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090-20030303-ORA-02-01-BI
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CR 2003/16 (traduction)
CR 2003/16 (translation)
lundi 3 mars 2003 à 15 heures
Monday 3 March 2003 at 3 p.m.
- 2 -
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est maintenant ouverte et je donne
d’abord la parole à M. Crawford.
M. CRAWFORD : Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour,
7. Intérêts vitaux sur le plan de la sécurité : les Etats-Unis en tant que
«gendarme du monde»
Introduction
1. J’examinerai au cours de ma brève intervention l’argument des Etats-Unis concernant
l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié, tel qu’il a été exposé par le
professeur Weil et par M. Matheson la semaine dernière. Selon eux, l’alinéa d) du paragraphe 1 a
un domaine d’application autonome, tout à fait distinct du droit international général1
. Même si les
actions militaires des Etats-Unis en cause en l’espèce ne respectaient pas les conditions de nécessité
et de proportionnalité du droit international à l’égard de la légitime défense, et étaient donc illicites
au regard de la Charte, elles pouvaient toujours être nécessaires pour sauvegarder les intérêts
essentiels de sécurité des Etats-Unis en ce qui concerne la protection des navires neutres et du libre
flux du commerce maritime dans le golfe Persique2
. En outre, s’ils concèdent que l’alinéa d) du
paragraphe 1 ne représente pas une norme purement subjective, la Cour devrait donner préséance
aux vues de l’Etat qui prend des mesures et lui accorder une large marge d’appréciation, à l’égard
tant du caractère essentiel des intérêts en cause3
que de la nécessité des mesures prises; telle est leur
argumentation4
.
2. Pour ma part, j’ai exposé les thèses de l’Iran sur l’alinéa d) du paragraphe 1 au cours du
premier tour5
. Cet alinéa prescrit des conditions relativement strictes pour qu’un Etat partie au
traité d’amitié soit exempté de ses obligations. Dans le contexte global de l’article XX, les mesures
prises doivent être objectivement nécessaires pour protéger un intérêt déclaré de l’Etat qui les

1
CR 2003/12, p. 18, par. 17.20 (M. Weil).
2
Ibid., p. 19-27, par. 17.22-17.36.
3
Ibid., p. 29-30, par. 17.44-17.46.
4
Ibid., p. 30-32, par. 17.47-17.51.
5
CR 2003/7, p. 53-56; CR 2003/8, p. 10-24.
- 3 -
prend, et cet intérêt doit pouvoir être raisonnablement qualifié d’essentiel. Ce qui est nécessaire à
cette fin doit être apprécié dans le cadre du critère de nécessité fourni par le droit international
général, qui comprend un élément de proportionnalité et une relation appropriée entre les moyens
et les fins. En particulier, s’agissant du recours à la force dans les relations internationales, un
comportement ne saurait être considéré comme nécessaire aux termes de l’alinéa d) du
paragraphe 1 s’il dépasse à l’évidence les exigences de la nécessité et de la proportionnalité au
regard du droit international en matière de légitime défense. Pour reprendre les termes de
sir Robert Jennings dans l’affaire Nicaragua ¾ à laquelle les Etats-Unis n’ont fait aucune
référence dans leurs plaidoiries du premier tour ¾, l’alinéa d) du paragraphe 1 «ne peut avoir
envisagé une mesure qui ne peut pas, en droit international, se justifier même comme entrant dans
le cadre de la légitime défense»6
. Ainsi que je l’ai montré lors du premier tour, la Cour elle-même
a adopté une démarche semblable à propos du minage des ports nicaraguayens par les Etats-Unis.
Cela étant, puisque la destruction des plates-formes ne pouvait, à l’évidence, se justifier comme
mesure de légitime défense contre une agression armée, elle ne peut se justifier non plus au titre de
l’alinéa d) du paragraphe 1. Mais dût-on appliquer en l’espèce un critère de nécessité plus souple,
la destruction de ces installations civiles par les Etats-Unis était inutile, punitive, totalement
disproportionnée par rapport à toute menace réelle ou imaginaire contre les intérêts des Etats-Unis,
et elle avait plutôt pour but exprès de soutenir l’Iraq dans son effort de guerre. En tant que telle, on
ne saurait la justifier au motif qu’elle était nécessaire pour protéger les intérêts déclarés des
Etats-Unis sur le plan de la sécurité, quelle que soit la manière dont on interprète l’alinéa d) du
paragraphe 1.
3. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, tels sont les arguments des
Parties. Il vous appartient de les départager. Pour ma part, je voudrais simplement ajouter des
précisions sur cinq autres points.

6 C.I.J. Recueil 1986, p. 541 (M. Jennings).
- 4 -
Le droit international et le traité d’amitié
4. Le premier point que j’aimerais ajouter concerne le rapport qui existe entre le traité
d’amitié et le droit international général. Sauf le respect que je leur dois, je trouve l’argumentation
des Etats-Unis sur ce point confuse et contradictoire. Le professeur Weil est allé jusqu’à soutenir
que le traité d’amitié était un «régime se suffisant à lui-même»7 ¾ ce sont les mots magiques qu’il
a employés ¾; en conséquence, plaide-t-il, tout renvoi aux règles ou aux principes du droit
international général comme la légitime défense est automatiquement exclu. Selon lui, vous devez
appliquer le traité et rien que le traité ¾ en fait, pas tout le traité, mais seulement de petites parties
du traité, dont l’alinéa d) du paragraphe 1 est la plus importante. Cela contraste avec les multiples
mentions par d’autres conseils et avocats des Etats-Unis de l’illicéité de la conduite iranienne «dans
le Golfe» ¾ illicéité qui ne peut découler que du droit international général ¾ et en particulier
avec les moult arguments de M. Mathias tirés de ce droit, comme l’exception d’inexécution8
. En
réalité, à entendre M. Mathias et le professeur Weil, il semble que les Etats-Unis vous demandent
d’appliquer, à l’encontre de l’Iran, toutes les circonstances excluant l’illicéité que la CDI a renoncé
à inclure dans le chapitre V de la première partie, mais non, à l’encontre des Etats-Unis, le principe
de la légitime défense qui a été retenu sans conteste comme circonstance excluant l’illicéité depuis
M. Ago.
5. La Cour a peut-être, cependant, décelé un fil conducteur dans les thèses américaines,
malgré leur incohérence formelle. L’Iran n’a pas le droit d’invoquer le droit général international,
mais les Etats-Unis l’ont. L’Iran n’a pas le droit de demander compte aux Etats-Unis en appliquant
les normes de nécessité et de proportionnalité prévues par la Charte à l’égard du recours à la force;
mais les Etats-Unis ont le droit d’appliquer ces règles à l’encontre de l’Iran. C’est, en quelque
sorte, de la responsabilité unilatérale; bref, c’est le droit international pour les autres. Les
Etats-Unis bénéficient de l’exception, le reste du monde doit respecter la règle.

7
CR 2003/12, p. 18, par. 17.20.
8
CR 2003/11, p. 26-35.
- 5 -
6. En réalité, la situation est limpide. Le traité d’amitié n’est pas un régime se suffisant à
lui-même; c’est un traité bilatéral normal régi par le droit international. Le traité a fait l’objet
d’amples discussions, tant ici même, dans l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire, qu’au
tribunal irano-américain des réclamations. Dans l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire,
vous n’avez pas dit que le traité d’amitié était un régime se suffisant à lui-même; vous vous êtes
plutôt attachés aux aspects de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques qui
fournissaient des moyens de faire face aux mauvais usages de l’immunité diplomatique, et vous
avez dit que ces moyens étaient très étendus9
. C’est une question entièrement différente de celle
qui nous occupe. Une chambre du tribunal irano-américain des réclamations, présidée par
M. Virally, dans l’affaire de l’Amoco International Finance, a résumé la situation comme suit :
«En tant que lex specialis régissant les relations entre les deux pays, le traité
[d’amitié] a préséance sur la lex generalis, à savoir le droit international coutumier.
Cela ne signifie pas pour autant que ce dernier soit sans pertinence en l’espèce. Au
contraire, les règles du droit coutumier peuvent être utiles pour combler d’éventuelles
lacunes du traité, pour préciser le sens de termes non définis de son texte ou, de façon
plus générale, pour aider à interpréter et à appliquer ses dispositions.»10
[Traduction
du Greffe.]
7. Je n’ajouterai à cela qu’une seule réserve : le traité ne saurait être lex specialis à l’égard
d’une norme impérative. Une norme impérative est une règle qui s’applique aux relations entre
deux Etats indépendamment des dipositions contraires d’un traité bilatéral11. Le traité d’amitié ne
peut avoir autorisé ou légitimé, entre les Etats-Unis et l’Iran, un comportement contraire à une
norme impérative, comme celle qui interdit le recours à la force dans les relations internationales
sauf dans les cas prévus par la Charte. Mais il n’y a aucune raison de postuler une contradiction
entre le traité d’amitié et la Charte des Nations Unies, et en particulier entre l’alinéa d) du
paragraphe 1 de l’article XX de ce traité et le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte. L’alinéa d)
du paragraphe 1 peut être interprété en concordance avec la Charte et dès lors aucun problème de
contradiction ne se pose.

9 C.I.J. Recueil 1980, p. 40, par. 86.
10 Amoco International Finance Corp. v. Iran, (1987) 15 Iran-US CTR 189, p. 222, par. 112.
11 Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969, art. 53.
- 6 -
8. Je résumerai les rapports entre le traité et le droit international général aux fins de la
présente espèce par les trois énoncés suivants :
1) la seule base sur laquelle peut être fondée une réclamation en l’espèce, dans le cadre de la
compétence de la Cour, est le paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié;
2) lorsqu’elle statue sur une telle réclamation, la Cour applique le droit international, qui est le
droit applicable au traité. Elle applique ce droit aux questions tant d’interprétation que
d’application. Le droit international général est donc pertinent à l’égard des questions relatives
à l’attribution de comportements à un Etat ou à un autre, des circonstances excluant l’illicéité
et des questions de réparation;
3) la présomption est forte ¾ irréfragable, dirions-nous ¾ que les défenses permises par le traité
d’amitié n’autorisent ni ne légitiment les comportements contraires aux normes impératives du
droit international général, comme celle qui interdit le recours à la force contrevenant à la
Charte des Nations Unies. L’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX doit être interprété en
conséquence.
Rapport entre l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX et la légitime défense
9. Ceci m’amène à mon deuxième point complémentaire, qui a trait au rapport entre
l’alinéa d) du paragraphe 1 et la légitime défense. Il est vrai ¾ comme vous l’avez dit dans
l’affaire Nicaragua et comme M. Weil l’a souligné ¾ que le paragraphe 1 d) «déborde
certainement» le recours à la force12; il peut justifier des mesures de nature très différente : c’est
une évidence. Mais notre propos ici concerne exclusivement cet alinéa dans la mesure où il
s’applique à l’emploi de la force militaire contre un autre Etat, et non à l’usage de mesures de
nature économique. Et la question est de savoir quelle est la norme d’application de l’alinéa d)
dans ce cadre particulier, c’est-à-dire l’emploi de la force dans les relations internationales. Pour
peu qu’il ait abordé cette question, M. Weil a tenté de la présenter comme une question de forme,
alors qu’il s’agit en réalité d’une question de fond. En d’autres termes, il s’agit selon lui de l’ordre
dans lequel la Cour devra examiner les arguments des deux Parties concernant l’alinéa d) et la

12 C.I.J. Recueil 1986, p. 117, par. 225; CR 2003/12, p. 22-23, par. 17.27-17.29 (M. Weil).
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légitime défense13; alors que pour l’Iran, la question concerne le contenu que la Cour donnera aux
prescriptions de l’alinéa d), au regard des règles établies relatives à la légitime défense. J’ai déjà
donné les raisons pour lesquelles à notre avis l’ordre le plus approprié est légitime défense d’abord,
alinéa d) ensuite14. Parmi ces raisons, la plus impérieuse est que la justification effectivement
donnée par les Etats-Unis au moment des attaques était la légitime défense, ce qui, démontré,
constituerait une justification complète. Mais pour être franc, il est moins important de traiter les
questions dans un certain ordre que de juger correctement le critère d’appréciation de la nécessité
applicable au titre de l’alinéa d) du paragraphe 1 en ce qui concerne le recours à la force. M. Weil
a à peine effleuré cette question au cours de sa longue plaidoirie ¾ sauf dans le cadre de son
argument relatif à la marge d’appréciation, à laquelle j’arriverai dans un instant.
10. M. Weil a en tout cas souligné que dans l’affaire Nicaragua, la Cour, parce qu’elle s’était
déclarée compétente sur la base de la clause facultative, avait appliqué le droit relatif à la légitime
défense dans ce cadre, avant d’en arriver à la question du traité ACN et à l’alinéa d) du
paragraphe 115. Fort bien, mais comme je l’ai montré la semaine dernière, la Cour a été nettement
influencée, dans son examen de cet alinéa, par son prononcé antérieur sur la question de la légitime
défense : vous aviez dit, en termes non équivoques, que le minage des ports nicaraguayens, et
implicitement, les autres emplois de la force, «ne sauraient en aucun cas être justifiés par la
nécessité de protéger les intérêts vitaux de sécurité des Etats-Unis»16. La Cour n’a envisagé
sérieusement de considérer l’alinéa d) du paragraphe 1 comme moyen de défense possible qu’à
propos de l’embargo commercial, mesure qui, «ayant un caractère économique, s’inscri[vai]t dans
le cadre relationnel envisagé par le traité»17. Même dans ce cas, vous avez rejeté la défense des
Etats-Unis fondée sur l’alinéa d) du paragraphe 1 et cela suppose, comme je l’ai dit, l’application
d’un critère d’appréciation strict.

13 CR 2003/12, p. 24-25, par. 17.31 (M. Weil).
14 CR 2003/7, p. 51, par. 3.
15 CR 2003/12, p. 25-26, par. 17.33-17.35.
16 C.I.J. Recueil 1986, p. 141-142, par. 282.
17 Ibid.
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11. De plus, bien que la Cour ait été en mesure, dans l’affaire Nicaragua , d’examiner la
question de la légitime défense au titre de la clause facultative, ce ne fut pas le cas des juges
dissidents, qui rejetèrent la position de la Cour sur cette clause, tout en se ralliant à elle au sujet du
traité ACN, y compris l’alinéa d) du paragraphe 1. Il est d’autant plus remarquable que les
Etats-Unis n’aient rien eu à répondre aux citations que j’ai faites des opinions des juges Jennings et
Oda il y a deux semaines18. Dans cette affaire, ces juges n’ont pas été révolutionnaires
¾ d’ailleurs, je ne pense pas qu’on puisse dire que l’un ou l’autre l’ait jamais été ¾ et pourtant ils
n’ont eu aucune difficulté à accepter la proposition qui est maintenant plaidée par l’Iran. Que la
Cour applique à l’égard du recours à la force les critères de nécessité qu’elle applique à ce même
concept dans le cadre de la Charte paraît en réalité élémentaire. Autrement, elle se trouverait à
statuer que le recours par les Etats-Unis à une importante force militaire en contravention de la
Charte est justifié au motif que ce recours est «nécessaire».
La «marge d’appréciation» et le recours à la force
12. Au lieu de faire face à la norme d’appréciation stricte implicite dans l’interprétation
retenue par la majorité et expressément adoptée par la minorité à propos de l’emploi de la force
dans l’affaire Nicaragua, le professeur Weil a cherché à l’éluder en invoquant la notion de pouvoir
discrétionnaire ou «marge d’appréciation»19. Si la Cour, dit-il, a quelque rôle à jouer dans
l’application de l’alinéa d) du paragraphe 1, elle doit dans la mesure du possible s’en remettre aux
vues de l’Etat qui prend des mesures, et lui laisser une large marge de manœuvre20. Et c’est mon
troisième point supplémentaire, que j’appellerai, à l’exemple de M. Weil, l’argument relatif à la
«marge d’appréciation».
13. L’objection fondamentale à cet argument, c’est qu’il n’existe dans le texte de l’alinéa d)
du paragraphe 1 aucun fondement à l’idée que l’Etat qui prend des mesures a une large marge
d’appréciation pour aller à l’encontre des termes du traité d’amitié relatifs au fond et en particulier
à la notion de nécessité. L’alinéa d) parle simplement de l’application de mesures «nécessaires à
l’exécution des obligations de l’une ou l’autre des Hautes Parties contractantes relatives au

18 CR 2003/8, p. 13-14, par. 23.
19 CR 2003/12, p. 31, par. 17.48.
20 Ibid., p. 30-32, par. 17.48-17.52.
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maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ou à la protection des
intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur le plan de la sécurité», et aucune partie de ce
libellé ne recèle la moindre justification pour accorder la primauté à l’appréciation subjective de
l’Etat qui prend des mesures en ce qui concerne l’existence d’une obligation ou l’élément de
nécessité21
.
14. Mais l’invocation de la marge d’appréciation présente d’autres problèmes, bien au-delà
du libellé et du contexte de l’article XX du traité d’amitié. M. Weil a évoqué la Cour européenne
de justice22 et les juridictions administratives françaises saisies de faits de l’administration
française23. Mais dans les instances internationales en tout cas ¾ je ne suis pas compétent pour
parler au sujet des juridictions administratives françaises ¾ comme la Cour européenne de justice
ou la Cour européenne des droits de l’homme, l’application de la marge d’appréciation et ses
modalités dépendent du contexte. C’est une chose d’appliquer la marge d’appréciation lorsqu’il
s’agit de dispositions administratives concernant les écoles des minorités linguistiques ou les
retraites, c’en est une autre entièrement de l’appliquer à des violations de règles fondamentales de
l’ordre public, par exemple lorsqu’il s’agit de discrimination raciale et sexuelle ou de torture. Plus
la norme est impérative, moins il y a de place pour la marge d’appréciation.
15. De surcroît, les décisions de la Cour européenne de justice et des juridictions
administratives françaises concernent le domaine du droit interne et de l’administration,
exclusivement ou au moins principalement. Le professeur Weil n’a pas essayé de traiter la
distinction que j’ai établie entre l’application de l’alinéa d) du paragraphe 1 aux mesures de
sécurité intérieure ¾ qui semblent en être l’objet principal, sinon exclusif ¾ et son application aux
relations internationales24. Dans le cadre des relations internationales et du recours à la force par
un Etat contre un autre, il n’y a pas de place pour la doctrine de la marge d’appréciation, telle
qu’elle est appliquée aux affaires intérieures et à l’administration par les juridictions européennes.
Appliquer cette doctrine fait pencher la balance du traité en faveur des Etats forts et en défaveur

21 Voir CR 2003/7, p. 52-55, par. 7-14.
22 CR 2003/12, p. 31, par. 17.49.
23 Ibid.
24 CR 2003/7, p. 55, par. 13-14.
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des Etats qui sont visés par eux, pour une raison quelconque. Cela revient en fait à créer une
présomption de licéité de l’emploi unilatéral de la force dans les relations internationales, qui n’a
aucun fondement en droit international. Bref, c’est aller à contre-courant de la position qui a
toujours été celle de la Cour dans les affaires touchant l’emploi de la force, dès le Détroit de
Corfou et jusqu’à Nicaragua. Cette position comporte un examen strict, et non une marge
d’appréciation.
Sécurité collective et sécurité individuelle
16. J’en viens à mon quatrième point complémentaire, qui a trait à la sécurité collective. Les
Etats-Unis arguent, en fin de compte, qu’ils avaient le droit, en vertu de l’alinéa d) du paragraphe 1
de l’article XX du traité d’amitié, d’agir individuellement dans l’intérêt collectif, afin de faire
respecter le prétendu intérêt collectif des Etats neutres, ou des autres Etats riverains du golfe
Persique. Les conseils des Etats-Unis n’ont cessé de citer des chiffres ¾ comme, par exemple,
soixante-trois morts, deux cents attaques contre des navires qui auraient été imputables à l’Iran
pendant la guerre des pétroliers ¾ mais abstraction faite des questions de responsabilité à l’égard
de ces événements, qui débordent maintenant le champ de l’espèce puisqu’elles ne tombent pas
sous le coup du paragraphe 1 de l’article X, auquel cette espèce est maintenant limitée ¾ aucun de
ceux qui ont été tués n’était ressortissant américain, trois seulement des navires battaient pavillon
américain (dont deux réimmatriculés)25. Ces événements, quels qu’en soient les responsables, sont
extrêmement regrettables. Mais même si l’on accepte l’évaluation que font les Etats-Unis de leurs
propres pertes, celles-ci étaient tout à fait hors de proportion avec les dommages militaires
délibérément infligés à l’Iran par les Etats-Unis. Ces derniers tentent de rendre leur argumentation
plus crédible en répétant des mots comme «navires neutres» et en alignant des noms d’Etats
neutres. Mais ils négligent de mentionner qu’aucun de ces Etats neutres n’a demandé aux
Etats-Unis d’attaquer l’Iran ou de détruire les plates-formes.
17. Le droit international prévoit des moyens de représenter et de faire respecter les intérêts
collectifs, mais si un Etat doit agir au nom d’autres Etats, ce doit être avec leur assentiment. La
Commission du droit international s’en est rendu compte lorsqu’elle a proposé, en 2000, un projet

25 CR 2003/12, p. 37, par. 18.13 (M. Matheson).
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d’article prévoyant ce qu’elle avait, peut-être inopportunément, appelé des contre-mesures
collectives, qui ne comportaient évidemment pas le recours à la force. Le projet d’article, vivement
critiqué par de nombreux gouvernements à la sixième Commission, fut abandonné et remplacé par
une clause de sauvegarde où il est question de «mesures licites» ¾ et qui, elle aussi, exclut
évidemment toute possibilité qu’un Etat ait unilatéralement recours à la force dans un quelconque
intérêt collectif26. Pour résumer, si des mesures doivent être prises dans l’intérêt collectif, elles
doivent être autorisées par les Etats dont les intérêts sont en cause : telle est la règle que vous avez
énoncée en matière de légitime défense dans l’affaire Nicaragua 27
, et on la retrouve dans la
première partie de l’alinéa d) du paragraphe 1 qui concerne les mesures prises en vue de maintenir
ou de rétablir la paix et la sécurité internationales. Si un Etat a unilatéralement recours à la force,
la nécessité et la proportionnalité de son action doivent être déterminées par rapport à sa propre
situation, et non en engageant malgré eux d’autres Etats, sans qu’ils aient du tout exprimé leur
propre volonté, dans une attaque faussement commune ¾ mais en fait unilatérale et partiale. C’est
vrai en vertu de l’alinéa d) du paragraphe 1, comme ce l’est en vertu de la Charte.
Sécurité collective et sécurité individuelle
18. Ce qui m’amène à mon dernier point ¾ l’appréciation de la nécessité et des intérêts
vitaux sur le plan de la sécurité en l’espèce. Sur ce point, vous avez entendu les arguments de
M. Matheson et vous avez entendu ceux de l’Iran : il vous appartient de juger. Pour l’Iran, les
Etats-Unis ont agi d’une manière partiale, incompatible avec les intérêts mêmes qu’ils prétendaient
protéger, mais conforme à leur appui constant à l’Iraq pendant la guerre. La semaine dernière, les
Etats-Unis n’ont pas fait valoir leur appui à l’Iraq comme un intérêt de sécurité, et encore moins un
intérêt vital de sécurité, et conformément à votre arrêt dans l’affaire Nicaragua, cet appui ne saurait
dès lors être considéré comme un intérêt pertinent aux fins de l’alinéa d) du paragraphe 1, même
s’il n’était pas à l’évidence irrecevable à d’autres égards. Pourtant, comme M. Bundy l’a dit, cet
appui semble avoir été le motif essentiel; il explique pourquoi un intérêt apparemment neutre sur le

26 Voir les articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite de la CDI (2002), art. 54 et
commentaire, en particulier les par. 2, 5 et 6, in J. Crawford, The International Law Commission Articles on State
Responsibility (CUP, Cambridge, 2002), p. 302-305. Pour le débat sur le projet d’article antérieur, voir ibid., p. 54-56.
27 C.I.J. Recueil 1986, p. 105, par. 199.
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plan de la sécurité, la sécurité de la navigation, n’a jamais été employé de manière cohérente,
neutre, impartiale. Pendant le premier tour, les Etats-Unis n’ont fait aucune référence au rapport
Freedman. En particulier, ils n’ont pas mentionné la conclusion du professeur Freedman selon
laquelle les Etats-Unis ont rejeté les moyens qui étaient à leur disposition pour protéger le
commerce maritime dans le golfe Persique parce que cela aurait désavantagé l’Iraq dans la guerre
qu’il menait28. C’est pourtant ce que les sources donnent à penser et ce que la date choisie pour la
seconde attaque contre les plates-formes en particulier confirme. Pour toutes ces raisons, les
attaques américaines contre les plates-formes «ne sauraient en aucun cas être justifié[e]s par la
nécessité de protéger les intérêts vitaux de sécurité des Etats-Unis»29
.
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre patiente
attention. Monsieur le président, je vous prie d’appeler à la barre le professeur Pellet, qui parlera
de la prolifération des arguments des Etats-Unis fondés sur la réciprocité et les mains propres et
présentera quelques observations de clôture.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Crawford. J’appelle maintenant à la barre M. Pellet.
Mr. PELLET:
THE ISSUE OF “CLEAN HANDS” AND EXCEPTIO NON ADIMPLETI CONTRACTUS
AND RECAPITULATION OF IRAN’S LEGAL ARGUMENTS
1. Mr. President, Members of the Court, before the Agent of the Islamic Republic of Iran
concludes this second round of our oral argument, I have a twofold task before me. First, I shall
return to the issue of “clean hands”. The second part of my presentation will be devoted to
recapitulating those legal points on which Iran disagrees with the United States.
I. The issue of “clean hands”
2. Mr. President, under one guise or another, the issue of “clean hands” is a recurrent theme
of the American oral pleadings, even though these actual words seldom appear30. Is it perhaps
because we have succeeded in convincing our opponents that, in itself, the notion is not legally

28 Rapport Freedman, réplique, vol. II, par. 38.
29 C.I.J. Recueil 1986, p. 141-142, par. 282.
30See however CR 2003/11, p. 26, para. 14.3, pp. 32-33, paras. 14.24-14.27 and p. 34, para. 14.31.
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“operational”? That it is essentially a principle underlying other legal institutions, except, possibly,
in relation to the admissibility of applications involving diplomatic protection claims, but this is
irrelevant here, since the United States is not arguing that Iran is claiming under this head and, in
any event, the admissibility stage of the Iranian Application is already behind us.
3. That said, while not stated in terms, the notion crops up again and again, under different
guises and appellations, in the United States oral presentation. Right from the outset, in his
introductory speech, Mr. Taft stated:
“The United States submits that, as a matter of law, Iran is not entitled to the
judgment it seeks. We submit, first, that the Court should, pursuant to fundamental
principles of international law reflected in the Court’s own jurisprudence, deny Iran
the relief it seeks because Iran’s own conduct, including its breach of its obligations
under Article X of the 1955 Treaty, itself made necessary the United States conduct
that is the subject of this case.”31
This notion, somewhat akin to that of the lex talionis, clearly lies at heart of the American oral
pleadings on self-defence and essential security interests. My colleagues Michael Bothe and
James Crawford have replied on these issues and I will not return to them for the moment.
4. Moreover, this was also the subject of
¾ Mr. Mathias’s entire speech last Tuesday, when he sought to show that “Iran’s claim should be
rejected because of Iran’s violations of its reciprocal obligations, because the United States
measures were a consequence of its own unlawful acts, and because of Iran’s wrongful conduct
with respect to the subject-matter of the dispute”32;
¾ and also of the second part of Mr. Bettauer’s speech the same day, in which he sought to show,
more specifically, that “the use of the platforms for offensive military activities precludes
recovery under Article X, paragraph 1”33
.

31CR 2003/9, p. 16, para. 1.29.
32CR 2003/11, p. 26; see also p. 10, para. 12.4 (Bettauer).
33Ibid., p. 57.
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5. This latter point raises some very general issues; I will address them a little later when I
summarize Iran’s arguments. For the present, I shall examine the three arguments put forward by
Mr. Mathias and reply to them in turn, while at the same time observing that, generally, he has
simply repeated the arguments in the Rejoinder without really taking the trouble to reply to the
arguments which I put to him last week34, which Iran maintains in their entirety.
1. Reciprocal obligations and exceptio inadimpleti contractus
6. Mr. Mathias’s first argument is that “because of Iran’s own violation of Article X of the
1955 Treaty, Iran cannot prevail on a claim against the United States for an alleged violation of the
reciprocal obligation35. He then launches into very general considerations on the principle of
reciprocity, supported inter alia by the very great authority of Judge Simma and by that ¾ no less
great ¾ of Lord McNair and Sir Gerald Fitzmaurice36, whose relevance I would never dream of
questioning. We all agree, as Judge Simma has written: “It is on treaties . . . that reciprocity
produces its most profound effect.”37 What remains to be determined is what that effect is in law in
our case.
7. Nor will I seek to challenge my opponent when he equates the effect in question with an
exceptio inadimpleti contractus38
. That is a well-established principle, whose place in positive law
is not in doubt. What Mr. Mathias fails, however, to tell us is that the principle has been codified,
as the Court recognized as long ago as 1971 in its Advisory Opinion on Namibia39
, in Article 60 of
the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, paragraph 1 of which provides: “a material
breach of a bilateral treaty by one of the parties entitles the other to invoke the breach as a ground
for terminating the treaty or suspending its operation in whole or in part” (emphasis added). “As a
ground for terminating the treaty or suspending its operation”, Mr. President, but certainly not as a

34CR 2003/8, pp. 24-34.
35CR 2003/11, p. 26, para. 14.4.
36Ibid., pp. 26-27, paras. 14.5-14.6.
37Bruno Simma, “Reciprocity”, in R. Bernhardt ed., Encyclopedia of Public International Law, Max Planck
Institute, North Holland, Amsterdam, Vol. IV, 2000, p. 30.
38CR 2003/11, pp. 27029, para. 14.8-14.10.
3921 June 1971, I.C.J. Reports 1971, pp. 46-47, para. 94; see also the Judgments of 18 August 1972, Appeal
Relating to the Jurisdiction of the ICAO Council, I.C.J. Reports 1972, p. 67 and of 25 September 1997,
Gabèíkovo-Nagymaros Project, I.C.J. Reports 1997, p. 38, para. 46 and p. 62, para. 99.
- 15 -
ground for “teaching the other party a lesson”, giving it a “whipping” ¾ an armed whipping! In
other words, certainly not a ground for recourse to armed force. The two Parties agree, moreover,
that the Treaty should be regarded as having remained in force.
8. Nor are our opponents any better placed on the terrain of State responsibility40, as I will
show when I address the second aspect of Mr. Mathias’s argument: that “Iran may not prevail
because the United States measures it complains of were a consequence of Iran’s own conduct,
which was unlawful under the Treaty and otherwise”41
.
2. Responsibility and countermeasures
9. Like the preceding one, this proposition is fundamentally misconceived, Mr. President.
The problem here is not to determine “who started it”; as one might expect in a dispute over
responsibility, each party has a tendency to say: “it wasn’t me, it was the other fellow”. Since the
start of the morning, all of my colleagues have reminded you where the original responsibility lies.
My purpose is different: solely for the sake of argument, I shall take as my point of departure the
proposition that it was Iran who “started it”. Without conceding that this was in reality the case, I
shall therefore accept in full, for purposes of legal argument, the hypothesis formulated by
Judge Koroma in his separate opinion appended to the 1997 Judgment in the case concerning the
Gabèíkovo-Nagymaros Project, where he states that the Court ought to have started from the
assumption that the “initial violation” was by Hungary and to have taken account of that so as to
draw a “distinction . . . between the consequences of the ‘wrongful conduct’ of each Party”42
.
10. That said, what has to be determined is what are the legal consequences to be drawn by
you, Members of the Court, from such a factual situation ¾ which brings us back, of course, to the
law on State responsibility and, more precisely, to the right to take countermeasures, which, by

40See CR 2003/11, p. 28, para. 14.10 (Mathias).
41Ibid., p. 29, para. 14.14.
42I.C.J. Reports 1997, p. 151; see CR 2003/11, p. 30, paras. 14.16 and 14.18.
- 16 -
definition, as you accepted in your 1997 Judgment, constitute a response to the internationally
wrongful act of another State43. You made it clear, however, that “[i]n order to be justifiable, a
countermeasure must meet certain conditions”44
.
11. Of these conditions, there is one essential, fundamental one which is truly a matter of
international ordre public: a countermeasure cannot affect the prohibition on the use of armed
force in international relations laid down in the United Nations Charter. This is made absolutely
clear by Article 50, paragraph 1 (a), of the International Law Commission Draft Articles on State
Responsibility for internationally wrongful acts:
“1. Counter measures shall not affect:
(a) the obligation to refrain from the threat or use of force as embodied in the Charter
of the United Nations.”45
12. And that rule knows of no exception ¾ except possibly self-defence, to which I will
return in a moment, despite the fact that the United States argues somewhat curiously that it is not
seeking to rely on it. As the Court emphatically stated in its 1986 Judgment in the Military
Activities case, “a use of force of a lesser degree of gravity [than an armed attack] cannot . . .
produce any entitlement to take counter-measures . . . involving the use of force”46. The fact that in
the 1986 case what was at issue was collective self-defence makes no difference: the prohibition
on the use of armed force in international relations is an absolutely general principle of the law of
nations, which applies to all State conduct, whether individual or collective, save in cases of
self-defence or where it is authorized by the Security Council. An internationally wrongful act can
never be justified by a prior act if that wrongful act constitutes a use of force.
13. And that brings us back again, specifically, to the hypothesis in the case of the
Gabèíkovo-Nagymaros Project: Hungary had breached the 1977 Treaty governing the Project, but
Slovakia had been unable to persuade the Court that its reaction, which took the form of the famous

43I.C.J. Reports 1997, p. 55, para. 83; see also Article 22 of the International Law Commission Draft Articles on
State Responsibility for internationally wrongful acts appended to General Assembly resolution 66/83 of
12 December 2001.
44I.C.J. Reports 1997, ibid.; see also Articles 47 to 50 of the International Law Commission Draft Articles, to
which the Court refers (Report of the International Law Commission on the work of its forty-eighth session,
6 May-26 July 1996, Official Records of the General Assembly, Fifty-first Session, Supplement No. 10 (A/51/10), pp. 144
to 145) and Articles 49 to 53 of the aforementioned Draft of 2001.
45See also Article 26 of the International Law Commission Draft of 2001.
46Judgment of 27 June 1986, I.C.J. Reports 1986, p. 127, para. 249.
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“Variant C”, could be regarded as a countermeasure justifying what must also be regarded as a
violation of the Treaty ¾ and I am referring here to a passage in the Judgment47. In consequence,
“the Court . . . concluded that both Parties [had] committed internationally wrongful acts”48 and
incurred responsibility accordingly. As has been pointed out by some distinguished commentators,
rightly cited by the United States49, the Court found that the conduct of both States had been
“independently unlawful”50. In so doing, contrary to what Mr. Mathias claims51, the Court, which,
I would note in passing, was viewing the matter from the standpoint of treaty law rather than of
responsibility, quite properly interpreted the dictum of the Permanent Court of International Justice
in the Factory at Chorzów case as meaning that the internationally wrongful act of one State cannot
be “made good” by that of another State52
.
14. The same would apply here if it were true that it was Iran which had begun the mutual
violations of Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty: since the United States cannot in any
event escape its own responsibility for its own breach, all that the Court would be able to do would
be to make a finding of responsibility on the part of each Party ¾ and that, I repeat, is on the
assumption that Iran had violated the Treaty and had been the first to do so, which is in fact not the
case. I entirely agree with Mr. Mathias that, if we were to accept this hypothesis, then the Court
would have to apply its jurisprudence from the Gabèíkovo case53 ¾ albeit correctly interpreted.

47Judgment of 25 September 1997, I.C.J. Reports 1997, pp. 55-57, paras. 82-88.
48Ibid., p. 81, para. 152.
49CR 2003/11, p. 28, para. 14.10.
50James Crawford and Simon Olleson, “The Exception of Non-Performance: Links between the Law of Treaties
and the Law of State Responsibility”, Australian Yearbook of International Law, 2000, p. 11.
51CR 2003/11, p. 30, paras. 14.16 and 14.18.
52I.C.J. Reports 1997, p. 67, para. 110.
53CR 2003/11, p. 31, para. 14.19.
- 18 -
3. Good faith and doctrine of “clean hands”
15. My opponent’s third argument is his contention that “Iran may not prevail on its claim
because it has acted improperly with respect to the subject-matter of the dispute”54. Presented in
these terms, the argument is somewhat obscure. And I have to say that Mr. Mathias groups
together under this curious “umbrella” a number of disparate elements, which I can address only
briefly here:
16. First point: Iran is alleged to have acted improperly and to have acknowledged that its
conduct, allegedly condemned within the United Nations and in other fora, was contrary to
international law55. “This begs the question,” as they say! First, it is not correct. Next, and above
all, even admitting that it were true, what legal consequences could be drawn from this, other than
those I have just indicated in regard to my opponent’s second argument?
17. Second point: Addressing the doctrine of “clean hands”56, Mr. Mathias states that “[t]he
related obligation to perform treaties in ‘good faith’ is not limited to any single area of international
law”57. True enough; but once again the question is what, within each area of the law, in each
particular case, are the consequences of this very general principle? In regard to responsibility,
United States counsel, citing the International Law Commission, then returns to his favourite
theme, namely that “in a particular case the principle could ‘generate the consequence’ that the
State committing the wrongful act should have its claim denied on that basis”58. In fact, the
International Law Commission said nothing of the sort, or even implied it59, and if there was any
“trace” of the clean hands doctrine in the 2001 Draft, it can be found only in Article 39 on
“Contribution to the Injury”.

54Ibid., p. 31, para. 14.20.
55Ibid., pp. 31-32, paras. 14.20-14.23.
56Ibid., pp. 32-33, paras. 14.24-14.27.
57Ibid., p. 32, para. 14.25.
58Ibid., p. 32, para. 14.26.
59See CR 2003/8, pp. 32-34, paras. 24-29 (Pellet).
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18. Third and final point (which seems moreover to cover Mr. Mathias’s entire argument): it
is claimed that the position of Judge Hudson in the Diversion of Water from the Meuse case
supports in all respects the United States position60. It is doubtless true that Hudson considered (in
equity) that a State’s initial breach of a treaty could have the consequence of preventing it from
invoking that treaty before the Court. But, quite apart from the fact that you, Members of the
Court, are not a “court of equity”:
¾ in the first place, my opponent has omitted to reply to me on an important point: Hudson was
speaking from the standpoint of the interpretation of treaties; yet no one could reasonably
consider that the acts which the United States and Iran attribute to one another are evidence of
their agreement that Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty must be read subject to their
mutual right to hinder, by the use of armed force, the freedom of commerce guaranteed by that
provision61;
¾ secondly, and perhaps most importantly, Judge Hudson insisted on “scrupulous regard for the
limitations which are necessary”62
.
19. Is it necessary to point out, Members of the Court, that the primary, most fundamental,
clearest, of those “limitations which are necessary” is the principle of non-use of armed force?
You could never accept that, on the pretext that one of the Parties has violated (even by force) the
obligation to respect freedom of commerce in their mutual relations, the other Party is entitled to do
likewise: these are the very foundations of contemporary international law, built on the prohibition
of the use of force in international relations, which you would undermine, thus resurrecting the old
right of armed reprisal and at the same time enshrining the right of the strongest to take the “law”
into its own hands, a so-called law which is off-limits to the weak. That cannot be the position of
the principal judicial organ of the United Nations.
20. That, Mr. President, is also one of the fundamental points of the legal argument of the
Islamic Republic of Iran, whose essential elements I will now summarize, before
Mr. Zahedin-Labbaf presents our submissions.

60CR 2003/11, pp. 34-35 (Mathias).
61See CR 2003/8, pp. 35-38, para. 32.
62P.C.I.J., Series A/B, No. 70, p. 77; also cited by Judge Koroma in the opinion previously quoted,
I.C.J. Reports 1997, p. 152.
- 20 -
II. Summary of the main points of Iran’s argument
21. Mr. President, Members of the Court, in his oral statement last Tuesday the United States
Co-Agent founded his argument on the fact that the destroyed platforms were used ¾ or allegedly
used ¾ for offensive military purposes, in order to justify their destruction by American military
might63. That assumption ¾ for it is just that ¾ is erroneous, as Mr. Bundy and Mr. Sellers
demonstrated this morning: the three platforms had ¾ and only had ¾ a commercial purpose,
although, as was only logical and legitimate following the Iraqi attacks, they were provided with a
military defence capability (albeit a rather weak one, as can be seen from the total absence of
response to the American attacks).
22. But let us suppose for a moment that Mr. Bettauer was right and that the platforms were
used for offensive purposes (or were capable of being so used). Would this have given the United
States the right (we are here before a court of justice, Mr. President), the right to destroy them on
its own initiative, without any authorization from the Security Council? The United States has told
us, in defiance of all reason, that the rules, whether the customary rules of State responsibility or
the rules of the Charter, are not applicable64 ¾ and I will come back to this point later. But where,
outside the natural law of self-defence, can they find any justification, in these circumstances, for
their actions as self-proclaimed “law enforcer”?
23. There are only two possibilities
¾ either the platforms were not used for offensive purposes and the United States action, which
patently violated Article X, paragraph 1, of the Treaty, was legally unjustifiable;
¾ or they were so used, even though this has not been established by the United States and was
not in fact the case ¾ in which event the only possibility open to the United States to
legitimize its use of armed force was either self-defence or a decision taken by the Security
Council under Chapter VII of the Charter.
24. Let us look at this more closely.
25. First, the issue of Security Council authorization.

63CR 2003/11, pp. 57-58, paras. 16.17-16.20.
64CR 2003/11, pp. 17-25, paras. 13.12-13.32 (Weil).
- 21 -
26. The United States has told us several times that Iran had been condemned by the Security
Council for the actions in the Gulf which the Americans have imputed to it65. Members of the
Court, that is quite simply incorrect. Despite Iran’s very significant diplomatic isolation at the
time, it was not condemned by any Security Council resolution whatsoever. Not one. No
resolution characterized its conduct as an “armed attack” within the meaning of Article 51. None
at all; despite the long wait ¾ until the 1991 Secretary-General’s report ¾ before its status as
victim of an armed attack was officially recognized. And at this final stage in Iran’s oral
presentation, I feel it is important to cite that passage once again:
“The outstanding event under the violations [of the international law in
question] is the attack of 22 September 1980 against Iran, which cannot be justified
under the Charter of the United Nations, any recognized rules and principles of
international law or any principles of international morality and entails the
responsibility for the conflict.”
The Secretary-General would not have written this if the Security Council had condemned Iran.
Further, in the following paragraph he adds that this “outstanding event” is “Iraq’s aggression
against Iran . . . in violation of the prohibition of the use of force, which is regarded as one of the
rules of jus cogens”.
27. For its part, between 1980 and 1988 the Security Council devoted 12 resolutions to “the
situation between Iran and Iraq” (which, incidentally, is not very many for an organ which has
“principal responsibility for the maintenance of international peace and security”, given that this
was a savage war which caused hundreds of thousands of deaths).
28. Only one of those resolutions refers to “Iranian attacks on commercial ships en route to
and from the ports of Kuwait and Saudi Arabia”: that is resolution 552 (1984) of 1 June 1984. But
that word “Iranian” only appears in paragraph 1 of the preamble ¾ as you can now see on the
screen ¾ which simply sums up the letter of 21 May 1984 from the representatives of the Arab
States around the Gulf.
29. Paragraph 6 of the preamble and paragraph 4 of the operative part, on the other hand, do
not reproduce those allegations: the Security Council states here that it is “deeply concerned” by
those attacks and “condemns” them, but does not attribute responsibility for the attacks to a

65See CR 2003/9, p. 11, para. 13 or p. 13, para. 1.19 (Taft); CR 2003/10, pp. 13-14, paras. 8.5-8.6 (Mattler);
CR 2003/11, p. 31, para. 14.22 (Mathias); CR 2003/13, p. 23, para. 20.19 (Mattler).
- 22 -
particular State. Resolution 552 ¾ so prominent in the United States arguments ¾ dating from
1984 ¾ not from 1987 or 1988 ¾ in any event does NOT condemn alleged Iranian attacks against
shipping in the Gulf [“Iranian attacks in the Gulf”], contrary to the brazen assertions of the United
States, including in the statement of its Agent66. The full text of resolution 552 (together with all
the other relevant resolutions) can be found at tab 4 in the judges’ folders for the French version
and at tab 5 for the English version.
30. There is not a word, in any of those 12 resolutions, on the alleged Iranian attacks that are
claimed to have justified the destruction of the platforms. Nor, a fortiori, was there the slightest
allusion to any armed attack by Iran against anyone, including obviously the United States.
31. One of those resolutions, namely resolution 598 (1987) of 20 July 1987, was however
adopted pursuant to Articles 39 and 40 of the Charter. It refers to a “breach of the peace” and does
not attribute responsibility for it to either of the two belligerents (we now know the truth of the
matter), any more than it authorizes the use of armed force or imposes measures under Articles 41
and 42. Like a number of others67, it “deplores” the use of chemical weapons ¾ which a statement
by the President of the Security Council had attributed as early as 21 March 1986 to Iraqi forces;
but it was necessary to wait until resolution 620 (1988) of 26 August 1988 for the Council at last to
declare itself “deeply dismayed” by their use “against Iranians”, which had “become more intense
and frequent”. Lastly, in the same vein as most of the other relevant resolutions, resolution 598
“Calls upon all other States [other than Iran and Iraq] to exercise the utmost restraint and to refrain
from any act which may lead to further escalation and widening of the conflict . . .” (paragraph 5).
32. You are aware, Members of the Court, of how the United States reacted to those calls:
by destroying first the Reshadat platform; then, on 18 April 1988, those of Salman and Nasr, as
well as half of the Iranian navy. As a result, that navy was unable to participate in the decisive
battle with Iraq, which, by a curious coincidence, had that very day launched its strongest military

66CR 2003/9, p. 13, para. 1.19 (Taft).
67See resolutions 582 (1986) of 24 February 1986 in conjunction with the statement of the President of the
Security Council of 21 March 1986; 612 (1988) of 9 May 1988 and 620 (1988) of 26 August 1988.
- 23 -
offensive since the start of the war . . . It must be said that this is hardly consistent with the call
reiterated by the Security Council to third States (including the United States, of course) not to
intensify the conflict.
33. That said, I would of course acknowledge that the exercise of the “natural right of
self-defence” does not require the prior authorization of the Security Council. But such exercise is
not unconditional and unlimited; and it is certainly not sufficient for a State, even the United
States, to advise the Security Council of the measures that it claims to have taken in exercising that
right in order for such exercise to be justified in legal terms.
34. In the present case, as Professor Bothe has shown, the prerequisites laid down for the
exercise of the right of self-defence, whether by general international law or by the Charter, were
not satisfied: there was no armed attack by Iran; the United States response to attacks on ships ¾
including vessels not having its nationality ¾ could not be justified by any necessity; and it was
absolutely disproportionate in relation to the attacks in question, regardless of their origin.
Furthermore, the position of the Security Council contradicts the argument based on a vague
“general situation of armed aggression”, of which the United States gave an apocalyptic description
but which, curiously, did not result in any deaths on the American side and did not lead any ¾
any ¾ of the other States that were allegedly victims of those attacks to react, or threaten to react
as the United States did, or even indeed to seise the Security Council pursuant to Chapter VII.
35. It is very curious, moreover, that the United States pleads self-defence only
half-heartedly, irresolutely. Professor Prosper Weil devoted the gist of his first oral statement to an
attempt to persuade you, Members of the Court, that you neither should nor could apply “rules of
international law external to the 1955 Treaty, such as the rules of general or customary
international law in respect of the prohibition on the use of force except in self-defence which are
expressed in the United Nations Charter”68. It is true that Mr. Mathias immediately contradicted
that by basing his own presentation on principles external to the Treaty69 ¾ and for good reason, as
the Court has reminded us: “an international instrument has to be interpreted and applied within

68CR 2003/11, p. 17, para. 13.12.
69Ibid., pp. 26-35.
- 24 -
the framework of the entire legal system prevailing at the time of the interpretation”70, and it is only
by reference to the rules of general international law that alleged treaty violations can be
established or justified. It is also true that Professor Matheson did, nonetheless, cautiously contend
that the United States had acted in self-defence71. It nevertheless remains the case that the
Respondent is uneasy on this ground. Understandably so.
36. As Professor Crawford has just observed, the Respondent’s entire strategy has thus been
to plead “the Treaty, nothing but the Treaty” ¾ because the Treaty contains a clause, Article XX,
paragraph 1 (d), allowing for the possibility of applying measures “necessary to protect . . .
essential security interests” of the High Contracting Parties. Please permit me, Mr. President, two
comments on this:
(1) In applying a bilateral treaty, the essential [vitaux] (or “essentiels”, as I prefer) interests of
one party must be balanced against those of the other. Now, on one side (the American side)
we have interests, no doubt worthy of consideration, perhaps essential, but purely commercial,
mercantile; on the other (the Iranian side) the very survival of the country is at stake: Iran is
wholly dependent on its oil exports, and was particularly so during this painful period in its
history, when it was confronted by a savage war of aggression (Iraq’s repeated attacks on the
Kharg Island terminal forced Iran to transfer its entire export infrastructure to the Gulf
entrance, several hundred kilometres to the south72). The destroyed platforms accounted for
no less than 10 per cent of its total export capacity.
(2) As Professor Crawford has explained, Article XX, paragraph 1 (d), cannot be interpreted as a
sort of “black box”, “shielding” the application of the Treaty from the rules of general
international law. First, because, even if they had wished to do so, which was certainly not the
case, the United States and Iran could not frustrate or impair, by means of the 1955 Treaty of
Amity and Economic Relations, the purpose and raison d’être of the Charter, the maintenance
of international peace and security, an essential element of which is the prohibition on the use

70See Advisory Opinion of 21 June 1971, Legal Consequences for States of the Continued Presence of South
Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), I.C.J. Reports 1971,
p. 31, para. 53; see also Fisheries Jurisdiction, I.C.J. Reports 1998, para. 68, Judgment of 4 December 1998.
71CR 2003/11, pp. 46-54.
72See the Reply, Vol. IV, Statement of Mr. Abolghassem Hassani, p. 5, paras. 11-13.
- 25 -
of armed force73. Next and in any event, the Treaty cannot be interpreted as derogating from a
fundamental principle ¾ a peremptory norm of general international law ¾ which is precisely
what the prohibition on the use of force in breach of the Charter is. In all friendship and due
respect, I must allow myself to tell Professor Weil that he is profoundly mistaken: yes, as he
said, “the notion of ‘measures necessary to protect its essential security interests’ is distinct
from the notion of ‘self defence’”74 and we can accept that it is broader ratione materiae;
but ¾ and this is a big but ¾ this concept ceases to have any bearing when the question shifts
from the operative act to the means employed. Here, general international law reasserts its
primacy: the use of force is prohibited. End of story!
37. That is sufficient to show that, in all events, the United States was not entitled to destroy
the oil platforms as it did. On the other hand, it is not sufficient to show that the destruction was
contrary to Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty, that provision being the sole basis of the
Court’s jurisdiction (and Iran in no way denies that). In order for that to be so, the consequence of
this act, which is per se clearly and seriously wrongful, must be an infringement of freedom of
commerce between the territories of the two High Contracting Parties. As I showed this morning,
that is the case.
38. By completely destroying the platforms, the United States severely impaired Iran’s
freedom to export its oil as it pleased (“as it pleased”. As it pleased. That is what “freedom” is) to
the United States; its freedom to carry out initial processing on site; its freedom to transport it to
the Lavan and Sirri terminals; and also its freedom quite simply to produce it ¾ without
production there can be no commerce and, as the Court noted in its 1996 Judgment, following the
Judgment of the Permanent Court of International Justice in the Oscar Chinn case: “[t]he
expression ‘freedom of trade’ [contemplates] not only the purchase and sale of goods”, but “also
industry”75, an industry which here is, beyond all doubt, intrinsically linked with commerce. And
this conclusion is all the more inescapable in that, as you also ruled in your decision on the

73See I.C.J. Reports 1951, p. 21, Advisory Opinion, 28 May 1951, Reservations to the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide; see also Article 41, paragraph 1 (b) (ii), of the 1969 Vienna
Convention on the Law of Treaties.
74CR 2003/12, p. 19.
75I.C.J. Reports 1996 (II), p. 819, para. 48.
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Preliminary Objection, paragraph 1 of Article X of the 1955 Treaty of Amity must be interpreted in
the light of Article I of that Treaty, which provides: “There shall be firm and enduring peace and
sincere friendship between the United States of America and Iran” ¾ a friendship which your
Judgment will perhaps help to re-establish . . .
39. Members of the Court, Iran is not asking you to hold that the United States used armed
force in contravention of the Charter or of the principles of international law. It is only asking you
to find that, by destroying the Reshadat platforms in 1987 and those of Nasr and Salman in 1988, it
violated Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty of Amity and Economic Relations and that the
violation is not justified or excused by any rule of international law. Iran firmly believes that you
will so find and that you will draw from that finding all appropriate legal consequences.
40. That concludes my presentation and the legal argument of the Islamic Republic of Iran,
whose Agent will now read out our final submissions after making a very brief statement, if you
would be so kind, Mr. President, as to give him the floor. For my part, Mr. President, Members of
the Court, I thank you most sincerely for your attention.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Pellet. Je donne maintenant la parole à
S. Exc. M. Zahedin-Labbaf, l’agent de la République islamique d’Iran.
M. ZAHEDIN-LABBAF : Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux.
OBSERVATIONS FINALES ET CONCLUSIONS DE LA
REPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, il me revient de clore les
plaidoiries de la République islamique d’Iran se rapportant à sa demande.
2. Comme vous l’avez entendu au cours de cette procédure orale, la demande de l’Iran
découle d’un fait simple et non contesté : à savoir la destruction délibérée par les Etats-Unis des
plates-formes pétrolières de Reshadat, Salman et Nasr. Les conseils de l’Iran ont démontré qu’il
n’existait, ni en fait ni en droit, de raison valable pouvant justifier cette destruction, qui constitua
une violation du paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié.
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3. L’Iran se trouve néanmoins accusé par les Etats-Unis de chercher à produire ce que
l’agent de ce pays a appelé «un effet pervers». Les Etats-Unis ont également exhorté la Cour à ne
pas «se laisser entraîner sur une voie conduisant à une conclusion aussi scandaleuse»76. Monsieur
le président, serait-ce réellement de la part de la Cour succomber à un «effet pervers» ou aboutir à
«une conclusion scandaleuse» que de conclure que, en détruisant délibérément les plates-formes
pétrolières iraniennes, les Etats-Unis ont violé les obligations que leur impose le paragraphe 1 de
l’article X du traité d’amitié, et qu’ils doivent réparer intégralement le préjudice que pareille
violation a causé à l’Iran ? Au regard tant des faits de l’espèce que du droit, l’Iran ne peut être de
cet avis.
4. Je voudrais, à ce sujet, dire quelques mots du traité d’amitié. L’engagement contenu à
l’article premier du traité d’amitié, selon lequel il y aura paix stable et durable et amitié sincère
entre les deux parties, ne date pas de 1955 seulement. Il s’agit là d’un engagement qui a
constamment marqué les relations entre les deux parties depuis le XIX siècle. S’agissant du traité
d’amitié, des requérants américains se sont prévalus de ses dispositions à maintes reprises,
notamment devant le Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran qui siège ici à La Haye. Les
compagnies pétrolières américaines en particulier ont obtenu des indemnisations pour la perte des
profits qu’elles auraient faits sur la production future de ces mêmes plates-formes qui sont l’objet
de la présente espèce ¾ production qui aurait censément pu intervenir durant les années pendant
lesquelles les plates-formes étaient restées hors d’usage à la suite de leur destruction par les
Etats-Unis. Un effet pervers se produirait véritablement si l’Iran, après avoir versé de telles
indemnisations à des entités américaines, devait se voir refuser une indemnisation pour la
destruction, par les Etats-Unis, de ces mêmes plates-formes.
5. Dans son exposé liminaire, l’agent des Etats-Unis a rappelé à la Cour que les implications
de la présente affaire, tant pour la communauté internationale que pour la Cour elle-même, allaient
bien au-delà des allégations de l’une et l’autre Parties, et a mis en garde la Cour contre le danger de

76 CR 2003/9, p. 10, par 1.3.
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donner un signal erroné aux agresseurs77. L’Iran constate une identité de vues avec les Etats-Unis
sur les principes ainsi énoncés, mais certainement pas quant à la pertinence desdits principes en
l’espèce.
6. Comme l’Iran n’a cessé de le souligner, la Cour doit tenir compte du contexte général de
la guerre Iran-Iraq, et en particulier de l’assistance que les Etats-Unis apportèrent à l’Iraq tout au
long de la guerre. Cette assistance était accordée en dépit de l’engagement pris par les Etats-Unis à
l’article premier du traité d’amitié. Les Etats-Unis concèdent à présent que l’Iran n’est pas
responsable du déclenchement de la guerre ¾ même si M. Taft laisse entendre le contraire,
lorsqu’il fit allusion à la «guerre que menait l’Iran contre l’Iraq»78. Ceci m’amène à la question des
signaux erronés à l’agresseur. Quels genres de signaux les Etats-Unis ont-ils envoyés à l’Iraq à
l’époque ? Ne lui envoyaient-ils pas le signal que l’agression iraquienne ne serait pas condamnée ?
Ne lui envoyaient-ils pas le signal qu’ils fermeraient les yeux sur de nouvelles violations répétées
du droit international par l’Iraq ?
7. Les Etats-Unis ont avancé, pour se défendre, l’argument selon lequel, du fait que
l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié n’exclut pas l’application de mesures
nécessaires à la protection des intérêts vitaux d’une partie sur le plan de la sécurité, de telles
mesures sont par définition licites aux termes du traité, et que point n’est besoin de ce fait de
prendre en considération le droit international général. En d’autres termes, les Etats-Unis semblent
soutenir l’argument suivant lequel, parce qu’un traité les lie à l’Iran, il leur est loisible de prendre
n’importe quelles mesures pour protéger leurs intérêts vitaux sur le plan de la sécurité, que pareilles
mesures soient ou non autorisées par le droit international général. Sur la base d’une telle thèse, on
ne peut que conclure que les Etats qu’un traité d’amitié ne lie pas aux Etats-Unis se trouvent dans
une position plus favorable que ceux ayant un traité d’amitié avec les Etats-Unis. Comment cela
peut-il être vrai ?
8. Quoi qu’il en soit, que sont ces prétendus intérêts vitaux sur le plan de la sécurité
qu’invoquent les Etats-Unis pour essayer de justifier leurs actions ? Les Etats-Unis les définissent
comme étant la liberté de navigation et le libre flux du pétrole du golfe Persique. Mais examinons

77 CR 2003/9, p. 19, par. 1.40-1.41.
78 CR 2003/9, p. 14, par. 1.20.
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de près les faits. Premièrement, il est de notoriété publique que les exportations de pétrole du
golfe Persique avaient à la vérité augmenté en volume et que le prix du pétrole avait chuté au cours
de la guerre Iran-Iraq. Deuxièmement, les Etats-Unis n’avaient pris aucune mesure pour assurer le
libre flux du pétrole iranien en provenance du golfe Persique. Troisièmement, si l’une quelconque
des parties au conflit pouvait être tenue responsable de la perturbation de la liberté de commerce et
de navigation, c’était l’Iraq, et non l’Iran. Les Etats-Unis ne firent rien pour retenir l’Iraq; au
contraire, ils lui apportèrent leur soutien.
9. J’ajouterai que, bien qu’ils parlent d’attaques contre leurs propres navires, les Etats-Unis
n’ont été en mesure de citer qu’un nombre très limité d’exemples de telles attaques, et les exemples
cités sont peu convaincants, comme l’ont montré les conseils de l’Iran. Indubitablement, c’est là la
raison pour laquelle les Etats-Unis ont constamment parlé d’attaques contre «des navires neutres
des Etats-Unis et d’autres pays». Mais, si les autres pays neutres avaient estimé que leur navigation
était perturbée par l’Iran, aucun de ces Etats ne mena pourtant d’action militaire contre l’Iran, et
aucun d’eux ne demanda aux Etats-Unis de prendre de telles mesures en son nom. Il n’y eut que
les Etats-Unis pour recourir à l’emploi de la force contre des éléments essentiels des infrastructures
économiques iraniennes.
10. Au nom du Gouvernement iranien, je voudrais dire, Monsieur le président, que l’Iran n’a
pas besoin que les Etats-Unis lui tiennent un quelconque discours sur les ravages de la guerre, ni
sur ce que c’est qu’un comportement consternant. Plus de trois cent mille Iraniens ont perdu la vie
dans une guerre dont l’Iraq a pris l’initiative, une guerre au cours de laquelle l’Iraq a bénéficié de
l’assistance matérielle du Gouvernement des Etats-Unis. Cent cinquante mille Iraniens continuent
de souffrir des conséquences des attaques aux armes chimiques de l’Iraq, armes chimiques qui
avaient été fabriquées à partir de produits fournis par des sociétés américaines. Plus de trois cents
Iraniens ont été tués, victimes du recours à la force armée par les Etats-Unis. Trois Iraniens ont
perdu la vie sur l’Iran Ajr, cinquante-six sont morts lors des attaques perpétrées par les Etats-Unis
le 18 avril 1988, et deux-cent quatre-vingt-dix personnes sont mortes lorsque les Etats-Unis ont
abattu un Airbus iranien en juillet 1988. Par contraste, il n’y a pas eu la moindre perte en vies
humaines américaines qui ait été ou qui pût être imputée à l’Iran. Dès lors, si les Etats-Unis
entendent évoquer la mort regrettable d’un certain nombre de ressortissants d’autres Etats dont les
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gouvernements n’exprimèrent jamais de grief à l’encontre de l’Iran, ni ne recoururent davantage à
la force contre celui-ci, qu’ils exposent les faits dans leur intégralité, car les faits pris dans leur
intégralité font apparaître de la part des Etats-Unis un comportement qui a été, pour reprendre les
propres termes de ce pays, «à n’importe quel titre, consternant»79
.
11. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, le souvenir que l’Iran garde des
jours sombres de la guerre Iran-Iraq reste amer, et il peut encore dicter des mots durs, comme vous
avez pu en entendre ces derniers jours. Mais l’Iran sait gré à la Cour d’avoir offert aux
deux Parties une enceinte où elles peuvent voir leur différend trouver une solution dans une
atmosphère sereine, toutes deux étant confiantes qu’elles seront traitées sur un pied d’égalité,
compte étant dûment tenu de la primauté du droit. Au nom de la République islamique d’Iran, je
voudrais vous remercier, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, pour l’attention
patiente que vous avez bien voulu me prêter.
12. Je vais maintenant présenter les conclusions de la République islamique d’Iran :
CONCLUSIONS
Le Gouvernement de la République islamique d’Iran prie respectueusement la Cour, rejetant
toutes demandes et conclusions contraires, de dire et juger :
1. qu’en attaquant et en détruisant, le 19 octobre 1987 et le 18 avril 1988, les plates-formes
pétrolières visées dans la requête de l’Iran, les Etats-Unis ont manqué à leurs obligations
vis-à-vis de l’Iran au regard du paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié, et que les
Etats-Unis portent la responsabilité de ces attaques; et
2. que les Etats-Unis sont donc tenus de réparer intégralement le préjudice ainsi causé à l’Iran
pour avoir manqué à leurs obligations juridiques internationales, sous la forme et pour le
montant dont la Cour décidera à un stade ultérieur de l’instance, le droit de l’Iran d’introduire
et de présenter le moment venu à la Cour une évaluation précise des réparations dues par les
Etats-Unis étant réservé; et d’ordonner
3. toute autre réparation que la Cour pourra juger appropriée.
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie infiniment.

79 CR 2003/9, p. 55, par. 6.4.
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Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Zahedin-Labbaf. La Cour prend note des
conclusions finales dont vous venez de donner lecture au nom de la République islamique d’Iran en
ce qui concerne les demandes de l’Iran.
La procédure orale reprendra le mercredi 5 mars 2003; de 10 heures à 13 heures et de
15 heures à 18 heures, la Cour entendra les Etats-Unis d’Amérique en leurs plaidoiries à la fois sur
les demandes de l’Iran et sur leur propre demande reconventionnelle. Je voudrais également
rappeler que l’Iran conclura son second tour de plaidoirie en ce qui concerne la demande
reconventionnelle des Etats-Unis le vendredi 7 mars de 10 heures à 11 h 30.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 16 h 20.
___________

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