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Uncorrected Translation
CR 2011/13 (traduction)
CR 2011/13 (translation)
Lundi 30 mai 2011 à 10 heures
Monday 30 May 2011 at 10 a.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT: L’audience est ouverte. La Cour se réunit aujourd’hui pour entendre,
conformément au paragraphe 3 de l’article 74 de son Règlement, les observations des Parties sur la
demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Royaume du Cambodge dans
l’affaire relative à la Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple
de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande).
Le jugeSepúlveda-Amor, pour des raisons dont il a dûment informé la Cour, est dans
l’incapacité de participer à ces audiences.
Chacune des Parties à la présente instance, le Royaume du Cambodge et le Royaume de
Thaïlande, a usé de la faculté que lui confère l’ article31 du Statut de la Cour de désigner un
juge ad hoc. Le Cambodge a désigné M. Gilbert Guillaume et la Thaïlande, M. Jean-Pierre Cot.
L’article 20 du Statut dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction,
en séance publique, prendre l’engagement solennel d’ exercer ses attributions en pleine impartialité
et en toute conscience». Cette disposition s’applique également aux juges ad hoc en vertu du
paragraphe6 de l’article31 du Statut. Bien que MM.Guillaume etCot aient tous deux siégé en
qualité de juges ad hoc et pris cet engagement dans des affaires précédentes, le paragraphe3 de
l’article 8 du Règlement de la Cour requiert qu’ils fassent une nouvelle déclaration solennelle en la
présente espèce. Avant d’inviter chacun des juges ad hoc à faire sa déclaration solennelle, je dirai
quelques mots de leur carrière et de leurs qualifications.
M. Gilbert Guillaume, de nationalité française, est bien connu de la Cour, sur le banc de
laquelle il a siégé pendant dix-huit ans en qualité de juge d’abord, puis de président. Avant de
devenir membre de la Cour, en 1987, il avait déjà à son actif une longue et brillante carrière, tant de
magistrat que de haut responsable national et international. M. Guillaume est membre honoraire du
Conseil d’Etat après avoir été c onseiller d’Etat. Il a été dir ecteur des affaires juridiques au
ministère français des affaires étrangères et, en cette qualité, a été agent de la France devant la Cour
de Justice des communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme. Il a
maintes fois exercé les fonctions de juge ad hoc devant la Cour internationale de Justice, et siège
actuellement à ce titre en l’affaire du Différend maritime (Pérou c. Chili) et dans celle relative à - 3 -
11 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua).
Membre de la Cour permanente d’arbitrage depui s1980, M.Guillaume a siégé en tant qu’arbitre
dans un grand nombre d’affaires. Il est membre de l’Institut de droit international, dont il a été
vice-président, et l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à un large éventail d’aspects du droit
international.
M.Jean-PierreCot, de nationalité française, est membre du Tribunal international pour le
droit de la mer. Il est également professeur émér ite à l’Université Paris-I (Panthéon-Sorbonne) et
chercheur associé au Centre de droit internationa l de l’Université libre de Bruxelles. Entre1981
et1982, il a été ministre chargé de la coopérati on et du développement au sein du Gouvernement
français, avant d’être élu au Conseil exécutif de l’Unesco, en1983. Pendant plusieurs années,
M.Cot a été membre du Parlement européen, au sein duquel il a exercé d’éminentes fonctions,
notamment celles de président de la Commission des budgets et de vice-président du Parlement
européen. M. Cot a déjà exercé les fonctions de juge ad hoc de la Cour et il siège actuellement en
cette qualité en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c.Colombie) , dans celle
relative à des Epandages aériens d’herbicides (Equateur c.Colombie) ainsi que dans celle du
Différend frontalier (Bénin/Niger). Il est l’auteur de nombreuse s publications dans le domaine du
droit international, du droit européen et des sci ences politiques. Il est également membre de
l’Institut de droit international et président de la Société française pour le droit international.
Conformément à l’ordre de préséance défini au paragraphe 3 de l’article 7 du Règlement de
la Cour, j’inviterai d’abord M. Guillaume à faire la déclaration solennelle prescrite par le Statut, et
je demanderai à toutes les personnes présente s à l’audience de bien vouloir se lever.
Monsieur Guillaume.
Mr. GUILLAUME:
“I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”
Le PRESIDENT : Je vous remercie. Monsieur Cot. - 4 -
12 Mr. COT: Thank you, Mr. President.
“I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”
Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte des déclarations
solennelles faites par MM.Guillaume et Cot, et d éclare ceux-ci dûment installés en qualité de
juges ad hoc dans l’affaire relative à la Demande en interprétation de l’arrêt du 15juin1962 en
l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande).
*
* *
La présente instance a été introduite le 28 avril 2011 par le dépôt au Greffe d’une requête du
Cambodge, dans laquelle celui-ci demande à la C our d’interpréter l’arrêt qu’elle a rendu le
15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande).
Pour fonder la compétence de la Cour, le Cambodge invoque l’article60 du Statut, qui
dispose que, «en cas de contestation sur le sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de
l’interpréter, à la demande de toute partie».
Dans sa requête, le Cambodge, se référant à l’ article98 du Règlement de la Cour, précise
«les points contestés quant au sens ou à la portée de l’a
rrêt» ainsi que suit :
« 1) selon le Cambodge, l’arrêt [rendu par la Cour en 1962] se base sur l’existence
préalable d’une frontière internationale déterminée et reconnue entre les deux
Etats ;
2) selon le Cambodge, cette frontière est définie par la carte à laquelle se réfère
la Cour à la page21 de son arrêt…, carte qui permet à la Cour de constater
que la souveraineté du Cambodge sur le Temple est une conséquence directe
et automatique de la souveraineté su r le territoire sur lequel se trouve le
Temple … ;
3) selon l’arrêt, la Thaïlande est tenue de retirer son pers onnel militaire et autre
des environs du Temple sur le terr itoire du Cambodge. Selon le Cambodge,
cette obligation est énoncée d’une mani ère générale et continue comme
découlant des affirmations concer nant la souveraineté territoriale
cambodgienne reconnue par la Cour dans cette région.» - 5 -
13 Le Cambodge affirme que «[l]a Thaïlande est en désaccord sur tous ces points».
J’invite maintenant le greffier à bien voul oir donner lecture de la décision demandée à la
Cour, telle que formulée au paragraphe 45 de la requête du Cambodge.
The REGISTRAR:
“Given that ‘the Temple of Preah Vihear is situated in territory under the sovereignty of
Cambodia’ (first paragraph of the operative clause), wh ich is the legal consequence of the fact that
the Temple is situated on the Cambodian side of the frontier, as that frontier was recognized by the
Court in its Judgment, and on the basis of th e facts and arguments set forth above, Cambodia
respectfully asks the Court to adjudge and declare that:
The obligation incumbent upon Thailand to ‘withdraw any military or police
forces, or other guards or keepers, stationed by her at the Temple, or in its vicinity on
Cambodian territory’ (second paragraph of the operative clause) is a particular
consequence of the general and continuing ob ligation to respect the integrity of the
territory of Cambodia, that territory having been delimited in the area of the Temple
and its vicinity by the line on the Annex I map, on which the Judgment of the Court is
based.”
Le PRESIDENT : Le 28 avril 2011, après avoir déposé sa requête, le Cambodge a également
saisi la Cour d’une demande en indication de mesu res conservatoires, en se référant à l’article41
du Statut et à l’article 73 du Règlement de la C our. Dans sa demande, il indique que, «[d]epuis le
22avril011, de graves incidents se sont produits dans la zone du Temple de
Préah-Vihéar,…ainsi qu’à plusieurs endroits le long de cette frontière entre les deux Etats,
provoquant morts, blessées et évacuations de popula tions». Il affirme que «[d]e graves incidents
armés se poursuivent au moment où est déposée la présente demande, incidents dont la Thaïlande
porte l’entière responsabilité».
Selon le demandeur, «[l]’urgence s’impose, au ssi bien pour sauvegarder les droits du
Cambodge en attendant que la Cour se prononce ⎯droits qui portent sur sa souveraineté, son
intégrité territoriale, ainsi que sur l’ob ligation de non-ingérence de la Thaïlande ⎯ que pour éviter
l’aggravation du différend.» - 6 -
J’invite à présent le greffier à bien voulo ir donner lecture du passage de la demande dans
lequel sont précisées les mesures conservatoires que le Gouvernement du Ca mbodge prie la Cour
d’indiquer.
14 The REGISTRAR :
“In consequence, and without prejudice to the Court’s interpretation on the
merits of the dispute, Cambodia respectfully requests the Court to indicate the
following provisional measures, pending the delivery of its judgment:
⎯ an immediate and unconditional withdrawal of all Thai forces from those parts of
Cambodian territory situated in the area of the Temple of Preah Vihear;
⎯ a ban on all military activity by Thailand in the area of the Temple of Preah
Vihear;
⎯ that Thailand refrain from any act or acti on which could interfere with the rights
of Cambodia or aggravate the dispute in the principal proceedings.
Because of the gravity of the situation, and for the reasons expressed above,
Cambodia respectfully requests the Court to indicate these measures as a matter of
urgency, and to fix a date as soon as possible for the subsequent proceedings.”
Le PRESIDENT: Aussitôt après le dépôt de la requête et de la demande en indication de
mesures conservatoires, le greffier a transmis au Gouvernement de Thaïlande, conformément au
paragraphe 4 de l’article 38 et au paragraphe 2 de l’ar ticle 73 du Règlement de la Cour, des copies
certifiées conformes de ces documents. Il a également informé le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies.
Selon l’article74 du Règlement de la C our, une demande en indication de mesures
conservatoires a priorité sur toute autre affaire. La date de la procédure orale doit être fixée de
manière à donner aux parties la possibilité de s’y fa ire représenter. A l’issue de consultations, les
Parties ont donc été informées, le 4 mai2011, que la date d’ouverture de la procédure orale visée
au paragraphe3 de l’article74 du Règlement de la Cour, au co urs de laquelle elles pourraient
présenter leurs observations sur la demande en indication de mesures conservatoires, avait été fixée
au 30 mai 2011, à 10 heures.
Je constate la présence devant la Cour des agents et conseils des deux Parties. Aux fins de ce
premier tour d’observations orales, chacune des Part ies disposera de deux heures. Compte tenu de
la longueur de cet exposé d’ouverture, le Cambodge pourra, si nécessaire, être autorisé à poursuivre - 7 -
au-delà de midi. La Cour entendra la Thaïlande cet après-midi, entre 16 et 18 heures. Les Parties
auront ensuite la possibilité de répondre: le Cambodge demain, mardi31mai, à 10h30, et la
15 Thaïlande, demain après-midi à 17heures. Chac une des Parties disposera d’un maximum d’une
heure pour exposer ses arguments en réplique.
Avant de donner la parole à S.Exc.M. HorNamhong, agent du Cambodge, je voudrais
rappeler la teneur de l’instruction de procédure XI, qui se lit comme suit :
«Dans leurs exposés oraux sur les demandes en indication de mesures
conservatoires, les parties devraient se limiter aux questions touchant aux conditions à
remplir aux fins de l’indication de mesures conservatoires, telles qu’elles ressortent du
Statut, du Règlement et de la jurisprudence de la Cour. Les parties ne devraient pas
aborder le fond de l’affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins de la
demande.»
Excellence, vous avez maintenant la parole.
HMOr. :
Introduction
Mr.President, Members of the Court, it is with a deep sense of gravity and emotion that I
come before you today as the Agent representing the Kingdom of Cambodia.
All those with an interest in international la w, whether specializing in the jurisprudence of
your Court or simply as generalists, are aware of the case concerning theTemple of Preah Vihear
which was settled by the Court’s Judgment of 15June 1962. This present case might seem no
more than a historic recollection of a celebrated piece of case law.
That is not so, however.
Unfortunately, I am appearing before the C ourt today because this case is very much the
issue of the hour.
In its Judgment of 15June 1962, the Court found very clearly in the operative clause that
“the Temple of Preah Vihear is situated in te rritory under the sovereignty of Cambodia” and, in
consequence, “that Thailand is un der an obligation to withdraw any military or police forces, or
other guards or keepers, stationed by her at the Temple, or in its vicinity on Cambodian territory”. - 8 -
Today, in that same area near the Temple of Preah Vihear, Cambodia is the subject of armed
aggression on the part of Thailand because of a false and unacceptable interpretation of that
16 1962 Judgment. It must unfortunately be remembered that Thailand’s first reaction to your Court’s
binding decision of 1962 was to reject it. A nd although Thailand finally decided to accept that
Judgment, it did so with bad grace, hedging its acceptance around with explicit statements of its
continuing desire to “recover” the territory concer ned by the Judgment. This attitude of Thailand
resurfaced in 2008 in the form of open armed aggression, followed by the de facto occupation by
Thai armed forces of part of that territory adjacent to the Temple of Preah Vihear.
It will be for Cambodia’s legal counsel to e xplain in due course the reasons why your Court
has jurisdiction, why our request for provisional measures is admissible, and why those measures
are themselves necessary. Before that, my task is to explain in turn: (1)the context of the case;
(2)the position of Cambodia; and (3)the need for the Court to indicate provisional measures
swiftly, in order to safeguard peace in the region and to avoid the renewal and aggravation of the
armed conflict.
I. The context of the case
Everyone is aware that Cambodia has recently emerged from a troubled period of its history,
marked by almost three decades of civil war.
It was following the Paris Accords of 1991 that Cambodia sought to resolve peacefully all
the disputes which might still remain with its neighbours. Hence Cambodia began a process of
peaceful negotiation with the neighbouring State of Thailand, the details of which are set forth in
the request for interpretation submitted by Cambodia. Cambodia would have been delighted if this
peaceful process which it initiated had led to the pr oblems on the ground being resolved, as part of
a good-faith interpretation and execution of the Judgment of the Court.
However, it was never possible to bring this peaceful process to a conclusion, because of the
successive obstacles put in its way by Thaila nd. These obstacles already showed, in an
increasingly obvious way, that Thailand relies on it s own interpretation of the 1962 Judgment, an
interpretation which lacks both internal consistenc y and any basis, and which might be understood
as intended to provide legal cover for armed incursions violating the sovereignty of Cambodia. - 9 -
17 For a long period, however, Thailand never called into question the decision of the Court. It
was only when Cambodia obtained the inclusion of the Temple of Preah Vihear on the UNESCO
World Heritage list, on 7 July 2008, despite strong opposition from Thailand, that the latter showed
its true intentions. One week later, i.e., on 15 July 2008, Cambodia suffered several armed attacks
along its frontier in the area of the Temple of Pr eah Vihear. These attacks have grown in scale in
recent weeks, extending beyond the area of the Temple. It can clearly be seen that these are in no
sense isolated incidents, but a concerted and systematic policy being pursued by Thailand, which is
relying ⎯ in respect of the Temple area ⎯ on its own distorted and unjustified reading of the
meaning and scope of your Judgment of 1962.
Thailand’s interpretation of the 1962 Judgment does not merely justify the request which is
before the Court today; it should also be emph asized, in the context of the provisional measures
proceedings, that this “interpretation” has not re mained some kind of diplomatic claim, but has
materialized in the form of numerous armed attack s, made possible by its superiority in terms of
manpower and sophisticated weaponry.
Despite mediation by ASEAN (the Associ ation of South-East Asian Nations) and
Cambodia’s acceptance of a ceasefir e process, the fighting has conti nued, causing deaths, injuries
and the displacement of local people. There are more and more attacks on Cambodia by Thai
troops, not only in the area of the Temple of Pr eah Vihear, but also at other places along the
frontier between the two States. These attacks cons titute a serious threat to peace and security in
the region, as was noted by the United Nations Security Council at its meeting of 14 February 2011
and emphasized by the Secretary-General.
That is why Cambodia, when it turned to th e Court to break the deadlock caused by two
different interpretations of the J udgment of 15 June 1962, decided also to request the indication of
provisional measures in order to preserve its rights, to avoid aggravation of the armed conflict, and
to allow the Court to rule in calmness on the merits of the case.
18 It is therefore clear that the measures request ed are directly related to the subject of the
Application in the main proceedings, namely the interpretation to be given of the Judgment of
15 June 1962. - 10 -
I shall therefore now explain briefly what is Cambodia’s interpretation of that Judgment.
II. Cambodia’s contention
For Cambodia, there can be no doubt that the Judgment of 15 June 1962 is based on the prior
existence of an international frontier determin ed and recognized by both States, Cambodia and
Thailand.
That frontier is defined by the map which the Court refers to throughout its 1962 Judgment
as the Annex I map, a map which enables the Cour t to find that Cambodia’s sovereignty over the
Temple is a direct and automatic consequence of Cambodia’s sovereignty over the territory in
which the Temple is situated.
According to the operative clause of the 1962 Judgment, Thailand is in consequence under
an obligation to withdraw the military and other pe rsonnel stationed by her at the Temple, or in its
vicinity on Cambodian territory. Cambodia believes that this is a general and continuing obligation
deriving from the statements concerning Cambodia’ s territorial sovereignty recognized by the
Court in that region.
Consequently, for Cambodia, the interpretati on of this Judgment which prevails is that
Cambodia is sovereign over a territory whose limits, in the area of the Temple of Preah Vihear, are
set forth in the Annex I map on which the Court relied entirely for all aspects of its 1962 decision.
At the very least, no other delimitation can be authoritative, which Thailand nonetheless
asserts, now claiming the area of the Temple as part of its territory and so justifying its acts of
armed aggression.
For Thailand, the frontier in this area of th e Temple has supposedly not been recognized by
the Court and has still to be determined, which i nvolves Thailand laying claim to territory beyond
the strict precincts of the Temple on the basis of the “watershed line”, as that State argued before
19 the Court without success in 1959-1962. As we know, the Court rejected this argument of Thailand
at the time. Furthermore, since 2007, these claims have allowed Thailand to aspire to even more
territory by inventing a new line which extends beyond the area initially claimed in 1959-1962, in
disregard of the 1962 Judgment, in particular the second paragraph of the operative clause. - 11 -
Thus Thailand is not merely contesting Cambodi a’s sovereignty in this area, it is imposing
its own interpretation by occupying the area th rough murderous armed incursions, which are the
subject of this request for the indication of provisional measures.
The fact is, as I have indicated, that Thaila nd is apparently reiterating the position it adopted
when the proceedings were instituted in 1959, and returning to the same arguments which the Court
rejected in 1962.
For Cambodia, this is politically and legally un acceptable. Because if th at were the case, it
would amount to accepting that the Court placed only the Temple in Cambodian territory. But in
1962, the Court placed the Temple in Cambodian territory by recognizing Cambodia’s sovereignty
over the whole of that territory and not solely over the Temple. That is what indisputably results
from the obligation placed on Thailand to withdraw not just from the Temple itself but also from
“its vicinity” on Cambodian territory.
That is why, for Cambodia, the obligation fo r Thailand to “withdraw any military or police
forces, or other guards or keepers, stationed by her at the Temple, or in its vicinity on Cambodian
territory”, according to the second paragraph of the operative clause, is a consequence of the
general and continuing obligation to respect Cambodia’ s sovereignty and territorial integrity. That
territory, now being claimed by Thailand, extends, in the area of the Temple and its vicinity, up to
the line on the Annex I map on which the Court’s Judgment was entirely based.
The disregarding of that obligation to respect Cambodia’s sovereignty in this area is the
cause of serious armed cl ashes which have obliged Cambodia to request the Court to indicate
urgent provisional measures, in order to preserve its rights and avoid irreparable prejudice and
aggravation of the armed conflict.
III. Irreparable prejudice
20
The risk of irreparable prejudice and aggravation of the armed conflict is indeed very high at
the present time.
Without it being necessary to detail all the incidents resulting from the situation which I have
just described, Cambodia wishes to highlight the following facts. - 12 -
As indicated in the Application filed at th e Court requesting interpretation of the 1962
Judgment, the frontier incidents between the two States have become more numerous since the
Temple was included on UNESCO’s World Heritage list on 7July 2008. Thailand’s strong
opposition at the time of this listing unfortunately foreshadowed what was to come, i.e., acts of
armed aggression.
As from 15July 2008, large numbers of Thai soldiers crossed the fr ontier and occupied an
area of Cambodian territory near the Temple of Preah Vihear. In October 2008, Thai troops once
more crossed the frontier and opened fire on Cambodian soldiers, killing two of them and
wounding many others. Again, on 3 April 2009, Th ai troops crossed the frontier and advanced up
to the area immediately adjacent to the Temple of Preah Vihear, using heavy weapons which
damaged in particular the stairway leading to the Temple and forming an integral part of it.
The Secretary-General of the United Nations, ha ving been alerted to the seriousness of the
situation, then offered his help in order to resolve this conflict between the two States.
More seriously still, from 4 to 7February 2011, Thailand provoked further incidents by
advancing into the area adjacent to the Temple of Preah Vihear itself, using in particular heavy
artillery and fragmentation shells which caused si x casualties among the Cambodian armed forces
and civilians, as well as significant material dama ge to the Temple. On Cambodia’s initiative,
these actions led to a meeting of the United Nati ons Security Council on 14February 2011. The
Security Council called for a permanent ceasefire to be established between the two parties and
expressed its support for ASEAN in seeking a solution to this conflict. With the mandate of the
Security Council, the Minister for Foreign Affa irs of Indonesia, currently the Chair of ASEAN,
convened a meeting of ASEAN Foreign Ministers on 22 February 2011, which was followed by a
statement by the Chairman of ASEAN.
21 Since then, since that meeting of the ASEA N Foreign Ministers, Indonesia, as Chair of
ASEAN, has seven times proposed draft Terms of Reference (TOR) for the sending of Indonesian
observers, to which Cambodia has always responded positively and immediately, whereas Thailand
has hitherto never accepted them, whilst demanding that Cambodia withdraw its soldiers from the
Temple of Preah Vihear and the area of the Te mple, demands which Cambodia will never be able - 13 -
to accept. Indeed, at the ASEAN summit of 7 and 8May 2011, Thailand imposed three
preconditions on Cambodia for its acceptance of Indonesian observers:
⎯ withdrawal of Cambodian troops from the Temple of Preah Vihear;
⎯ withdrawal of Cambodian troops from the Pagoda in Cambodian territory, built in 1996;
⎯ withdrawal of the Cambodian people themselve s from the market situated in front of the
Temple of Preah Vihear.
In the light of these refusals by Thailand to accept the Terms of Reference for the sending of
observers, Indonesia once again convened a meeting of the Ministers for Foreign Affairs of
Cambodia, Thailand and Indonesia, on 9May 2011 in Jakarta. During that meeting, the three
Foreign Ministers of Cambodia, Thailand and Indonesia agreed on a set of successive measures for
the sending and stationing of observers. Once more, Cambodia immediately accepted this six-stage
“Road Map”, but Thailand, yet again, unfortunately, refused to accept it.
How can the Cambodian Government withdr aw its troops and its people from its own
territory? Do these conditions already represent a threat by Thailand against Cambodia which
justifies provisional measures?
Before turning to the issue of the further acts of aggression by Thailand, I should like to
point out that Cambodia today still accepts the “Roa d Map” of 9 May 2011, and that it still expects
Thailand to do likewise in order to ensure a ceasefire on the ground.
Further attacks by Thailand as from 22 April 2011 in the area of the Temple of Preah Vihear,
22
but also along the frontier close to the Cam bodian Temples of Ta Moan and Ta Krabei ⎯ situated
to the west of the Temple of Preah Vihear and in a densely populated area ⎯ killed seven people
and injured seventeen others, causing the displacem ent of more than 50,000local civilians and
destroying houses and a school. Lastly, desp ite a verbal ceasefire between the military
commanders on the ground on 28 April 2011, two mo re Cambodian soldiers have since been killed
by Thai firing.
These facts demonstrate not only that the Temp le area was the cause of the armed attacks
which have spread along the frontier, and is s till under threat, but also that the purely verbal
ceasefire between the military commanders on th e ground will remain fragile until the Court
imposes one by means of provisional measures. - 14 -
While Cambodia is well aware that the Court, in carrying out its task, can only base itself on
the facts in relation to the principal proceedings in the area of the Temple of Preah Vihear, we
would point out that the incidents at other places along the frontier are directly linked to Thailand’s
aggressive attitude, despite Cambodia’s wish to settle peacefully and definitively the dispute
concerning the area of the temple of Preah Vihear.
As may be seen, these incidents have taken place despite the interven tion of the Security
Council of 14February 2011, urging a permanent ceas efire, despite the efforts of the Chair of
ASEAN to send observers in order to ensure a ceasefire, and despite the verbal ceasefire agreement
between the military commanders on the ground.
Furthermore, at a recent meeting held under the aegis of UNESCO in Paris from 25 to
27May 2011, with a view to finding the means of preserving, conserving and protecting the
Temple from the damage caused by the fighting of February 2011, Thailand once again showed its
complete lack of interest in the fate of the Temple by opposing consideration of the development
plan proposed by Cambodia since January 2010, in spite of the urgent appeal by the
Director-General of UNESCO for the parties to come to an agreement on these matters.
In these circumstances, Mr.President and Me mbers of the Court, what can Cambodia hope
23
for? It has been faced with the same situation fo r several years now: every meeting agreed to by
Thailand is simply a pretext for postponing the issue fr om one meeting to another. It is an endless
cycle, in which these constant refusals demonstr ate Thailand’s delaying tactics and lack of good
will.
These armed confrontations have caused irrepara ble damage to the architectural features of
the Temple itself, part of mankind’s heritage, but above all they are resulting in the needless loss of
human life, casualties and the displacement of local people.
Conclusion
In conclusion, Mr.President, Members of the Court, and following that brief description,
Cambodia therefore requests the Court to indicate provisional measures in order to stop any more
destruction of the Temple once and for all, to pr event further casualties, and to preserve its rights
over the area of the Temple of Preah Vihear. The fact is that the situation on the ground remains - 15 -
extremely fragile, the two armies are facing each other every day, and further Thai attacks could
take place at any time.
It is time for the voice of international law, as upheld by this Court, to be heard at last, a
voice for which Cambodia has the utmost respect, having always wished this dispute to be resolved
by peaceful means.
Cambodia is therefore fully confident in bringing before the Court a dispute which has lasted
all too long and caused too much human suffering.
Mr. President and Members of the Court, thank you for your attention.
Le PRESIDENT: Je remercie S.Exc.M. Hor Namhong, l’agent du Cambodge, pour son
exposé oral. J’invite à présent sir Franklin Berman à présenter son exposé.
M. BERMAN :
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, les petits pays qui
tentent de régler leurs différends par des moyens pacifiques et non pas en recourant à la force se
tournent vers le droit pour trouver une protecti on, en particulier en s’adressant à votre haute
juridiction. C’est donc pour moi un grand privilège de me présenter aujourd’hui devant vous au
24 nom d’un de ces Etats, le Royaume du Cambodge, qui est confronté à une politique de pressions et
à l’emploi illicite de la force de la part de son voisin.
2. Ma tâche ce matin sera tout d’abord, en m’appuyant sur le cadre général présenté par
S.Exc.le vice-premier ministre du Cambodge, de rappeler à la Cour l’essence du différend porté
initialement devant elle par le Cambodge en 1959 et qui a conduit à un arrêt au fond en 1962, arrêt
qui fait actuellement l’objet de la demande en interprétation soumise par le Cambodge. Je me
proposerai ensuite de montrer que les conditions sont remplies pour que la Cour puisse exercer
enl’espèce le pouvoir d’interprétation que lui confère l’article60 de son Statut ⎯ pour autant
qu’une telle démonstration soit nécessaire au stad e actuel de la procédure, à savoir celui d’une
demande en indication de mesures conservatoir es. A cet égard, je me conformerai bien
évidemment à l’approche adoptée réce mment par la Cour en l’affaire Avena, qui est similaire à la
présente espèce en ceci que des mesures conserva toires étaient sollicitées dans le cadre d’une
demande en interprétation d’un arrêt de la Cour, autrement dit dans le cadre d’une affaire dans - 16 -
laquelle la source des droits à protéger était un a rrêt de la Cour elle-même. Comme la Cour l’a
expliqué dans son ordonnance du 16juillet2008, en pareilles circ onstances, la question est de
savoir si les conditions qui permettent à la Cour aux termes du Statut de connaître d’une demande
en interprétation «paraissent» ⎯c’est le terme utilisé par la Cour ⎯ être remplies face à
l’existence d’un différend sur le se ns ou la portée de l’arrêt initial ⎯ je me réfère ici,
M. le président, au paragraphe 45 de l’ordonnance de la Cour. Cela suppose inévitablement de
connaître, dans une certaine mesure, de questions qui seront débattues lorsque la Cour en viendra à
examiner au fond la demande en interprétati on du Cambodge, mais seulement dans une certaine
mesure: aussi n’aborderai-je ces questions que pour autant que la jurisprudence antérieure de la
Cour montre que cela doit être fait, de manière préliminaire, pour poser les fondements sur lesquels
elle puisse s’appuyer afin de se prononcer su r une demande en indication de mesures
conservatoires. Le professeur Sorel qui me succèdera à cette tribune démontrera ensuite en quoi les
mesures que nous avons demandées sont nécessaires et appropriées.
L’essence du différend.
3. M.le président, je voudrais commencer par rappeler l’essence du différend et ne peux
moins faire à cet égard que de citer un passage dé terminant du premier arrêt de la Cour rendu le
25 26 mai 1961, dans lequel celle-ci confirmait sa comp étence pour connaître de l’affaire soumise par
le Cambodge. Ce passage figure à la page 22 de l’arrêt ⎯ nous l’avons reproduit au paragraphe 4
de notre demande en interprétation. J’en citerai à présent les termes, qui sont ceux de la Cour :
«dans la présente affaire, le Cambodge invoque la violation par la Thaïlande de
la souveraineté territoriale du Cambodge sur la région du temple de PréahVihéar et
ses environs. La Thaïlande répond en affirmant que ce territoire est situé du côté
thaïlandais de la frontière commune entr e les deux pays et qu’il relève de la
souveraineté thaïlandaise. Il s’agit là d’un différend portant sur la souveraineté
territoriale…». ( Temple de PréahVihéar (Cambodge c.Thaïlande), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 14.)
Par la suite, dans son arrêt de 1962, ⎯qui est l’arrêt au fond, dont la référence figure à la
page 14 ⎯, la Cour réitère que l’objet du différend qui lui est soumis est limité à une contestation
relative à la souveraineté dans la région du temp le de PréahVihéar. Mais la Cour ajoute
immédiatement, dans une phrase qui est une des clés du différend faisant l’objet de la présente - 17 -
procédure : «pour trancher cette question de souverain eté territoriale, la Cour devra faire état de la
frontière entre les deux Etats dans ce secteur» (ibid., p. 14).
Les cartes
4. J’en viens maintenant, Monsieur le président , à la question des cartes, qui est importante.
Immédiatement après la phrase que je viens de citer, la Cour fait mention des car
tes et autres
documents qui lui ont été soumis à cet égard et dont elle indique qu’elle ne les prendra en compte
que ⎯ et je cite à nouveau ses propres termes ⎯ «dans la mesure où elle y trouvera les motifs de la
décision qu’elle doit rendre pour trancher le seul différend qui lui est soumis et dont l’objet vient
d’être ci-dessus énoncé» (ibid.).
Parmi les cartes en question, la principale est celle à laquelle nous avons déjà fait référence ce
matin et que la Cour a appelée «la carte de l’annexe 1». Il s’agit d’un document clé dont le statut et
les effets juridiques sont mentionnés à plusieurs re prises par la Cour dans son arrêt, qui y fait
maintes fois référence. Pour plus de commodité, M. le président, nous avons repris la liste de ces
références au paragraphe 39 de la demande en interprétation, et celles-ci ont abouti à ce que la Cour
a appelé ses «conclusions» (ibid., p. 32), à savoir que «en 1908-1909, la Thaïlande a bien accepté la
26 carte de l’annexe 1 comme représentant le résultat des travaux de délimitation et a ainsi reconnu la
ligne tracée sur cette carte comme étant la frontière dont l’effet est de situer PréahVihéar dans le
territoire du Cambodge» ( ibid.) ; «que [l]es deux Parties ont par leur conduite reconnu la ligne et,
par là même,… sont effectivement convenues de la considérer comme la frontière» ( ibid., p. 33) ;
enfin, que «la Cour s’estime donc tenue, du point de vue de l’interprétation des traités, de se
prononcer en faveur de la frontière indi quée sur la carte pour la zone litigieuse» ( ibid., p. 35). Le
Cambodge fait valoir que rien ne saurait être plus cl air: la ligne tracée sur la carte représente la
frontière et la Cour doit tenir compte du tracé de la frontière pour décider de la souveraineté sur le
temple. Le raisonnement est très simple et se termine dans le dispositif de l’arrêt, où la Cour
constate ⎯je reprends à nouveau le terme utilisé par elle ⎯ que «le temple de PréahVihéar est
situé en territoire relevant de la souveraineté du Cambodge» (ibid., p. 36). Le dispositif se poursuit
par deux autres paragraphes indiquant que la Tha ïlande a l’obligation de retirer les éléments de
forces armées qu’elle a installés dans le temple ou dans ses environs situés en territoire cambodgien - 18 -
et qu’elle est tenue de restituer les objets qui aura ient pu être enlevés, ces deux obligations étant
clairement décrites comme une «conséquence» de la constatation principa le contenue dans le
premier paragraphe du dispositif que je viens de citer.
5. Monsieur le président, ce qui est à la base de la présente demande d’interprétation soumise
par le Cambodge c’est que, en dépit de la clarté de cette série de cons tatations de la Cour,
lesquelles ont force obligatoire pour les deux Etats en vertu de l’article59 du Statut et de
l’article94 de la Charte des NationsUnies, la si tuation dans la zone a voisinant le temple de
PréahVihéar fait maintenant l’objet de la part de la Thaïlande de revendications territoriales
concurrentes qui sont incompatibles avec l’a rrêt de 1962, sur la base d’une interprétation
contestée ⎯et de fait hautement contestable ⎯que la Thaïlande tente de substituer à ce que la
Cour a décidé dans son arrêt.
6. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je reviens maintenant à la
question des cartes, car je voudrais présenter à la Cour une figure qui illustrera mieux que des mots
la situation qui prévaut actuellement dans la zone sur laquelle portait l’arrêt de la Cour. Il s’agit de
l’annexe5 de la demande en in terprétation déposée par le Cambodge ⎯vous voyez maintenant
cette carte à l’écran. Comme l’observera la Cour , nous avons tracé une ligne constituée de croix,
que nous avons ensuite surlignée en jaune. C’est celle qui est tirée de ce que l’arrêt de 1962
27 appelle la «carte de l’ annexe1», la ligne qui ⎯ selon nous ⎯représente la frontière sur laquelle
l’arrêt était fondé et qui par conséquent est inex tricablement liée aux termes du dispositif de l’arrêt
de la Cour. Non loin du centre du schéma, à ga uche du mot «Cambodge» et juste en dessous du
mot «Thaïlande», la Cour apercevra le profil si caractéristique de l’ensemble architectural constitué
par le temple lui-même. Au sud et à l’ouest de la ligne tirée de l’annexe 1, nous avons tracé deux
autres lignes, toutes deux constituées de tirets et de points alternés. Celle qui est situé
e un peu plus
au nord ⎯également surlignée en jaune et sur laquelle nous avons inscrit la date de
1962 ⎯représente la ligne de partage des eaux re vendiquée par la Thaïlande comme frontière
internationale devant la Cour da ns la procédure qui donna lieu à l’ arrêt de1962. A proximité de
cette ligne se trouve une autre ligne également c onstituée de tirets et de points alternés mais qui
n’est pas surlignée en jaune ⎯et sur laquelle nous avons inscrit la date de 2007 ⎯, qui est celle
que la Thaïlande a soumise en juillet2007 au comi té du patrimoine mondial de l’Unesco, et dont - 19 -
on m’a dit ⎯ mais je ne prétends pas comprendre le thaï ou le khmer ⎯ qu’elle était estampillée
«SECRET». La Cour remarquera immédiatemen t deux choses: la première est que la ligne
de2007 présente globalement une forte similit ude avec celle que re vendiquait la Thaïlande
en 1962, ⎯ et que la Cour a si manifestement refusé d’avaliser dans son arrêt ; la seconde est que
la ligne de2007 représente, là où elle s’écarte de celle de1962 (c’est-à-dire dans la zone située à
l’ouest et au nord du temple), une revendication en core plus extrême que celle que la Cour avait
rejetée en 1962. La seule exception à cela est un cu rieux triangle situé plus à l’est, mais, comme le
constatera la Cour, ce triangle empiète directement sur les environs du temple lui-même.
7. Monsieur le président, il me faut à ce st ade évoquer brièvement une formule que la Cour
2
rencontrera très souvent en parcourant les docum ents. Il s’agit de l’expression «4,6km » qui
semble avoir été très fréquemment utilisée dans les ar ticles de presse et dans certaines déclarations
officielles, et qui semble être une forme ab régée du membre de phrase «le territoire dont la
Thaïlande a récemment revendiqué la souveraineté da ns les environs du temple». En examinant la
carte figurant à l’annexe 6 de la requête du Ca mbodge, qui vous est à présent projetée, on voit ce à
2
quoi cela pourrait correspondre. L’origine de l’expression «4,6km » n’est pas claire; et le
Cambodge n’a effectivement jamais tout à fait compris où exacte ment le territoire revendiqué
récemment par la Thaïlande était censé être situ é. Nous avons essayé, pour la commodité de la
Cour et pour la nôtre, de l’illustrer sur notre car te. Cela étant, si cela traduit véritablement une
28 revendication territoriale nouvelle de la Thaïlande, nos contradicteu rs ne manqueront certainement
pas d’exposer en termes précis leur position à la Cour et produiront à l’appui toutes les pièces
justificatives qu’ils auront pu réunir.
8. Enfin, Monsieur le président, avant de conclure le volet de mon exposé consacré aux
cartes (et bien que je ne souhaite certainement pas anticiper sur la plaidoirie de mon collègue,
M. Sorel), les deux annexes suivantes de notre classeur ⎯ annexes 7 et 8 de la requête — vous sont
présentées pour faire le lien entre les affrontements militaires de 2009 et 2011, que l’agent vient de
décrire, et les zones territoriales délimitées par les lignes figurant sur ces croquis. Il n’est donc
guère étonnant, Monsieur le président, que, du point de vue du Cambodge, les mesures prises par la
Thaïlande, notamment au cours des deux dernières années, constituent un rejet radical et en bloc de
l’arrêt rendu par la Cour en1962. C’est une ligne de conduite délibérément choisie par la - 20 -
Thaïlande. Et cette ligne de conduite délibérée ⎯ à supposer qu’elle ne constitue pas une illicéité
flagrante et absolue reposant sur un semblant de fondement juridique ⎯, cette ligne de conduite
délibérée suppose donc nécessairement, de la part de la Thaïlande, une interp rétation de l’arrêt de
la Cour, et de son effet sur le terrain, qui s’écarte fondamentalement de la manière dont le
Cambodge interprète cet arrêt.
Les conditions devant être réunies pour que la Cour puisse exercer le pouvoir
d’interprétation que lui confère son Statut.
9. Monsieur le président, ayant ainsi exposé et cerné pour la Cour l’essence du différend, tant
sur le plan du droit que sur celui de la géographie, j’en viendrai au deuxième volet de ma
présentation, qui consiste à démontrer que l es conditions nécessaires pour que la Cour puisse
exercer son pouvoir d’interprétation sont réunies prima facie. Si la Cour le veut bien, je procéderai
en trois temps : j’examinerai tout d’abord la ques tion de la compétence, puis la notion de délais et,
enfin, les conditions auxquelles une demande en interprétation doit satisfaire pour être «recevable».
La compétence
10. Je commencerai par la compétence. Bien entendu, Monsieur le président, la compétence
en tant que telle ne fait en réalité aucun doute.La Cour s’est expressément déclarée compétente à
l’égard du différend entre le Cambodge et la Tha ïlande dans son arrêt de 1961, que j’ai mentionné
plus tôt. Ce faisant, elle s’était fondée sur le consentement commun qui avait été exprimé par les
deux Etats. Ainsi, une fois la compétence établie , le pouvoir d’interprétation que la Cour tient de
l’article60 de son Statut est un pouvoir automatique et inhérent. Comme celle-ci l’a déclaré, «la
29 compétence de la Cour pour interpréter l’un de ses arrêts est une compétence spéciale qui résulte
directement de l’article60 du Statut» ( Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du
24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie
c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 216, par. 43). Il s’agit là d’une citation
de l’arrêt rendu par la Co ur dans l’affaire de la Demande en revision et en interprétation de l’arrêt
rendu en l’affaire du plateau continental entre la Tunisie et la Jamahiriya arabe libyenne. Plus
récemment, dans son ordonnance rendue en l’affaire de la Demande en interprétation de l’arrêt du - 21 -
31 mars 2004 en l’affaire Avena—et dont je vais vous donner lecture du paragraphe44 ⎯ la
Cour est revenue sur ce point :
«Considérant que la compétence que l’ article60 confère à la Cour n’est
subordonnée à l’existence d’aucu ne autre base ayant fondé, dans l’affaire initiale, sa
compétence à l’égard des parties; et qu’il s’ensuit que, même si la base de
compétence invoquée dans cette première affaire est devenue caduque, la Cour, en
vertu de l’article60 du Statut, peut néanmoins connaître d’une demande en
interprétation» ( Demande en interprétation de l’arrêt du 31mars2004 en l’affaire
Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du
16 juillet 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 323, par. 44).
11. Le Cambodge considère, Monsieur le pr ésident, que non seulement l’article60 donne à
la Cour le pouvoir d’interpréter ses arrêts, mais que celle-ci a même un «devoir» ou une
«obligation» de le faire dès lors qu’elle en est priée en bonne et due forme. La Cour permanente
s’était prononcée en ce sens au stade de l’inte rprétation de l’arrêt rendu en l’affaire relative à
1
l’usine de Chorzów , en se fondant sur le libellé identique de son propre Statut . Et cette
interprétation, cette conception, Monsieur le prési dent, ressort nettement de la tournure impérative
de l’article 60, qui indique en anglais : «the Cour t shall construe it upon the request of any party»
(article 60 du Statut de la Cour internationale de Justice — «il appa rtient à la Cour de l’interpréter
[l’arrêt], à la demande de toute pa rtie»). Je ne puis qu’espérer que la Thaïlande en conviendra et
qu’elle ne contestera pas la compétence de la Cour pour connaître de la demande du Cambodge;
cette marque de respect envers la Cour serait bien la moindre, mais serait bienvenue. D’ailleurs,
c’est également la seule voie que la Thaïlande puisse logiquement suivre, celle-ci ayant après tout
fini, fût-ce sans grand enthousiasme, par accepter l’ arrêt de la Cour et par en reconnaître la force
obligatoire. Et dans ces circonstances, nous estimon s qu’aucun doute n’est permis: si la Cour a
30
rendu un arrêt, si les deux Parties en ont reconnu la force obligatoire, et si le sens, ou la portée, de
cet arrêt est ensuite devenu source de conflit entre ell es, il appartient à la Cour elle-même de régler
la question, avec la même autorité que celle revêtue par l’arrêt initial lui-même.
1 os o
Interprétation des arrêts n 7 et8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. sérieA n°13, p.12
(«l’obligation d’interpréter l’arrêt»). Ibid., p. 21 («l’obligation, imposée à la Cour par l’article 60 du Statut, d’interpréter
ses arrêts à la demande de toute Partie». Voir égalementDemande en interprétation de l’arrêt du 11juin1998 en
l’affaire de laFrontière terrestre et ma ritime entre le Cameroun et le Niria (Cameroun c.Nigéria), exceptions
préliminaires (Nigéria c.Cameroun), arrêt , C.I.J. Recueil 1999, opinion dissidente de M.Weeramantry, vice-président,
p.47 («De fait, si vigoureuse est la rmulation de cet article que l’obligatide la Cour y est énoncée en termes
impératifs : «En cas de contestation sur le sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter à la demande
de toute partie.» (Les italiques sont de moi.)». - 22 -
12. Monsieur le président, ces observations lim inaires montrent que la présente affaire se
distingue par une caractéristique importante des autr es affaires dans lesquelles la Cour a été saisie
d’emblée d’une demande en indication de mesures conservatoires. En effet, il n’est pas rare qu’une
telle demande soit présentée dès le tout début d’un e nouvelle affaire, lorsque, par définition, la
Cour ne peut s’être encore acquittée de son devoir de s’assurer de sa compétence. Il est aisé de
comprendre que, en pareilles circonstances, la Cour elle-même, et à fortiori l’autre partie à l’affaire,
tiennent à disposer d’indications suffisantes prima facie quant à la compétence, de manière à
s’assurer qu’elle peut exercer son pouvoir discréti onnaire d’indiquer des mesures conservatoires.
Cette préoccupation est peut-être même plus gran de maintenant que la Cour a déclaré que les
mesures conservatoires avaient force obligatoire sur le plan juridique. Mais la présente affaire est
différente de ces affaires-là. Elle se rapproche au contraire de la récente Demande en
interprétation de l’arrêt du 31mars2004 en l’affaire Avena, dans le cadre de laquelle la Cour a
confirmé qu’une demande en interprétation d’un a rrêt de la Cour fondée sur l’article60 du Statut
pouvait être assortie d’une demande en indication des mesures conservatoires en vertu de
l’article 41 du Statut.
13. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je m’arrête un instant ici pour
soulever la question de savoir si, outre ce qui précède, le Cambodge est également tenu de
démontrer, dans une demande en indication de mesures conservatoires, le caractère «plausible» des
droits auxquels le comportement de la Thaïlande a, selon lui, porté atteinte. Le Cambodge n’ignore
pas, bien évidemment, que la Cour a menti onné à diverses reprises cette question de la
«plausibilité», par exemple dans l’ordonnance qu ’elle a rendue récemment, le 8mars de cette
année, en l’affaire soumise par le Costa Rica cont re le Nicaragua. La qu estion de la «plausibilité»
se pose naturellement lorsqu’une demande en indi cation de mesures conservatoires est soumise en
même temps que débute une procédure contentieuse. Comme l’a indiqué la Cour au paragraphe 57
de l’ordonnance qu’elle a rendue en l’affaire que je viens de mentionner, elle n’était pas, à ce stade
de la procédure, en position de départager les prétentions des Parties quant à la souveraineté. Cette
situation n’est donc absolument pas comparable à l’affaire soumise en l’esp èce, dans laquelle, par
définition, il a été statué sur les droits en question, et ce, pa r un arrêt de la Cour ayant force
obligatoire et à l’égard duquel se pose à présen t la question de savoir comment il convient de - 23 -
l’interpréter. Le Cambodge fait pa r conséquent valoir qu’il a des droits, lesquels droits ont été
déterminés avec effet obligatoire par la Cour dans son arrêt de 1962. J’ai déjà démontré que ces
31
droits portaient sur la souveraineté territoriale et que la Cour les a déterminés lorsqu’elle a examiné
la frontière entre les deux Etats dans la zone en question. Le fait que ces droits territoriaux sont, de
façon flagrante, remis en cause par des attaques armées et une occupation par la force de territoires
dans la zone en question remplit certainement, à ce stade préliminaire de la procédure, tout critère
applicable de «plausibilité». Toute questi on qui pourrait subsister quant à l’étendue ou à
l’emplacement du territoire couvert par l’arrêt de la Cour de 1962 exige une décision au fond sur la
demande en interprétation soumise par le Cambodg e mais ne requiert pas d’être examinée plus
avant ⎯ et encore moins d’être définitivement tranchée ⎯, alors que la Cour est maintenant saisie,
d’une demande en indication de mesures conservatoires.
La question des délais
14. Monsieur le président, j’aborde à présent la question des délais, et, sur ce point, nul ne
saurait nier le caractère inhabituel de certains aspects de la présente affaire. Je me réfère en
particulier au temps qui s’est écoulé depuis que la Cour a prononcé son arrêt en 1962. Il existe bien
évidemment de bonnes raisons pour expliquer que le Cambodge ne soumette que maintenant sa
demande en interprétation, et celles-ci sont exposées en détail aux paragraphes29 à35 de la
requête proprement dite. Ces para graphes contiennent l’exposé des faits pertinents. Les faits font
clairement apparaître une nouvelle invention de la part de la Thaïlande , que cette dernière a
avancée publiquement en2007-2008 dans une tenta tive d’assurer quelque fondement juridique à
une nouvelle politique tendant à s’imposer. Que la Thaïlande tente à présent de faire valoir qu’elle
avait toujours interprété l’arrêt de1962 diffé remment n’a cependant pas grande importance aux
fins de la présente instance, cette interprétation n’ayant été révélée publiquement qu’en 2007-2008,
par exemple dans la note que la Thaïlande a adressé e au Conseil de sécurité en juillet 2008 et que
nous avons jointe en annexe 4 à la demande en interprétation.
15. Plus précisément, il existe manifestement, à présent, un différend entre les Parties sur
l’interprétation de l’arrêt et le droit de demander l’aide de la Cour pour régler un différend de cette
nature n’est soumis à aucun délai au titre de l’article60 du Statut. Comme l’a indiqué le - 24 -
jugeBuergenthal dans son opinion dissidente sur les mesures conservatoires en l’affaire Avena,
l’article60 relatif à l’interprétation «n’impose aucun délai à l’introduction de demandes en
interprétation»(Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres
32 ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique),
mesures conservatoires, ordonnance du 16 juillet 208, C.I.J. Recueil 2008, opinion dissidente du
jugeBuergenthal, p.340, par.25). Il s’agit du paragraphe 25 de l’opinion du juge Buergenthal.
L’absence de délai est en effet évidente si l’on considère les termes de l’article 60 proprement dit et
cette interprétation ressort à la fois de la lettre, par comparaison avec d’autres dispositions du Statut
qui posent quant à elles des délais, et de l’esprit, si l’on considère le but essentiel de la procédure
en interprétation prévue par l’article 60. Pour plus de détails sur ce point, je prie la Cour de bien
vouloir se reporter au paragraphe28 de la demande en interprétation du Cambodge. Monsieur le
président, si un Etat cherche à amener la Cour à lir e, dans le Statut, un délai qui n’y figure pas, la
justification de cette prétention doit, à l’évidence, peser sur cet Etat. Espérons que tel n’est pas le
cas ici. Cependant, tout différend qui surgirait su r ce point deviendrait une question à examiner au
titre de la procédure principale proprement dite con cernant l’interprétation. A l’inverse, aux fins
d’établir la compétence prima facie de la Cour, qui constitue le seul élément nécessaire au stade
des mesures conservatoires, les termes de l’artic le60 sont par eux-mêmes suffisants. Et comme
tels, ils ne sont pas soumis à un délai.
Recevabilité
16. Monsieur le président, il reste une dern ière question, que l’on pourrait décrire comme
relevant de la «recevabilité», celle de savoi r si sont réunies les conditions que la Cour a
constamment définies comme essentielles à l’exercice de sa faculté d’interprétation. La première
condition est qu’une «contestation» existe entre les Pa rties sur le sens et la portée d’un arrêt, et la
deuxième, que la demande en interprétation vise à ob tenir un éclaircissement de ce qui a été décidé
avec force obligatoire par la Cour. Comme celle-ci l’indique au paragraphe 44 de son arrêt sur la
demande en interprétation de l’arrêt rendu en l’affaire du droit d’asile, et je cite à nouveau la Cour,
«[i]l faut que la demande ait réellement pour objet une interprétation de l'arrêt, ce qui
signifie qu’elle doit viser uniquement à faire éclaircir le sens et la portée de ce qui a
été décidé avec force obligatoire par l’arrêt, et non à obtenir la solution de points qui
n’ont pas été ainsi décidés» Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 - 25 -
en l’affaire du droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402. Voir
aussi Demande en interprétation de l’arrêt du 11 juin 1998 en l’affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Camer oun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria),
exceptions préliminaires (Nigéria cC. ameroun), arrêt, C.I.JR. ecuel999(I) ,
p. 36-37, par. 12 ; Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du
33 24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)
(Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 223, par. 56).
Il existe une contestation sur le sens et la portée de l’arrêt de 1962.
17. Monsieur le président, il existe bien une contestation entre le Cambodge et la Thaïlande
sur le sens et la portée de l’arrêt de 1962. Les fa its et les circonstances re latifs à l’existence de
cette contestation sont exposés aux paragraphes 7 à 25, et plus particulièrement aux paragraphes 24
et25, de la demande en interprétation présentée par le Cambodge. Ainsi qu’il est indiqué au
paragraphe 5 de la demande, il découle très clairement des positions formelles aujourd’hui adoptées
par la Thaïlande, telles que nous les comprenons, qu ’une contestation oppose les deux pays sur les
trois questions suivantes au moins :
a) la question de savoir si le dispositif de l’arrê t de 1962 est fondé sur l’existence préalable d’une
frontière internationale établie reconnue par les Parties. Le Cambodge affirme que tel est le cas,
la Thaïlande conteste ce point de vue, et le fait de manière explicite lorsqu’elle déclare que «la
revendication territoriale du Cambodge est le résu ltat d’une interprétation unilatérale de l’arrêt
de la Cour, selon laquelle cet arrêt avait déterm iné une frontière. La Thaïlande conteste cette
interprétation unilatérale». Cette déclaration explicite a été faite dans la lettre du 21 juillet 2008
que j’ai mentionnée, qui a été adressée au prési dent du Conseil de sécurité par le représentant
permanent de la Thaïlande, et qui est reproduite à l’annexe 4 de note demande d’interprétation.
Voilà donc la première question qui oppose les Parties. Deuxièmement,
b) la question de savoir si cette frontière est défini e par la ligne tracée sur la carte de l’annexe 1 :
pour le Cambodge, il s’agit de la conséquence logique du dispositif de l’arrêt et du
raisonnement qui y a conduit. La Thaïlande, ains i qu’il ressort de l’extrait de sa lettre que je
viens de citer, conteste également ce point, a ffirmant expressément que «la ligne frontière
revendiquée par le Cambodge ne tire aucun statut juridique de l’arrêt de la Cour ». Cette
déclaration est extraite du paragraphe 3 de ce qui est présenté à tort par la Thaïlande comme un
exposé des faits joint à sa lettre au président du Conseil de sécurité. Troisièment, - 26 -
c) la question de savoir si l’obligation qu’impo se le troisième paragraphe du dispositif à la
Thaïlande de retirer ses forces armées et autres est simplement une conséquence de l’obligation
générale et continue qui lui est faite de ne p as porter atteinte à la souveraineté territoriale du
Cambodge dans la région du temp le. Le Cambodge dit que te l est le cas, alors que les
34 incursions répétées de la Thaïlande dans les zones voisines qui appartiennent au Cambodge au
même titre que le temple lui-même indiquent clairement une opinion contraire.
18. Monsieur le président, il est toujours possible d’imaginer (bien que cela soit fort peu
probable selon nous) que la Thaïlande se présente devant la Cour ⎯aujourd’hui ou au stade du
fond ⎯ pour déclarer d’une manière formelle et qui l’obligerait qu’elle partage les vues du
Cambodge sur chacune de ces trois questions. Si cela ce produisait, cette déclaration serait la
bienvenue. Dans le cas le contraire, il serait évid ent qu’il existe incontestablement entre les deux
Etats une contestation telle que constamment défi nie par la Cour dans les arrêts cités aux
paragraphes21 et suivants de la demande en inte rprétation. La Cour a déclaré qu’il suffisait que
os
les Parties «manifest[ent] des opinions opposées» ( Interprétation des arrêts n 7 et8 (usine de
Chorzów), arrêt n o11, 1927, C.P.J.I. sérieA n o13, p.11). Par ailleurs, La Cour a récemment
déclaré, dans l’ordonnance en indication de mesu res conservatoires qu’elle a rendue en l’affaire
Avena, qu’«il n’[était] pas exigé, aux fins de l’artic le 60, que l’existence de la contestation se soit
manifestée d’une certaine manière, par exemple par des négociations diplomatiques» ( Demande en
interprétation de l’arrêt du 31mars2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires,
ordonnance du 16 juillet 2008, C.I.J. Recueil 2008 , p. 325-326, par. 54), «ni que la contestation se
soit formellement manifestée» (ibid., p. 326, par. 54). Quoi qu'il en soit, Monsieur le président, le
Cambodge maintient que l’existe nce d’une contestation ressort clairement des documents
diplomatiques présentés à la Cour dans la demande d’interprétation et dans la déclaration liminaire
faite par notre agent ce matin.
La demande vise à faire éclaircir ce qui a été décidé avec force obligatoire
19. Monsieur le président, Mesdames et Mess ieurs de la Cour, j’en viens maintenant au
second élément qui entre dans le cadre de ce que l’ on peut appeler la «recevabilité», à savoir qu’il - 27 -
faut que la demande en interprétation se rapporte effectivement au sens et à la portée de l’arrêt
de 1962, c’est-à-dire qu’elle vise à faire éclaircir ce qui a été décidé avec force obligatoire par cet
arrêt. Je me réfère là encore à l’extrait précité de la décision que la Cour a rendue sur la demande
en interprétation dans l’affaire du Droit d’asile. Selon le Cambodge, point n’est besoin d’étayer
davantage cette proposition. J’ai déjà précisé pourquoi les droits du Cambodge, tels qu’établis par
35
un arrêt de la Cour, satisfaisaient à tout critère de «plausibilité» quel qu’il soit. Cela se passe
d’ailleurs de commentaires, puisque le point précis qui est soumis à la Cour pour interprétation au
paragraphe45 de la demande —et dont Monsieur le greffier a donné lecture tout à l’heure— se
rapporte expressément au sens et à l’effet des prem ier et deuxième points du dispositif de l’arrêt,
dont le libellé lui-même est cité dans la demande, à la lumière des motifs essentiels sur lesquels la
Cour s’est explicitement fondée dans cet arrêt pour parvenir aux conclusions spécifiques ainsi
énoncées. Encore une fois, Monsieur le président, cela se passe de commentaires.
Conclusion
20. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, j’ajouterai pour terminer que
la Thaïlande vous présentera bien évidemment diffé rents arguments aujourd’hui et demain. Ainsi,
nos contradicteurs tenteront, sans nul doute, d’affi rmer que le véritable objet de la demande en
interprétation du Cambodge est d’obtenir une décision qui n’a pu être obtenue dans l’arrêt de 1962.
Il s’agit là d’un argument dépourvu de tout fondem ent mais, s’il devait effectivement être avancé,
la Cour devra s’y intéresser, non pas maintenant, mais au moment de l’examen au fond de la
demande en interprétation. A ce stade, il me faut simplement réfuter ⎯ et je le fais avec fermeté et
sans équivoque ⎯ l’affirmation selon laquelle la présente demande en interprétation du Cambodge
viserait à obtenir une décision qui n’aurait pas été formulée en1962. Tel est cependant bien,
semble-t-il, ce que la Thaïlande tente d’insinuer. Je me réfère, là encore, à la note thaïlandaise bien
connue du 21juillet2008 (annexe4 de notre demande en interprétation) ⎯ cela est tout
simplement faux. De surcroît, un Etat ayant lu i-même, bien des années après que la Cour s’est
prononcée sur la question, sorti de son chapeau une interprétation aberrante de cette décision à la
seule fin de pouvoir qualifier ensuite la pos ition juridique du Cambodge d’«interprétation
unilatérale» est particulièrement mal placé pour fa ire valoir pareil argument. Ce que le Cambodge - 28 -
prie la Cour de dire et juger — je le répète à toutes fins utiles — est énoncé au paragraphe 45 de sa
demande en interprétation, et cela se rapporte précisément au sens du dispositif de l’arrêt de 1962
interprété dans son véritable contexte, c’est-à-dire à la lumière des motifs essentiels sur lesquels la
Cour s’est expressément fondée pour parvenir au libellé dudit dispositif.
36 21. Monsieur le président, la Thaïlande affi rmera aussi à n’en pas douter que, étant donné
que la Cour a, en 1962, refusé de se prononcer di rectement sur les conclusions finales modifiées du
Cambodge en ce qui concerne le statut de la carte de l’annexe 1, il en résulte que ni cette carte ni la
ligne frontière dans cette région n’ont une quelconque force obligatoi re aux fins d’interpréter ce
que la Cour a entendu dire dans s on arrêt. Il y a manifestement là une absence totale de logique,
que vient encore renforcer un examen attentif du pr ononcé de la Cour permanente lors de la phase
de l’interprétation en l’affaire de l’ Usine de Chorzów, prononcé qui a été récemment repris par la
Cour dans l’affaire Cameroun c. Nigéria (Demande en interprétation de l’arrêt du 11 juin 1998 en
l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.
Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria c. Cameroun), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (I) , p. 35, par.
10) :
«il faut … qu’il y ait divergence entre les Pa rties sur ce qui, dans l’arrêt en question, a
été tranché avec force obligatoire. Cela ne veut pas dire qu’il doive être incontesté
que le point dont le sens prête à discussion re garde une partie de l’arrêt ayant force
obligatoire. Une divergence de vues, si tel ou tel point a été décidé avec force
obligatoire, constitue, elle aussi, un cas qui re ntre dans le cadre de [l’article 60 du
Statut], et la Cour ne pourrait se soustraire à l’obligation d’interpréter l’arrêt dans la
mesure nécessaire pour pouvoirose prononcer sur pareille oivergence .»
(Interprétation des arrêts n 7 et8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I.
série A n 13, p. 11-12 ; les italiques sont de nous.)
22. Enfin, Monsieur le président, la Cour ser a sans nul doute priée de rejeter la demande en
indication de mesures conservatoires, non pas au motif que ces mesures seraient injustifiées ou ne
seraient pas nécessaires, mais au motif qu’il est trop tard pour que le Cambodge demande à la Cour
d’exercer sa faculté d’interpréter l’arrêt de1962. L’illogisme d’une telle affirmation est, une fois
encore, patent, étant donné que, ainsi que je l’ai dé montré, le Statut ne prévoit aucun délai en la
matière. J’ai déjà évoqué précédemment les argume nts pertinents à cet égard. Ce nonobstant, si
tant est que pareille invocation ex post facto d’un délai ait un quelconque fondement, cette question - 29 -
devra être débattue au moment de l’examen au fond de la demande en interprétation du Cambodge,
et non maintenant. Et, là encore, un Etat ayant fabriqué de toutes pièces une interprétation erronée
de l’arrêt plusieurs dizaines d’années après que celui-ci a été rendu et ayant tenté d’imposer cette
interprétation par l’emploi illicite de la forc e armée serait mal placé pour faire valoir pareil
argument.
23. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.
Si la Cour le permet, je cède à présent la parole à M. Sorel, qui examinera la question des mesures
conservatoires que le Cambodge prie la Cour d’indiquer.
37 Le PRESIDENT: Je remercie sir Franklin Berman de son exposé. Avant d’inviter M. Sorel à
prendre la parole au nom du Cambodge, le moment me semble venu pour la Cour de prendre une
courte pause café. Nous allons nous interrompre pendant quinze minutes et reprendrons l’audience
ensuite. Merci.
L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 40.
Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience reprend. J’invite à présent
M. Jean-Marc Sorel à faire son exposé au nom du Cambodge.
Mr. SOREL: Mr. President, Members of the Court,
1. It is a very great honour for me to app ear before you again on behalf of the Kingdom of
Cambodia in these interpretation proceedings, and more particularly, as far as concerns us today, in
the request for the indication of provisional measures.
His Excellency the Deputy Prime Minister, Agent of Cambodia, has already explained to you
the background to the case, how Cambodia interp rets your Judgment of 15 June 1962, the
irreparable prejudice already suffered by Cambodia, and the prejudice that it may continue to suffer
in the absence of any action by this Court; an d my colleague, SirFranklinBerman, then
demonstrated to you that the Court has jurisdiction, and that this request is fully admissible. My
task is to explain to you the justification forthe provisional measures requested by Cambodia in
light of the current situation and of your case law. - 30 -
2. On the other hand, it is not my task to address the merits of the issue that lies at the core of
the interpretation of the 1962 Judgment, and we hope that the Court will give us the opportunity to
again express our views fully on that issue. It will only be discussed here to the extent that it
directly affects the provisional measures requested , since that request is indeed linked to the
principal claim submitted to you.
3. As we all know, your decision on the need for provisional measures requires ⎯ in
38 addition to your having jurisdiction ⎯ the presence of a number of elements. The request must
have a link with the principal proceedings, it must be of an urgent nature, and its aim must be to
avoid irreparable prejudice ⎯ and the future risk of such prejudice ⎯ pending the decision of the
case on the merits. It may also be aimed at avoiding any aggravation or extension of the dispute.
Cambodia notes that, unfortunately, all of tho se conditions are today satisfied in order for
provisional measures to be indicated, and that th ese will enable the situation to be frozen and
Cambodia’s rights to be protected, pending this Court’s decision on the merits.
We must therefore now analyse the applicati on of those criteria to the situation in which
Cambodia currently finds itself, beginning with an analysis of:
I. The link between the measures sought and the interpretation
of the 1962 Judgment requested in the principal claim
4. In accordance with its now well-established ju risprudence, this Court will seek to satisfy
itself that the request for the indication of provisional measures is linked to the principal claim.
Thus in the recent case of the Application of the International Convention on the Elimination
of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation) , this Court recalled the
need for a: “link... between the alleged right s, the protection of which is the subject of the
provisional measures being sought, and the subject of the proceedings before the Court on the
merits of the case” (Application of the International Convention on the Elimination of all Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of
15 October 2008, I.C.J. Reports 2008, p. 389, para. 118). - 31 -
This Court made it clear in that same case that the link must be “sufficient” ( ibid., p.392,
2
para. 126) .
That is exactly the situation in which we find ourselves.
5. To explain, I need to make a short det our which will enable you better to understand the
current state of the dispute. We are in fact facing a somewhat novel situation: the State which
secured a decision in its favour from this Court in 1962, namely Cambodia, is obliged in the
39
present proceedings to put before this Court a re quest for interpretation because the meaning and
scope of your Judgment has been contested, not by that State ⎯ for whom the meaning is clear ⎯
but by the State which lost the case in 1962, namely Thailand.
To make myself absolutely clear, what Cambodi a is disputing is the meaning and scope that
Thailand seeks to place on that Judgment. In other words, the two States have a differing
interpretation of the Judgment, and each disputes the meaning and scope given to it by the other.
If it had not been for the tragic events justifying Cambodia’s present request for the
indication of provisional measures, it would have been more logical for Thailand itself to have
requested the interpretation. And we may ask ourselves what is preventing Thailand from doing
so. As the Agent of Cambodia has explained, Th ailand seeks to avoid any intervention by a third
party in this dispute, whether regional or global, diplomatic or judicial. For Cambodia, there can be
no doubt that the absence of any legal basis for Thailand’s position prevents it from acting
otherwise, and in particular from bringing the disput e before this Court. Thailand thus prefers to
impose its point of view by non-peaceful means, where it believes itself to have the advantage.
Cambodia is thus obliged to act for, in reality, Thailand refuses not only to settle this issue
by direct negotiation, multiplying the obstacles to any bilateral procedure, but also to do so within a
regional framework, refusing the dispatch of obser vers from the Association of South-East Asian
Nations (ASEAN). It prefers— and I repeat— to rely on force of arms in place of a peaceful
settlement.
Hence, what is needed is an authoritative in terpretation by this Court, in order that the
negotiation process can proceed peacefully.
2
See also Request for Interpretation of the Judgment of 31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other
Mexican Nationals (Mexico v. United States of America) (Mexico v. United States of America) , Provisional Measures,
Order of 16 July 2008, I.C.J. Reports 2008, p. 328, para. 64. - 32 -
6. Thailand’s acts of armed aggression in the area of the Temple are thus a reflection ⎯ on
the ground ⎯ of that State’s claims based on its own “interpretation” of the 1962 Judgment.
As we know, following the designation of the Temple of Preah Vihear as a UNESCO World
Heritage Site on 7 July 2008, Thailand decided to dispute that designation by force of arms within a
unilaterally defined area close to the Temple. Th ailand thus revealed its true intentions, on the
40
pretext that the 1962 Judgment gave it sovereignty over the area around the Temple.
7. In order to do this, Thailand challenges the 1962 Judgment in its entirety, and not only its
operative part, for, as Cambodia has explained in its Application, Thailand replaces what the Court
said in its Judgment by its own reading, based on what the Court did not say. Thus, while Thailand
does not dispute Cambodia’s sovereignty over the actual perimeter of the Temple, in reality, by its
attitude, it challenges the Judgment in its entirety, since in 1962 this Court placed the Temple under
Cambodian sovereignty, finding that “the Temple of Preah Vihear is situated in territory under the
sovereignty of Cambodia” ( Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment,
I.C.J. Reports 1962 , p.36). The Court accordingly conc ludes “[t]hat Tha iland is under an
obligation to withdraw any military or police forces, or other guards or keepers, stationed by her at
the Temple, or in its vicinity on Cambodian territory” ( Temple of Preah Vihear (Cambodia v.
Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962 , p.37). It follows that to deny Cambodia’s
sovereignty over that area beyond the Temple itsel f is to make the Court say that the boundary line
which it recognized as valid in order to locate the Temple in Cambodia is totally erroneous, thus
including in relation to the Temple itself. In other words, Thailand seeks to correct on its own
initiative what it regards as a mistake, and that i ndeed is the purpose of the recent incursions by
Thai forces into the Temple area.
8. There is thus undeniably a direct link be tween Thailand’s acts of armed aggression and its
interpretation of the 1962Judgment. You only ha ve to observe how closely the area claimed by
Thailand corresponds to the Thai armed incursions in to Cambodia in that area. This can be seen
from annexed map No.8, which is currently on your screens, in regard to the recent incidents of
February 2011, which are shown by the yellow and red stars. You will note that this corresponds
almost exactly to the area claimed by Thailand, and these represent armed incursions. - 33 -
In that connection, among the many docume nts demonstrating this link, Cambodia would
again cite the very typical letter addressed by the Ambassador and Permanent Representative of
Thailand to the United Nations on 21July2008 to the President of the Security Council,
reproduced in Annex 4 to Cambodia’s Application. We would recall that the purpose of that letter
is to justify Thailand’s armed incursions onto Cambodia territory, and it thus follows the armed
41 incidents of 15July2008, that is to say, shortly after the Temple’s designation as a UNESCO
World Heritage Site on 7July2008. The annex to that letter states that Thailand’s claims are
founded on what it regards as its sovereign territory on the basis of a “due implementation” of the
1962 Judgment.
The letter likewise states that a Pagoda that you can see on map No. 7 currently showing on
your screens is situated in Thai territory, and that this is “fully consistent” with the 1962 Judgment.
However, that Pagoda, situated some 300metres west of the Temple, was constructed in 1998 by
Cambodia and did not at that time occasion any protest from Thailand, although the latter could not
have been unaware of its existence. Be that as it may, those incidents concerning the Pagoda, to
which I will return, reveal Thailand’s claims and, above all, the vagueness of those claims. Thus,
what is the “area” (in inverted commas) close to th e Temple claimed by Thailand? That remains a
matter of doubt, as my colleague SirFranklinBe rman has shown you. According to Thailand’s
own unilaterally produced map, it represents some 4. 6 sq km, without it being at all clear how that
claim differs from, or corresponds to, the watershed line claimed by Thailand at the time of the
1962Judgment— unless it represents a new watershed line discovered since? In this regard, the
doubts engendered by the various cartographic cal culations remain, and I have no doubt that
Thailand will enlighten us on this aspect.
In any event, however, this famous “area” must be very close to the Temple, if we are to
believe that Thailand is now seeking to claim that the Pagoda I have just mentioned is located in its
own territory, since it is located in the immediate vicinity of the Temple. But Thailand not only
claims the Pagoda, but has frequently conducted military operations in order to occupy it, not only
on 15July2008, but also on 15October2008 and 3April2009, as well as in February and
April 2011. Those combat operations resulted in the destruction of property and loss of life. - 34 -
While the Pagoda is not ⎯ unhappily ⎯ the only location where these acts of aggression are
concentrated, it represents a symbolic point, a land mark, a sort of marker, which readily enables it
to be understood that Thailand’s claims cover ever y last square metre beyond the Temple’s actual
42 precincts. These in fact correspond to the small tria ngle left free on Thailand’s unilateral map, the
perimeter of which is shown on annexed map No. 6, which is again on your screens — the famous
small triangle lying to the south, just before the boundary line, as— of course— determined by
Thailand itself.
Thus Thailand, through the practical effect of its acts of armed aggression, would have the
1962Judgment say that the Court only accorded Cambodia a sort of autonomous title over a
Temple situated within Thai territory. That is what Thailand’s claims mean. As we all know, that
is a totally erroneous interpretation, absolutely contrary to the reasoning and to the operative clause
of this Court’s Judgment in 1962.
9. These claims by Thailand, and the manner in which it gives effect to them by recourse to
armed force in the area of the Temple, cannot de monstrate more clearly than Thailand does itself
the link between its claims deriving from its interp retation of the 1962 Judgment and its belligerent
attitude.
Having established this very clear link, we now have to address the other matters which
require the Court to order provisional measures, namely urgency, irreparable prejudice and a
possible risk of extension of the dispute.
II. Urgency
10. As to urgency, it is hardly necessary to show that this underpins Cambodia’s request and
necessitates rapid protective action. It is linked both to the real and imminent risk of potential
irreparable prejudice ⎯ in addition to that already suffered ⎯ if the Court fails to order rapid
action, but also to the associated risk of aggrava tion of the dispute in the area of the Temple of
Preah Vihear.
It is thus by analysing these two aspects that Cambodia will demonstrate the urgency
underpinning its request for the indication of provisional measures. - 35 -
III. The irreparable prejudice
11. As regards irreparable prejudice, we know that Article41 of the Statute, which
empowers this Court to indicate provisional measure s where the circumstances so require, implies
that the Court deems that the circumstances in qu estion are causing, or pose a risk of causing,
prejudice which is not only imminent, but also irreparable.
43 According to a definition which appeared very early in the Court’s jurisprudence, irreparable
prejudice is such that it: “could not be made good simply by the payment of an indemnity or by
3
compensation or restitution in some other material form” . This clearly signifies that there could
be no possibility of restitutio in integrum.
12. In this case, the irreparable prejudice is on two very different levels. Firstly, there is a
risk to the Temple itself, which was damaged in various ways following the incursions by Thai
troops, as illustrated by Cartographic Annex 9, whic h shows the impact of those incursions on the
Temple itself. And let us recall that this Temp le, which Thailand so covets, is a monument of
inestimable value — a World Heritage of Huma nity — and doubtless would not survive a massive
firefight. We would add, however, that, even if it did not possess such great cultural and spiritual
value, that would make no difference.
But most importantly, what a firefight has not spared, and would not spare again, is human
lives. And this is not a potential risk, but a c onfirmed one. As the Deputy Prime Minister of
Cambodia indicated in his address at the openi ng of these pleadings, the incidents initiated by
Thailand in the Temple area between 4 and 7 Fe bruary 2011 alone caused six Cambodian military
and civilian deaths and left 71 injured. During these confrontations, t
he Thai army employed
heavy artillery and cluster bombs. We know that there are many voices trying to ban these
pernicious weapons, and it is re grettable that Thailand employs them in defiance of international
protests.
This is a heavy toll for a dispute which we might have hoped to see resolved peacefully, all
the more so when added to earlier victims, as indicated in Cambodia’s Application, in paragraph 33
in particular.
And it cannot be denied that, for these victims, there can be no full reparation.
3
Denunciation of the Treaty of 2 November 1865 between China and Belgium, Orders of 8 January, 15 February
and 18 June 1927, P.C.I.J., Series A, No. 8, p. 7. - 36 -
13. This type of situation, where human lives ar e at risk, appears all too often in the Court’s
jurisprudence and, in each instance, the Court h as not hesitated to indicate provisional measures in
order to prevent irreparable harm.
44 Allow me to recall, in a non-exhaustive f ashion, the Order of 10 May 1984 in the case
concerning Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua. This Court recognized
that irreparable prejudice was particularly bei ng caused where citizens’ lives were at stake 4.
Similarly, in the Order of 1 July 2000 in the case concerning Armed Activities on the Territory of
the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda) the Court took into account, both
directly and in principle, the serious and irreparable prejudice that the combats were inflicting upon
the people of the Democratic Republic of the Congo, expressing itself in the following terms:
“In the circumstances, the Court is of the opinion that persons, assets and
resources present on the territory of the Congo, particularly in the area of conflict,
remain extremely vulnerable, and that there is a serious risk that the rights at issue in
this case... may suffer irreparable prejudice.” ( Armed Activities on the Territory of
the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda), Provisional Measures,
Order of 1 July 2000, I.C.J. Reports 2000, p. 128, para. 43.)
Finally, I could also cite the very recent order of 8 March 2011 in the case concerning
Certain Activities carried out by Nica ragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua): the
Court stated that the situation in question has the potential to create an imminent risk of irreparable
prejudice, particularly since it “gives rise to a r eal and present risk of incidents liable to cause
5
irremediable harm in the form of bodily injury or death” .
14. In the present situation, individuals are agai n at risk of meeting such a fate: Cambodian
nationals who from one day to the next, as has al ready happened, may suffe r the consequences of
Thai attacks and be injured or lose their lives fo r the simple reason that they find themselves on
territory now being claimed by a neighbouring State, even though they have been living there for a
very long time. Thus, the violation of Cambodia’ s sovereign rights and attacks on its territorial
45 integrity may, for the local people, lead to physical injury, even death: in a word, to irreversible
circumstances. This is indisputably a case of a real risk of irreparable prejudice.
4
Military and Paramilitary Activitiein and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Provisional Measures, Order of 10 May 1984, I.C.J. Reports 1984, p. 82, para. 32 and p. 186, para. 39.
5Certain Activities Ca rried Out by Nicaragua in the Border area (Costa Ricav. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, para. 75. - 37 -
In addition to this state of affairs, there is the risk of an extension or aggravation of the
dispute.
IV. The risk of extension or aggravation of the dispute
15. The Court has a long history of ensuring that any dispute brought before it cannot be
extended or aggravated whilst the matter is under cons ideration. As far back as 1939, in the case
concerning the Electricity Company of Sofia and Bulgaria , the Permanent Court considered it a
“principle universally accepted by international tribunals” 6 not to prolong any dispute brought
before that Court.
And since that time, mutatis mutandis, we find a similar formula in a number of Orders,
namely that care must be taken to avoid “any action which might aggravate or extend the dispute
before the Court or make it more difficult to resolve” 7.
16. That circumstance would suffice for the Court to indicate measures, but if the Court were
to consider that it cannot alone be sufficient for the indication of provisional measures in this
case ⎯ although Cambodia believes that it has shown this ⎯ then, added to the previous findings,
it would make the need for the indication of pr ovisional measures particularly pressing, since
Thailand refuses to heed the advice of either regional or international bodies.
17. Today, Thailand finally appears to be respecting the ceasefire negotiated verbally on
28April of this year, a date which coincides w ith the filing of Cambodia’s Application to the
Court — which cannot be simple coincidence. Nevertheless, several facts suggest that the situation
is a delicate one.
(1) First of all, as mentioned, Thailand changed its position from the moment (in fact, the very day)
that, in the face of stalled negotiations, Cambodi a decided to apply to the Court to request
interpretation of the 1962 Judgment. Thus, and as it had begun to do some time before,
46
Thailand somehow shifted the conflict away from the area of the Temple of PreahVihear to
another part of the frontier between the two St ates, some 150km to the west of the Temple,
provoking fierce fighting. But this cannot serve to mask the fact that th e events are certainly
6
Electricity Company of Sofia and Bulgaria, Order of 5 December 1939, P.C.I.J., Series A/B, No. 79, p. 199.
7Certain Activities carrieout by Nicaragua in the Bo rder Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, para. 86. - 38 -
connected, or that the first attacks took place in th e Temple area, which proves that this area is
indeed the focus of Thailand’s essential claims. There is nothing to indicate that the fighting in
the area of the Temple of Preah Vihear will not recommence.
(2)Furthermore, the ceasefire between the m ilitary commanders, which is a purely verbal
agreement, remains fragile, given that, si nce Cambodia’s announcement, two Cambodian
soldiers have regrettably lost their lives in the above-mentioned area, where the recent fighting
was concentrated.
(3) We would add that, since February, the process of establishing ASEAN observers along the
frontier between the two States— as mentione d by the Deputy Prime Minister during the
opening of these pleadings — has run up against unacceptable conditions imposed by Thailand,
in particular that Cambodia evacuate her own territory in the Temple area and, notably and
more specifically, the famous aforementioned Pa goda, and still more specifically, Thailand’s
condition that Cambodian troops withdraw from the Temple itself. This confirms and
compounds the proposition that Thailand is challenging the 1962 Judgment in its entirety, since
it is requesting Cambodia to withdraw from the actual perimeter of the Temple, which would
seem, however, to be an aspect that to date Thailand had not questioned.
(4) Finally, while it is not for Cambodia to co mment on the sensitive political situation currently
obtaining in Thailand, it is, however, appropriate to point out that this situation is blocking any
endorsement by the Thai parliament of the repor ts of three meetings held in 2008 and 2009:
the meetings of the Joint Commission on Demarc ation for the land boundary between the two
States, established on the basis of their mutual agreement in 2000; these reports are currently
blocked, since the Thai parliament is in no position to accept them. Cambodia is thus forced to
note that it is directly affected by this situati on, particularly since it has never been made clear
which authorities on the Thai side are responsible for dealing with the matter. The process is
47
thus blocked, and we know that a blockage al ways creates the potential for a resumption of
hostilities.
As can be seen from these remarks, the s ituation remains sensitive. By indicating
appropriate measures for the Templearea in ques tion— and contrary to Thailand’s suggestion,
Cambodia is not seeking anything more than this — the Court can assist significantly in stabilizing - 39 -
the situation. Such measures would make it po ssible to guarantee that political events at our
neighbour’s will not result in fresh armed incidents, undermining a still precarious ceasefire in the
Temple area.
18. The existing ceasefire which, let us rememb er, is purely a verbal agreement between the
military commanders in the areas concerned, does not in any way prevent this Court from
indicating measures, as is clear from its wealth of jurisprudence on the subject. Furthermore, it was
solely on the basis of the risk of an extension of the dispute that the Court decided to indicate
measures in its Order of 10 January 1986 in the case concerning the Frontier Dispute between
Burkina Faso and Mali, even though the warring parties had concluded a ceasefire after
proceedings were initiated before the Court. In that case, the Court’s Chamber stated the
following:
“While welcoming the fact that the Par ties have been able to reach agreement
on a ceasefire, and have thus brought to an end the armed actions which gave rise to
the requests for the indication of provisiona l measures, [the Chamber] is nonetheless
faced with its duty under Article 41 of the Statute to ascertain for itself what
provisional measures ought to be taken to preserve the respective rights of either
Party.” 8
If Cambodia has sought to recall the terms of that Order, it is because of certain similarities
which exist between that case and the present one. But the Court’s finding in that case is not the
only such decision.
In the Order for the Indication of Provisional Measures of 15March 1996 in the case
concerning the Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria , the Court indicated
provisional measures when, in that instance, Cameroon’s request was motivated by the violation of
48
9
a ceasefire which had given rise to frontier incidents .
This was also the case in the Order of 15 October 2008— which I have already
mentioned— in the case concerning the Application of the International Convention on the
10
Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation) .
8Frontier Dispute (Burkina Faso/Republ ic of Mali), Provisiona l Measures, Order of 10January1986, I.C.J.
Reports 1986, p. 10, para. 25.
9Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures,
Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), pp. 22-23, para. 37-42.
10Application of the International Convention on the Elimination of all Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of 15Octo ber 2008, I.C.J. Reports 2008, p.396,
para. 142-143. - 40 -
19. No two situations are alike, and Cambodia is fully conscious of the fact that each of the
precedents cited here has its own individual aspect s. Nevertheless, there are similarities common
to all of these situations and, over and above any individual aspects, this Court has established a
consistent jurisprudence on the subject. Those j udicious decisions form a trend which, without
ignoring the need for strict protection of the potential rights of the Parties to the case, contributes to
the preservation of international peace and security, which is the foremost objective of all organs of
the United Nations.
20. In conclusion, all that remains is fo r Cambodia to summarize these various points by
recalling the serious prejudice that this State is curre ntly suffering, and the need for it to appeal to
this Court in order to protect its rights whilst the merits of the case are under consideration. Those
rights, as you will have understood, concern Camb odia’s sovereignty and territorial integrity, as
well as the protection of its cultural heritage and its people.
21. Allow me to finish with a famous quotation from the French monk HenriLacordaire, a
priest of the French Dominican order in the ni neteenth century: “Between the strong and the
weak . . . it is liberty that oppresses and the law that sets free.” 11 It was also Lacordaire who said:
“Freedom is only possible in a land where the law prevails over passions.” [Translation by the
12
Registry.]
This means that leaving States to their own de vices is to return purely to a situation where
might is right, and “freedom” — in Lacordaire’s sense — would prolong a fragile, dangerous and
unstable situation from which Thailand, the power in the region, could profit. Therefore, it is truly
49 the “law” — once again in the sense of the quotation —, here the international law applied by this
Court, which will enable Cambodia to “free itself” from this dispute.
Mr. President, Members of the Court, I thank you for your attention.
11
H. Lacordaire, Conférences de Notre-Dame de Paris, Brussels, J.-B. de Mortier, Vol. 3, 1852, p. 174.
1H. Lacordaire, “Lettres à un jeune homme sur la vie chrétienne”, Le correspondant, Vol. 43, 1848, pp. 381-403,
p. 392. - 41 -
Le PRESIDENT : Je remercie M. Jean-Marc So rel pour l’exposé qu’il a présenté au nom du
Cambodge. Voilà qui met fin à l’audience de ce ma tin. Les audiences reprendront à 16 heures, et
la Cour entendra alors la Thaïlande en son prem ier tour d’observations orales. L’audience est
levée.
L’audience est levée à 12 h 10.
___________
Traduction