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NICOL

CR 2006/16 (traduction)

CR 2006/16 (translation)

Lundi 4 juin 2007 à 10 h 10

Monday 4 June 2007 at 10 h 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir.

La Cour se réunit aujourd’hui pour entendre les Parties en leurs plaidoiries sur les exceptions

préliminaires présentées par le défendeur dans l’affaire du Différend territorial et maritime

(Nicaragua c. Colombie).

Je voudrais indiquer que, la Cour ne comptant pas sur son siège de juges de la nationalité des

Parties, chacune d’elles a usé de la faculté qui lui est conférée par le paragraphe 2 de l’article 31 du

Statut de désigner un juge ad hoc. Le Nicaragua avait initialement désigné

M.MohammedBedjaoui. A la suite de la démission de ce dernier, il a désigné M.GiorgioGaja.

La Colombie a désigné M. Yves Fortier.

L’article 20 du Statut de la Cour dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer

en fonction, prendre l’engagement solennel d’exercer ses attributions en pleine impartialité et en

toute conscience». Cette disposition est applicable aux juges ad hoc également, en vertu du

paragraphe6 de l’article31 du Statut. Bien que MM.Fortier et Gaja aient siégé comme juges

ad hoc et fait une déclaration solennelle dans des affair es antérieures, le paragraphe 3 de l’article 8

du Règlement de la Cour exige qu’ils fassent une nouvelle déclaration solennelle en la présente

affaire.

Avant d’inviter chacun des juges ad hoc à faire sa déclaration sole nnelle, je dirai d’abord,

selon l’usage, quelques mots de leur carrière et de leurs qualifications.

M.Yves Fortier, de nationalité canadienne, est diplômé de l’Université de Montréal, de

l’Université McGill et de l’Univ ersité d’Oxford. Eminent jurist e, il a concilié la carrière de

diplomate et celle d’avocat. En particulier, il a exercé les fonctions d’ambassadeur et de

représentant permanent du Canada auprès de l’ Organisation des NationsUnies à New York

de1988 à 1992, qualité en laquelle il a assuré la vice-présidence de l’Assemblée générale et la

présidence du Conseil de sécurité. La Cour connaît bien M. Fortier, puisqu’il avait été désigné en

tant que juge ad hoc dans l’affaire Qatar c. Bahreïn et qu’il était intervenu devant elle en qualité de - 3 -

conseil dans l’affaire du Golfe du Maine. Il a également plaidé dans le cadre de plusieurs

arbitrages importants et a siégé en tant qu’arbitr e dans un grand nombre d’affaires, notamment au

sein de la Cour permanente d’arbitrage.

M.GiorgioGaja, de nationalité italienne, est prof esseur à la faculté de droit de l’Université

de Florence. Il a occupé, en tant qu’enseignant, de nombreux autres postes dans le monde entier,

9 notamment à l’Institut universitaire européen et à l’Université de Paris I, et il a également enseigné

à l’Académie de droit international de La Haye . M.Gaja est membre de la Commission du droit

international depuis1999 ainsi que de l’Institut de droit international. Il a représenté son

gouvernement à plusieurs reprises, notamment devant la Cour en tant que conseil en l’affaire de

l’Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) . M. Gaja a également été désigné comme juge ad hoc dans une

des affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , à savoir celle opposant la

Serbie-et-Monténégro et l’Italie, et dans l’affaire de la Délimitation maritime entre le Nicaragua et

le Honduras dans la mer des Caraïbes.

Conformément à l’ordre de préséance défini au paragraphe 3 de l’article 7 du Règlement de

la Cour, j’invite tout d’abord M. Fortier à prendre l’engagement solennel prescrit par le Statut et je

demande à toutes les personnes présentes à l’audience de bien vouloir se lever.

FM R.TIER:

“I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”

Le PRESIDENT: Je vous remercie. J’invite maintenant M.Gaja à prendre l’engagement

solennel prescrit par le Statut.

M. GAJA :

«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.»

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte des déclarations

solennelles faites par MM.Fortier et Gaja et décl are ceux-ci dûment installés en qualité de juges

ad hoc en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie). - 4 -

*

Je rappellerai à présent les principales étapes su ivies jusqu’à ce jour par la procédure en

l’espèce.

Le 6 décembre 2001, la République du Nicaragua a déposé au Greffe de la Cour une requête

introductive d’instance contre la République de Colombie au sujet d’un différend portant sur un

10 ensemble de «questions juridiques connexes … qui demeurent en suspens» entre les deux Etats «en

matière de titre territorial et de délimitation maritime» dans les Caraïbes occidentales.

Dans sa requête, le Nicaragua entend fonder la compétence de la Cour, d’une part, sur les

dispositions de l’articleXXXI du traité américain de règlement pacifique signé le 30avril1948,

dénommé conformément à son article LX le «pacte de Bogotá», et, d’autre part, sur les déclarations

d’acceptation de la juridiction de la Cour effectuées par les Parties.

Par ordonnance du 26février2002, la Cour a fixé au 28avril2003 la date d’expiration du

délai pour le dépôt du mémoire du Nicaragua et au 28 juin 2004 la date d’expiration du délai pour

le dépôt du contre-mémoire de la Colombie. Le Nicaragua a dé posé son mémoire dans le délai

ainsi prescrit.

Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de l’article43 de son

Règlement, le greffier a adressé la notification pr évue au paragraphe1 de l’article63 du Statut à

tous les Etats parties au pacte de Bogotá. En application des dispositi ons du paragraphe3 de

l’article69 du Règlement, le greffier a en outre adressé la notification pré vue au paragraphe3 de

l’article34 du Statut à l’Organisation des Etats américains. Par la suite, le greffier a transmis à

cette organisation des exemplaires des pièces de procédure déposées en l’affaire et a prié son

secrétaire général de lui faire savoir si elle en tendait présenter des observations écrites au sens du

paragraphe3 de l’article69 du Règlement de la Cour. L’OEA a indiqué qu’elle n’avait pas

l’intention de présenter de telles observations.

Le 21juillet2003, dans le dé lai prescrit au paragraphe1 de l’article79 du Règlement, la

Colombie a soulevé des exceptions préliminaires à la compétence de la Cour. En conséquence, par

ordonnance du 24 septembre 2003, la Cour, constatant qu’en vertu des dispositions du paragraphe 5

de l’article 79 du Règlement la procédure sur le fond était suspendue, a fixé au 26 janvier 2004 la - 5 -

date d’expiration du délai dans lequel le Nicaragua pourrait présenter un exposé écrit contenant ses

observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par la Colombie. Le

Nicaragua a déposé un tel exposé dans le délai ainsi fixé, et l’affaire s’est ainsi trouvée en état pour

ce qui est des exceptions préliminaires.

Les Gouvernements du Honduras, de la Jamaïq ue, du Chili, du Pérou, de l’Equateur et du

Venezuela, s’appuyant sur l’ar ticle53, paragraphe1, du Règlement, ont demandé à avoir

communication des pièces de proc édure et documents y annexé s produits en l’espèce.

Conformément à la même disposition, la Cour, ap rès s’être renseignée auprès des Parties, a fait

droit à ces demandes.

11 Après s’être renseignée auprès des Parties, la Cour a décidé, con
formément au paragraphe 2

de l’article53 de son Règlement, de rendre acce ssibles au public, à l’ouverture de la procédure

orale, les copies des pièces de procédure et documents y annexés. En outre, conformément à la

pratique de la Cour, l’ensemble de ces documents, sans leurs annexes, sera placé dès aujourd’hui

sur le site Internet de la Cour.

*

Je constate la présence à l’audience des agen ts, conseils et avocats des deux Parties.

Conformément aux dispositions relatives à l’organisa tion de la procédure arrêtées par la Cour, les

audiences comprendront un premier et un second tour de plaidoiries. La Colombie, qui est à

l’origine des exceptions préliminaires, sera entendue en premier.

Le premier tour de plaidoiries débute aujourd’ hui. Chaque Partie disposera d’un temps de

parole de trois heures. La Colombie présentera ses arguments aujourd’hui, et le Nicaragua, demain

à 10heures. Le second tour de plaidoiries s’ouvr ira mercredi et chaque Partie disposera d’un

temps de parole de deux heures. La Colombie présentera son second tour d’arguments mercredi à

16 heures et le Nicaragua vendredi à 10 heures.

*

Je donne à présent la parole à S. Exc. M. Londoño Paredes, agent du Nicaragua. - 6 -

M. LONDOÑO :

1. Madame le président, Messieurs de la Cour, c’est un grand honneur pour moi de

m’adresser à la Cour, en qualité d’agent de la République de Colombie, dans ces audiences sur les

exceptions préliminaires déposées par mon pays da ns l’instance que le Nicaragua a introduite

contre la Colombie par sa requête du 6décembre 2001. Si vous me le permettez, Madame le

président, j’aimerais maintenant exposer brièvement les faits essentiels :

2. Un différend divisait la Colombie et le Nicaragua depuis 1838 au sujet de la côte des

Mosquitos, et depuis 1890 au sujet des îles du Maïs . En 1913, le Nicaragua élargit ce différend en

émettant, pour la toute première fois, des prétenti ons sur l’archipel de SanAndrés. Cet archipel

12 faisait partie depuis un siècle déjà d’une des provi nces de la République de Colombie et relevait de

la juridiction de cette dernière comme n’importe quelle autre partie de son territoire national.

Malgré cela, une longue négociation s’engagea alors sur l’en semble du différend, qui devait

prendre fin avec la conclusion, le 24 mars 1923, du traité Esguerra-Bárcenas.

3. Aux termes de ce traité, la Colombie reconnaissait la souveraineté du Nicaragua sur la

côte des Mosquitos et les îles du Maïs, tandis que le Nicaragua reconnaissait celle de la Colombie

sur les îles de San Andrés, Providencia, Santa Catalina, et tous les autres îles, îlots et cayes faisant

partie de l’archipel de SanAndrés. Les deux Parties y déclaraient expressément aussi que la

souveraineté sur trois des cayes de l’archipel — Roncador, Quitasueño et Serrana — était en litige

entre la Colombie et les Etats-Unis d’Amérique.

4. Le traité fut examiné et approuvé par les deux chambres du Congrès dans chaque pays.

e
L’accord conclu par les Parties, qui faisait du 82 méridien de longitude ouest la limite maritime

entre elles, fut incorporé dans le protocole d’échan ge des ratifications du traité, le 5 mai 1930. Le

traité de 1928, avec le protocole de 1930, ont été enregistrés auprès de la Société des Nations par la

Colombie, le 16 août 1930 et, deux ans plus tard, par le Nicaragua, le 25 mai 1932.

5. La Colombie a continué à exercer de ma nière publique, pacifique et ininterrompue sa

souveraineté sur l’ensemble de l’ archipel de SanAndrés et sa juridiction sur les zones maritimes

connexes jusqu’à la limite du 82 eméridien de longitude ouest. - 7 -

6. Et voici que le Nicaragua aujourd’hui voudrait non seulement que la Cour légitime sa

tentative pour revenir sur un traité territorial etfrontalier en vigueur depuis troisquarts de siècle,

mais aussi que l’archipel colombien de SanAndrés lui soit livré sur un plateau d’argent, en dépit

des dispositions du traité et en dépit du fait que le Nicaragua n’a jamais exercé de juridiction sur

l’archipel. De même, le Nicaragua voudrait que la Cour fasse abstraction de la délimitation

maritime opérée par le traité de 1928/1930. Ce que souhaiterait le Nicaragua, en fait, c’est que la

Cour consacre une violation flagrante du principe essentiel qui régit les relations internationales:

pacta sunt servanda.

7. La Colombie a pour pratique immuable de r especter les traités et accords internationaux.

Elle a conclu dix-sept traités et accords portant sur des questions territoriales ou des délimitations

terrestres ou maritimes avec douze Etats. Elle a également eu recours à l’arbitrage: avec le

CostaRica, devant le président de la France, et av ec le Venezuela, devant le roi d’Espagne et la

13 Confédération suisse. Plusieurs de ces traités et sentences arbitrales ont des liens avec la présente

espèce, dans la mesure où ils se rapportent directement ou indirectement à l’archipel de San Andrés

et aux espaces maritimes connexes.

8. De son côté, le Nicaragua a cherché à re jeter les frontières établies avec tous ses voisins,

qu’elles aient été fixées par une sentence arbitrale ou par des traités qu’il avait signés et ratifiés. Le

Nicaragua s’est aussi permis de mettre en questio n d’autres traités et arrangements territoriaux en

vigueur, portant sur des questions de délimitation et d’autres questions, signés entre la Colombie et

d’autres Etats de la région. L’attitude du Nicar agua implique de graves conséquences pour la

stabilité de la région.

9. Madame le président, Messieurs les juges, la Colombie et le Nicaragua sont parties au

pacte de Bogotá, qui prévoit plusieurs procédur es de règlement pacifique des différends. Le

Nicaragua voudrait que la Cour écarte une dispositio n essentielle de cet instrument, son article VI,

qui dispose que les procédures établies par le pacte ne s’appliquent pas aux questions déjà réglées

au moyen d’une entente entre les parties, ou régies par des accords ou traités en vigueur à la date de

la signature du pacte, le 30avril1948. Toutes les prétentions du Nicaragua se rapportent à des

questions qui ont ainsi été réglées ou qui sont ainsi régies. - 8 -

10. Le Nicaragua voudrait aussi que la Cour fasse abstraction d’une disposition du pacte qui

vise à empêcher une partie de tenter de faire appliquer l’une ou l’autre des procédures de

règlement—y compris le recours à la Cour internationale de Justice— à des questions

expressément exclues par le pacte lui-même. Il s’agit de l’articleXXXIV, qui dispose que les

différends portant sur des questions telles que celles qui sont visées par l’articleVI doivent être

déclarés terminés.

11. Le Nicaragua invoque aussi comme base supplémentaire de compétence les déclarations

faites en vertu de la clause facultative. Avant le dépôt de la requête du Nicaragua, cependant, la

Colombie avait retiré sa déclaration de 1937 avec effet immédiat.

12. Le Nicaragua voudrait que la Cour ne f asse aucun cas de la volonté manifestée par la

Colombie dans sa lettre de retrait de sa déclarati on et ne tienne pas compte non plus de la pratique

concordante des deux Etats, dont témoigne le fait que le Nicaragua, à l’époque, venait lui–même de

modifier sa déclaration de 1929, également avec effet immédiat.

13. Et le Nicaragua voudrait aussi que la Cour fasse abstraction de la réserve que la

Colombie avait faite à sa déclaration d’acceptatio n de la compétence de la Cour, excluant les

différends nés de faits antérieurs au 6 janvier 1932, alors que toutes les questions soulevées par le

Nicaragua dans sa requête procèdent de tels faits.

14. Le désir du Nicaragua de contourner ces limites à la compétence de la Cour est évident

mais, Madame le président, le Nicaragua ne doit pas prendre ses désirs pour des réalités. Le fait

14 est, comme la Colombie le montrera dans cette procédure, que, pas plus au titre du pacte de Bogotá

que dans le contexte de la clause facultative, la Cour n’a compétence pour connaître de cette

affaire.

15. Madame le président, suivant le pacte de Bogotá, il incombe à la Cour d’établir que, dans

les circonstances de l’espèce, les conditions én oncées à l’articleVI du pacte sont remplies ⎯ à

savoir que :

⎯ le traité de 1928 et son protocole d’échange d es ratifications de 1930 étaient en vigueur le

30 avril 1948, date de la conclusion du pacte ; - 9 -

⎯ le traité et le protocole ont réglé la question de la souveraineté sur l’archipel de San Andrés ; et

que la limite entre les deux Etats a été fixée dans l’accord incorporé dans le protocole de 1930.

Cela étant établi, il appartient à la Cour, en application de l’article XXXIV du pacte, de conclure

qu’elle n’a pas compétence pour connaître du différend et déclarer ce dernier terminé.

16. En outre, la Colombie a abrogé à son accepta tion de la juridiction obligatoire de la Cour

et ne consent donc plus à ce que celle-ci exerce sa compétence sur la base du paragraphe2 de

l’article 36 du Statut.

17. Quand bien même la déclaration de 1937 serait applicable, la Cour n’aurait de toute

façon pas compétence pour connaître de l’affaire en vertu des termes mêmes de cet instrument, car

le différend soulevé par le Nicaragua au sujet de la souveraineté sur l’archipel de San Andrés et de

e
l’établissement de la limite du 82 méridien de longitude ouest se rapporte à des faits antérieurs

au 6 janvier 1932.

18. En résumé, Madame le président, tant en raison du retrait de la déclaration de la

Colombie qu’en raison des termes même de celle-ci, le paragraphe 2 de l’article 36 ne s’applique

tout bonnement pas.

19. Madame le président, Messieurs les juges, dans ses observations écrites de2004, le

Nicaragua reproche à la Colombie d’avoir manqué de fermeté et de constance dans sa défense de

e
l’utilisation du 82 méridien de longitude ouest comme frontière maritime entre les deuxpays,

faisant valoir qu’ont eu lieu ce qu’il appelle des «cycles de négociations» à ce sujet. C’est tout

simplement faux, et la Colombie appelle l’attention de la Cour sur un fait significatif : le Nicaragua

15 reconnaît lui-même dans ses observations écrites 1 que la Colombie a toujours défendu la limite

maritime établie par accord des deux pays en 1930.

20. Le Nicaragua allègue également, de manièr e indéfendable, que la Colombie aurait agi de

mauvaise foi pendant la période qui a mené au re trait de sa déclaration en vertu de la clause

facultative.

1
Observations écrites du Nicaragua (OEN), p. 19, par. 1.22. - 10 -

21. Non content de déformer les faits, le Ni caragua prétend que ses dires sont étayés par des

déclarations sous serment qui ont en fait été fabr iquées des années après les événements pour les

besoins de la cause et qui ne reflètent nulle ment la réalité. Mon gouvernement rejette

vigoureusement les prétentions et les déclarations sous serment du Nicaragua, et il est certain que la

Cour ne leur accordera aucun crédit.

22. Madame le président, Messieurs les juges, au vu de ses observations écrites, la stratégie

du Nicaragua semble on ne peut plus claire: il veut inciter la Cour à déclarer que, dans les

circonstances de l’espèce, les exceptions colombiennes n’ont pas un caractère exclusivement

préliminaire. Il tente d’y parvenir en soulev ant lui-même continuellement des questions qui

relèvent en fait du fond et en déformant la position de la Colombie, qu’il accuse d’agir de la même

manière. Ce faisant, le Nicaragua ne respecte pas les dispositions de l’article 79 du Règlement, pas

plus que l’instruction de procédure VI. Pour sa part, la Colombie se conformera à ces dispositions

et limitera donc ses exposés aux questions qui se rapportent aux exceptions.

23. La Colombie prie respectueusement la Cour de retenir les exceptions préliminaires

qu’elle a présentées, mettant ainsi un terme à la tentative du Nicaragua pour obtenir des territoires

et des eaux appartenant à la Colombie.

24. Je sais gré à la Cour de m’avoir accordé le privilège d’engager les plaidoiries de la

Colombie dans le cadre de la présente procédure. Si la Cour le veut bien, sirArthurWatts va

poursuivre la présentation des exceptions préliminaires de la Colombie, en exposant tout d’abord le

contexte et les aspects généraux pertinents. M. Weil analysera ensuite l’exception fondée sur le

pacte de Bogotá, avant que M. Stephen Schwebel ne traite celle qui concerne les déclarations faites

en vertu de la clause facultative. Je vous prie à présent, Madame le président, de donner la parole à

sir Arthur Watts.

Le PRESIDENT: Je remercie l’agent de la Colombie et donne maintenant la parole à
16

sir Arthur Watts.

Sir Arthur WATTS: Merci Madame le président . Madame le président, Messieurs de la

Cour, c’est un honneur pour moi de m’adresser aujour d’hui à la Cour en qualité de conseil de la

République de Colombie. - 11 -

1. Permettez-moi d’indiquer pour commencer que mes collègues et moi-même ne donnerons

pas lecture des références citées en notes du texte écrit de nos plaidoiries mais que nous espérons

qu’elles seront utiles à la Cour lorsque celle-ci lira le compte rendu.

2. Madame le président, permettez-moi, pour un instant, de mettre de côté les détails de la

présente affaire, et d’aller au cŒur du problème.

3. Il y a près de deux cents ans, l’Empire espagnol dans les Amériques s’est décomposé.

Cela n’a pas été sans confusion. Il y avait de nombreuses incertitudes, notamment en ce qui

concerne l’étendue géographique des nouveaux Etat s indépendants qui succédaient à cet empire, et

il y a eu des différends, inévitablement.

4. Il y a eu des différends entre la Colombie et le Nicaragua. Ils se sont embrasés de temps à
e e
autres ⎯ il y a longtemps, au XIX siècle, et durant les premières années du XX siècle. Il y a eu

des négociations prolongées et, finalement, en 1928 et 1930, un règlement conventionnel a été

adopté.

5. Et le traité a été appliqué. Pendant les cinq années qui ont suivi tout s’est bien passé ; et

pendant dixans encore; et quinze ans; et ving tans, et ainsi de suite, en fait pendant un

demi-siècle. Ce n’est qu’en1980 que le Ni caragua a soulevé des problèmes au sujet de ce

règlement conventionnel ⎯ cinquante ans après qu’il eut été conclu !

6. Et maintenant le Nicaragua saisit la Cour. Pour quelle raison, Madame le président ? Le

Nicaragua voudrait que la Cour lui adjuge des territoires et espaces maritimes qui ont toujours été

colombiens, qui l’étaient déjà avant même que le Nicaragua n’apparaisse en tant que nation

indépendante, et que le traité conclu il y a si longtemps a confirmés en tant que tels.

7. En bref, soyons clairs, le Nicaragua voudrait que la Cour écarte un règlement

conventionnel qui existe depuis soixante-quinze ans: le Nicaragua veut que la Cour réécrive

l’histoire.

8. Madame le président, Messieurs de la Cour , permettez-moi maintenant de me pencher sur

les détails de l’affaire. La Colombie a soulevé deux exceptions préliminaires. La première est que

le différend que le Nicaragua voudra it porter devant la Cour a été réglé il y a soixante-quinze ans

17 dans le traité Esguerra-Bárcenas de 1928-1930 et qu’en conséquence, aux termes du pacte de

Bogotá, la Cour n’est pas compétente pour examiner ce différend quant au fond. - 12 -

9. La seconde exception de la Colombie est que la Cour n’est pas compétente aux termes des

déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour.

10. L’étendue de ce qui a été réglé dans le traité Esguerra-Bárcen as est d’une importance

cruciale. Peut-être pourrais-je donc aider la Cour en commençant par décrire la genèse de ce traité

puis en expliquant les termes du règlement arrêté il y a si longtemps.

C ONTEXTE HISTORIQUE

11. Je peux faire assez brièvement l’historique de ce règlement , en particulier parce que de

toute manière le différend auquel ces circonstances historiques ont donné naissance a déjà été réglé.

12. Ce différend avait ses origines dans les circonstances dans lesquelles a eu lieu

e
l’éclatement de l’Empire espagnol dans les Amériques au début du XIX siècle. Les données

géographiques essentielles de ce vieux différend sont indiquées sur la carte figurant à l’onglet n o 2

du dossier des juges et que vous voyez maintenant sur l’écran. En étant le plus bref possible, la

situation était la suivante.

e 3
1) Au début du XIX siècle, la vice-royauté de Santa Fe (qui correspondait pour l’essentiel à

l’actuelle Colombie) comprenait la côte des Mos quitos de l’actuel Nicaragua et l’archipel de

San Andrés (qui comprenait les îles du Maïs) ;

2) en ce qui concerne la côte des Mosquitos, le titre historique et juridique de la Colombie lui

venait de l’Espagne; mais, devenue indépendante, la Colombie n’en a pas moins dû défendre

ses droits par des moyens diplomatiques, d’abor d contre la Grande-Bretagne qui occupait cette

côte, puis contre le Nicaragua ;

3) en 1890, le différend avec le Nicaragua s’est étendu aux îles du Maïs, que le Nicaragua avait

occupées par la force, en dépit des protestations des insulaires et du Gouvernement colombien ;

4) ces divergences d’opinion au sujet de la côte des Mosquitos et des îles du Maïs se sont

intensifiées en1913. Cette année-là, la Nicara gua et les Etats-Unis ont signé un traité par

lequel le Nicaragua entendait donner les îles du Maïs à bail aux Etats-Unis: la Colombie a

2
Pour plus de détails voir EPC, introduction, p. 6-8, par. 9-13 ; p. 29-32, par. 1.22-1.32.
3EPC, p. 29, par. 1.22, note 18. - 13 -

18 protesté et, en réponse, le Nicaragua a réaffirmé ses prétendus droits sur la côte des Mosquitos

et les îles du Maïs et, pour lapremière fois, revendi qué la souveraineté sur certaines îles de

l’archipel de San Andrés.

13. Le désir du Nicaragua d’accroître son territoire aux dépens de la Colombie est manifeste.

1913-1928 : LES NÉGOCIATIONS

14. La Colombie et le Nicaragua ont alor s engagé des négociations qui ont duré quelque

quinze ans. Elles ont abouti au traité Esguerra-B árcenas de 1928 et à son protocole d’échanges de

ratifications de 1930. Dans ce traité et ce protocole, les deux Etats ont réglé leurs différends.

15. Le règlement adopté à l’époque comprenait trois éléments clairs et simples.

⎯ Premièrement, la Colombie reconnaissait la souveraineté du Nicaragua sur la côte des

Mosquitos et les îles du Maïs ;

⎯ deuxièmement, le Nicaragua rec onnaissait la souveraineté de la Colombie sur l’archipel de

San Andrés ; et

⎯ troisièmement, la Colombie et le Nicaragua d écidaient d’un commun accord que le méridien

o
de 82 de longitude ouest constituait leur frontière.

16. Ce règlement est illustré sur la carte constituant l’onglet n du dossier des juges, que

vous voyez maintenant à l’écran. Ceci est le règlement conventionnel adopté par les deux Etats ; et

c’est ce règlement convenu, Madame le président et Messieurs de la Cour, qu’en l’espèce le

Nicaragua voudrait désavouer.

L E TRAITÉ ESGUERRA -B ÁRCENAS DE 1928-1930

1928 : la signature du traité

17. Permettez-moi d’examiner ce règlement de plus près. Le traité signé en 1928 est bref et

simple. Sa traduction en anglais figure à l’onglet 7 b) du dossier des juges.

18. Il ne contient qu’un seul article de fond, qui apparaît maintenant à l’écran et qui est

o
reproduit à l’onglet n7 a) du dossier des juges. Il comprend en fait trois parties. - 14 -

⎯ La première partie de l’artic le premier dispose que la Colo mbie reconnaît la souveraineté

pleine et entière du Nicaragua sur «la côte des Mosquitos, comprise entre le cap de Gracias a

Dios et la rivière San Juan, et sur les îl es Mangle Grande et Mangle Chico dans l’océan

Atlantique (Great Corn Island et Little Corn Island)». C’était la concession que la Colombie

faisait au Nicaragua dans le cadre du compromis diplomatique qui avait été négocié.

19 ⎯ La deuxième partie de l’article premier indique que le Nicar agua reconnaît la souveraineté

pleine et entière de la Colombie sur «les îles San Andrés, Providencia, Santa Catalina et tous

les autres îles, îlots et récifs qui font partie de l’archipel de San Andrés». Dans le cadre de la

présente instance, ce libellé est particulièrement important et il est surligné à l’onglet n7 a) du

dossier et apparaît maintenant à l’écran. Il montre clairement que l’archipel ne comprend pas

seulement les trois îles nommées, à savoir San Andrés, Providencia et Santa Catalina: il

comprend d’autres «îles, îlots et récifs». Et c’ est sur «tous» ces autres îles, îlots, et récifs qui

font aussi partie de l’archipel que la souveraineté de la Colombie est si pleinement reconnue

par le Nicaragua.

⎯ La troisième partie de l’article I concerne la situation particuliè re de trois cayes de l’archipel

⎯Roncador, Quitasueño et Serrana. Elle indique que «[l]e… traité ne s’applique pas [à ces

trois] récifs …, dont la possession fait actuellement l’objet d’un litige entre la Colombie et les

Etats-Unis d’Amérique». Pour le Nicaragua, ceci signifierait que ces troiscayes ne font pas

partie de l’archipel de San Andrés. Or, au contraire, cette disposition n’est explicable que s’ils

font partie de l’archipel: ce n’est que s’il en est ainsi qu’il est nécessaire de les soustraire au

champ d’application de la disposition princi pale de «reconnaissance de souveraineté» de

l’articlepremier, à laquelle ils auraient autrement été assujettis. Etant donné que l’archipel

était un élément du différend que les Parties étaien t en train de résoudre, il n’y avait aucune

raison d’inclure une disposition relative à ces tr ois cayes s’ils n’avaient pas fait partie de

l’archipel.

19. L’article premier implique aussi nécessairement que le Nicaragua n’avait lui-même

aucune prétention de souveraineté à l’égard de ces trois cayes et qu’il reconnaissait que la

souveraineté sur ces formations faisait «l ’objet d’un litige entre la Colombie et les Etats-Unis

d’Amérique». Il n’est fait mention d’aucun différend relatif à une revendication ou un droit du - 15 -

Nicaragua. Il est inconcevable que si le Nicara gua avait eu des prétentions à l’égard de ces trois

cayes, il ne les ait pas même mentionnées. Or, aucune mention de ce type n’a été faite, tout

simplement parce qu’aucune prétention n’existait. De fait, pendant les décennies qui ont suivi

l’entrée en vigueur du traité, le Nicaragua n’a jamais revendiqué aucun droit sur ces trois cayes. En

20 réalité, le litige entre la Colombie et les Etats-Un is d’Amérique auquel il est fait référence est réglé

depuis longtemps, ainsi que cela est expliqué dans les exceptions préliminaires de la Colombie 4.

20. En résumé, entre la Colombie et le Nicaragua, le statut des trois cayes a été réglé par

l’article premier et a été depuis lors régi par cette disposition: les Parties reconnaissaient que ces

cayes faisaient partie de l’archipel, et que le Nicaragua n’avait aucune revendication sur elles.

21. Voilà comment, Madame le président, Messi eurs de la Cour, le traité Esguerra-Bárcenas

a réglé et régi le différend entre la Colombie et le Nicaragua relativement à l’ensemble de l’archipel

de San Andrés et de la côte des Mosquitos.

22. Les îles, îlots et cayes formant l’archipel de SanAndrés qui ont toujours été sous la

souveraineté et la juridiction de la Colombie sont connus depuis longtemps dans la région : ils sont

5
présentés dans les exceptions préliminaires de la Colombie , et ce sous la forme employée depuis

longtemps dans les textes et sur les car tes officiels 6. A cet égard, rien n’a changé. Par exemple,

en1896, lorsque le ministre des affaires étrangè res colombien de l’époque, JorgeHolguin, fit

référence à l’occupation des îles du Maïs par — comme par hasard— le Nicaragua, il indiqua que

l’archipel de SanAndrés était formé de trois groupes d’îles qui s’étendaient des côtes de

l’Amérique centrale ⎯ faisant face au Nicaragua ⎯ à la caye de Serranilla, le premier de ces

groupes étant formé par les îles de Providencia et SantaCatalina et par les cayes de Roncador,

Quitasueño, Serrana, Serranilla et BajoNuevo, le second par les îles de SanAndrés et les cayes

d’Albuquerque, CourtownBank et d’autres de moindr e importance, et le troisième par les îles de

7
San Luis de Mangle, telles que Mangle Grande, Mangle Chico et les cayes de Las Perlas .

4
EPC, p. 55-56, par. 1.82-1.88.
5Ibid., p. 25, par. 1.7-1.9.

6Ibid., vol. III, cartes 4, 4bis, 5, 5bis, 6, 6bis, 7, 7bis, 8, 8bis, 9, 9bis, 10, 10bis, 11, 11bis.
7
Le rapport au Congrès de 1886 figure dans Anales Diplomáticos y Consulares de Colombia (archives
diplomatique et consulaire de Colombie), vol.IV-1914, Imprenta Nacional, Bogotá, 1914, p.716. Une traduction du
chapitre contenant le passage pertinent a été fournie au Greffe de la Cour. Il s’agit d’une publication relevant du domaine
public facilement accessible et disponible sur Internet à l’adresse - 16 -

21 1928-1930 : l’approbation et le processus de ratification

23. En Colombie, le traité a été approuvé par le Congrès le 17novembre1928, quelque

8
neuf mois après sa signature .

9
24. Au Nicaragua , le traité a été approuvé le 5avril1930, près de deux ans après sa

signature. Il a été soumis au Congrès en décembre1928. L’année suivante, le Sénat a créé une

commission d’étude chargée d’examiner le traité et de lui faire une recommandation relativement à

son approbation.

25. Les membres du Gouvernement nicaraguayen et du Congrès ont jugé important d’ajouter

e
une disposition fixant le 82 méridien de longitude ouest «comme limite dans le différend avec la

10
Colombie» . Le texte de 1928 ayant déjà été appr ouvé par le Congrès colombien, cette

proposition nécessitait de nouvelles négociations entre le Nicaragua et la Colombie 11.

26. La Colombie a accepté la proposition nicaraguayenne, tout en demandant que la

e
disposition désignant le 82 méridien de longitude ouest comme frontière soit incluse dans le

protocole d’échange des ratifications 12. Le Nicaragua y a consenti.

27. La commission d’étude du Sénat nicaragua yen a accepté cette disposition additionnelle

convenue d’un commun accord ⎯«étant entendu que l’archipel de SanAndrés, mentionné à

l’article premier du traité, ne s’étend[ait] pas à l’ouest du 82° de longitude Greenwich» 13. Le Sénat

nicaraguayen a approuvé à l’unanimité le traité le 6mars1930, et ce avec la disposition

additionnelle proposée par le Nicaragua et acceptée par la Colombie.

http://www.lablaa.org/blaavirtual/historia/andicoiv/mem1896e.pdf (passage pertinent),

http://www.lablaa.org/blaavirtual/historia/andicoiv/indice.htm (texte intégral du volume IV).

Ce document est également di sponible dans les bibliothèques suivantes : bibliothèque du Palais de la Paix,
LaHaye, Systematiccode 452, Reque st number P 138; bibliothèque du Congr ès des Etats-Unis d’Amérique, LC
Classification (Call Number) JX553.A3, LC Control No. 1202 7366; et Bibliothèque de l’office des NationsUnies à
Genève, numéro 986.1:327 A532 Stack L, base de données en ligne: UNOG Catalog 1987 – Today, United Nations
Office at Geneva Library (pre-1987).
8
EPC, p. 39-40, par. 1.48-1.50.
9
Ibid., p. 40-49, par. 1.51-1.68.
10
Ibid., p. 40, par. 1.52.
11Ibid., p. 40-41, par. 1.52-1.58.

12Ibid., p. 40, par. 1.54.
13
Ibid., p. 42, par. 1.59. - 17 -

28. Un mois plus tard, la Chambre des députés a approuvé le traité, en même temps que cette

14
disposition additionnelle . Le décret d’approbation adopté par le Congrès mentionnait

expressément le 82 e méridien de longitude ouest comme frontière 15. Le président du Nicaragua a

donné force de loi au décret le 5 avril 1930 16.

22 29. L’attitude du Nicaragua durant ce pro cessus d’approbation est particulièrement

importante, dans la mesure où l’adoption du 82 e méridien de longitude ouest comme ligne de

partage avait été proposée par le Nicaragua lui-même. Ainsi qu’il a été indiqué au cours des débats

au Sénat, il l’avait suggéré parce que la «délimitatio n [de la frontière maritime était] indispensable

pour clôturer définitivement cette question» 17.

30. Le ministre des affaires étrangères nicaraguayen s’est exprimé en des termes similaires

devant le Sénat, indiquant que la question en litige ne pourrait être définitivement tranchée que si la

18
frontière était fixée .

31. En outre, lorsque le ministre des affa ires étrangères a été entendu par le Sénat le

5mars1930, il a évoqué l’accord antérieur interv enu entre la commission d’étude du Sénat et le

e
ministère des affaires étrangères visant à ce que «le 82 méridien de longitude ouest [soit reconnu]

en tant que frontière dans le différend avec la Colombie» 19, en tant que «frontière géographique

20
entre les archipels en litige» .

32. Le Nicaragua essaie maintenant d’écarter ces données historiques en rejetant avec

dérision l’argument que tire la Colombie de «certains termes employés par des sénateurs

21
nicaraguayens lors des débats relatifs à la ratification» . Madame le président, Messieurs de la

Cour, il ne s’agit pas là de vues informelles exprimées par des membres secondaires d’un organe

législatif, mais des débats officiels de ratification, et d’allocutions prononcées par des sénateurs

appartenant à la commission d’étude et à la commi ssion des affaires étrangères, lors d’une séance

14EPC, p. 48, par. 1.66.
15
Ibid., p. 48, par. 1.67.
16
Ibid., p. 49, par. 1.68 ; vol. II, annexe 10, p. 69-73.
17
Ibid., p. 44, par. 1.61.
18Ibid., p. 47, par. 1.63.

19Ibid., p. 45, par. 1.62.

20Ibid., p. 47, par. 1.63.
21
OEN, p. 36, par. 155 ; voir également p. 36, par. 1.56 et p. 37, par. 1.58. - 18 -

plénière du Sénat nicaraguayen expressément cons acrée à la question de l’inclusion du méridien

de 82° de longitude ouest dans le traité. Et il ne s’agit pas seulement de sénateurs, mais de propos

tenus officiellement par le ministre des affair es étrangères nicaraguayen lui-même, lorsqu’il a été

convoqué par le Sénat précisément pour expliquer la portée de la disposition convenue avec la

Colombie. Or, la Cour a déjà jugé que des déclarations officielles de
ministres des affaires

étrangères devant le congrès faisaient partie d’un ensemble de comportements sur lequel un Etat ne

pouvait pas revenir par la suite ( Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le

23 décembre 1906 (Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 213) 22.

23 33. Avant d’être proposée à la Colombie et examinée par le Congrès nicaraguayen,

l’inclusion dans le traité du 82 eméridien de longitude ouest co mme frontière a été analysée avec

attention par le ministre des affaires étrangères et ses conseillers, ainsi que par les membres de la

commission des affaires étrangères du Sénat. Les termes qu’ils ont employés lors des débats

relatifs à l’approbation n’étaient clairement pas le fruit du hasard: ils savaient parfaitement ce

qu’ils disaient lorsqu’ils ont employé des termes comme «frontière … entre les archipels en litige»

et «frontière maritime» 23.

e
34. En conséquence, le Nicaragua ⎯ qui a lui-même proposé de mentionner le 82 méridien

de longitude ouest ⎯ ne peut pas aujourd’hui désavouer les vues exprimées alors par ses propres

organes législatifs, ainsi que par son ministre des affaires étrangères, à l’époque même où sa

proposition était adoptée et approuvée par ses propres parlement, gouvernement et président.

35. En résumé, Madame le président, Messieurs de la Cour, il ressort clairement des faits

historiques relatifs à cette question que le 82 e méridien de longitude ouest était considéré par les

deux Etats comme une frontière.

22Dans l’affaire de la Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906 , la Cour a estimé que
les déclarations formulées pa r le ministre des affaires étrangères dans un rapport à l’Assemblée, figuraient parmi les
éléments indiquant, selon elle, que le Nicaragua avait «par ses déclarations expresses et par son comportement, reconnu
le caractère valable de la sentence et il n’[était] plus en droit de revenir sur ce tte reconnaissance pour contester la validité
de la sentence», Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23décembre1906 (Honduras c.Nicaragua), arrêt,

C.I.J. Recueil 1960, p. 192-213.
23OEN, p. 44, par. 1.61 ; et p. 46, par. 1.63. - 19 -

1930 : le protocole d’échange des ratifications

e
36. L’accord portant sur le 82 méridien de longitude ouest a été inscrit dans le protocole

d’échange des ratifications de 1930 24. Dans ce protocole, le ministre des affaires étrangères du

Nicaragua et le ministre colombien à Managua ont déclaré «que l’archipel de SanAndrés et

Providencia, mentionné à l’article premier du traité susmentionné, ne s’étend[ait] pas à l’ouest du

quatre-vingt-deuxième degré de longitude Greenwich». Cette formulation était en substance la

même que celle sur la base de laquelle le C ongrès nicaraguayen avait approuvé l’inclusion du

82° méridien de longitude ouest en tant que partie essentielle et intégrante de l’accord.

37. Le protocole indiquait que le traité ava it été conclu «pour mettre un terme à la question

pendante entre les deux républiques» au sujet de l’ar chipel et de la côte des Mosquitos, règlement

que le ministre des affaires étrangères nicaragua yen considérait comme nécessaire pour le bien des

25
deux pays . J’appelle cependant votre attention sur une différence importante entre les termes

employés dans le protocole et les termes corr espondants utilisés dans le préambule du traité lui-

o
même. Les deux textes apparaissent à l’écran, et ils figurent à l’onglet n 8 du dossier des juges.

Dans le traité, les parties —avant d’ajouter le 82 eméridien de longitude ouest en tant que

frontière—ont indiqué qu’elles étaient «désireuses de mettre un terme au conflit territorial

pendant entre elles». Dans le protocole, ell es affirment vouloir mettre un terme à «la question»
24

pendante entre elles. En d’autres termes, elles ont «déterritorialisé» la nature de leur différend et

ceci est tout à fait logique puisqu’elles ont, dans le cadre du processus d’approbation du traité,

ajouté une dimension maritime à leur règlement.

38. Nous sommes là, Madame le président, au cŒur de la question. Il convient de se

demander quelle était l’intention des Parties. Et la réponse est claire. En convenant des limites de

l’archipel — une notion qui allie des espaces maritimes et des îles —, elles ont intentionnellement

conféré à leur accord une dimension maritime. Le Nicaragua, qui fut à l’origine de la proposition,

savait parfaitement que le méridien retenu devait constituer —pour reprendre ses propres

termes — la «ligne de partage des eaux» et une «frontière».

24
EPC, vol. II, annexe 1a, p. 3.
25EPC, p. 47, par.1.63. - 20 -

39. Les instruments de ratification ont été échangés et le traité est entré en vigueur

le5mai1930. Il est clair qu’à compter de ce tte date, les questions entrant dans le champ

d’application du traité étaient régies par celui-c i et que le différend qui avait donné lieu à sa

conclusion était définitivement réglé. Et, Madame le président, «réglé» signifie bien «réglé».

40. Sur les cartes officielles de la Colombie, le 82e méridien de longitude ouest a toujours

marqué la frontière entre les deux pays, et ce à compter de l’année qui a immédiatement suivi

l’entrée en vigueur du traité, c’est-à-dire 1931. De la même manière, les publications officielles du

ministère des affaires étrangères colombien concernant les frontières de la Colombie, parues

en1934 et1944 et intitulées «Limites de la répub lique de Colombie», désignent expressément ce

26
méridien comme la frontière entre la Colombie et le Nicaragua . Ce dernier n’a formulé aucune

réserve ni aucune objection à ces publications, qui étaient de notoriété publique et largement

diffusées.

1930-1932 : E NREGISTREMENT AUPRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES N ATIONS

41. Le Nicaragua ne s’est pas contenté de signer, d’approuver et de ratifier le traité, puis de

le faire entrer en vigueur par l’échange des ratifica tions, il est allé plus loin. Le 16août1930, la

Colombie a enregistré le traité et son protoc ole d’échange des ratifications auprès du secrétaire

27
général de la Société des Nations . Quoique cette procédure fût suffisante pour que le traité soit

enregistré, le ministre des affaires étrangères nicaraguayen l’a enregistré de nouveau deux ans plus

28
25 tard, et de sa propre initiative . Rien ne saurait démontrer plus clairement l’importance attachée

par le Nicaragua ⎯ainsi que par la Colombie ⎯ au règlement que représentait la conclusion du

traité de 1928-1930.

1948 : STATUT DU TRAITÉ E SGUERRA -BÁRCENAS DE 1928-1930

42. Permettez-moi maintenant d’en venir à 1948. A cette date, les deux Parties se

conformaient au traité depuis près de 20ans; le Nicaragua n’avait formulé aucune objection,

aucune question quant au champ d’application ou à la validité de celui-ci.

26EPC, p. 69-70, par. 1.115.
27
EPC, p. 52, par. 1.74.
28EPC, p. 52, par. 1.75. - 21 -

43. En avril 1948 était conclu le pacte de Bogotá. Ce traité ―à la fois lex posterior et

lex specialis ―régit la compétence de la Cour en l’ espèce. De plus, ainsi que M.Weil va

l’expliquer, son articleVI dispose que les pr océdures énoncées dans le pacte, y compris le

règlement judiciaire, ne s’appliquent pas aux questions «déjà réglées» entre les Parties ou «régies

par … des traités en vigueur à la date de signature du … pacte».

44. La Cour doit par conséquent se mettre dans la situation de1948. Il est évident que le

traité Esguerra-Bárcenas était en vigueur en 1948. Les deux Parties s’étaient toujours conduites en

partant du principe que ce traité était en vigueur à cette époque. Si, en 1948, on avait demandé au

Nicaragua s’il était en vigueur, la seule réponse c oncevable aurait été: «oui, bien sûr, il est en

vigueur» ; car le fait est qu’il l’était.

45. Lorsqu’il a signé et ratifié le pacte de Bogotá, le Nicaragua a formulé une réserve ; mais

29
celle-ci ne concernait en rien le traité de 1928-1930 . Le Nicaragua était donc parfaitement

conscient de la possibilité de formuler une ré serve; de plus, il connaissait —évidemment—

e
l’existence du traité et de son protocole, et savait que le 82 méridien de longitude ouest était

présenté comme une limite dans les publications et les cartes officielles de la Colombie telles que

30
celle de 1931 ; et pourtant, il n’a formulé aucune réserve à cet égard. Rien ne saurait démontrer

plus clairement qu’en 1948 le Nicaragua reconnaissait que le traité était en vigueur.

1980 ET 2003 : LA VAINE TENTATIVE DU N ICARAGUA DE REVENIR SUR
LE RÈGLEMENT CONVENTIONNEL DE 1928-1930

46. Permettez-moi maintenant de «sauter» en core trente-deux années, pour en arriver au

4 février 1980. Le Nicaragua, par une déclarati on scandaleuse émanant de la junte révolutionnaire

26 provisoire nouvellement arrivée au pouvoir, a prétendu déclarer unilatéralement le traité nul et non

avenu. Il s’agissait là d’une contestation désespérée, dépourvue de tout fondement et sans aucun

effet juridique. C’était la toute première fois que le Nicaragua contestait le traité, un demi-siècle

après son entrée en vigueur.

29
Elle portait sur la validité d’une sentence arbitrale rendue en 1906 au sujet de la frontière avec le Honduras:
EPC, p. 81, par. 2.19.
30EPC, vol. III, cartes 4 et 4bis. - 22 -

47. Madame le président, la Cour a déjà eu à connaitre d’une question similaire. En l’affaire

de la Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23décembre1906 (Honduras

c. Nicaragua), (arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p.192), elle s’est, de la même manière, trouvée

confrontée à une tentative du Nicaragua d’annule r un règlement territorial antérieur avec le

Honduras. Cette affaire portait sur une sentence arb itrale. Le Nicaragua avait reconnu la validité

de la sentence. La Cour a jugé qu’«il n’[était ] plus en droit de revenir sur cette reconnaissance

pour contester la validité de la sentence. Le fa it que le Nicaragua n’ait émis de doute quant à la

validité de la sentence que plusieurs années apr ès avoir pris connaissance de son texte complet

confirme la conclusion à laquelle la Cour est parvenue» ( ibid., p. 213). Dans cette affaire, la Cour

a considéré que, après «plusieurs années» —six, en l’occurrence—, il était trop tard; tel est à

fortiori le cas lorsque, comme en la présente espèce, plus d’un demi siècle s’est écoulé.

48. L’argument du Nicaragua, formulé après t outes ces années, selon lequel il aurait en fait

été, à l’époque de la conclusion du traité, privé de sa capacité de conclure des traités, ainsi que sa

déclaration officielle selon laquelle ce n’est qu’en juin 1979, lorsque la révolution a abouti, qu’il «a

recouvré sa souveraineté nationale» 3, sont l’un comme l’autre peu convaincants et, de fait,

totalement absurdes. Si l’on suit le raisonnement du Nicaragua, celui-ci considère-t-il aujourd’hui

comme nuls et non avenus tous les autres traités ou actes internationaux du Nicaragua antérieurs

à1979, date à laquelle il aurait «recouvré sa souvera ineté nationale»? En particulier, les deux

instruments sur lesquels le Nicaragua a fondé la compétence de la Cour en l’espèce — à savoir sa

déclaration de 1929 en vertu de la clause facultative, laquelle date de la mê me époque que le traité

de 1928-1930, et le pacte de Bogotá qu’il a ra tifié en 1950— sont-ils également nuls et non

avenus ?

49. L’autre argument — formulé pour la toute première fois dans les écritures du Nicaragua

en la présente affaire— selon lequel le traité se serait éteint parce que la Colombie l’aurait violé

en1969 n’est pas moins absurde. Le Nicar agua reconnait donc que le traité était en vigueur

en1969 (puisque, dans le cas contraire, il n’aurait pas pu être violé) mais, plus important encore,

27 qu’il était également en vigueur le 30 avril 1948, date de la conclusion du pacte de Bogotá.

31
Livre blanc du Nicaragua en l’affaire , Libro Blanco sobre el caso de San Andrés y Providencia , Ministerio de
Relaciones Exteriores de la Republica de Nicaragua, Managua, 4 février 1980, cité dans les EPC, p. 59, par. 1.94. - 23 -

32
Comme indiqué dans les exceptions préliminaires de la Colombie , les affirmations du Nicaragua

à cet égard sont dépourvues de fondement, en droit comme en fait.

50. En tout état de cause, le Nicaragua form ule — une fois encore — l’argument trop tard :

ce n’est que dans son mémoire, en avril 2003, qu’il a «découvert» cette conséquence d’une

violation qui se serait prétendument produite plus de trente ans auparavant. Nul n’est besoin que la

Colombie —ni, ainsi que cette dernière le suggè re respectueusement, que la Cour —perde son

temps à examiner un argument aussi manifestement dépourvu de fondement.

2004 : L ES PRÉTENDUES « PÉRIODES DE NÉGOCIATIONS » VISANT À DÉFINIR UNE NOUVELLE

FRONTIÈRE MARITIME ENTRE LA C OLOMBIE ET LE N ICARAGUA

51. Dans ses observations écrites, le Nicaragua avance une nouvelle thèse, encore plus

33
extravagante , qui concerne de prétendues «périodes de négociations» visant à établir une limite

maritime différente de celle du 82 e méridien de longitude ouest qui avait été convenue. Le

e
Nicaragua cherche à démontrer que la ligne du 82 méridien de longitude ouest n’est pas une

question «réglée» mais qu’elle fait encore l’objet de négociations et déforme, à cette fin, la position

de la Colombie.

52. La Colombie rejette entièrement l’affirmation du Nicaragua selon laquelle des

négociations sont en cours. Depuis 1930, la Colo mbie soutient avec fermeté et constance que la

question est «réglée». Il n’y a eu depuis aucune négociation sur la question des frontières. En

outre, le Nicaragua l’a lui-même indiqué à plusie urs reprises, que ce soit par la voix de ses plus

hauts représentants ou dans ses écritures en l’espèce. En fait, nul n’est besoin de chercher plus loin

que dans l’introduction de son mémoire pour trouver l’aveu suivant: «De son côté, la Colombie

34
persista à rejeter tout dialogue sur cette question…»

53. Les Etats discutent régulièrement avec le urs voisins afin de promouvoir la coopération,

d’éviter les incidents et de prendre des mesures conjointes de différentes natures dans les zones

frontalières terrestres ou maritimes. La Colombie, qui a des frontières terrestres avec cinq Etats et

32
EPC, p. 68-72, par. 1.112-1.119.
33OEN, p. 40-48, par. 1.67-1.84.

34MN, introduction, p. 9, par. 21. - 24 -

des frontières maritimes avec neuf, dont le Nicara gua, n’échappe naturellement pas à la règle.

Mais ces discussions ne peuvent en aucun cas être assimilées à des «périodes de négociations».

54. Exagérant une brève rencontre qui eut lieu, à la demande du ministre des affaires

étrangères du Nicaragua ⎯je répète, du Nicaragua ⎯, entre ce dernier et son homologue

colombien au cours de la suspension d’une réunion multilatérale en2001, le Nicaragua indique

également que le ministre des affaires étrangères colombien proposa à son collègue nicaraguayen

28 que «le dépôt de la requête nicaraguayenne» devant la Cour «f ût reporté pour pouvoir mener des

négociations sur les questions de délimitation territoriale et maritime qui étaient pendantes entre

35
leurs Etats respectifs» . Le Nicaragua poursuit en disant que «l e véritable but» de la requête était

de permettre à la Colombie de gagner du temps et d’achever de prendre les mesures juridiques et

36
politiques «nécessaires» pour le retr ait de sa déclaration facultative . Tout cela est absolument

faux et la Colombie rejette avec force cette affirmation. De manière plus pertinente, disons que le

Nicaragua part d’un postulat erroné : aucune mesure juridique et politique interne spécifique n’était

nécessaire pour que la Colombie puisse retirer sa déclaration.

55. Le Nicaragua omet également de mentionner que le dépôt tardif de la requête était dû à

ses propres contraintes budgétaires et non à une quelconque demande de la Colombie. Ainsi que

l’ont publiquement déclaré le président du Nicar agua et son ministre des affaires étrangères 37, le

crédit permettant de déposer la requête ne fut inscrit au budget qu’à la fin de 2001 : la requête fut

finalement déposée en décembre de cette année-là.

56. Les affirmations du Nicaragua seraient étayées par des déclarations sous serment

destinées à servir ses intérêts, faites par des fonctionnaires nicaraguayens plusieurs années après les

faits allégués ⎯ l’une d’elles, vingt-sixans après ⎯ et à la suite du dépôt par la Colombie de ses

exceptions préliminaires. C’est de cette manière douteuse que le Nicaragua tente ⎯mais en

35OEN, p. 128-129, par. 3.95-3.96.

36OEN, p. 129, par. 3.97.
37
Voir les déclarations faites à la presse, en octobre 2001, par le prés ident nicaraguayen, M. Arnoldo Alemán, et
le ministre des affaires étrangè res, M. FranciscoAguirre, daLista demanda contra Colombia: Canciller Aguirre
afirma que será introducida en La Haya a finales de este año (le dossier contre la Colombie est prêt: le ministre des
affaires étrangères, M.Aguirre, indi que que la requête sera déposée à La Haye avant la fin de cette année), La Prensa
(journal), Ed. n 22516, Managua, mardi 9 octobre 2001. Peut être consulté sur
http://www.laprensa.com.ni/archivo/2001/octubre/09/politica/politica-20… - 25 -

vain ⎯ de montrer que des négociations eurent lieu su r des questions déjà réglées par le traité de

1928-1930.

57. A ce sujet, rappelons que, dans un arrêt récent ( Activités armées sur le territoire du

Congo (République démocratique du Congo c.Ouganda) , arrêt du 19 décembre 2005), la Cour a

réaffirmé que ce type de documents avait une valeur probante très insuffisante. En effet, jugeant la

valeur d’une déclaration sous serme nt faite par un militaire de l’une des Parties dans cette affaire,

déclaration préparée «en vue de l’exam en prochain de l’affaire par» ( ibid., p. 36, par.65; p.50,

par.129) la Cour, celle-ci a rappe lé qu’elle avait «dans un autre contexte, observé qu’un membre

du gouvernement d’un Etat qui est partie à une instance devant la Cour…« . tendra

vraisemblablement à s’identifier aux intérêts de son pays» ( Activités militaires et paramilitaires au

29 Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt,

C.I.J. Recueil 1986, p. 43, par. 70)». Elle a en outre ajouté que ««sans mettre aucunement en cause

l’honneur ou la sincérité» de cet officier, la Cour se devait de «traiter ce genre de témoignage avec

beaucoup de réserve» (loc. cit., p. 36, par. 65).

58. De même, en ce qui concerne une autre déclaration sous serment faite par un haut

fonctionnaire du gouvernement d’une Partie à la même affaire, la Cour a noté que «[s]ans contester

qu’une déclaration sous serment mérite un certain crédit, la Cour se doit d’observer que celle-ci est

produite par une Partie à l’affaire et fournit au mieux des «informations» indirectes non vérifiées»

(ibid., p. 50, par. 129).

59. Madame le président, Messieurs les juges, la véritable signification de l’affaire soumise

par le Nicaragua est celle-ci : il s’ agit d’une tentative visant à ignorer un traité bilatéral, lequel est

valide et en vigueur depuis plus de soixante-quinze ans, et d’une tentative pour introduire une

instance portant sur des questions déjà réglées que la Colombie n’a pas consenti à soumettre à la

Cour.

60. Le Nicaragua ne fournit, dans ses ob servations écrites, aucun motif permettant de

conclure que les questions qui furent abordées explicitement dans le traité Esguerra-Bárcenas n’ont

pas été réglées valablement, une fois pour toute, par celui-ci. En outre, ces questions n’ont jamais

cessé d’être régies par ce traité. Compte tenu des dispositions du pacte de Bogotá ainsi que des

termes et du retrait en temps voulu de la déclar ation facultative colombienne, la Colombie estime - 26 -

que la Cour n’a pas compétence pour se prononcer au fond sur les questions que le Nicaragua

cherche à lui soumettre.

61. Madame le président, messieurs les juges, je vous remercie de votre patience et de la

courtoisie avec laquelle vous avez écouté la plaidoi rie que je viens de présenter au nom de la

République de la Colombie. Je vous prie, Madame le président, de bien vouloir donner à présent la

parole à M.ProsperWeil afin qu’il poursuive la présentation des arguments de la Colombie, à

moins que vous ne jugiez le moment opportun pour faire une courte pause.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Watts. Nous allons appeler à la barre M. Weil

et peut-être serait-il, à son tour, prêt à observer une pause après 15 à 20 minutes.

Yes, if you so wish, you may start now and perhaps, after 15 or 20 minutes, have a break.

Mr. WEIL: Madam President, Members of the Court, let me say how honoured I am to be

30 taking the floor before the Court to set out Colombia’s position. Let me also express my gratitude

to the Colombian Government for the trust it has placed in me by involving me in the defence of its

rights.

1. Madam President, in support of its claim, Nicaragua relies on two titles of jurisdiction:

Article XXXI of the Pact of Bogotá and the optiona l declarations of acceptance of the compulsory

jurisdiction of the Court filed by Nicaragua in 1929 and by Colombia in 1937. Nicaragua places

38
these two titles of jurisdiction on the same level; it introduces no hierarchy between them .

2. This argument of the dual degree of jurisdiction was put forward by Nicaragua some years

ago against Honduras in the case concerning Border and Transborder Armed Actions

(Nicaragua v. Honduras) (Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1988 , p.82,

para.26), and the Court’s response was firm, cl ear, and unambiguous: “in relations between the

States parties to the Pact of Bogotá, that Pact is governing” ( ibid., p. 82, para. 27), it asserted. The

optional declaration in Article 36, paragraph 2, it explained, had been

38
Application of Nicaragua(AN), para.1; MN, pp.1-2, para.3; Written Statement of Nicaragua(WSN), p.4,
para. 8; and p. 141, para. 1. - 27 -

“incorporated in the Pact of Bogotá as Article XXXI. Accordingly, it [could] only be
modified in accordance with the rules provi ded for in the Pact itself. ArticleXXXI
nowhere envisage[d] that the undertaking entered into by the parties to the Pact might
be amended by means of a unilateral declaration . . .” (Ibid., p. 84, para. 34.)

The Court was thus laying down the principle of the primacy of the title of jurisdiction of the Pact

of Bogotá ⎯ a complementary instrument of the Organization of American States, as indicated by

its Article26, a cornerstone of that Organization ⎯ over the title of jurisdiction of Article36,

paragraph 2, of the Statute. This primacy of th e Pact of Bogotá was most enlighteningly analysed

by EduardoJiménezdeAréchaga in a study entitled The Compulsory Jurisdiction of the

International Court of Justice under the Pact of Bogotá and the Optional Clause. The former,

much regretted President of the Court showed, in this study, that by virtue of the historical and

cultural ties uniting them, the Latin American States parties to the Pact of Bogotá recognized the

compulsory jurisdiction of the Court [in] much stronger terms, as he puts it, than those resulting

39
31 from the network of optional declarations made under Article 36 (2) of the Statute . Between the

States parties to the Pact of Bogotá, he explai ned, ArticleXXXI of the Pact creates a true treaty

relationship ⎯ a treaty relationship which “absorbs” (this is the word he uses) the weaker link

stemming from optional declarations.

3. Madam President, in the Armed Actions case, the Court held that the title of jurisdiction

derived from the 1948 Pact of Bogotá prevailed over subsequent optional declarations. All the

more so, in our case, does the title of jurisdiction derived from the Pact of Bogotá take precedence

over the previous title of jurisdiction stemming from Nicaragua’s declaration of acceptance in 1929

and Colombia’s in 1937.

4. The legal situation in our case is therefore as follows. When, on 6December2001,

Nicaragua filed its Application instituting pr oceedings, the Parties were no longer bound by

optional declarations under Article36 of the Statute for a very simple reason, because Colombia

had withdrawn its declaration the day before, on 5December, with immediate effect (the

Colombian Note of 5 December is reproduced under tabs 12 and 13 in the file we have prepared for

3“[T]he Latin American States which have accepted the Pact of Bogotá have established, in their mutual
relations, and in view of the close historical and cultural ti es between them, the compulsory jurisdiction of the Court on
much stronger terms than those resulting from the network of de clarations made under Article 36 (2) of the Statute.” In
Y. Dinstein (ed.), International Law at a Time of Perplexity. Essays in Honour of Shabtai Ro, Kluwer, 1989,

pp. 355 et seq. - 28 -

Members of the Court). On 6December2001, the day Nicaragua filed its Application, only the

relevant provisions of the Pact of Bogotá had th e force of law. Yet even if, on 6 December 2001,

the Parties had still been bound by optional declarations under Article 36 of the Statute ⎯ which, I

repeat, is not the case ⎯ it would nevertheless be both the lex specialis and lex posterior of the

Pact of Bogotá which would have the force of law in our case. In a w
ord, Madam President, it is

the Pact of Bogotá which constitutes the Court’s titl e of jurisdiction in our case, and it is in the

context and in application of the relevant provisions of the Pact of Bogotá that the Court must

establish and exercise its jurisdiction.

Would you like me to stop now, or shall I go on a little longer?

The PRESIDENT: Perhaps you would continue for another 10 minutes.

32 Mr. WEIL:

5. Madam President, in July 2003, Colombia filed two preliminary objections. By the first, it

asked the Court to adjudge and declare that, under the provisions of the Pact of Bogotá, on the basis

of which it must establish and exercise its jurisdiction in our case, it is “without jurisdiction to hear

the controversy” and must declare that controve rsy “ended”. It is to this objection that my

statement will be devoted.

6. One question then immediately arises: which of the provisions of the Pact of Bogotá have

legal effect in the present case? For Nicaragua, only one, only one provision should be taken into

consideration, Article XXXI, which reiterates the terms of Article 36, paragraph 2, of the Statute of

the Court 4. Madam President, this reductive reading of the Pact is not compatible with its

Article II, which states that “in the event that a controversy arises between two or more signatory

States . . ., the parties bind themselves to use the procedures established in the present Treaty, in the

41
manner and under the conditions provided for in the following articles . . ” ⎯ “in the following

articles”, and not, as Nicaragua would have it, “i n ArticleXXXI”, just in ArticleXXXI. This

reductive reading of the Pact to one single Article was condemned by the Court in its Judgment of

1988 in the Armed Actions case, when it observed that “[m]oreover, some provisions of the Treaty

40
AN, para. 1; MN, pp. 1-2, para. 3; WSN, p. 4, para. 8.
41
(Emphasis added). - 29 -

restrict the scope of the parties’ commitment” ( Border and Transborder Armed Actions

(Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1988, pp. 84-5,

para. 35) ⎯ “some provisions”, in the plural, not just ArticleXXXI. Hence the Court writes, in

the French and authoritative text of the Judgment,

“procedures [under the Pact] may not be applied . . .

‘to matters already settled by arrangement between the parties, or by
arbitral award or by decision of an international court, or which are
governed by agreements or treaties in force on the date of the conclusion
of the present Treaty’”,

in other words, in force on 30 April 1948. Moreov er, Article XXXIII of the Treaty states that “[i]f

33 the parties fail to agree as to whether the Cour t has jurisdiction over the controversy, the Court

itself shall first decide [decidirá previamente] that question”. And Article XXXIV adds that “[i]f

the Court, for the reasons set forth in ArticlesV, VI and VII of this Treaty, declares itself to be

without jurisdiction to hear the controversy, such controversy shall be declared ended” (se

declarará terminada la controversia).

7. Madam President, as we have shown in our written pleadings 42, one of the objectives of

the Pact of Bogotá was to discourage any attemp t by a government party to the Pact to reopen a

dispute already settled by a treaty or by arbitral or judicial decision. Article XXXIV of the Pact ⎯

which, I repeat, states that if the Court declar es itself to be without jurisdiction to hear the

controversy, such controversy shall be declared ended ⎯ gives effect to the principle, set forth in

Article VI of the Pact, of the intangibility of the settlement of a dispute by treaty, or by arbitral or

judicial decision, by protecting this settlement from any attempt or temptation to evade it. The

declarations we have cited in our Objections by the representatives of Peru, Chile and Cuba during

negotiation of the Pact ⎯ particularly those by the Peruvian Victor Belaúnde ⎯ are significant as

regards the object and purpose of those key provisions of the Pact, ArticlesVI and XXXIV. A

controversy settled is a controversy settled, a disput e closed is a dispute closed, and the machinery

for settling disputes set up by the Pact cannot and must not be used to reopen a dispute closed and

42
Preliminary Objections of Colombia (POC), pp. 76 et seq., paras. 2.10 et seq. - 30 -

settled: such is the meaning of these provisions, whic h lie at the heart of the Pact of Bogotá. The

Court will, we are confident, oppose the use toda y of the machinery for peaceful settlement in the

Pact of Bogotá to reopen a dispute “settled” by the 1928Treaty and which, since then, for three

quarters of a century, has been governed by that Treaty.

8. Madam President, I will divide my presentation into three sections:

⎯ First: the dispute submitted to the Court by Nicaragua in 2001 on the issue of sovereignty over

the island territories and the determination of maritime boundaries concern matters which are

“already settled by arrangement between the pa rties” and are “governed by agreements or

34 treaties in force on the date of the conclusion” of the Pact of Bogotá, namely the

Esguerra-Bárcenas Treaty of 1928 and its Protocol of Exchange of Ratifications of 1930.

⎯ Secondly: consequently, in accordance with Articles VI andXXXIV of the Pact of Bogotá,

legal proceedings may not “be applied” (ne pourront non plus s’appliquer; tampoco podrán

aplicarse), the Court must declare itself “without jurisdiction to hear the controversy”

(incompétente pour juger le différend; incompetente para conocer la contoversia), and it must

declare such controversy “ended” (celui-ci sera declaré terminé; se declarará terminada la

controversia).

⎯ Thirdly and finally: it is at the present stage of preliminary objections that the Court has the

jurisdiction to make such a declaration and is required to do so.

Would you like me, Madam President…

Le PRESIDENT : Oui, ceci pourrait être le mo ment approprié. Thank you. We will take a

short coffee break and resume in 5 to 7 minutes.

Mr. WEIL: Thank you.

The PRESIDENT: Thank you very much. L’audience est levée.

L’audience est suspendue de 11 h 45 à 12 heures.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Professor Weil, you have the floor.

Mr. WEIL: Thank you, Madam President. - 31 -

A.T HE DISPUTE SUBMITTED TO THE COURT BY N ICARAGUA CONCERNS “ MATTERS ALREADY

SETTLED BY ARRANGEMENT BETWEEN THE P ARTIES ”AND WHICH ARE “ GOVERNED BY
AGREEMENTS OR TREATIES IN FORCE ON THE DATE OF THE CONCLUSION ”
OF THE PACT OF BOGOTÁ

The settlement of the dispute by the Esguerra-Bárcenas Treaty of 1928
and its Protocol of Exchange of Ratifications of 1930

9. Madam President, SirArthur Watts has just recalled how the differences which occurred

between the two countries regarding the Mosquito Coast, the IslasMangles (or CornIslands) and

the SanAndrés Archipelago were resolved by the Treaty of 24March1928. By that Treaty,

35 Nicaragua, may I remind you, explicitly recognized “the full and entire sovereignty” of Colombia

over the islands of San Andrés, Providencia and Santa Catalina and over all the other islands, islets

and cays forming part of the archipelago.

10. It was, it should be recalled, during the reading of the Treaty by the Nicaraguan

Government and the Foreign Affairs Committee of the Nicaraguan Senate that the idea arose that it

was necessary to complete the territorial settlement by a maritime settlement in order to resolve the

issue forever (para siempre) . Without a provision aimed at establishing “the geographical

boundary between the archipelagos in dispute” (el limite geográfico entre los archipiélagos en

disputa), the Nicaraguan Minister for Foreign Affaiexplained, the conflict would not be fully

settled: can, Madam President, a limite geográfico entre los archipiélagos, a boundary between the

archipelagos, be anything other than a boundary at sea, a maritime boundary? Nicaragua’s

proposal was accepted by Colombia; however, as ratification of the Treaty had already been

approved by the Colombian Congress, the Bogotá Government asked for the maritime settlement to

be included in the Protocol of Exchange of Ratifications — which it was.

11. MadamPresident, it was, I repeat, on Ni caragua’s initiative that the provision designed

to turn the 82°ridian into la línea divisoria de las aguas en disputa — the maritime boundary, to

put it more clearly— was included in the Protocoof Exchange of Ratifications of 1930. It was

Nicaragua which asked for its addition, an addition which Colombia accepted. Nicaragua’s written

pleadings make no mystery about this point

43“[T]hat restricted the ArchipSanAndrés to areas East of t82° meridian of longitude West”,
Memorial of Nicaragua (MN), p. 149, para. 2.193. See also pp. 146 et seq., paras. 2.189 et seq. - 32 -

12. Once the Treaty was approved by the Nicaraguan Congress, the limit of the 82° meridian

was incorporated into the Protocol of Ratifica tions of 1930; and it was accompanied by that

44
Protocol that the Treaty was published in the Official Journals of both countries , registered at

Colombia’s request with the League of Nations in 1930, published in the Treaty Series of the

45
League of Nations and, finally, registered with the Lea gue of Nations for a second time, at the

request of Nicaragua on that occasion in 1932. The Protocol of Exchange of Ratifications, with its
36

explicit reference to the 82° meridian, is ⎯ as Nicaragua acknowledges ⎯ an integral part of the

Treaty.

13. In summary, MadamPresident, Members of the Court, it was following a Nicaraguan

proposal— not a Colombian one— and during the process of ratification in Managua — not in

Bogotá — that the idea occurred and was debated, before being put to Colombia, which accepted it,

of completing the territorial arrangement by a maritime arrangement, without which the issue of

boundaries would not have been entirely resolved and without which the seeds of new conflicts

would have been sown. To claim, as Nicaragua do es in its Memorial, that the Treaty of 1928/1930

46
does not govern the maritime areas , is simply to deny the obvious.

The maritime component of the 1928/1930 settlement:
the 82° meridian, the maritime frontier

14. Madam President, Nicaragua went to great length in its written pleadings to reduce the

82° meridian to a line of attribution of sovereignt y over the islands, for territorial purposes, and to

deny it the status of a maritime frontier: “The Treaty” ⎯ it is clearly written ⎯ “simply recognizes

sovereignty over territory and no mention is made of maritime delimitation” 47. Nicaragua would

like to convince the Court that the settlement of 1928/1930 concerns territory, that it has no

maritime implications and that it is for the Court to proceed with the delimitation on the basis of

48
current law regarding maritime delimitation. Nicaragua constantly returned to that subject .

44POC, p. 51, para. 1.73.
45
Op. cit., p. 52, para. 1.74.
46
MN, p. 175, para. 2.249 and p. 181, para. 2.263.
47WSN, p. 34, para. 1.50.

48MN, p.175, para.2.249; p.181, para.2.23; pp.185 et seq., paras.3.1 et seq.; WSN, p.33, para.1.46 and
1.48; p. 34, para. 1.50; p. 35, para. 154; p. 48, para. 1.86; p. 67, para. 2.41-2.42; p. 69, para. 2.44. - 33 -

15. Madam President, the diplomatic correspondence which preceded the conclusion of the

Esguerra-Bárcenas Treaty and the parliamentary de bates which led to its ratification in both

countries leave no room for doubt: through their 1928/1930 agreements, Nicaragua and Colombia

aimed to put a definitive and comprehensive end to their conflict, both at sea and on land. The

establishment of the maritime boundary at the 82° me ridian represented a fundamental element, an

37 essential component, of the overall solution in the same way and on the same footing as the

territorial settlement.

16. As we noted in our Preliminary Objections 4, little over a year after the Treaty came into

force, in 1931, the 82° meridian was indicated on the official map of Colombia entitled Mapa de la

República de Colombia now on the screen. In the top right-ha nd corner of the map, there is an

inset entitled Cartela del Archipielago de SanAndrés y Providencia perteneciente a la República

de Colombia — I cannot see it here, but it is on the map — (the map and the inset are at tab 10 in

the judges’ folders). The Court will note that the archipelago marked as perteneciente a la

República de Colombia includes, in addition to the islands of Providencia, SanAndrés and

SantaCatalina, the Quitasueño, Serrana, Serra nilla, Roncador, Bajo Nuevo, Albuquerque and

East-Southeast cays. The limit of the archipela go is constituted — I can see it here as well —by

the Meridiano 82° al W. de Greenwich. To the left of that indication, you can see in capital letters

the words República de Nicaragua , which implies that the islands, islets and cays, as well as the

maritime areas, to the right of that line, that is to say to the east, are part of Colombian territory.

17. It was after the publication of that map— I repeat, an official map— that on

25 May 1932 Nicaragua applied to register the 1928 Treaty and the 1930 Act of Ratification with

the Secretariat of the League of Nations.

18. The official Colombian map of 1931 would be followed by many, a great many, other

maps which would also mark the 82° meridian as the maritime and territorial frontier between the

two countries. The Court will find the other examples we have had the honour of submitting under

tab 11 of the judges’ folders. Madam President, if those official maps, which cover almost half a

49
POC, p. 18, para. 46; pp. 57-58, para. 1.92; p. 69, para. 1.115; p. 94, para. 2.47. - 34 -

century— and which Nicaragua admitted it was aware of in its Written Statement 50 — had

contradicted or misinterpreted the Treaty of 1 928/1930, would the Government of Nicaragua have

remained silent?

19. There can be no doubt, I repeat: the Parties to the Treaty of 1928-1930 saw the

82ºmeridian as a maritime frontier. It is on th e basis of that Treaty, and in accordance with its
38

terms, that Colombia has continuously and peacefully exercised its rights over the maritime areas

appertaining to the archipelago east of the 82ºmeridi an. It is on the basis of this Treaty, and in

accordance with its terms, that Colombia protest ed in 1969 at the granting by Nicaragua of oil

concessions east of the meridian. And when refe rence was made, in the debates on ratification in

Managua, to a demarcation of the dividing line of the waters, a boundary between the archipelagos

(una demarcacion de la línea divisoria de las aguas, el limite entre los archipiélagos) , what could

the Nicaraguan authorities have had in mind, if not a maritime frontier? Madam President, when

two Governments refer in a treaty to a meridian wh ich crosses the sea, between the territory of one

of the States and that of the other, and when that meridian is described as the “dividing line of the

waters”, what could be meant if not a maritime boundary? Nicaragua relies on the case concerning

the Maritime Boundary between Gu inea and Guinea-Bissau , in which the Arbitral Tribunal

concluded that “everything indicates that these two States [France and Portugal] had no intention of

establishing a general maritime boundary between their possessions in Guinea” 51. In our case, on

the contrary, everything indicates that Colombia and Nicaragua did intend to establish the línea

divisoria de las aguas , the limite entre los archipiélagos ⎯ in other words, the maritime frontier

between the two countries.

20. Madam President, our opponents are objecting that it is a historical absurdity ⎯ that is

the term they use ⎯ to assert that in 1930, 15 years befo re the Truman Proclamation of 1945,

Nicaragua and Colombia would have claimed ma ritime boundaries located, so they write, “nearly

60miles from the nearest territory of Nicaragua and dozens of miles from the SanAndrés

Archipelago” 52. I would point out in passing, but without labouring the point, that the distance

5WSN, p. 75, para. 2.55.
51
MN, p. 171, para. 2.243.
5WSN, p. 34, para. 1.51. - 35 -

between the 82ºmeridian and the westernmost is land of the San Andrés Archipelago is no more

than 9nautical miles. That is a detail. Having said that, it will suffice, in order to refute

Nicaragua’s argument, for me to refer to the well-known passages of the Advisory Opinion of 1971

on Namibia and the Judgment of 1978 in the Aegean Sea Continental Shelf case.

39 21. In the Opinion on Namibia, the Court stated ⎯ and you must excuse me,

Madam President, for citing the passage at some length, but it is worth quoting:

“Mindful as it is of the primary necessity of interpreting an instrument in
accordance with the intentions of the parties at the time of its conclusion, the Court is

bound to take into account the fact that the concepts embodied [in this instrument] . . .
were not static, but were by definition evolutionary... The parties... must
consequently be deemed to have accepte d them as such... Moreover, an

international instrument has to be interpre ted and applied within the framework of the
entire legal system prevailing at the time of th e interpretation... In this domain, as
elsewhere, the corpus iuris gentium has been considerably enriched, and this the

Court, if it is faithfully to discharge its functions, may not ignore.” (Legal
Consequences for States of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South
West Africa) notwithstanding Security Council Resolution276 (1970), Advisory
Opinion, I.C.J. Reports 1971, pp. 31-32, para. 53.)

22. As regards the Judgment in the Aegean Sea case, this states that where a legal instrument

refers to a generic term ⎯ in that case, it concerned the term and concept of territorial status ⎯

“the presumption necessarily arises that its meaning was intended to follow the evolution of the law

and to correspond with the meaning attached to the expression by the law in force at any given

time” (Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Judgment, I.C.J. Reports 1978 , p.32,

para. 77; p. 33, para. 78).

23. This means that when two States engage in a maritime delimitation, their agreement must

be interpreted and applied in the light of the e volution of international law and taking account of

that evolution. As Sir Ian Sinclair wrote in his frequently cited work
The Vienna Convention on the

Law of Treaties , the evolution and development of inte rnational law may exercise a decisive

influence on the meaning to be given to expr essions that denote evolving notions, such as the

53
concepts of “territorial sea” or “continental shelf” . Unless the parties have demonstrated an

intention to the contrary, these expressions may be in terpreted “by reference to international law in

54
force at the time of the interpretation” .

53
Manchester University Press, 2nd ed., 1984, p. 139.
54
Sir Ian Sinclair, op. cit., p. 139. - 36 -

24. It may be possible, Madam President, that the line of the 82º meridian perhaps does not

coincide with the line of the maritime frontier that would result from applying the rules and

40 principles of today’s law on maritime delimitation. So what, I am tempted to say. It hardly needs

pointing out that the course of a frontier, on land or at sea, does not become null and void simply

because treaty practice or jurisprudence may have e volved since the frontier was defined. Is it

conceivable that, on the pretext that the law on maritime delimitation has changed and evolved in

the meantime, all the maritime delimitation agreemen ts concluded in the past 50 years should be

deemed null and void ⎯ in particular those concluded before the Geneva Conventions of 1958 or

the 1982 Convention on the Law of the Sea, or before the Court’s major judgments and the arbitral

awards which have shaped the modern law on maritime delimitation? One can imagine,

MadamPresident, the danger that such an appro ach would hold for the stability of international

relations. And one is also bound to th ink of the provisions of Article62(2) (a) of the Vienna

Convention on the Law of Treaties, which sets fort h the principle of customary international law

whereby a fundamental change of circumstances may not be invoked as a ground for terminating or

withdrawing from a treaty “if the tr eaty establishes a boundary”. In short, the fact that the law of

the sea and the law on maritime delimitation have evolved since 1930 is no reason for regarding as

null and void the línea divisoria de las aguas , the boundary between the archipelagos, agreed by

Nicaragua and Colombia in 1930, after long negotiations and detailed parliamentary debate. As the

Court found in the Libya/Chad case, the establishment of a frontier has “a legal life of its own,

independently of the fate of the... Treaty” that established it. And the Court went on: “Once

agreed, the boundary stands, for any other approach would vitiate the fundamental principle of the

stability of boundaries, the importance of which h as been repeatedly emph asized by the Court.”

(Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgment , I.C.J. Reports 1994, p.37,

para. 72.) Yes indeed, Madam President, “the boundary stands”.

25. Madam President, years and years went by without Nicaragua raising the slightest doubt

about the Treaty of 1928-1930, or protesting at the many official Colombian maps which, since

1931, have illustrated the solutions agreed by the Parties, at sea and on land 55. To call into

55
See POC, p. 18, para. 46; p. 57, paras. 1.91-1.92; p. 69, paras. 1.112 et seq. - 37 -

41 question today, three quarters of a century after the Esguerra-Bárcenas Treaty was concluded ⎯

three quarters of a century ⎯ the territorial and maritime settlement adopted in 1928-1930

“forever”, para siempre, as was said during the ratification debate in Managua , is to understand

“forever” as meaning “a few years”; it is to i gnore the Pact of Bogotá; it is to disregard the

concern for stability and finality that lies at the heart of international law as it has been forged over

the centuries; it is to attach no importance to the principle of the inviolability of treaties ⎯ pacta

sunt servanda; it is to violate the principle that a dispute must have an endpoint ⎯ ut finis sit

litium. These principles and maxims reflect fundamental social needs, common to all legal systems

and all ages. MadamPresident, almost two centu ries of Colombia exercising its sovereignty over

the archipelago without interruption; 15 years of negotiations to resolve the conflict; 50 years of

peaceful application of the solution adopted foll owing those negotiations; and then suddenly,

in 1980, a unilateral declaration of nullity without any basis or justification: there, in a few dates,

is a picture of the case which Nicaragua has brought before the Court.

26. Madam President, if Colombia were today claiming sovereignty over the Mosquito Coast

or the Corn Islands, Nicaragua would say ⎯and rightly so ⎯ that this question has been settled,

réglée, resuelta, since the Treaty of 1928-1930, that it is governed,régie, regida, by that Treaty.

By putting forward the arguments it has, Nicaragua is playing with fire, since it is undermining its

own sovereignty over part of its national territory.

27. What Nicaragua is asking of the Court, Madam President, is to retain from the settlement

of 1928-1930 those elements that are favourable to Nicaragua and to reject those that are

favourable to Colombia. The well-known passage from the Judgment in the Temple of Preah

Vihear case comes to mind, in which the Court declar ed that “[i]t is not now open to Thailand,

while continuing to claim and enjoy the benefits of the settlement, to deny that she was ever a

consenting party to it” ( Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J.

Reports 1962, p. 32). The settlement of 1928-1930 forms an indivisible whole, of which Nicaragua

cannot now seek to keep some parts and reject the others.

42 28. Madam President, that concludes my presentation on the first aspect of the case, namely

the principle established in ArticleVI of the P act of Bogotá, which provides that the judicial

settlement procedure foreseen by the Pact “may not be applied to matters already settled by - 38 -

arrangement between the parties... or which are governed by agreements or treaties in force on

the date of the conclusion of the present Treaty”. I hope, Madam President, that I have succeeded

in showing that the dispute brought before the Court by Nicaragua in 2001 concerning title to

island territories and the determination omaritime frontiers was already settled,déjà réglé, ya

resuelto, long ago, and was governed by agreements in force, and that consequently the procedures

foreseen by the Pact of Bogotá ⎯ including the judicial proceedings instituted before the Court by

Nicaragua ⎯ may not “be applied”, “ne peuvent pas s’appliquer” , tampoco podrán aplicarse .

This first observation gives rise to a second one, namely that, pursuant to ArticleXXXIV of the

same Pact of Bogotá, the Court must declare itself to be “without jurisdiction to hear the

controversy” and that “such controversy shall be declared ended”, terminé, terminado.

B.T HE JUDICIAL PROCEDURE MAY NOT “BE APPLIED ”, THE C OURT MUST DECLARE

ITSELF TO BE “ WITHOUT JURISDICTION TO HEAR THE CONTROVERSY ” AND IT
MUST DECLARE THE CONTROVERSY “ENDED ”

29. Madam President, we have shown in our written pleadings 56that one of the objectives of

the Pact of Bogotá was to nip in the bud any atte mpt to resort to the mechanisms provided for by

the Pact in order to reopen a dispute previously settled by a treaty or by a court decision or arbitral

award. As was pointed out by the representatives of Peru, Chile and Cuba during the negotiation of

the Pact, the stabilizing function of ArticlesVI and XXXIV of the Pact would have been

compromised if, in order to set in motion the dispute settlement mechan isms introduced by the

Pact, it had been sufficient for one party to reopen a dispute which had already been settled. It was

therefore found necessary to supplement the remedi al mechanisms for the settlement of existing

disputes with a preventive provision designed to di scourage any temptation or attempt to challenge

in international judicial proceedings an earlir settlement that might no longer be considered

favourable. Articles VI and XXXIV of the Pact of Bogotá ensure the intangibility of a settlement

43 reached by treaty or by means of judicial or abitral proceedings, by shielding such a settlement

from any attempted challenge. This point is expl ained in the official commentary on the Pact

56
POC, pp. 76 et seq., paras. 2.10 et seq. - 39 -

published by the Organization of American States , an extract from which was reproduced in our

57
Preliminary Objections . The Court will not agree to the settlement mechanisms of the Pact being

used to reopen today a dispute that was “ended”, terminé, terminado, by treaty three quarters of a

century ago.

30. Nicaragua seeks to evade this obvious fact by claiming that, inasmuch as the dispute

currently before the Court arose after 1948, after the conclusion of the Pact of Bogotá, the Court’s

jurisdiction is not excluded by Article VI of the Pact and that Article XXXIV of the Pact imposes

58
no obligation on the Court to declare the controversy “ended” . Madam President, it is not a

dispute that arose after 1948, after the conclusion of the Pact of Bogotá, which has been referred to

the Court by Nicaragua and which is today before th e Court. It is a dispute dating back to 1838,

which had in the meantime been “settled” by the Esguerra-B árcenas Treaty of 1928/1930, the

selfsame dispute which Nicaragua today seeks to reopen before the Court. It is our hope that the

Court will dismiss this attempt to challenge not only the 1928/1930 agreements between Colombia

and Nicaragua but also, over and above those agreements, the mechanisms of the Pact of Bogotá to

which so many States are parties.

31. Madam President, Colombia respectfully re quests the Court to give effect to these two

pillars of the Pact of Bogotá, namely ArticlesVI and XXXIV. To declare “ended”, terminé,

terminado, a dispute settled so many years ago and gove rned by an agreement in force, and to

refuse to let it be reopened today: that is th e action incumbent on the Court under Articles VI and

XXXIV of the Pact of Bogotá.

44 C. IT IS AT THE PRESENT PRELIMINARY OBJECTIONS STAGE THAT THE C OURT CAN AND MUST

“DECLARE ITSELF TO BE WITHOUT JURISDICTION TO HEAR THE CONTROVERSY ”
AND THAT IT MUST DECLARE THE CONTROVERSY “ENDED ”

32. Madam President, Members of the Court, the fact that it is now, at the preliminary

objections stage, that the Court has the power and the duty to declare the controversy “ended”

emerges from Article 79, paragraph 1, of the Rules of Court, which provides that:

57
POC, p. 82, para. 2.21.
5WSN, pp. 59-61, paras. 2.19-2.25. - 40 -

“Any objection by the respondent to the jurisdiction of the Court or to the

admissibility of the application, or other objection the decision upon which is
requested before any further proceedings on the merits, shall be made in writing as
soon as possible, and not later than three months after the delivery of the Memorial.” 59

33. I need hardly remind you that, when its Rules were revised in 1972, the Court expanded

the definition of preliminary objections. It analysed the reasons and the purpose of that revision in

its Judgments of 1984 and 1986 in the case concerning Military and Paramilitary Activities in and

against Nicaragua (Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.

United States of America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.
C.J. Reports 1984, p. 425,

para. 76; Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United

States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, pp. 29 et seq., paras.37 et seq.) and it

revisited the problem a little later, in 1998, in the Lockerbie cases (Questions of Interpretation and

Application of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan

Arab Jamahiriya v. United States of America), Prel iminary Objections, Judgment , I.C.J. Reports

1998, pp.131 et seq., paras. 46 et seq.; Questions of Interpretation and Application of the 1971

Montreal Convention arising from the Aerial In cident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v.

United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment , I.C.J. Reports 1998 , pp.26 et seq. ,

paras. 47 et seq. ). As the Court observed in the last-mentioned cases, the field of application

ratione materiae of Article 79 is today no longer limited so lely to objections regarding jurisdiction

or admissibility, but covers any objection whose purpose is “to prevent, in limine , any

consideration of the case on the merits”.

34. That it is now, at the preliminary objecti ons stage, that the Court can and must declare

itself to be without jurisdiction to hear the cont roversy and that it must declare the controversy

“ended”, emerges from the Pact of Bogotá, Article XXXIII of which provides that: “If the parties

45 fail to agree as to whether the Court has jurisdiction over the controversy, the Court itself shall first

decide that question.”

“First”, according to the English version of the Pact; au préalable, according to the French

version; previamente, according to the Spanish version ⎯ in other words, as a preliminary matter,

prior to any consideration of the case on the merits.

59
(Emphasis added.) - 41 -

35. Madam President, the objection raised by Co lombia consists in requesting the Court to

find, as requested and as empowered by the Pact of Bogotá, that the matters raised by Nicaragua’s

Application are “already settled by arrangement betw een the parties”, that they are “governed by

agreements or treaties in force on the date of the conclusion of the . . . Treaty”, and in consequence

to declare the controversy “ended”, terminé. The purpose of this objection is “to prevent, in limine,

any consideration of the case on the merits”: these ⎯ I would remind you ⎯ are the terms used by

the Court itself. The objection we have raised possesses an exclusively preliminary character.

* *

36. Madam President, Members of the Court, pursuant to ArticleXXXIV of the Pact of

Bogotá and Article79 of the Rules of Court, Colo mbia respectfully requests the Court to decide

“first”, “before any further proceedings on the merits” ⎯ that is, at the present preliminary

objections stage ⎯ that since the matter submitted to the Court by Nicaragua is “already settled by

arrangement between the parties” and is “governed by agreements or treaties in force on the date of

the conclusion” of the Pact of Bogotá, the procedures provided for
by that Pact “may not be

applied” (Article VI of the Pact), and that consequently the Court must declare itself to be “without

jurisdiction to hear the controversy” and must de clare the controversy “ended” (Article XXXIV of

the Pact).

* *

Madam President, Members of the Court, I ap ologize for the length of my arguments and

46 thank you for your attention. I would ask yo u, Madam President, to give the floor to

Mr. Schwebel, whose statement will be the last in the first round of Colombia’s pleadings. Thank

you, Madam President.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Weil. Nous appelons à la barre M. Schwebel. - 42 -

M. SCHWEBEL :

1. Madame le président, Messieurs de la Cour, je suis très sensible à l’honneur qui m’est fait

de représenter le Gouvernement de la République de Colombie et au privilège de m’adresser à la

Cour en son nom. Je m’emploierai à démontrer que la Cour n’est pas compétente en vertu de la

clause facultative de son Statut pour connaître des demandes formulées par le Gouvernement du

Nicaragua.

ETANT DONNÉ QUE «LE DIFFÉREND SERA DÉCLARÉ TERMINÉ »,

IL NE SUBSISTE AUCUN LITIGE

2. Conformément aux dispositions du pacte de Bogotá, la Cour est tenue de déclarer le

différend «terminé». Il s’ensuit qu’il ne subsis te aucun différend auquel pourrait s’appliquer la

compétence de la Cour en vertu de la clause facultative.

3. Comme l’a déclaré la Cour dans l’affaire relative à des Actions armées frontalières et

transfrontalières, lorsqu’une partie soutient que la Cour a compétence sur la base du pacte de

Bogotá, et qu’elle invoque aussi les déclarations faites en vertu de la clause facultative, alors «les

relations entre les Etats parties au pacte de Bogotá sont régies par ce seul pacte» ( Actions armées

frontalières et transfrontalières (Nicaragua c.Ho nduras), compétence et recevabilité, arrêt,

C.I.J. Recueil 1988, p.82, par. 27). Le Nicaragua affirm e cependant que, la Cour ayant déclaré

dans cette affaire que la compétence conférée pa r le pacte découlait d’«un engagement autonome»

(Ibid., p. 85, par. 36), si la Cour devait déclarer le différend terminé, celui-ci le serait «uniquement

en tant que le pacte ne pourrait être invoqué comme base de compétence» 60.

4. L’affirmation du Nicaragua n’est pas convain cante. En application du pacte, la Cour est

tenue de déclarer le différend terminé, non aux seules fins de la compétence de la Cour en vertu du

pacte, mais à tous égards.

5. Cela découle des dispositions du pacte. L’article VI dispose que les procédures de

règlement pacifique prévues par le pacte, y co mpris la saisine de la Cour, ne peuvent pas

47 s’appliquer aux questions déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties ou régies par des

traités en vigueur à la date de la signature du pacte. L’articleXXXIII dispose que, au cas où les

60
Observations écrites du Nicaragua, p. 83, par. 2.67. - 43 -

parties ne se mettraient pas d’accord sur la compéten ce de la Cour au sujet du litige, «la Cour elle-

même décidera au préalable de cette question». Or, si le Nicaragua avait raison d’affirmer que

l’article XXXIV signifie seulement que «le différend [est] terminé uniquement en tant que le pacte

ne [peut] être invoqué comme base de compét ence», il s’ensuivrait que cet article du pacte

n’ajouterait rien à son article XXXIII. Pour le Nicaragua, les articles XXXIII et XXXIV signifient

simplement, l’un comme l’autre, que la Cour peut se déclarer incompétente en vertu du pacte.

Selon cette interprétation, l’article XXXIV est donc superflu, parce que ce qu’il signifie se trouve

déjà intégralement dans l’article XXXIII.

6. Cette interprétation transgresse une règle cardinale de l’interprétation des traités, que la

Cour a appuyé de son autorité ( Compétence de la Commission européenne du Danube, 1927 ,

C.P.J.I. série B n° 14 , p. 27 ; Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 1949, p. 174, 179, 184, affaire du Détroit de Corfou, C.I.J. Recueil 1949,

p. 24 ; affaire du Sud-Ouest africain (Ethiopie c.Afrique du Sud; Libéria c.Afrique du Sud),

exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 319, 335 et suiv.), selon laquelle il convient

d’interpréter chaque disposition d’ un traité de manière à lui donner un sens et à lui donner effet.

Aussi faut-il interpréter l’artice XXI V non comme une disposition équivalente à

l’article XXXIII, affirmant le pouvoir de la Cour de décider de sa propre compétence, mais comme

une disposition exigeant de la Cour qu’elle aille plus loin et déclare, après avoir conclu à son défaut

de compétence, le différend «terminé» — comme le prévoit l’article XXXIV.

7. Il s’ensuit que, dès lors que la Cour a déclaré terminé le différend entre les parties, il ne

subsiste aucun litige auquel la compétence pourrait s’appliquer à un autre titre, notamment à celui

des déclarations faites par les parties en vertu de la clause facultative.

8. En tout état de cause, la Colombie soutient que la Cour n’a pas compétence en vertu des

déclarations d’acceptation de la juridiction obligat oire et ce, pour deux raisons. Premièrement, la

Colombie a dénoncé, avec effet immédiat et av ant le dépôt de la requête du Nicaragua, la

déclaration d’acceptation de la juridiction de la Co ur qu’elle avait faite en1937. Deuxièmement,

même si l’on considère que la déclaration de la Colombie était en vigueur à la date de la requête du - 44 -

Nicaragua, la Cour n’a pas compétence, en vertu de la clause facultative, pour trancher la requête

48 au fond, parce que la déclaration de la Colombie ne s’applique «qu’aux différends nés de faits

postérieurs au 6janvier1932». La suite de mon argumentation consistera à développer ces deux

conclusions.

L A C OUR N ’EST PAS COMPÉTENTE EN VERTU DE LA CLAUSE FACULTATIVE PARCE QUE
LA DÉCLARATION COLOMBIENNE N ’ÉTAIT PAS EN VIGUEUR

9. Les Parties sont en désaccord sur la question de savoir si la mention, dans un arrêt de la

Cour, d’un «délai raisonnable» devant s’écouler avant que ne prenne e ffet l’abrogation ou la

modification de la déclaration faite en vertu de la clause facultative est ou non un obiter dictum. La
61
Colombie soutient que oui, pour les raisons qu’elle expose dans ses exceptions préliminaires .

Selon elle, si la Cour s’est prononcée comme elle l’a fait dans cette affaire, c’est parce que la

déclaration d’acceptation de la juridiction obligat oire dont il était alors question comportait une

clause de préavis de sixmois. Néanmoins, ainsi que l’a déclaré la Cour, «[l]es Etats-Unis

[conservaient] le droit, inhérent à tout acte unila téral d’un Etat, de changer la teneur de leur

déclaration ou d’y mettre fin» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J.Recueil1984 ,

p. 421, par. 61).

10. Quoi qu’il en soit, l’aspect déterminant, da ns l’affaire aujourd’hui portée devant la Cour,

est que l’une et l’autre des Parties ont, dans la pratique, considéré que leur s déclarations pouvaient

62
être dénoncées ou modifiées avec effet immédiat. On le sait, dans une autre affaire à laquelle le

Nicaragua était Partie, la Cour avait traité la modification comme équivalant à une dénonciation

(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis

d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. R
ecueil 1984, p. 419-421, par. 65).

11. Le Nicaragua conteste ce point, tant en ce qui concerne les actes et intentions de la

Colombie que les siens propres. Mais son démenti n’est pas étayé par les faits.

61
EPC, p. 114-118, par. 3.14-3.21.
62EPC, vol. I, par. 3.22 et suiv., p. 118 et suiv. - 45 -

12. Le 5 décembre 2001, la Colombie a mis fin à sa déclaration de 1937 avec effet immédiat.

Le Nicaragua a beau, dans ses observations écrites, affirmer qu’«il n’est pas démontré que

l’intention était … de dénoncer … la déclaration en question avec effet immédiat» 63 et que la

Colombie n’a, le5décembre, donné «aucune i ndication de nature à éclairer la situation

49 juridique» 64, le fait est que, ce jour-là, la Colombie a notifié au Secrétaire général de l’Organisation

des NationsUnies l’abrogation de sa déclaration de1937 avec «effet à la date de la présente

65 o
notification» , ainsi que le montre le document figurant à l’onglet n 12 du dossier des juges et

projeté maintenant à l’écran.

13. En conséquence, l’ Annuaire 2001-2002 de la Cour indique que, «[l]e 5décembre2001,

la Colombie a notifié au Secrétaire général sa décision de retirer, avec effet immédiat, la

déclaration qu’elle avait déposée le 30 octobre 1937» 66(reproduit à l’onglet n 13, et à l’écran) ; et,

alors que l’ Annuaire 2000-2001 faisait état du maintien en vigueur de sept déclarations faites en

application du Statut de la Cour permanente de Ju stice internationale, celles-ci n’étaient plus, dans

67
l’Annuaire 2001-2002, qu’«au nombre de six» . En outre, la déclaration de la Colombie y était

citée pour la première fois, dans une note de b as de page, parmi les déclarations ayant «expiré,

n’a[yant] pas été renouvelée[s] ou a[yant] été retirée[s]» 68.

14. Le poids qu’il convient de donner à de telles attestations dans l’Annuaire de la Cour avait

été évoqué par le Nicaragua lui-même en ces termes: «La documentation publique la plus

authentique concernant les acceptations de la juri diction obligatoire de la Cour se trouve dans les

Annuaires de la Cour.» ( Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique), Mémoire du Nicaragua (questions de la compétence de la

Cour pour connaître du différend et de la recevabilité de la requête), vol. I, p. 21, par. 54.)

63OEN, p. 103, par. 3.26.
64
Ibid., p. 103, par. 3.30.
65
CN, 1401.2001.Treaties-1 (notification dépositaire), EPC, p. 114, par. 3.13.
66C.I.J. Annuaire 2001-2002, p. 124.

67Ibid.

68Ibid., note de bas de page 1. - 46 -

15. Le Nicaragua, dans ses observations écrites, souligne à juste titre que «le critère appliqué

69
est l’intention de chacun des Etats» , citant l’analyse, appelée à faire école, développée par la Cour

dans l’affaire de l’Anglo-Iranian Oil Co. 70. Mais le Nicaragua soutient que, en l’espèce, «il n’est

pas démontré que l’intention était, dans chacune des affaires, de dénoncer…la déclaration en

71
question avec effet immédiat» , que, «lorsque le Nicaragua a notifié au Secrétaire général

l’insertion d’une réserve dans sa déclaration de 1929, cette notification (datée du 7 novembre 2001)

50 ne précisait pas si la réserve était à effet immédiat» 72 et que «l’existence d’une conduite continue,

sans équivoque et stable qui pourrait, en droit, être assimilée à une pratique liant le Nicaragua n’est

pas démontrée» 73.

16. Madame le président, Messieurs de la C our, ces déclarations du Nicaragua ne résistent

pas à l’examen. Des preuves concluantes montrent que l’intention du Nicaragua était bel et bien de

modifier sa déclaration de 1929 avec effet immé diat. La lettre par laquelle le ministre

nicaraguayen des relations extérieures informait le Secrétaire général de cette modification, qui est

o
reproduite dans les exceptions préliminaires de la Colombie et à l’onglet n 14 du dossier des juges,

o
et actuellement projetée à l’écran, renvoie expressément et sans conteste à la décision n 335-2001

du 22 octobre 2001 prise par le président du Nicaragua.

17. Or, la décision datée du 22octobre2001, publiée dans La Gaceta, journal officiel du

74
Nicaragua , et reproduite à l’onglet 15 du dossier d’audience, ainsi qu’à l’écran, se lit comme

suit: «Afin de faire connaître…la réserve assortie, à compter de ce jour, par la République du

Nicaragua à sa déclaration, réserve ainsi libellée :

er
«A compter du 1 novembre 2001, le Nicaragua ne reconnaîtra ni la juridiction
ni la compétence de la Cour internationale de Justice à l’égard d’aucune affaire ni

d’aucune requête qui auraient pour origine l’interprétation de traités, signés ou ratifiés,
ou de sentences arbitrales rendues, avant le 31 décembre 1901.» 75

69
OEN, p. 103, par. 3.27.
70
Ibid., p. 103, par. 3.27.
71Ibid., p. 103, par. 3.26.

72OEN, p. 103, par. 3.29.

73Ibid., p. 104, par. 3.31.
74 o
La Gaceta (Journal officiel du Nicaragua), n 206, du 30octobre2001. Les articles de La Gaceta sont
librement accessibles au public, et le Gouvernement du Nicaragua, en particulier, ne peut qu’en avoir connaissance.
75 o
La Gaceta, n 206, du 30 octobre 2001. - 47 -

18. Il est donc clair, Madame le président, qu e le Nicaragua avait bel et bien l’intention de

modifier sa déclaration avec effet immédiat —c’est-à-dire que cette modification devait prendre

effet «à compter de ce jour», soit le 22octobre, jour de la promulgation ⎯ou, au plus tard, «[à]

compter du 1 ernovembre». Ainsi que le ra pportait le journal de Managua, La Prensa , dans son

édition du 23octobre 2001, «[l]e président de la République a pris un décret aux termes duquel il

écarte dorénavant la possibilité d’accepter tout règlement émanant de la Cour internationale de

Justice…compte tenu d’une éventuelle saisine de celle-ci par le CostaRica contre le

Nicaragua…» 76

19. C’est bien ainsi que le CostaRica —l’Etat le plus directement visé par la modification

de la déclaration du Nicaragua— avait alors inte rprété l’intention du Nicaragua et, dans sa note

77
51 verbale du 9janvier2002 distribuée sous la forme d’un document de l’Organisation des

NationsUnies, par laquelle il objectait à la décision du Nicaragua, il présupposait que la

er
modification introduite par celui-ci avait pris effet à compter du 1 novembre.

20. Le Nicaragua présente l’accord qu’il conclut le 26septembre2002 avec un nouveau

Gouvernement costa-ricien, aux termes duquel il éta it convenu de ne pas, au cours des trois années

qui suivraient, saisir la Cour internationale de Justice du différend frontalier les opposant au sujet

du fleuve SanJuan, comme un élément de preuve «convaincant», qui démontrerait «que, dans la

pratique, le Nicaragua n’accepte pas que les déclarations soient modifiées ou dénoncées sans

préavis» 7.

21. Madame le président, il n’en est rien. Lorsque le Gouvernement du Costa Rica annonça

qu’il introduirait devant la Cour une instance c ontre le Nicaragua au sujet du régime du fleuve

SanJuan, le Gouvernement nicaraguayen entreprit de modifier sa déclaration de 1929, avec effet

immédiat, afin de le prendre de vitesse. Le Costa Rica objecta alors à la démarche du Nicaragua,

dans les termes reproduits ci-dessus.

76La Prensa, Managua, 23octobre2001 (les italique s sont de nous). Les articles de La Prensa sont librement
accessibles au public. L’article peut être consulté sur Internet à l’adresse suivan:te

http://www.laprensa.com.ni/archivo/2001/octubre/23/politica/politica-20…. Une traduction anglaise en a
été remise au Greffe.
77Note verbale datée du 9 janvier 2002, adressée au Secrét aire général par la mission permanente du Costa Rica
auprès de l’Organisation des NationsUn ies, NationsUnies, doc. A/56/770, publiée le 11janvier 2002, annexe datée du

18 décembre 2001.
78OEN, p. 104, par. 3.32. - 48 -

22. Mais peu de temps après, des élections eurent lieu au Costa Rica et un nouveau président

entra en fonction. Le nouveau gouvernement et le Nicaragua signèrent un accord aux termes

duquel ce dernier «s’engag[eait] à ma intenir, pendant trois ans à compter [de la signature], la

situation juridique existante concernant sa déclar ation tendant à accepter la compétence de la Cour

79
internationale de Justice» , période au cours de laquelle le Costa Rica s’engageait à ne pas porter

devant la Cour de différend contre le Nicaragua. Mais, dans les fa its, ni la Colombie ni aucune

autre partie au Statut ne furent informées par le dépositaire de la moindre décision du Nicaragua de

ne pas donner effet avant trois ans à la réserve, notif iée au Secrétaire général en octobre 2001, à sa

déclaration d’acceptation de la clause facultative. Au contraire, dans son Annuaire 2001-2002, la

Cour publia la réserve du Nicaragua comme étant effective à compter du24octobre2001 80.

o
Veuillez-vous reporter à l’onglet n 16 du dossier des juges.

23. Madame le président, le Gouvernement de la Colombie tient à attirer l’attention de la

Cour sur le fait crucial suivant : la modification avec effet immédiat que le Nicaragua apporta, en

52 octobre 2001, à la déclaration qu’il avait faite en vertu de la clause facultative constitue l’élément

décisif qui conduisit, en décembre 2001, le Gouve rnement colombien à décider de mettre fin avec

effet immédiat à sa déclaration de 1937. Si le Nicaragua pouvait modifier sa déclaration avec effet

immédiat, la Colombie pouvait bien mettre fin à la sienne de la même manière.

24. Madame le président, Messieurs de la C our, la Colombie soutient que cette pratique

concordante et rapprochée dans le temps du Nicaragua et de la Colombie à l’égard de leurs droits

relatifs aux déclarations faites en vertu de la cl ause facultative constitue, entre les Parties, une

interprétation concertée des droits et obligations qui sont les leurs et que la Cour devrait tenir

compte des conséquences juridiques qui en découlent.

79 Ibid.

80 A la page 154 de son Annuaire 2001-2002, la Cour internationale de Justice reproduit le texte de la réserve du
Nicaragua et indique qu’il prend effet le 24 octobre 2001. Y figure également, en note de bas de page, la lettre
concernant la décision présidentielle n 335-2001 du 22 octobre 2001 que le Nicaragua a adressée au Secrétaire général,
ainsi qu’une mention relative à l’objection formelle que le Costa Rica a formulée à la réserve faite par le Nicaragua. - 49 -

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE ,LES TERMES DE LA DÉCLARATION DE LA COLOMBIE DE 1937

EXCLUENT LES PRÉTENTIONS DU N ICARAGUA ,PARCE QUE LE DIFFÉREND
EST NÉ DE FAITS ANTÉRIEURS AU 6 JANVIER 1932

25. Madame le président, j’en viens donc à pr ésent à l’élément qui permet de conclure que,

en tout état de cause, la clause facultative ne constitue pas une base de compétence.

26. La déclaration de la Colombie de 1937 «ne s’applique qu’aux différends nés de faits

81
postérieurs au 6 janvier1932», ce que le Nicaragua lui-même «reconnaît tout à fait» . Ainsi que

je vais le montrer dans un instant, la requê te du Nicaragua est nettement exclue du champ

d’application de la déclaration de la Colombie.

27. Dans son mémoire, le Nicaragua affirme lui-même justement que «[l]e différend porté

devant la Cour est déjà ancien [et] remonte aux premières années de l’indépendance [vis-à-vis de]

l’Espagne» 82 ⎯soit bien avant le 6 janvier 1932. L es faits qui ont donné naissance au différend

qui oppose le Nicaragua à la Colombie sur la côte des Mosquitos sont survenus au milieu

du XIX esiècle ⎯ soit bien avant le 6 janvier 1932. Les faits qui ont donné naissance au différend

qui oppose les Parties sur les îles du Maïs remontent à 1890 ⎯soit, là encore, bien avant

le 6 janvier 1932. Le Nicaragua revendiqua l’archipel de Sa n Andrés pour la première fois

en 1913 ⎯ soit toujours bien avant le 6 janvier 1932.

28. Dans sa requête, le Nicaragua, qui se f onde sur une interprétati on singulière de faits

survenus bien avant le 6 janvier 1932, prétend que le traité en vertu duquel il reconnut la

souveraineté colombienne sur l’archipel de San Andrés et la Colombie reconnut la souveraineté

nicaraguayenne sur la côte des Mosquitos et l es îles du Maïs n’est juridiquement pas valide.

Quelque contestable que soit l’interprétation que le Nicaragua donne de ces faits, il est indéniable

qu’ils sont antérieurs à 1932. Le traité fut signé en 1928 et ratifié en 193⎯ soit antérieurement

e
53 au 6 janvier 1932. Le Nicaragua conteste également la limite du 82 méridien ouest de Greenwich

qui avait été fixée entre les deux pays par le protocole d’échange des ratifications signé

le 5 mai 1930 ⎯ soit antérieurement au 6 janvier 1932.

81
OEN, p. 113, par. 3.56.
8MN, vol. I, Introduction, p. 1, par. 4. - 50 -

29. Madame le président, abstraction faite des prétentions que le Nicaragua formula dès 1913

sur l’archipel de San Andrés, abstraction faite du traité de 1928 qui y mit un terme et abstraction

faite du protocole de 1930 qui fixa la limite au 82 eméridien de longitude ouest, que reste-t-il?

Comment peut-on sérieusement prétendre que le différend soumis à la Cour entre le Nicaragua et la

Colombie n’est pas né de ces faits mais «de faits postérieurs au 6 janvier 1932» ?

30. La Colombie prie donc respectueusemen t la Cour, s’il devait être considéré que sa

déclaration de1937 était en vigueur à la date du dépôt de la requête du Nicaragua, de donner

pleinement et strictement effet à la réserve dont e lle a assortie cette déclaration ; la compétence de

la Cour se limiterait ainsi aux di fférends nés de faits postérieurs à 1932. Comme la Cour l’a

affirmé dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries

(Compétence en matière de pêcheries (Espagne c.Canada), compétence de la Cour, arrêt,

o
C.I.J. Recueil 1998, p. 453-455 ; Phosphates du Maroc, arrêt, 1938, C.P.J.I, Série A/B , n 74,

p. 24 ; Anglo-Iranian Oil Co., exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1952 , p. 107 ; Plateau

continental de la mer Egée, C.I.J. Recueil 1978 , p. 29), c’est l’intention de la Colombie, en qualité

d’Etat déposant, qui doit prévaloir. Les arguments du Nicaragua s’opposent au libellé explicite de

la déclaration de la Colombie ainsi qu’à l’intention expresse que celle-ci y exprime.

31. En l’affaire des Phosphates du Maroc , l’important arrêt dont l’effet indéfectible a été

récemment réaffirmé par la Cour ( Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c.Belgique),

83
mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999 , p.135) , la Cour permanente de Justice

internationale avait interprété que la réserve de la France, similaire à celle de la Colombie, visait

des faits «qui d[evaient] être consid érés comme générateurs du différend» ( Phosphates du Maroc,

loc. cit., p.23). La Cour permanente avait déclaré que les faits qui étaient l’objet de la réserve

ratione temporis devaient être envisagés du point de vue de leur relation «avec la naissance du

différend» ( ibid., p.24). En la présente instance, la vraie source du différend soulevé par le

Nicaragua a, de toute évidence, trait à la question de la souveraineté sur l’archipel de San Andrés,

question que les deux Etats avaient réglée par le trai té de1928, et à celle de la délimitation fixée

par le protocole d’échange des ratifications de 1930 de ce traité.

83Se reporter aux autres références du même ordre quele Gouvernement de la Colo mbie a réunies dans ses
exceptions préliminaires, p. 74, note 192. - 51 -

54 32. Peut-on sérieusement douter que les faits à l’origine de «la naissance du différend»

sont antérieurs à1932? En l’affaire des Phosphates du Maroc , la Cour permanente fit observer

qu’en formulant sa réserve, la France entendait enleve r à l'acceptation de la juridiction obligatoire

«tout effet rétroactif … pour éviter … de réveiller des griefs anciens» (ibid. , p.24). Cette

observation est assurément pertinente aux fins de la présente espèce et au regard du but du pacte de

Bogotá.

33. La jurisprudence remarquable de la Cour dans ce domaine a été réaffirmée et affinée, pas

plus tard qu’en février 2005, dans l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire relative à Certains biens. Le

Liechtenstein a fondé la compétence de la Cour sur la convention europ éenne pour le règlement

pacifique des différends internationaux dont l’article 27 a) prévoit que «[l]es dispositions de la

présente convention ne s’appliquent pas…aux différends concernant des faits ou situations

antérieurs à l’entrée en vigueur de la présente convention entre les parties au différend» ( Certains

biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, par. 18).

34. L’Allemagne a soulevé une exception préliminaire selon laquelle tous les faits pertinents

s’étaient produits avant l’entrée en vigueur de la convention européenne entre les Parties,

c’est-à-dire avant le 18 février 1980, les faits pe rtinents étant les décrets Beneš et une convention

sur le règlement signée par l’Allemagne. Le Liech tenstein a fait valoir que, dans la mesure où il y

avait eu un changement de position de l’Allemagne, les décisions rendues par les tribunaux

allemands dans l’affaire du Tableau de Pieter van Laer et les «positions adoptées par le

Gouvernement allemand après 1995» avait donné naissance au différend (ibid., par. 33).

35. La Cour a souligné que, aux fins de l’ appréciation des faits ou situations au sujet

desquels s’est élevé un différend, seuls étaient pe rtinents les faits ou situations pouvant être

considérés «comme générateurs du différend», ce ux qui en étaient «réellement la cause» ( ibid.,

par. 44). Elle a jugé que, si les décisions rendues par les tribunaux allemands après 1980 «[avaient]

bien déclenché le différend» opposant le Liechtenstein à l’Allemagne, c’étaient la convention sur le

règlement et les décrets Beneš qui «[étaient] à l’origine ou constitu[ai]ent la cause réelle de ce

différend», éléments bien antérieurs à 1980 ( Certains biens (Liechtenstein c.Allemagne), - 52 -

exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005 , par.52). La Cour a par conséquent retenu

l’exception préliminaire de l’Allemagne et jugé ne pas avoir compétence ratione temporis pour

trancher le différend.

36. Cela dit, Madame le président, si nous appliquons les enseignements de cette affaire-là et

cherchons à établir la source ou la cause réelle de la présente espèce, l’élément qui doit retenir

55 l’attention, c’est la requête du Nicaragua, étant donné que, comme l’a estimé la Cour, c’est la

requête qui au départ définit le différend ( Compétence en matière de pêcheries (Espagne

c.Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p.447-449, par.29-32). Dans sa

requête, le Nicaragua demande à la Cour de dire et juger qu’il a souveraineté sur l’archipel de

SanAndrés et, à la lumière des conclusions qu’elle aura tirées concernant le titre revendiqué, de

déterminer le tracé d’une frontière maritime entre le Nicaragua et la Colombie.

37. Le Nicaragua entreprend dans ses observations écrites —réflexion faite— de

s’affranchir des contraintes imposées par les lim itations temporelles de la déclaration de la

Colombie en tentant de restreindre de manière ra dicale la portée du différend telle qu’il la définit

dans sa propre requête. Il fait valoir à présent que le différend réel qui l’oppose à la Colombie ne

porte pas, après tout, sur la souveraineté sur l’archipel. C’est peut-être aussi parce qu’il mesure

l’extravagance de ses revendications de souverain eté sur l’archipel que le Nicaragua soutient

maintenant que «les faits géné rateurs du différend —ceux au su jet desquels le différend est

né ⎯ sont les décisions prises par la Colombie en 1969, et maintenues depuis lors, visant à nier au

Nicaragua tout droit de souveraineté sur le plateau continental (et sur une zone économique

e 84
exclusive) à l’est du 82 méridien» .

38. Pourtant, Madame le président, ce repli bien commode du Nicaragua ne suffit pas à

satisfaire aux conditions énoncées dans la réserve ratione temporis émise par la Colombie. La

question n’est pas de savoir «quand le différend entre le Nicaragua et la Colombie est né», mais «si

le différend découle de faits postérieurs au 6 janvier 1932».

84
OEN, p. 122, par. 3.79. - 53 -

39. Il est clair que non, étant donné que le fait essentiel qui se trouverait au cŒur du prétendu

différend, le fait essentiel dont il découlerait — la «source» véritable et la «cause réelle du

différend» entre le Nicaragua et la Colombie (pour reprendre la terminologie employée par la Cour

dans Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, arrêt, 1939, C.P.J.I. sérieA/B n o77 ,5

invoquée dans une si large mesure par le Nicaragua, réaffirmée récemment en ces termes dans

l’affaire relative à Certains biens) —, la source véritable et la cause réelle seraient l’établissement,

en1930, du méridien passant par 82°de longit ude ouest comme limite ma ritime entre les deux

pays. Or, 1930 précède 1932 !

40. Le Nicaragua tente de transformer le différend spécifié dans sa requête en un différend

au sujet d’une note diplomatique colombienne qui vi sait à lui rappeler quels étaient les droits de la

56 Colombie à l’est du méridien passant par 82° de lo ngitude ouest en 1969, lorsqu’il accorda pour la

première fois des permis d’e xploration pétrolière dans ces secteurs. Cette note réaffirme

simplement l’exercice de longue date, public, paci fique et régulier, par la Colombie, de sa

souveraineté et de sa juridiction sur l’archipel et les zones maritimes qui en dépendent, jusqu’au

méridien indiqué.

41. Par analogie avec la situation dans l’affaire relative à Certains biens , on pourrait

considérer que les notes diplomatiques de 1969 ont «déclenché» le présent différend, tout comme

les décisions rendues par les tribunaux allemands da ns les années quatre-vingt-dix l’ont fait dans

cette affaire. Mais il faudrait rechercher «la s ource ou cause réelle» du différend soumis à la Cour

dans le protocole de 1930, un inst rument juridique qui, dans la pr ésente espèce, joue en substance

le même rôle que la convention pour le règlement des différends et les décrets Beneš ont joué dans

cette affaire-là.

42. Compte tenu des faits qui conduisirent à l’adoption du protocole de 1930, comme l’a

rappelé M. Weil, et de son maintie n en vigueur pendant plus de soix ante-dix ans, le Nicaragua ne

peut à présent soutenir que le différend dont il a saisi la Cour n’est pas un différend découlant de la

limite établie par le protocole de 1930. La Colombie considère que les arguments échafaudés par

le Nicaragua au sujet d’un différend né en 1969 ne sont absolument pas convaincants.

85
Telle que présentée dans les observations écrites du Gouvernement du Nicaragua, p. 118-122, par. 3.73-3.78. - 54 -

43. Madame le président, Messieurs de la Cour , pour toutes les raisons qui viennent d’être

exposées, la Colombie estime, avec tout le respect qui est dû à la Cour, que celle-ci n’est pas

compétente pour se prononcer sur les demandes présentées dans la requê te du Gouvernement du

Nicaragua. La déclaration de 1937 de la Colombie n’ était pas en vigueur à la date du dépôt de la

requête du Nicaragua. Mais, même si la déclara tion de la Colombie était réputée avoir été en

vigueur à cette date, les demandes du Nicaragua sort ent du champ de la compétence de la Cour en

vertu des termes mêmes de la déclaration de la Colombie.

44. Madame le président, voilà qui conc lut l’argumentation du Gouvernement de la

Colombie dans le cadre du premier tour de plai doirie. Mes collègues et moi-même remercions la

Cour de l’attention qu’elle a bien voulu nous accorder.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Schwebel. Ceci met fin au premier tour de

plaidoiries de la Colombie. La Cour se réunira de nouveau demain à 10 heures pour entendre le

premier tour de plaidoiries du Nicaragua. L’audience est levée.

L’audience est levée à 13 h 10.

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