Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

Document Number
067-19841012-JUD-01-01-EN
Parent Document Number
067-19841012-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai votépour l'arrêtde la Chambre parce queje souscris à l'essentielde

son analyse et de ses motifs et nejuge pas inéquitablela ligne de délimi-
tation qui en résulte.
La Chambre a raison selon moi de rejeter lesprétentions desEtats-Unis
comme celles du Canada, non pas pour couper la poire en deux entre
cesEtats, maisparce que leurs demandes,pour lesraisons misesen lumière
dans l'arrêtde laChambre, ne sontpas suffisammentfondéesendroit eten
équitéL. a Chambre a raison de conclure qu'enmatièrede délimitationdu
plateau continental la méthode de délimitationselon l'équidistance,pré-
vue par la convention de 1958 sur le plateau continental, à'laquelle les
Etats-Unis et le Canada sont parties, ne constitue pas une règlede droit
international obligatoirepour lesdeux Etats encause, quine cherchentpas

à obtenir une simple délimitation de leur plateau continental, mais la
définition d'une frontière maritime unique applicable à la fois au plateau
continental et aux droits de pêche etautresdroits dans leseaux qui lui sont
surjacentes. La Chambre a raison de rejeter une interprétation du <prin-
cipe de distance selonlaquelle la troisièmeconférencedesNations Unies
sur le droit de la mer aurait, en réalité,entendu prescrire indirectement
l'application de la méthode del'équidistance,tout en refusant d'yfaire la
moindre allusion directe dans lesdispositionspertinentes de laconvention
rédigéepar ses soins. La Chambre a raison de rejeter les prétentions
fondéessur des côtes principales Det secondaires ))et de ne pas retenir

des lignesjustifiéespar desconsidérationsrelatives au plateau continental
ou à la pêche, maisqui ne répondent pasaux nécessitésni au fondement
équitable d'une frontière maritimeunique.Ellea raison de tenir que, dans
les circonstances de l'affaire, leslongueurs des côtes nationales liées aux
eaux dont il s'agit et la position de la frontière existante entre les Etats-
Unis et le Canada doivent entrer en ligne de compte, et de rappeler
combien les principes du droit international applicables au domaine des
délimitations maritimessont peu développésE . t la Chambre a sans aucun
doute raison de souligner que, dans toute affaire de tracéd'une frontière
maritime, la configuration géographique de la régiondans ce qu'elle a de
singulier doit jouer un rôle déterminant.

Pour plusieurs decesmotifs, etd'autres qu'expose l'arrêd te laChambre,
je ne peux suivre les Etats-Unis quand ils affirment que la zone qui
constitue l'enjeu essentielde l'affaire - le banc de Georges - est(<aussi
américaineque la tarte aux pommes o.Cette formule familière etsympa-
thique de l'agent desEtats-Unis trouve bien desjustifications historiques ;
les conseils des Etats-Unis ont d'ailleurs alignéun très grand nombred'arguments pour l'étayer.Cependant,compte tenu de l'analyse faite par
la Chambre desconsidérationsde droit et d'équité applicables,j'approuve
sa décision de partager le banc de Georges entre les Etats-Unis et le
Canada. J'approuve de mêmesa démarchede base, qui consiste, en I'es-

pèce, à diviser les zones de chevauchement en parts égales, sous réserve
cependant d'un ajustement indispensable pour tenir compte du faitque la
plusgrande partie - de loin- du golfedu Maine estbordéepar leterritoire
des Etats-Unis.
Mon désaccordavec la Chambre porte sur la position de sa ligne de
délimitation,sensiblement différentede celle qui résulteraitde l'applica-
tion de la méthode retenuepar la Chambre sicelle-cine commettait pas, à
mon avis, une erreur sur un point essentiel.
La question de savoir dans quelle mesure les rives de la baie de Fundy
doivent êtreconsidéréescomme des côtes de la régiondu golfe du Maine

auxfinsdes calculsdeproportionnalité adonnélieu à delongsdébatsentre
les Parties, cequi est compréhensible,car, comme on pouvait leprévoir et
comme il est arrivé enfait, le sort réservéà ces rives a une incidence très
marquée surla position de la ligne de délimitation.
L'arrêt tranchela controverse en décidant que les rives de la baie de
Fundy doivent entrer en ligne de comptejusqu'au point où il n'y a plus,
dans celle-ci, <d'étendues maritimes dépassantles 12milles à partir de la
laisse de basse mer ))(par. 31).Cependant l'arrêtn'indique pas pourquoi
cette considération serait décisiveni mêmepertinente.
Il est instructif de souligner (ce que la Chambrene fait pas) qu'en 1982

seulement la Cour internationale de Justice a rejetéun calcul de propor-
tionnalité quiaurait tenu compte du régimejuridique des eauxdu golfede
Gabès (Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt,
C.I.J. Recueil 1982, p. 75-77). Ainsi que l'éminent conseildu Canada, le
regretté professeurAntonio Malintoppi, l'a rappelé à la Chambre avec
raison à l'audience du 5 mai 1984(après-midi) :

lestatut juridique des eaux situéesdevant lescôtes considérées n'est
pasun facteurpertinent au moment dedécidersicescôtesdoivent être
incluses dans le calcul des rapports côtiers aux fins du test de la
proportionnalité. L'affaire Tunisie/Libye est claire sur ce point. ))

De plus, et pour citer encore la plaidoirie du conseil du Canada : <le
Canada maintient pour desraisons historiques son droitde traiter leseaux
de la baie de Fundy comme des eaux intérieures D.Autrement dit, le
Canada se réserve ledroit de traiter toutes les eaux de la baie de Fundy
commeintérieures ;on ignore si, dans l'application du droit canadien, les
eaux territoriales jouent un rôle quelconque dans la baie. Il est difficile de
comprendre pourquoi la Chambre croit pouvoir fonder sa décision en la
matière,au profit du Canada, surun critèreque ledroit canadien lui-même

semble éviter.
Il faut ajouter que la méthode suivie par la Chambre à cet égard ne
s'accordepeut-êtrepas tout à fait aveccellequel'arrêt applique àlabaie duMassachusetts. Celle-ci renferme àla fois des eaux intérieures ou territo-
riales et de la haute mer (un peu de haute mer, même si,pour la compa-
raison, on applique à lamer territorialelalimite canadienne de 12milleset
non la limite de 3 milles des Etats-Unis) ;mais la ligne droite très raison-
nable que la Chambre tire à travers son ouverture, de Nantucket au cap
Ann, n'établitentre elles aucune distinction. En pratique la distinction se
réduirait à peu de chose dans la baie du Massachusetts. Cette inconsé-
quence révèlelecaractère artificiel de la ligne tracéepar la Chambre dans
la baie de Fundy.
Leparagraphe 31de l'arrêtrelèveaussique la partie de labaie de Fundy

laplusproche du golfeest largeetquela profondeur deseauxyestlamême
que dans celui-ci. On voit mal ce que ces observations peuvent avoir de
probant. Personne n'a proposé de ne pas tenir compte de la largeur de
l'ouverture dela baie de Fundy ;pour leur part, les Etats-Unis ont suggéré
de la fermer par une ligne qui recevrait plein effet dans le calcul de la
proportionnalité (ce qui, à mon sens, et pour les motifs exposés ci-après,
créditeraitleCanada d'une longueur insuffisante par rapport à l'extension
desrivesde labaie). Et que peut-on conclure de la profondeurdes eaux,ou
de leur nature ? Certes, les eaux de la baie de Fundy se mélangent avec
celles du golfe du Maine et les influencent, mais il en va de mêmedes
courants océaniques qui pénètrentdans le golfe, ainsi d'ailleurs que des

rivièresqui s'yjettent.
Puisque les raisons énoncéespar la Chambre au paragraphe 3 1de son
arrêtne suffisent pas àjustifier ses conclusions, y aurait-il une meilleure
façon d'aborder leproblème ? A mon avis,pour les calculs de proportion-
nalité,il faut porter au créditdu Canada la partie de la côte du Nouveau-
Brunswickqui,depuis la frontière internationale, borde en fait legolfe du
Maine, au moinsjusqu'à lapointe Lepreau, au plusjusqu'à Saint-Jean,ety
ajouter toute la longueur d'une ligne de fermeture tiréeentre l'un de ces
points et l'île Brieren Nouvelle-Ecosse. Une illustration très proche,àcet
égard,d'unetelle formule, a été proposéepar le Canada lui-mêmedans sa

figure 171,intitulée <Modèle Adeproportionnalité canadien ne compre-
nant que la côte de la baie de Fundy faisant face >)à la zone où la
délimitation doit avoir lieu>)et soumise àla Chambre au cours des plai-
doiries (ce qui ne signifiepas que le Canada ait recommandé lecalcul ici
préconisépour la baie de Fundy). La solution qu'à mon avis la Chambre
aurait dû retenir à cet égardest indiquée sur la carte, jointe à la pré-
senteopinion (voirci-aprèsp. 359),quisitue à Saint-Jean(point qui semble
êtreatteintdans la figure 171du Canada) la limiteextrêmede la rive de la
baie de Fundy faisant face au golfe du Maine.
Lesraisons pour lesquellesj'appuie cette méthodesont,pour l'essentiel,

les suivantes :
a) Hormis, à la rigueur, le segment de la côte du Nouveau-Brunswick
jusqu'à Saint-Jean, lesrivesde la baie de Fundy ne font face ni au golfe
du Maine, ni à la zone de délimitation : elles se font face l'une à
l'autre.b) Pour cette raison, laprojection des segments restants des rivesde la baie
de Fundy ne saurait chevaucher dans une mesure appréciable celle des

côtes des Etats-Unis dans la régiondu golfedu Maine ou dans l'aire de
la délimitation; ainsi que l'agentdu Canada l'areconnu à l'audience du
3 avril 1984(matin) : <La configuration concave de la baie de Fundy
fait que ses côtes ne peuvent, mêmesi on applique des principes équi-
tables, obtenir un appréciable prolongement vers le large qui leur soit
propre o. Enconséquence,et sil'oncompare la trèsgrande longueur des
côtes de la baie de Fundy à la surface de ses eaux, il convient, aux fins
d'un calcul de proportionnalité, de minorer cette longueur.

c) Troisièmement, agir autrement et accorder tout son poids à un élément
qui fausse à ce point le calcul de proportionnalité serait inéquitable.

L'effet déformant de l'inclusion de la totalité, ou mêmede la plus
grandepartie des rives de la baie de Fundy, s'expliquepar le fait que la
longueurconsidérabledecesrivescomparée àla superficierelativement
faible des eaux modifie profondément le rapport entre les côtes et les
eaux dans la totalitéde la régiondu golfe du Maine. L'incidence varie
quelque peu selon la zone adoptéepour lecalcul. Mais, pour prendre un
exempleavancédans lesécrituresdes Etats-Unis, en incluant la totalité
de la baie de Fundy, on n'augmenterait que de 7 pour cent la superficie
des eaux relevant du Canadadans letest deproportionnalité illustrépar
la figure 51A du contre-mémoire canadien, alors que dans le même

temps on augmenterait la longueur des côtes canadiennes de 93 pour
cent. Cette situation diffère donc, pour ces motifs essentiellement, de
celle dont la Cour a eu à connaître en l'affaire du Plateau continental
(Tunisie/Jumuhiriya arube libyenne) (C.I.J. Recueil 1982, p. 75-76).
rappeléeau paragraphe 221de l'arrêtrendu dans la présenteespèce, où
ilexistait un relatif équilibreentrela longueurdes côtes et la surfacedes
eaux. Dans l'affaire Tunisie/Libye, il importait peu que certains seg-
ments de côte et leseaux y afférentes, y compris les rives et les eaux du
golfe de Gabès, soient inclus ou non dans les calculs de proportionna-
lité,étantdonnécette situation d'équilibre. Maisen la présenteespèce
la localisation de la ligne peut êtreradicalement changée selon la lon-

gueur prise en considération desrives de la baie de Fundy, puisque ces
rives sont à ce point hors de proportion avec les eaux qu'elles entou-
rent. <(Une exagérationd'une telle importance des conséquences d'un
accident géographique naturel doit être réparée ou compensée
dans la mesure du possibleparce qu'elle esten soi créatrice d'inéquité ).
(Plateau continental de la mer du Nord, arrêt,C.I.J. Recueil 1969,
p. 49.)

L'arrêtde la Chambre ne compte pas toute la baie et ses rives, mais il en
compte à mon avis tellement qu'on peut soutenir qu'il créeune inéquité.

Si la Chambre avait inclus, dans son calcul de proportionnalité, la
fraction plus limitée des rivesde la baie deFundy queje crois appropriée, GOLFE DU MAINE (OP.IND. SCHWEBEL) 357

la position de la ligne de délimitation en aurait sensiblement modifiée.
A quel point, c'estcequemontre la carte ci-jointe, qui traite de la manière
indiquéeles rivesde la baie de Fundy. Cettecarte indique à la fois la ligne
tracéepar la Chambre et celle qui, selon moi, s'accorderait mieux avec les
prescriptions du droit et de l'équité (voiri-après p. 359).

Malgré l'écartentre la ligne de délimitation tracéepar la Chambre et
cellequi résulteraitde mon analyse,j'ai votépour l'arrêtde la Chambre. Si
je l'ai fait, ce n'est pas seulement parce que j'en approuve en général le
raisonnement, mais aussi parce que je reconnais que les facteurs qui

entraînent la différenceentre les lignes se prêtent à plus d'une interpré-
tation plausible en droit et assurémentenéquitéL. epoint essentiel qui me
séparede la majoritéde la Chambre concerne l'étenduedes rivesde labaie
de Fundy à faire entrer dans un calcul de proportionnalité. J'éprouve les
doutes que j'ai exposésplus haut au sujet de la démarchesuivie par la
Chambre, maisje dois reconnaître que la mienne n'est pas à l'abri de la
critique, à plusieurs égards, etsurtout parce que la partie des côtes du
Nouveau-Brunswick <donnant ))sur le golfe du Maine dépend dans une
certaine mesure de la perspective adoptée.

Dans un tel domaine, le droit demeure fluctuant, et les aspects de
jugement ou d'appréciationdeséléments dedroit et d'équitjouent un rôle
prédominant. Il est plus facile de critiquer que de construire. Les Etats-
Unis ont adopté une position au sujet des rives de la baie de Fundy, et le
Canada une autre, trèsdifférente ;la Chambre est arrivée à une troisième
position et moi-même àune quatrième, l'uneet l'autre de caractère inter-
médiaire.Bien que convaincu de l'équité de ma conclusion,je ne suis pas
disposépour autant à soutenir que la Chambre a forcément tort et que la

ligne résultantde la position qu'elle a adoptéeau sujet de la proportion-
nalité soit gravementinéquitable.Au contraire, on peut s'attendre àceque
des différencesdejugement se fassent jour quant à l'application de prin-
cipes équitables qui, parfois ne relèverontpeut-être d'aucuneconclusion
certaineen droit. Descommentateurs aussibrillants de lajurisprudencede
cette Cour et des instances internationales d'arbitrage qu'Elihu Lauter-
pacht et le regretté WolfgangFriedmann ont soulignéque la Cour, dans
son arrêt capital rendudans lesaffaires du Plateau continentaldelamer du
Nord, a donné du poids à certains critères qu'ellea considérés comme
équitables tout en excluant certains autres qu'elle eût pu tout autant (ou

mieux) y inclure. (Wolfgang Friedmann, ((The North Sea Continental
ShelfCases - A Critique ))AmericanJournalofInternational Law,vol.64
(1970) p. 299 et suiv., et Elihu Lauterpacht, Q.C., << Equity, Evasion,
Equivocation and Evolution in International Law )>American Branch of
the International Law Association, Proceedingsand Comminee Reports,
1977-1978, p. 40-41). M. Lauterpacht a observéque, dans sa décision
concernant la délimitation du dateau continental entre la France et le
Royaume-Uni, le tribunal arb&ral a adopté une démarche encore plus
sélectivepour l'application de principes d'équitétout en s'abstenant d'ex-pliquer pourquoi ses conclusions étaient équitables(ibid.p. 41-43). Eu
égard àl'approche nuancéeillustréepar cesimportantes décisions,on doit
s'attendreà ce que, dans les affairàsvenir, une marge considérablesoit
laisséeàl'expression d'opinions différentes en cequi concerne I'applica-
tion de principes équitables aux problèmes de délimitation maritime.

(Signé) Stephen M. SCHWEBEL.Ligne de la Chambre ----- ---

Ligne de M. Schwebel

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SCHWEBEL

1 have voted for the Chamber's Judgment because 1 agree with the
essentials of its analysis and reasoning, and because 1find that the resul-
tant line of delimitation is not inequitable.
In my opinion, the Chamber is right to exclude both the claims of the
United States and of Canada, not with a view towards "splitting the
difference" between them but because those claims, for the reasons which
the Chamber's Judgment illuminates, are insufficiently grounded in law
and equity. The Chamber is right to hold that the equidistance method of
delimitation of the continental shelf which is found in the Convention on
the Continental Shelfof 1958to which the United States and Canada are
party is not a rule of international lawwhich binds the Parties in this case
who seek not a simple delimitation of their continental shelf but the
determination of a single maritime boundary comprehending the conti-

nental shelfand fishing and other rights in thewaters above that shelf.The
Chamber is right to reject an interpretation of the "distance principle"
which in substance maintains that the intention of the Third United
Nations Conference on the Law of the Seawas indirectly to prescribe the
application of the equidistance method while directly declining, in the
governing provisions of the Convention which it drafted, even to make
mention of that method. The Chamber is right to deny the claims of
"primas." and "secondary" coasts, and to discount lines which find their
rationale either in continental shelf or in fishing considerations but which
do not embrace the requirements and equities of a single maritime boun-
dary.It isright to uphold the contention that thelengths of national coasts
bearing upon the waters in question and the locus of the existingboundary
between the United States and Canada must, in the circumstances of this
case, be weighed in arriving at a delimitation. It is right to emphasize how

limited the principles of international law in this sphere of maritime
delimitation are.And the Chamber iscertainlyright to stress that, in every
case of delimitation of a maritime boundary, the particular pattern of the
area's geographical configuration must govern.

For some of these andfor other reasons which the Chamber's Judgment
sets forth,1 am unable to accept the contention of the United States that
the area essentially at stake in the ca-e Georges Bank - is "as American
as apple pie". That homely and appealing phrase of the United States
Agent has considerablehistorical support ;indeed, United States counsel
marshalled a great many arguments in its support. But, in view of the OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai votépour l'arrêtde la Chambre parce queje souscris à l'essentielde

son analyse et de ses motifs et nejuge pas inéquitablela ligne de délimi-
tation qui en résulte.
La Chambre a raison selon moi de rejeter lesprétentions desEtats-Unis
comme celles du Canada, non pas pour couper la poire en deux entre
cesEtats, maisparce que leurs demandes,pour lesraisons misesen lumière
dans l'arrêtde laChambre, ne sontpas suffisammentfondéesendroit eten
équitéL. a Chambre a raison de conclure qu'enmatièrede délimitationdu
plateau continental la méthode de délimitationselon l'équidistance,pré-
vue par la convention de 1958 sur le plateau continental, à'laquelle les
Etats-Unis et le Canada sont parties, ne constitue pas une règlede droit
international obligatoirepour lesdeux Etats encause, quine cherchentpas

à obtenir une simple délimitation de leur plateau continental, mais la
définition d'une frontière maritime unique applicable à la fois au plateau
continental et aux droits de pêche etautresdroits dans leseaux qui lui sont
surjacentes. La Chambre a raison de rejeter une interprétation du <prin-
cipe de distance selonlaquelle la troisièmeconférencedesNations Unies
sur le droit de la mer aurait, en réalité,entendu prescrire indirectement
l'application de la méthode del'équidistance,tout en refusant d'yfaire la
moindre allusion directe dans lesdispositionspertinentes de laconvention
rédigéepar ses soins. La Chambre a raison de rejeter les prétentions
fondéessur des côtes principales Det secondaires ))et de ne pas retenir

des lignesjustifiéespar desconsidérationsrelatives au plateau continental
ou à la pêche, maisqui ne répondent pasaux nécessitésni au fondement
équitable d'une frontière maritimeunique.Ellea raison de tenir que, dans
les circonstances de l'affaire, leslongueurs des côtes nationales liées aux
eaux dont il s'agit et la position de la frontière existante entre les Etats-
Unis et le Canada doivent entrer en ligne de compte, et de rappeler
combien les principes du droit international applicables au domaine des
délimitations maritimessont peu développésE . t la Chambre a sans aucun
doute raison de souligner que, dans toute affaire de tracéd'une frontière
maritime, la configuration géographique de la régiondans ce qu'elle a de
singulier doit jouer un rôle déterminant.

Pour plusieurs decesmotifs, etd'autres qu'expose l'arrêd te laChambre,
je ne peux suivre les Etats-Unis quand ils affirment que la zone qui
constitue l'enjeu essentielde l'affaire - le banc de Georges - est(<aussi
américaineque la tarte aux pommes o.Cette formule familière etsympa-
thique de l'agent desEtats-Unis trouve bien desjustifications historiques ;
les conseils des Etats-Unis ont d'ailleurs alignéun très grand nombre Chamber's analysis of the applicable considerations of law and equity, 1
agree with its decision to divide Georges Bank between the United States
and Canada. 1agree as wellwith itsbasic approach in thiscase of dividing
overlapping areas equally, subject, however,to a critical adjustment which
takes appropriate account of thefact that much thegreater part of the Gulf
of Maine is bordered by the territory of the United States.

Where 1disagree with the Chamber is in its placement of the dividing

line.Its linesubstantially departs from thelinewhichwouldresult from the
application of theChamber's methodology if the Chamber didnot, as 1see
it, err in one key respect.
Therewas much dispute between the Parties over the extent of thecoasts
of the Bay of Fundy to be regarded as coasts of the Gulf of Maine area
for purposes of calculations of proportionality. That is understandable,
because theimpact of the treatment of those coasts could be anticipated to
affect, and, in the event, does most materially affect, the placement of the
line of delimitation.
The Judgment disposes of this dispute by holding that the coasts of the
Bayof Fundy should be included up to thepoint where the Baysonarrows
that it contains "only maritime areas lying no further than 12miles from
the lowwater mark" (para. 31).ButtheJudgment does not showwhythisis
a determinative or even relevant consideration.

It is instructive to recall (as the Chamber does not) that, as recently as
1982,the International Court of Justice rejected a calculation of propor-
tionality which would have taken into account the legalstatus of waters of
the Gulf of Gabes (Continental Shelf (Tunisiu/Libyan Arab Jamahiriyu),
Judgment, I.C.J.Reports1982,pp. 75-77).Asthe late distinguished counsel
of Canada, Professor Antonio Malintoppi, reminded the Chamber, at the
hearing of 5 May 1984(afternoon) :

". ..the legal status of the waters off the Coastin question is not a
relevant factor when deciding whether or not these coasts should be
included in the calculation of coast-ratios for the purpose of the
proportionality test. The Tunisia/Libyu case is quite clear on this
point."
Furthermore - to quote again from the argument of Canadian counsel
- "Canada maintains for historical reasons its right to treat the waters of

the Bay of Fundy as internal waters". That is to Say,Canada reserves the
right to treat al1the waters of the Bay of Fundy as internal waters ; in the
application of Canadian law, it is unclear whether territorial waters come
into play at al1in the Bay of Fundy. It is difficult to understand why the
Chamber feels justified in basing its Judgment on this matter, to the
benefit of Canada, on a criterion which Canadian law itself appears to
obviate.
It should be added that the Chamber's approach to this question may
not be wholly consistent with that which the Judgment applies to Massa-d'arguments pour l'étayer.Cependant,compte tenu de l'analyse faite par
la Chambre desconsidérationsde droit et d'équité applicables,j'approuve
sa décision de partager le banc de Georges entre les Etats-Unis et le
Canada. J'approuve de mêmesa démarchede base, qui consiste, en I'es-

pèce, à diviser les zones de chevauchement en parts égales, sous réserve
cependant d'un ajustement indispensable pour tenir compte du faitque la
plusgrande partie - de loin- du golfedu Maine estbordéepar leterritoire
des Etats-Unis.
Mon désaccordavec la Chambre porte sur la position de sa ligne de
délimitation,sensiblement différentede celle qui résulteraitde l'applica-
tion de la méthode retenuepar la Chambre sicelle-cine commettait pas, à
mon avis, une erreur sur un point essentiel.
La question de savoir dans quelle mesure les rives de la baie de Fundy
doivent êtreconsidéréescomme des côtes de la régiondu golfe du Maine

auxfinsdes calculsdeproportionnalité adonnélieu à delongsdébatsentre
les Parties, cequi est compréhensible,car, comme on pouvait leprévoir et
comme il est arrivé enfait, le sort réservéà ces rives a une incidence très
marquée surla position de la ligne de délimitation.
L'arrêt tranchela controverse en décidant que les rives de la baie de
Fundy doivent entrer en ligne de comptejusqu'au point où il n'y a plus,
dans celle-ci, <d'étendues maritimes dépassantles 12milles à partir de la
laisse de basse mer ))(par. 31).Cependant l'arrêtn'indique pas pourquoi
cette considération serait décisiveni mêmepertinente.
Il est instructif de souligner (ce que la Chambrene fait pas) qu'en 1982

seulement la Cour internationale de Justice a rejetéun calcul de propor-
tionnalité quiaurait tenu compte du régimejuridique des eauxdu golfede
Gabès (Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt,
C.I.J. Recueil 1982, p. 75-77). Ainsi que l'éminent conseildu Canada, le
regretté professeurAntonio Malintoppi, l'a rappelé à la Chambre avec
raison à l'audience du 5 mai 1984(après-midi) :

lestatut juridique des eaux situéesdevant lescôtes considérées n'est
pasun facteurpertinent au moment dedécidersicescôtesdoivent être
incluses dans le calcul des rapports côtiers aux fins du test de la
proportionnalité. L'affaire Tunisie/Libye est claire sur ce point. ))

De plus, et pour citer encore la plaidoirie du conseil du Canada : <le
Canada maintient pour desraisons historiques son droitde traiter leseaux
de la baie de Fundy comme des eaux intérieures D.Autrement dit, le
Canada se réserve ledroit de traiter toutes les eaux de la baie de Fundy
commeintérieures ;on ignore si, dans l'application du droit canadien, les
eaux territoriales jouent un rôle quelconque dans la baie. Il est difficile de
comprendre pourquoi la Chambre croit pouvoir fonder sa décision en la
matière,au profit du Canada, surun critèreque ledroit canadien lui-même

semble éviter.
Il faut ajouter que la méthode suivie par la Chambre à cet égard ne
s'accordepeut-êtrepas tout à fait aveccellequel'arrêt applique àlabaie duchusetts Bay.That Baycontains both interna1or territorialwaters and high
seas(some high seas even if, inorder to compare likewith like, one wereto
apply the Canadian 12-mile territorial sea limit rather than the United
States 3-mile limit), but the straight line which the Chamber quite rea-
sonably draws across its mouth from Nantucket to Cape Ann makes no
distinction between them. Practically speaking, such a distinction would
come to very little in Massachusetts Bay. But this inconsistency suggests

the artificiality of the line which the Chamber has drawn in the Bay of
Fundy.
Paragraph 31 of the Judgment also observes that the part of the Bay of
Fundy closest to the Gulf iswideand the depth of thewatersthe same.The
probative character of these observations is not clear. It has not been
proposed to ignore the width of the mouth of the Bay of Fundy ;for its
part, the United Statesproposed to draw a closingline acrossit and to give
that closingline fulleffect in acalculation of proportionality (which,in my
view, for reasons explained below, would accord Canada insufficient
credit for theextent of the coasts of the Bay).And of what significance is
the depth of thewaters or their character? To be sure, thewaters of the Bay
of Fundy mixwith and influence thewaters of the Gulf of Maine, but sodo
the ocean currents which flow into the Gulf as, for that matter, do the
waters of the rivers that flow into the Gulf.

Sincethe reasons givenbythe Chamber inparagraph 31of theJudgment

afford inadequate support for its conclusions, what is a more sustainable
approach ? In my view, Canada should be credited in a calculation of
proportionality with that portion of the coast of New Brunswick which,
running from the international border, actually fronts upon the Gulf of
Maine, as far, at least, as Point Lepreau, and, at most, as Saint John,
together with the length of a closingline running from one of those points
to Brier Island, Nova Scotia. An illustration which in this respect does not
much differ from thisformula was presented by Canada itself in Canadian
Figure 171,entitled "Canadian Proportionality Model A including Only
the Bayof Fundy Coast that 'Faces'the 'Area in Which theDelimitation 1s
toTake Place'", whichwaslaidbeforethe Chamber in thecourse ofits oral
proceedings (which is not to Say that Canada gave any support to the
Fundy calculation which this opinion supports). The approach which 1
believe the Chamber should have adopted in this regard is illustrated on

the Map annexed to this opinion (see p. 359, below), which takes Saint
John(apparently thepoint reached in Canadian Figure 171)as thefarthest
reach of the Fundy coast facing the Gulf of Maine.
The reasons why 1support this approach are essentially these :

(a) Apart from, at the extreme, the stretch of New Brunswick coast up to
Saint John, the coasts of the Bay of Fundy do not face the Gulf of
Maine or the area of the delimitation :they face each other.Massachusetts. Celle-ci renferme àla fois des eaux intérieures ou territo-
riales et de la haute mer (un peu de haute mer, même si,pour la compa-
raison, on applique à lamer territorialelalimite canadienne de 12milleset
non la limite de 3 milles des Etats-Unis) ;mais la ligne droite très raison-
nable que la Chambre tire à travers son ouverture, de Nantucket au cap
Ann, n'établitentre elles aucune distinction. En pratique la distinction se
réduirait à peu de chose dans la baie du Massachusetts. Cette inconsé-
quence révèlelecaractère artificiel de la ligne tracéepar la Chambre dans
la baie de Fundy.
Leparagraphe 31de l'arrêtrelèveaussique la partie de labaie de Fundy

laplusproche du golfeest largeetquela profondeur deseauxyestlamême
que dans celui-ci. On voit mal ce que ces observations peuvent avoir de
probant. Personne n'a proposé de ne pas tenir compte de la largeur de
l'ouverture dela baie de Fundy ;pour leur part, les Etats-Unis ont suggéré
de la fermer par une ligne qui recevrait plein effet dans le calcul de la
proportionnalité (ce qui, à mon sens, et pour les motifs exposés ci-après,
créditeraitleCanada d'une longueur insuffisante par rapport à l'extension
desrivesde labaie). Et que peut-on conclure de la profondeurdes eaux,ou
de leur nature ? Certes, les eaux de la baie de Fundy se mélangent avec
celles du golfe du Maine et les influencent, mais il en va de mêmedes
courants océaniques qui pénètrentdans le golfe, ainsi d'ailleurs que des

rivièresqui s'yjettent.
Puisque les raisons énoncéespar la Chambre au paragraphe 3 1de son
arrêtne suffisent pas àjustifier ses conclusions, y aurait-il une meilleure
façon d'aborder leproblème ? A mon avis,pour les calculs de proportion-
nalité,il faut porter au créditdu Canada la partie de la côte du Nouveau-
Brunswickqui,depuis la frontière internationale, borde en fait legolfe du
Maine, au moinsjusqu'à lapointe Lepreau, au plusjusqu'à Saint-Jean,ety
ajouter toute la longueur d'une ligne de fermeture tiréeentre l'un de ces
points et l'île Brieren Nouvelle-Ecosse. Une illustration très proche,àcet
égard,d'unetelle formule, a été proposéepar le Canada lui-mêmedans sa

figure 171,intitulée <Modèle Adeproportionnalité canadien ne compre-
nant que la côte de la baie de Fundy faisant face >)à la zone où la
délimitation doit avoir lieu>)et soumise àla Chambre au cours des plai-
doiries (ce qui ne signifiepas que le Canada ait recommandé lecalcul ici
préconisépour la baie de Fundy). La solution qu'à mon avis la Chambre
aurait dû retenir à cet égardest indiquée sur la carte, jointe à la pré-
senteopinion (voirci-aprèsp. 359),quisitue à Saint-Jean(point qui semble
êtreatteintdans la figure 171du Canada) la limiteextrêmede la rive de la
baie de Fundy faisant face au golfe du Maine.
Lesraisons pour lesquellesj'appuie cette méthodesont,pour l'essentiel,

les suivantes :
a) Hormis, à la rigueur, le segment de la côte du Nouveau-Brunswick
jusqu'à Saint-Jean, lesrivesde la baie de Fundy ne font face ni au golfe
du Maine, ni à la zone de délimitation : elles se font face l'une à
l'autre. (b) For that reason, the extension of the remaining, interior segments of
the coasts of the Bay of Fundy cannot overlap the extension of the
coasts of the United States in the Gulf of Maine area or the area of
delimitation in any consequential measure ; as the Agent of Canada

acknowledged at thehearing of 3April1984 (morning) :"The concave
configuration of the Bay of Fundy means that its coasts cannot, even
under the application of equitable principles, be granted a significant
seaward extension of their own." Accordingly, and in view of the
great length of the coasts of the Bay of Fundy relative to its water
area, the Fundy coasts should, in a calculation of proportionality, be
abated.
(c) Third, to do otherwise and to givefull weight to a feature whichin this
caseissodistorting in acalculation ofproportionality wouldbe inequi-
table. The reason why inclusion of the coasts, or even the greater part
of the coasts, of the Bay of Fundy, is distorting is that its very long
coasts and relativelysmallwater area sosubstantially affect the ratio of
coast to water in the entire Gulf of Maine area. The impact varies
somewhat with the test area taken. But to cite one example advanced
in the United States pleadings, inclusion of the whole of the Bay of

Fundy increases byjust 7per cent the sea area appertaining to Canada
in the proportionality test illustrated by Figure 51Aof the Canadian
Counter-Memorial while at the same time it increases the Canadian
coastline length by 93 per cent. The situation is thus to be distin-
guished, principally on this ground, from that addressed by the Court
in the ContinentalShelf (Tunisia/Libyan ArabJamahiriya) case, 1. C.J.
Reports 1982, pages 75-76, and referred to in paragraph 221 of the
Judgment in theinstant case, where the extent of coasts and sea areas
werein relativeequilibrium. In the Tunisia/Libya case,it did not much
matter whether certain segments of coast and their waters, including
the coasts and waters of the Gulf of Gabes, were included in or
excluded from the test of proportionality, because of that equilibrium.
But in this case, the locus of theline may befundamentally affected by
the extent of the coasts of the Bay of Fundy which are included, since
those coasts are so disproportionate to the waters they comprehend.

"So great an exaggeration of the consequences of a natural geogra-
phical feature must be remedied or compensated for as far aspossible,
being itself creative of inequity." (North Sea ContinentalSheg Judg-
ment, 1.C.J. Reports 1969, p. 49.)

The Chamber's Judgment does not count the whole of the Bay and its
coasts, but, in my view, it counts so much as, arguably, to create an
inequity.
If theChamber had included in its calculation of proportionality the
more limited measure of the coasts of the Bayof Fundy which 1believe tob) Pour cette raison, laprojection des segments restants des rivesde la baie
de Fundy ne saurait chevaucher dans une mesure appréciable celle des

côtes des Etats-Unis dans la régiondu golfedu Maine ou dans l'aire de
la délimitation; ainsi que l'agentdu Canada l'areconnu à l'audience du
3 avril 1984(matin) : <La configuration concave de la baie de Fundy
fait que ses côtes ne peuvent, mêmesi on applique des principes équi-
tables, obtenir un appréciable prolongement vers le large qui leur soit
propre o. Enconséquence,et sil'oncompare la trèsgrande longueur des
côtes de la baie de Fundy à la surface de ses eaux, il convient, aux fins
d'un calcul de proportionnalité, de minorer cette longueur.

c) Troisièmement, agir autrement et accorder tout son poids à un élément
qui fausse à ce point le calcul de proportionnalité serait inéquitable.

L'effet déformant de l'inclusion de la totalité, ou mêmede la plus
grandepartie des rives de la baie de Fundy, s'expliquepar le fait que la
longueurconsidérabledecesrivescomparée àla superficierelativement
faible des eaux modifie profondément le rapport entre les côtes et les
eaux dans la totalitéde la régiondu golfe du Maine. L'incidence varie
quelque peu selon la zone adoptéepour lecalcul. Mais, pour prendre un
exempleavancédans lesécrituresdes Etats-Unis, en incluant la totalité
de la baie de Fundy, on n'augmenterait que de 7 pour cent la superficie
des eaux relevant du Canadadans letest deproportionnalité illustrépar
la figure 51A du contre-mémoire canadien, alors que dans le même

temps on augmenterait la longueur des côtes canadiennes de 93 pour
cent. Cette situation diffère donc, pour ces motifs essentiellement, de
celle dont la Cour a eu à connaître en l'affaire du Plateau continental
(Tunisie/Jumuhiriya arube libyenne) (C.I.J. Recueil 1982, p. 75-76).
rappeléeau paragraphe 221de l'arrêtrendu dans la présenteespèce, où
ilexistait un relatif équilibreentrela longueurdes côtes et la surfacedes
eaux. Dans l'affaire Tunisie/Libye, il importait peu que certains seg-
ments de côte et leseaux y afférentes, y compris les rives et les eaux du
golfe de Gabès, soient inclus ou non dans les calculs de proportionna-
lité,étantdonnécette situation d'équilibre. Maisen la présenteespèce
la localisation de la ligne peut êtreradicalement changée selon la lon-

gueur prise en considération desrives de la baie de Fundy, puisque ces
rives sont à ce point hors de proportion avec les eaux qu'elles entou-
rent. <(Une exagérationd'une telle importance des conséquences d'un
accident géographique naturel doit être réparée ou compensée
dans la mesure du possibleparce qu'elle esten soi créatrice d'inéquité ).
(Plateau continental de la mer du Nord, arrêt,C.I.J. Recueil 1969,
p. 49.)

L'arrêtde la Chambre ne compte pas toute la baie et ses rives, mais il en
compte à mon avis tellement qu'on peut soutenir qu'il créeune inéquité.

Si la Chambre avait inclus, dans son calcul de proportionnalité, la
fraction plus limitée des rivesde la baie deFundy queje crois appropriée, be appropriate, the effect on the placement of the line of delimitation
would have been significant. How significant isillustrated on the attached
map, which treats the coasts of the Bay of Fundy in this fashion. On this
map are marked both the line delimited by the Chamber's Judgment and
the line which, in my view, better accords with the governing considera-
tions of law and equity (see p. 359, below).
Despite the extent of the difference between the line of delimitation
which the Chamber has drawn and the line which my analysis produces, 1
have voted for the Chamber's Judgment. 1have done so not only because 1
am generally in agreement with its reasoning but because 1recognize that

the factors which have given rise to the difference between the lines are
open to more than one legally - and certainly equitably - plausible
interpretation. The main operative issue of the Judgment which sets me
apart from the Chamber's majorityis the extent of the coasts of the Bayof
Fundy to be included in a calculation of proportionality. While 1have the
doubts setforth aboveabout theChamber's approach, 1must acknowledge
that the alternative approach which 1propose is open to criticism on
severalcounts,not leaston theground that theportion of thecoasts ofNew
Brunswick that "faces" the Gulf of Maine is in some measure a matter of
subjective perspective.
On a question such as this, the law is more plastic than formed, and
elements of judgment, of appreciation of competing legal and equitable
considerations, aredominant. It iseasier to criticize than to construct. The
United States espoused one position on the coasts of the Bayof Fundyand
Canada a very different position ; the Chamber has arrived at a third,

intermediate position and 1at a fourth, intermediate position. While 1am
convinced of the equity of my conclusion, nevertheless 1am not prepared
to maintain that the Chamber is necessarily wrong and that the line which
its position on the test of proportionality has produced is inequitable. On
the contrary, is is to be expected that differences of judgment on the
application ofequitable principles willarise,which at times may not admit
ofconfident conclusions oflaw.Analysts of thejurisprudence of thisCourt
and of international arbitration as acute as the late Wolfgang Friedmann
and Elihu Lauterpacht have pointed out that the Court, in its seminal
Judgment in the North Sea Continental Shelfcases, gave weight to certain
considerations which it saw asequitable whileexcluding others that might
as well(or better) have been included (Wolfgang Friedmann, "The North
Sea Continental Shelf Cases - A Critique", American Journal of Interna-
tional Law, Vol. 64(1970),pp. 229 ff., and E. Lauterpacht, Q.C., "Equity,

Evasion, Equivocation and Evolution in International Law", American
Branch of the International Law Association, Proceedingsand Committee
Reports, 1977-1978, pp. 40-41). Mr. Lauterpacht has observed that the
Decision of the Court of Arbitrationon thedelimitation of the continental
shelf between France and the United Kingdom went even further in its
selective application of principles of equity while not explaining why its
conclusions were equitable (ibid., pp. 41-43). In view of the flexibility of
approach illustrated by theseimportant judgments, it isnot to be expected GOLFE DU MAINE (OP.IND. SCHWEBEL) 357

la position de la ligne de délimitation en aurait sensiblement modifiée.
A quel point, c'estcequemontre la carte ci-jointe, qui traite de la manière
indiquéeles rivesde la baie de Fundy. Cettecarte indique à la fois la ligne
tracéepar la Chambre et celle qui, selon moi, s'accorderait mieux avec les
prescriptions du droit et de l'équité (voiri-après p. 359).

Malgré l'écartentre la ligne de délimitation tracéepar la Chambre et
cellequi résulteraitde mon analyse,j'ai votépour l'arrêtde la Chambre. Si
je l'ai fait, ce n'est pas seulement parce que j'en approuve en général le
raisonnement, mais aussi parce que je reconnais que les facteurs qui

entraînent la différenceentre les lignes se prêtent à plus d'une interpré-
tation plausible en droit et assurémentenéquitéL. epoint essentiel qui me
séparede la majoritéde la Chambre concerne l'étenduedes rivesde labaie
de Fundy à faire entrer dans un calcul de proportionnalité. J'éprouve les
doutes que j'ai exposésplus haut au sujet de la démarchesuivie par la
Chambre, maisje dois reconnaître que la mienne n'est pas à l'abri de la
critique, à plusieurs égards, etsurtout parce que la partie des côtes du
Nouveau-Brunswick <donnant ))sur le golfe du Maine dépend dans une
certaine mesure de la perspective adoptée.

Dans un tel domaine, le droit demeure fluctuant, et les aspects de
jugement ou d'appréciationdeséléments dedroit et d'équitjouent un rôle
prédominant. Il est plus facile de critiquer que de construire. Les Etats-
Unis ont adopté une position au sujet des rives de la baie de Fundy, et le
Canada une autre, trèsdifférente ;la Chambre est arrivée à une troisième
position et moi-même àune quatrième, l'uneet l'autre de caractère inter-
médiaire.Bien que convaincu de l'équité de ma conclusion,je ne suis pas
disposépour autant à soutenir que la Chambre a forcément tort et que la

ligne résultantde la position qu'elle a adoptéeau sujet de la proportion-
nalité soit gravementinéquitable.Au contraire, on peut s'attendre àceque
des différencesdejugement se fassent jour quant à l'application de prin-
cipes équitables qui, parfois ne relèverontpeut-être d'aucuneconclusion
certaineen droit. Descommentateurs aussibrillants de lajurisprudencede
cette Cour et des instances internationales d'arbitrage qu'Elihu Lauter-
pacht et le regretté WolfgangFriedmann ont soulignéque la Cour, dans
son arrêt capital rendudans lesaffaires du Plateau continentaldelamer du
Nord, a donné du poids à certains critères qu'ellea considérés comme
équitables tout en excluant certains autres qu'elle eût pu tout autant (ou

mieux) y inclure. (Wolfgang Friedmann, ((The North Sea Continental
ShelfCases - A Critique ))AmericanJournalofInternational Law,vol.64
(1970) p. 299 et suiv., et Elihu Lauterpacht, Q.C., << Equity, Evasion,
Equivocation and Evolution in International Law )>American Branch of
the International Law Association, Proceedingsand Comminee Reports,
1977-1978, p. 40-41). M. Lauterpacht a observéque, dans sa décision
concernant la délimitation du dateau continental entre la France et le
Royaume-Uni, le tribunal arb&ral a adopté une démarche encore plus
sélectivepour l'application de principes d'équitétout en s'abstenant d'ex-358 GULF OF MAINE (SEP.OP. SCHWEBEL)

that subsequent cases will not afford considerable room for differences of
opinion in the application of equitable principles toproblems of maritime

delimitation.

(Signed) Stephen M. SCHWEBEL.pliquer pourquoi ses conclusions étaient équitables(ibid.p. 41-43). Eu
égard àl'approche nuancéeillustréepar cesimportantes décisions,on doit
s'attendreà ce que, dans les affairàsvenir, une marge considérablesoit
laisséeàl'expression d'opinions différentes en cequi concerne I'applica-
tion de principes équitables aux problèmes de délimitation maritime.

(Signé) Stephen M. SCHWEBEL. ATLANTIC
OCEAN

Chamber's line - - - - - - - -

Judge Schwebel's line

117Ligne de la Chambre ----- ---

Ligne de M. Schwebel

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

Links