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GR
CR 2008/27 (traduction)
CR 2008/27 (translation)
Mercredi 10 septembre 2008 à 16 h 30
Wednesday 10 September 2008 at 4.30 p.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit pour
entendre la Fédération de Russie en son second t our d’observations orales sur la demande en
indication de mesures conservatoires présentée par la Géorgie. C’est je pense à M.Zimmermann
qu’il revient de commencer la plaidoirie de la Fédération de Russie. Je vous en prie.
M. ZIMMERMANN : Je vous remercie, Madame le président.
I.A PPLICATION DES ARTICLES 2 ET 5 DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR
L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE
ET QUESTIONS D ’ATTRIBUTION
1. Application des articles 2 et 5 de la conven tion internationale sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination raciale en la présente espèce
1. Madame le président, Messieurs de la C our, permettez-moi de commencer par la question
du champ d’application territorial de la conventi on internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale (CIERD). M.Crawford ne lui a guère consacré de temps, se
contentant d’une référence à l’affaire Ilaşcu. Ayant amorcé une argumentation sur cette question
au premier tour, la Géorgie en revient donc à sa première approche: se contenter de simples
conjectures. Or, nous pensons, quant à nous, que ce point mérite un examen autrement plus
approfondi.
2. Madame le président, lorsque se pose la qu estion de savoir si l’article22 de la CIERD
peut constituer une base de compétence en cas de conflit armé sur le territoire d’un Etat étranger, il
convient tout particulièrement de prendre en consid ération la pratique des Etats amenés à ester en
qualité de demandeurs devant la Cour dans le cad re d’affaires portant sur des allégations de
violences interethniques.
3. Ainsi, ni la Bosnie-Herzégovine ni la Croatie n’ont invoqué l’article 22 de la CIERD dans
le cadre des affaires qu’elles ont chacune introduites à l’encontre de la RFY (cfApplication de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie
et Monténégro) et Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Croatie c. Serbie) ⎯ et il en va de même, mutatis mutandis, en ce qui concerne l’affaire
1
CR 2008/25, p. 20, par. 40 (Crawford). - 3 -
relative aux Activités armées sur le territoire du C ongo (République démocratique du Congo
c. Burundi)) ⎯, et ce, malgré les nombreuses allégations de «nettoyage ethnique» qu’elles avaient
pu avancer concernant leurs territoires respectifs.
4. De même, dans l’affaire du Mur, lorsque vous avez précisé les règles juridiques
applicables aux territoires occupés, vous vous êtes référés au pacte international relatif aux droits
civils et politiques (PIDCP) et à la convention internationale des droits de l’enfant, mais n’avez fait
11 aucune mention de la CIERD ⎯alors même que certains Etats avaient développé, dans leurs
observations écrites, la question de l’interdiction et de l’élimination de la discrimination raciale au
regard du droit international (cf. Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, observations écrites de la Syrie, p. 5, par exemple).
5. L’arrêt que vous avez rendu en 2005 dans l’affaire Congo c. Ouganda est, selon moi, plus
significatif encore. L’Ouganda avait notamment ⎯ et là, je cite votre arrêt ⎯ «incité à des conflits
ethniques et … [n’avait] pris aucune mesure pour prévenir de tels conflits» (Activités armées sur le
territoire du Congo (République démocratique du Congo c.Rwanda), arrêt, C.I.J.Recueil2005 ,
p.240, par.209) en Ituri. Vous avez expr essément indiqué qu’un certain nombre d’instruments
relatifs aux droits de l’homme étaient à la fois applicables et pertinents à l’égard de ces actes (ibid.,
p. 243, par. 217). Le PIDCP était cité parmi ceux qui remplissaient, selon vous, ces deux critères.
Nulle mention en revanche de la CIERD, à laquelle la RDC et l’Ouganda étaient pourtant parties à
tous les moments pertinents.
6. Cet aperçu de votre jurisprudence nous montre que tant les parties à des différends qui,
probablement, pour la Géorgie, relèveraient clairement du champ d’application de la CIERD que la
Cour elle-même n’ont manifestement jamais te nu la convention pour app licable à des conflits
interethniques en territoires étrangers.
7. Madame le président, je ne répéterai pas ici les observa tions que j’ai faites à propos du
libellé des articles2 et5 de la CIERD 2, établissant l’applicabilité territoriale de cet instrument.
J’ajouterai simplement qu’une comparaison avec l’article3 ⎯qui interdit plus spécifiquement
2
Voir CR 2008/23, p. 40-42, par. 6 et suiv. - 4 -
l’apartheid et mentionne bien «les territoires rele vant de [la] juridiction» [des Etats parties] ⎯ en
apporte confirmation.
8. Madame le président, s’il existe une obligation générale ⎯ énoncée à l’article 2 ⎯ et une
pratique spécifique ⎯condamnée à l’article3 ⎯, pourquoi le champ d’application serait-il plus
restrictif dans le cas de cette dernière ? Il ser ait naturel de supposer que les Etats imposeraient des
obligations plus étendues dans le cas de la pratique spécifiquement condamnée ⎯ celle visée à
l’article 3. La thèse de la Géorgie ne permet pas de répondre à cette question.
9. Voilà qui me mène à la question suivante : celle du contrôle effectif.
10. Madame le président, Messieurs de la C our, nous soutenons que le défendeur n’exerce
pas de contrôle effectif sur les territoires de l’Ossétie du Sud, de l’Abkhazie ou de régions
géorgiennes adjacentes. Telle est la conclusion qui se dégage de l’étude de la jurisprudence de la
Cour, que j’ai évoquée lundi dernier, ainsi que de celle des autres cours et tribunaux ⎯ tels que la
Cour de Strasbourg ⎯ qui ont eu à interpréter les critères re latifs au contrôle effectif et à les
appliquer à tels ou tels types de pratiques.
11. Permettez-moi de souligner encore que cette jurisprudence ne concerne pratiquement que
des affaires se rapportant à des traités qui ⎯à la différence de la CIERD ⎯ contenaient une
disposition générale prévoyant, dans une cer taine mesure au moins, une applicabilité
extraterritoriale.
12 12. Madame le président, Messieurs de la Cour , l’unique affaire à laquelle le demandeur ait
fait référence est l’affaire Ilaşcu 3. Rien de surprenant à cela car, même au regard des normes de
Strasbourg, Ilaşcu est une affaire relativement inhabituelle , très difficile à concilier avec certains
4
arrêts rendus dans des affaires ultérieures telles que l’affaire Issa ou avec des décisions comme
celle rendue par la Grande Chambre en l’affaire Banković 5.
3Cour européenne des droits de l’homme, requête n 48787/99 (Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie), arrêt [GC]
du 8 juillet 2004.
4Cour européenne des droits de l’homme, requête n o31821/96 (Issa et autres c.Turquie) , arrêt du
16 novembre 2004.
5Cour européenne des droits de l’homme, requête no52207/99 (Banković et autres c.Belgique et autres Etats) ,
décision [GC] du 12 décembre 2001. - 5 -
13. Mais, quoi qu’il en soit, l’arrêt Ilaşcu ne constitue pas, contra irement à ce qu’affirmait
M. Crawford, une «jurisprudence instructive» 6 pour le demandeur. Et de fait, quatre observations
doivent être formulées à son sujet.
14. Premièrement, cette affaire ne se rapportait pas à une situation de «contrôle effectif». La
Cour de Strasbourg, tout en indiquant qu’elle recourrait à un autre critère, a relevé que la
convention s’appliquerait à des situations dans lesquelles un Etat étranger exercerait non pas
nécessairement un contrôle effectif mais ⎯je la cite ⎯ «tout au moins…[une] influence
décisive» 7 sur une entité séparatiste.
15. Deuxièmement, il ne s’agissait pas, dans cette affaire, de contrôle effectif sur une
étendue de territoire en tant que telle. Il s’agi ssait en réalité d’un cas particulier de juridiction
extraterritoriale, reconnu depuis longtemps dans la jurisprudence des cours et des tribunaux
⎯celui d’un contrôle intensif exercé par un Etat su r des individus capturés en territoire étranger.
L’arrêt Ilaşcu l’expose clairement, précisant que «les requérants ont été arrêtés en juin 1992 avec la
e 8
13 participation des militaires de la 14 armée» , cet élément constituant effectivement un facteur
crucial que la Cour de Strasbourg a pris en considération.
16. Troisièmement, l’affaire Ila şcu met en évidence l’importance des deux facteurs que j’ai
mentionnés lundi dernier : le temps et l’intensité du contrôle exercé. La zone concernée était sous
l’«influence décisive» de l’armée russe depuis plus de dix ans ⎯ un fait que la Cour a souligné à
plusieurs reprises dans son arrêt 9.
17. Quatrièmement, enfin, en ce qui concerne l’intensité, la Cour de Strasbourg a «attribu[é]
une importance particulière» au fait que la Russi e avait officialisé sa coopération militaire avec les
forces séparatistes de la région, notamment en vertu d’un accord concernant «la réalisation en
6 CR 2008/25, p. 20, par. 40 (Crawford).
7 Cour européenne des droits de l’homme, requête n 48787/99 (Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie), arrêt [GC]
du 8 juillet 2004, par. 392.
8 Cour européenne des droits de l’homme, requête n 48787/99 (Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie), arrêt [GC]
du 8 juillet 2004, par. 383.
9 o
Cour européenne des droits de l’homme, requête n 48787/99 (Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie), arrêt [GC]
du 8 juillet 2004, par. 387, 392, 393. - 6 -
10
commun de travaux en vue d’utiliser l’armeme nt, la technique militaire et les munitions»
⎯ accord qui n’a pas son pendant dans l’affaire qui nous occupe ici.
18. Madame le président, nous pensons quant à nous que s’il y a effectivement un
enseignement à tirer de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à la
question du contrôle effectif, c’est probablement dans l’affaire Loizidou qu’il y a lieu de le
rechercher 11. Ce précédent ⎯ également une décision de la Cour de Strasbourg ⎯ fait autorité et a
été fréquemment suivi.
19. Toutefois, si l’on compare les situations sur le terrain, l’on ne peut manquer de constater
qu’il existe des différences considérables en tre une zone sous cont rôle effectif reconnu ⎯ à savoir
le contrôle turc sur le nord de Chypre ⎯ et une zone comme celle dont il est question ici. A des
fins de commodité, nous avons répertorié certa ines des différences les plus frappantes dans un
tableau que vous trouverez sous l’onglet 1 du dossier de plaidoiries.
20. On ne saurait trop insister sur ces différences ⎯de fait, le nombre de soldats turcs au
kilomètre carré dans le nord de Chypre est à peu près 20 fois plus élevé que celui des soldats russes
en Abkhazie. Cette différence, on s’en doute, se traduit par des différences en matière de
concentration des troupes. Des soldats turcs sont stationnés dans tout le nord de Chypre et
patrouillent constamment sur toutes les voies de communication.
21. Enfin, les soldats turcs sont présents dans le nord de Chypre depuis 1974, tandis que les
forces russes ne le sont en A bkhazie et en Ossétie du Sud que depuis quelques semaines, dans un
14 environnement autrement plus instable. Et, alor s que le nombre de soldats russes diminue, celui
des soldats turcs à Chypre ⎯qui, soit dit en passant, n’y accomplissent pas une mission de
maintien de la paix ⎯ est resté globalement le même depuis 1974.
22. Ces chiffres montrent qu’il ne saurait y avoir la moindre comparaison entre l’affaire
Loizidou et celle qui nous occupe ici.
10Cour européenne des droits de l’homme, requête no48787/99 (Ilaşcu et autres c.Moldova et Russie) , arrêt
[GC] du 8 juillet 2004, par. 390.
11Cour européenne des droits de l’homme, requête no15318/89 (Loizidou c.Turquie) , arrêt sur les exceptions
préliminaires du 23 mars 1995, Série A, n 310. - 7 -
23. Madame le président, je passerai maintenant à l’examen de l’une des zones sur lesquelles
la Géorgie a particulièrement insisté, celle s ituée au sud de l’Ossétie du Sud, qui comprend le
district de Gori.
24. A l’audience, hier, l’agent et le con seil du demandeur ont évoqué des violations des
12 13
droits de l’homme dans ce qu’ils ont appelé la ««zone tampon» autoproclamée de la Russie» .
Pour décrire la situation telle qu’elle se présente réellement dans cette zone, je voudrais appeler
votre attention sur la carte projetée à l’écran, que vous trouverez également reproduite sous
l’onglet 2 de vos dossiers de plaidoiries.
25. L’agent de la Fédération de Russie m’a autorisé à faire un certain nombre de mises au
point quant à la situation factuelle, lesquell es sont fondées sur des informations émanant du
ministère de la défense de la Fédération de Russie.
26. Premièrement, les soldats russes sont répartis entre six postes d’observation sur la
frontière méridionale de la zone . Vous repérerez aisément ces postes sur la carte. Ils sont
disséminés sur une zone frontalière longue d’environ 80 kilomètres ⎯ autrement dit, il y a un poste
tous les dix à quinzekilomètres seulement. L es forces en faction dans chacun de ces postes
représentent l’équivalent d’une section. Le nombre total de soldats basés dans la zone s’élève,
aujourd’hui, à 195.
27. Deuxièmement, au cours des derniers jour s, la présence militaire a été considérablement
14
réduite. Lundi, l’agent de la Russi e a cité le chiffre de 272soldats . Depuis lors, ce nombre a
sensiblement diminué, puisque, comme je viens de le dire, il est aujourd’hui tombé à195.
J’ajouterai que la Russie récuse l’affirmation formulée hier par l’agent de la Géorgie selon laquelle
«tandis que nous plaidions devant la Cour, les forces militaires russes ont établi un nouveau poste
de contrôle dans le village de N azadi, à l’ouest de la Géorgie, fais ant passer sous leur contrôle une
15
énième communauté géorgienne» . Ce poste de contrôle avait été mis en place le 16 août et sera
en tout état de cause démantelé dans les jours à venir, aux termes de l’accord récemment conclu
12Voir, notamment, CR 2008/25, p. 40, par. 4 (Burjaliani) et p. 26-27, par. 15 (Akhavan).
13
Voir, notamment, CR 2008/25, p. 38, par. 21 (Reichler).
14CR 2008/23, p. 24, par. 43 (Gevorgian).
15Voir, notamment, CR 2008/25, p. 40, par. 7 (Burjaliani). - 8 -
15 entre les Parties. La tendance, ces derniers jour s, est donc à une nette diminution de la présence
militaire, et non à la mise en place de nouveaux postes de contrôle.
28. Troisièmement, si 195soldats russes cont rôlent effectivement les 80kilomètres de
frontière, aucune force russe n’est stationnée à l’intérieur de la zone elle–même. Je le répète, il n’y
a pas de soldats dans cette zone. Il est donc pour le moins fallacieux de présenter cette zone
comme une zone sous contrôle.
29. Quatrièmement, les forces russes ont reçu l’ instruction de ne pas entraver l’entrée dans
cette zone des forces de police géorgiennes. De fait, d’après les informations les plus à jour que
nous ayons recueillies auprès des forces stationnées su r le terrain, la police géorgienne a pénétré
dans la zone, transportant des armes et établissant ses propres postes de contrôle à l’intérieur de
celle-ci16.
30. Madame le président, voilà ce qu’il en est de l’ampleur réelle du contrôle exercé par la
Russie dans la zone dite «tampon». Il est faux de la qualifier de zone sous contrôle: 195soldats
russes patrouillent sur sa frontière externe. Mais ce sont 195soldats répartis sur 80kilomètres
⎯un nombre si dérisoire qu’ils ne sauraient en aucun cas exercer un contrôle effectif sur la
frontière ni, à plus forte raison, sur la zone elle-même.
31. Madame le président, des observations très semblables peuvent être faites à propos de la
région d’Akhalgori, en Ossétie du Sud, à laquelle le demandeur a consacré hier beaucoup de temps.
Les informations dont la Russie est en possession sont les suivantes ⎯et, une fois de plus, vous
pourrez suivre sur la carte :
⎯ il y a deux postes d’observation dans la partie de la frontière méridionale de la zone qui
traverse le district d’Akhalgori ;
⎯ le nombre total de soldats russes qui y sont stationnés est d’une centaine ;
⎯ il n’y a aucun soldat russe dans le district d’Akhalgori en dehors de ces deux postes ;
⎯ la police géorgienne a établi plusieurs postes de contrôle sur la frontière entre le district
d’Akhalgori et le territoire géorgien adjacent.
16
Des postes de contrôle gé orgiens ont été mis en place, notamment, à: Citalubany; Alakhubany (près de
Didi-Giromi) ; Kvenakotsa ; Zadiantcarkari. - 9 -
32. Enfin, je préciserai, pour conclure sur ce point, que cinq postes d’observation situés entre
Poti et Senaki, près de la frontière entre la Géorgie et l’Abkhazie, sont en train d’être démantelés en
ce moment même.
33. J’en viens maintenant aux questions d’attribution.
16 Attribution
34. Madame le président, aux termes de l’instru ction de procédure XI, les parties, dans leurs
exposés oraux sur les demandes en indication de me sures conservatoires, ne devraient pas aborder
le fond de l’affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins des questions touchant aux
conditions à remplir en vue de l’ indication de mesures conservatoires. Le conseil de la Géorgie a
affirmé que cette ligne avait ici été franchie étant donné que ⎯ et je le cite ⎯ «[l]a seule question à
ce stade consiste à savoir s’il existe des faits allégués crédibles» 17, aucun examen de questions
d’attribution ou de violation n’ayant donc lieu d’être.
35. Si vous me le permettez, je ferai à cet égard deux brèves observations.
36. Premièrement, la Géorgie n’a pas elle-même manqué d’avancer des allégations qui
soulèvent clairement des questions d’attribution: ainsi, pour ne citer que deux exemples, a–t–elle
affirmé que la Russie était responsable des actes des milices opérant sur les territoires concernés ou
pouvait être tenue pour responsable d’actes commis par des personnes autrefois employées par
18
l’Etat défendeur . Or, par ailleurs, la Géorgie soutient que les questions d’attribution dépassent le
cadre de la présente procédure 19. Mais la Géorgie ne peut ainsi jouer sur les deux tableaux.
D37u.xièmement ⎯et c’est là le point le plus important ⎯, permettez–moi de vous
rappeler l’ordonnance en indication de mesures conservatoires que vous avez rendue dans l’affaire
du Grand-Belt (C.I.J. Recueil 1991, p. 17, par. 22) : ayant examiné cette même question, vous avez
confirmé que l’indication de mesures conser vatoires «a[vait] pour objet de sauvegarder
les…droits en litige dans une procédure judiciaire» ( Personnel diplomatique et consulaire des
Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c.Iran), C.I.J.Recueil1979 , p.19, par.36, voir
aussi Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), C.I.J.Recueil1986 , p. 8, par. 13).
17CR 2008/25, p. 11, par. 6 (Crawford).
18
CR 2008/22, p. 43-44, par. 20 (Akhavan).
19CR 2008/25, p. 11, par. 4 et suiv. (Crawford). - 10 -
Cela implique, pour reprendre les term es du juge Shahabudeen, que la Cour ⎯ et les parties
appelées à ester devant elle l’ont du reste confirmé (voir, notamment, C.I.J. Mémoires, plaidoiries
et documents, Essais nucléaires , vol.1, p.189 (exposé de M.Ellicott, Solicitor-General, Q.C.);
C.I.J.Mémoires, plaidoiries et documents, Plateau continental de la mer Egée , p.89, 97 et115
(exposé de D.P.O’Connell) ⎯ n’est pas liée par la seule affirmation de certains droits ( Passage
par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991,
C.I.J. Recueil 1991, opinion individuelle du juge Shahabudeen, p.28). Le juge Shahabudeen
ajoutait à bon droit que, même aux fins de l’indication de mesures conservatoires,
17 «la Cour d[evait] se soucier d’obtenir confirmation effective de la possibilité de
l’existence des droits revendiqués…la mesu re dans laquelle cette preuve doit être
faite dépend[ant] de la nature et des circonstances de chaque espèce» ( Passage par le
Grand-Belt (Finlande cD . anemark), me sures conservatoires, ordonnance du
29 juillet 1991, opinion individuelle du juge Shahabudeen, p. 28) . 20
38. La Géorgie ne peut donc se contenter d’affirmer que certaines violations ont été
commises ou qu’elles sont attribuables au défendeur, d’autant plus que la Cour a récemment
confirmé sa propre approche restrictive de la question de l’attribution (Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, par. 396 et suiv.).
39. Quant au fond, je me pencherai tout d’abord sur l’un des exemples avancés par la
Géorgie à l’appui de la thèse suivant laquelle certa ins actes seraient le fait d’organes de la
21
Fédération de Russie, et notamment de certains de ses officiers . Un témoin a affirmé que son
«interrogatoire [avait] été effectué presque entièrement par des officiers russes» puisque, bien qu’il
ne se souvînt pas s’ils avaient des étoiles sur leur s uniformes, il avait pu «lire «Russie» sur leurs
badges».
40. Or, il convient de noter que l’armée russe, y compris les formations déployées en Ossétie
du Sud, n’utilisent plus, depuis2003, de badges portant la mention «Russie», ou «Fédération de
Russie».
20
Sur la même question, voir RosenneThe Law and Practice of the International Court 1920-2005 , vol.III,
p. 1410.
21
CR 2008/25, p. 28, par. 20 (Akhavan). - 11 -
41. Cela me mène au point suivant : l’allégation selon laquelle «certains hauts responsables
de l’armée et des services de ren seignements des deux gouvernements de facto (séparatistes)
[seraient] en réalité de hauts responsables de la Fédération de Russie» 22.
42. Reportons-nous d’abord à l’onglet 22 du dossi er de plaidoiries de la Géorgie : le premier
des hauts responsables ainsi mis en cause, le prem ier ministre de l’Ossétie du Sud, y lit-on, a été
⎯avant de venir en Ossétie du Sud ⎯ directeur d’une compagnie d’électricité russe. L’on se
demande sincèrement en quoi cette fonction, qu’en tout état de cause il n’exerçait plus lorsqu’il est
devenu membre du Gouvernement sud-ossète, pourrait avoir la moindre pertinence aux fins de la
question de l’attribution.
43. Par ailleurs, je puis confirmer, grâce a ux informations reçues du ministère russe de la
défense, que M. Anatoly Zaitsev, chef d’état-major de l’Abkhazie, a été rayé des cadres des forces
armées russes voici un certain temps.
18 44. Il en va de même, mutatis mutandis, en ce qui concerne M. Anatoly Barankevich ⎯ lui
non plus n’est plus membre des forces armées russes.
45. Enfin, s’agissant de M. Atoev, la Géorgie elle-même se contente de dire qu’il a, par le
passé, occupé des fonctions au sein de l’appareil d’Etat russe.
46. Ces personnes n’étaient donc plus, pour re prendre le critère que vous avez employé dans
l’affaire du Génocide en Bosnie, «au regard du droit intern e du défendeur, des officiers de l’armée
du défendeur» ( Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) , arrêt du 26février2007, par.388) et ne
peuvent donc être considérées comme ses organes de jure. Mais quand bien même elles seraient
encore au service de la Russie ⎯ce qui n’est pas le cas ⎯, la Cour n’en serait pas pour autant
fondée, à ce seul titre, à les considérer comme des organes du défendeur ou comme relevant de son
contrôle direct. Cela est d’autant plus vrai que ⎯pour reprendre, une fois de plus, le critère que
vous avez appliqué dans l’affaire du Génocide ⎯ ces personnes sont les représentantes des
autorités sud-ossètes et exercent leur autorité au nom de l’Ossétie du Sud, et non de l’Etat
22
CR 2008/25, p. 22, par. 1 (Akhavan). - 12 -
défendeur (cf. Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, par. 388).
47. Madame le président, Messieurs de la Cour. Je vous remercie de votre aimable attention
et je vous prierai de bien vouloir donner la parole à mon collègue, Sam Wordsworth.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Zimmermann. Je donne maintenant la parole
à M. Wordsworth.
M. WORDSWORTH :
II. IL N’EST PAS SATISFAIT AUX CRITÈRES NÉCESSAIRES À L INDICATION DE MESURES
CONSERVATOIRES
1. Madame le président, Messieurs de la Cour, la thèse que la Géorgie vous a exposée à
l’ouverture des audiences, et de nouveau hier par la voix de M. Reichler, c onsiste à soutenir qu’il
existe un «risque [de] préjudice irréparable [pour les] Géorgiens de souc he demeurés dans le
district d’Akhalgori en Ossétie du Sud, le district de Gali en Abkhazie et la partie du district de
Gori que les forces militaires russes occupent toujours à titre de «zone tampon»».
19 2. Il a été dit que les Parties n’étaient pas divisées sur les critères à appliquer. Eh bien nous
ne sommes pas d’accord; en effet, selon nous: premièrement, le risque doit être sérieux, ce qui
correspond au critère appliqué, par exemple, dans l’affaire Cameroun c.Nigéria (Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I) , p. 21-23, par. 35-42) ou dans
l’affaire Congo c. Ouganda (Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique
du Congo O c.uganda), mesures conservatoires, ordonnance du 1 erjuillet 2000,
C.I.J. Recueil 2000, par.43); et, deuxièmement, le préjudice irréparable doit évidemment se
rapporter à des droits revendiqués et opposables à la Russie en vertu des articles2 et 5 de la
CIEDR. En ce qui concerne la prétendue occupation russe, vous venez déjà d’entendre
M. Zimmermann.
3. Avant d’en venir aux faits tels qu’ils pe uvent être établis avec une certitude raisonnable
s’agissant des Géorgiens de souche des trois secteurs identifiés, je tiens à revenir sur la toile de
fond que la Géorgie vous a dépeinte hier, et qui s’articule autour de trois éléments centraux: - 13 -
⎯ premièrement, la présente affaire aurait trait à des actes de nettoyage ethnique qui sont
postérieurs à la période du conflit armé et qui peuvent pour l’essentiel en être dissociés ;
⎯ deuxièmement, ces actes se poursuivraient, et la situ ation deviendrait plus précaire de jour en
jour — encore qu’il convienne de noter que cette allégation s’appuie sur un document daté du
23
13 août ;
⎯ troisièmement, la Russie participerait activement aux actes incriminés ou en serait complice.
4. Pour ce qui est du premier point, il a été fait grand cas des cartes fournies sous l’onglet 21
du dossier de plaidoiries de la Géorgie. L’agent de la Russie, M. Kolodkin, reviendra plus tard sur
ce qui s’est réellement produit dans les zones de conflit. Je ne retiendrai l’a ttention de la Cour que
sur un seul élément de preuve, qui figure au paragraphe57 du rapport du 8septembre de
M. Hammarberg, versé au dossier de plaidoiries de la Géorgie sous l’onglet 28. Je cite :
«Un grand nombre des déplacés rencontrés par le commissaire venaient des
villages géorgiens situés au nord de Tskhinva li. Certains lui ont déclaré que les
acteurs locaux avaient organisé l’évacuation dès les 4 et 5 août2008 [le conflit ayant
débuté le 7, comme chacun sait]. Certain es personnes âgées avaient choisi de rester
car elles ne voulaient pas quitter leur domicile. Les bus ou cars d’évacuation s’étaient
rendus soit à Gori, soit à Tbilissi. Ceux qui étaient restés ont été contraints de se
cacher jusqu’au 11-13 août 2008, avant de pouvoir tenter de s’enfuir.» (Les italiques
sont de nous.) [Traduction du Greffe.]
20 5. Ainsi, quelques évacuations ont manifest ement eu lieu avant le début même du conflit,
puisque certains savaient de toute évidence que l’in tervention géorgienne était imminente. Dès le
début du conflit, l’exode a été massif, comme il fallait s’y attendre.
6. J’en viens au deuxième point, c’est-à-dire à la situation actuelle. Qu’indiquent les
éléments de preuve ?
7. La Géorgie a en quelque sorte prétendu vous tenir au fait de l’actualité. Et nous en avons
beaucoup entendu à ce sujet hier. Or, en fait de doc umentation récente, elle n’a versé à son dossier
de plaidoiries qu’un seul bulletin du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),
en date du 2septembre, et le rapport Hammarberg: certes, ce sont là deux suppléments précieux,
mais ce sont aussi les seuls — abstraction faite d’une brève déclaration et d’un article de Fox News
23
M.Reichler s’est référé au bulletin du 13août de Human Rights Watch, qui figure à l’annexe5 des
observations de la Géorgie. - 14 -
concernant le refus d’accès à la zone tampon qu i a été opposé au vice-ministre des affaires
étrangères de la Lituanie et aux ambassadeurs de Suède, de Lettonie et d’Estonie.
8. Sous les onglets4 à 9 de notre dossier de plaidoiries, nous avons inclus une série de six
bulletins d’USAID allant du 25août au 5septembre, pour que la Cour puisse retracer par
elle-même le fil des événements des dernières se maines, notamment en ce qui concerne le retour
des réfugiés. MmeBurjaliani, agent de la Géorgie et vice-ministre, a déclaré hier que seulement
quelque 30 000 déplacés de la ville de Gori, et non du district du même nom, avaient commencé à
regagner les zones repassées sous le contrôle du Gouvernement géorgien. Eh bien, les chiffres
d’USAID, qui viennent du Bureau de la coordination des affaires humanitaires et du HCR, révèlent
le tableau suivant :
a) Au 25août, un total de 128703nouveaux dé placés était recensé en Géorgie. En fait,
M. Hammarberg ramène ce chiffre à 121 000 24, soit bien en-deçà des 158 000 dont la Géorgie a
25
fait état à l’ouverture des audiences .
b) Pour les 26 et 27 août, on constate 10 000 retour s à Gori de personnes déplacées dans d’autres
parties de la Géorgie. Ces bulletins m ontrent une hausse du nombre total de nouveaux
déplacés, mais il est précisé dans une note que les estimations ont chuté depuis.
c) Au 3septembre, le nombre des retours de certaines parties de la Géorgie a sensiblement
augmenté pour atteindre 53 557.
21 d) Au 5 septembre — et ce chiffre émane là encore d’une agence de l’Organisation des
NationsUnies, le HCR cette fois-ci—le nom bre des retours dans certaines parties de la
Géorgie est chiffré à 90 500, ce qui représente le triple du chiffre qui vous a été donné hier.
9. Je m’arrêterai également, puisqu’il a été fait si grand cas de la question hier, sur un
passage du bulletin d’USAID du 5 septembre concerna nt l’accès à la zone de sécurité d’Ossétie du
Sud. Je cite :
«Depuis le début de la crise, les organismes internationaux à vocation
humanitaire et les donateurs ont soutenu les opérations de secours en Ossétie du Sud
par l’intermédiaire du CICR; toutefois, l’accès demeure limité pour les autres
organisations, en particulier pour les groupes qui tentent d’entrer dans la région depuis
la Géorgie et non depuis la Russie. D’après des organismes de secours et des
24
Au par. 53 de son rapport.
25
CR 2008/22, p. 39, par. 2. - 15 -
membres de l’équipe d’USAID, l’accès aux villages situés dans les zones tampons
reste variable.» [Traduction du Greffe.]
Mais M. Hammarberg a naturellement, lui, eu aussi accès aux zones dans lesquelles il souhaitait se
rendre.
10. Toujours dans le même registre, nous avons inclus sous les onglets10 et11
deuxbulletins tirés du site ReliefWeb, qui datent du 3 et du 4septembre. Le second expose
comment l’organisation Mercy Corps parvient à se rendre dans la zone tampon, et comment elle a
«développé avec les postes de contrôle russes une relation qui lui permet d’avoir accès à ces
secteurs et de s’y déplacer» [traduction du Greffe].
11. Sous les onglets12 à 17 de notre dossier de plaidoiries, nous avons aussi produit les
bulletins du HCR allant des 28 et 29août jusqu’ au 9septembre. Vous n’aurez pas oublié que,
lundi dernier, vous avez entendu le chiffre d’e nviron 10 000 nouveaux déplacés pour les dix jours
26
écoulés jusqu’au 5 septembre . Eh bien, nous n’en avons trouvé aucune trace dans les estimations
d’USAID, pas plus que dans ces bulletins du HCR :
a) celui du 28 août renvoie au fait qu’a été enre gistré plus tôt parmi les déplacés «un petit nombre
de personnes ayant fui de villages situés dans la zone dite tampon, au nord de Gori, au cours des
trois derniers jours à cause des conditions régnant sur place en matière de sécurité». Il est
toutefois précisé dans la suite du bulletin : «Aujourd’hui, contrairement aux deux jours
précédents, aucune nouvelle arrivée des villages de la «zone tampon» n’a été recensée à Gori»,
pour conclure : «la situation demeure calme en termes de sécurité» [traduction du Greffe].
b) Celui du 29 août indique que le camp de tentes de Gori a accueilli dix, et non pas 10 000 — je
dis bien dix — nouvelles personnes déplacées du village de Be loti, situé à la limite du territoire
sud-ossète. Ce bulletin contient aussi un passage sur Akhalgori — qui fait partie des trois zones
clés désignées par la Géorgie, bien entendu. Voici ce qu’indique ce passage :
22 «L’équipe d’évaluation du HCR a rencont ré le commandant local chargé de la
sécurité dans la région, selon lequel 40% de la population, Géor giens de souche et
Ossètes confondus, avait fui le secteur. D’autres interlocuteurs parmi la population
locale ont estimé le taux de déplacement à hauteur de 80%. Le commandant a noté
qu’une assistance humanitaire avait dans une certaine mesure été fournie par
l’EMERCOM [le ministère russe chargé des situations d’urgence], mais a déclaré
partager les craintes du HCR face au fait que la plupart des membres de l’équipe
médicale de la clinique locale avaient également pris la fuite.
26
CR 2008/22, p. 18, par. 10. - 16 -
Certains reviennent dans le secteur, d’après le commandant, qui a invité au
retour l’ensemble des anciens habitants déplacés. Les civils, y compris voyageant par
autobus, étaient autorisés à passer les postes de contrôle pendant cette période
d’observation. Quelques retours ont pu être constatés par l’équipe.» (Les italiques
sont de nous.) [Traduction du Greffe.]
c) Dans le bulletin du 9 septembre, un passage relatif à la zone tampon d’Ossétie du Sud indique :
«Les premières évaluations menées rapidement au niveau des villages, au sein des secteurs est
et nord-est de la zone tampon, révèlent que la plupart des personnes déplacées de cette zone
sont déjà revenues.» [Traduction du Greffe.]
d) Je note également qu’il a été fait état d’un nombre important de nouvelles arrivées dans le camp
de réfugiés de Gori, mais les intéressés vena ient de Tbilissi, non d’ailleurs. Voilà donc un
tableau plus complet de la situation actuelle, et celui-ci n’étaye pas les allégations de la
Géorgie.
12. Pour achever ce tour de la question, j’ajouterai que, à notre connaissance,
AmnestyInternational n’a publié aucun nouveau bulletin sur le sujet depuis le 22août, ce qui
constitue en soi un fait intéressant, mais qu’il en existe trois autres de HumanRightsWatch—et
ceux-ci figurent sous les onglets 19 à 21 du dossier de plaidoiries.
a) Prenons tout d’abord celui du 29 août, intitulé «Ossétie du Sud : apocalypse à Tskhinvali», dont
le résumé suivant figure sur le site Internet de Human Rights Watch :
«Les combats terminés, Tanya Lokshina fait du stop entre les postes de contrôle
situés autour de Tskhinvali, la capitale ravagée de l’Ossétie du Sud, relatant
lamentations et enterrements, mises à sac et pillages, bombes intactes, milices
désabusées et soldats russes luttant pour pr otéger les vestiges de villages géorgiens
abandonnés.» [Traduction du Greffe.]
Source invoquée par la Géorgie, Tanya Lokshina est citée dans le rapport de Human Rights Watch
soumis par le demandeur à l’annexe 5 de ses observations. Le texte décrit la rencontre suivante :
«Nous montons à bord d’une jeep avec deux miliciens ossètes, qui promettent
de nous conduire à bon port. Mais après cinq minutes, au poste de contrôle le plus
proche, des soldats fédéraux [des soldats fédéraux russes] refusent de nous laisser
passer. Enfin, pas nous, mais notre escorte. Ce poste de contrôle est établi
précisément pour empêcher les miliciens o ssètes d’entrer dans les villages géorgiens
situés sur la route de Tskhinvali. L’officier qui en assure le commandement, un
lieutenant-colonel russe, hausse les épaules de manière flegmatique : «Nous essayons
d’arrêter les pilleurs».» [Traduction du Greffe.]
b) es deux autres bulletins de Human Rights Watc— datés du 1 eret du
er
2 septembre ⎯ concernent l’utilisation des muniti ons en grappes. Le bulletin du 1 septembre - 17 -
23 traite du fait que la Géorgie a reconnu avoir eff ectivement utilisé de telles munitions lors du
conflit armé. Le bulletin du 2 septembre corrige celui qui figure à l’annexe 3 des observations
de la Géorgie, indiquant qu’il ne peut en fait être établi que la Russie a utilisé des bombes en
grappes à Shindisi et à Pkhvenisi.
13. Rien, je dis bien rien de tout cela n’a été signalé à la Cour hier.
14. J’en viens à présent à un autre fait récent dont l’importance est si évidente par rapport
aux événements sur le terrain et à la question de l’urgence que nous ne pouvons pas ne pas relever
que la Géorgie n’en a fait aucune mention hier. Il s’agit bien entendu ⎯comme il en a été
largement fait état ⎯ des grandes lignes d’un plan de cessez-le-feu actualisé qui ont été annoncées
lundi à l’issue des entretiens entre les présidents Medvedev et Sarkozy à Moscou. Elles se
présentent comme suit (pour gagner du temps, je va is citer le communiqué de l’Associated Press
qui figure, avec le texte intégral du plan, sous l’onglet 18 du dossier de plaidoiries) :
«Observateurs de l’Union européenne : 200 observateurs de l’Union européenne
seront déployés dans les zones adjacentes à l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie d’ici le
er
1 octobre 2008.
Retrait russe : les forces de paix russes se retireront de leurs postes à l’extérieur
du port de Poti sur la mer Noire et de la région de Senaki dans un délai de sept jours, à
condition que la Géorgie signe un engagement de non-recours à la force contre la
province sécessionniste d’Abkhazie. Le retrait complet des forces de paix russes hors
des régions adjacentes à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie se déroulera dans les dix
jours suivant le déploiement des observateurs de l’Union européenne.
Retrait géorgien: les forces armées géorgiennes devront avoir regagné leurs
lieux de cantonnement d’ici le 1 octobre 2008.
Discussions internationales: les disc ussions internationales débuteront le
15octobre à Genève; elles porteront sur la sécurité et la stabilité dans le sud du
Caucase et sur la question du retour des réfugiés.»
15. Madame le président, ce document appelle de ma part quatre remarques.
Premièrement, si la Géorgie ne considère pas le déplacement et la tragédie des réfugiés
comme un aspect du conflit armé, d’autres ne voient manifestement pas les choses ainsi.
Deuxièmement, la question de l’observation et de la sécurité dans la zone tampon sud-ossète
est traitée en ce moment même. Il ne s’agit pas simplement du retour effectif des personnes
déplacées, contrairement à ce qui a été dit hier ; les démarches actives de la Russie devant l’OSCE,
que j’ai présentées lundi, et celles qu’elle effectue à présent auprès de l’Union européenne et du - 18 -
président Sarkozy, visent précisément à régler le problème qui vous a été soumis et que l’on vous
présente comme justifiant l’indication de mesures conservatoires. Je demande aussi à la Cour de
24 noter que ce n’est pas simplement la zone de sécurité sud-ossète qui, aux termes de ce plan, doit
accueillir des observateurs de l’UE, mais aussi la zone tampon abkhaze, qui jouxte le district de
Gali. Aux termes du plan, les observateurs de l’ ONU et de l’OSCE conti nueront d’exercer leur
mandat.
Troisièmement, d’autres aspects relatifs à la sécurité et à la stabilité seront examinés lors des
discussions internationales, dont l’ouverture est imminente et qui se tiendront manifestement à un
niveau très élevé.
Enfin, le retour des réfugiés devra aussi être évoqué lors des discussions internationales ⎯ je
continue à citer le texte du plan ⎯ qui porteront «sur la question des réfugiés et déplacés sur la
base des principes reconnus au niveau international et de la pratique de règlement après conflit».
Tous ces documents, déclarations et faits démentent la thèse de la Géorgie selon laquelle il y
aurait une crise constante qui irait en s’aggravant. Il y a une crise humanitaire, certes, mais elle fait
partie du conflit armé récent et c’est, dans ce contexte, et au plus haut niveau, que l’on s’emploie à
y remédier.
16. Je passe à présent au troisième point d’ordre général que je tiens à vous exposer, celui de
la participation ou complicité alléguée de la Russie dans les prétendus actes de nettoyage ethnique.
Nous avons essuyé les critiques de M. Akhavan hi er pour «n’a[voir] produit aucun élément venant
réfuter les preuves pléthoriques apportées par la Géorgie établissant au contraire qu[e les forces
russes] y [avaient] bien pris part», et il a été dit que l’article paru dans The Guardian, intitulé
«Russia’s cruel intention» [«L’intention cruelle de la Russie»], était «corrobor[é par] de
nombreuses autres sources également reproduites dans [l]es observations [de la Géorgie]».
Lesquelles ? Le bulletin d’Amnesty International du 22 août ? Non plus. Les bulletins de Human
Rights Watch ? Non, bien au contraire, et c’est ce qui ressort clairement du rapport du 29 août que
j’ai évoqué plus tôt. Le rapport Hammarberg ? Non plus. Elle n’est pas davantage corroborée par
les bulletins d’USAID, du HCR ou de ReliefWeb qu e nous avons versés au dossier aujourd’hui.
Cette accusation ne tient pas du tout; il s’agit là d’une accusation si grave qu’il est tout à fait - 19 -
étonnant qu’elle ne s’appuie que sur un petit nombr e d’articles de presse et déclarations de témoins
dont les incohérences respectives ne résistent pas à une lecture attentive.
17. J’ajouterai simplement un mot ou deux sur l es deux articles de presse faisant état de la
position de Bernard Kouchner au 27 août, qui figuren t aux annexes 16 et 17 des observations de la
Géorgie. Il y déclare: «Je veux juste dire, ça, c’est la carte de l’Ossétie. Ici, il y a une ville qui
s’appelle Akhalgori. On dit que cette nu it les troupes russes vont pousser devant eux les
populations géorgiennes vers la Géorgie. C’est du nettoyage ethnique…» Que penser de cela?
On a dit quelque chose à Bernard Kouchner. Ce quelque chose ne s’est évidemment pas produit,
ou bien, si cela s’est produit, cela a échappé à l’attention de Human Rights Watch, du HCR,
25
d’USAID, d’Amnesty, du reste des médias du monde entier, etc. On demande à la Cour de
considérer les articles de presse de la Géorgie comme probants aux fins de l’application de la
jurisprudence établie dans le cadre de l’affaire Nicaragua. Je ne pense pas que cela soit possible.
18. Madame le président, vous vous souvie ndrez que, selon le bulletin de Human Rights
Watch qui figure à l’annexe 5 des «observations» de la Géorgie, la Russie préconise de prendre des
mesures énergiques à l’encontre des pillards. Un certain nombre de chiffres nous ont été
communiqués il y a quelques heures par le bureau du bureau du procureur militaire principal russe.
Ils figurent sous l’onglet22 du dossier de plaidoiries. Les chiffres indiquent que les patrouilles
militaires russes ont arrêté 140 pillards qu’elles ont remis aux autorités sud-ossètes. Celles-ci ont,
quant à elles, arrêté 245 pillards.
19. Cette lettre indique aussi que jusqu’à 70 % ⎯ jusqu’à 70 % ⎯ des habitants des villages
de Karaleti et Variani, directement visibles depuis les postes d’observation russes, sont revenus.
20. Madame le président, avant d’analyser pl us en détail le risque grave auquel seraient
exposés les droits allégués en ce qui c oncerne les trois secteurs considérés ⎯c’est-à-dire la zone
tampon sud-ossète, le district de Gali et celui d’Akhalgori ⎯, j’aimerais revenir sur deux points
que je tiens à réfuter.
P2r1.oinrt ⎯M.Crawford a complètement déformé les déclarations de M.Kokoïty
sur le droit au retour ; il a en outre été insinué que derrière un changement de position se dessinait
l’ombre omniprésente de la Russie. L’accent a été particulièrement mis sur ce que M.Kokoïty a
déclaré au Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés le 22 août. Voulant être certain - 20 -
que la Cour prenne acte des propos du haut commissaire, je vous ai apporté le document que
M. Crawford a passé sous silence hier. Il y est indiqué qu’il avait été «rassuré par [l’]engagement
[de M. Kokoïty] d’empêcher de nouveaux déplacements par le biais des garanties de sécurité pour
tous les membres de la population, indépendamment de leur appartenance ethnique» 27.
Le PRESIDENT : Pourriez-vous, s’il vous plaît, parler un peu plus lentement,
Monsieur Wordsworth ?
M. WORDSWORTH : Je vous prie de m’excuser, Madame le président.
La Géorgie pense, à n’en pas douter, que le haut commissaire a été dupe, parce que quelque
26
10000 réfugiés supplémentaires ont fui l’Ossétie du Sud par la suite. Mais, comme je l’ai déjà
indiqué, nous ne pouvons trouver aucun élément venant étayer ce chiffre de 10 000 réfugiés.
22. Deuxième point ⎯les 89 détenus. On a prétendu que j’avais dit à la Cour lundi, en
citant une source sud-ossète, que «les autorités détenaient 89 civils géorgiens sous bonne garde, ces
derniers risquant de se faire lyncher». On a dit que je voulais amener la Cour à croire que les civils
géorgiens étaient à l’abri de tout préjudice. Je m’étais en fait référé à l’annexe 19 des observations
de la Géorgie, un article de la BBC, et j’ai repris mot pour mot les termes employés par un
porte-parole de la Croix-Rouge sur place, et non par un représentant des autorités sud-ossètes. Le
passage pertinent se lit comme suit :
«Dans le même temps, un porte-parole de la Croix-Rouge présent dans la
capitale d’Ossétie du Sud, Tskhinvali, a déclaré que, sur place, les autorités détenaient
89 civils géorgiens sous bonne garde, ces dern iers risquant de se faire lyncher après la
première attaque géorgienne de la ville au début du mois.»
23. Quant à la manière dont ces 89 détenus ont été traités, nous avons un récit peu plausible
selon lequel ils auraient été interrogés par des officiers russes, une photo qui ne montre absolument
rien des conditions de détention, si ce n’est que certains détenus se trouvaient à un moment donné à
l’extérieur, et nous savons que le CICR a effectivem ent rendu visite aux 89 détenus qui ont par la
suite été libérés (annexe 11 des observations de la Géor
gie).
24. J’en viens à la question qui est en jeu ⎯d’une part, le risque grave, opposable à la
Russie, qui pèserait sur les droits garantis par les articles2 et5 de la CIEDR, et, d’autre part,
27
Http://unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/print ?tbl=NEWS&id=48b00665c4. - 21 -
l’urgence ⎯ en ce qui concerne la partie du district de Gori qui se trouve dans la zone tampon
sud-ossète, le district sud-ossète d’Akhalgori et le district abkhaze de Gali. Les trois zones
considérées.
25. D’abord, la zone tampon sud-ossète. Deux mises au point s’imposent :
a) La situation ne vous est pas présentée comme e lle devrait l’être. On dit que les personnes
déplacées ne retournent pas dans la zone tampon, alors que c’est le cas. La Cour en a eu
connaissance par le bulletin du HCR du 9septemb re, et par la lettre du bureau du procureur
militaire principal que je viens de mentionner. La Géorgie devrait le savoir, puisqu’il s’agit des
personnes déplacées sur son territoire et pour lesquelles elle revendique des droits. Son chiffre
total de 30 000 retours de personnes déplacées est erroné ⎯ le vrai chiffre, selon les estimations
du HCR est de 90 000 ⎯, et celui qu’elle avance au sujet des retours dans la zone tampon l’est
aussi.
27 b) La Géorgie a décidé de ne pas tenir compte de l’ évolution de la situation en matière de sécurité
dans la zone tampon. Elle n’a pas pris en considération les propositions que la Russie lui a
soumises par l’entremise du conseil permanent de l’OSCE concernant la présence
d’observateurs militaires de l’OSCE et la mise en Œuvre d’une opération de police civile sous
les auspices de l’OSCE et de l’Union européenne dans la zone tampon. Elle a simplement
ignoré le principe, annoncé lundi, du déploiement de 200observateurs de l’Union européenne
dans les zones tampon sud-ossète et abkhaze et du retrait complet, dix jours plus tard, des forces
de maintien de la paix russes. Nous avons ente ndu dire à plusieurs reprises hier que c’était la
Russie qui posait problème dans la zone tam pon et que, dès qu’elle l’aurait quittée, les
personnes déplacées y reviendraient. C’est là, à notre avis, une interprétation totalement
erronée de la situation réelle, mais le plan a nnoncé lundi donne à la Géorgie ce qu’elle veut à
cet égard.
26. Ensuite, le district d’Akhalgori, en Ossétie du Sud.
a) La difficulté pour la Géorgie en l’occurrence, c’est qu’elle n’a aucune preuve que les Géorgiens
de souche y sont menacés. Elle s’appuie sur l’article paru dans le Guardian qui, alors que l’on
ne s’y serait pas attendu, et surtout pas moi, a fini par occuper une place centrale parmi les
prétendues preuves pléthoriques qui ont été présen tée à la Cour. Ce document, contrairement à - 22 -
l’article rapportant les propos de Bernard Kouc hner, n’a pas été inclus dans le dossier de
plaidoiries de la Géorgie. C’est peut-être parce que les déclarations faites dans cet article
affaiblissent la thèse de la Géorgie au sujet d’Akhalgori. Selon la Géorgie, il y a, à Akhalgori,
9000Géorgiens qui ont besoin d’être protégés. L’auteur de l’article du Guardian dit que près
de la totalité des Géorgiens de souche ont déjà fui Akhalgori (observations de la Géorgie,
annexe 13).
b) Cela dit, des informations fiables sur la situ ation à Akhalgori figurent dans le bulletin du HCR
du 29 août. Celui-ci ne concorde pas du tout avec la thèse avancée par la Géorgie, étant donné
qu’il y est fait état d’un mouvement de retour observé par le HCR. Il ne concorde pas non plus
avec ce qu’aurait dit le commandant local, à savoir qu’aussi bien les Géorgiens que les Ossètes
de souche avaient fui et que l’EMERCOM russe leur portait assistance.
27. Enfin, les résidents de Gali, en Abkhazie. Hier, la Géorgie a tenté de récupérer à son
profit certains silences. Mais cela n’est pas satis faisant. Si un risque palpable de catastrophe
humanitaire se dessinait en Abkhazie, la Cour pou rrait être certaine qu’elle l’aurait appris par les
bulletins d’Amnesty International, de Human Rights Watch, d’USAID, etc., peut-être même par un
article du Guardian. Nous n’en avons pas entendu parler, malgré les moyens qui, à n’en pas
douter, ont été déployés par la Géorgie. Et ce n’est pas parce qu’il n’y a personne sur place, en
28
Abkhazie. Il est important que la Cour sache que le CICR a un bureau à Soukhoumi, en Abkhazie,
lequel, je cite (extrait du bulletin de ReliefWeb du 3septembre), «continue de suivre la situation
des personnes dans cette région» 28. Et il y a évidemment, en plus, sur place en Abkhazie, des
observateurs de l’UNIMOG.
28. Il a été fait référence hier à la déclar ation de M.Mishvelia, un représentant géorgien
local. Elle figure à l’annexe 36 des observations de la Géorgie, et je ne peux qu’inviter la Cour à la
lire dans son intégralité pour en a pprécier la valeur. En ce qui concerne le contenu, la Cour se
souviendra que ce représentant déclare qu’il n’a «entendu parler d’aucun meurtre ou de blessures
infligées à des civils» et «qu’ils n’[av]aient pas br ûlé les maisons». Il ajoute aussi sans l’avoir
⎯ je dois le préciser ⎯ directement constaté :
28
ReliefWeb, 3 septembre, dossier de plaidoiries, onglet 11. - 23 -
«Mais le fait est que la population n’est p as en mesure de rentrer chez elle et de
s’occuper de ses biens, ce qui naturellement entraîne des pertes pour ces personnes.
C’est l’époque de la récolte des noix qui est la principale source de revenus de la
population, mais les habitants ne peuvent pas commencer la récolte, une situation qui
entraîne pour eux des pertes considérables.»
Il s’agit là du seul élément de fait matériel tendant à étayer la thèse de la Géorgie, sans pour autant
être très probant ; évidemment, si cela est vrai, c’ est grave. Mais à aucun moment nous ne frôlons
un risque grave de préjudice irréparable.
29. J’ajouterai trois autres éléments concernant l’Abkhazie :
Premièrement, Gali n’est pas physiquement coupé du reste de la région, ce n’est pas vrai.
J’ai été informé par le ministère russe de la défense que le pont est ouvert pour la population
locale; ceux qui veulent traverser doivent simplement l’annoncer 24heures à l’avance. De plus,
j’ai aussi été informé qu’il y a six points de contrôle gardés par des Géorgiens le long de l’Inguri et
que 170 policiers y sont stationnés.
Deuxièmement, aux termes du plan annoncé l undi, il y aura forcément des observateurs de
l’Union européenne dans la zone tampon près de Gali, venant s’ajouter au mécanisme
d’observation de l’ONU qui couvre la zone de Gali.
Troisièmement, le retrait des forces russes a déjà commencé. Voici ce que j’ai pu lire
⎯ dans une dépêche diffusée hier par l’AFP qui, pour autant que je sache, se trouve sous le dernier
onglet du dossier de plaidoiries :
«Les troupes russes ont quitté mardi un village géorgien près de la région
séparatiste de l’Abkhazie ; c’était le «premier signe» du retrait de la zone dite tampon
qui avait été promis par la Russie, a affirmé le ministère géorgien [géorgien] de
l’intérieur. Les troupes russes ont quitté le village de Ganmoukhouri [M.Mishvelia
est originaire de Ganmoukhouri], dans le di strict de Zougdidi, près de la frontière
administrative avec l’Abkhazie, a annoncé à l’AFP Shota Utiashvili, un porte-parole
du ministère. «C’est le premier signe du retrait russe des zones dites tampon en
conséquence de l’accord du 8septembre», a-t-il affirmé. A Moscou, un responsable
29 du ministère de la Défense a confirmé le retrait des troupes, selon l’agence de presse
RIA Novosti. «Conformément aux accords conc lus et signés par le président de la
Fédération de Russie, le ministère de la Défense a commencé le démantèlement des
checkpoints dans les zones proches de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.»»
30. Madame le président, les arguments avancés au sujet de l’Abkhazie ne reposent sur rien,
et sont, en tout état de cause, dépassés par les événements.
31. Madame le président, je vais terminer su r un autre élément relatif à l’urgence. Je veux
parler de l’ordonnance par laquelle la Cour euro péenne des droits de l’homme a indiqué des - 24 -
mesures provisoires, à laquelle j’ai fait référe nce lundi. C’est M.Crawford qui a décidé
d’examiner ce point, disant à la Cour que je donnais l’impression de vouloir dire que l’instance
dont a été saisie la Cour avait perdu son objet en ra ison de l’ordonnance, et que la question était de
savoir si l’ordonnance rendait irrecevable la demande de la Géorgie.
Je ferai trois brèves remarques: premièrement , M.Crawford a utilement confirmé qu’il y a
effectivement un «chevauchement» entre les droits couverts par cette ordonnance et ceux qui sont
revendiqués en la présente espèce ; deuxièmement, il n’a contesté aucun autre de mes propos, ni ce
que la Russie a affirmé au sujet de la mise en Œ uvre de l’ordonnance; troisièmement, il a décidé
d’analyser un argument que je n’ai pas fait valoir. Je vous ai présenté cette ordonnance en rapport
avec le débat sur la question de l’urgence — elle est toujours pertinente à cet égard.
32. Madame le président, Messieurs de la Cour, je vous remercie à nouveau pour votre
attention et vous prie de bien vouloir appeler M. Pellet à la barre.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Wordsworth. Nous appelons maintenant M. Pellet.
Mr. PELLET: Thank you, Madam President.
III.T HE C OURT ’S MANIFEST LACK OF JURISDICTION
1. Madam, President, Members of the Court, in his pleading yesterday Professor Crawford
was apparently put out by my failure to discu ss the facts in as much detail as he would have
wished; he described my Monday afternoon statement as a “fact-free zone” 29. But my opponent
and friend is somewhat inconsistent in his criticism, since he had just reprimanded us for paying
too much attention to the facts ⎯ I would remind him that a Party’s presentation of his or her case
to the Court is a coherent whole — and he learnedly — but rightly —pointed out that: “The merits
30 of the dispute are only relevant insofar as they relate to the factual basis for the provisional
30
measures requested.”
2. At any rate, Madam President, far be it from me to treat the law as an abstract battle of
wits, especially in such a tragic human and political context. But however tragic the circumstances,
29
CR 2008/25, p. 16, para. 23 (Crawford).
3Ibid., p. 10, para. 3 (Crawford). - 25 -
this Court cannot be moved by the context to disregard the fact that it is a judicial body, which can
only apply the law as it stands — perhaps expressing its concern, as it has done on occasion, at the
humanitarian aspects of a dispute that it cannot adjudicate. This being the case, substantive
considerations are, and should be, kept to the minimum at the stage of examination of a Request for
the indication of provisional measures, and I find it paradoxical that Georgian counsel have
systematically challenged us to prove that the Russian Federation has not inflicted the harm of
31
which it is accused by the Applicant , although they agree themselves that this is not the proper
forum for such action and frequently take refuge in that legal position (which is, I repeat,
32
well-founded) in order to refrain from arguing the facts when it doesn’t suit them ; or else they
confuse evidence with strong assertions or indignation.
3. James Crawford’s pleading yesterday provi des an apposite example. I demonstrated on
Monday, basing my argument on the Application, the successive Requests for the indication of
provisional measures, Georgia’s consistent position in the past, and the relations between the two
countries during the alleged 18-year period of the present “dispute”, that the latter really had no
bearing whatsoever on the interpretation and appli cation of the Convention against discrimination,
but related to something quite different: the intervention that Georgia blames the Russian
Federation for undertaking in response to its ow n action with respect to Abkhazia and South
Ossetia and the alleged violations of the rules of humanitarian law on that occasion. My sharp-
witted opponent indignantly respon ded (and I am paraphrasing here): “How could you possibly
imply such a thing? Our Request states clearly what is at issue— namely, violations of the
1965 Convention”; moreover, and I am now citing Professor Crawford: “I opened my presentation
yesterday with the words: ‘This case is about the ethnic cleansing of Georgians . . .’”. Yes indeed,
31 Madam President, just because Professor Crawford himself, or Professor Akhavan, or Mr. Reichler,
or even the Agent of Georgia claim that there is a dispute between the Parties regarding the
application of the 1965 Convention does not mean that such a dispute exists . . .
4. It is not sufficient either for the Applican t to establish that acts of racial discrimination
were perpetrated in South Ossetia or Abkhazia. Even if gruesome acts of ethnic cleansing
31
Ibid., pp. 13-14, paras. 12-14 (Crawford); p. 22, para. 3 (Akhavan).
32
Ibid., p. 11, para. 6 (Crawford). - 26 -
occurred, it must demonstrate with a reasonable degree of certainty that those acts are attributable
to Russia — our Agent will also address this point s hortly, that an inter-State dispute between the
two States resulted therefrom and that the disput e in question was the subject of one of the
procedures provided for in Article 22 of the 1965 Convention.
5. But as I listened to our colleagues on the othe r side of the aisle, the day before yesterday
and again yesterday, I could not help thinking of the definition of parallel lines, which “never meet
no matter how far they are extended”. The same ma y be said of the Georgian line of argument; it
unfolds along two lines of demonstration which our colleagues on the other side of the aisle cannot
manage to bring together despite their undeniable dexterity:
⎯ on the one hand, they inform us at great lengt h that South Ossetia and Abkhazia are the scene
of acts of racial discrimination, or even ethnic cleansing;
⎯ on the other hand, they claim that Georgia has b een the victim of unlawful armed interventions
by Russia and that South Ossetia is the scene of violations of humanitarian law.
It seems to me that the whole of the Georgian Party’s evidence boils down to a simple combination
of these two claims; but their juxtaposition certainly does not suffice to prove, even prima facie,
that a dispute exists between Georgia and Russia on the interpretation and application of the
1965 Convention against racial discrimination.
6. For a dispute to exist “on this point” and for the Court to have jurisdiction to adjudicate it,
two cumulative and not alternative conditions must be fulfilled:
⎯ on the one hand, the Court — since it is for the Court to determine the subject of the dispute in
33
the light of the Parties’ arguments — must be convinced that the application falls within the
provisions of the Convention 34;
32 ⎯ on the other hand, the prior procedures which are a prerequisite under Article 22 for referral to
the Court must have been followed.
7. Neither of these conditions has been fulfilled. I pointed this out last Monday— but
perhaps without placing adequate emphasis on the fact that they are very closely intertwined: it is
because there is no dispute between Georgia and Russi a on the application of the Convention that
33
CR 2008/23, p. 28, para. 8 (Pellet).
3Ibid., pp. 28-30, paras. 9-12 (Pellet). - 27 -
the two countries have not entered into negotiati ons on the subject and that the Applicant has not
set in motion the procedures expressly provided for in Article22. And the absence of such
negotiations regarding a dispute which, according to the Georgian Party, has been going on for
more than eighteen years, is one fact— among others, I might add— which demonstrates that
there is no such dispute.
8. I shall deal successively with three points in support of these remarks.
1. The failure of negotiations on the alleged dispute between the Parties regarding
the application of the Convention is an essential precondition
for the Court to exercise its jurisdiction
9. Members of the Court, contrary to what Professor Crawford tried to make you believe on
Monday 35, the failure of negotiations or treaty-based procedures for the settlement of the alleged
dispute between the Parties regarding the applicati on of the Convention is, pursuant to Article 22,
an essential precondition for the Court to exercise its jurisdiction.
36
10. When it comes to interpreting the Convention, particularly Articles 16 and 22 , I find it
preferable to stick with the tried and tested methods of interpretation: the text, the context and, if
need be (for there is no subsequent practice), the travaux préparatoires. In telegraphese, if I may
be permitted, Madam President — since I am pressed for time:
⎯ Article 16: the text is clear; it means that if there is a dispute between the parties in the area of
discrimination, other agreed means of settlement continue to exist; Georgia fails to invoke any
of those other means; as to the context, the relevant provision is basically none other than
Article 22;
33 ⎯ Article 22: the text is clear; the Court may adjudicate disputes between the parties regarding
the interpretation and application of the Convention if they have not been otherwise settled (for
instance by negotiation) — however, there must have been negotiations or else they must have
proved impossible; the context: this is established by Articles 11 to 13— and perhaps
Article14— the settlement procedures provided for in the Convention itself; the travaux
35
CR 2008/22, pp. 32-35, paras. 49-56 (Crawford).
3See N. Lerner, The U.N. Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination: A Commentary,
Leiden, Sijthoff, 1970, pp. 99 and 104 (edition cited byCrawford; these points remain unchanged in the second
(1980) edition, pp. 92 and 97). - 28 -
préparatoires: they confirm that this is indeed a precondition and, again owing to the time
constraint, I shall simply refer you, Members of the Court, to footnote 25 to my pleading last
Monday 37.
11. Professor Crawford has skilfully attempted to confuse the issue by referring to a list of
cases 38, which seems impressive — everything is rela tive, he cited six cases — in which the Court
rejected the Respondents’ arguments based on what I have suggested might be called the failure
effectively to exhaust “prior means of settlement” 39. My opponent reluctantly concedes that there
is at least a seventh case with a contrary ruling. This state of affairs merits a somewhat closer look:
admittedly, in six of the seven cases that he men tions the Court rejected the objection — but never
“as a matter of principle”. Far from it, in each case it reasoned on the basis of the specific
circumstances of the case, hence less on the wo rding of the compromissory clause than on the
conduct of the parties. And it inferred from this, a contrario, that where a jurisdiction clause must
be interpreted as barring the Court’s jurisdiction in the absence of recourse to other means of
settlement, especially where the parties have faile d to use those means of settlement, the Court has
no choice but to decline jurisdiction.
12. But despite the time constraint, I do not wi sh to shirk the issue, and I am going to be
more specific. The table at tab No. 3 in your file, Members of the Court, presents the seven cases
mentioned by my opponent in succinct and, I hope , user-friendly form and in chronological order.
An analysis of the table leads to the following conclusions:
34 1. the relevant clauses vary (albeit to a relatively minor extent) not only with respect to each other
but also in terms of the way in which they have been translated into French or English;
2. the French version of the wording of Article22 of the 1965Convention (“n’aura pas été
réglée”) is not reflected anywhere; the English version (“is not settled”), on the other hand, is
identical to the wording of the corresponding clauses in the Obligation to Arbitrate and the
Armed Activities cases;
37CR 2008/23, p. 35 (Pellet).
38
CR 2008/22, pp. 32-33, para. 49 (Crawford).
39CR 2008/23, p. 36, para. 29 (Pellet). - 29 -
3. the two forms of wording are somewhat different in the Nicaragua case — on which
40
Mr.Crawford is particularly keen , but, I willingly admit, it is closer in spirit in the English
version (“not satisfactorily adjusted by diplomacy”) than in the French version (which,
however, is not the original) (“qui ne pourrait être réglé de manière satisfaisante”);
4. but when we move from the second column of my table (which reproduces the compromissory
clauses) to the remaining two, wh ich reflect the Court’s position, we find that in point of fact,
the Court did not dwell on these subtleties in th e drafting of the relevant clauses; it was
exclusively interested in whether serious nego tiations on the convention in question had taken
place, regardless of the context (as in the Mavrommatis, South West Africa or Armed Activities
cases), or whether they could still be envisaged (as in the Obligation to Arbitrate , Hostages,
Nicaragua or Lockerbie cases).
13. Professor Crawford showed little sympathy for the solution contained in your 2006
Judgment in the Democratic Republic of the Congo v. Rwanda case, striking a sarcastic note—
somewhat facilely perhaps 41. The fact is that it comes closest to our own case:
⎯ the relevant point in the compromissory clause is worded, in English, in the same way (“is not
settled”) — while the French wording of Article 22 of “CERD” (“n’aura pas été réglé”) place
s
considerably more emphasis on the idea of a prior obligation;
⎯ both cases concern multilateral conventions on the protection of fundamental human rights;
35 ⎯ and it is in this very case that you declined jurisdiction, at the provisional measures stage, on
the ground that there had been no prior negotiations between the parties ( Armed Activities on
the Territory of the Congo (New Application: 2002) )(Democratic Republic of the Congo v.
Rwanda), Provisional Measures, Order of 10 July 2002 , I.C.J. Reports 2002, p. 247, para. 79).
The same applies to our case, which — we insist — does not concern discriminatory practices
but a humanitarian crisis resulting from an armed conflict.
40
See ibid., pp. 33-34, paras. 50-51; and CR 2008/25, p. 17, para. 28; p. 18, para. 34 (Crawford).
41
See CR 2008/22, pp. 34-35, paras. 55-56 (Crawford); see also CR 2008/25, p. 18, para. 35 (Crawford). - 30 -
2. There have been no negotiations between Georgia and Russia on a dispute
with respect to the application of the 1965 Convention
14. Madam President, if we are to believe Georgia— and this is my second point— the
negotiations between the Parties have proceeded apace! And it’s true: the Republic of Georgia and
the Russian Federation have done a great deal of negotiating— bilatera lly and in multilateral
forums (for instance at the United Nations and the OSCE), on their own or in the presence of third
parties; and they continue to do so. And Ru ssia has never shunned any request for negotiations on
the part of Georgia. But the two States have never even come close to negotiating on a dispute
between them as parties to the 1965 Convention, and Georgia has never suggested embarking on
such negotiations— nor has it ever, before filing the Application, accused Russia of any form of
racial discrimination whatsoever.
15. Of course, Madam President, “[i]t does not necessarily follow that, because a State has
not expressly referred in negotiations with anothe r State to a particular treaty as having been
violated by conduct of that other State, it is debarred from invoking a compromissory clause in that
treaty”, as you stated in Nicaragua (Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America) , Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports
1984, pp. 428-429, para. 83). But the subject of th e negotiations must nevertheless be a dispute
regarding the interpretation or application of the convention and the parties must be aware of that
fact. As you stated in the Ambatielos case, “[i]t is not enough for the claimant Government to
establish a remote connection between the facts of the claim and the Treaty” it invokes ( Ambatielos
(Greece v. United Kingdom), Merits , Judgment, I.C.J. Reports 1953, p. 18. See also the South
36 West Africa case ( Ethiopia v. South Africa ; Liberia v. South Africa ), Preliminary Objections ,
Judgment, Joint Dissenting Opinion of Sir Percy Spender and Sir Gerald Fitzmaurice, I.C.J.
42
Reports 1962, p. 562.) Yet, as I showed on Monday , neither Russia nor, obviously, Georgia was
remotely aware at any point that they were negotiating about a dispute with respect to the
interpretation or application of the Convention.
16. It is incidentally very telling in this re gard that Professor Crawford refrains from talking
about negotiations. When he tries to bring up the matter, he uses cautious circumlocutions: “there
42
CR 2008/23, pp. 34-38, paras. 22-33 (Pellet). - 31 -
43
have also been extensive bilateral contacts between the parties” or “Russia and Georgia had
conducted bilateral meetings…” 44. And he concludes: “For these reasons, even if Article 22 of the
1965 Convention were considered to lay down a condition precedent for seising the Court, that
45
condition is satisfied here.” A highly categorical claim, and one that also merited a somewhat
closer look…
17. I did take a look, Madam President, and I was not convinced; I do not think that you
would have been either. I must unfortunately move on quickly. But whether we refer to:
⎯ the protocol of negotiations of 9 April 1993;
⎯ the quadripartite agreement on vol untary return of refugees and displaced persons of 4 April
1994 46;
⎯ the report of the United Nations Secretary-General to the Security Council of 9 April 2003 47;
⎯ Security Council resolution 1494 of 30 July 2003 — a whole array of documents that I
carefully dissected-—; or
⎯ the exchange of letters of 23 June and 1 July 2008 that the Georgian Party saw fit to produce
yesterday,
37 none of these documents, which deal primarily w ith Russia’s role as facilitator, contains the
remotest reference to Georgian allegations of discriminatory measures by Russia. And while some
of them concern the return of displaced persons , none indicates that George assigns responsibility
for this tragic situation to Russia. On the contrary, they show that the two countries are
cooperating in order to find a solution to the worrying humanitarian situation.
18. Similarly, I note that although Georgia seems to admit that it never referred the alleged
“dispute” with Russia to CERD, it nevertheless sets out to create the impression that the Committee
issued a ruling on the matter. For instance, Pr ofessor Crawford claimed that “CERD has expressly
recognized that ethnic discrimination is a key aspect of conflicts in South Ossetia and Abkhazia” 48.
4CR 2008/22, p. 35, para. 57 (Crawford).
44
Ibid., p. 35, para. 58 (Crawford).
45
Ibid., p. 36, para. 60 (Crawford).
4S/1994/397, Ann. II.
4S/2003/412, para. 5.
4CR 2008/22, pp. 29 30, para. 41 (Crawford). - 32 -
But the fact that the Committee, Madam President, took note of the existence of an ethnic conflict
giving rise to discriminatory acts in South Ossetia and Abkhazia does not warrant the inference that
CERD recognizes the existence of a dispute in that regard between Russia and Georgia!
Furthermore, it goes without saying that such a finding in a Committee report would not meet the
procedural condition imposed by Article 22.
19. Madam President, Members of the Court, th e simple and obvious truth is that no move
was ever made to initiate negotiations (or to seek another means of settlement) between the Parties
on a dispute:
1. which did not arise between them but which could arise between Georgia and its secessionist
entities;
2. which did not concern the application of the Convention against discrimination but certainly
did concern the consequences of an armed conflict and the application of humanitarian law; and
3. following which Russia was involved as a facilitator but not as a party. It goes without saying
that the fact that it took part in negotiations on the return of persons who had sought refuge in
its territory (and that it remains willing to pur sue that discussion) does not mean that the
Russian Federation is responsible for the situation.
38 3. As the Article 22 conditions have not been met, the Court cannot but find
that it manifestly lacks jurisdiction and strike the case from its List
20. Madam President, Members of the Court, the Court’s jurisdiction is based on the
principle of consensus; you yourself have tirelessly reminded foolhardy litigants of this fact: “its
jurisdiction is based on the consent of the parties and is confined to the extent accepted by them ”
(Armed Activities on the Territory of the Congo (New Application: 2002) )(Democratic Republic of
the Congo v. Rwanda), Judgment of 3 February 2006, p. 39, para. 88. See also Certain Questions
of Mutual Assistance in Criminal Matters , Judgment of 4 June 2008, pa ra. 48). As Mr. Kolodkin
pointed out last Monday, Russia is gradually exte nding its acceptance of the Court’s jurisdiction 49.
It accepted it in the case of the Convention against ra cial discrimination within the limits set out in
Article 22 thereof.
49
CR 2008/23, p. 14, para. 20 (Kolodkin). - 33 -
21. But the dispute regarding the 1965 Convention referred to you by Georgia does not exist
(which does not, of course, mean that there are no other disputes between the Parties!). And it
follows that your lack of jurisdiction is manifest. Indeed it would also be manifest if we conceded,
solely for the purpose of argument, that such a dis pute existed: it has in any case never given rise
to the slightest attempt to reach a settlement be tween the Parties: before Georgia filed its
Application with the Court, on 12 August last, th e Russian Federation never even suspected its
existence. On that ground too, the Court’s lack of jurisdiction is manifest, since the preconditions
for your seisin laid down in Article 22 have not been met.
22. Faced with this manifest lack of juri sdiction on two grounds, the Court, which, “as a
court of law, is called upon to resolve existing disputes between States” (Nuclear Tests
(Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974 , pp. 270-271, para. 55, and Nuclear Tests
(New Zealand v. France), Judgment , I.C.J. Reports 1974 , p. 476, para. 58), has not only the
authority but the duty to strike the case from its List. It would not be proper for the Court to usurp
the role of the Security Council or to require Russia to address you on the subject of jurisdiction
and admissibility with the aim, as Professor Crawfo rd suggested, of persuading an Ossetian leader
to abide by the 1965 Convention . . . 50. “[W]ithin a system of consen sual jurisdiction, to maintain
on the General List a case upon which it appears cer tain that the Court will not be able to
39 adjudicate on the merits would most assuredly not contribute to the sound administration of justice”
(Legality of the Use of Force (Yugoslavia v. Spain), Provisional Measures, Order of 2 June 1999,
I.C.J. Reports 1999(II) , p. 773, para. 35, and Legality of the Use of Force (Yugoslavia v. United
States of America), Provisional Measures, Or der of 2 June 1999, I.C.J. Reports 1999 (II) , p. 925,
para. 29). It is in this spirit that the Russian Federation, in the person of Mr. Roman Kolodkin, will
now present its arguments. May I ask you, Madam President, to give Mr. Kolodkin the floor.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. I now call Mr. Kolodkin, Agent of the
Russian Federation.
50
CR 2008/25, p. 12, para. 10 (Crawford). - 34 -
Le PRESIDENT : Merci, MonsieuP relle t. J’appelle maintenant à la barre
Monsieur Kolodkin, agent de la Fédération de Russie.
M. KOLODKIN :
IV. OBSERVATIONS FINALES
1. Madame le président, Messieurs de la Cour, mes collègues ont déjà évoqué certaines
présentations manifestement erronées des faits, telle s les propos cités de M. Bernard Kouchner, les
références faites à de vieux uniformes ou encore à un «nouveau poste de contrôle». Permettez-moi
de donner quelques autres exemples.
2. D’après ce que M. Akhavan a dit hier, le dirigeant abkhaze aurait indiqué :
«[l]es forces de maintien de la paix russes resteront présentes dans la République [et
seront] nos gardes frontière dans le district de Gali». Le sujet de «seront» sont les
forces russes.»
Permettez-moi maintenant de vous lire la citation exacte, laquelle figure sous l’onglet 24 du dossier
de plaidoiries :
«[l]es forces de maintien de la paix [r usses] resteront présentes dans la République
ainsi que nos gardes frontière dans le district de Gali»51.
Il s’agit donc de gardes frontières abkhazes et non russes.
En modifiant cette citation, M. Akhavan a tout simplement déformé les faits.
3. Permettez-moi maintenant d’en venir à un au tre élément de preuve important sur lequel le
demandeur se fonde.
4. Tant hier qu’avant-hier, M.Akhavan vous a présenté une carte montrant les villages
géorgiens qui auraient été détruits ⎯«la carte avec les cercles blancs». L’agent a indiqué qu’il
ressortait de cette carte que les villages géorgien s situés autour de Tskhinvali avaient été l’objet
40 d’un «nettoyage ethnique» et que les villages géorgien s situés dans le district de Gori avaient été
52
systématiquement détruits . Il a cependant omis de mentionner au moins deux choses.
5. Premièrement, il a oublié de dire qu’il s’agit de la zone qui a été le théâtre des plus
violents combats lors du conflit. Je me référerai donc à cette même carte, mais en décrivant cette
fois les activités militaires telles qu’elles ont été consignées dans les livres de bord des deux
51
«Abkhazia will be able to host brigade of RF troops ⎯ Bagapsh». 08.09.08. 11:57, www.itar-tass.com.
52
Onglet 20 du dossier de plaidoiries de la Géorgie. - 35 -
bataillons russes. Le premier constituait le noyau des forces russes de maintien de la paix
déployées en Ossétie du Sud. Le second bataillon a, quan t à lui, été envoyé en renfort. Le livre de
bord est un document officiel établi par une unité armée dans lequel sont consignés les événements
au jour le jour, dans l’ordre chronologique.
6. En fait, les villages symbolisés par «des cercles blancs» sont situés dans la zone qui a été
le théâtre de violents combats. Deux zones sont représentées sur la carte. La zone verte est celle
des hostilités qui se sont déroulées du 8 au 10 août 2008 ; la rouge correspond aux hostilités qui se
sont déroulées du 10 au 12 août.
7. Le livre de bord atteste que, dès le 1 eraoût, des bombardements sporadiques ont eu lieu à
partir des villages suivants: Prisi, Sarabuk, Dmenis, Eredvi, Vanati, Achabeti, Tamarasheni,
Nikozi, Avnevi. Des incidents similaires ont eu lieu dans les jours suivants.
8. Ainsi que M.Wordsworth l’a déjà indiqué aujourd’hui en citant le rapport de
M. Hammarberg du 8 septembre, les 4 et 5 août, des civils venant de villages géorgiens situés au
nord de Tskhinvali ont été évacués par les autorités géorgiennes.
9. Le 7 août, des tirs nourris provenant de Pris i, Tamarasheni, Ergneti, Nikozi, Kere, Avnevi
et d’autres villages ont été enregistrés. A 23 h36, le bombardement massif de la ville de
Tskhinvali a débuté, tout d’abord depuis Ditsi.
10. Le 8 août, à 6 h 25, les forces géorgiennes ont attaqué le bataillon russe de maintien de la
paix et sa base sud située à Tskhinvali. Les membres des forces de maintien de la paix ont essuyé
des tirs de chars, d’artillerie, de mortiers et d’armes automatiques ainsi que des frappes aériennes.
En deux jours, alors qu’ils étaient encerclés, quinze d’entre eux ont été tués et des dizaines blessés.
11. L’armée géorgienne a donné l’assaut à la ville en suivant trois routes: la quatrième
brigade d’infanterie est arrivée pa r les villages de Dmenis et de Ta marasheni, la première brigade
d’infanterie par Karaleti, et la troisième par Avnevi et Khetagurovo.
12. L’offensive lancée sur Tskhinvali depuis le sud a reçu le soutien d’unités spéciales du
41
ministère géorgien de l’intérieur. Ces unités avaient été préalablement déployées dans les enclaves
du nord de la Géorgie situées le long de la route principale reliant Tskhinvali à l’Ossétie du Nord, à
savoir les villages de Kekhvi, Kurta, Achabeti et Ta marasheni. La question du déploiement de ces
unités armées géorgiennes dans des villages peuplés de civils a été soulevée à maintes reprises par - 36 -
la Russie lors des réunions de la commission de c ontrôle conjointe (un or gane de négociation en
vue du règlement du conflit opposant la Géorgie et l’Ossétie).
13. Les forces armées russes ont suivi cette même route pour débloquer les membres des
forces russes de maintien de la paix encerclés par l’armée géorgienne. Après avoir dépassé la ville
de Java, les forces russes envoyées en renfort ont essuyé des tirs nourris provenant des enclaves
géorgiennes. Elles ont néanmoins continué leur progression en directi on de Tskhinvali afin de
prêter assistance à notre bataillon de maintien de la paix qui y était encerclé.
14. Comme vous le voyez, les zones en question étaient le théâtre d’une véritable guerre
avec des tirs extrêmement nourris provenant de toutes parts. Si l’on a assisté à un exode massif de
civils géorgiens et à la destruction de villages, c’est donc en raison des combats qui se déroulaient
dans cette zone.
15. Le second point est que la Géorgie a produit plusieurs cartes de l’UNOSAT. Ses
représentants n’ont toutefois présenté que certaines des cartes qui figurent sur ce site. Ainsi, ils
n’ont pas produit la carte intitulée «synthèse des dommages causés aux villages: de Kekhvi à
Tskhinvali». Il ressort de cette carte qu’envi ron cinquante pour cent des maisons des villages
géorgiens situés le long de la route qu’ont em pruntée les forces militaires géorgiennes ont été
détruites. Sur la même carte, l’on voit également que certains villages géorgiens situés plus en
retrait de cette route n’ont pas été touchés. Cette carte, datée du 20 août 2008, confirme clairement
le commentaire figurant sur l’autre carte intitulée «Incendies non maîtrisés dans la région de
Tskhinvali, Ossétie du sud, Géorgie». Il s’agit d’une carte téléchargée depuis le même site, sur
laquelle il est indiqué qu’«il est hautement vraisemblable que les incendies qui ont été détectés sont
directement ou indirectement liés au conflit armé». Ces deux cartes figurent dans le dossier de
plaidoiries, sous l’onglet 27.
16. Madame le président, l’on pourrait penser qu’il ne s’agit là que d’erreurs mineures. De
notre point de vue, cependant, il est clair qu’il s’agit d’autre chose. En fait, tout comme les
éléments de preuve que je viens de citer, la présente affaire repose toute entière sur le postulat qu’il
y a eu discrimination raciale. Or il ne s’agit pas d’une affaire de discrimination raciale mais d’une
affaire d’emploi de la force, de droit international humanitaire, ou encore d’une affaire de relations
interethniques entre Géorgiens, d’une part, Abkhazes et Ossètes, de l’autre. Si les représentants de - 37 -
42 ces nations étaient présents dans cette salle, ils auraie nt beaucoup à dire sur le sujet. Mais ce n’est
pas le cas.
17. Au cours de ses deux interventions, M. Akhavan s’est référé à des dépositions de témoins
qui ont dû fuir leurs villages après que leurs maisons ont été incendiées. Il n’y a aucun doute que le
fait de perdre sa maison, de devoir quitter l’endr oit où l’on a vécu toute sa vie est un grand
malheur. Cependant, nous devons également nous rappeler que des centaines de personnes —
civils d’Ossétie du sud et membres des forces russ es de maintien de la paix— ne sont tout
simplement plus là pour témoigner.
18. M. Burjaliani a affirmé hier que «la Géorgie n’[était] pas en conflit avec les Ossètes».
Nous avons présenté de nombreus es dépositions de témoins dans notre contribution écrite. Nous
aurions pu exposer en détail les souffrances qui ont été infligées aux Ossètes et à d’autres civils
ainsi qu’aux membres des forces ru sses de maintien de la paix entre le 7 et le 9août, et même
avant. Si nous ne l’avons pas fait, c’est en raison de la nature particulière de la présente phase de la
procédure et, en réalité, parce que nous avons pour l’ heure été attraits devant la Cour en tant que
défendeur.
19. Madame le président, M.Reichler a tenu à insister sur le fait que la Cour n’a pas à
examiner la question de savoir qui a tiré en premier. Il a laissé entendre que ce détail sans
importance pouvait être réservé pour la phase au fond. Sachant ce qui s’est réellement passé, sa
position n’est guère surprenante. Et pourtant, la Géorgie demande que soient indiquées des
mesures conservatoires se rapportant directemen t aux hostilités qui se sont déroulées au mois
d’août. Puis-je me permettre de rappeler ⎯ mais tout le monde le sait ⎯ que c’est la Géorgie qui a
déclenché les hostilités? Nous sommes absolument convaincus que l’historique de ces hostilités
est tout à fait indispensable pour que la Cour puisse prendre une décision en connaissance de cause
et qu’il demeure un élément essentiel aux fins de l’exercice de son pouvoir d’appréciation.
20. Hier, le défendeur a été accusé de jouer sur les chiffres. Il a été avancé que le chiffre de
2000 victimes civiles avait, on ne sait comment, été ramené à 133. A cet égard, j’aimerais poser à
nos collègues géorgiens la question suivante: 13 3 victimes civiles ne suffisent-elles pas? Ce
chiffre correspond pourtant au nombre de corps identifiés au 20août. Aujourd’hui, 311victimes - 38 -
ont été identifiées par les services de police géorgiens 53, et il ne faut pas oublier qu’un nombre non
négligeable de personnes ont été enterrées avant que l’enquête ne puisse commencer ou que leurs
corps ne sont plus identifiables. Selon la déclar ation faite aujourd’hui par le procureur général de
54
l’Ossétie du Sud, le nombre de victimes identifiées s’élève désormais à700 ⎯le nombre de
43
victimes identifiées. Cela doit être comparé au chiffre précédemment mentionné de victimes civiles
en Géorgie proprement dite, lequel s’élève à 109. Les Géorgiens de souche ne sont, bien entendu,
pas responsables des actes de la Géorgie.
21. Permettez-moi d’insister une nouvelle fois sur ce point : l’Etat russe et le peuple russe
déplorent les pertes en vies humaines, les atteintes à la santé et aux biens de tous ceux qui ont subi
les conséquences des combats. En fait, nos pen sées vont tout autant aux victimes géorgiennes de
souche qu’aux victimes russes ou ossètes.
22. Il est d’ailleurs frappant de relever que, en quatre heures trente de plaidoiries, le
demandeur n’a pas exprimé pareil sentiment. Pire encore, il n’a presque jamais évoqué le fait qu’il
y avait eu des victimes de l’autre côté. Nous avons la conviction que cela ne reflète pas fidèlement
les sentiments du peuple géorgien.
23. Ce que le demandeur dit, en revanche, c’est que la Russie devrait maintenant quitter
l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud de manière, semble -t-il, à permettre aux autorités géorgiennes de
tenter de nouveau de «rétablir l’ordre constitutionnel».
24. A cet égard, M.Wordsworth a aujourd’hui présenté à la Cour les dispositions adoptées
lundi par les présidents russe et français. Celles-ci comprennent le retrait rapide de toutes les
forces russes des zones voisines de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Il ne fait néanmoins aucun
doute que le rétablissement de la confiance prendr a du temps, mais la Russie ne ménagera pas ses
efforts pour y contribuer.
25. Madame le président, lors de son interv ention de lundi, M.Crawford a établi un rapide
parallèle entre la politique alléguée de la Russie dans la région et l’apartheid. Je ne ferai qu’une
observation à cet égard. Peut-on imaginer que d es milliers de personnes viennent s’installer dans
un pays qui pratique la discrimination à l’égar d de leur groupe ethnique, que ce soit sous forme
53
Voir www.ossetians.com
54Voir www.itar-tass.com. - 39 -
d’apartheid ou autrement ? Pourtant, ainsi que l’attestent, par exemple, les chiffres communiqués il
y a cinq ans, en 2003, par le président de la co mmission gouvernementale russe sur l’immigration,
le nombre de Géorgiens vivant en Russie est passé de 130 000 en 1989 à 200 000 en 2002. Or, il
est de notoriété publique que ce nombre s’est ac cru de manière significative au cours de ces
dernières années. Qu’indiquent ces chiffres? L’existence d’une discrimination pratiquée par la
Russie à l’encontre des Géorgiens ? Certainement pas.
44 26. La Fédération de Russie a toujours honoré l es obligations qui lui incombent en vertu de
la convention internationale sur l’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et elle
continuera de le faire, que ce soit à l’égard des Gé orgiens ou de tout autre peuple. Le Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale est un organe faisant autorité composé de 18experts
indépendants dont les connaissances et la compétence sont reconnues dans ce domaine. Le Comité
s’est toujours félicité du dialogue ouvert et franc qu’il entretient avec mon pays. Comme tout autre
Etat partie à la convention, la Russie connaît certain es difficultés. Le comité n’a toutefois jamais
recensé, notamment durant la période à laquelle il est fait référence dans la requête présentée par la
Géorgie, la moindre violation significative par la Russie de ses obligations en la matière, aucun
élément de preuve de quoi que ce soit qui pourra it, même indirectement, s’apparenter à une
politique de racisme institutionnalisé ou financé par l’Etat et ce, contrairement à ce que le
demandeur tente de démontrer. L’ensemble d es observations finales du comité se rapportant à
cette période figurent sous l’onglet 26 du dossier de plaidoiries.
27. Ce qui est particulièrement pertinent da ns les circonstances actuelles, c’est que les
derniers rapports périodiques de la Russie ont été examinés très récemment, au mois d’août dernier.
Le comité délibérait… ⎯ Madame le président, je m’excuse de ne pas être en mesure de terminer
mon intervention à 18 heures.
Le PRESIDENT : Ne vous inquiétez pas, Monsieur Kolodkin, et poursuivez à votre rythme.
M. KOLODKIN : Merci beaucoup. - 40 -
Le Comité était en train de délibérer su r ses observations finales relatives aux derniers
55
rapports de la Russie au mois d’août dernier, alors même que se déclarait le conflit armé . Ces
observations ont été adoptées le 15 août. Conformément au règlement du Comité, la Russie n’a pas
pris part aux délibérations. Au moment où ils examinaient la question, les membres du Comité
lisaient les mêmes journaux et rapports d’ONG que ceux auxquels le demandeur fait référence dans
ses exposés écrits et oraux. Ils regardaient les info rmations à la télévision. Et pourtant, ils n’ont
pas changé d’avis et leurs observations finales ne contiennent aucun élément indiquant l’existence
d’un éventuel lien entre les événements actuels et passés en OssétieduSud et en Abkhazie et les
obligations incombant à la Russie en vertu de la convention. Il n’est pas dit un seul mot au sujet
45
d’éventuelles violations des obligations incombant à la Russie relativement à la situation dans ces
territoires.
28. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce que cela signifie qu’il existe des éléments de preuve
prima facie que la Russie a violé les obligations lui in combant en vertu de la convention à l’égard
des Géorgiens vivant en Abkhazie et en Ossétie duSud? Ou est-ce que cela traduit au contraire
l’absence prima facie de toute violation des obligations incombant à la Russie? Si la réponse ne
fait selon nous aucun doute, il revient naturellement à la Cour d’en décider.
29. Madame le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent nos premier et second tours
de plaidoiries. Permettez-moi de les résumer brièvement.
Premièrement: le différend sur lequel le demandeur a aujourd’hui entendu s’exprimer
devant la Cour n’est manifestement pas un diffé rend concernant la conve ntion de1965. Si un
différend existait, il concernerait l’emploi de la for ce, le droit humanitaire, l’intégrité territoriale,
mais en aucune façon la discrimination raciale.
31. Deuxièmement: même si le présent di fférend concernait la c onvention de1965, les
violations alléguées de cette convention ne saura ient relever des dispositions de celle-ci, ne
serait-ce que parce que les articles2 et5 de la convention ne sont pas d’application
extraterritoriale.
55
CERD/CRUS/CO/19, 20 août 2008. - 41 -
32. Troisièmement : même si de telles violations s’étaient produites, elles ne sauraient, fût-ce
prima facie, être attribuables à la Russie, qui n’a jamais exercé et n’exerce pas aujourd’hui, sur les
territoires concernés, un contrôle tel que le seuil fixé puisse être considéré comme franchi.
33. Quatrièmement : même si la convention de 1965 pouvait entrer ici en jeu — ce qui, je le
répète, n’est pas le cas—, les critères de pro cédure prévus à l’article 22 de cette convention
de1965 ne sont pas remplis. Aucune preuve que le demandeur ait, avant de saisir votre Cour,
proposé de négocier ou de recourir au mécanisme c onstitué par le Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale n’a été produite ni n’aurait pu l’être.
34. Cinquièmement : compte tenu de ces arguments, la Cour est manifestement incompétente
pour connaître de l’affaire.
35. Sixièmement: la Cour dût-elle, malgré tout, se déclarer compétente prima facie pour
connaître du différend, nous affirmons que le demandeur a manqué de démontrer qu’étaient remplis
les critères essentiels à l’indication de mesures cons ervatoires. Aucun élément de preuve crédible
n’a été produit attestant l’existence d’un ris que imminent de dommage irréparable ou d’une
quelconque urgence. Les circonstances de l’espèce n’ex igent absolument aucune mesure, compte
tenu, notamment, de la procédure de règlement après conflit qui se déroule actuellement. D’autre
part, les mesures demandées ne tiennent aucun compte d’un élément essentiel aux fins de l’exercice
46 du pouvoir d’appréciation de la Cour, à savoir que l es événements d’août 2008 sont le résultat d’un
emploi de la force par la Géorgie.
36. Enfin : les mesures conservatoires telles qu’elles ont été formulées dans les demandes ne
sauraient être indiquées puisqu’elles imposeraient à la Russie des obligations dont celle-ci n’est pas
en mesure de s’acquitter. La Fédération de Russie n’exerce pas de contrôle effectif vis-à-vis de
l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ni d’aucune ré gion adjacente de la Géorgie. Les actes des
organes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ou de tout autre personne ou groupe de personnes à
caractère privé ne sauraient être attribués à la Fé dération de Russie. Ces mesures, si elles étaient
indiquées, préjugeraient de l’issue de l’affaire.
37. Madame le président, Messieurs de la Cour, j’ai maintenant l’ honneur de vous donner
lecture de la conclusion finale de la Fédération de Russie, laquelle, pour les raisons exposées lors
de nos plaidoiries et conformément aux conclusions de nos conseils, est la suivante : - 42 -
38. La Fédération de Russie prie la Cour de rayer du rôle l’affaire introduite par la
République de Géorgie le 12 septembre 2008.
Madame le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent les plaidoiries de la Fédération
de Russie. Je souhaiterais saisir cette occasion pour remercier le Greffe, ses fonctionnaires ainsi
que les interprètes. Permettez-moi également de vous remercier, Madame le président, Messieurs
de la Cour, pour votre attention.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Kolodkin. Ainsi s’achèvent ces audiences. Il me reste à
remercier les représentants des deux Parties pour l’assistance qu’ils ont fournie à la Cour par leurs
exposés oraux lors de ces quatre audiences. Confor mément à la pratique habituelle, je prie les
agents de bien vouloir rester à la disposition de la Cour.
La Cour rendra son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires dès
que possible. La date à laquelle cette ordonnance sera lue en audience publique sera communiquée
en temps utiles aux agents des Parties.
La Cour n’étant saisie d’aucune autre question, l’audience est levée.
L’audience est levée à 18 h 10.
___________
Traduction