pour I'ave-

'Buergenthal, Law Making in theCivil Aviation Organization, 1969p.159.
Ibid.,p.160.
100a separate identity to each instrument and exclude the possibility of their
assimilation, since they may follow different roads in the future, even
if the language, the charges of breaches of treaties and the other heads
of redress coincide.
9. The fact that a party may have chosen to submit as a complaint
al1or part of the same grievances which had been submitted as an ap-
plication cannot alter the legal situation.

If a party asks on the same grounds for both a decision of the Council
and a recommendation, it is simultaneously following two different
paths, but it cannot by this procedure accumulate or combine the reliefs
and the legal protection to which it is entitled under each procedure.
If the requesting party obtains a decision, that decision, while binding,
is subject to appeal. If it obtains a recommendation, thisdoes not involve
a binding obligation nor allow an appeal to the Court or to an arbitral
tribunal.

This must apply equally to the requesting and the respondent State.
To admit that the decision of the Council regarding this "Complaint"
is now subject to appeal by the Respondent, carries the necessary impli-
cation that any future pronouncement on the merits of this same "Com-
plaint" rnay corne back to the Court by way of appeal at the initiative of
the unsuccessful Party.
10. The argument invoked in support of the conclusion reached
in the Judgrnent is the paradox that would exist if the Court finds the
Council not competent to deal with certain breaches alleged in an
"application" but the same Council could nevertheless pronounce on
these same issues when entertaining a non-appealable "complaint".

If account istaken of the powers to be exercised by the Council under
Section 1 of Article II of the Transit Agreement and the form which its
action under this provision must take, 1am unable to fiiid any paradox
in this situation. By that negative decision of the Court on an appeal
concerning an "application", the Council would naturally be prevented

frorn arriving at a binding decision on the breaches complained of in
such "application". But why should such a hypothetical decision of the
Court prevent the Council from making recommendations when dealing
with a "complaint", not on the breaches as such, but on the corrective
action to be taken with respect to the resulting injustices and hardships?

If the Council is empowered to make recominendations, even if the
respondent State has acted entirely within its legal rights, as everybody
adrnits, it shouldafortiori be allowed to make similar recommendations
when the question of alleged breaches of treaties has been deterinined by
the Court to be outside the Council's jurisdiction under Article 84.

11. In paragraph 24 of the Judgment the Court holds that the decision

101nir. Cela, me semble-t-il, suffit à conférer une identité distincte à chacun
de ces deux actes et a exclure la possibilitéde les assimiler, car ils peuvent
suivre des voies différentes à l'avenir, mêmesi les termes employés, les
violations des traités alléguéeset les autres chefs de demande coïncident.
9. Le fait qu'une partie puisse avoir choisi de présenter sous la forme

d'une plainte, en tout ou en partie, des réclamations qu'elle a déjà
présentéessous la forme d'une requêtene saurait modifier la situation
juridique.
Si une partie sollicite, pour des motifs identiques, à la fois une décision

du Conseil et une recommandation, elle suit simultanément deux chemins
distincts, mais elle ne saurait, par ce procédé, cumuler ou combiner les
recours et les protections juridiques auxquels elle peut prétendre dans
la cadre de chacune des deux procédures. Si la partie requérante obtient
une décision, cette décision, en mêmetemps qu'obligatoire, est sus-

ceptible d'appel. Si la mêmepartie obtient une recommandation, il n'en
résulte ni lien obligatoire, ni faculté d'interjeter appel devant la Cour ou
un tribunal arbitral .
Cela doit êtrevrai pour 1'Etat requérant comme pour 1'Etatdéfendeur.
Si l'on adrilet que le défendeur peut maintenant faire appel de la décision

du Conseil relative a la ~cplainte)),cela implique nécessairement que
toute décision future sur le fond de la même 1plainte )pourra revenir en
appel devant la Cour à l'initiative de la partie perdante.

10. L'argument principal invoqué à l'appui de la conclusion à laquelle
cn vient l'arrêt,c'est celui du ((paradoxe )auquel on arriverait si la Cour
déclarait le Conseil incompétent pour connaître de certaines violations
invoquées dans une ((requête », alors que le même Conseil pourrait
néanmoins se prononcer sur les mêmesquestions en examinant une

(lplainte))pour laqu?lle l'appel serait exclu.
Si l'on tient compte des pouvoirs que doit exercer le Conseil en vertu
de I'article II, section 1, de l'Accord de transit et de la forme que doit
revêtirson action aux terines de cette disposition, je ne découvre aucun
paradoxe dans une telle situation. La décision négativede la Cour sur un

appel relatif à une ((requête )) empêcherait naturellement le Conseil
d'arriver à une décision obligatoire sur les violations des Traités dénon-
céesdans cette requête 1)Mais pourquoi cette décision hypothétique de
la Cour empêcherait-ellele Conseil quand ila à connaitre d'une plainte,

de faire des recommandations, non sur les violations comme telles mais
sur les mesures correctives àprendre à l'égard des injustices et préjudices
qui en résultent?
Si le Conseil a le pouvoir de faire des recommandations mêmeau
cas où 1'Etat défendeur a agi entièrement dans l'exercice de ses droits,

ce que nul ne conteste, il doit à plus forte raison jouir de la faculté
de faire des recommandations semblables quand la Cour a décidéque la
question des prétendues violations des Traités échappe à la compétence
du Conseil en vertu de l'article 84.
11. Au paragraphe 24 de l'arrêtla Cour conclut que ((dans la mesure

101144 ICA0 COUNCIL (SEP. OP. JIMENE ZE ARÉCHAGA)

assuming jurisdiction in respect of Pakistan's Complaint is appealable
"in so far as it covers the same ground as the Application". In my

view the jurisdictional decisions regarding the Complaint and the
Application do not cover the same ground because the scope of jurisdic-
tion of the ICA0 Council under Section 1 of Article II is much broader
than that attributed under Section 2, to the point that it may be said that
there are no legal standards to apply in order to review a decision of

the ICAO Council incorporating a "complaint" in its agenda.

Under Article 84 of the Chicago Convention and Section2 of Article 11
of the Transit Agreement, the jurisdictional clause precise and capable
of judicial review, as the Judgment itself shows. But the terms in Section
1 of Article 11 providing for the Council's jurisdiction to receive and

consider "complaints" are drafted in such a way that it is obvious it
was never intended to subject such a decision to judicial review. According
to those terms, any contracting party is entitled to submit a request to the
Council whenever, in its subjective appreciation, it deems that action by
another State causes injustice or hardship to it. The provision goes on to

state that "the Council shall thereupon inquire into the matter". These
words require the Council to place the request automatically in its agenda
and therefore set no legal limits or restraints on the scope of the Coiincil's
jurisdiction to receive and consider a "complaint".

11. COMPETENC EF THE APPEAL WlTH REGARD TO
THE APPLICATION

12.1fully agree with the conclusion reached in the Judgment that the

Court is competent to entertain the appeal against decisions Nos1and 2
of the Council ofICAO, concerning Pakistan's Application.
Article 84 of the Chicago Convention provides that an appeal shall
lie "from the decision of the Council" on "any disagreement between two
or more contracting States relating to the interpretationor application

of this Convention ..." (emphasis added).
Each one of the two above-mentioned decisions of the ICA0 Coiincil
constituted the decision on a disagreement between India and Pakistan
relating to the interpretation or application of Arti84eof the Conven-
tion. India contended that the ICA0 Council had no jurisdiction, on the
ground that "suspension" and "termination" are not covered by the

words "interpretation" or "application" and that a bilateral special
régime, and not the Convention, was in force between the Parties;
Pakistan opposed both contentions.
13. On the particular disagreement as to whether the Council of ICAO
had power to act and should exercise it, there were attempts at negotia-

tion without avail.
When the Council of ICA0 adopted its decisions on 29 July 1971 itoù I(plainte 11 et (requête )) coïncident )),la décision par laquelle le

conseil s'est déclaré compétentpour connaitre de la plainte du Pakistan
est susceptible d'appel. Pour moi les décisionsde caractère juridictionnel
concernant la plainte et la requêtene coïncident pas, étant donné que la
compétence du Conseil de I'OACI en vertu de la section 1 de l'article

II est beaucoup plus étendue qu'en vertu de la section 2, au point que
l'on peut dire qu'il n'existe pas de critères juridiques applicables pour
contrôler la décision du Conseil de I'OACI d'inscrire une ((plainte 11à

son ordre du jour.
Dans I'article 84de la Convention de Chicago et à I'article II, section 2,
de l'Accord de transit, la clause juridictionnelle est précise et susceptible

de contrôle judiciaire, comme l'arrêt lui-mêmlee démontre. Par contre,
I'article 11,section 1, donnant au Conseil compétence pour accueillir
et examiner ades plaintes ))est rédigéde telle sorte que, de toute évidence,
l'intention n'a jamais été de soumettre ce genre de décision à un contrôle

judiciaire. Ce texte donne à toute partie contractante la facultéde saisir
le Conseil d'une demande chaque fois que, selon son appréciation sub-
jective, elle estime qu'une mesure prise par un autre Etat constitue une

injustice a son égard ou porte préjudice à ses intérêts.La disposition
poursuit en ces terines: ((le Conseil, à la suite d'une pareille demande,
étudiera la question 11.Ce libellédonne au Conseil le pouvoir d'inscrire

automatiqiiement la demande a son ordre du jour et n'impose donc ni
limite ni restriction d'ordre juridique à l'étendue dela compétence du
Conseil pour accueillir et examiner une eplainte )).

12. J'approuve tout à fait la conclusion de l'arrêt selon laquelle la
Cour a compétence pour connaître de l'appel contre les décisions no"
et 2 du Conseil de I'OACI relatives a la requêtedu Pakistan.

L'article 84 de la Convention de Chicago prévoit iin droit d'appel (1de
la décisiondu Conseil ))au sujet d'((undésaccord entre deux ou plusieurs
Etats contractants à propos de l'interprétation ou de l'application de la
présente Convention ..))(les italiques sont de nous).

Chacune des deux décisions susmentionnées du Conseil de I'OACI
constitue iine décision concernant un désaccord entre I'lnde et le Pakis-
tan à propos de l'interprétation ou de l'application de I'article 84 de la

Convention. L'Inde a soutenu que le Conseil de I'OACI n'avait pas
compétence pour le motif que les termes ((interprétation ))ou lapplica-
tion 1)ne visent pas la IIsuspension )Iet I'eextinction ))et que c'était un

régime bilatéral spéciale , t non la Convention, qui étaiten vigueur entre
les Parties; le Pakistan a contesté ces deux thèses.
13. Dans le présent désaccordsur le point de savoir si le Conseil de
I'OACI avait la faculté d'agir et devait l'exercer, des négociations ont

étéengagées en vain.
Avant de prendre ses décisions du 29 juillet 1971, le Conseil avait eu145 ICA0 COUNCIL (SEP. OP. JIMENEZ DE ARECHAGA)

had cognizance of letters exchanged between the parties and coininuni-
cations made to the Council from which it transpired that the jurisdic-
tional issue had become an obstacle to the negotiations on the merits
which the parties had been asked to undertake by the Council's resolution

of 8 April 1971.According to that inforniation, while India was prepared
to hold "bilateral talks with Pakistan", it added that such talks should
take place "without third-party interference", alluding to the Council
of ICAO (Memorial of India, Annex E, (b), Verbatim Record of the
Third Meeting, 27 July 1971,Discussion, paras. 69 to 78).
In view of that refusal to negotiate on the jurisdictional issue, or to

negotiate on the merits until the jurisdictional question was eliminated,
the Council of ICAO was perfectly justified in making its implicit deter-
mination that the particular disagreement concerning the Council's
jurisdiction could not be settled by negotiations between the parties.
14. The dispute as to thejurisdiction of the ICAO Council was brought
to the Council's attention by India when it filed its preliminary objec-

tions; this document constituted, within the meaning of Article 84 of the
Chicago Convention, the application of the State concerned. In the con-
text of the Convention, and particularly of its Article85, only the parties
to the disagreement inay exercise the right of appeal: the appellant in this
case was a party to the dispute. ln consequence, al1conditions required by
Article 84 were met and in the circumstances it would be unjustified to

refuse the appeal as incompetent, as contended by Pakistan in the oral
proceedings, advancing a restrictive interpretation of the Rules of the
Council fo; the Settlement of Differences.
15. The question of the competence of the appeal inust be deterniined
on the exclusive basis of the treaty provisions establisliing the Court's
jurisdiction, examined in the light of the basic principles of international

law on jurisdictional matters, indicated in paragraph 18of the Judgment.

The Rules for the Settlenient of Differences adopted by the Council
of ICAO cannot have the effect of ousting the Co~irt'sjurisdiction, if
it exists on the basis of the relevant treaty provisions. A regulation adopt-
ed by the organ of first instance cannot add to or detract froni the appel-

late jurisdiction possessed by the Court iinder provisions which have
been agreed to by the contracting States. on whose consent that jurisdic-
tion is grounded.
16. In any case, it was not the object of these Rules to affect or diminish
the Court's jurisdiction, but only to regiilate the procedures within the
ICAO Council itself.
The restrictive inferences which were drawii by counsel for Pakistan in

the oral proceedings do not, moreover, appear to be justified.
A reading of these Rules conveys the opposite impression. Inspired as
they are by the Rules of Procedure of the Court, they intend, and in fact
succeed, in setting out, as independent and separate decisions, those
pronouncements which the Council must adopt on the question of its

own jurisdiction. This independence assigned to jurisdictional decisionsconnaissance des lettres échangéesentre les Parties ainsi que des com-
munications qui lui avaient été transmises et d'où ilressortait que la

question juridictionnelle faisait obstacle aux négociations sur le fond
que les Parties avaient étéinvitéesà engager par la résolution du Conseil
du 8 avril 1971. Selon ces élémentsd'information, si I'lnde étaitdisposée
à avoir des 11entretiens bilatéraux JJavec le Pakistan, elle tenait aussi à
ce qu'ils se déroulent ((sans intervention de tiers JJc'est-à-dire en dehors

du Conseil de I'OACI (mémoiredu Gouvernement indien, annexe E, b),
procès-verbal de la 3' séance,27 juillet 1971, Débat, par. 69 à 78).
L'Inde s'étantdonc refuséeà négociersur la question de la compétence
ou à négocier sur le fond tant que la ques~ionjuridictionnelle se poserait,
le Conseil de I'OACI étaitparfaitement fondé à en déduire implicitement
que le désaccord sur sa compétence ne pouvait être réglépar voie de

négociation entre les parties.
14. Le différend concernant la compétence du Conseil de I'OACI a
étéporté à l'attention du Conseil par l'Inde quand elle a soulevé ses
exceptions préliminaires: le document pertinent constitue la requêtede
1'Etat impliquédans ce désaccord au sens de l'article 84 de la Convention

de Chicago. D'après la Convention et notamment son article 85, seules
les parties à un désaccord peuvent exercer le droit d'appel: en l'espèce,
l'appelant était partie au différend. Toutes les conditions requises par
l'article84 étaient par conséquent satisfaites et, dans ces conditions, la
Cour ne serait pas fondée à rejeter l'appel comme irrecevable ainsi que
le Pakistan l'a demandé en plaidoirie, excipant d'une interprétation res-

trictive du Règlement du Conseil pour la solution des différends.
15. La question de la compétence pour connaître de l'appel doit être
tranchée exclusivement sur la base des dispositions conventionnelles
établissant la compétence de la Cour, compte tenu des principes fonda-
mentaux du droit international en matière de compétence qui sont visés

au paragraphe 18 de l'arrêt.
Le Règlement pour la solution des différends adopté par le Conseil de
I'OACI ne saurait avoir pour effet d'exclure la compétence de la Cour, si
celle-ciest établiesur la base des dispositions conventionnellesapplicables.
Un règlement adopté par l'organe de première instance ne saurait ni
élargir ni restreindre la juridiction d'appel que la Cour tient des dis-

positions acceptéespar les Etats contractants, dont le consentement cons-
titue le fondement de cette compétence.
16. Au reste, l'objet du règlement dont ils'agit n'étaitpas de diminuer
la compétence de la Cour ou d'y porter atteinte mais seulement de
déterminer la procédure à suivre au sein du Conseil de I'OACI lui-même.

Les conclusions restrictives formulées par le conseil du Pakistan
pendant la procédure orale ne paraissent pas non plus justifiées.
La lecture du règlement donne une impression contraire. Inspiré par
le Règlement de la Cour, il vise les prononcés du Conseil sur sa propre
compétence et réussit en fait à les présenter comme des décisions in-

dépendantes et distinctes. Ce sort indépendant réservéaux décisionssur la
compétence ne peut s'expliquer que comme une reconnaissance descannot be explained otherwise than as a recognition of the basic princi-
ples of international law and of good administration of justice, which
require both a preliminary and a conclusive determination of the existence
ofjurisdiction before the adjudicating organ may embark upon the merits

of a case. This can only be accomplished if, as declared in the Court's
Judgment, an independent appeal is allowed on the decision concerning
jurisdiction, so that this question is conclusively settled "before any
further steps are taken under these Rules" (Art. 5,para. 4, of the Rules).
17. As to Articles 36 and 37 of the Statute of the Court, it would be
dificult to conceive that the Court might find that the Chicago Con-

vention and the Transit Agreement, ratified or adhered to by 120 and
79 States respectively, including both Parties in the case, are not treaties
or conventions "in force".
This is so even in the relations between the Parties in this case. What
has been claimed bv lndia before the Court is that it has sus~ended those
treaties vis-à-vis Pakistan.The suspension of a rnultilateral treaty between

two of its parties, while it affects temporarily the operation of the treaty
as between them, does not affect the maintenance in force of the treaty,
among al1the parties and even in the relations of these two parties inter
se. This is confirmed by various provisions of the Vienna Convention on
the Law of Treaties concerning "suspension of operation" of treaties,
such as Articles 72 and 45.The latter provision, in particular, in its final

part, distinguishes between invalidity and termination, on the one hand,
affecting the "maintenance in force" of a treaty, and suspension, on the
other hand, only affecting the "maintenance in operation" of a treaty.

III.JURISDICTIO ONF THE ICA0 COUNCIL

18. Two alternative grouiids of objection have beeii raised by India

against the jurisdiction of the ICA0 Council:
(1) The allegation that Pakistan by its conduct with respect to an act
of hijacking of an Indian aircraft diverted to Lahore has committed

a material breach of the Chicago Convention and the Transit Agree-
ment and therefore India is entitled to consider those treaties as
suspended. In India's contention, questions arising from the "ter-
niination" or "suspension" of the treaties do not corne within the
purview of the jurisdictional clause in Article 84 of the Chicago

Convention, which refers to disagreements relating to the "interpre-
tation or application" of the treaty.
(2) The allegation that since 1966the Chicago Convention and the Tran-
sit Agreement have been superseded in the relations between India
and Pakistgn by a special régime of a bilateral character, not com-
prising landing rights and allowing overflights only on a provisional
basis, on the condition of reciprocity and subject to the permission

of the State to be overflown. This special régime would exclude theprincipes fondamentaux du droit international et d'une bonne administra-
tion de la justice, qui exigent que la compétence soit établie de manière
à la fois préliminaire et concluante avant que l'organe judiciaire puisse
aborder le fond. On ne peut y parvenir que s'il est permis de faire appel

séparément de la décision concernant la compétence, comme l'indique
l'arrêt dela Cour, afin que la question soit réglée définitivement((avant
toute autre mesure à prendre en vertu du ..Règlement 1(Règlement pour

la solution des différends, art. 5, par. 4).
17. Pour ce qui est des articles 36 et 37 du Statut de la Cour, il serait
difficilement concevable que la Cour puisse constater que la Convention
de Chicago et l'Accord de transit, qui ont recueilli les ratifications oü les

adhésions de 120 et 79 Etats respectivement, y con~pris les deux Parties
en l'espèce,ne sont pas des traités ou conventions 1en vigueur 1).
Cela est vrai aussi en ce qui concerne les relations entre les Parties
elles-mêmes.La thèse présentée à la Cour par l'lnde est qu'elle a sus-

pendu ces traités à l'égard duPakistan. Si la suspension d'un traité multi-
latéral entre deux des Etats contractants influe temporairement sur
l'application du traité entre elles, elle n'empêche pas le maintien en

vigueur du traité entre toutes les parties, et mêmeentre les deux Etats en
question. Cela est confirmé par plusieurs dispositions de la convention
de Vienne sur le droit des traités relatives à la ((suspension de I'applica-
tion ))des traités, comme les articles 72 et45. Ce dernier article en par-

ticulier fait une distinction, dans sa section finale, entre, d'une part, la
nullité d'un traité ou le fait d'y mettre fin, qui touche à son 1maintien
en vigueur^^,et, d'autre part, la suspension qui ne concerne que le
(maintien en application )]du traité.

III. COMPÉTENC DEU CONSEIL DE L'OACI

18. Pour contester la compétence du Conseil de I'OACI, I'lnde a
invoqué soit l'un soit l'autre des motifs suivants d'exception:

1) L'Inde allègue que le Pakistan, par son comportement à l'occasion

du détournement d'un avion indien sur Lahore, a commis une viola-
tion substantielle de la Convention de Chicago et de l'Accord de
transit, et qu'elle est donc en droit de considérer ces traités comme
suspendus. D'après la thèse de I'lnde, les questions relatives à l'((ex-

tinction )ou à la (suspension )]des traités ne relèvent pas de laclause
juridictionnelle de l'article 84 de la Convention de Chicago qui se
réfère aux désaccords survenus à propos de ((l'interprétation 1)ou de
(1l'application 11du traité.

2) L'Inde allègueque, depuis 1966,la Convention de Chicago et l'Accord
de transit ont étéremplacés, dans les relations entre l'Inde et le
Pakistan, par un réginiespécialde caractère bilatéral, qui ne comporte
pas de droit d'atterrissage et ne permet le survol qu'à titre provisoire,

sous condition de réciprocitéet avec l'autorisation de 1'Etat dont le
territoire doit être survolé.Ce régime spécial exclurait lacompétence jurisdiction of the Council of ICAO on a different ground than that
indicated in (1) above; because that jurisdiction only comprises dis-
agreementsrelating to the interpretation or application of the Chicago

Convention and the Transit Agreement, and not disagreements
arising froni bilateral arrangements.

1. The Allegation of Material Breach
19. The first ground of objection advanced by India, and the position
taken by Pakistan, make it necessary to examine the relationship existing

between the alleged breach of a treaty and its possible effects with regard
to a jurisdictional clause such as that appearing in Article 84.

When a breach of a treaty is alleged to have occurred, several options
are available to the party which claims to have been injured by such

breach. One of them is to make a claim demanding resumption of per-
formance and asking for reparation for the damage resulting from the
breach. Thus Pakistan submitted an application to the Council of ICAO
requesting that India should be directed to perform its obligations under
the Chicago Convention and the Transit Agreement and to pay com-
pensation for the damage which had resulted from such breach.

20. The jurisprudence of the present Court and that of its predecessor
have established that, if a jurisdictional clause comprises al1 or any
disagreements relating to the interpretation or application (or the
execution) of a treaty, the organ provided for in that clause would possess
jurisdiction to examine the questions concerning the performance or

non-performance of the obligations resulting from the treaty as well as
the claim for reparation resuiting from the aÏleged breach.
21. The first proposition was established in the Advisory Opinion 011
Interpretation of Peace Treaties where the Court found that disputes
which "relate to the question of the performance or non-performance of

the obligations provided in" a treaty, "are clearly disputes concerning
the interpretation or execution" of the treaties in question (I.C.J.Reports
1950, p. 75) '.
The second proposition, namely that the jurisdiction of an organ em-
powered to consider any dispute relating to the interpretation or ap-
plication of the provisions of a treaty also extends to claims for repara-

tion for failure of performance of those provisions, was established by
the Permanent Court which held that "differences relating to reparations,
which may be due by reason of failure to apply a convention, are conse-
quently differences relating to its application" (Chorzbw Factory (Juris-
diction) case, P.C.I.J., Series A, No. 9, p. 21).

' In that case the jurisdictional clause referredto the "execution" and not to the
"application" of the treaty. But this difference is here immaterial si"c'appli-
cation' is a wider, more elastic and less rigid term than 'executio"'(P.C.I.J.,
SeriesA, No. 5. p. 48). CONSEIL DE L'OACI (OP. IND. JIMÉNEZDE ARÉCHAGA) 147

du Conseil de I'OACI pour un motif différent de celui qui est indiqué
au paragraphe 1ci-dessus, à savoir que la compétence s'étendseule-

ment aux désaccords relatifs à I'interprétation ou à I'application de
la Convention de Chicago et de l'Accord de transit et non aux dés-
accords survenus à propos d'arrangements bilatéraux.

1. L'alligation de violation substantielle

19. Le premier motif d'exception avancé par l'Inde et la position
adoptée par le Pakistan obligent à examiner les rapports entre la préten-

due violation d'un traité et les effets qu'elle peut produire à l'égardd'une
clause juridictionnelle, comme celle qui figure à l'article 84 de la Conven-
tion.
Lorsque la violation d'un traitéest alléguée, plusieursoptions s'ouvrent

à la partie qui se prétend léséepar cette violation. L'une d'elles consiste
à demander la reprise de l'exécution età réclamer la réparation du pré-
judice résultant de la violation. C'est ainsi que le Pakistan a saisi le

Conseil de I'OACI d'une requête, lui demandant d'ordonner à l'Inde
d'exécuter lesobligations qui lui incombent en vertu de la Convention de
Chicago et de l'Accord de transit et de payer une indemnité pour les
dommages résultant de I'inexécution.

20. La jurisprudence de la Cour actuelle et de sa devancière a établi
que, si une clause juridictionnelle vise tout désaccord survenu à propos
de I'interprétation ou de I'application (ou de I'exécution) d'un traité,

l'organe prévu dans la clause est compétent pour examiner les questions
relatives à I'exécution ou a l'inexécution des obligations rusultant du
traité, ainsi que la demande en réparation fondéesur la prztendue viola-

tion.
21. La première proposition a été établiedans l'avis consultatif sur
l'Interprétationdes trait&sde paix, où la Cour a jugé que les différends
((relatifs à I'exécution ou à la non-exécution des obligations prévues ))

dans un traité «sont nettement de ceux qui portent sur I'interprétation
ou sur I'exécution ))des traités dont ils'agit (C.I.J. Recueil 1950, p. 75) '.

La deuxième proposition, à savoir que la compétence d'un organe
habilité àcoiinaître d'un différendrelatif à I'interprétation ou à I'applica-
tion des dispositions d'un traités'étend aussiaux-demandes en réparation
fondées sur le défaut d'exécution de ces dispositions a été établiepar la

Cour permanente, qui a jugé que (1les divergences relatives à des répara-
tions, éventuellement dues pour manquement à I'application d'une
convention, sont, partant, des divergences relatives à I'application ))(af-

faire relative à l'Usine de Chorzbw, conipéter~ce,C.P.J.I. série A no 9,
p. 21).

l En l'espèce, la clause juridictionnelle se réféta1I'exécution1et non à «I'appli-

cation 1)du traité.Cette différence est icisans intérêt crapplication 1est un terme
pliis large, plus souple. moins rigide qu'ciexécution * (C.P.J.IsérieA no 5, p. 48). 22. In the case of a material breach of a treaty, the State claiming to
be injured by the alleged violation, instead of asking for resumption of
performance and damages (as Pakistan has done) may invoke the right
to consider the treaty or some of its provisions as suspended or terminated.
This is what India stated before the Court that it had done in the present
case.
When one party had already resorted to the organ provided for in

the treaty, it would seem difficult to accept, as a matter of principle.
that the jurisdiction thus invoked might be ousted by the other party's
allegation of a breach and claim that it constituted a ground for termi-
nating the treaty or suspending its operation in whole or in part. That
would signify that a party might be able, by its unilateral action, to put
an end to the exercise of jurisdiction by an organ whose functions are

provided for on the basis of the consent of al1parties. Such a thesis would
also signify that theorgan in question would lose its power to act precisely
with regard to the most serious cases of non-performance: when it is
alleged that a material breach of the treaty has been committed.
23. A more detailed analysis of the matter confirms the initial ap-
preciation of principle made above. The determination that a breach

of a treaty has occurred and that it is of such significance as to entitle
one of the parties to invoke it as a ground for terminating the treaty
or suspending its operation, presupposes and requires an interpretation
of the treaty in question. It is necessary first of al1to determine whether
the conduct of the party is actually incompatible with or contrary to
the terms of the treaty or is excluded by necessary intendment thereof.
It is then indispensable to determine whether there has been a material

breach, since only such a type of breach would justify terinination or
suspension. In Article 60 of the Vienna Convention on the Law of Trea-
ties, which the Co~irt has found in this respect to codify existing cus-
tomary law (I.C.J. Reports 1971, p. 47) a material breach is defined as
the violation of a provision essential to the accomplishment of the object
and purpose of the treaty. The determination of the existence of a mate-

rial breach necessarily requires the interpretation of the provisions of
the treaty, including its preamble.
24. The need for such an interpretation of the treaty in question is
even more necessary when, as it occurs in the present case, the allegedly
defaulting State denies either the fact of the violation. or its responsibility
for it, or the material character of the breach. In such an event, differ-

ences arise between the parties which must be regarded as disagreements
relating to the interpretation or application of the treaties, since they
cannot be solved without reference to the instruments themselves.

25. In the present case, the Chicago Convention contains several pro-
visions which are relevant to a legal appreciation of some of the con-

tested facts which lie at the root of the disagreement and which have
a direct bearing on the problems concerning safety of international civil
aviation arising from hijacking incidents. 22. Lorsqu'il y a eu violation substantielle d'un traité, [I'Etat qui se
prétend lésépar la violation peut, au lieu de demander la reprise d'exécu-
tion et une indemnisation (comme l'a fait le Pakistan), invoquer le droit
de considérer le traité ou certaines de ses dispositions comme suspendus
ou caducs. C'est ce que, devant la Cour, I'lnde a affirméavoir fait en la
présente affaire.

Quand l'une dcs parties a eu recours à l'organe prévu par le traité, il
semble diflicile d'adniettre en principe que l'autre partie puisse exclure
la juridiction ainsi invoquée, en soutenant qu'une violation a été com-
mise et que cette violation constitue un motif de mettre fin au traité ou
de suspendre totalement ou partiellement son application. Cela revien-
drait à dire qu'une partie a la faculté,par son action unilatérale, d'enlever
à un organe dont les fonctions sont établies sur la base du consentement

de toutes les parties la possibilité d'exercersa compétence. Cette thèse au-
rait aussi pour conséquence que I'organe en question perdrait son pou-
voir d'agir précisémentdans les cas d'inexécution lesplus graves, quand
on affirme qu'une violation substantielle du traité a étécommise.
23. Une analyse plus détailléedu problème confirme la considération
de principe énoncée ci-dessus. La conclusion qu'il y a bien eu violation
du traité et que cette violation est assez grave pour autoriser une des

Parties à f'invoquer comme un motif de mettre fin au traité ou d'en
suspendre I'application présuppose et exige l'interprétation du trqité en
question. II faut tout d'abord établir si le comportement d'une des
Parties est vraiment incompatible avec les termes du traité ou contraire
A ces termes, ou s'il est exclu nécessairement par ce traité. Il est indis-
pensable ensuite d'établir s'il y a eu violation substantielle, puisque seule
cette catégorie de violation peut justifier la cessation ou la suspension.A

l'article60 de la convention de Vienne qui, d'après la Cour, codifie à cet
égard le droit coiitumier existant (C.I.J.Recueil 1971,p. 47), une viola-
tion substantielle est définiecomme étant la violation d'une disposition
essentielle pour la réalisation de l'objet ou du but du traité. Or pour
établir l'existence d'une violation substantielle, il faut nécessairement
interpréter les dispositions du traité, y compris son préambule.

24. La nécessitéd'examiner ainsi l'interprétation du traité en question
est encore plus pressante quand, comme en l'espèce, 1'Etatprétendument
en faute conteste soit le fait qu'il y ait eu violation, soit la responsabilité
qu'il pourrait encourir de ce chef, soit le caractère substantiel de la viola-
tion. En cecas, ils'élève entre les parties des divergences qui doivent être
considéréescomme des désaccords survenus à propos de l'interprétation
ou de l'application des traités, puisqu'on ne peut les réglersans se référer

à ces instruments mêmes.
25. En l'espèce.la Convention de Chicago contient plusieurs disposi-
tions permettant une appréciation juridique de certains faits contestés qui
sont à l'origine du désaccord et qui ont une incidence directe sur les
problèmes poséspar les détournements d'avions en matière de sécuritéde
l'aviation civile internationale. 149 ICA0 COUNCIL (SEP. OP. JIMENEZDE ARÉCHAGA)

The Institute of International Law, when it examined in its Zagreb
session, on3 September 1971, the rules of international law which apply
de legelata to acts of "Unlawfiil diversion of Aircraft" concluded that:

"1. Under the general rules of international air law, as expressed
especially in the Chicago Convention of 7 December 1944, State
are required to ensure the safety, regularity and efficiency of in-
ternational air navigation and to collaborate with each other
to this end.

2. Under the general rules of international law which find particiilar
expression in Articles 25 and 37 of the Chicago Convention of
1944,States are required to render assistance to aircraft inistress
in their territory and to permit, subject to control by their own
authorities, the owners of the aircraft or authority of the States
in which the aircraft is registered to provide such measures of

assistance as may be necessitated by the circumstances."

These provisions correspond to the object and purpose of the treaty,

as defined in its preamble: to set up "certain principles and arrangements
in order that international civil aviation may be developed in a safe and
orderly manner".
26. In fulfilment of this purpose, the international organization created
by the Chicago Convention, ICAO, was assigned certain aims and ob-
jectives (Art. 44 of the Convention), inter alia ,o "insure the safe and

orderly growth of international civil aviation throughout the world",
"avoid discrimination between contracting States" and "promote safety
of flight in international air navigation". In execution of these aims and
objectives this specialized agency of the United Nations has shown its
concern for acts of violence against international civil air transport,
sponsoring the Tokyo and Hague Conventions designed to cope with

this problem. The General Assembly of the United Nations has recog-
nized this special concern, urging full support for tliese efforts (resolii-
tions 2551 (XXIV). para. 3 and 2645 (XXV), para. 8).

27. The issues in dispute between the Parties requiie the interpretation
of various of the above-mentioned provisions and a careful consideration

of the basic purposes and objectives of the organization created by the
Chicago Convention. Among those objectives, not only safety of inter-
national air navigation may be of relevance but also that objective which
requires this specialized agency to organize and co-ordinate, in an orderly
manner and on a multilateral and world-wide basis, civil international
air navigation.

Thus, the various allegations and counter-allegations of the Parties
on this aspect of the case not only constitute disagreements which relate
to the interpretation and application of the Chicago Convention and

107 Quand l'Institut de droit international a examiné, à sa session de
Zagreb, le 3 septembre 1971, les règles du droit international qui s'ap-
pliquent de lege latu aux actes de ldétournement illicite des aéronefs )),
ila conclu comme suit:

((1. Suivant les principes généraux du droit international aérien,

tels qu'ils sont exprimés notamment dans la Convention de
Chicago du 7décembre 1944,les Etats doivent assurer la sécurité,
la régularitéet l'efficacitéde la navigation aérienneet collaborer
entre eux à cette fin;

2. Suivant les principes générauxdu droit international qui sont
notamment exprimés par les articles 25 et 37 de la Convention
de Chicago du 7 décembre 1944, les Etats doivent fournir assis-
tance aux aéronefs en détresse sur leur territoire et, sous réserve

de l'exercice d'un droit de contrôle par leurs propres autorités,
permettre aux propriétaires de l'aéronef ou auxautorités de 1'Etat
dans lequel l'aéronef est immatriculé de fournir les mesures
d'assistance que les circonstances pourraient rendre nécessaires. ))

Toutes ces dispositions correspondent à l'objet et au but du traité tel

qu'il est définidans son préambule et qui est d'établir I(certains principes
et arrangements, afin que l'aviation civile internationale puisse se déve-
lopper d'une manière sûre et ordonnée )).
26. A cette fin, on a assigné à 'IOACI, organisation internationale

crééepar la Convention de Chicago, certains buts et objectifs (art. 44 de la
Convention), entre autres ceux 11d'assurer le développement ordonné et
sûr de l'aviation civile internationale dans le monde entier ». ld'éviter la
discrimination entre Etats contractants ))et 1de promouvoi: la sécuritéde

vol dans la navigation aérienne internationale )).Dans la poursuite de ces
fins et objectifs, cette institution spécialisée desNations Unies a montré
qu'elle s'inquiétait des actes de violence commis contre les transports
aérienscivils internationaux en faisant adopter sous son égideles conven-

tions de Tokyo et de La Haye destinées à faire face à ce problème.
L'Assemblée générale des Nations Unies a reconnu cette préoccupation
spéciale,en demandant instamment que l'on apporte un plein appui à de
tels efforts (résolution 2551 (XXIV), par. 3 et résolution 2645 (XXV),

par. 8).
27. Les points en litige entre les Parties appellent l'interprétation de
plusieurs des dispositions susmentionnées, ainsi qu'un examen attentif
des buts et objectifs fondamentaux de l'organisation créée par la

Convention de Chicago. Parmi ces objectifs, celui de la sécurité dela
navigation aérienne internationale n'est pas le seul qui puisse être
pertinent,car ilyen a un autre, qui fait un devoir à l'institution spécialisée
d'organiser et de coordonner, de façon ordonnée et à l'échellemondiale,

la navigation aérienne civile internationale.
Ainsi, les diverses allégations et contre-allégations des Parties sur cet
aspect de l'affaire non seulement constituent des désaccords relatifs à
l'interprétation et à l'application de la Convention de Chicago et de 150 ICAO COUNCIL (SEP. OP. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA)

the Transit Agreement, but at the same time they concern the basic
objectives and aims of ICA0 and some of its most important functions.

2. TheSpecial Régime

28. The second ground of objection raised by lndia against the juris-
diction of the ICAO Council is its contention that since 1965 overflights
of lndian and Pakistani aircraft had been governed by a "special régime"
which had repalced in the relations of the Parties inter se the Chicago
Convention and the Transit Agreement.

In support of this contention two notifications issued by India were
invoked; the first, dated 6 September 1965, directed that no Pakistani
aircraft should be flown over any portion of India; the second, dated
10 February 1966, after the Tashkent Declaration, amended this direc-
tive by adding "except with the permission of the Central Government
and in accordance with the terms and conditions of such permission".

Tndia asserts that there isa complete inconsistency between the Chicago
Convention and the Transit Agreement, on the one hand, and the 1966
notification on the other, since the essence of the multilateral treaties
consists in the unseverable rights to overfly and make non-traffic landings
in another State's territory without that State's prior permission.

29. Pakistan, for its part, asserts that the suspension of overilights in
1965was based on Article 89 of the Chicago Convention which establishes
that in case of war the provisions of the Convention shall not affect the
freedom of action of the parties, subject to a notification of the emer-
gency to the ICAO Council, which notification, it States, was given by
lndia on 9 September 1965. By the Tashkent Declaration, the Parties
agreed "to take measures to implement the existing agreements" and in a

further exchange of letters, on 3 and 7 February 1966, agreement was
expressed "to an immediate resumption of overflights across each
other's territory on thesame basis as that prior to I Augiist 1965", these
terms indicating, in Pakistan's view, that far from envisaging the setting
up of a new or special régime,the Parties referred to the resumption and
implementation of the "existing agreements".

30. The preceding confrontation of views of the Parties reveals dis-
agreements betw~en them on the following questions, among others:
(1) Whether theTashkent Declaration and subsequent exchanges resulted

in the effective application of the Chicago Convention and the
Transit Agreement, as contended by Pakistan, or merely signified
that measures would be taken thereafter to implement the existing
agreements, as contended by India.
(2) Whether the action taken by India in 1965and the subsequent practice
of the Parties had resulted in the establishment of a special régimein
lieu of the Chicago Convention and the Transit Agreement, as

contended by India, or was merely an application of the Convention
to special circumstances, in exercise of the freedom of action re-I'Accord de transit, mais en mêmetemps concernent les buts et objectifs
fondamentaux de I'OACIet certaines de sesfonctions lesplus importantes.

2. Le régime spéciul
28. Le deuxième motif d'exception soulevé par I'Inde contre la compé-
tence du Conseilde I'OACI consiste à affirmer que, depuis 1965,le survol
par les avions indiens et lesavions pakistanais est gouvernépar un régime
spécial qui a remplacéla Convention de Chicago et I'Accord de transit

dans les relations entre les Parties.
A l'appui de cette thèse deux notifications émanant de I'lnde ont été
invoquées;la première, du 6 septembre 1965,disposait qu'aucun aéronef
pakistanais ne devait survoler aucune partie de I'lnde; la deuxième, du
10 février 1966, c'est-à-dire postérieure à la déclaration de Tachkent,
amendait cette directive par l'adjonction des termes «sauf avec l'auto-
risation du Gouvernement central et conformément auxconditions mises
à cette autorisation ».
L'Inde affirme qu'il y a incompatibilité totale entre la Convention de
Chicagoet I'Accordde transit d'une part et la notification de 1966d'autre
part, étant donné queles droits inséparables de survoler le territoire d'un

autre Etat et d'y atterrirà des fins non commerciales sans l'autorisation
préalablede cet Etat sont l'essentiel destraités multilatéraux.
29. Le Pakistan soutient pour sa part que la suspension des survols en
1965étaitfondéesur l'article 89 de la Convention de Chicago, qui stipule
qu'en cas de guerre les dispositions de la Convention ne portent pas
atteinteà la liberté d'action desparties,àcondition que l'existencedel'état
de crise soit notifiéeau Conseil; or une telle notification, dit-il, a étéfaite
par I'lnde le9 septembre 1965.Par la déclaration de Tachkent, les Parties
se sont engagées ((à prendre des mesures en vue de mettre en Œuvreles
accords existant entre I'lnde et le Pakistan)et,dans un nouvel échangede
lettres en date des 3 et 7 février 1966, un accord s'est réalisésur ((une
reprise immédiate des survols des deux territoires sur la même base

qu'avant le I"août 1965 ))d'où ilrésulte, selonlePakistan, que loin d'en-
visagerd'établirun régimenouveau ou spécial,les Parties se référaient à la
reprise età l'application des ((accords existants».
30. Cette confrontation des thèses des Parties révèlequ'il existe entre
elles des désaccords notamment sur les questions suivantes:

1) La question de savoir si la déclaration de Tachkent et les échanges
ultérieurs ont entraîné l'application effective de la Convention de
Chicago et de I'Accord de transit, comme le soutient le Pakistan, ou
ont simplement prévu que des mesures seraient prises ultérieurement
polir mettre en Œuvre les accords existants, comme le soutient l'Inde.
2) La question de savoir siales mesures prises par l'lnde en 1965 et la
pratique ultérieure des Parties ont eu pour effet d'établir un régime
spécialremplaçant la Convention de Chicago et I'Accord de transit,
comme le soutient I'lnde, ouconstituaient simplement une application
de la Convention à des circonstances spécialesdans l'exercice de la

108 cognized by its Article 89 or in accordance with safeguards contained
in other provisions of the Convention, as contended by Pakistan.

31. It suffices to contrast these views of the Parties to reach the con-
clusion that, whatever their respective merits, these opposing contentions

constitute disagreements relating to the application and the interpretation
of the Chicago Convention and the Transit Agreement, thus attracting
the provisions of Chapter XVlIl of the Convention and establishing the
jurisdiction of the ICA0 Council to examine and pronounce in first
instance upon them.
One of the Parties asserts and the other denies the existence of the

special régime, the latter invoking various provisions of the Convention
as an explanation of the practice followed and also claiming that a diver-
gent bilateral régime would not be permissible under Articles 82 and 83
of the Convention itself.
Whether there is in fact a special agreement divcrgent froin the treatics
or a practice pursuant to them, and whether the former could legally

exist as between States parties to the Chicago Convention are both
questions which cannot but relate to the interpretation and application
of the Chicago Convention and the Transit Agreement. In other words:
there may be a special régime, as contended by India, but the determina-
tion of its very existence and its legality requires the prior interpretation
and application of the Chicago Convention and the Transit Agreement.

32. A more detailed examination of the issues debated by the Parties
before the ICA0 Council and the Court confirnis the foregoing con-
clusion. The Judgrnent indicates, in paragraphs 41 and 42, the conflicting
interpretations of Article 89 advanced by the Parties before the Court.
Even more conclusive as to the need for an interpretation of Article 89

in order to pronounce on the basic issues of this case was, in my view,
another statement made by counsel for India bcfore the Council of ICAO.

He advanced there the following interpretation of Article 89: "Free-
dom of action is permitted under Article 89 not just for the duration of

the war-the text does not Say 'during the war'-but even after the war
is terminated, if the essential security of the State requires somefreedom
of action" (Memorial of India, Annex E, (a), Verbatim Record of the
Second Meeting, 27 July 1971, Discussion, para. 59).

It is legitimate for the Court to take into account tliis statcmeot, whicli

raises fundamental questions of interpretation of that provision, because
the Court must pronounce on appeal on whether the Council of [CAO,
on the basis of the record of the discussion wllicll Ilad taXen place hefore if,
was right in assuming jurisdiction over this disagreement. liberté d'action reconnue par l'article 89 ou en vertu des garanties

prévuespar d'autres dispositions de la Convention, comme le soutient
le Pakistan.

31. LI suffit de comparer lesthèsesdes Parties pour arriver à la conclu-
sion que, quelle que soit leur valeur respective, ces assertions contraires
constituent des désaccords relatifs à I'interprétation et à l'application de
la Convention de Chicago et de I'Accord de transit, ce qui fait entrer en

jeu les dispositions du chapitre XVlll de la Convention de Chicago et
établitla compétencedu Conseil de I'OACI pour lesexaminer et statuer en
première instance à leur sujet.
L'une des Parties aflirme l'existence du régime spécialet l'autre la nie,
en invoquant diverses dispositions de la Convention pour expliquer

l'attitude des Parties et en soutenant en outre qu'un régime bilatéral
s'écartant de la Convention ne serait pas admissible aux termes des arti-
cles 82 et 83 de la Convention elle-même.
Quant à savoir s'il y a en fait un accord spécial s'écartant des traités
ou une pratique conforme à ceux-ci, et si un tel accord peut valablement

exister entre des Etats parties à la Convention de Chicago, ce sont là
des questions qui se rapportent nécessairement à I'interprétation et a
l'application de la Convention de Chicago et de l'Accord de transit. En
d'autres termes, il existe peut-être un régime spécialcomme l'affirme

I'lnde, mais pour constater son existence mêmeet sa validitéjuridique il
faut d'abord interpréter et appliquer la Convention de Chicago et l'Ac-
cord de transit.
32. Une analyse plus détaillée despoints dont les Parties ont débattu
devant le Conseil de I'OACI et laCour confirme la conclusion qui précède.

L'arrêt signale,aux paragraphes 41 et 42, les interprétations contradic-
toires de l'article 89 défendues devant la Cour par les Parties.
Plus décisiveencore auant à la nécessitéd'inter~réter l'article 89 Dour
statuer sur les questions fondamentales qui se posent en l'espèce est,
à mon avis, une autre déclaration que le conseil de I'lnde a faite devant

le Conseil de I'OACI.
Le conseil de I'lnde aproposéalors I'interprétation suivante de l'article
89: 1L'article 89 accorde la libertéd'action non pas simplement pendant
la durée de la guerre - le texte ne dit pas 1pendant la guerre 1)- mais

niêmeune fois que la guerre est terminée, si I'Etat a besoin d'une certaine
libertéd'action pour assurer sa sécuritéessentielle ))(mémoiredu Gouver-
nenient indien, annexe E, a), procès-verbal de la 2' séance, Débat, 27
juillet 1971, par. 59).
La Cour est fondée à tenir compte de cette déclaration, qui pose des

questions fondamentales pour I'interprétation de cette disposition,
puisqii'il lui incombe de décider en appel si, sur la basedu conlpte rend1
(lesdébatsqui ont eu lieu uu Conseil de I'OACI, celyi-ci a eu raison de se
dire compétent pour connaître de ce désaccord. 152 ICA0 COUNCIL (SEP. OP. JIMENEZ DE ARECHAGA)

3. Tlie Prior Permissions

33. In its Reply, lndia indicated certain examples desigiied to denion-
strate that the requirement of prior permission was consistently followed
in practice, so as to prove that in fact the multilateral treaties had been

superseded by the "special régime". During the oral proceedings before
the Court, new documents were deposited as additional evideiice in
support of the same contention.
These allegati~ns and documents might have been held to constitute
facts presented ixnoro, since they had not been introduced or argued
before the organ of first instance.

One of the limitations resulting from the circumstance that the Court
is exercising an appellate jurisdiction is that it must examine the decision
of the ICAO Council as a court of appeal would do. It is therefore
unable to take new facts and subsequent developments into account
and must appreciate the decisions of the ICA0 Council in the light of
the facts and arguments of law as they existed at the end of July 1971and

were then submitted to the Council's attention.
34. However, the conflicting contentions of the Parties on the per-
missions sought or granted for overflights and landings, both for sche-
duled and non-scheduled air services, do not really conccrn the facts of
the case. The Parties are not at odds about the facts themselves. on which
both introduced additional evidence, but about the legal charaCterization
and significance of these requests or grants for permission to overfly

or to land.

India, while emphasizing the need for prior permission in every case,
made a distinction between permissions granted for a period of time,
six months for instance, and special or ad lioc perinission granted for
each flight. Pakistan, for its part, pointed out that in accordance with

Article 68 of the Chicago Convention and Article 1of the Transit Agree-
ment, the routes to be followed by air services had to be subinitted to
and agreed by the competent authorities: such requests were not,
according to its view, permissions inconsistent with the Chicago Con-
vention and Transit Agreement but authorizations to overfly along a
prescribed route.

35. Such a diverging characterization of the sanie facts again raises
questions of interpretation and application of the Chicago Convention
and the Transit Agreement, and in particular, the i3e.raraquaestio of the
divergent practice of contractirig States with regard to the requirement of
prior permission or other authorizations for overflights and non-com-
mercial landings, both for scheduled and non-scheduled air services.

This issue not only relates to the interpretation and application of the
multilateral treaties in question, but is one with which the Council of
ICA0 is particularly experienced to deal. 3. Les autorisations préalables

33. Dans sa réplique, l'Inde cite certains exemples pour démontrer
qu'une autorisation préalable a étésystématiquement exigéeen pratique,
afin de prouver qu'en fait les traités multilatéraux avaient étéremplacés
par le (1régime spécial ». Pendant la procédure orale devant la Cour, de

nouveaux documents ont été joints audossier à l'appui de cette thèse.

On aurait pu considérer que ces allégations et ces documents consti-
tuent des faits soumis ex noi.0, puisqu'ils n'ont été ni présentésni dé-
battus devant l'organe de première instance.
L'une des limitations résultant de l'exercice par la Cour d'une juridic-

tion d'appel est qu'elle doit examiner la décision du Conseil de I'OACI
comme le ferait une cour d'appel. Elle n'a par conséquent pas la faculté
de prendre en considération des faits nouveaux ou des événements ul-
térieurs et doit apprécier les décisions du Conseil de I'OACI compte
tenu des faits et arguments de droit, tels qu'ils se présentaient à la fin

de juillet 1971 et ont été portésà l'attention du Conseil.
34. Quoi qu'il en soit, les allégations opposéesdes Parties concernant
les autorisations demandées ou accordées pour les survols et les atter-
rissages, qu'il s'agisse de services aériens réguliers ou de services non
réguliers, ne concernent pas vraiment les faits de la cause. Ce n'est pas

sur les faits eux-mêmes,à propos desquels elles ont présentél'une et
l'autre des indications complémentaires, que les Parties sont en désac-
cord, mais sur la qualification et la portée juridiques des demandes ou
octrois d'autorisations aux fins de survol ou d'atterrissage.
Tout en insistant sur la nécessitéd'obtenir une autorisation préalable
dans chaque cas, I'lnde a établi une distinction entre les autorisations

accordées pour une certaine période, par exemple six mois, et les auto-
risations spéciales accordéespour chaque vol. Le Pakistan a fait ressortir
quant àlui que,conformément àl'article 68de la Convention de Chicago et
à l'article 1de l'Accord de transit, les itinéraires à suivre par les aéronefs
devaient être soumispour approbation aux autorités compétentes. Selon

le Pakistan, de telles requêtesne constituaient pas des demandes d'autori-
sation incompatibles avec la Convention de Chicago et I'Accord de transit,
mais visaient l'autorisation d'adopter un itinéraire déterminéà l'avance.
35. Cette contradiction dans la présentation des mêmesfaits pose une
fois de plus des questions touchant à I'interprétation et à l'application

de la Convention de Chicago et de l'Accord de transit et en particulier
la question épineuse de la pratique divergente des Etats contractants en
ce qui concerne l'obligation de demande1 une autorisation préalable ou
d'autres permissions pour les survols et les atterrissages à des fins non
commerciales d'aéronefs assurant des services réguliers ou non réguliers.
Cette question ne concerne pas seulement l'interprétation et I'appli-

cation des traités multilatéraux en cause - c'est une question pour
l'examen de laquelle le Conseil de I'OACI possède une expériencepar-
ticulière.

110 36. In framing Chapter XVIII of theChicagoConvention,the founders
of ICA0 clearly intended to entrust functions of peaceful scttlement to
a body such as the Council, coniposcd of representatives selected by
member States on the basis of their experience in the actiial operation

of the international instruments they had to administer and apply.
The Council is empowered, not only to adjudicate on disagreements,
but also to mediate in theni. In granting such powers, account inust
have been taken of the influence which may be exerted by a body coin-
posed of delegates representing all major geographic arcas of the world
and including States chosen for their chief importance in air transport

or their large contribution to the provision of facilities for international
civil air navigation. An appeal to the InternationalCourt of Justice or
to an ad liuc arbitral tribunal was provided for so that when the Council
takes a decision on a disagreement, its adjudication is subject to the
supervision of an organ competent to deterniine, on the basis of inter-
national law, on the rights and duties of the parties.

IV. THE PROCEDUR FOELLOWE DY T~IECOUNCIL

1. Re1cvatlc.of tlzcQucstiori
37. The Court lias not deei-i~edit necessary or even appropriate to
go into the question of the alleged procedural irregularities which,

according to India, occurred within the ICA0 Council.
1 have been unablc to agree on this view, which 1find too limited, of the
powers and duties of the Court when fiinctioning as a court of appeal.
The right of appeal granted by Article 84 of the Chicago Convention
coniprises not oiily the right to obtain a pronouncenient from the Court
on whether the decision of first instance is correct from the point of view
of substantive law but also on whether that decision was validly adopted

in accordance with the essential principles of procedure which must govern
the quasi-judicial function entrusted to the orgaii of first instance. This
is further supportcd by the considerations stated in paragraph26 of the
Jiidgment.
The thesis which could be inferred fi-011tlie Judgmeiit niight prevent
the Court from going into qiiestions of procedure even if confroiited

with a decision of first instance adopted with grossviolation of elementary
principles and g~iaranteesof procediire: for instance, without liearing one
of the parties or allowing only one of them to vote.

Even if adecision adopted in the circuinstances described iiiay rcacli
correct conclusions from the point of view of substantive law, it would,

in my view, be ~injustifiedto deny the relevance of the procedural issue,
or the power of the Court todeclare the decision nuIl and void, simply for
the logical consideration that the answer to an objective question of law
cannot depend on what occiirred before the organ of first instance. The
fact of bcing cornpetent cannot give a blanket licence to an organ of 36. Lorsqu'ils ont rédigéle chapitre XVIll de la Convention de Chi-
cago, les fondateurs de I'OACI ont manifestement voulu confier des
fonctions de règlement pacifique à un organe tel que le Conseil, coniposé
de représentants choisis par les Etats membres pour leur expérience de
l'application des instruments internationaux qu'ils ontà mettre en Œuvre

et a administrer. Le Conseil est habilité, non seulement àjuger les désac-
cords, mais aussi à agir comme médiateur. Quand on a accordé ces
pouvoirs au Conseil, on a sûrement dû tenir compte de l'influence que
peut exercer un organe comprenant des délégués représentant les prin-
cipales zones géographiques du monde et composé d'Etats choisis pour
leur rôle prépondérant dans les transports aériens ou leur importante
contribution aux services de la navigation aérienne civile internationale.

II a étéprévuun appel devant la Cour internationale de Justice ou devant
un tribunal d'arbitrage ad lzoc pour que, lorsque le Conseil aurait à
rendre une décision sur un désaccord, son jugement fût soumis au con-
trôle d'un organe compétent pour statuer sur les droits et devoirs des
parties en vertu du droit international.

I. Pertinetice dla question

37. La Cour n'a jugé ni nécessaire ni mêmeapproprié d'aborder la
question des irrégularités de procédurequ'aurait commises le Conseil de
I'OACI d'après l'Inde.

Je ne puis partager cette conception trop restrictive à mon sens des
pouvoirs et obligations de la Cour lorsqu'elle statue en appel. Le droit
d'appel consacré par l'article 84 de la Convention de Chicago comporte
le droit d'obtenir non seulement que la Cour se prononce sur le point
de savoir si la décision rendue en première instance était fondée quant
au droit de fond applicable, mais aussi qu'elle dise si la décision a été
valablement adoptée, conformément aux principes essentiels de procé-

dure devant régir les fonctions quasi judiciaires de l'organe du premier
degré.Les.considérationsénoncées auparagraphe 26 de l'arrêt renforcent
d'ailleurs cette manière de voir.
La thèse qui pourrait êtredégagéede l'arrêtempêcherait éventuelle-
ment l'examen, par la Cour, des questions de procédure, mêmesi la
décision rendue en première instance violait de manière flagrante les

principes et garanties procédurales les plus élémentaires: par exemple,
si la décision avait étéprise sans entendre une des Parties ou en n'en
autorisant qu'une seule a voter.
Mêmesi une décision adoptée dans de telles conditions aboutissait à
des conclusions justifiées du point de vue du droit de fond applicable,
ilserait injustifié, à mon avis, de nier la pertinence de la question de
procédure, ou le pouvoir de la Cour de déclarer la décision nulle et de

nul effet, en partant simplement de cette considération logique que la
réponse à une question de droit objective ne saurait dépendre de ce qui
s'est passédevant l'organe du premier degré. Le fait d'être compétent

111154 ]CAO COUNCIL (SEP. OP. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA)

first instance to violate basic guarantees of procedure in reaching the
inherently correct decision of asserting its own jurisdiction.

2. Validity of the Appc~alableDecisions

38. 1do not believe that in this case the procedural deficiencies alleged
by the appellant have enough importance to justify the finding of nullity
which it has asked the Court to make.
39. The first observation refers to the form in which the questions put
to the vote were framed. This observation, as a general proposition, is a
correct one, since by putting a question in the negative it might be possible

in a hypothetical case to assert jurisdiction, on the basis of the rejection
of the negative question, even if there should be no absolute majority of
members in favour of recognizing the existence of such jurisdiction.
However, as a practical proposition with respect to this case, the objec-
tion does not affectthe validity of those decisions, Nos. 1 and 2, which
are, in my view, the only ones subject to appeal. If the questions had been
put in an affirmative form, the jurisdiction of the Council to entertain

the Application would have been cqually asserted by the majority required
by Article 52 of the Chicago Conventiori. This was conceded by the appel-
lant inthe oral proceedings (hearing of 23 June 1972).
40. The second objection raised by the appellant is that decision NO.3
concerning the Cornplaint was not supported by a majority of the meni-
bers of the Council. For the reasons stated in Part 1 of the present opin-

ion, 1 believe that the Court lacks jurisdiction to pronounce on decision
No. 3. Therefore, the questions of the validity of this decision or of the
niajority required for its adoption do not arise, in my view, as issues on
which the Court is conipetent to pronounce by means of the present
appeal.
41. A third ground of objcction is that the Council proceeded to vote

despite a request by various members for postponement. Yet the vote
taken on a proposal for deferment showed that a majority of meinbers,
whether they recorded their abstentions or not, considered themselves in
readiness and s~ifficientlyinformed to take a decision after what they
regarded as an adequate consideration of the arguments of the parties.
Some members expressed the view that a postponenient long enough to

permit the distribution of the records to member States would be unfair
to the party suffering from the suspension of overflights and in such a way
contrary to Article 28 of the Rules for the Settlement of Differences.
The decision of the Council to proceed to the vote in these circumstances,
after the President had announced that the vote would be taken at the
following meeting (Memorial of lndia, Annex E, (d), Verbatim Record
of the Fifth Meeting, Discussion, para. 135) was therefore in full accor-

dance with the treaty provisions and the Rules of Procedure governing its
activities.
42. In its Reply, the appellant observed that the propositions sub-ne donne pas à cet organe toute liberté de violer les garanties fondamen-
tales de procédure afin de parvenir à la décision, en elle-mêmefondée,
par laquelle ilse déclare compétent.

2. Validitédes dr'cisionssusceptiblesd'appel

38. Je ne pense pas qu'en l'espèce les imperfections procédurales
dont I'appelant fait état aient suffisamment d'importance pour que la
Cour soit fondée à prononcer la nullité, ainsi qu'on le lui demandait.
39. La première observation formulée a trait à la forme des questions
mises aux voix. Cette observation est exacte sur un plan général, vu
qu'en posant une question sous une forme négative il serait éventuelle-

ment possible, dans un cas futur hypothétique, qu'une décisionfavorable
à la compétence soit prise, la question négative étant rejetée, mêmes'il
n'y avait pas de majorité absolue en faveur de cette compétence.
Toutefois, sur le plan pratique, l'objection n'affecte pas, en l'espèce,
la validité des décisions mises en cause (décisions nos 1et 2) qui, à mon
avis, sont les seules qui offrent matière à un appel. Si les questions avaient

été formulées de manièreaffirmative, la compétence du Conseil pour
connaître de la requêten'en aurait pas moins obtenu la majorité prescrite
par l'article 52 de la Convention de Chicago. L'appelant en a d'ailleurs
convenu au cours de la procédure orale (audience du 23 juin 1972).
40. La deuxième objection soulevée par l'appelant est que la décision
no3, concernant la plainte, n'a pas eu l'appui de la majoritédes membres

du Conseil. Pour les motifs que j'ai exposésdans la première partie de la
présente opinion, j'estime que la Cour n'est pas compétente pour con-
naître de la décision no 3. La question de la validité de cette décision
ou de la majorité exigéepour son adoption ne constitue pas selon moi
Linproblème sur lequel la Cour ait compétence pour se prononcer dans
le présent appel.

41. Un troisième motif d'objection est que le Conseil est passé au
scrutin bien que plusieurs de ses membres aient demandé un renvoi.
Le vote sur la proposition de renvoi a cependant fait ressortir que, dans
leur majorité, les délégués (qu'ils aient ou non fait noter leur abstention)
se considéraient prêtsà prendre une décision et en outre suffisamment
informés après ce qui constituait à leur avis une étude adéquate des

arguments des Parties. Certains membres du Conseil ont exprimé
l'opinion qu'un renvoi suffisamment long pour permettre la distribution
des procès-verbaux aux Etats membres porterait tort à la Partie dont
les droits de survol étaient suspendus, et serait par conséquent contraire
à l'article 28 du Règlement pour la solution des différends. Dans ces
conditions, la décision du Conseil de passer au vote après que le président
eut annoncé que le scrutin aurait lieu à la séancesuivante (mémoire du

Gouvernement indien, annexe E, d),procès-verbal de la 5'séance,Débat,
par. 135) était pleinement conforme aux dispositions du traité et au
règlement intérieur du Conseil.
42. Dans sa réplique, I'appelant a fait observer que les propositions

112 mitted to the vote were put by the President of the Council of ICAO,
who is not a member of the Council, and no-one seconded these proposi-
tions.
This objection fails to take into consideration the special position
and powers possessed by the President of the Coiincil under the Chicago
Convention and under decisions adopted by the Council in accordance

with the Convention.
The propositions put to the vote by the President of the Council were
not governed by Rules 41 and 46 of the Riiles of Procedure but by Rules
30, 35 and 37, which give the President the power to present any recom-
mendations to the Council with respect to any item of the Council's
work programme, to put questions to the Council and to make rulings

which shall stand unless challenged and over-ruled.

When the questions were put to the vote, no member of the Council
(and India was one of them) raised an objection, or challenged the right
of the President to act as he did. Therefore, the decisions adopted by
the Council on the basis of such propositions cannot be challenged now
by the appellant on these grounds. As the Court said in the Advisory

Opinion concerning Namibia: "Having failed to raise the question at the
appropriate time in the proper forum, it is not open to it to raise it before
the Court at this stage" (para. 25, I.C.J. Reports 1971, p. 23).

43. A final ground, raised at the stage of the oral proceedings before
the Court, is the lack of reasons given for the decision subject to appeal.

There is nothing in the Chicago Convention or in the Rules of Proce-
dure requiring the Co~incilto deliver the decision concerning a prelimi-
nary objection in the form of an award or a judgment stating in logical
sequence the reasons for the conclusion reached.
In consequeilce, it does not seem possible to conclude that the decision
is invalid because it was not framed in the form of a judgment.

The Court had no difficulty in pronouncing on the appeal because
of the forin of the decision. In the verbatim record of the Council's
discussions and decisions. which was before the Court. there was a
complete transcript of the ;casons and arguments invokedby the Parties
and of the explanations of vote and other statements made by the Presi-
dent and those members of the Council who chose to state the grounds

for their vote.

44. Different views are advanced in some of the individual opinions
as to the scope and future effects of the Judgment delivered by the Court.
Taking this into account, 1 wish to state my own view of paragraph

2 of the operative part of the Judgment.
In my view, this paragraph cannot be understood otherwise than as a
final decision on the jurisdictional issue: The Couricil of ICA0 is com-mises aux voix ont étéprésentéespar le président du Conseil de I'OACI,
qui n'est pas membre de cet organe, et que personne n'a appuyé ses

propositions.
Cette objection ne tient pas compte de la situation et des pouvoirs
particuliers du président du Conseil en vertu de la Convention de Chicago
et de décisionsque le Conseil a adoptées conformément à cette Conven-
tion.
Les propositions mises aux voix par le président du Conseil n'étaient

pas régiespar les règles41 et 46 du règlement intérieur du Conseil, mais
par les règles 30, 35 et 37, qui donnent au président le pouvoir de pro-
poser au Conseil toute recommandation relative à toute question du
programme des travaux, de lui poser des questions et de prendre des
décisions qui sont définitives sauf s'il en est fait appel ou si elles sont

infirméespar le Conseil lui-même.
Quand les questions ont étémises aux voix, aucun membre du Conseil
(et l'Inde était l'un de ces membres) n'a soulevéd'objection ni contesté
le droit du président d'agir comme il le faisait. Les décisions prises
par le Conseil sur la base de ces propositions ne peuvent donc plus être
remises en cause par l'appelant à présent et pour ce motif. Pour reprendre

les termes employéspar la Cour dans l'avisconsultatif relatifà la Namibie:
11Faute d'avoir soulevéle problème en temps voulu devant l'instance qui
convenait, il ne lui est plus loisible de le faire à ce stade devant la Cou1)
(C.I.J. Rec~ceil1971, par. 25, p. 23).
43. Un dernier motif qui a été invoqué au stade de la prockdure orale

devant la Cour est que la décisionattaquée n'étaitpas motivée.
Rien dans la Convention de Chicago ni dans le règlei,lent intérieur
du Conseil n'oblige celui-ci à se prononcer sur une exception préliminaire
en rendant une sentence ou un jugernent qui énoncedans Linor.dre logiq~ie
les motifs de la décision.

II ne paraît donc p3s possible de conclure que la décisioii n'est pas
valable parce qu'elle n'a pas revêtu laforme d'un jugenient.
La Cour n'a éprouvé aucunedifficultéà statuer en appel à cause de la
fornie de la décision attaquée. Dans les procès-verbaiix dcs discussions
et décisions du Conseil, que la Cour avait à sa disposition, on trouvait

l'énoncé completdes motifs et arguments invoqués par les Parties, des
explications de vote, et d'autres déclarations prononcées par le président
et par les membres du Conseil q~iiont fait état des raisons de Icur vote.

44. Différentes thèses ayant étéavancées dans certaines opinions
individuelles au sujet de la portée et des effets futurs de I'arrGtrendu par
la Cour, je tiens à préciser ma propre position au sujet du pargaraphe 2
de son dispositif:

A mon avis, ce paragraphe ne peut être compris que comme une
décision définitivesur la question jiiridictionnelle. Le Conseil de I'OACIpetent to entertain this disagreeinent. This question has been settled.

If and when the Council of ICAO deals with the merits of the case,
it will have to pronounce on Pakistan's submissions. But when doing

so it will have to determine first what is the law applicable to the relations
between the Parties.
"The question as to what substantive law can be lawfully applied",
the Permanent Court once said "can only arise after the jurisdiction is
established '."The Permanent Court further stated: "Jurisdiction implies
the right to decide what substantive law is applicable in a given case to

which the jurisdiction extends 2."
Thus the ICAO Council, before pronouncing on Pakistan's submis-
sions, would have to determine whether the Chicago Convention and the
Transit Agreement apply or not in the relations between the Parties.

In such a way, it may again be faced, in a different context, with some

of the arguments which were raised by India to oppose the Council's
jurisdiction. Those arguments, while insufficient for the purposes of
excluding that jurisdiction, would still remain available for India to
invoke as defences on the merits, on the question of the substantive law
to be applied.
But the jurisdictional question as such is closed by this decision. In

other words, in the hypothesis that the Coiincil should accept India's
contentions as to suspension or special régime, this would not result, in
my view. in the Council becoming incoinpetent or devoid of jurisdiction
but would result in a rejection of Pakistan's submissions on the merits
on the ground that the substantive law invoked in support of those claims

would no longer be applicable (in that hypothesis) to the relations
between tlic Parties.

(Signed) E. JIMENE ZE ARECHAGA.

' Advisory Opinion, Jurisdicrioi~of tlre Courts of Danzig, P.C.I.J., Series B, No. 15,
pp. 24-25.
Ibid.p. 26.est compétentpour connaître du désaccorddont il s'agit. Laquestion a
étéréglée.
Si le Conseil de I'OACI en vient à examiner le fond, il devra se pronon-
cer sur les conclusions du Pakistan, mais pour ce faire il lui faudra tout
d'abord déterminer le droit applicable aux relations entre les Parties.

(Lepoint de savoir quel droit matérielpeut légalementêtreappliquépar

lestribunaux de Dantzig neseprésentequ'unefoislacompétenceétablie »',
a déclaréla Cour permanente, qui a ajouté: (La compétence implique
le pouvoir de décider quel est le droit matériel applicable en l'affaire
à laquelle la compétence s'étend. 1)
Ainsi, avant de se prononcer sur les conclusions du Pakistan, le Con-
seil de I'OACI devrait établir si la Convention de Chicago et l'Accord
de transit s'appliquent ou ne s'appliquent pas dans les relations entre

les Parties.
Ce faisant, il pourra se heurter à nouveau, dans un contexte différent,
à certains des arguments soulevéspar l'Inde pour s'opposer à la compé-
tence du Conseil. Ces arguments sont insuffisants aux fins d'exclure cette
compétence, niais l'Inde pourrait encore les invoquer comme moyens
de défenseau fond sur la question du droit matérielapplicable.

II n'en reste pas moins que la question de compétence en tant que

telle est définitivementréglée par la présente décision.En d'autres termes,
dans l'hypothèse où le Conseil accepterait les thèses de l'Inde sur la
suspension ou le régime spécial, celaentraînerait, selon moi, non pas
l'incompétenceou le défaut de juridiction du Conseil, mais le rejet des
demandesdu Pakistan sur le fond, au motif que le droit matérielinvoqué
à l'appui de ces demandes ne serait plus dans cette hypothèse applicable
aux relations entre les Parties.

' Compétence des tribrrnar1.xde Dantzig, avis cons~rltatif, 1928, C.sérieB
no 15, p.24-25.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Jiménez de Aréchaga (traduction)

Links