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CR 2004/26 (traduction)

CR 2004/26 (translation)

Jeudi 17 juin 2004 à 10 heures

Thursday 17 June 2004 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour entendra

aujourd’hui le second tour de plaidoiries de la République fédérale d’ Allemagne. Je donne la

parole à M. Läufer.

M. LÄUFER :

A. Introduction

1. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, l’Allemagne était impatiente

d’entendre les arguments que le Liechtenstein deva it exposer hier. Malheureusement, nos attentes

ont été déçues. Le Liechtenstein ne clarifie ni les faits, ni la base de droit international sur laquelle

sa demande repose. Permettez-moi de préciser très clairement, avant même d’entamer les exposés

d’aujourd’hui, que l’Allemagne ne demande qu’une chose à la Cour à ce stade de la procédure:

c’est de se prononcer sur ses six exceptions prélimin aires, qui sont toutes solidement ancrées dans

la jurisprudence de la Cour. L’Allemagne soutient que, pour ce faire, la Cour n’a nullement besoin

d’aborder le fond de la présente affaire, contrairement à ce que le Liechtenstein veut lui faire croire.

Cela étant, pour analyser les exceptions préliminai res de l’Allemagne, la Cour doit être en mesure

d’apprécier pleinement le véritable objet de cette affaire.

2. L’objet de cette affaire, ce sont les confiscations opérées en 1945 par les autorités

tchécoslovaques, et non un quelconque régime de réparations. Contrairement à ce qu’a dit l’agent

du Liechtenstein, aujourd’hui, plus de soixante ans après la fin de la seconde guerre mondiale, les

demandes visant à obtenir réparation de l’Allemagne n’ont pas le moindre fondement juridique. La

question des réparations est obsolète. En appliqua nt la convention sur le règlement, l’Allemagne

ne pouvait obtenir aucun avantage, économique ou autre.

3. En prétendant que, dans les années quatre-v ingt dix, l’Allemagne a porté une atteinte à sa

neutralité et à sa souveraineté, le Liechtenstein tente d’égarer la Cour pour l’obliger à statuer

inutilement sur le fond d’une affaire inexistante.

4. Le Liechtenstein n’a toujours pas présenté une seule version cohérente de ses griefs. A

certains moments, le différend semble axé sur l’in terprétation de l’article 3 du chapitre sixième de

la convention sur le règlement. A d’autres, le Liechtenstein accuse l’Allemagne d’avoir violé - 3 -

certaines règles du droit international (sans pr éciser lesquelles), en «changeant de position» à

l’égard de la situation juridique des biens liechte nsteinois sis dans l’anci enne Tchécoslovaquie.

9 Plus de trente pages du mémoire sont entièrement consacrées à cette question. Qu’est-il donc

advenu de cette allégation centrale qui constitue ⎯ou, devrais-je dire, qui constituait ⎯ la pièce

maîtresse sur laquelle le Liechtenstein entendait fonde r la compétence de la Cour dans la présente

affaire? En fait, le changement de position repr oché à l’Allemagne n’a t out simplement pas eu

lieu. Au contraire, la position de l’Allemagne sur les questions en cause a toujours été cohérente,

logique et dépourvue d’ambiguïté. Jamais l’Alle magne n’a reconnu comme licite une confiscation

opérée par la Tchécoslovaquie. Jamais elle n’a ch angé d’attitude concernant le traitement des

avoirs étrangers. Ce que le Liechtenstein cherch e maintenant à faire croire à la Cour, c’est que,

en1995 et par la suite, les décisions rendues par les juridictions allemandes ont constitué le fait

générateur du différend allégué. Voilà, pour le coup, un changement de position remarquable de la

part du Liechtenstein. Comme les conseils de l’Allemagne vont le démontrer, les juridictions

allemandes n’ont rien «généré» du tout, elles ont simplement appliqué la convention sur le

règlement de 1955.

5. Enfin, à certains moments, le Liechtenste in affirme aussi que l’Allemagne a traité les

avoirs liechtensteinois comme des «avoirs allemands à l’étranger» en leur appliquant un prétendu

«régime des réparations». Or, en 1995, il n’exista it absolument aucun régime des réparations qui

pût être appliqué aux avoirs du Liechtenstein. Contrairement à ce que l’agent du Liechtenstein veut

faire croire à la Cour, l’Allemagne n’a jamais «tra ité» d’aucune façon les avoirs liechtensteinois.

Ce qu’ont fait les tribunaux allemands, c’est déclarer qu’ils n’avaient pas compétence pour

examiner la demande présentée par le prince de Liechtenstein. Aux termes de l’article 3 du

chapitre sixième de la convention sur le règlement, «[n]e sont pas recevables les réclamations et les

actions» «à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens saisis au titre des

réparations … ou en raison de l’état de guerre». En réalité c’est la Tchécoslovaquie, et non

l’Allemagne, qui a considéré ces avoirs comme des «avoirs allemands» lorsqu’elle les a confisqués

en 1945. En appliquant l’article 3 de la convention sur le règlemen t, les tribunaux allemands s’en - 4 -

sont remis à l’appréciation de l’Etat qui avait pro cédé à l’expropriation. L’article 3 ne permet pas

de confisquer des biens sis dans un pays étranger. Ce que fait l’article3, c’est empêcher les

juridictions allemandes d’exercer leur compétence à l’égard d’avoirs confisqués par un pays

étranger.

6. C’est la Tchécoslovaquie qui, en vertu du décret Beneš n 12, a confisqué, notamment, des

biens liechtensteinois sans indemniser leurs propriétaires. Pour la Tchécoslovaquie, les

ressortissants du Liechtenstein faisaient partie des «personne[s] appartenant au peuple allemand ou

10 hongrois, indépendamment de [leu r] nationalité». C’est donc la Tchécoslovaquie, et non

l’Allemagne, qui a traité comme allemands des biens liechtensteinois.

7. Comme l’indique clairement son titre, la convention sur le règlement vise les «questions

issues de la guerre et de l’occupation». Elle ne se limite donc pas aux expropriations opérées aux

fins des réparations, ainsi que les conseils de l’ Allemagne l’ont laissé entendre. La convention sur

le règlement a simplement exclu la compétence des tribunaux allemands à l’égard des confiscations

opérées «en raison de l’état de guerre» par les Puis sances alliées, dont la Tchécoslovaquie. Si le

Liechtenstein avait raison, il aurait dû diriger également ses griefs c ontre les trois alliés

occidentaux, c’est-à-dire la France, le Royaum e-Uni et les Etats-Unis, qui ont subordonné le

rétablissement de la souveraineté allemande à la conclusion de la convention sur le règlement.

Comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a rappelé, «la République fédérale

d’Allemagne n’était pas en mesure de s’opposer aux trois puissances qui entendaient exclure un

1
contrôle … des mesures de confiscation» .

8. S’agissant de notre première exception pr éliminaire, l’éminent conseil du Liechtenstein,

M. Crawford, a prétendu que l’Allemagne avait r econnu l’existence d’un différend en prenant part

à des consultations diplomatiques à la demande du Liechtenstein en 1998 et 1999. Monsieur le

président, une discussion cordiale sur des divergences de vues juridiques ne saurait être assimilée à

un différend au sens du Statut de la Cour avant d’avoir atteint un certain seuil.

1 Prince Hans-Adam II de Liech tenstein c. Allemagne , Cour européenne des droits de l’homme, requête
o
n 42527/98, arrêt du 12 juillet 2001, par. 56, EPA, annexe 1. - 5 -

9. Les conseils de l’Allemagne vont mainte nant présenter notre réponse aux plaidoiries de

mercredi. Je prie à présent la Cour de donner la parole à M. Frowein qui répondra aux arguments

présentés par MM.Crawford et Blumenwitz, aprè s quoi M.Tomuschat commentera ceux qui ont

été avancés par MM.Bruha et Hafner. Avant que je présente les conclusions finales de

l’Allemagne, M. Dupuy répondra à M. Pellet.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Läufer. Je donne maintenant la parole à

M. Frowein.

11 M. FROWEIN :

B. Défaut de compétence ratione temporis

1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, après les éclaircissements que le

Liechtenstein nous a apportés hier sur sa position, il sera, semble-t-il, plus malaisé encore pour

l’Allemagne de lui répondre. Alors que le Liechtenstein avait mis l’accent sur le prétendu

changement de position de l’Allemagne, dont il av ait fait son principal argument pour surmonter

l’obstacle posé par la limitation ratione temporis à la compétence de la Cour, il paraît à présent

opter pour une argumentation radicalement différente, faisant remonter le différend à 1995.

2. Par conséquent, il semble nécessaire de déc onstruire le tableau quelque peu complexe qui

vous a été brossé : l’on verra alors que la succe ssion des événements survenus entre 1945 et 1995,

et ultérieurement, que la Cour est appelée à examiner, est en réalité assez simple.

3. En1945, une fois libérée de l’occupa tion allemande, la Tchécoslovaquie a adopté les

décrets Beneš prévoyant la confiscation des avoirs allemands sur son territoire. C’est la

Tchécoslovaquie qui a décidé d’étendre ces mesu res d’expropriation aux personnes considérées,

selon sa législation, comme appartenant au «peuple allemand». L’Allemagne n’a bien sûr rien eu à

voir avec cette décision, dont la responsabilité ne saurait d’aucune façon lui être imputée.

4. En 1955, la République fédérale d’Allema gne a retrouvé sa qualité d’Etat souverain. Les

Trois Puissances alliées, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, insistèrent alors pour qu’elle

accepte l’obligation de ne soulever aucune objection à une certaine catégorie de mesures prises par

les Alliés. - 6 -

5. Compte tenu de l’impression qu’a créée le Liechtenstein, il est extrêmement important

d’examiner ici quelle catégorie de mesures entre dans le champ des dispositions spécifiques de la

convention sur le règlement. Le Liechtenstein affirme que, à partir de1995, l’Allemagne a

appliqué le «régime des réparations» à d’anciens a voirs liechtensteinois, qui, soit dit en passant,

relèvent depuis1945 de la compétence territori ale de la Tchécoslovaquie et de ses Etats

successeurs.

6. Reportons nous maintenant aux termes de la convention sur le règlement. Il est exact que

son chapitresixième porte l’intitulé —et je le citerai dans les trois langues— «Reparationen»,

«Reparations», «Réparations». Toutefois, on aurait tout à fait tort de penser que l’application de

12 cette disposition, que vous aurez eu le loisir d’ examiner, est limitée aux «réparations» dans un sens

purement formel. Permettez-moi de vous lire le libellé du paragraphe 1 de l’article3 du

chapitre sixième de la convention sur le règlement :

«1. La République fédérale ne soulèvera, dans l’avenir, aucune objection contre
les mesures qui ont été prises ou qui seront prises à l’égard des avoirs allemands à
l’étranger ou des autres biens saisis au titr e des réparations ou des restitutions, ou en
raison de l’état de guerre, ou en se fondant sur les accords que les Trois Puissances ont

conclus ou pourront conclure avec d’autres pays alliés, avec des pays neutres ou avec
d’anciens alliés de l’Allemagne.»

7. Il ressort à l’évidence de ce libellé que cette disposition ne couvre pas exclusivement les

mesures constituant des «réparations » au sens strict, mais l’ensemb le des mesures prises à l’égard

d’avoirs ou d’autres biens allemands à l’étranger sa isis en raison de l’état de guerre. Les trois

puissances alliées entendaient, naturellement, faire en sorte que l’Allemagne ne puisse en aucun cas

remettre en cause leurs décisions au sujet des biens allemands —et qui pourrait douter que les

décrets Beneš relèvent de la législation des Alliés su r les biens saisis en raison de l’état de guerre ?

Au passage, j’ajouterai que qualifier ces décret s de mesures de réforme agraire, comme nous

l’avons entendu faire hier, frise le ridicule, pour ne pas dire plus.

8. Le Liechtenstein soutient que l’Allema gne a appliqué aux avoirs liechtensteinois un

«régime de réparations» en1995. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. L’Allemagne a

été forcée en1955 d’accepter l’obligation de ne pa s s’ingérer dans les décisions des puissances

alliées, et de laisser aux autorités de celles-ci lsoin de déterminer ce qui constituait «des avoirs

allemands» au sens de la convention. - 7 -

9. Vous trouverez dans les documents que nous avons soumis la description détaillée de la

jurisprudence des tribunaux allemands, dont il resso rt qu’il revenait aux Alliés de décider de la

qualification des avoirs. Le Liechtenstein n’ignora it rien bien sûr de ce régime conventionnel, et il

faut présumer qu’il n’ignorait pas davantage que l’Allemagne n’avait pas le pouvoir de contrôle sur

les décrets Beneš qui ―à l’époque, malheureusement— s’a ppliquaient entre autres aux biens

liechtensteinois.

Mais, si vous me le permettez, j’ajouterai encore ceci : pouvait-on penser réellement mettre à

l’abri de toute ingérence les mesures des Alliés ⎯ comme les trois Puissances alliées entendaient le

faire en concluant la co nvention sur le règlement ⎯, sans préciser que c’était à la puissance ayant

procédé aux confiscations qu’il incombait de déte rminer si les avoirs étaient allemands ou non?

Parce que, si on avait laissé ce pouvoir à l’Allemagne , celle-ci aurait été en mesure, précisément,

d’entraver la mise en Œuvre de ce régime.

13 10. Ce qui s’est produit en1995 et par la suite ne découlait que de l’application du régime

conventionnel établi en 1955 par les Puissances a lliées et applicable notamment aux confiscations

opérées immédiatement après la seconde guerre mondiale et en conséquence de celle-ci.

La limitation ratione temporis à la compétence

11. Il faut souligner que les Parties semblent à présent tout à fait d’accord pour affirmer que

la date critique n’est pas celle de la naissan ce du différend mais celle ou celles des faits ou

situations que celui-ci concerne.

12. Selon le Liechtenstein, c’est seulement en 1995 qu’ont été réunis les éléments constitutifs

du différend, qui porte sur des situations et des faits plus anciens. Toutefois, il convient de vérifier

si cette position du Liechtenstein est conforme à la jurisprudence de la Cour et de la Cour

permanente.

13. Il ressort très clairement, selon moi, des précédents que forment les trois affaires citées

par les deux Parties que le point vraiment important consiste à déterminer quels sont les faits à

l’origine du différend lorsqu’il existe une limitation de la nature de celle applicable en l’espèce.

Comme l’a déclaré la Cour permanente, l’antériorité ou la postériorité d’une situation ou d’un fait

par rapport à une certaine date est une question d’espèce. Pour trancher cette question, il faut, ainsi - 8 -

que l’a souligné la Cour, garder toujours présente à l’esprit la volonté de l’Etat qui, n’ayant accepté

la juridiction obligatoire que dans certaines limites, n’a entendu y s oumettre que les seuls

différends qui sont réellement nés de situations ou de faits postérieurs à son acceptation . 2

14. Permettez-moi de résumer l’issue des trois affaires dans lesquelles la Cour et sa

devancière ont eu à traiter cette question. Dans l’affaire des Phosphates du Maroc, la Cour s’est

déclarée incompétente au motif que la situ ation dénoncée par le Gouvernement italien comme

illicite était en réalité une situation de droit née de la législation française antérieure à l’entrée en

vigueur de la déclaration d’acceptation de la France. Dans l’affaire de la Compagnie d’électricité

de Sofia , la Cour a rejeté l’exception au motif que les Parties s’accordaient à reconnaître le

caractère obligatoire des sentences qui devaient être considérées comme la source des droits

revendiqués et que c’étaient des actes spécifiques allant supposément à l’encontre de ces sentences,

mais ultérieurs à l’acceptation de la compétence, qui étaient à l’origine du différend. Dans l’affaire

14 du Droit de passage sur territoire indien , la Cour a établi sa compétence ratione temporis parce

qu’il n’était pas contesté que le droit de passage ex istait depuis longtemps, mais avait été suspendu

à une époque où elle était compétente, et que le différend portait sur ces faits. En passant, je

voudrais préciser que, contrairement à ce qu’a affi rmé mon éminent collègue et ami M. Crawford,

je n’ai nullement parlé d’une «position commune» au sujet du Droit de passage.

15. Comme la Cour permanente l’a si bien dit, il convient d’appliquer les restrictions ratione

temporis à la compétence en gardant à l’esprit l’intention des Etats de ne pas être mis en cause dans

le cadre de différends remontant à une époque où ils n’étaient pas à même de prévoir qu’ils

pourraient faire l’objet d’une telle procédure. N ous allons maintenant a ppliquer à la requête du

Liechtenstein les critères que nous venons de précise r une nouvelle fois. Si vous le permettez, je

reviendrai sur les critiques formulées par M. Crawford au sujet de notre exception dans l’ordre où il

les a faites.

2 o
Phosphates du Maroc, exceptions préliminaires, arrêt, C.P.J.I. série A/B n 74, p. 24. - 9 -

Application des critères à la présente instance

16. M.Crawford souligne à juste titre que le différend a été déclenché par les tribunaux

allemands après 1995. Il ajoute qu’il s’agit là de l’ élément central de l’affaire. Il admet que les

antécédents de celle-ci ainsi que les droits et ob ligations juridiques des Parties ont une source plus

ancienne, mais il dit que cette considération est dénuée de pertinence, comme elle l’était en

l’affaire du Droit de passage.

17. L’Allemagne n’est absolument pas d’accord avec cette assertion. Il est vrai, bien sûr,

que le différend ⎯ si différend il y a ⎯ s’est élevé après 1995. Mais il ne porte que sur des faits et

des situations juridiques antérieurs à1980. Perm ettez-moi de l’expliquer une nouvelle fois. En

rendant leur décision dans l’affaire du Tableau de Pieter van Laer, les tribunaux allemands ont

appliqué une disposition qui était en vigueur de manière ininterrompue depuis le 5 mai 1955. Cette

disposition avait été inscrite dans la convention sur le règlement conclue entre d’une part la France,

le Royaume-Uni et les Etats-Unis et d’autre part la République fédé rale d’Allemagne. La

jurisprudence allemande avait systématiquement confirmé que cette c onvention empêchait les

tribunaux allemands de contrôler les mesures de confiscation prises par les Alliés à l’égard des

avoirs considérés comme «biens allemands», mesures dont les décrets Beneš étaient un exemple.

18. La raison de l’insistance des trois Pu issances alliées pour que la République fédérale

d’Allemagne accepte une telle obligation est, selon mo i, on ne peut plus claire. Elles voulaient

éviter que les autorités ou les tribunaux allema nds puissent examiner ou reviser ces décisions.

Seuls les autorités ou les tribunaux des puissances alliées devaient avoir compétence pour ce faire.

Le Liechtenstein, comme tous les autres Etats d’Europe, était parfaitement au courant de cette

15 situation. Il ne s’est pas une seule fois ad ressé à l’Allemagne à propos de la question pour

contester cette situation juridique avant199 9, date à laquelle il a proposé d’engager des

négociations en vue d’obtenir une juste indemnité pour les biens confisqués par la Tchécoslovaquie

en 1945. Il va de soi que l’Allemagne a refusé toute indemnisation.

19. M.Crawford a soutenu que l’argument de l’Allemagne selon lequel la Cour avait à

examiner des événements antérieurs à1980 n’ est pas pertinent. Il renvoie à l’affaire du Droit de

passage en soulignant que, en cette affaire, la C our a pu prendre en considération des traités et - 10 -

e
autres instruments datant du XVIII siècle. Mais il a la sagesse de ne citer l’affaire des Phosphates

du Maroc que de manière très limitée et sélective. Da ns cette affaire, comme nous le savons tous,

la Cour permanente a jugé que la situation juridique dont se plaignait le Gouvernement italien

existait bien avant l’application ratione temporis de la clause juridictionnelle et que la Cour n’avait

donc pas compétence.

20. La comparaison entre les deux affaires et la présente instance est vraiment très simple à

mon sens. Dans l’affaire du Droit de passage, le différend portait sur la fermeture du passage par

l’Inde et la Cour pouvait prendre en considéra tion toutes les questions juridiques concernant un

droit de passage. Dans l’affaire des Phosphates, elle ne pouvait pas examiner la question, parce

que la situation juridique était fixée bien avant l’application de la clause juridictionnelle et

qu’aucun fait ou situation juridique séparable n’ était en jeu. L’Allemagne considère que nous

sommes ici clairement dans le même cas que dans l’affaire des Phosphates du Maroc. En effet, ce

que les tribunaux allemands ont appliqué en19 95 et ensuite, c’est un régime juridique qui

s’appliquait à l’Allemagne depuis1955 et avait été instauré par les trois Puissances alliées, la

France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, de concert avec la République fédérale d’Allemagne.

21. Le Liechtenstein veut nous persuader que l’affaire de 1995 ne porte pas sur des faits et

situations juridiques antérieurs à 1980. Il est pourtant incapable de nous montrer de quelle manière

la Cour pourrait ne pas tenir compte des décrets Beneš, des confiscations opérées en application de

ceux-ci, de l’ancien régime des réparations, de la conclusion de la convention sur le règlement et de

l’absence totale d’action de la part du Liechte nstein avant1980. Cela prouve de manière

incontestable que cette affaire porte réellement sur des faits et des situations juridiques antérieurs

à 1980. Pour éviter tout malentendu, laissez-moi le répéter encore : nous ne contestons pas que le

Liechtenstein ait soumis une demande en indemnis ation à l’Allemagne en1999. Mais les faits et

situations juridiques au regard desquels il pou rrait être statué sur une éventuelle demande en

indemnisation datent de 1945 et de 1955.

22. Le Liechtenstein conteste l’argument de l’Allemagne selon lequel il est impossible

d’établir une distinction significative entre la sour ce des droits invoqués par le Liechtenstein et

16 celle du différend allégué. M.Craw ford a raison de souligner que la Cour n’a pas eu de mal à

établir cette distinction dans l’affaire du Droit de passage . Mais la différence entre les deux - 11 -

situations est frappante. Dans l’affaire du Droit de passage, la source des droits pouvait se trouver

⎯se trouvait en fait ⎯ dans des instruments juridiques anciens et la pratique générale. Celle du

différend était le fait que constituait la fermeture du passage.

23. Dans la présente espèce, on peut évidemment voir la source des droits dans la situation

juridique du Liechtenstein en 1945 et dans la période qui a suivi. Mais c’est seulement de manière

extrêmement artificielle que l’on pourrait accepte r l’idée que, lorsque l’A llemagne applique des

instruments juridiques en vigueur depuis de nombreuses décennies, la source du différend est

ailleurs. La véritable source du différend est et continue d’être la confiscation par la

Tchécoslovaquie, en 1945, de biens appartenant alors à des Liechtensteinois, avec les conséquences

juridiques qui en sont résultées. M.Crawford a raison de dire que la Cour examine l’enjeu du

différend dans son ensemble et non ses diverses composantes prises isolément. Cela prouve de

manière indéniable que la sour ce du différend ne saurait être la confirmation d’un empêchement à

statuer ―qui existait pour les tribunaux allemands depuis1955 ― au moment où, par un pur

hasard, un tableau qui appartenait au prince de Liechtenstein en1945 se retrouve en Allemagne

en1991. Sans cette histoire, il n’y aurait pas de di fférend, et je reviendrai encore une fois sur ce

point.

24. M. Crawford minimise l’importance de l’ar gument relatif au changement de position. Il

a peut-être bien raison de le faire, vu la possi bilité d’abuser de cet argument pour contourner la

limitation de la compétence ratione temporis de la Cour. Il souligne de nouveau qu’il faut réserver

cet aspect pour l’examen au fond, mais il n’a borde pas la question de savoir si un prétendu

changement de position, nié par le défendeur, peut effectivement permettre de surmonter l’obstacle

de la date critique. Evidemment, selon moi, la réponse est non.

25. Les trois hypothèses envisagées par M.Crawford à la fin de son exposé soulèvent la

même difficulté: il ne dit pas comment il fera it pour maintenir l’importance de la limitation

ratione temporis dans chacune des trois hypothèses. Comme l’a si clairement dit la Cour

permanente de Justice internationale en l’affaire Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie ,

c’est réellement le point central de l’argum entation du demandeur qui est déterminant pour - 12 -

l’établissement de la date critique. Si le point central de l’argumentation concerne la situation

juridique créée en1945 et en1955, il est impossible de surmonter la limitation ratione temporis

liée à la date critique de 1980 en introduisant différents éléments hypothétiques.

17 Conclusion

26. En conclusion, Monsieur le président, Ma dame et Messieurs de la Cour, l’Allemagne

continue de soutenir que, considér é du point de vue de sa source ré elle, le différend tombe sous le

coup de la limitation de la compétence ratione temporis puisque tous les élém ents importants sont

antérieurs à1980. Ce que le Liechtenstein tente de déduire à tort des événements déclenchés par

l’étrange affaire du Tableau de Pieter van Laer , c’est tout un échafaudage de faits et de situations

juridiques qui n’existent que dans son imaginati on. L’Allemagne n’a pas, en1995, soumis des

avoirs liechtensteinois au régime des réparations . L’Allemagne a appliqué des règles juridiques

stipulées dans un traité concernant les mesures de confiscation prises par les Alliés en1945 et

ultérieurement, traité qui été conclu et est en tré en vigueur en1955. Les biens concernés,

systématiquement présentés comme des avoirs liechte nsteinois, sont des biens qui, selon les lois

appliquées par le souverain territorial, ne sont pas des avoirs liechtensteinois mais des biens

appartenant à des propriétaires tchèques ou slovaques. Il en est ainsi depuis 1945.

27. L’Allemagne demande respectueusement à la Cour de rejeter la requête du Liechtenstein

pour défaut de compétence ratione temporis. Avec votre autorisation, Monsieur le président, je

vais à présent poursuivre pendant quelques minutes sur notre prochain argument.

C. Germany’s exclusive jurisdiction

1. Mr. President, Members of the Court, allow me briefly to reply to the statement made by

my colleague Professor Blumenwitz regarding Article 27 (b) of the 1957 European Convention for

the Peaceful Settlement of Disputes.

2. Professor Blumenwitz rightly cites the well-known argument of the Permanent Court

concerning the exclusive jurisdiction of States. He adds, and I agree with him, that only the

provisional conclusion is determinative for the present stage of the proceedings. - 13 -

3. It would appear, however, that Professor Blumenwitz has not properly grasped Germany’s

argument in this connection. The argument doe s not at all concern the applicability of the

European Convention on Human Rights or the 19 55 Convention between Germany and the three

Allies. The argument concerns Liechtenstein’s position vis-à-vis the decisions of the German

Courts, which are the only State acts at issue.

18 4. The key criterion, on a true legal analysis , is whether Liechtenstein has argued that the

decisions of the German courts to return the van Laer painting to the Czech museum could violate a

right accorded to Liechtenstein by public international law.

5. Liechtenstein, for obvious reasons, refu sed to put forward such an argument.

Liechtenstein and its counsel know perfectly well that public international law does not oblige

States to treat illegal expropriations by third St ates as null and void. Many countries have

substantial jurisprudence recognizing the consequences of illegal e xpropriations. I have cited the

literature on the subject, including the work of Professor Pellet.

6. Mr. Blumenwitz, in paragraph 8 of his st atement, speaks of “certain property claimed by

Liechtenstein under international law”: but he do es not add that Liechtenstein has put forward the

argument that the German courts are obliged, under international law, to treat the expropriation of

the painting as null and void. Since this argument is not raised, it is clear that the decisions of the

courts regarding the effect of the expropriations are not, even according to Liechtenstein’s position,

determined by public international law.

7. With regard to the castles and forests, th e situation is even more clear. Liechtenstein

refuses to tell us on what basis Germany could be obliged to treat these assets, the forests and

castles, as Liechtenstein assets. Since 1945 they ha ve been in the territory of a sovereign State

other than Liechtenstein. That State regards them as assets belonging to its citizens.

8. Professor Blumenwitz’s statement that no authority is cited for the proposition that

international law is concerned only with the resu lts of domestic legal proceedings is somewhat

surprising. It is clear in our case that only a ru le of international law creating an obligation for

Germany to return the painting to the Prince of Li echtenstein could lead us on to the plane of - 14 -

international law. Germany has not heard Liecht enstein argue that such a rule exists. As

previously stated, there is a good reason for this, as every international jurist agrees that no such

rule exists.

19 9. Mr.President, it is for this reason that Germany remains convinced that Article27 (b)

excludes the case from your jurisdiction. Thank you for your attention.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Frowein. Je donne maintenant la parole à

M. Tomuschat.

M. TOMUSCHAT :

D. Les demandes du Liechtenstein manquent de justification

1. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, lorsque le Liechtenstein a

présenté hier ses observations en réponse aux exce ptions préliminaires soulevées par l’Allemagne,

j’ai écouté avec attention ce que M. Bruha et les autres membres de la délégation du Liechtenstein

avaient à dire concernant les éléments de fait et les moyens de droit susceptibles d’étayer les

demandes qu’examine actuellement la Cour. Malh eureusement, Monsieur le président, je dois

avouer que je n’ai toujours pas compris les fondements juridiques de ces demandes. Cela m’a

rappelé un beau film intitulé «Blow up», que j’ ai vu il y a de nombreuses années. L’élément

central de ce film était une photographie prise da ns un parc aux arbres et aux buissons verts et

luxuriants. Mais quelque chose s’était apparemment produit dans le coin le plus reculé du parc,

quelque chose d’effrayant. Quelqu’un cherchait à éc laircir le mystère en agrandissant de plus en

plus la photographie. Mais le mystère subsistait. On apercevait bien une forme vague, oui, mais

on ne pouvait en saisir les contours précis, la réalité, le sens.

2. Eh bien, nous nous trouvons ici dans une situation analogue. M.Bruha a passé vingt

minutes hier à tenter d’expliquer à toutes les personnes présentes dans la salle d’audience que

l’espèce était parfaitement définie. Cependant, si ce n’est qu’il a attiré l’attention sur le fait que,

conformément au paragraphe1 de l’article40 du Statut et au pa ragraphe2 de l’article38 du

Règlement de la Cour, seul un exposé «succinct» des faits et moyens de droit est nécessaire

― affirmation avec laquelle l’Allemagne est entièrement d’accord ― il n’a pas atteint son but. Et - 15 -

aucun autre membre de l’équipe du Liechtenstein n’a été en mesure d’éclairer les auditeurs sur

l’objet de la demande. Dans la section pertinente de sa plaidoirie (A), M.Bruha s’est borné à

affirmer que le Liechtenstein avait

«clairement précisé les raisons motivant les demandes qu’il a formées contre

l’Allemagne, en décrivant la série de décisions judiciaires, le comportement ultérieur
20 et certains échanges diplomatiques, ainsi que le contexte factuel et historique dans le
cadre duquel s’inscrit le différend. De même, le Liechtenstein a énoncé les principaux
moyens de droit sur lesquels il fonde ses demandes.»

3. Cela est bien peu de chose et cela ne fournit pas de réponse claire à la question à laquelle

une réponse doit être apportée. Le Liechtens tein accuse l’Allemagne d’avoir commis un fait

internationalement illicite. C’est une allégation que l’Allemagne ne peut pas prendre à la légère.

Mais il ne suffit pas d’évoquer globalement une multitude d’éléments non précisés pour satisfaire

aux conditions de procédure applicables. Si un Et at allègue qu’un autre Etat ne s’est pas conformé

à ses obligations internationales, il doit le faire de manière précise et non ambiguë. Les faits

pertinents doivent être énoncés sans équivoque.

4. Continuant à parcourir le territoire qui lui a été assigné, M.Bruha aborde ensuite la

formule que l’on trouve déjà dans les pièces écrites. Il parle de «l’assimilation des biens

liechtensteinois à des avoirs allemands à l’étranger au sens de la convention sur le règlement … qui

constitue la pierre angulaire du diffé rend». Il suit en cela S.Exc.M.Marxer, qui avait dit que le

différend porte sur «l’application faite récemment par l’Allemagne du régime des réparations de

guerre aux biens appartenant au Liechtenstein et à ses nationaux». Quelques minutes plus tard,

l’agent du Liechtenstein déclarait à son tour :

«La thèse du Liechtenstein est essentiellement que l’Allemagne est
internationalement responsable d’avoir vi olé la neutralité et la souveraineté du
Liechtenstein en permettant que des avoirs de cet Etat soient, pour la première fois

en 1995, traités comme des avoirs allemands à l’étranger aux fins de la convention sur
le règlement. Voilà quel est l’objet de la présente affaire.»

Quant à M. Crawford (par. 15), il a parlé de :

«l’acceptation de plus en plus évidente pa r l’Allemagne de l’idée que les biens de
citoyens liechtensteinois pouvaient légitim ement être traités comme des «avoirs
allemands à l’étranger» aux fins de la c onvention sur le règlement, et ce avec des
conséquences fâcheuses à la fois pour les i ndividus concernés et pour le Liechtenstein

lui-même en tant qu’Etat neutre». - 16 -

Et il m’est difficile de compter le nombre de fois où le professeur Pellet a mentionné que

l’Allemagne avait prétendument décidé «d’inclure les biens liechtensteinois dans le régime des

réparations».

5. Par conséquent, nous pouvons affirmer sans risque qu’il s’agissait et qu’il s’agit toujours

d’une stratégie concertée. Délibérément, le Liechte nstein a répété encore et encore la formule,

mais sans ajouter la moindre explication. Mais que signifie en fait l’expression «inclure … dans le

régime des réparations» ?

6. Nous ne supposons pas que c’était là une tentative calculée pour créer la confusion dans

l’esprit des personnes concernées en l’espèce. En fait, la formule semblerait vouloir faire croire

que l’Allemagne aurait tiré des avantages économiqu es de la décision ou de la mesure invoquée.

21 En fait, de manière totalement inattendue et sans fournir aucune justification à ses dires, l’agent du

Liechtenstein prétend que (par. 15) :

«En intégrant les biens du Liechtenstein au régime des réparations, l’Allemagne
s’est assuré un avantage économique considérable sur le Liechtenstein … l’Allemagne
doit encore aux Républiques tchèque et sl ovaque des sommes substantielles au titre
des réparations de guerre, ainsi qu’à d’au tres puissances alliées et associées de la

seconde guerre mondiale.»

Mais c’est la seule fois où l’observateur a perçu hier une allusion à ce qui pourrait se cacher

derrière cette litanie que l’on pourrait presque qualifie r de delphique: «inclure… dans le régime

des réparations».

7. Quelle est réellement la signification juri dique de la série de décisions rendues par les

tribunaux allemands en l’affaire Pieter van Laer ? C’est ceci et rien de plus: les tribunaux

allemands ne sont pas compétents pour se pron oncer sur les différends portant sur des biens

confisqués en 1945-1946 dans l’ex-Tchécoslovaquie. La justice allemande n’a absolument jamais

touché à tous ces biens immobiliers qui apparten aient auparavant à des nationaux du Liechtenstein

et qui se trouvent en toute sécurité aujourd’hui sur le territoire de la République tchèque et de la

République slovaque. Par conséquent, ce qu’a dit M.Crawford, à savoir que la jurisprudence

Pieter van Laer «est devenue une position de principe» du Gouvernement allemand (par.15), ne

pourrait être plus éloigné de la vérité. Il n’y a pas eu ultérieurement la moindre affaire dans

laquelle il aurait fallu se prononcer sur des questions similaires. - 17 -

8. L’explication en est simple : les immeubles en question se trouvent en dehors du champ de

compétence de l’Allemagne, de ses pouvoirs législ atif, exécutif et judiciai re. Dans les années

quatre-vingt-dix, l’Allemagne ne s’est pas prononcée su r les avoirs situés en pays étranger, elle ne

pouvait pas le faire et elle n’a jamais souhaité le faire.

9. Mais je voudrais revenir à la formule «i nclure… dans le régi me des réparations».

Comme je l’ai déjà dit, elle n’explique rien, elle est totalement creuse et aucun membre de l’équipe

du Liechtenstein n’a fait d’effort sérieux pour exp liquer ce qu’elle pourrait bien recouvrir. Il nous

faut par conséquent le répéter : conformément au paragraphe 3 de l’article 3 du chapitre sixième de

la convention sur le règlement, les juridi ctions allemandes saisies de l’affaire du Tableau de Pieter

van Laer se sont bornées à indiquer qu’elles n’étaient pas compétentes pour se prononcer.

L’Allemagne n’a pas accordé la protection judiciaire et cette «abstention» ne constituait pas une

violation de son obligation générale de permettre à toute personne de faire valoir ses droits civils en

justice, mais elle était parfaitement licite, comme l’a confirmé la Cour européenne des droits de

l’homme. Le véritable problème concerne donc une passivité alléguée et non pas une ingérence

22 active. Encore une fois: à ce jour, l’Allema gne ne connaît même pas de manière suffisamment

précise l’identité des biens dont il s’agit, ce que le Liechtenstein n’a pas véritablement contesté.

On ne comprend vraiment pas comment une série de décisions judiciaires rendues dans une affaire

particulière, dans laquelle l’Allemagne était tenue de ne pas ex ercer ses pouvoirs judiciaires, peut

être présentée comme constituan t une violation de la souveraineté et de la neutralité du

Liechtenstein. Si les tribunaux avaient revendiqué pour eux-mêmes le pouvoir de statuer sur les

anciens avoirs du Liechtenstein, s’ils s’étaient pr ononcés eux-mêmes sur le statut juridique actuel

de ceux-ci, leurs décisions auraient pu avoir des conséquences juridiques. Mais les tribunaux

allemands n’ont rien fait de tout cela. Ils ont refusé de se prononcer sur la demande présentée par

le prince Hans-Adam II dans l’affaire du Tableau, et ils n’ont jamais rien eu à voir avec les autres

biens dont le Liechtenstein prétend avoir été dépossédé par les autorités tchèques.

10. Pour l’essentiel, ce que codifie le paragra phe3 de l’article3 de la convention sur le

règlement, c’est un exemple particulier d’une question de doctrine politique. Les Puissances alliées

étaient d’avis que toutes les mesures qu’elles avaient prises à la suite de la seconde guerre mondiale

contre les avoirs et autres biens allemands à l’étranger devaient être soustraites à la compétence des - 18 -

juridictions allemandes. L’agent de l’Allemagne a déjà souligné que la disposition en cause ne se

limite absolument pas aux mesures de réparation ou de restitution, mais s’applique aussi aux

mesures prises «en raison de l’état de guerre». L’Allemagne avait été délibérément placée sous le

coup d’une interdiction de contrôler judiciairement les mesures prises, non seulement par les trois

Puissances alliées, mais aussi par les autres pays a lliés, à l’égard des biens allemands. C’est à cet

ordre que les juridictions allemandes ont obéi dans l’affaire Pieter van Laer.

11. Comment un pays peut-il être accusé de commettre un fait internationalement illicite s’il

refuse d’exercer ses pouvoirs judiciaires? Pou rrait-on jamais imaginer que l’on tienne les

Etats-Unis d’Amérique pour responsables d’une décision de leurs tribunaux refusant d’examiner

une affaire judiciaire à cause de ses implications politiques ? Bien sûr, si demain un autre tableau

confisqué en1945-1946 par les autorités tch écoslovaques était découvert en Allemagne et

revendiqué par son ancien propriétaire, la position ju ridique serait la même. Mais le mystère reste

entier en ce qui concerne les réperc ussions que pourrait avoir l’affaire Pieter van Laer sur les

anciens avoirs du Liechtenstein situés en Républiq ue tchèque ou en Slovaquie. Cette affaire n’a

pas d’effet juridique à cet égard. L’Allemagne n’a jamais eu l’ambition d’exercer des pouvoirs

23 souverains sur ces biens. Elle n’a pas approuvé les confiscations tchécoslovaques, et elle ne s’est

pas non plus enrichie en comptant sur ces biens pour un quelconque «régime de réparation».

12. L’expression «régime des réparations» est une formule qui sans doute plaît bien à

beaucoup de juristes, mais elle est impuissante à tr ansformer la fiction en réalité. La question des

réparations allemandes a fait l’objet de di scussions après la seconde guerre mondiale et

l’Allemagne a effectivement payé des réparations. Depuis la réunification du pays en1990, en

application du traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne, la question des réparations

est sans objet. L’Allemagne ne voit pas quel av antage elle aurait pu tirer de confiscations

effectuées par les autorités tchécoslovaques.

13. En résumé, l’expression «application du régime des réparations aux avoirs du

Liechtenstein» est une coquille vide. Tout ce que les tribunaux allemands ont fait, dans le cadre

d’une affaire particulière, c’est remplir des e ngagements que l’Allemagne avait été obligée de

prendre en vertu d’un traité conclu à l’instigati on de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. - 19 -

L’engagement énoncé au paragraphe 3 de l’article3 du chapitre sixième de la convention sur le

règlement ne sert assurément pas les intérêts de l’Allemagne, mais bien ceux des Puissances alliées

victorieuses, dont l’ancienne Tchécoslovaquie.

14. Comment une attitude purement passive, pri se dans le cadre d’une affaire judiciaire

particulière, pourrait-elle équivalo ir à une violation de la souve raineté et de la neutralité du

Liechtenstein ? Cela demeure un mystère. L’Alle magne relève en passant que, si l’on parle de la

neutralité du Liechtenstein, cela montre une fois de plus que l’affaire trouve son origine dans la

période immédiatement postérieure à la seconde guerre mondiale. Qui, dans les années

quatre-vingt-dix, parlerait du Liechtenstein comme d’un Etat «neutre»? Comment l’Allemagne,

cinquante ans après la seconde guerre mondiale, pourrait-elle avoir violé les droits du Liechtenstein

en tant qu’Etat «neutre» ?

15. Plus on essaie de chercher sur quelles bases la demande du Liechtenstein pourrait être

fondée en droit, moins on y voit clair. Parler d’application du régime des réparations n’apporte

même pas prima facie une réponse aux questions qui se posent en l’espèce, à savoir :

⎯ Premièrement, quel est le fait internationalement illicite que l’Allemagne aurait commis ?

⎯ Deuxièmement, quels sont les règles ou principes juridiques que l’Allemagne aurait violés ?

Une chose est sûre, seul un examen au fond permettrait de répondre exhaustivement à ces

questions. Mais tout demandeur a l’obligation d’e xpliquer, en exposant les faits pertinents et un

minimum d’argumentation juridique, quelle est, à son avis, la position en droit. Une demande

portée devant la Cour doit offrir au moins un semblant de plausibilité. Et ce n’est pas le cas en

l’espèce.

24 16. Le caractère vicié de la requête constitu e une question qui doit être réglée au stade

préliminaire de la procédure ⎯c’est bien sûr l’avis de l’Allemagne. L’Allemagne n’a cessé

d’attirer l’attention du demandeur sur le défaut de justification de ses demandes. Le demandeur a

pourtant laissé passer toutes les occasions qu’il av ait d’y remédier. Hier, nous avons entendu la

même chanson qui nous est serinée depuis le t out début de la procé dure. L’Allemagne est

fermement convaincue, et elle ne peut que le répéter encore, qu’une requête élaborée avec une telle

désinvolture ne saurait constituer un recours susceptible d’être examiné au fond. - 20 -

17. La Cour internationale de Justice est une institution de la communauté internationale tout

entière. Ses ressources sont limitées. Tout demandeur a donc une certaine responsabilité à cet

égard. La Cour ne devrait p as accepter d’examiner sur le fond des demandes à peine fondées. Le

Liechtenstein a eu raisonnablement la possibilité de justifier les allégations qu’il formule contre

l’Allemagne. Mais il ne l’a pas fait et doit donc assumer ses responsabilités en tant que Membre de

l’Organisation des Nations Unies. J’en viens maintenant à la sixième exception préliminaire.

E. Non-exhaustion of local remedies

Mr. President, Members of the Court.

1. I would like very briefly to address the last of the Preliminary Objections raised by

Germany, the non-exhaustion of local remedies, in pa rticular in order to respond to the arguments

submitted by Professor Hafner.

2. It is true that in international litigation there is a distinction between cases where the rights

of a State have been directly breached and ot her cases where a State has suffered injury in the

person of its nationals. Germany certainly does not di spute that distinction, which is deeply rooted

in the jurisprudence of this Court. However, as I showed, like my colleagues, during my last

statement in English, it is impossible to find that there has been any infringement whatsoever of the

sovereign rights of Liechtenstein as a State. Any cl aims to that effect have not even an iota of

plausibility. I will refrain from dwelling on that subject.

25 3. It is also true that no one can be unde r an obligation to bring proceedings before the

domestic courts of a country which has purportedly violated its obligations under the legal rules

relating to aliens. In this respect, we are in total agreement with Professor Hafner.

4. However, the essential point is of a different nature. If in the 1990s Germany had really

infringed the property rights now in issue, it would be logical that the (former) owners ⎯ in reality

the property has for many years been Czech property under Czech law ⎯ should be able to have

recourse to the remedies available in German law. It has already been shown that Germany has one

of the most comprehensive systems for the protection of individuals against any infringement of

their rights by governmental authorities. Even the theory of the “political act” is unknown in - 21 -

Germany. Any court seised of a claim must adjudicate on it in any event ⎯ unless otherwise

provided, of course, by a treaty provision. Any refusal to adjudicate would amount to an unlawful

denial of justice.

5. Now, if we address the question of what act could have caused prejudice to the individuals

concerned, thus entitling them to submit a claim, we encounter the greatest difficulty in identifying

a pertinent attitude on the part of any public body whatsoever. There can be no question of simply

complaining of a legal opinion that is widespread among government or administrative authorities.

An opinion, as long as it is not manifested in concrete acts, does not cause prejudice. It does not

infringe the rights of the individual. There is no need for the individual to defend his rights. As

long as the State which he considers to be his opponent does not act, he will not lose the enjoyment

of his rights.

6. Let us apply that simple reasoning to th e former Liechtenstein property located in the

Czech Republic. It is clear that no formal legislative enactment has taken place. The German

parliamentary bodies have remained totally passive . Moreover, there was no reason for them to

take any initiative whatever. The case of the Liech tenstein property confiscated in Czechoslovakia

has always been a bilateral matter between th e confiscating State and the injured State.

Consequently, it has never fallen w ithin Germany’s international jurisdiction to take any decisions

on this matter. If Germany had intervened in th e difficult relations between Liechtenstein and,

first, Czechoslovakia, later the Czech Republic, it could have been criticized for going beyond its

26 power of action as determined by international law. There is thus no question of a legislative act

which might have provided grounds for a cons titutional challenge. The general rules of

international law are indeed an integral part of German domestic law, and can thus be invoked as

grounds for a constitutional challenge.

7. Secondly, there are the courts. It is true that the courts are institutions which, by their

conduct, may engage the responsibility of the State which created them. Everyone is familiar with

the rules drawn up by the International Law Commiss ion, which reflect international custom. But,

once again, it would be pointless to address the question any further here. The German courts

certainly adjudicated on the Pieter van Laer Painting case, but they have never had any further

case to consider ⎯ for reasons that were not purely a matter of chance. All of the immovable - 22 -

property in respect of which Liechtenstein is seeking financial compensation from Germany lies, in

accordance with the rules of public international la w and with those of international procedural

law, under Czech jurisdiction. No material li nk can be drawn between Germany and those lost

castles and forests. We make that observation objectively, whilst taking very seriously the

suffering of the former owners.

8. Lastly, there remains the German Government. There is no doubt that the government and

all its departments must comply with the decisions of the Constitutional Court. That is the logical

consequence of the principle of res judicata. But what is the result of the Pieter van Laer Painting

case? It is quite simple: it boils down to a finding that German courts have no power to adjudicate

on legal actions whose purpose is to overturn the measures taken by the Czechoslovak Government

after the Second World War against Liechtenstein citi zens. Is there a single act that could, in good

faith, be interpreted as laying claim to any form of jurisdiction whatsoever over the property

concerned? There is not, and in spite of all the efforts by counsel for Liechtenstein, in particular

Professor Hafner, no such acts have come to light. The alleged general stance of German policy, as

so eloquently sketched out by ProfessorCrawford (para.15), simply does not exist. On the

contrary, up to the present time the German Govern ment has publicly expressed its belief that the

confiscation campaign carried out in Czechoslovakia breached the rules of international law then in

force.

9. In other words, wherever one looks, one can find no sign of any act capable of causing
27

injury to the Liechtenstein nationals who we re dispossessed in 1945 and 1946, and therefore

capable of challenge before German courts. Th is is tangible proof that nothing occurred in the

1990s that could have any relevance whatsoever for the present proceedings. The only concrete

reality is the confiscation campaign undertak en by the Czechoslovak Republic. Under

Czechoslovak law initially, and now under Czech la w, the property concerned has changed hands.

In the 1990s, those assets were no longer Liechtens tein property. Liechtenstein is admittedly

entitled to compensation according to the rules of international responsibility. But that is

something very different from the rights of owne rship lost by the Liechtenstein nationals many

years ago ⎯ indeed decades ago. - 23 -

10. Consequently, Germany maintains its pos ition that the victims of the confiscations

should have submitted their claims to Czech c ourts in 1945-1946. On that subject, however,

everything has already been said. We do not intend to go over it again.

Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir donner la parole au professeur Dupuy.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur To muschat. Je donne maintenant la parole à

M. Dupuy.

DMUr.UY:

F. Absence from the proceedings of the successor States to Czechoslovakia

1. Mr.President, Members of the Court, th e Principality of Liechtenstein’s statements

yesterday in respect of the “necessary party” issue will allow me to be quite brief today. I shall

begin with a point which is rather minor. The Principality seemed surprised that Germany more

often than not mentions only one of the successor States to Czechoslovakia and not the other in its

oral argument. The reason for this is simple: virtually all of the expropriated assets formerly

belonging to Liechtenstein nationals are in the Czech Republic’s territory not Slovakia’s.

28 2. That said, my task is made easier by th e fact that my friend Alain Pellet, speaking on

behalf of the Principality, expressed his agre ement with Germany’s position on the content and

interpretation of the “necessary party” rule, based on three judgments devoted to this issue by the

Court since 1954. It is therefore pointless to review the applicable law. Each Party recognizes that,

under the Court’s jurisprudence as it now stands, the Monetary Gold precedent cannot be relied

upon unless the legal interest of the absent thirparty merges with the very subject-matter of the

dispute and the Court, as a result, is prevented from adjudicating the dispute without having first

ruled on the rights and obligations of the third party, which it cannot do without that party’s

consent.

3. In reality, the divergence of views between the Parties focuses on the issue whether or not

those criteria are satisfied in this case. From this standpoint, the Principality’s statements yesterday

have made it possible to see more clearly wh at it is aiming at. They have confirmed ⎯ and I have

to say this ⎯ that, in order to manufacture a dispute, Liech tenstein is forced to resort to a series of

artifices. - 24 -

One of them, indeed a crucial one, involves an attempt to juggle with time. There is, on the

one hand, the background or backdrop era, the era in which the stage was set; that takes us back to

the immediate post-war period, between 1945 and 1955. And then, in order to spin the illusion of

an act of which you would be entitled to take cogni zance, reference is made to a different period,

this one much more recent. It is the second period that is claime d to have seen the birth of the

dispute, which is said to have arisen only in 1995, in connection with the showing of a painting at

an exhibition.

4. Similarly, the Principality seeks to distinguish two Germanys: one pre-1995, alleged to

have concluded an agreement, or at least made pr omises to the Principality, and one after that date,

which, reneging on its past commitments, is said now to align itself with the positions of a third

Power, Czechoslovakia ⎯ which in the meantime has split in two ⎯, in recharacterizing the

expropriated property of the Principality’s nationals as “German property”.

Fin.ally ⎯ here is another piece of magic ⎯ there is said to be no link between

implementation of the post-war decrees issued by Czechoslovakia and the belated changes in

position which Liechtenstein strives to invent in or der to make a better case for attributing them to

the Federal Republic of Germany. Thus, the argum ent goes, the Court can very well judge the acts

which it imputes to Germany without having to consider the decrees promulgated by

29 Czechoslovakia! The third party thus finds itself dismissed. It is not a necessary party at all

because it is not concerned. Accordingly, you can find that you have jurisdiction because the

dispute, a purely bilateral one, exists only between Germany and the Principality.

6. The presentation is skilful. It is just thait is all staged. As my friends JochenFrowein

and ChristianTomuschat have just shown you, neith er time nor action can be toyed with in this

way. In truth, there has been coherence and continuity in Germany’s position ever since it regained

its sovereignty, because it has remained bound, ev en after reunification, by obligations deriving

from the conventions it signed as the price of that sovereignty. I shall concentrate on the last of the

three artifices to which I alluded earlier. The one which would have you believe that there is no

connection between the BenešDecrees and the conduct imputed to the Federal Republic of

Germany. - 25 -

7. To espouse this illusion requires a wilful effort to disregard the reparations régime

imposed on Germany after the war.

Mr. President, you will recall my observation on last Monday of the paradoxical insistence

with which Liechtenstein at one and the same time asserted that this case had nothing to do with the

Beneš Decrees but referred to them so often in its written pleadings. In fact, if it was itself unable

to avoid referring to them, that is because there is a direct historical and legal link between the

Decrees and, to cite its official title, the Convention on the Settlement of Matters Arising out of the

War and the Occupation, in th e amended version signed at Pa ris on 23October1954 and having

entered into force in 1955, which explains mo reover why it is referred to in turn as the 1954

Convention or the 1955 Convention, depending on the date chosen.

8. Germany did not and does not have the power in 1995, 1998 or 2004, any more than it did

in 1954 or 1955, to define, for purposes of the ré gime under that Convention, what was to be

considered “German property” afte r the war and what could not be . Germany does not have that

power. Why? Because it gave it up by treaty.

9. Earlier this morning Professor Frowein read th e text of Article 3, paragraph 1, of the Paris

Convention of 1955 on the Settlement of Matters Arising out of th e War and the Occupation. I

30 therefore shall not repeat it, but I do respectfully invite you to recall its wording. It imposes a

waiver on Germany: Germany undertakes not to raise objections against the measures carried

out...: “with regard to German external assets or other property, seized for the purpose of

reparation or restitution, or as a result of the state of war”.

10. Now, all commentators, whether lawyers or historians, concur: the purpose of this

provision was, if not necessarily to legitimize, at least to place beyond reach or challenge, the

expropriations and the dismantling of industrial facilities already ca rried out by the Allied Powers

3
after the war pursuant to their domestic legislation .

In other words, the purpose of Article3, paragraph1, of the 1955Convention was to

consolidate the expropriation measures which had alr eady been taken against property deemed

German external property by stripping Germany of the right to challenge them.

3
Pierre d’Argent, “Les réparations de guerre en droit international public ⎯ La responsabilité internationale des
Etats à l’épreuve de la guerre”, LGDJ/Bruylant, 2002, pp.161 et seq., particularly, pp.175-177; Andrea Gattini, “Le
riparazioni di guerra nel diritto internazionale”, CEDAM, 2003, pp. 308 et seq. - 26 -

These expropriations included those carried out pursuant to the Beneš Decrees, which could

be interpreted, notably in respect of the iden tification of property falling within the category

“German property”, only by Czechoslovak administrative and judicial organs, pursuant to

Czechoslovak legislation.

11. The continuity thus assured, in the est ablishment of the general reparations régime,

between the BenešDecrees and the Paris Conventi on is made particularly clear by a form of

intermediate link, Law No.63 adopted on 31 August1951 by the Council of the Allied High

Commission clarifying the status of German external assets 4. In particular, this legislation was

recognized by the German Federal Court of Justice, or BGH, in 1956 ⎯ well before 1995 ⎯ as

depriving the Federal Republic courts of any juri sdiction to hear claims relating to these foreign

liquidations; the point was also made that it was for the law of the confiscating State to determine

whether German property or property deemed such was to be considered enemy property 5.

31 12. That is what the Cologne Landgericht held in 1995. It too pointed out that, under the

settlement régime, it was Czechoslovakia, basing itself on the BenešDecrees, and not Germany,

which had the power of characterization in regard to property deemed to be German. It did so

relying upon the Federal Court of Justice precedent which I have just cited; that Court stated, and I

quote the English translation:

“Article 3 paragraph 1 of Chapter Si x Settlement Convention concerns such
measures as are directed against German assets within the meaning of legislation

enacted with respect to its enemies by th e State who carried out the seizure; the
question of whether, in accordance with this legislation, the assets seized are German
or foreign assets is to be answered exclusively by the State who seized the assets.”

You will find the Landgericht judgment and its quotation from the Federal Court of Justice

judgment in Annex 28 of Liechtenstein’s Memorial . 6

4Journal officiel de la haute commission alliée en Allemagne (Official Gazette of the Allied High Commission for
Germany), 5 Sept. 1951, No.64, pp.1107 et seq. Quoted by Pierre d’Argent, “Les réparations du guerre en droit

international public ⎯ La responsabilité internationale dEtats à l’épreuve de la guerre”LGDJ/Bruylant, 2002,
p. 174.
5Bundesgerichtshof (BGH), 13.12.1956, AKU case, 23 ILR 23. See F.A. Mann, Zum “Privatrecht der deutschen

Reparationsleistung”, Tübingen, 1962, pp. 53 et seq.
6Annexes to the Memorial of Liechtenstein, Vol. II, Ann. 28, pp. 6 and 7. - 27 -

13. Thus, if reality is to be respected, the national laws pursuant to which German property

or property deemed to be German external ass ets was confiscated cannot be divorced from their

subsequent consolidation, as effected by the la w adopted by the Allied High Commission and then

the 1952 Convention, as amended in 1954 and having entered into force in 1955, also referred to as

the Überleitungsvertrag.

14. So, Mr. President, Members of the Court, if I have made these few clarifying points, it is

not for the purpose of jumping ahead to the merits . On the contrary, it is so as to enable you,

in limine litis, and precisely in order to avoid succumbing to the Principality’s siren song, to find

that the Beneš Decrees cannot be simply placed “ on ice”, and that you cannot put off until later the

issue of whether you may rule on Liechtenstein ’s claim without concerning yourselves with the

legality of those Decrees, when in fact they are the first link in a normative chain which cannot be

arbitrarily fragmented.

15. If I have reminded you of the legal backgr ound to the question of the characterization of

the assets deemed to be German and those that are not, it is because the skill of the Principality in

its presentation yesterday consisted precisely in seeking to make you believe that the Beneš

Decrees and the position of Germany could be dissociat ed, in both temporal and legal terms. As if

32 the former had no decisive bearing on the latter! As if Germany had suddenly changed its position,

whereas in fact it had been bound hand and foot, si nce the adoption of the 1955 Paris Convention,

by a provision preventing it from challenging the legality of expropriation measures taken to

implement foreign domestic legislation, in this instance that of Czechoslovakia, and taken in

respect of assets over which Germany itself has no power of characterization. Consequently, of

course Germany did not ⎯ as contended yesterday by counsel for the Principality ⎯ “endorse” the

internationally wrongful act committed in 1945 by Czechoslovakia. It said nothing about it,

because it could not do so: and in reality Article 11 of the draft Articles on State Responsibility of

the International Law Commission has no bearing on any of this. - 28 -

16. Similarly, you were told yesterday that “the German courts did not deem it necessary to

7
pronounce on the validity . . . of the Czechoslovak decrees” . This is hardly surprising. If they did

not raise this question of validity, it is not because they did not wish to do so but because they were

unable to do so! And because this legal incap acity was the result of Germany’s international

commitments, which were intended precisely to safeguard the expropriation measures carried out

pursuant to foreign domestic legislation. An important nuance, you will agree!

It would therefore be wrong, to say the least, to see in this inaction on the part of the German

courts a lack of connection between Czechosl ovakia’s domestic legislation (i.e., the Beneš

Decrees) and the position taken by Germany through the medium of its judiciary.

17. Mr. President, Members of the Court, the tr uth is that there is a direct link, a normative

continuity, between the Czechoslovak decrees expropriating the assets which Czechoslovakia

regarded as German in the immediate aftermath of the war and the consistent position taken by the

German courts that they lacked ⎯ and still lack today, even after reunification ⎯ the power to

challenge the international legality of those decrees.

Mr.President, Members of the Court, what I just said I needed to tell you today. Not

tomorrow or in six months or a year, or some fine day when you should come to examine the
33

merits of the case. I had to tell you this today, because it is an essential condition precedent.

This is truly, in every sense of the term, a preliminary question.

The question you are asked by Liechtenstein to answer would require you to re-examine the

régime established by the 1955 Convention, which consolidated the characterizations and decisions

determined under domestic legislation, in this case that of Czechoslovakia. Consequently, you

cannot separate the former from the latter. And unlike the German courts, which are unable to do

so, you would have to address the question of the legality of domestic legislation ordering the

expropriation of what it defines as “German property”. That legislation is Czech; it is not German.

And the Czech Republic, I repeat, is not represented in this chamber. It is absent, and this absence

is a sign not of its disinterest in this case but of its rejection of your jurisdiction.

7
Oral arguments of Professor A. Pellet, CR 2004/25, 16 June 2004, para. 22. - 29 -

I thank you, Mr. President, and ask you to give the floor not to my colleague Mr. Tomuschat,

but to the Agent of the Federal Republic of Germany.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Dupuy. Je donne à présent la parole à

M. Läufer, agent de la République fédérale d’Allemagne.

M. LÄUFER : Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour.

G. Conclusions

L’Allemagne répète une fois encore qu’elle maintient sans réserve toutes les exceptions

préliminaires qu’elle a soulevées. Je vais main tenant présenter les conclusions de l’Allemagne.

L’Allemagne prie respectueusement la Cour de dire et juger :

⎯ qu’elle n’est pas compétente pour connaître des demandes que la Principauté de Liechtenstein

lui a soumises par la requête déposée le 30 mai 2001 à l’encontre de l’Allemagne; et

⎯ que les demandes formulées à l’encontre de l’A llemagne par le Liechtenstein ne sont pas

recevables dans la mesure précisée dans ses exceptions préliminaires.

34 Voilà qui met un terme aux plaidoiries de l’Allemagne en l’affaire relative à Certains biens

(Liechtenstein c.Allemagne) . Je remercie la Cour de l’aimabl e attention et de la patience avec

lesquelles elle a écouté nos plaidoiries.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Lä ufer. La Cour prend acte des conclusions

finales dont vous avez donné lecture au nom de la République fédérale d’Allemagne. Elle se

réunira à nouveau demain matin de 10 heures à 11 h 30 pour entendre le second tour de plaidoiries

de la Principauté de Liechtenstein.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 11 h 30.

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