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132-20080916-ORA-01-01-BI
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CR 2008/31 (traduction)

CR 2008/31 (translation)

Mardi 16 septembre 2008 à 10 heures

Tuesday 16 September 2008 at 10 a.m. - 2 -

10 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de présiden:tVeuillez vous asseoir.

Mme le président Higgins ne siégera pas ce ma tin. Nous sommes réunis pour entendre la suite du

second tour de procédure orale de la Roumanie, et je donne la parole à M. Vaughan Lowe. Vous

avez la parole.

M. LOWE : Je vous remercie, Monsieur le vice-président, Messieurs de la Cour.

VII. C ONSTRUCTION DE LA LIGNE D ’ÉQUIDISTANCE

1. Nous passerons maintenant à la question de la construction de la ligne d’équidistance.

Nous avons traité cette questi on en détail au premier tour, et je n’y reviendrai ici que

sommairement, en me contentant d’examiner dans leur contexte les arguments soulevés par nos

amis de l’autre côté du prétoire.

2. Les Parties conviennent que la pratique établie veut que l’on retienne maintenant une

approche en trois étapes consistant, première ment, à tracer une ligne d’équidistance «stricte»

provisoire, deuxièmement, à l’ajuster pour prendre en considération les circonstances spéciales et,

troisièmement, à vérifier le caractère équitable du résultat ainsi obtenu.

Points de base

3. Vendredi dernier, M.Quéneudec vous a présenté une analyse détaillée de l’approche

retenue pour tracer la ligne d’équidistance, concluan t qu’il convenait de tracer la ligne équidistante

des points de base les plus rapprochés des côtes de chacun des deux Etats. La seule question qui se

pose, a-t-il précisé, est celle de la proximité de s points pertinents. Par moments, l’Ukraine a

semblé contredire sa propre règle en donnant à entendre que les points de base ne pouvaient être

utilisés qu’une seule fois, afin d’éviter ce qu’elle a appelé le «compte double»: mais cette

suggestion est sans fondement aucun, en droit conv entionnel ou coutumier comme sur le principe.

L’insistance de M. Quéneudec à utiliser les points les plus rapprochés, quels qu’ils puissent être, est

tout à fait justifiée : et nous souscrivons, respectueusement, à son approche.

4. L’aspect sur lequel nous nous en dissocions, en revanche, est celui de la définition des

points de base pertinents. Pour l’Ukraine, nous feindrions d’ignorer que la ligne d’équidistance - 3 -

doit être établie objectivement et sans, dans un premier temps, tenir compte des circonstances

spéciales. Plus précisément, l’Ukraine nous reproche de faire abstraction de l’île des Serpents.

5. Or, nous ne faisons pas abstraction de l’île des Serpents. Nous l’avons prise en compte :

mais, selon nous, elle tombe dans le champ d’application du paragr aphe3 de l’article121 et, dès

lors, nous la traitons en conséquence.

11 Question du juge Oxman

6. Le moment nous semble bien choisi pour répondre à la première question posée par

lejugeOxman: celle de savoir, en substance, si l’article121 s’appli que aux espaces maritimes

situés dans la limite de 200milles marins du te rritoire continental. La réponse est: oui.

L’article121 est intitulé «Régime des îles». Il c onstitue l’intégralité de la partieVIII de la

convention, elle-même intitulée «Régime des îles». La partie VIII vient après celles consacrées à

la mer territoriale, à la zone contiguë, à la zone économique exclusive, au plateau continental et à la

haute mer.

7. L’article121 vise à définir le régime juri dique des îles. Rien dans cette disposition

n’indique qu’elle vaudrait uniquement pour les îles situées en haute mer, au-delà de la zone

économique exclusive ou du plateau continental, ou encore à une certaine distance de la côte.

Aucune disposition de la conventio n ne donne ne serait-ce à penser qu’il pourrait en être ainsi. Et

rien, non plus, dans les travaux préparatoir es n’indique qu’il conviendrait d’y lire pareille

restriction.

8. Sachant que, à l’exception des îles coralliennes et des dorsales médio-océaniques, les îles

tendent naturellement à se former relativement près de masses te rrestres plutôt qu’au beau milieu

de l’océan, pareille interprétation du libellé de l’ar ticle reviendrait à en restreindre sensiblement le

champ d’application. Et ce seul fait doit nous mettre en garde contre la tentation de discerner dans

cet article des restrictions qui ne figurent nulle part dans le texte.

9. L’article121 est une disposition conventi onnelle; et selon nous, de quelque façon qu’on

l’interprète, dans le respect des pr incipes de base du droit des traités, rien ne permet de penser que

son champ d’application se limite aux zones situées à plus de 200 milles des côtes continentales. - 4 -

10. De notre point de vue, le sens des termes employés à l’article 121 est leur sens explicite.

Ni l’Ukraine ni nous-mêmes n’a vons soutenu, dans nos exposés, qu’il convenait d’y lire une

restriction géographique. L’Ukraine n’est pas allée jusque là; tout au plus a-t-elle avancé, par la

voix de MmeMalintoppi, que les auteurs de cet artic le avaient en tête des formations telles que

1
Rockall, situées en pleine mer . Mais quand bien même MmeMa lintoppi aurait raison, et quand

bien même l’on pourrait se faire une idée de ce qu’avaient en tête les quelque 150délégations

signataires de la convention ⎯or, nous n’avons trouvé aucun élément indiquant ce qu’il en

était ⎯, l’argument fait long feu. Lorsque la Cour es t appelée à interpréter la convention, elle ne

cherche pas à savoir ce qui pourrait constituer un prototype d’île au sens du paragraphe3. Ce

qu’elle cherche, en revanche, c’est à déterminer ce qui, en droit, constitue les limites de la catégorie

12 des îles au sens du paragraphe3, et si l’île des Se rpents en relève. Et, à cet effet, la Cour doit

s’appuyer sur le libellé du traité, et non pas sur une intuition consistant à y voir des limitations que

ses auteurs n’y ont nullement incluses.

L’île des Serpents n’est pas un point de base aux fins de la délimitation de la zone
économique exclusive ou du plateau continental : l’article 121

11. J’en viens maintenant à la question des points de base. L’Ukraine soulève plusieurs

objections à notre thèse, selon laquelle l’île des Serp ents relève du paragraphe3 de l’article121.

Elle soutient qu’il ne s’agit pas d’un rocher, mais d’une île; et qu’elle ne correspond pas à ce

qu’avaient en tête les auteurs de l’article 121 lorsqu’ils ont rédigé le paragraphe 3, parce qu’elle est

trop grande et située trop près de la côte.

12. Le terme «rocher» n’est pas un terme technique défini dans la convention; et

les «rochers» et les «îles» ne sont pas des catégories s’excluant l’une l’autre. Nous l’avons indiqué,

tous les rochers sont nécessaireme nt des îles au sens du paragraphe1 de l’article121. Rockall,

dont MmeMalintoppi vous a projeté une photo, est une île au sens du paragraphe1, mais

également un rocher au sens du paragraphe 3.

13. L’Ukraine a également fait référence à la décision relative à EddystoneRock dans

l’arbitrage franco-britannique sur le plateau continental rendu voici trente ans, en 1977. Mais cette

1
CR 2008/29, p. 17, par. 52. - 5 -

décision reposait, comme l’a signalé à bon droit M. Quéneudec, sur le fait que la France avait déjà

accepté de voir le rocher traité comme un point de base aux fins de la délimitation des zones de

pêche britanniques de6 et de 12milles, lesquelles devaient ⎯aux termes de la convention

européenne sur la pêche de 1964 ⎯ être mesurées depuis les lignes de base de la mer territoriale du

Royaume-Uni, qui était alors de 3 milles.

14. Cinq années devaient encore s’écouler av ant que la convention de 1982 ne soit adoptée

sous sa forme définitive, et dix-sept années avan t son entrée en vigueur. L’affaire de la

Délimitation du plateau continental fut plaidée sur le fondement de la convention de1958 sur le

plateau continental et, du fait des réserves à la convention de1958, sur la base du droit

international coutumier, que le tribunal a jugé quasi ment équivalent à cette dernière. L’article 121

n’était tout simplement pas applicable ⎯ pas pertinent ⎯ dans cette affaire. Les exposés ne sont

pas rendus publics, mais ce que l’on en sait, d’après le texte de la sentence, c’est que les parties se

sont focalisées sur la question de savoir si Ed dystone était une île ou un haut-fond découvrant.

Cette affaire serait à n’en pas douter plaidée autremen t aujourd’hui. Mais, je le répète, la décision

était fondée sur d’autres motifs, et dans un cas où l’article 121 était dépourvu de pertinence.

13 15. L’Ukraine a également fait référence à la configuration de l’île des Serpents et à sa

relation à la côte. Ce point-là est pertinent. La convention envisage deux cas de figure en ce qui

concerne les zones économiques exclusives et le plateau continental générés par des formations

telles que l’île des Serpents situées au large de la côte. Si une telle formation se trouve à proximité

immédiate de cette côte, elle pourra éventuellement être utilisée comme point de base dans le cadre

d’un système de lignes de base droites, aux termes de l’article7. Dans le cas contraire, elle ne

pourra générer rien de plus qu’une mer territoriale.

16. L’île des Serpents n’est pas située à proxim ité de la côte, et l’Ukraine n’a pas cherché à

l’utiliser dans le cadre d’un système de lignes de base droites. Le conseil de l’Ukraine a indiqué, la

semaine dernière, que l’île des Se rpents n’était «située ni au début ni à la fin d’un quelconque

segment de ligne de base droite» 2 et qu’«aucune ligne de base droite ne…reliait [l’île] au

3
continent» . Aussi ne peut-elle générer rien d’autre qu’une mer territoriale de 12 milles ⎯ c’est ce

2
CR 2008/26, p. 26, par. 27 (Bundy).
3
CR 2008/26, p. 26, par. 23 (Bundy). - 6 -

qui est prévu à l’article 121 de la convention. M. Pellet approfondira la qu estion de la relation de

l’île des Serpents à la côte dans un moment.

17. Le paragraphe3 de l’artic le121 mentionne les «rochers». Il ne définit pas le terme

«rocher» ; mais la référence aux «rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation humaine ou à une vie

économique propre» indique clairement que certains rochers doivent eux se prêter à l’habitation

humaine ou à une vie économique propre. Si tel n’était pas le cas, la référence à l’habitation

humaine ou à une vie économique propre serait superflue. Il s’ensuit, nécessairement, que

certaines formations qui sont des «rochers» sont suffisamment étendues pour se prêter à

l’habitation ou à une vie économique propre; et elles peuvent même avoir une superficie égale,

voire supérieure, à celle de l’île des Serpents.

18. C’est la raison pour laquelle nous soute nons que le critère essentiel, au regard du

paragraphe 3, est le seul critère qui soit expresséme nt énoncé : le fait que ce paragraphe s’applique

précisément aux formations ne se prêtant pas à l’habitation humaine ou à une vie économique

propre. La Roumanie ne plaide pas en faveur de telle ou telle interprétation de la convention ou de

ses effets fondée sur des dispositions implicite s ou des sens cachés. Le paragraphe3 de

l’article121 est on ne peut plus clair et explicite, en ce qu’il affirme que «[l]es rochers qui ne se

prêtent pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre n’ont pas de zone économique

14 exclusive ni de plateau continental.» Cette règle lie l’Ukraine et la Roumanie ; et l’on ne saurait,

en droit, se dispenser de l’appliquer.

19. Mme Malintoppi s’est employée à établir que l’Ukraine ne faisait rien pour augmenter la

superficie de l’île des Serpents 4. Nous voulons bien l’admettre, encore que nous pensions que faire

d’une petite île déserte une île déserte légèrement plus étendue n’aurait aucune incidence sur le

statut juridique de l’île en question.

20. L’analyse présentée par MmeMalintoppi en ce qui concerne la question clé de

l’habitation humaine et de la vie économique était d es plus succinctes. «Il y a de l’eau et de la

végétation», a-t-elle affirmé 5. Aucun autre élément d’explication, aucun élément de preuve. Qu’il

y ait de l’herbe et de la mousse sur l’île, nous le lui accordons. En revanche, Mme Malintoppi n’a

4
CR 2008/29, p. 12, par. 35.
5
CR 2008/29, p. 11, par. 30. - 7 -

pas précisé le nombre de bombonnes d’eau que compte l’île, ni dans combien de temps elles seront

vides.

21. Mme Malintoppi affirme qu’il est relativem ent courant qu’une île dépende du continent

pour ses ressources de première nécessité et que l’on ne saurait s’attendre à ce que ses habitants

6
vivent en complète autarcie . Nous avons formulé la même observation. Mais MmeMalintoppi

n’a pas répondu à cette autre observation que nous avons faite, qui est qu’une île totalement

dépendante sur le plan de l’alimentation, de l’eau et de tout autre des besoins fondamentaux de

l’être humain ne se distingue en rien d’une plateforme d’acier, et ne se prête, quelque définition que

l’on retienne, pas à l’habitation humaine.

22. La réponse à la question de savoir à quel type de vie se prête l’île des Serpents

elle-même, en l’absence d’approvisionnement par voie aérienne, se devine aisément. Rien

n’indique que l’île dispose de sources d’eau dou ce. Les précipitations y sont minimes: l’étude

reproduite à l’annexe6 de notre mémoire donne le chiffre de 366 millimètres par an environ, soit

une moyenne d’un millimètre de pluie par jour. L’Organisation mondiale de la santé a chiffré à 15

à 20 litres par personne et par jour les besoins quotidiens en eau 7. Nous invitons donc l’Ukraine à

expliquer à la Cour comment, dès lors, l’île pourrait selon elle se prêter à l’habitation humaine.

23. Sur la question de savoir si l’île se prête à une vie économique, l’Ukraine affirme

8
seulement qu’elle pourrait en abriter une . Elle n’offre à cet égard aucun élément de preuve. Elle

ne cherche pas à indiquer comment, ni quand, elle le pourrait. Or, nous ne pensons pas qu’il y ait

la moindre perspective réaliste d’habitation hum aine ou de vie économique propre sur l’île des

15 Serpents. Si l’Ukraine pense le contraire, une fois de plus, nous lui demandons d’expliquer à la

Cour comment et quand exactement l’île pourra, se lon elle, avoir une vie économique propre.

L’Ukraine n’a tout simplement pas répondu aux nombreux arguments que nous avons avancés sur

les faits, et que je ne répéterai pas ici.

6
CR 2008/29, p. 17, par. 51.
7Organisation mondiale de la santé, Technical Note n 9 (Draft revised: 7.1.05), Minimum water quantity needed
for domestic use in emergencies : http://www.searo.who.int/LinkFiles/Lis t_of_Guidelines_for_Health_Emergency_

Minimum_water_quantity.pdf.
8CR 2008/29, p. 16, par. 50. - 8 -

24. MmeMalintoppi a également mentionné le fait que l’Ukraine s’était engagée à ne pas

déployer d’armes offensives sur l’île des Serpents, à titre de preuve que la Roumanie devait
9
considérer celle-ci comme habitable . La logique de cet argument nous échappe. Des traités

interdisent également de déploy er des armes sur les fonds marins ou la lune; l’on voit mal

l’existence de ces traités prouver que l’un ou l’au tre de ces environnements se prête à l’habitation

humaine.

25. L’île des Serpents ne peut générer de titre sur une zone économique exclusive ou un

plateau continental que si elle se prête à l’ha bitation humaine ou à une vie économique propre.

Dans le cas contraire, elle ne saura it générer ni l’une ni l’autre. Or, si elle ne peut générer ni l’une

ni l’autre, elle ne peut être utilisée comme point de base lors de la première étape de la construction

de la ligne d’équidistance tracée aux fins de la délimitation de la zone économique exclusive ou du

plateau continental. Tel est notre argument, et l’Ukraine n’y a pas répondu.

26. Le caractère fallacieux de l’argument ukrainien tient dans l’idée que l’objectivité stricte

de la première étape de construction de la ligne d’équidistance ne requerrait aucune analyse

juridique, que l’on pourrait se contenter de mesure s faites à partir de chaque point de base sans

tenir compte de la nature de celui-ci ; mais il n’en est pas ainsi en droit.

27. Mesurer la ligne d’équidistance devant ser vir à la délimitation de la zone économique

exclusive ne peut se faire qu’à partir de points de base pertinents aux fins de la zone économique

exclusive. Mesurer la ligne d’équidistance devant servir à la délimitation du plateau continental ne

peut se faire qu’à partir de points de base pertinents aux fins du plateau continental. La convention

qu’ont signée, et ratifiée, la Roumaine et l’Ukraine, et dont elles ont choisi d’intégrer les

dispositions pertinentes à l’accord de1997, définit une catégorie d’îles distincte «ne se prêt[a]nt

pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre» et précise que ces îles ne génèrent pas

de zone économique exclusive ni de plateau contin ental. Nous soutenons que l’île des Serpents

relève de cette catégorie et que, d ès lors, elle ne saurait entrer en ligne de compte aux fins de la

construction d’une ligne d’équidistance servant à délimiter la zone économique exclusive ou le

plateau continental.

9
CR 2008/29, p. 11, par. 30. - 9 -

28. L’Ukraine a également avancé 10que, si la Roumanie s’était employée, lors de la

troisième conférence sur le droit de la mer, à ce que soit inclus dans la convention un article

16 empêchant expressément les îles «inhabitées» d’influer sur la délimitation maritime, c’est qu’elle

n’estimait pas l’île des Serpents couverte par le para graphe3 de l’article121. L’objectif de la

Roumanie était, comme l’a admis l’Ukraine, d’obtenir l’incorpor ation dans la convention d’une

disposition portant sur le statut de l’île des Serpents. La Roumanie a formulé des propositions à un

stade très précoce; elle est demeurée active au cours des négociations; et vers la fin de la

conférence, elle a cherché, en vain, à obtenir l’ incorporation d’une disposition de portée plus large

que l’article121. Mais le fait qu’elle ait cher ché à obtenir la protection supplémentaire d’une

disposition de plus ample portée, anticipant peut-être les ingénieuses tentatives que ferait l’Ukraine

pour se soustraire au paragraphe 3 de l’article 121, ne devrait pas surprendre.

29. La Cour le sait, tout cela ne constitu e qu’une partie de notre argumentation en ce qui

concerne l’île des Serpents. Nous soutenons ég alement qu’il existe un accord contraignant entre

les Parties sur le traitement à réserver à l’île : M. Crawford en a déjà parlé.

30. Nous soutenons encore que, quand bien mê me en principe l’île pourrait en effet être

retenue comme point de base, en tant qu’île au sens du paragraphe2 de l’ article121, une île de

cette taille et de cette nature, dans le contexte gé ographique qui est le sien, ne devrait, d’après la

pratique établie en matière de dé limitation maritime, produire aucun e ffet. M. Pellet a traité cette

question lors du premier tour et je ne reviendrai pas sur ses arguments. J’insisterai simplement sur

cinq éléments :

⎯ premièrement, cet argument n’a été examiné que tr ès brièvement par nos contradicteurs, qui se

sont en outre gardés de revenir sur le tableau synoptique, soigneusement préparé par nos soins,

que nous avions joint à notre premier tour de plaidoiries ⎯et que nous reproduisons de

nouveau sous l’onglet 1 des dossiers d’audience ;

11
⎯ deuxièmement, M.Bundy , faisant exception à cette règle, s’est quelque peu étendu sur la

question avançant l’argument suivant : toute île ayant une ligne de base, l’île des Serpents en a

10
CR 2008/29, p. 17-16, par. 53-60.
11CR2008/26, p.23-26, par.15-29; voir aussi CR2008/24, p.32, par. 54 ; CR 2008/28, p. 50, par. 70 (Bundy)
et CR 2008/29, p. 28, par. 34 (Quéneudec). - 10 -

également et, partant, «il est tout à fait justifié d’utiliser des points de base situés sur cette ligne

12
aux fins de construire la ligne provisoire d’équidistance» . Comme nous l’avons dit,

M. Bundy pose là une pétition de principe. Nous ne doutons nullement que toute île, l’île des

Serpents comprise, possède une ligne de base. Ma is la véritable question est celle de savoir si

cette ligne de base doit être prise en considération aux fins de construire la ligne d’équidistance

provisoire. Et, selon nous, à la lumière de la pratique des Etats et de la jurisprudence de la

Cour et des autres juridictions internationales, la réponse est claire, et elle est négative ;

17 ⎯ troisièmement, même si les Etats ne sont pas juridiquement tenus de notifier les lignes de base

«allant de soi», il est significatif que l’Ukrain e ait notifié à l’Organisation des NationsUnies

toutes ses lignes de base, exception faite de celle située sur l’île des Serpents ;

⎯ quatrièmement, M. Quéneudec a, quant à lui, soutenu que l’île des Serpents était une île côtière

et que, en tant que telle, elle constituait nécessairement un point de base à prendre en

considération dès la phase de construction de la ligne d’équidistance provisoire. Or, il ne s’agit

pas d’une île côtière, comme M. Pellet le montrera dans un instant ;

⎯ cinquièmement, l’on ne saurait raisonnablement affirmer, comme l’a fait vendredi dernier

M.Quéneudec, que la Roumanie a accepté l’u tilisation de l’île des Serpents comme point de

13
base en signant le traité de2003 . L’articlepremier de ce traité se contente de définir le

«point de jonction de[s] … limites extérieures» des «mers territoriales [respectives] des parties

14
contractantes». Comme l’a indiqué M.Crawford , les Parties sont convenues de ce qu’elles

pouvaient convenir et ont laissé pendant le rest e du différend. Le traité de2003 n’est pas

pertinent aux fins de la question de savoir si l’île des Serpents peut être utilisée comme point de

base pour la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive.

31. Avant d’en finir avec la question de l’île des Serpents, je voudrais rappeler que nos amis,

de l’autre côté du prétoire, n’ont fourni aucune explication pour motiver le silence qu’ils ont

observé face aux déclarations faites par la Roumanie au moment de la signature et de la ratification

de la convention sur le droit de la mer (CNUDM), ni les raisons pour lesquelles ils sont convenus

12CR 2008/26, p. 26, par. 29.
13
CR 2008/29, p. 34, par. 46 (Quéneudec).
14CR 2008/30, p. 50, par. 25 (Crawford). - 11 -

d’adopter l’article 121 dans le fameux article 4 de l’accord de 1997. Nous ne prétendons pas qu’ils

aient été tenus, en droit, de répondre à la déclara tion de la Roumanie comme ils l’ont fait en ce qui

concerne la déclaration formulée par les Philippin es en vertu de la CNUDM. Le droit au silence

existe. Mais l’on peut également tirer certaines conclusions de ce silence ; et, selon la Roumanie, si

l’Ukraine n’a pas objecté aux déclarations de la Roumanie, ni à l’adoption de l’article 121 en 1997,

c’est qu’elle n’y voyait pas matière à objection.

32. MmeMalintoppi a présenté un compte rendu exact, mais incomplet, des travaux de la

commission du droit international sur cette question 15. Il est vrai, en effet, que le rapporteur spécial

sur les réserves aux traités a considéré, en ce qui concerne les déclarations interprétatives, que le

silence ne pouvait valoir, par lui-même, approbation ⎯comme c’est le cas en ce qui concerne le
18

paragraphe5 de l’article20 de la convention de Vienne sur le dr oit des traités. Mais cela n’est

qu’un aspect de la question.

33. Dans certaines circonstances, ainsi qu’indiqu é par le rapporteur spécial de la CDI dans

son treizième rapport, il se peut que l’organisati on internationale ou «l’Etat silencieux soi[en]t

néanmoins considéré[s] comme ayant acquiescé à la déclaration par [leur] comportement ou par

16
l’absence de comportement en relation avec la déclaration interprétative» . Les circonstances de

l’espèce sont de celles qui peuvent déclencher cet effet juridique 1. La déclaration de la Roumanie

ne pouvait concerner d’autre rocher que l’île des Serpents, et l’Ukrain e en était bien consciente, et

le reconnaît. Dans ces circonstances, l’on se ser ait attendu à ce qu’elle réagisse pour sauvegarder

ses droits; or, elle n’en a rien fait. Et, selon nous , l’Ukraine n’est maintenant plus en mesure de

«contester la validité et l’effet» 18 de la déclaration de la Roumanie.

34. Pour conclure, Monsieur le vice-président , sur cet aspect important de l’affaire, en

grande partie passé sous silence par nos collègues, permettez-moi de répéter que l’île des Serpents

ne saurait jouer le moindre rôle dans la constr uction de la ligne d’équidistance et que cette

conclusion est indépendante du fait que l’île des Serpents doit être qualifiée de rocher au regard du

15 CR 2008/29, p. 20-21, par. 64-68.
16
A/CN.4/600, par. 316. Voir aussi le paragraphe 313.
17 CR 2008/20, p. 53 et suiv., par. 73 et suiv.

18 Décision concernant la délimitation de la front ière entre l’Erythrée et l’Ethiopie, 13avrRecueil des
sentences arbitrales, vol. XXV, p. 111, par. 3.9 [traduction du Greffe]. - 12 -

paragraphe 3 de l’article 121 de la convention. Comme l’a dit hier l’agent , il ne s’agit pas là d’un

argument «subsidiaire». Chaque argument ⎯relatif à l’accord de1949, à la pratique concernant

les petites formations en matière de délimitation et à l’article121 ⎯ est autonome; et ces trois

arguments se complètent l’un l’autre.

La Digue de Sulina

35. J’en viens à présent à la digue de Sulina. L’Ukraine a fait allusion à une sorte d’échange,

la digue contre l’île des Serpents. «Laissez-nous les points de base de l’île des Serpents et vous

pourrez utiliser la digue de Sulina». A première vue, cela ressemble à une offre de brigand:

«donnez-moi votre porte-monnaie et vous pouvez garder votre montre».

36. Cependant, la position ukrainienne est, nous en sommes sûrs, loin d’être aussi sommaire.

Pour nous, elle vise non pas la construction de la ligne d’équidistance provisoire, mais la deuxième

19 étape, la prise en considération de l’île des Se rpents comme une circonstance spéciale, et elle

propose que la digue de Sulina soit elle aussi considérée comme une circonstance spéciale. Dans

sa plaidoirie d’hier, M.Müller a expliqué que cette digue était une installation permanente

importante reliée à la côte et s’inscrivant dans le profil général du littora l au nord, auquel elle

devrait bientôt être rattachée pa r l’effet de l’ensablement. La barre de sable nouvellement formée

illustre clairement ce processus. La digue est également indispensable pour préserver la

navigabilité du Danube, ainsi que l’accès au port de Sulina sur la mer Noire et aux ports du

Danube. Aucun argument plausible n’a été invoqué pour ne pas lui donner plein effet en tant que

point de base. Toutefois, dans le cas où il pourrait être suggéré que la Roumanie n’est pas en droit

d’utiliser la digue de Sulina comme point de base, j’examinerai ce point.

[Projection : onglet 2]

37. Je le fais par ce que ce point a été soulev é par nos amis et il soulève une importante

question de principe. Je précise toutefois que po ur l’Ukraine, la digue altère peu la ligne

d’équidistance. La figure projetée à l’écran et re produite sous l’onglet2 de votre dossier montre

cet effet. La ligne verte est la ligne d’équidistance proposée par l’Ukraine, telle qu’elle serait

tracée si l’on donnait effet à l’île des Serpents et si, en ne donnant aucun effet à la digue de Sulina,

19
CR 2008/30, p. 11, par. 5 (Aurescu). - 13 -

on la traçait à partir des points de base situés sur la côte naturelle de la R oumanie. La ligne rouge

montre la ligne d’équidistance de l’Ukraine, tracée en utilisant l’île des Serpents et également la

digue de Sulina. Comme vous pouvez le constater, la différence est réduite et se limite à la

première dizaine de milles de la ligne, avant que les points de base sur le littoral roumain ne

prennent la relève. Ce pendant, la digue a plus d’effet sur la ligne d’équidistance continentale

tracée par la Roumanie et c’est pour nous un poi nt qui revêt une certaine importance [fin de la

projection].

38. L’Ukraine semble également avoir mal calculé l’effet de la digue de Sulina sur la ligne

d’équidistance proposée par la Roumanie. [Project ion: onglet3] MBundy vous a montré, sous

20
l’onglet9, ce qu’il a décrit co mme étant l’effet de la digue . Il a décrit la ligne rouge comme

représentant la ligne d’équidistance sans la digue de Sulina et la ligne bleue comme la ligne

d’équidistance si la digue est prise en compte comme point de base. En réalité, la ligne rouge

semble avoir été tracée en utilisant une ligne de base située quelque peu en retrait vers l’intérieur de

la côte naturelle de Sulina. Si la côte est tracée à partir du point le plus éloigné de la côte naturelle,

20 la véritable ligne d’équidistance est celle qui est représentée en jaune sur la carte, et la digue a

beaucoup moins d’effet sur la ligne d’équidistance que le prétend l’Ukraine [fin de la projection].

39. [Projection: onglet 4.] Pendant que no us examinons cette z one, permettez-moi de

mentionner également la proposition uk rainienne de tracer une ligne perpendiculaire à partir de la

côte à ce point. Cette ligne perpendiculaire est extr aordinaire. Elle traverse le delta du Danube, en

en coupant la partie orie ntale, une zone de 990km 2, comprenant Sacalin. Incidemment, la ligne

tracée en rouge n’est pas la perpendiculaire roumai ne tracée à partir de la côte adjacente: cette

ligne est destinée à illustrer la construction du po intX, comme M.Crawford l’a expliqué il y a

deux semaines. [Fin de la projection] Mais permettez-moi de revenir à la question de principe.

40. M Müller vous a présenté les faits relatifs à la digue et à son rôle essentiel et total dans

l’entretien de Sulina et des ports du Danube.

41. La proposition de M Bundy selon laquelle les formations naturelles comme l’île des

Serpents devraient être aussi favorisées que les ouvrages artificiels comme la digue de Sulina aurait

20
CR 2008/24, p. 32-33, par. 58 (Bundy). - 14 -

pu servir de base à l’élaboration d’une disposition conventionnelle sur le sujet, mais ce n’est pas

ainsi que le droit s’est développé et existe aujourd’hui.

42. Le commentaire de 1956 de la Commission du droit international (CDI) sur ce qui allait

21
devenir l’article8 de la convention de 1958 sur la mer territoriale , puis l’article11 de la

convention de 1982, est instructif. Il est bref, et ses paragraphes pertinents ⎯ qui sont reproduits

sous l’onglet 5 du dossier de plaidoiries ⎯ se lisent comme suit :

«2) Les constructions permanentes situées sur les côtes et se prolongeant en mer,
comme les jetées et les ouvrages servant à la protection des côtes contre la mer,

sont assimilées aux installations portuaires.

3) Au cas où ces constructions atteindraient une longueur excessive (par exemple une

jetée se prolongeant en mer sur plusieurs kilomètres), on peut se demander si
l’article présent pourrait être encore appliqué , et si, dans ce cas, il ne faudrait pas
recourir au système des zones de sécurité, prévu par l’article71 pour les
installations sur le plateau continental. Ce cas ne se présentant que très rarement,

la Commission, tout en désirant y appeler l’attention, n’a pas cru nécessaire de
prendre position à cet égard.» 22

43. Il ressort clairement de ce commentaire que la CDI considérait que le texte de l’article 8,

qui est identique à la première phrase de l’article 11 de la convention sur le droit de la mer,

s’appliquait aux ouvrages servant à la protection des côtes, catégorie à laquelle il est clair que la

digue de Sulina appartient. Ce commentaire montre aussi que la CDI s’est demandée si les longues

jetées s’avançant en mer sur plusieurs kilomètres devaient relever de la règle qu’elle proposait. Il y

a une différence entre les jetées et les ouvrages serva nt à la protection des côtes. Une jetée est

21 généralement une structure resse mblant à un ponton, reposant sur des piliers de bois ou de fer,

même si elle peut être solidement construite. Mais même dans le cas des jetées, bien que la CDI ait

soulevé la question, la conférence de 1958 ne les a pas exclues des «installations permanentes

faisant partie intégrante du système portuaire».

44. La convention de 1982 ajoute une précision à cette règle : il s’agit de la deuxième phrase

de l’article11, qui se lit comme suit: «Les instal lations situées au large des côtes et les îles

artificielles ne sont pas considérées comme des inst allations portuaires permanentes.» On voit une

fois de plus que la question de la portée de cette règle et de son application à divers types de

21
«Aux fins de délimitation de la mer territoriale, les installations permanentes faisant partie intégrante du
système portuaire qui s’avancent le plus vers le large sont considérées comme faisant partie de la côte.»
22YILC, 1956, vol. II, p. 270 (Commentaire sur le projet d’arti cle 8) ; http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/

english/commentaries/8_1_8_2_1956.pdf - 15 -

structures a été envisagée, et qu’une fois de plus, position a été prise délibérément, cette fois par la

troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. La digue de Sulina n’est clairement

pas une «installation située au large», ce terme est employé à l’article 56 de la convention pour

désigner les plateformes pétrolières en mer et les installations similaires. Ce n’est pas non plus une

île artificielle. Elle reste, comme d’autres ouvrag es servant à la protection des côtes, dans la

catégorie des installations portuaires permanentes que les Etats ont le droit d’utiliser comme points

de base. M.Bundy pose une bonne question, mais il existe une réponse claire et certaine à cette

question depuis un demi-siècle: les ouvrages servant à la protection des côtes comme celui-ci

peuvent effectivement servir de points de base.

45. Nous souhaiterions également attirer votre attention sur le fait que la digue de Sulina a

été citée par l’Ukraine sur sa propre liste de points de base, contrairement à l’île des Serpents. Le

premier point de la ligne de base ukrainienne est décrit ainsi dans la loi ukrainienne :

«[L’]Intersection de la ligne de la frontière maritime entre la Fédération de

Russie et la République socialiste de Roumanie reliant l’extrémité orientale de l’en23ée
nord de la digue du canal de Sulina avec l’îlot oriental de l’île de Tsyganka.»

46. Ainsi, la réponse à la proposition visant à ét ablir une équivalence entre l’île des Serpents

et la digue de Sulina se trouve dans la convention elle-même. Ce texte ⎯ le droit ⎯ les traite

différemment et c’est pourquoi elles doivent être traitées différemment dans le cadre du processus

de délimitation.

47. Une fois résolue la question de ces points de base, la construction de la ligne

24
d’équidistance provisoire est une tâche mécanique et ne risque guère de susciter de désaccord,

bien qu’il existe, bien entendu, un désaccord sur ce qui a été convenu en 1949. La ligne suit le

22 tracé que nous avons décrit. Elle a deux secteurs principaux, l’un est contrôlé par les points de base

des côtes situés sur les côtes ad jacentes et l’autre par les points de base situés sur les côtes se

faisant face, et son tracé est dicté par la géographie et par ces points de base.

23
Voir MR, annexe 27 ; et Liste des coordonnées géographiques des points définissant l’emplacement des lignes
de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, de la zone économique et du plateau continental
en mer Noire. Disponible sur http://www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/UKR_1992_
CoordinatesBlackSea.pdf.
24Cf. CR 2008/29, p. 23, par. 5 (Quéneudec). - 16 -

48. La ligne d’équidistance provisoire tracée, la prochaine étape consiste à se demander

quels ajustements sont nécessaires, le cas échéant, pour tenir compte des circonstances spéciales, et

je vous prierai, Monsieur le vice-président, de bien vouloir donner la parole à M.Pellet, qui

examinera cette question.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie pour votre exposé, et

comme vous venez de le proposer, j’appelle à présent Monsieur Alain Pellet à la barre.

PMEr.:LET

VIII.T HE SECOND STAGE OF THE DELIMITATION

THE RELEVANT CIRCUMSTANCES

1. Thank you very much, Mr. President; I must try not to get confused between Madame la

and Monsieur le. Mr.President, Members of the Court, let me first recapitulate our reasoning to

date. It may perhaps be a Cartesian downscaling of the complexity of the situation— although I

note that Professor Lowe presented it in the same way— but in point of fact, if we confine

ourselves to the broad outlines, our case looks reasonably simple to me. If we follow the

traditional three-step line of reasoning :

— the equidistance line must be drawn, taking into account the relevant base points of the two

States; but Serpents’ Island cannot constitute such a point— unlike Sulina dyke, although

Ukraine artificially equates the two, as has just been shown;

— once the line has been drawn, it may be adjusted if the relevant circumstances so require in

order to achieve an equitable result — we have now reached this stage and it is the subject I am

called upon to address this morning;

— if necessary, the proportionality test may ensu e; Professor Lowe will take the floor again

shortly to deal with that aspect.

23 2. To round off the recapitulation, it should be noted that this method is broadly applicable to

the delimitation of both the territorial sea and the ex clusive economic zone or continental shelf. In

the present case, however, the delimitation between th e territorial sea of Serpents’ Island and the

Romanian maritime areas surrounding it was halted by agreement and need not be revisited. If, - 17 -

however, you were to take the view that the process should be undertaken de novo, which we

consider unnecessary, the same method would have to be applied globally from pointF, which is

fixed by Article1 of the 2003 Treaty. I shall confine myself for the time being to our position,

which Professor Crawford presented again this morn ing: it is based on the fact that the Parties

agreed in 1949 to accord Serpents’ Island a maritime zone of 12 nautical miles, an agreement that

has been repeatedly reaffirmed ev er since. In order to leave nothing to chance, however, I shall

now revisit this point briefly, if only to show that the solution which must be adopted in the

absence of a pre-existing delimitation would be considerably more favourable to Romania than that

resulting from the 1949 Agreement.

3. Mr.President, to determine the impact that the relevant circumstances might have in the

present case, I shall first briefly consider their defi nition and the role they are supposed to play in

maritime delimitation, and seek to identify the points on which the Parties agree and the points —

which are unfortunately still numerous— on whic h their opinions diverge. Then, without

attempting to follow a well-balanced plan à la française (despite being a committed Cartesian), I

shall deal with the possible effects of the relevant circumstances invoked by each side.

1. The role of the relevant circumstances

4. Madam President, the Parties now seem, a pr iori, to agree on the definition and the role

(they belong together) of the relevant circumstances. To summarize briefly, they both agree :

— that they are features which may entail a shift in the course of the equidistance line drawn

25
during the first stage of the process leading to delimitation ;

24 — that the purpose of this second stage is to achie ve an equitable result— a point on which, by

the way, I find that our friends on the other side of the aisle, who generally tend to be quite

“didactic”, have been relatively discreet; at a ll events, without dwelling on the matter, they

26
agree that an equitable result is indeed the purpose of the exercise ;

— the Parties also agree that no distinction shoul d be made between the sp ecial circumstances of

Article15 of the Convention on the Law of th e Sea, which are applicable in cases where the

25
See CR 2008/24, pp.28-29 (Bundy); CR 2008/26, p.14, pa ra.59 (Quéneudec) or CR 2008/29, p.24, para.7
(Quéneudec).
2See, however, CR 2008/29, p. 42, para. 102 (Quéneudec). - 18 -

territorial sea is to be delimite d, and relevant circumstances, which are invoked in order to

delimit the exclusive economic zone and continental shelf 27;

28
— and we also agree, on both sides of th e aisle, that during this “tricky” stage , without

clear-cut — treaty-based or customary — rules, th e subjectivity of a court, which I would not,

however, venture to compare to a grocer... 29— inevitably plays a certain role, both in

identifying the relevant circumstances and in determining the consequences to be drawn from

them 30.

5. But there is subjectivity and subjectivity, Mr.President, and allowing a court a certain

measure of discretion does not mean that the court can act “as it pleases”. There is a world of

difference between, on the one hand, what is called “discretionary” power in French administrative

law (this notion is perhaps more comprehensible outside the Latin world where the term “margin of

appreciation” is used) and, on the other, the arb itrary exercise of such discretion. It may be

inferred, in particular, that the equity to be achi eved is a legal concept, backed up by legal rules,

and not just some hazy notion 31; and also that the first of the possibly relevant circumstances

consists of any treaties that the parties to th e delimitation exercise may have concluded between

themselves or by which they are bound.

25 6. In the present case, this means that account must be taken first and foremost of the

treaty-based delimitation of the territorial sea around Serpents’ Island which was undertaken by the

Parties in 1949 and which they have since confirme d: this agreement is in itself “untouchable”

and must be fully implemented; if it produces inequitable effects, on the other hand, the Court may

take these distortions into account in establishing the delimitation line beyond the zone to which it

relates; it is a relevant circumstance. More generally, Members of the Court, you will be required

to apply, on a priority basis, all the treaties c oncluded between the Parties that have a bearing on

27
See CR 2008/24, p. 28, para. 38 (Bundy), or CR 2008/26, p. 10, paras. 40-41 (Quéneudec).
28
CR 2008/26, p. 16, para. 68 (Quéneudec).
2See CR/2008/29, p. 37, para. 77, (Quéneudec).

3See CR 2008/26, p.16, para.68, or p.19, para.81-82 (Quéneudec), or CR 2008/29, p.41, para.94
(Quéneudec).

3See the arbitral award of 26 March 2002, Arbitration between the Province of Newfoundland and Labrador and
the Province of Nova Scotia, para. 5.18. - 19 -

the delimitation which you have been called upon to make— primarily the 1997 Additional

Agreement.

7. There is another comment to be made. Our opponents have made great capital out of the

famous dictum in the 1969 Judgment, according to which “[t]here can never be any question of

completely refashioning nature”[“Il n’est jamais question de refaire la nature entièrement...”]

(North Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark) (Federal Republic of

Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969, p. 49, para. 91), which they have served up

32
with self-satisfied gusto on no fewer than nine occasions . This assertion is now firmly

entrenched in maritime delimitation law and this is not the time to query it from an “academic”

standpoint. I should just like to draw attention to the adverb in the 1969 dictum: “[t]here can

never be any question of completely refashioning nature”— and, a little further on in the same

paragraph : “It is therefore not a question of totally refashioning geography.” [Il ne s’agit donc pas

de refaire totalement la géographie . . .”] (Ibid., p. 50, para. 91; emphasis added.)

8. The fact is that, as Professor Prosper Weil so brilliantly demonstrated, it is the first-stage

equidistance line that most faithfully reflects nature or geography; the relevant circumstances play

a remedial role, that of “abating the effects of an incidental special feature from which an

unjustifiable difference of treatment could resu lt” [“remédier à une particularité non essentielle

d’où pourrait résulter une injustifia ble différence de traitement”] ( ibid.). In doing so, they

inevitably “refashion” nature or geography to some extent : “the real purpose of the adjustment of

the equidistance line is . . . to achieve a delimita tion that corresponds to a reconstituted geography,
26
33
which judges find more equitable than the real geography” . This applies to the circumstances

that the Ukrainian Party would have you believe ar e more particularly relevant and also to those

which really are relevant.

[Slide No. 1 : final delimitation according to Ukraine (Ukraine document file, tab No. 83)]

9. Our colleagues on the other side of the ai sle would doubtless agree that the purpose of the

relevant circumstances is precisely to remedy, within reasonable limits, flagrant injustices resulting

32
See CR 2008/24, p. 21, para. 10, or p. 22, para. 12, p. 36 , para. 73 (Bundy); CR 2008/26, p. 30, para. 47, p. 41,
para.94 (Bundy); CR 2008/28, p.43, para.37 (Bundy), p.59, para.26 (Malintoppi); CR 2008/29, p.26, para.19, or
p. 41, para. 97 (Bundy).
3Prosper Weil, Perspectives du droit de la delimitation maritime, Paris, Pedone, 1988, p. 233. - 20 -

from geography— and that this applies to all relevant circumstances, including and in particular

those which they invoke— except that the effects which they make them produce are not

reasonable (for example when they “shift” ( font glisser) their equidistance line, which is in any

case untenable, so that, as they put it, “the course gi ves full weight to the major disparity in coastal

lengths” 34). Professor James Crawford spoke to you yesterday about what our Ukrainian friends

35
modestly describe as a “shift” (glissement) .

[End of slide No. 1.]

10. To conclude these general remarks, Mr. President, I shall say three things :

(1) it is equidistance that reflects existing nature and geography as faithfully as possible;

(2) as there can certainly be no question of completely refashioning nature or geography, one

should not depart from the equidistance line unless th e injustice that results from it is manifest;

and

(3) this exercise is not a kind of deceitful poker game in which the most audacious player has a

head start; it is a legal procedure subject to more rules, flowing from practice and

jurisprudence, than our friends on the other side of the aisle wish to concede.

11. It is in the light of these comments that the various relevant circumstances invoked by the

Parties must be examined in turn :

— the general configuration of the Black Sea coasts and diverse related factors;

27 — Serpents’ Island (separately and perhaps in a comparison with Sulina dyke); and

— the disparity between the length of the respective coastlines of Romania and Ukraine.

2. The general configuration of the coasts

12. Mr. President, I am willing, for the purposes of the discussion, to admit that the general

configuration of the coasts may constitute a circumst ance that can be taken into consideration with

a view to adjusting the equidistance line— hence, in this sense, it may constitute a “relevant

circumstance”. But in order to determine whether this should be the case, “the general

geographical context in which the delimitation will have to be effected” [le cadre géographique

34
CR 2008/29, p. 43, para. 106 (Quéneudec).
3CR 2008/30, pp. 21-22, paras. 6-9 (Crawford). - 21 -

[global] dans lequel la delim itation devra s’opérer] must first be considered, as you said in

Libya/Malta (Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J. Reports 1985 ,

36
p. 50, para. 69) .

13. Ukraine refuses to take an interest in this general context and considers that only two

circumstances are relevant in this regard: the disparity in the length of its coasts compared with

those of Romania (a point to which I shall revert) and the fact that Ukraine’s coast fronts three

sides of the relevant zone, to which one may perhaps add the security and navigation considerations

that it invokes — what we term the cut-off effect.

14. The Ukrainian Party seems to attach great importance to the fact that the maritime area in

question supposedly constitutes a gulf 37, most of the waters of which are Ukrainian 38. This

ostensibly gives Ukraine “predominance”, which should redound to its favour when the line is

plotted 39.

[Slide No. 2 : Romania’s share I.]

15. Mr. President, a mere glance at the map in the judges’ file at tab VIII-1, which you can

now see on the screen, is enough to show that the line proposed by Romania— which is based

28 simply and solely on equidistance, gives a true pi cture of the general configuration of the coasts,

without in any way depriving Ukraine of its due, since it takes the lion’s share of the zone in

question.

[End of slide No. 2. Slide No. 3 : Romania’s share II.]

The map that you now see, which you will find at tab VIII-2 in your file, illustrates the

Ukrainian delimitation method; you will note the inadequate share to which Romania would be

reduced if this method were applied for the benefit of Ukraine and also of Bulgaria. Inevitably, the

green triangle, which represents the maritime areas that the Ukrainian Party generously concedes to

Romania, brings to mind Germany’s situati on [End of slide No. 3. Slide No. 4: North Sea

36
See also, for example, the arbitr al award of 14 February 1985, Delimitation of the Maritime Boundary between
Guinea and Guinea-Bissau, United Nations, RIAA, Vol. XIX, p. 189, paras. 108-109.
37
CR 2008/29, p. 38, para. 79 (Quéneudec).
38Cf. CR 2008/24, p.21, paras. 8 and 10 (Bundy); CR 2008/ 26, p.37, para.76 (Bundy), or CR 2008/29, p.26,
paras. 20-21, p. 27, para. 24, or p. 38, para. 79 (Quéneudec).

39CR 2008/29, p.38, para.81, or p.42, para.101 (Quéneud ec); see also CR 2008/24, p.21, para.8, or p.34,
para. 63 (Bundy. - 22 -

Continental Shelf.] in the North Sea Continental Shelf cases, in which the enclosure effect stemmed

from the general concavity of the coastline of the three States in question. Here, we also have a —

partial but relatively pronounced— concavity of the Romanian coastline and there is no reason

why it should not be taken into account.

[End of Slide No. 4. Slide No. 5: virtual c oncavity of the coastline (Romania’s document file,
Vol. II, tab VII-2).]

But this concavity effect is substantially e nhanced by Ukraine’s entirely artificial inclusion

of Serpents’ Island in its baselines. “So great an exaggeration of the consequences of a natural

geographical feature must be remedied or compensated for as far as possible, being of itself

creative of inequity” [Une exagération d’une telle importance des conséquences d’un accident

géographique naturel doit être réparée ou compensé e dans la mesure du possible parce qu’elle est

en soi créatrice d’inéquité] ( North Sea Continental Shelf (Federa l Republic of Germany/Denmark)

(Federal Republic of Germany/Netherlands) , Judgment, I.C.J. Reports 1969, p.49, para. 89), as

you said in the 1969 Judgment.

[End of slide No. 5. Slide No. 5bis : return to slide No. 3.]

16. With regard to the cut-off effect of which Ukraine complains 40, it seems to me that one

need only take another look at map No.VIII-1 to see that, just as Romania would be greatly

29 disadvantaged if you were to adopt the line advocated by the Ukrainian Party, so also it is hard to

see on what ground the latter could object to the lin e that we propose, since there is no important

port on that part of the Ukrainian coast (Odessa lies 160 km to the north of the boundary). On the

contrary, the limit that Ukraine would have you en dorse makes it extremely difficult to gain access

to the port of Sulina and the maritime bran ch of the Danube through which, on average,

41
2,500,000 tonnes of merchandise transit each year . Moreover, in the long run the Ukrainian line

rules out all direct contact between the Romanian maritime zone and the Turkish part of the Black

Sea, and imposes on Romania a tête-à-tête with its two neighbours, whereas an equitable

delimitation line based on equidistance in no way renders this enclosure inevitable.

40
See, for example, CR 2008/24, p.35, para.68 (Bund y); CR 2008/28, p.45, paras. 45 and 47 (Bundy);
CR 2008/29, p. 49, para. 30 (Bundy).
4River administration of the lower Danube (Galţi, Romania), statistics on shipping traffic on the maritime
Danube, online: http://www.afdj.ro/statistics_en.html. - 23 -

[End of slide No. 5 bis. Slide No. 6: the maritime boundaries in the Black Sea redrawn in
accordance with the Ukrainian method.]

17. This also draws attention to the semi-enclosed nature of this unusual sea, which is wholly

subject to the sovereign rights of the coastal States. Treaty-based delimitations exist between

Turkey, on the one hand, and Bulgaria, Ukraine, Russia and Georgia, on the other; in point of fact,

they follow equidistance lines — except for the limit of 12 nautical miles around Serpents’ Island.

You can see this on the screen, again except for my 12 nautical miles. Let us add to this diagram,

which you will find at tab VIII-3 in the judges’ f ile, the equidistance lines which, in our view,

should constitute the future maritime boundaries. This all seems reasonabl e and equitably reflects

the general coastal geography of the Black Sea. I wonder, however, what Ukraine would think if

the maritime boundaries in the Black Sea were ad justed or drawn using the method that it would

like to have applied to its own boundary with Romania . . . In point of fact, Mr. President, I do not

wonder at all : it would conclude that it is not e quitable — and it would be right. Moreover, it is

not in conformity with the applicable legal principles, including the principle set forth in

particularly clear terms in the 1985 arbitral award in the Guinea/Guinea-Bissau case: “A

delimitation designed to obtain an equitable resu lt cannot ignore the other delimitations already

42
30 made or still to be made in the region.” And I might add that, while Ukraine is perfectly right to

state, through my friend Loretta Malintoppi, that the treaties concluded by third parties are res inter

43
alios acta for States that are not parties thereto , it cannot be treated as a third party in the case of

the 1978 treaty concluded between Turkey and the USSR 44, to which it succeeded. It benefits from

that treaty, which binds it as successor to the Sovi et Union, and there is nothing to prevent it from

being taken into consideration in assessing what mi ght be called the “general maritime geography”

of the Black Sea, since the treaty fully reflects the general confi guration of the coasts. This

circumstance confirms the equity of our line, but would require a major adjustment of the

Ukrainian line in order to align it more closely with the equidistance principle, from which it

deviates dramatically.

42
Award of 14 February 1985, Delimitation of the maritime boundary between Guinea and Guinea-Bissau ,
United Nations, RIAA, Vol. XIX, p. 183, para. 93; see also the arbitral award of 11 April 2006, Barbados and Trinidad
and Tobago, para. 340.
43
See CR 2008/28, p. 58, paras. 20 and 22 (Malintoppi).
44UNTS, Vol. 1247, p. 144 (No. 20344). - 24 -

[End of slide No. 6.]

18. That, Mr. President, is what I had to say about the general configuration of the coasts and

the factors related thereto as relevant circumstances. I now come to the main relevant circumstance

which, when taken into account in the first stage of construction of the Ukrainian line, distorts the

course of the line in a particularly pronounced and totally unacceptable fashion: it is, of course,

Serpents’ Island.

3. Serpents’ Island as a relevant circumstance

19. As Professor Lowe showed a short while ago, Serpents’ Island cannot affect the

establishment of the equidistance line, whether we treat it as a rock within the meaning of

paragraph 3 of Article 121 of the United Nations Convention on the Law of the Sea or, ignoring its

characterization in terms of that article, we apply to it the well-established principles relating to the

role of such islands in the delimitation of maritime boundaries between States whose coasts are

adjacent or opposite. But while our island has no role to play in the first stage of delimitation, it

nonetheless exists and, as such, must be brought back into play as a special circumstance.

31 20. In our first round of oral argument, I used a table summarizing the relevant

jurisprudence — which I have included again in the judges’ file, this time at table VIII-4, to show

that a number of consistently applicable genera l principles could be deduced from judicial and

arbitral practice. And what was Mr.Bundy’s r esponse? “The important point, however— and

this is a point which Romania’s pleadings have conspicuously overlooked— is that each

delimitation situation is unique and each case must be assessed in the light of its own particular

45
geographic facts and circumstances.” A convenient ploy, Mr. President, to sidestep the obstacle.

21. The fact is, however, that one may — whatever Mr. Bundy says — deduce some general

principles 46from the jurisprudence summarized in the ta ble at tab VIII-4, which I take the liberty

of repeating, since my opponent and friend did not see fit either to rebut or to endorse them :

(1)small island formations lying off coasts and excluded, as ours should be, from the stage

involving the construction of the equidistance line, are accorded at best a half-effect— even

45
CR 2008/28, p. 50, para. 66 (Bundy).
46
CR 2008/20, p. 36, para. 57 (Pellet). - 25 -

though they consist exclusively of infinitely la rger marine formations, usually with far more

inhabitants than Serpents’ Island (if we may speak of a population, serpents or otherwise, in the

47
latter case) ;

(2) in other cases, islands, sometimes far larger islands (including the Channel Islands themselves

in the Mer d’Iroise arbitration), have been accorded, at the very most, a territorial sea of

12 nautical miles 48;

(3) often very small islands (generally those most closely comparable to ours) have not given rise

to any adjustment of the initial equidistance line.

And this is so, I repeat, regardless of their defi nition in terms of Article 121 of the Convention on

the Law of the Sea.

32 22. Moreover, it is somewhat odd that the Ukrainian Party reproaches us for failing to take

account of all kinds of circumstances, even t hough table No.VIII-4 describes in an admittedly

summary but nonetheless, to my mind, perfectly frank and objective manner the very

circumstances that the Court or the arbitral tribunals have themselves mentioned in support of their

decisions to minimize the impact of the islands in question on the delimitation. In his statement of

11September, Rodman Bundy made a great effort to highlight what he presents as distinctive

characteristics of some of the cases that I had c ited which, he contends, make them radically

49
different from ours . This approach again calls for three comments :

— first, it is significant that, in all these cases, the circumstances that my opponent cites have not,

in fact, been cited by the Court or the arbitral tribunals in support of their decisions not to

permit the islands in question to exert an unduly great impact on the final course of the

maritime boundary;

— second, and most importantly, Mr.Bundy, giving in to the demons that haunt the Ukrainian

Party, raises, in seven of the ten cases that he cites, the question of the (dis)proportionate length

of the coasts of the States concerned 50 ! But to say the least, Mr.President, this is totally

47
See CR 2008/20, pp. 31-33, para. 52 (Pellet).
48
Ibid., pp. 33-34, para. 53 (Pellet).
4CR 2008/28, pp. 51-53, paras. 71-82 (Bundy).

5In the following cases: Mer d’Iroise (ibid., p. 51, para. 74), Libya/Tunisia (p. 51, para. 75), Libya/Malta (p. 52,
para. 76), Jan Mayen (ibid.), Barbados/Trinidad and Tobago (ibid.), Eritrea/Yemen (p.52, para.78), Gulf of Maine
(p. 53, paras. 81-82). - 26 -

irrational : while proportionalit y can, in certain exceptional cases, be a relevant circumstance,

the presence of a small island entailing an extremely pronounced distortion of the course of the

line is something quite different! It is e qually... absurd— I cannot help employing the

term — to try to attribute the impact of the re levant circumstance constituted by a small island

to the general configuration of the coastlin e— something that Mr.Bundy has done on six

occasions 51, although, as I have just mentioned, here again we are dealing with a different

category of relevant circumstances. This confirms, if confirmation were necessary, that the

Ukrainian Party speaks only one language: that of proportionality— it is the Party’s

33 cucumber 52, the cucumber of the incompetent Romanian students! It most certainly cannot

constitute the alpha and omega of maritime delimitation!

— I would add as a third point that the Court and the arbitral tribunals showed a great deal of

caution when addressing issues relating to the disp arity between the Parties’ coastlines — be it

the “proportionality test”, which Professor Lowe will deal with shortly, or, perhaps to an even

greater extent, the idea of turning it into a re levant circumstance, as I shall demonstrate in a

moment.

23. In their endeavour to turn Serpents’ Island (I don’t know why my eminent friend

53
Professor Quéneudec seems to prefer île aux Serpents to île des Serpents ...) into a relevant

circumstance that would entail a major adjustment to the course of the line, our colleagues on the

other side of the aisle have set about endowing it with characteristics that it does not possess.

According to them :

54
—it is a “prominent” island in the Black Sea— dixit MsMalintoppi ; admittedly

Mr. Quéneudec, with a sharper sense of understatement, sets the record straight, conceding that

it is “not very big” and that its size is “relatively modest” 55;

51See the following cases: Mer d’Iroise (ibid, p.51, para.74), Libya/Tunisia (p.51, para.75), Dubai/Sharjah
(p. 52, para. 77), Eritrea/Yemen (p. 52, para. 78), Nicaragua/Honduras (ibid.), Qatar/Bahrain (p. 52, para. 79).
52
See CR 2008/30, pp. 18-19, para. 24 (Aurescu).
53
See CR 2008/29, p. 25, para. 16, p. 28, para . 34, p. 30, para. 42, p. 31, para. 47, p. 32, para. 48, p. 41, paras. 96
and 97, p. 43, para. 105 (Quéneudec).
54CR 2008/29, p. 10, para. 29 (Malintoppi).

55Ibid., p. 41, para. 98, and p. 28, para. 35. - 27 -

— moreover, it is variously termed “an element of the long coastline of Ukraine” 56, “part of the

57 58 59
coastal geography” or of the “coastal configuration” , or a “coastal island” or, even more

recklessly, a “coastal projection” 60.

[Slide No. 7: Serpents’ Island as a “coastal project ion” (tab No. VII-6 of Romania’s first-round
document file).]

24. Of course, Mr.President, if Ukraine included Serpents’ Island in its straight baselines,

34 one might be justified in referring to a “coastal projection”— but it does not, and, as I showed

during the first round of oral argument 61, it could not do so, for a very simple reason:

Serpents’ Island is not a coastal island; it is not integrated into Ukraine’s coastal geography but

constitutes an isolated maritime formation fa r from the coast, with which it has no special

relationship (although I apologize to the Court and the Ukrainian Party for the mistake I made two

weeks ago when the distance I mentioned was actually that separating Serpents’ Island from Sulina

62
dyke !).

[End of slide No. 7.]

25. In his final pleading last week, Mr. Quéneudec provided, with robust self-assurance, an

unusual definition of what “coastal island” should be taken to mean. According to him, “[w]hen

there is an overlap” between the mainland territorial sea and the territorial sea engendered by the

island, “we are dealing with a coastal island” 63. This definition doubtless has the great merit, from

his point of view, of corresponding to the location of Serpents’ Island, but it does not have the

merit of being generally accepted. And I would simply recall here that in the

Guinea/Guinea-Bissau arbitration the Tribunal defined coast al islands as those “which are

56
CR 2008/24, p. 15, para. 22 (Vassylenko).
57
Ibid., p.34, paras. 64-65 (Bundy); CR 2008/28, p.34, pa ra.64 (Bundy); see also p.39, para.19, p.45,
para. 45, or p. 48, para. 60 (Bundy).
58
CR 2008/29, p. 26, para. 16 (Quéneudec).
59
Ibid., p. 30, paras. 40-41 (Quéneudec).
60Ibid., p. 42, para. 99 (Quéneudec).

61CR 2008/20, pp. 19-20, para. 25 (Pellet).

62See CR 2008/20, pp. 10, para. 2 (Pellet); see also CR 2008/29, p. 29, paras. 37-38 (Quéneudec).
63
CR 2008/29, p. 30, para. 41 (Quéneudec). - 28 -

separated from the continent only by narrow sea channels or water courses and are often joined to it

at low tide, [and] must be regarded as integral parts of the continent” 64.

[Slide No. 8 : the Ukrainian coastal islands.]

26. Mr. President, Serpents’ Island is not a coastal island : it lies far from the coast, isolated

in the Black Sea, unlike “real” co astal islands which are integrated into the Ukrainian “coastal

geography” and which, furthermore, Ukraine h as notified as base points to the United Nations

65
Division for Ocean Affairs and Law of the Sea . This applies, inter alia , to the islands of

Tsyganka, Koubansky or Djarylgatch which, in the case of Tsyganka and Djarylgatch, lie

700 metres and 6.1 km respectively from the coast, while Koubansky is integrated into the Danube

delta. It may further be noted that these are very sizeable islands, with areas of 4.6sqkm,
35

25 sq km and 62 sq km respectively. As such, they are real coastal islands.

[End of slide No. 8. Slide No. 9 : Serpents’ Island as an (ir)relevant circumstance.]

27. So what are we to do with this small is olated and inhospitable island formation? A

relevant circumstance indeed, but one that shoul d have no bearing whatsoever on the course of the

boundary which was established at the outset without taking it into consideration. There are two

options, Mr. President :

— either, as we believe, the maritime area belonging to it was fixed in 1949 and should not be

revisited : pacta sunt servanda ; in that case, the 12-mile arc drawn around Serpents’ Island

should join the equidistance line, as Professor Lowe showed a short while ago;

— or else Ukraine maintains— and the Court agrees— that this delimitation ended at pointF

(orA if we use the Ukrainian designation) and, in this second hypothetical case, to cite

Commander Kennedy’s famous dictum at the first United Nations Conference on the Law of

the Sea, it should be dealt with on its merits 66.

28. Unfortunately for the Ukrainian Party, the “merits” of Serpents’ Island are few and far

between, and there is no reason to undertake a major adjustment of the initially established

64
Award of 14 February 1985, Delimitation of the Maritime Boundary between Guinea and Guinea-Bissau ,
United Nations, RIAA, Vol. XIX, pp. 183-184, para, 95 [translation by the Registry].
65See Memorial of Romania (MR), Ann. 27.

66See United Nations, Official documents of the General Assembly , Vol. VI, Fourth Committee, thirty-second
meeting, doc. A/CONF.13/42, p. 92, para. 3. - 29 -

equidistance line to reflect this “parasitical element” 67which is, all things considered, quite

secondary. You see on the screen, Members of the Court, the equidistance line drawn, quite

rightly, without Serpents’ Island. If we are to deal with the latter “on its merits”, setting aside the

question of whether or not it is a rock, a 12-m ile arc of a circle around the island seems highly

extravagant, and it would certainly be more logical and more equitable to accord it a territorial sea

of only 6nautical miles in the southern area. However, since there has been a treaty-based

delimitation, it must after all be accorded a territo rial sea delimited by a 12-mile arc of a circle.

This does ample justice to Serpents’ Island as a barely relevant circumstance.

[End of slide No. 9.]
36

Monsieur le président, j’en ai probablemen t encore pour 15 minutes. Comme la deuxième

partie de notre exposé sera plus courte que le temps qui nous reste, ce serait peut-être le bon

moment de faire une pause.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de prési dent: Je vous remercie, MonsieurPellet.

Le moment me semble venu d’observer une courte pause.

L’audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 35.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de présiden:tVeuillez vous asseoir.

Monsieur Pellet, je vous prie de bien vouloir poursuivre votre exposé.

M. PELLET : Je vous remercie.

4. The disparity between the lengths of the Parties’ coasts

29. I now come, Mr.President, to the refr ain harped on by our Ukrainian friends ad

infinitum ⎯ proportionality ⎯ which they do not seem able to move beyond.

30. That it has a role to play in maritime delimitation is disputed by no one. But :

⎯ it cannot feature in the first phase, that of the construction of the equidistance line;

⎯ it is one relevant circumstance among others (and, in reality, only comes into play at the second

stage, the one I am discussing now, in quite exceptional circumstances); and

67
Cf. L. Lucchini and M. Voelckel, Droit de la mer, Part 2, Vol. 1, Délimitation, Pedone, Paris, 1996, p. 259. - 30 -

⎯ in general, it is only in the third stage that it is involved–– sometimes, but not always–– in

order to test the equitable character of th e boundary once the equidistance line has, where

necessary, been adjusted on the basis of the relevant circumstances of the case.

For now, I am concerned only with the former of these two aspects: a case where the disparity

between the relevant coasts of the two States is so obvious that it may appear to be a circumstance

leading to the adjustment of the equidistan ce line at stageII. My colleague and friend

Vaughan Lowe will deal with the proportionality test in a moment.

37 31. Yet an introductory comment is needed –– not on the second but the first stage. Contrary

to what they profess, sometimes half-heartedly 68, counsel of Ukraine do indeed use the difference

between the lengths of the coasts, not only in the second stage of their argument, then in the third,

but also in the first, the one involving the initial construction of the equidistance line. And in the

written phase, it was only on the basis of proportiona lity that the equidistance line was drawn. In

the oral phase, this emerged again with partic ular clarity in Mr.Bundy’s oral argument of

11September: whereas he was supposed to be criticizing the equidistance line chosen by

Romania, he kept on bringing in the marked disparity which allegedly exists between the lengths of

the Parties’ coasts 69. Mr. President, proportionality cannot sta nd in lieu of a delimitation method :

“The use of proportionality as a method in its own ri ght is wanting of support in the practice of

States, in the public expression of their views... or in the jurisprudence” (Continental Shelf

(Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J. Reports 1985 , pp. 45-46, para. 58; see also, for

example, Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine Region (Canada/United

70
States of America), Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p. 323, para. 185) , and this continues to be

true.

32. As regards the use of proportionality (or “disproportionality”) as a relevant circumstance,

it is perhaps an exaggeration to assert, as Professor Quéneudec does, that “flagrant inequality or

even mere disparity in the coastal lengths has sometimes been regarded as a circumstance requiring

68
See for example, CR 2008/24, p. 29, para. 42, or p. 35, para. 67 (Bundy).
69CR 2008/28, p. 44, para. 45; p. 46, para. 49; p. 50, para. 67 (Bundy).

70Arbitral Award of 17 December 1999, Second Stage of the proceedings between Eritrea and Yemen (Maritime
Delimitation), United Nations Treaty Series(UNTS), XXII, p.372, para.165; Arbitral Award of 26March2002,
Arbitration between the Province of Nova Scotia and the Province of Newfoundland and Labrador, para. 5.17. - 31 -

quite a sizeable modification of the equidistance line” . It is a double exaggeration, Mr. President;

contrary to this surprising allegation,

38 (1) neither the Court, nor any arbitral tribunal has ever made an adjustment of the equidistance line

on the basis of “mere disparity”; the case law on this point is settled and well established : in

order to constitute a relevant circumstance, the disparity concerned must be “substantial” (ibid.;

or Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria :

Equatorial Guinea intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p.446, para.301), “marked”

(Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J. Reports 1985 , p.49,

para. 67), and only a “very marked difference in the lengths of the relevant coasts” ( ibid., p. 49,

para.66; see also Maritime Delimitation in the Area between Greenland and Jan Mayen

(Denmark v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1993 , p.67, para.65) may justify adjustment

of the equidistance line; consequently,

(2) in fact, it is used very exceptionally.

33. Mr.Quéneudec found three examples of it: the Gulf of Maine, Libya/Malta and

Jan Mayen cases 72; honest and scrupulous opponent that I am, I note that he forgot the fourth (and

only other) example of an adjustment made on the basis of the proportionality principle: the

Arbitral Award of 2006 in the Barbados/Trinidad and Tobago case. None of these four unique

precedents –– only two of which directly concern us for now –– bears comparison with our case :

⎯ Quite clearly, in at least two of these four cases, the disparity between the length of the Parties’

coasts played a corrective role not at the stage of the relevant circumstances but in that of the

final test (this is the case in Libya/Malta on the one hand ( Continental Shelf (Libyan Arab

Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J. Reports 1985, pp. 45-46, paras. 58-59), and Barbados and

73
Trinidad and Tobago on the other ).

⎯ These two cases cannot be taken into account at this stage for, despite the amalgam our

opponents seem to wish to make, the parameters to be taken into consideration are different :

“Consideration of the comparability or otherwise of the coastal lengths is a part
of the process of determining an equitabl e boundary on the basis of an initial median

7CR 2008/26, p. 18, para. 77 (Quéneudec).
72
CR 2008/26, p. 18, para. 77 (Quéneudec).
7Arbitral Award of 11 April 2006, Barbados and Trinidad and Tobago, para. 376. - 32 -

line; the test of a reasonable degree of proportionality, on the other hand, is one which
39 can be applied to check the equitableness of any line, whatever the method used to
arrive at that line.” (Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment,

I.C.J. Reports 1985, p. 49, para. 66.)

At the stage which concerns us here, it is the respective length of the Parties’ coasts which

matters.

[Slide No. 10 : Gulf of Maine]

⎯ In Gulf of Maine, the Chamber took into account a difference of 1.38 to 1 in the length of the

Parties’ coasts to make an adjustment amounting to a ratio of 1:1 ⎯ which is a completely

isolated exception, all judgments and arbitral awards, on the contrary, being fond of stating

(whether in phase 2 or phase 3) that :

“[w]here a marked disparity requires to be taken into account as a relevant
circumstance . . . this rigorous definition is not essential and indeed not appropriate. If
the disparity in question only emerges af ter scrupulous definitio n and comparison of
coasts, it is ex hypothesi unlikely to be of such extent as to carry weight as a relevant

circumstance.” (Ibid., p. 49, para. 67.)

Which may be interpreted as a repudiation of the method used in Gulf of Maine. Furthermore,

as the slide now being projected shows, the tr ansposition of the line made by the Chamber ⎯

which concerns only a limited sector of the maritime boundary it was to establish, was rather

small, as the sketch shows; matters would be very different in our case if the Court were to

react favourably to Ukraine’s claims. Mr.President, I am not sure that the 1985 Judgment

deserves all the criticisms heaped on it yesterday by my colleague James Crawford, but what is

certain, as he so clearly showed, is that the situation in the “Gulf of Ukraine” ⎯ if gulf there

is ⎯ has strictly nothing whatever to do with that in the Gulf of Maine ⎯ and counsel of

Ukraine, who say they are so enamoured of the specific character particular to each situation,

ought, I believe, to be aware of these differences which are so striking . . .

[End of slide No. 10]

⎯ Where Jan Mayen is concerned, the disproportion was 1 to 9.1 or 9.2, depending on the

calculations used ( Maritime Delimitation in the Area between Greenland and Jan Mayen

(Denmark v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1993, p. 65, para. 61); the scale of it was such

that the Court considered that it was facing one of those situations

“in which the relationship between the lengt h of the relevant coasts and the maritime
areas generated by them by application of the equidistance method, is so - 33 -

40 disproportionate that it has been found necessary to take this circumstance into

account in order to ensure an equitable solution” (ibid., p. 67, para. 65).

But this adjustment, dictated by a very substa ntial disparity between the Parties’ coasts (and

quite dissimilar to the disparity in our case, regardless of the reference coasts and the

calculation method used), it is this huge disparity which prompted the Court to transpose the

equidistance line, which is very far from refl ecting the relationship between the coasts of

Greenland on the one hand and Jan Mayen on the other: the maritime area allocated to

Jan Mayen remains out of all proportion to the enormous difference there is between the coasts

of the two territories.

⎯ By contrast, in the case concerning the Continental Shelf between Tunisia and Libya, the Court

considered that the “result, taking into account a ll the relevant circumstances, seem[ed .]. . to

meet the requirements of the test of proportio nality as an aspect of equity”, even though it

expressed a proportion of maritime areas appertaining to the Parties of 1to 1.5 for a coastal

74
ratio of 1 to 2.3 ; similarly, in the case between The Province of Newfoundland and Labrador

and the Province of Nova Scotia , the Arbitral Tribunal found that coastal ratios of 52 per cent

and 48 per cent related to proportions of areas of 39 per cent and 61 per cent or 33 per cent and

67 per cent for the coasts compared to 38 per cen t and 62 per cent for the areas did not “reveal

75
a stupefying disproportionality” . [Translation by the Registry.]

34. Mr.President, despite the enthusiasm for proportionality shown by our opponents, not

76
much can be deduced from all of this. As both Shakespeare and . . . Daniel Müller said, all this is

“much ado about nothing”!

⎯ It is extremely rare for the disparities between the Parties’ coasts to feature as a “relevant

circumstance” in maritime delimitation :

⎯ When it has, the Court and arbitral tribunals have always considered that considerable margins

were quite acceptable in this respect (with th e exception of the Chamber of the Court in the

case concerning the Gulf of Maine; but that is a rather “limited” precedent which, moreover, in

any case bears no similarities to our case); and,

74
Judgment of 24 February 1982, I.C.J. Reports 1982, p. 91, para. 131.
75
Arbitral Award of 26March 2002, Arbitration between the Province of Newfoundland and Labrador and the
Province of Nova Scotia, para. 5.18.
76CR 2008/30, 15 September 2008, p. 66, para. 2 (Müller). - 34 -

41 ⎯ In the present case, there is no manifest, extreme disparity in the respective coastal lengths of

the Parties, regardless of the calculation method used ⎯ Professor Vaughan Lowe will be more

specific about this when, in a few moments, he presents the famous “proportionality test”; we

could see no point in repeating these details twice.

[Slide No. 10bis : Romania’s share I (repeat of slide No. 2)]

35. But above all, the most important point li es elsewhere, Mr. President : proportionality is

in any event no more than one of the relevant circumstances which might perhaps, if all the

conditions were satisfied ⎯ quod non, be taken into consideration in order, if need be, to deflect,

and taking them all into account –– the equidistance line drawn by Romania in accordance with

international law, in order to reach an equitable r esult. All these circumstances of the case point to

the same conclusion: this line does not require any correction; the result to which it leads is

equitable, as shown by the map which is again being projected on the screen.

[Slide No. 10ter : Romania’s share II (repeat of slide No. 3)]

36. The Ukrainian line based on an equidistance line constructed on arbitrary foundations

and which has been adjusted in view of non-rele vant circumstances does, however, lead to an

inequitable result.

37. I have no doubt, Mr.President, that th e demonstration which my excellent colleague,

ProfessorVaughan Lowe, is about to give on the subject of the proportionality test “in the third

phase” will fully bear out this conclusion. May I ask you to give him the floor again. Thank you,

Members of the Court, for your attention.

[End of slide]

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Je vous remercie de votre exposé,

Monsieur Pellet. J’appelle à présent M. Vaughan Lowe à la barre. - 35 -

42 M. LOWE :

IX. V ÉRIFICATION DU CARACTÈRE ÉQUITABLE ;CONCLUSION

1. Merci, Monsieur le président, Messieurs de la Cour: nous approchons de la fin! Je

répondrai aux conclusions de l’Ukraine concernant le caractère équitable de nos propositions

respectives et résumerai brièvement notre position et les points essentiels qui divisent encore les

Parties.

La seconde question du juge Oxman

2. Mais avant, il convient de répondre à la seconde question du juge Oxman, qui portait sur

la pertinence des articles33 et303 sur la zone contiguë, ainsi que sur l’article8 de la convention

sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de 2001 — question qui n’a été posée qu’à la

Roumanie.

3. La Roumanie a adopté une loi sur la zone contiguë en1990 et en a indiqué la portée
77
en1997 sur une carte qui figure en annexe aux pièces de procédure de l’Ukraine . [Projection

d’un graphique; onglet1.] Cette carte, qui est à présent projetée à l’écran, est celle que nous

voulions vous montrer hier. Vous pouvez voir la ligne marquant la limite extérieure de la mer

territoriale, la première des lignes parallèles à la côte ; la mer territoriale y figure en rose. Plus loin

vers le large, la zone contiguë apparaît en vert. En haut de la carte, dans la région de l’île des

Serpents, vous pouvez voir clairement que le point s itué à l’extrême nord de la limite extérieure de

la mer territoriale se trouve sur l’arc qui contourne l’île des Serpents, et que la limite latérale des

couleurs indiquant la zone contiguë décrit aussi un arc autour de l’île. Cette représentation est

parfaitement conforme aux procès-verbaux de 1949. L’Ukraine n’ayant jamais contesté cette carte,

il faut considérer qu’elle a accepté le tracé qui y est représenté —et, bien entendu, tout à fait

incompatible avec la ligne que l’Ukraine préconise en la présente espèce. [Fin de la projection.]

4. Aucune des Parties n’a soutenu de thèse sel on laquelle elle pourrait prétendre à la zone

contiguë s’étendant au-delà des limites de la ZEE qu ’elle revendique. En effet, la nature exclusive

des compétences établies par l’article 303 de la convention sur le droit de la mer et par l’article 8 de

77
CMU, Annexe 41. - 36 -

la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de 2001 permet difficilement de

43 voir comment il serait possible pour la zone contiguë d’un Etat de chevaucher la zone contiguë ou

la ZEE d’un autre Etat.

5. La zone contiguë de la Roumanie sera donc constituée par les eaux situées entre12 et

24 milles à partir de sa ligne de base, du côté ro umain de la frontière dont le tracé sera déterminé

par la Cour.

6. Nous admettons que le pa ragraphe3 de l’article121 n’ exclut que les revendications

relatives à une ZEE ou à un plateau continental situés au large des îles auxquelles il s’applique. Il

n’exclut pas les revendications relatives à une zone contiguë. Mais ceci ne pose aucun problème

dans la présente espèce, car aucune des Parties n’a prétendu que les limites de sa zone contiguë

devraient être différentes des limites des premiers 12 milles de sa ZEE, que ce soit maintenant ou à

l’avenir : et l’Ukraine n’a actuellement pas de législation relative à la ZEE.

7. De plus, comme la Cour le sait bien à présent, la Roumanie estime qu’une frontière

maritime à toutes fins a été fixée en 1949, et que cette frontière s’appliquerait également à la zone

contiguë. La Roumanie a aussi fait valoir que, selon la pratique contemporaine en matière de

délimitation, l’île des Serpents n’obtiendrait de toute façon pas plus de 12milles de mer

territoriale — probablement beaucoup moins.

Caractère équitable de la ligne

8. J’en viens maintenant à la question de la vérification du caractère équitable de la ligne.

Tout au long de ses plaidoiries, l’Ukraine a fait va loir que la présente espèce ne concerne pas l’île

78
des Serpents , et que la Roumanie tente d’imposer arbitrairement sa vision du différend afin de

détourner l’attention des questions clés qui sont en cause.

9. Je tiens d’abord à faire observer que l’attention que la Roumanie porte à l’île des Serpents

ne fait que refléter l’importance que celle-ci revê t en la présente espèce. [Projection d’un

graphique.] Nous vous avons montré à quoi ressemble la ligne d’équidistance sans l’île des

Serpents. Il faut bien reconnaître que, pour la Roumanie, la ligne d’équidistance provisoire doit

être tracée sans utiliser l’île des Serpents comme point de base, et que l’Ukraine pense qu’elle

78
Voir par exemple CR 2008/24, p. 15, par. 22 et 23 (Vassylenko) ; CR 2008/28, p. 48, par. 60 (Bundy). - 37 -

devrait être tracée en utilisant l’île des Serpents comme point de base: c’est cette divergence de

vues entre les Parties qui est à l’origine de la différence la plus gr ande entre leurs lignes

d’équidistance provisoires respectives.

44 10. Si la Roumanie a accordé autant d’importa nce à l’île des Serpents, c’est parce que tant

d’éléments dépendent de son statut et de son effet juridiques. Nous estimons que l’Ukraine partage

effectivement ce point de vue et que c’est ce qui explique ses efforts en vue de créer et maintenir

artificiellement un petit établissement sur l’île. [Fin de la projection.]

11. L’Ukraine peut dire que ce point de vue est erroné, étant donné qu’il porte

essentiellement sur la première étape, le tracé de la ligne d’équidistance provisoire, alors que

l’étape la plus importante est la deuxième, celle de l’ajustement compte tenu de ce que l’Ukraine

appelle les particularités dominantes de la zone de délimitation. Ces particularités sont, dit-elle,

premièrement, le fait que la z one ressemble à un golfe bordé sur trois côtés par des côtes

ukrainiennes, et, deuxièmement, que la côte de l’ Ukraine est beaucoup plus longue que celle de la

Roumanie.

12. De même, l’Ukraine souligne que vous devr iez tenir compte de ces particularités lors de

la deuxième étape, et pas ultérieurement, lors de la troisième étape, celle de la vérification du

caractère équitable de la ligne de délimitation ajustée.

Il est important de procéder par étapes

13. La Roumanie attache beaucoup d’importance à ce qu’il soit procédé étape par étape. On

pourrait penser que si l’on trace une ligne d’équidistance provisoire, pour ensuite en vérifier le

caractère équitable par rapport aux longueurs de côtes et aux zones cô tières, l’ordre dans lequel les

différents critères sont appliqués importe peu ⎯puisque tout cela revient finalement au même.

Selon la Roumanie, ce n’est pas le cas. Le respect des étapes successives de la délimitation ne

relève pas de l’académisme, ni du seul souci de su ivre les pratique et discipline établies dans ce

domaine, mais peut affecter le résultat final.

14. Je vais brièvement vous en donner les raisons. Le choix de la ligne d’équidistance

provisoire revêt une très grande importance. Les Parties sont convenues que lors de la troisième

étape, celle de la vérification du caractère équitable, il ne s’agit pas de corriger la ligne - 38 -

d’équidistance provisoire de manière à attribuer à ch aque Partie une portion de la zone pertinente

qui est mathématiquement proportionnelle à la portion de côte pertinente qui lui est associée. Il ne

s’agit pas de parvenir à la proportionnalité, mais d’éviter une disproportion flagrante.

15. Nous avons évoqué des affaires telles que Erythrée/Yémen, dans laquelle le tribunal a

jugé que les longueurs de côtes étaient dans un rapport de 1,31 à 1 et les espaces maritimes dans un

45 rapport de 1,09 à 1, ce qui n’était pas disproportionné 7. Dans cette affaire, un Etat avait reçu une

zone inférieure d’environ un cinquième à celle à la quelle il pouvait prétendre en vertu du principe

de stricte proportionnalité. Voyons comment cela fonctionne dans la pratique.

[Projection d’un graphique.]

16. Supposons que la zone pertinente fasse 150 milles de large et qu’une ligne d’équidistance

provisoire, ajustée pour tenir compte des longueur s de côtes et d’autres circonstances spéciales

⎯on pourrait penser à une configuration similaire à celle de l’affaire Jan Mayen —, longe une

ligne située à 40milles au large de l’EtatA et à 11 0milles au large de l’EtatB. Le critère de

proportionnalité est appliqué et révèle que le respect d’une stricte proportionnalité placerait la ligne

à 50milles au large de l’EtatA. Le tribunal constate que l’EtatA s’est vu attribuer une zone

inférieure d’environ un cinquième à celle à laque lle il pouvait prétendre en application du principe

de stricte proportionnalité. Il suit la jurisprudence Erythrée/Yémen et déclare que ce résultat n’est

pas exagérément disproportionné et conserve la ligne d’équidistance ajustée.

17. Mais, si la ligne d’équidistance provisoire avait initialement été placée non pas à 40 mais

à 70 milles au large de l’Etat A, de sorte que l’Etat B aurait obtenu 80 milles, on aurait pu dire que

l’Etat B a reçu une zone inférieure d’environ un cinquième — 80 milles au lieu de 100 — à celle à

laquelle il aurait pu prétendre en vertu d’une strict e proportionnalité. Là aussi, le tribunal aurait pu

suivre la jurisprudence Erythrée/Yémen, déclarer que le résultat n’était pas exagérément

disproportionné et conserver la ligne d’équidistance provisoire.

18. Le critère de proportionnalité peut consacrer des lignes très différentes, dont chacune

produit un résultat dans les limite s d’une proportionnalité équitable. Mais les résultats ne sont

manifestement pas les mêmes: ici, une ligne accorde à l’EtatA 40milles, l’autre 70milles

79
Erythrée/Yémen, sentence rendue par le Tribunal arbitral dans la deuxième étape de la procédure (délimitation
maritime), 17 décembre 1999, par. 168. - 39 -

⎯ 75 pour cent de plus que la première. C’est pourquoi nous disons qu’il est essentiel que la ligne

d’équidistance provisoire soit correctement tracée au départ. L’ordre des étapes est crucial. Et ceci

nous rappelle utilement qu’il est risqué de tr op compter sur la proportionnalité pour garantir

l’équité. [Fin de la projection.]

19. C’est pour ces raisons que la Roumanie a soigneusement veillé à bien construire la ligne

d’équidistance provisoire et à respecter l’approche en trois étapes du processus de délimitation.

L’argument de l’Ukraine concernant la disparité entre les longueurs des côtes

20. La stratégie de l’Ukraine consistant à mettre l’accent sur les longueurs respectives des

côtes est parfaitement compréhensible. Chaque Partie présente sa cause à la Cour sous l’angle qui

46 lui est le plus favorable: c’est le propre d’un procès. Mais le fait d’insister sur les longueurs

respectives des côtes risque de détourner l’attention de la nécessité de su ivre la bonne procédure

pour préparer le terrain aux fins d’une application correcte du critère de proportionnalité.

21. Il y a un risque, que l’Ukraine n’a peut-être pas totalement évité, de voir la

proportionnalité des longueurs des côtes et des zones maritimes se tr ansformer en méthode

indépendante d’ajustement de la ligne d’équidistance provisoire et d’établissement de la ligne de

délimitation définitive. Et c’est précisément ce qu’elle n’est pas supposée faire: «Le principe de

proportionnalité … n[’est] pas … un mode ou principe de délimitati on indépendant, mais

plutôt…un test visant à apprécier le caractère équitable d’une délimitation opérée par quelque
80
autre moyen» .

22. L’Ukraine semble laisser entendre que, puisque sa côte est longue, la ligne

d’équidistance provisoire doit être ajustée de mani ère à lui donner une plus grande zone maritime.

Mais pourquoi doit-il en être ainsi ? [Projection] Le graphique projeté à l’écran montre un littoral

relativement rectiligne et des Etats ayant des côtes de différentes longueurs. Et il suffit d’y jeter un

Œil pour constater que rien ne fonde l’argument selon lequel les lignes d’équidistance provisoires

doivent être ajustées de manière à refléter la di fférence très nette entre les longueurs des côtes des

Etats. Dans le cas d’Etats adjacents, on voit mal pourquoi les longueurs relatives des côtes

devraient constituer une circonstance spéciale. [Fin de la projection.]

80
Arbitrage Erythrée/Yémen, sentence rendue par le tribunal arbdans la deuxième ét ape de la procédure
(délimitation maritime), 17 décembre 1999, par. 165. - 40 -

23. La réponse de l’Ukraine semble être que nous ne tenons pas compte de deux facteurs

81
extrêmement importants: le caractère unique de la configuration côtière et le fait que l’Ukraine

entoure la zone de délimitation sur trois côtés 82.

24. Caractère unique … soit, mais l’argument est aussi incontestable qu’inutile. Il existe un

badge sur lequel il est écrit: «N’oublie pas. Tu es unique; exactement comme tout le monde.»

Chaque délimitation est différente, mais l’intérê t des principes juridiques est d’introduire un

élément de cohérence et de justice raisonnée dans la manière d’appréhender cette tâche importante.

[Projection]

25. Quant à l’argument des trois côtés, prem ièrement, il ne correspond pas vraiment à la

réalité. Comme nous vous l’avons montré, la côte de la Roumanie au sud de Sacalin se projette sur

47 une zone qui n’est pas limitée par la côte ukrainienne, même si l’Ukraine y a un intérêt en vertu de

la projection vers le sud de sa côte autour du cap Sarych. [Fin de la projection.]

26. Et deuxièmement, la confiance et l’énergie avec lesquelles mon collègue et ami,

M. Bundy, claironne l’argument des trois côtés occultent un point. Et alors ? Prenons un exemple

parlant: si l’EtatA a la moitié d’un côté ⎯[Avez-vous perdu le…] ⎯Avec votre indulgence,

Monsieur le président, toute la finesse linguistiq ue dont je pourrais faire preuve ne saurait se

substituer de manière adéquate à cette projection.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Prenez votre temps.

M. LOWE : [Projection] Prenons un exemple pa rlant : si l’Etat A a la moitié d’un côté d’un

golfe, et l’EtatB a deux côtés et demi ⎯ M. Bundy dirait trois côtés ⎯, la ligne d’équidistance

accorderait trois quarts de la zone du golfe à l’EtatB et un quart à l’EtatA. En quoi cela est-il

erroné? L’Ukraine dirait sans aucun doute que cel a ne va pas parce que les zones sont dans un

rapport de 3pour 1, alors que les longueurs des côte s sont dans un rapport de 5pour 1. Et c’est

précisément ce que je veux dire. Si l’on estime que la disparité entre les rapports est excessive, sur

quel motif autre que la longueur de la côte peut-on formuler une objection ? L’argument des «trois

81
CR 2008/28, p. 50, par. 66 (Bundy).
82
CR 2008/28, p. 52, par. 77 (Bundy) ; CR 2008/29, p. 38, par. 79 (Quéneudec). - 41 -

côtés» est une répétition de l’argument relatif à la longueur des côtes ⎯un concombre, ainsi que

l’appellerait mon agent. [Fin de la projection.]

27. La Cour a clairement opéré la distincti on entre le fait d’appliquer au deuxième ou au

troisième stade une référence à la différence de longueur des côtes. M.Quéneudec a cité la

83
décision de la Cour de 1985 en l’affaire Libye/Malte . Comme il l’a relevé, celle-ci avait alors

déclaré qu’une disparité entre les longueurs des côtes pouvait effectivement se révéler pertinente

aussi bien au deuxième stade, en tant que raison d’ajuster la ligne d’équidistance provisoire, qu’au

troisième stade, quand le critère de proportionnalité entre en jeu.

28. C’est dans le paragraphe qui suit celui cité devant vous par M. Quéneudec que la Cour a

exposé ce point, d’une manière qui intéresse directement la présente affaire. Je cite :

«La question de savoir quelles côtes des deux Etats en cause sont à retenir à
cette fin doit sans nul doute finir par recevoir une réponse assez précise au moment où
le test de proportionnalité est appliqué en vue de vérifier l’équité du résultat. Cette
vérification n’aurait aucun sens si les «côtes pertinentes» et la «zone pertinente»

n’étaient pas définies avec précision, ains i que la Cour l’a fait dans l’affaire
Tunisie/Libye. Toutefois, quand une forte disparité est à retenir comme circonstance
pertinente, une définition rigoureuse n’est pas indispensable et elle n’est d’ailleurs pas
48
appropriée. Si la disparité n’apparaît qu ’après définition et comparaison minutieuses
des côtes, il est par hypothèse improbable qu’elle soit d’une ampleur telle qu’on
puisse lui attribuer un poids quelconque comme circonstance pertinente.»
(C.I.J. Recueil 1985, p. 49, par. 67.)

29. Dans l’affaire Libye/Malte, le rapport entre la longueur des côtes était de 8 contre1. Il

est ici de 1,4 contre 1 en faveur de l’Ukraine et de 1,7contre 1 dans la zone côtière pertinente,

toujours en faveur de l’Ukraine. Les chiffres sont exposés au paragraphe12.6 de notre mémoire.

La disparité entre les longueurs des côtes n’appa raît clairement qu’en établissant les rapports de

grandeur au dixième près.

30. La tentative de l’Ukraine tendant à faire passer la Roumanie pour Malte et à se faire

passer elle-même pour la Libye ne tient pas, à notre avis. Si le rapport entre longueurs côtières

devait être considéré comme un facteur imposant d’ajuster la ligne d’équidistance provisoire dans

des affaires telles que celles dont la Cour est act uellement saisie, la prop ortionnalité se trouverait

ainsi érigée en principe dominant toute délimitation maritime ⎯ en méthode dominante de

délimitation maritime ⎯, au mépris de cinquante ans de jurisprudence internationale.

83
CR 2008/29, p. 40, par. 89 (Quéneudec), citant C.I.J. Recueil 1985, p. 49, par. 66. - 42 -

31. En clair, la différence de longueur des côtes doit dans la présente affaire entrer en jeu non

pas au deuxième stade, au moment d’ajuster la ligne d’équidistance provisoire, mais au troisième

stade concernant le critère de proportionnalité.

32. L’Ukraine prétend que nous adoptons ce tte position parce que nous ne tenons aucun

compte de sa côte septentrionale. M.Crawford a abordé hier la question des côtes pertinentes,

mais celle-ci joue un rôle central pour la question de la proportionnalité et il convient d’en dire
un

peu plus à ce sujet.

33. Au-delà du mantra selon lequel la terre domi ne la mer, les Parties ont des conceptions

foncièrement différentes de la relation entre côte et mer [Projection]. Le point de vue de

l’Ukraine ⎯ que j’espère résumer ici de manière à la fois juste et exacte ⎯ est que toute portion de

terre côtière donne droit à une z one économique exclusive dans un rayon de 200 milles à partir de
84
son emplacement . M.Crawford vous a présenté la carte de M.Bundy, qui montre la côte

septentrionale conférant certains droits mariti mes à l’Ukraine comme une radiographie dont les

ondes passeraient par des masses te rrestres solides, à travers la péninsule de Tarkhankut, pour

générer des zones maritimes de l’autre côté de ce tte masse terrestre. Il s’agit là d’un formidable

tour de force 85.

86
49 34. M. Crawford vous a également montré ce qui n’allait pas dans cette approche [Ajouter

une onde, puis une deuxième, etc. ⎯lentement]. Vous pouvez suivre la progression des ondes à

l’écran. S’il n’était question que d’une zone de 6 ou 12milles, le chevauchement serait mineur.

Une délimitation ne serait nécessaire qu’au niveau de la frontière terrestre. C’est seulement lorsque

les côtes génèrent des zones plus vastes que le problème de la délimitation se pose avec acuité. Il

s’agit là d’un truisme, mais qui mérite d’être pr ojeté à l’écran: la délimitation ne pose problème

qu’aux endroits où l’espace manque pour permettre à chaque segment de côte d’engendrer son

propre droit à une zone maritime sans empiéter sur une zone générée par une autre côte.

35. L’élément crucial dans la présente affaire est que la côte septentrionale de l’Ukraine n’est

pas évincée par les côtes de la Roumanie. Ses z ones maritimes ne chevauchent pas celles de la

84Voir, par ex., CR 2008/24, p. 23, par. 18 (Bundy).
85
CR 2008/30, p. 31, par. 38-39 (Crawford).
86CR 2008/30, p. 31, par. 40 (Crawford). - 43 -

Roumanie. Elles chevauchent ses propres zones maritimes, et ce sont les côtes occidentale et

orientale de l’Ukraine elle-même qui évincent ou éclipsent l’effet de sa côte septentrionale [fin de

la projection].

36. Ce point peut être démontré autrement. Examinons la situation illustrée à l’écran

[projection]. Sur cette base, les eaux directement ad jacentes à la laisse de basse mer de l’Etat A et

comprises dans sa mer territoriale, à 198 milles à l’ouest de la frontière terrestre entre cet Etat et

l’Etat B ⎯ il s’agit du point 1 à l’écran ⎯ peuvent, d’après l’Ukraine, être dites «générées par» la

côte de l’Etat B. Evidemment, elles peuvent aussi être déclarées générées par la côte de l’Etat A ;

aussi est-il nécessaire de délimiter les zones maritimes respectives des Etats A et B.

37. Nous nous accordons sans nul doute sur le fait que dans cette affaire, qui constitue un cas

d’école, la ligne de délimitation pertinente est une perpendiculair e, une ligne d’équidistance qui

part de la frontière terrestre entre les Etats A et B. Mais si nous sommes certes d’accord sur le

résultat, la Roumanie n’est en revanche certainement pas d’accord avec la rationalisation simplifiée

à l’extrême que l’Ukraine propose.

38. La différence qui nous oppose se révèle évidente lorsqu’on regarde la carte à l’écran et

qu’on se demande quelle côte engendre le point1? L’Ukraine répondrait à la fois les côtes de

l’Etat A et celle de l’Etat B ⎯ou peut-être, plus précisément, les côtes de l’EtatA et de l’EtatB

dans la mesure où chacune est située dans un rayon de 200 milles à partir du point 1. Mais de notre

point de vue, cette réponse ne rime à rien.

39. Naturellement, nous reconnaiss ons que, si l’EtatA n’existait pas, la côte de l’EtatB

génèrerait la zone maritime au niveau du point 1 et que, si l’Etat B n’existait pas, la côte de l’Etat A

50 en ferait autant. Nous voyons bien aussi que, dans le cadre d’un exercice théorique de délimitation,

il peut se révéler logique, du point de vue géométrique, de tracer les rayons et demi-cercles comme

ils le sont à l’écran afin de construire la ligne sur la carte. Mais le tracé de la ligne sur la carte et

l’analyse juridique préalable constituent deux tâches de natures fort différentes.

40. L’analyse juridique doit être conforme aux règles du droit international et refléter les

principes et notions qui sous-tendent le droit en la matière. Il est en revanche loisible au

cartographe d’adopter une approche géométrique . Cette différence de perspective essentielle

explique pourquoi l’approche de l’Ukraine ⎯ qui constitue un outil parfait pour le - 44 -

cartographe ⎯n’est pas d’un grand secours pour le juriste, dans le cadre de l’analyse juridique

préalable à la construction géométrique de la ligne. Et c’est en cela que nous ne sommes pas

d’accord [fin de la projection].

41. Permettez-moi de rappeler ces principes juridiques fondamentaux. Au premier tour, nous

avons invoqué le passage de l’a rrêt rendu dans les affaires du Plateau continental de la mer du

Nord dans lequel la Cour évoquait la nécessité «d’appliquer une règle de droit prescrivant le

recours à des principes équitables conformé ment aux idées qui ont toujours inspiré le

développement du régime juridique du plateau continental en la matière» ( C.I.J. Recueil 1969,

p. 47, par. 85).

42. Cette référence n’avait pas simplement pour objet d’enjoliver notre plaidoirie. La

nécessité d’effectuer une délimitation «conformément aux idées qui ont toujours inspiré le

développement du régime juridique du plateau continental» —et aujourd’hui de la zone

économique exclusive — revêt une importance primordiale. L’idée essentielle qui sous-tend cette

approche est celle de la «prolongation», c’est-à -dire l’idée selon laquelle chaque segment côtier

doit pouvoir, dans la mesure du possible, engendrer ses propres zones maritimes, autrement dit,

l’idée selon laquelle les zones maritimes constituen t des prolongations, des extensions ou encore

des projections du territoire terrestre adjacent. N ous considérons que l’Ukraine a perdu de vue ces

principes fondamentaux en présentant sa thèse relative aux côtes pertinentes.

43. Selon la Roumanie, il convient de se demander non pas quels segments côtiers

pourraient engendrer un droit sur une zone maritime en tout point situé dans les eaux adjacentes

des deux Etats, mais plutôt quels sont, en tout point, les segments côtiers qui engendrent

effectivement un tel droit. [Projection] Comme nous vous l’avons montré, ce n’est pas la côte

septentrionale qui engendre le droit de l’Ukraine sur des eaux qui chevauchent celles sur lesquelles

la Roumanie possède un droit. Ce sont les segm ents1, 2 et8 de la côte de l’Ukraine qui

engendrent ce droit. C’est la raison pour laquelle nous avons exclu la côte septentrionale, et c’est

51 ainsi que nous sommes parvenus à un rapport entre les côtes de 1 pour 1,4 en faveur de l’Ukraine et

à un rapport entre les zones maritimes de 1 pour 1, 7 ég alement en faveur de l’Ukraine. [Fin de la

projection] - 45 -

44. [Projection] C’est aussi la raison pour laquelle nous nous sommes opposés au fait que

l’Ukraine exclue le «triangle oriental», au sud du capSarych. En effet, à cet endroit, la
87
revendication de la Roumanie est clairement engendrée par sa côte située au sud de Sacalin . Loin

de se terminer au milieu de nulle part, à l’ouest du cap Sarych, cette revendication s’étend sur toute

la largeur de la merNoire. A cet endroit, la Roumaine fait directement face à la Russie et à la

Géorgie. L’Ukraine aimerait se considérer comme omniprésente dans la région; pourtant, dans

certaines zones, elle n’est pas toute seule, ni même prédominante. L’Ukraine a certes des intérêts

dans les eaux situées entre la Roumaine et la Russie, mais tel est également le cas de la Roumanie.

Dans la zone située au-delà de la limite des 200 milles marins de la Roumanie, les droits continuent

de se chevaucher, même lorsque les revendications, e lles, ne se chevauchent pas. Il s’agit d’une

partie de la zone pertinente qu’il vous a été demandé de délimiter. [Fin de la projection]

45. [Projection] Même si la côte septentrionale de l’Ukraine devait être prise en compte, à

l’exception, ⎯ comme cela ressort de ce graphique ⎯ du golfe de Karkanitska, lequel ne peut en

aucun cas être considéré comme engendrant des zon es qui chevauchent les droits maritimes de la

Roumanie, le rapport entre les longueurs des côtes ne serait toujours que de1 pour2,31 et le

rapport entre les zones maritimes, en utilisant la lig ne de délimitation de la Roumanie, serait de1

pour2,01, dans les deux cas en faveur de l’Ukraine. Selon le modèle proposé par l’Ukraine, ces

rapports sont calculés en prenant en compte les longueurs des côtes, et non les longueurs de leurs

lignes de base comme nous l’avons fait dans nos écritu res, ce qui explique la légère différence.

Nous soutenons qu’il s’agit là, à n’en pas douter, de résultats «non disproportionnés», et que cela

confirme que la ligne de délimitation de la Roumanie permet d’aboutir à un résultat équitable.

[Fin de la projection]

46. [Projection] L’Ukraine prétend que notre ligne ampute sa côte; comme M.Pellet l’a

indiqué, nous ne sommes pas d’accord avec cette anal yse. Selon nous, c’est la ligne de l’Ukraine

qui ampute la côte de la Roumanie. Il n’exis te aucun critère mathéma tique reconnu en matière

d’amputation ou d’occlusion, et je pense que la meilleure solution sur ce point consiste à présenter

à la Cour en vis-à-vis les cartes représentant les prétendues «amputations» de chaque ligne de

87
CR 2008/30, p. 32, par. 45 (Crawford). - 46 -

délimitation, lui laissant ainsi le soin de décider si l’une d’entre elles entraîne effectivement une

amputation. [Fin de la projection]

52 47. Selon la Roumanie, il n’existe pas de circonstances spéciales de nature à justifier un

ajustement de principe de la ligne d’équidistance provisoire. M. Bundy a tenté, plutôt timidement,

de prétendre que c’est l’Ukraine qui assure la surveillance des zones en question, ce qui lui

conférerait sur elles un intérêt particulier. Mais si ces eaux étaient reconnues comme appartenant à

la Roumanie, c’est elle qui en assurerait la su rveillance, pour autant que les activités qui s’y

déroulent nécessitent une surveillance.

48. Je souhaiterais aborder un autre point. La Roumanie affirme que le caractère équitable

doit également être apprécié par rapport à la façon dont la dé limitation donne effet ⎯et ne porte

pas atteinte ⎯ à des accords préexistants entre les Par ties. Je ne parle pas des procès-verbaux

de 1949, qui ont été examinés en détail et dont les e ffets sont parfaitement clairs. En revanche, la

semaine dernière, le conseil de l’Ukraine s’est lancé dans une interprétation compliquée d’une

disposition du traité de2003 rela tif au régime de la frontière 88, interprétation à laquelle

89
M.Crawford s’est brièvement référé hier . La disposition en question, à savoir l’articlepremier

du traité de2003, se lit comme suit: «[l]es mers territoriales des parties contractantes mesurées à

partir des lignes de base ont en permanence, au point de rencontre de leurs limites extérieures, une

largeur de 12 milles marins».

49. [Projection.] Aux termes de cette dispositi on, les Parties ont prévu que, s’il se révélait

nécessaire de déplacer le point terminal en rais on du prolongement de la digue de Sulina, de

nouveaux procès-verbaux seraient conclus. Les deux Parties sont donc convenues que, à l’avenir,

il pourrait être nécessaire de déplacer le point terminal afin de préserver la largeur de la mer

territoriale de la Roumanie.

50. Mais la seule manière dont cela pourrait être fait ⎯étant donné que le point terminal

devrait également être situé à 12 milles marins de l’île des Serpents ⎯ serait de déplacer ce point

terminal le long de l’arc des 12 milles qui entoure l’île des Serpents.

88
CR 2008/29, p. 34, par. 46 (Quéneudec).
89
CR 2008/30, p. 50, par. 25-26 (Crawford). - 47 -

51. Cela serait tout à fait possible si la frontière maritime suivait l’arc des 12 milles entourant

l’île des Serpents, ainsi que le suggère la Roumanie. Cela serait, en revanche, impossible si la ligne

de délimitation de l’Ukraine devait être retenue. Avec la ligne proposée par l’Ukraine, un

prolongement jusqu’à la mer territoriale de la Roumanie conformément au traité de2003

empièterait sur la zone économique exclusive ou le plateau continental de l’Ukraine. [Fin de la

projection]

53 52. Selon nous, le fait qu’il est souhaitable de confirmer l’accord de 2003 ⎯et non de lui

porter atteinte ⎯ constitue un facteur supplémentaire renforçant le résultat équitable auquel la ligne

proposée par la Roumanie permet d’aboutir.

53. Compte tenu de ce qui précède, la Roumanie affirme que sa ligne de délimitation est tout

à fait conforme au droit international.

La ligne de délimitation proposée par la Roumanie

[Projection]

54. Permettez-moi de conclure en résumant la ligne de délim itation proposée par la

Roumanie.

55. Dans le secteur des côtes adjacentes, permettez-moi de commencer à l’est, au point T, là

où le tracé de la ligne en direction du sud commence à être fonction des points de base situés sur les

côtes se faisant face et où la ligne cesse d’être une ligne de délimitation entre des côtes adjacentes

pour devenir une ligne de délimitation entre des côtes se faisant face.

56. A l’ouest du pointT, la Roumanie a utilisé une ligne d’équidistance provisoire tracée à

partir des côtes continentales. En fait, la ligne d’équidistance provisoire que nous avons utilisée en

la présente espèce est tracée non pas à partir de la pointe de la digue de Sulina mais à partir du

phare situé sur l’île naturelle qui se trouve presque à l’extrémité de la digue. C’est pour cette

raison ⎯ et nous ne nous en sommes aperçus que récemment, lorsque la Roumanie a eu accès à des

logiciels cartographiques ⎯ que la ligne d’équidistance continentale que nous avons utilisée est

située un peu au sud de la véritable ligne d’é quidistance, ce qui donne un léger avantage à

l’Ukraine. - 48 -

57. L’île des Serpents n’est pas utilisée comme point de base car ses droits à des espaces

maritimes ont été établis par accord en1949; en t out état de cause, elle n’engendrerait pas une

zone plus importante en vertu des principes de délimitation établis, sachant qu’en outre, en vertu du

paragraphe 3 de l’article 121 de la convention sur le droit de la mer, elle ne saurait se voir attribuer

plus qu’une zone de 12 milles marins.

58. A l’ouest, la ligne d’équidistance provisoire rencontre la ligne des 12 milles tracée autour

de l’île des Serpents en vertu de l’accord de1949. La Roumanie soutient qu’il avait été convenu

que la frontière maritime entre elle-même et ce qui était alors l’URSS était établie jusqu’à un point

précis situé à l’est de l’arc des 12 milles entourant l’île des Serpents, laissant cette dernière du côté

soviétique de la frontière. Ce point est appelé point X. La ligne la plus courte entre le point X et la

ligne d’équidistance provisoire serait pratiquement impossible à respecter car cela créerait une fine

zone entre les deux. La Roumanie a par conséquent proposé un ajustement pragmatique ⎯ non pas

54 pour accorder à un Etat des espaces maritimes plus ou moins importants, mais simplement pour

faire en sorte que la ligne puisse être mise en Œuvre.

59. S’il n’y avait eu aucune délimitation en 1949, la Roumanie aurait proposé la ligne

d’équidistance tracée à partir du continent comme frontière maritime. La Roumanie concède

qu’une zone maritime de 12milles existe autour de l’île des Serpents, et que celle-ci nécessiterait

de s’écarter de la ligne d’équidistance provisoire en faveur de l’Ukraine.

60. Enfin, à partir du point T, la frontière se pr olonge en direction du sud, le long de la ligne

d’équidistance, jusqu’à ce qu’elle atteigne la ligne médiane entre les côtes de la Roumanie et de la

Turquie. [Fin de la projection]

61. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, permettez-moi de vous remercier pour la

patience et l’attention dont vous avez fait preuve au cours de ces derniers jours. Ainsi s’achève ma

plaidoirie pour la Partie roumaine et je vous priera is de bien vouloir appeler à la barre l’agent de la

Roumanie afin qu’il présente les conclusions fi nales de la Roumanie. Merci, Monsieur le

président. - 49 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Merci beaucoup, MonsieurLowe,

pour votre exposé. J’appelle maintenant à la barre l’agent de la Roumanie, M. Aurescu, afin qu’il

présente les observations finales et conclusions de la Roumanie. Monsieur, vous avez la parole.

M. AURESCU :

X. OBSERVATIONS FINALES ET CONCLUSIONS PRÉSENTÉES PAR

L’AGENT DE LA R OUMANIE

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, il m’incombe maintenant, en ma qualité

d’Agent de la Roumanie, de présenter, à la fin de ce second et dernier tour de plaidoiries, nos

observations finales ainsi que les conclusions de la Roumanie en la présente espèce. En

ce16septembre2008, cela fait exactement quatre ans que la requête introductive d’instance en la

présente affaire a été déposée à la Cour, au nom de la Roumanie, puisqu’elle l’a été le

16 septembre 2004.

2. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, nos arguments de droit vous ont été

présentés de manière détaillée et il n’est pas nécessaire de les passer de nouveau en revue ici. Avec

votre permission, je me permettrai simplement de rappeler brièvement les principaux éléments de

notre thèse.

a) La portion initiale de la frontière maritime en tre la Roumanie et l’Ukraine a été convenue par

voie d’accord ⎯à savoir l’accord roumano-soviétique de 1949, confirmé par des protocoles

55 ultérieurs de même nature ; ces traités ont force obligatoire à l’égard de l’Ukraine, en sa qualité

d’Etat successeur de l’ex-Union soviétique.

b) Le libellé de ces accords ainsi que les documents cartographiques y annexés démontrent que

l’intention des Parties était d’établir une frontière maritime le long de l’arc des 12milles

entourant l’île des Serpents et ce, jusqu’à un point situé plein est de cette formation maritime.

Les cartographes ⎯ officiels ou non ⎯ ayant élaboré les cartes de la Roumanie, de l’URSS

puis de l’Ukraine, ainsi que celles d’autres pays , ont toujours représenté cette frontière sur les

divers cartes et graphiques de la zone concer née de la mer Noire en utilisant le symbole

approprié ⎯et il apparaît d’ailleurs que le servicehydrographique ukrainien compétent n’a

jamais cessé de le faire, même après l’introduction de la présente instance devant la Cour. - 50 -

c) Pour le reste, la frontière doit être déterm inée en recourant aux méthodes habituellement

utilisées par votre Cour et les tribunaux arbitraux, à savoir la règle «ligne

d’équidistance/médiane ⎯ circonstances pertinentes».

d) En la présente espèce, l’application de cette méthode implique, tout d’abord, de tracer une ligne

d’équidistance entre les côtes adjacentes pertin entes et une ligne médiane entre les côtes

pertinentes se faisant face des deux pays. Il ne doit être tenu aucun compte pour le tracé de la

ligne d’équidistance/médiane provisoire de la minuscule formation rocheuse qu’est l’île des

Serpents, laquelle infléchirait de façon exagérée cette ligne.

e) La Roumanie est fondée à utiliser, aux fins de tracer la ligne d’équidistance/médiane provisoire,

les points les plus avancés de sa façade maritime, à savoir la digue de Sulina et la péninsule de

Sacalin, lesquelles font incontestablement partie intégrante du système de lignes de base droites

dûment notifié par la Roumanie à l’Organisation des Nations Unies.

f) Aucune circonstance pertinente ne justifie l’ ajustement de la ligne d’équidistance/médiane

provisoire.

g) Même s’il n’y avait aucune délimitation conventionne lle préexistante, la pratique étatique et la

jurisprudence des juridictions internationales dé montrent que l’île des Serpents ne devrait,

compte tenu de ses caractéristiques naturelles et de son emplacement, j ouer aucun rôle dans

l’ajustement de la ligne provisoire, à l’exception prés, bien sûr, de la zone des 12 milles qu’elle

possède déjà. Je me permets d’apporter ici une très légère correction technique à ce qu’a dit

M. Lowe lorsqu’il a répondu à la question de M. le juge Oxman : en fait, M. Lowe voulait dire

que l’Ukraine n’a, à l’heure actuelle, aucune législation relative à la zone contigüe.

56 h) En tout état de cause, cette formation est un ro cher au sens du paragraphe 3 de l’article 121 de

la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et n’a pas droit à un plateau continental et

à une zone économique exclusive.

i) Les tentatives désespérées de l’Ukraine pour modifier artificiellement les caractéristiques

naturelles de l’île des Serpents ⎯ entreprises précisément aux fins de la présente affaire ⎯ sont

dépourvues de signification juridique, sauf à être considérées comme une déclaration implicite

allant à l’encontre de ses intérêts quant au statut de l’île des Serpents en tant que rocher en vertu

de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. - 51 -

j) Les circonstances invoquées par l’Ukraine sont dépourvues de pertinence aux fins de la

délimitation maritime devant être effectuée; la prétendue prédominance géographique de

l’Ukraine est tout simplement le résultat d’une tentative visant à inclure dans les côtes

pertinentes aux fins de la délimitation avec la Ro umanie des portions de la côte ukrainienne qui

ne le sont pas.

k) Dès lors qu’il n’existe pas de disparité prononcée entre les côtes pertinent es des Parties, il n’est

nullement nécessaire d’ajuster la ligne d’équidi stance/médiane provisoire afin de prendre en

compte un tel facteur.

l) Les activités ukrainiennes limitées en matière pé trolière et gazière ou les prétendus incidents

impliquant des bateaux de pêche, lesquels se ser aient produits dans la zone à délimiter, sont

totalement dépourvus de pertinence aux fins de déterminer la ligne de délimitation. Et, enfin ;

m) Le critère de la proportionnalité confirme le car actère équitable de la frontière préconisée par la

Roumanie.

3. Monsieur le président, notre thèse est simp le: la frontière que nous revendiquons est la

ligne d’équidistance/médiane prolongée par la frontiè re déjà convenue autour de l’île des Serpents

ou l’entourant. La ligne préconisée par la Roumanie est fondée sur la géographie réelle de la zone

et, en particulier, sur les relations spatiales entr e les côtes des deux Etats. Elle est conforme aux

délimitations maritimes prévalant en merNoire ⎯ petite mer semi-fermée ⎯, et n’affecte pas les

droits ou intérêts d’Etats tiers. Il ressort également de la carte ⎯ainsi que de l’application du

critère de la proportionnalité ⎯ que la proposition de la Roum anie permet d’obtenir une

délimitation équilibrée entre les deux pays. La ligne de la Roumanie est correctement tracée, juste

et raisonnable, et elle n’empiète pas sur les droits de l’Ukraine, puisqu’elle lui laisse toutes les

zones maritimes situées au large de ses côtes.

4. Monsieur le président, nous en revenons à notre point de départ: le droit international.

Les préceptes du droit international sont les règles souveraines que tous les acteurs et actes de la

57 communauté internationale devraient suivre et respecter. Les propos inspirés de Nicolae Titulescu,

dont l’effigie est exposée non loin de cette grande salle de justice, à proximité du Palais de la Paix,

me reviennent en mémoire: il disait de la souveraineté étatique qu’elle était «grevée d’une

«servitude internationale en faveur de la Paix» et du droit international». - 52 -

5. C’est conformément au droit international que la Roumanie a tenté de résoudre la question

de la délimitation de ses espaces maritimes dans le b assin nord-ouest de la mer Noire, en négociant

avec l’Unionsoviétique et, après sa dissolution, avec l’Ukraine ⎯même si les prétentions de la

Partie ukrainienne étaient bien plus ambitieuses que celles de l’Unionsoviétique. Ce n’est que

lorsqu’il est apparu évident que ces négociations étaient stériles et qu’il était inutile de les

poursuivre que nous avons décidé de saisir la Cour de cette question.

6. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, nous maintenons r espectueusement que la

frontière proposée par la Roumanie au cours de la présente instance est parfaitement conforme aux

règles pertinentes du droit international et qu’elle permettra d’aboutir à une délimitation équitable

du plateau continental et des zones économiques exclusives de nos deux pays.

7. Monsieur le président, avant de donner lecture des conclusions de la Roumanie, je

souhaiterais remercier respectueus ement Madame et Messieurs de la Cour pour l’attention, la

patience et la courtoisie dont ils ont fait preuve au cours de ces trois semaines d’audience. Je

souhaiterais également remercier le Greffe pour la courtoise et précieuse assistance qu’il nous a

apportée en toutes matières dans le cadre de cette affaire et ce, au cours des quatre années de

procédure, ainsi que pour le bon déroulement des présentes audiences et pour avoir veillé à tous les

autres détails administratifs. Je souhaiterais égal ement exprimer notre gratitude à vos excellents

interprètes, qui ont accompli un travail remarquabl e en parvenant à suivre le rythme parfois

endiablé de nos exposés. Enfin et surtout, j’aimerais remercier MmeLaurence Blairon, chef du

département de l’information, et ses collaborateurs , pour avoir apporté une aide précieuse à notre

équipe et aux représentants de nos médias. Ma gratitude va également à l’ensemble de mon équipe

⎯laquelle, quoique jeune, est très efficace ⎯ et le terme «jeune» vaut également, bien entendu,

pour MM. Pellet, Crawford et Lowe. Sans l’aide de chacun d’entre eux tous ces efforts pour faire

valoir les intérêts juridiques de mon pays devant la Cour internationale de Justice n’auraient pas pu

être fournis.

8. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, eu égard aux considérations juridiques et aux

éléments de preuve exposés dans le cadre des procédures écrite et orale, la Roumanie prie

58 respectueusement la Cour de tracer une frontière maritime unique délimitant les espaces maritimes

de la Roumanie et de l’Ukraine en mer Noire comme suit : - 53 -

a) à partir du point F, situé par 45° 05' 21" de latit ude nord et 30° 02' 27" de longitude est, le long

de l’arc d’un rayon de 12 milles marins entourant l’île des Serpents jusqu’au point X, situé par

45° 14' 20" de latitude nord et 30° 29' 12" de longitude est ;

b) à partir du pointX, en ligne droite jusqu’au pointY, situé par 45°11'59" de latitude nord et

30° 49' 16" de longitude est;

c) puis, le long de la ligne d’équidistance entre l es côtes adjacentes pertinentes de la Roumanie et

de l’Ukraine, du pointY au point T, situé par 45°09'45" de latitude nord et 31°08'40" de

longitude est, en passant par le pointD situé par 45°12'10" de latitude nord et 30°59'46" de

longitude est,

d) et, enfin, le long de la ligne médiane entre les côtes pertinentes de la Roumanie et de l’Ukraine

qui se font face, du pointT au pointZ, situé par 43°26'50" de latitude nord et 31°20'10" de

longitude est, en passant par les points respectivement situés par 44° 35' 00" de latitude nord et

31° 13' 43" de longitude est et par 44° 04' 05" de latitude nord et 31° 24' 40" de longitude est.

9. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent mon exposé et les

plaidoiries de la Roumanie en la présente affaire. Permettez-moi d’exprimer, une fois encore, au

nom de mon pays, notre profonde confiance dans la Cour internationale de Justice et dans les

nobles vertus du droit international. Je vous remercie de votre patience et de votre attention.

Le VICE-PRESIDENT, président en exercice: Merci beaucoup, MonsieurAurescu. La

Cour prend bonne note des conclusions finales que vous avez lues au nom de la Roumanie.

L’Ukraine présentera sa réplique orale le jeudi 18 septembre 2008, de 15 heures à 18 heures,

et le vendredi 19 septembre 2008, de 15 heures à 18 heures. Merci.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 12 h 45.

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