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094-20020301-ORA-01-01-BI
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Unco rrected Translation

CR 2002/9(traduction)

CR200219(translation)

Vendredi1"mars2002à 10 heures

Friday1March2002at10a.m. ThePRESIDENT : Pleasebe seated. The sitting isopen. Beforeinvitingthe delegation of

the FederalRepublic ofNigeria to continueits oral pleadings,1 shouldlike to informyou of the C

following. YesterdayaftemoonNigeria communicatedtothe Court, andto the CarneroonianParty,

a copyofthe videowhichit wishedto showatyesterday's sitting.As isthe practice in suchcases,

1consultedthe Agents of thePartieson this point. TheRepublicof Cameroon informed methat it

has no objection to the showing. The Court has decidedthat Nigeria may present thevideo

wheneverit thinks itbest duringitsoral pleadings1nowgivethe floorto ProfessorIanBrownlie ,

on behalfofthe FederalRepublicofNigeria.

M. BROWNLIE:Je vousremercie, Monsieurle président.

BAKASS I PRE L'INDÉPENDANCE

1. Monsieur le président,Madame etMessieurs de la Cour, c'est pour moi un honneur

insigne de représenterla République fédérad lu Nigériadans la présente affaire. II m'échoit

aujourd'huid'examinerles fondementsjuridiques du titredu Nigériasur la presqu'île deBakassi

en m'attachantplusparticulièrementà la périodpostérieureà l'indépendance.

2.Leplan queje me proposede suivrecomprendseptpoints

Premièrement : Lesfondementsdutitre duNigéria.

Deuxièmement : L'absencedepreuvesd'uneprésencepacifiqueduCameroun.

Troisièmement : L'examendecertainesquestions préliminaires.

Quatrièmement: Une description de Bakassi et de la communauté nigériane habitanlta

presqu'île,quireprésenteplusde 150000personnes.

Cinquièmement : La doctrine de la consolidation historique du titre sur laquelle s'appuiele

Nigéria.
#
Sixièmement : Un examendesprincipauxélémentd sepreuve dutitre nigérianet de la relation

deBakassiauterritoire continentalduNigéria.

Et pour fini: Lespreuvesdel'acquiescementcamerounais.

3. Les références à la documentation et aux textes des mêts apparaîtront dans le

compterendu d'audience. 4. Je commenceraimon interventionen examinant la situationjuridique au moment de

1'indépendance.

5. Comme l'a soulignémon confrère,sir ArthurWatts, le titre du Nigériasur Bakassi

appartenait à l'origine aux rois et chefs du Vieux-Calabar. Le traité anglo-allemand

du 11mars 1913 a laisséintact le titre origineldu Vieux-Calabarqui a fini par absorbédans

l'entitéenvoiede créationdu Nigéria.A l'époque de l'indépendanceen 1960,letiîreoriginel sur

Bakassi appartenaitau Nigéria enaqualitédesuccesseurduVieux-Calabar.

6. Les arguments avancéspar Mme l'Attorney-Generalde 1'Etatde Cross River et par

M. Watts démontrentde façon convaincante etavec force le titre originel du Nigériasur la

presqu'îledeBakassi,lequeltitreoriginela subsisau momentde l'indépendance.

7. A l'appui de cette argumentation,qui repose sur le titre originel, on relève trois

fondements de la revendication nigérianedu titre sur la presqu'île de Bakassi, distincts mais

intimementliés.

i) L'occupationde longue datede ce territoirepar leNigériaet de ressortissantsnigérians

constitue une consolidationhistorieutitre etonfme letitreorigineldesroiset chefs

duVieux-CalabardévoluauNigériaaumomentdel'indépendance en 1960;

ii) la possession paisiblepar le Nigériaen qualitéde souverain, possessionqui n'a suscité

aucuneprotestationde la partduCameroun;et

iii) lesmanifestationsde souverainetédu Nigéria,en mêmetempsque l'acquiescementdu

Cameroun àlasouveraineténigériane sluarpresqu'îlede Bakassi.

8. Ces trois fondements du titre valent tant individuellement que conjointement. En

particulier,le titre fondé surla consolidationhistoriqueainsi que sur l'acquiescementpendantla

périodeécouléd eepuis l'accessioà l'indépendancedu Nigériaconstitueun titre indépendanstur

Bakassi qui sesuffit àlui-même. Parm is élémentdse preuve,deuxphasessont àdistingueraprès

I'accessionàl'indépendance. 9. Phase 1. Depuisson accessioà l'indépendancejusqu'en 1968,leNigériaa lapossession

paisiblede la presqu'île de Bakassi,quicontinued'êadministréeen tant que partieintégradee

la région orientale duNigéria. En 1968, des soldats camerounais se livrenà des actes de

harcèlementprenantpour ciblecertainesvilles nigérianes.Mais leCamerounne dispose d'aucune

administrationsurplaceàcetteépoqueni àaucunautremomentpar la suite.

10. Phase 2. A partir de 1972, le Camerounprend des initiatives visaàtrebaptiserdes

villes et des villages,mesures qui serévèlenitnefficaceset indiquentclairementque le Cameroun

3 0 n'administre pas du tout cette régionA partir de 1972, on relèvedes activitéscamerounaises

isolées,maisà aucun momentle Camerounn'aexercésur larégionun contrôleglobalni exclusif.

11. On peut maintenant résumer commesuit les points importants qui caractérisentla

situation.

i) Jusqu'en 1968au moins, le Nigériaavait la possession paisible de Bakassi et le

Camerounacceptaitcestatuquo.

ii) Le Camerounn'ajamais joui d'une possession paisieelapresqu'île.

iiiLa possessioneffective de Bakassi parle Nigériaaprès sonaccessioà l'indépendance

confirmele titre originelqui subsistaitpuisque le traitéde 1913étaitdépourvud'effetet

n'étaitpasmis en ŒuvredanslarégiondeBakassi.

iv) Indépendamment dela preuvedu titre originel, la possessioneffectivedu Nigérias'est

traduitepar des actes manifestantun exercicecontinuet pacifique de lasouveraisuré

le territoire.

12. Je viens de vous présenterle résuméanalytique des fondements de la revendication

nigérianedu titre. Avant de continuerd'exposerla thèse du Nigéria, ilfaut queje replace les

chosesdans leurcontextepourvous donnerunevued'ensemble.

L'absence de preuvesd'une présence pacifiqueduCameroun

13. Monsieur le président,cette affaire repose sur une sériede paradoxes panni lesquels

figure l'absencedepreuves d'uneprésencecamerounaisedanslapresqu'îlede Bakassi. Ils'agiten

effet d'un paradoxe,puisque le Camerounest le demandeur dans la présente instance quiété

introduiteunilatéralement. 14.Dans ce contexte,il importede constaterque le différendn'a pas surgi quantau fond

avantjanvier 1994.Le contenude larequêteva danscesens,et notammentses paragraphes 9 à 11

et13.

15. Le texte du mémoiredu Cameroun confirmeparfaitement ce point de vue : je vous

renvoie iciauxparagraphes1.19à 1.35.

16. Le comportement du Cameroun a fait l'objet d'un examen préliminairedans le

contre-mémoiredu Nigéria,aux pages 280 à 284. Lorsqu'en 1968 le port de pêchenigérian

d'Abanaest attaquépar lesforces de sécurité camerounaiselse, Gouvernementnigérianproteste

aussitôtcontrecette violation dela souveraineté nigériane annexe206). Un nouvelépisode

de harcèlementen 1970 a également donnélieu à des protestations (CMN, annexe207). Ce

comportementdu Cameroun n'a étésuivi d'aucune affirmationde souverainetéen réponseaux

protestationsnigérianes.

17. Après l'indépendance,le Nigéria a administré lparesqu'île deBakassi à titre de

souverain commeune partie intégrantede son territoire. La presqu'île étaithabitéepar des

ressortissantsnigérians etn'avait d'attachessocialeset économiquesqu'avecle seul Nigéria. Le

Camerounvient maintenantprétendre enl'espèceavoir continûmentexercésa souverainetdans la

région. Or,si c'étaitbien le cas, nous noustrouverionsfàctoute une série, touteune suite de

protestationsdevantla présennigériane.

18. Or, l'incidence des protestations confirme que le Cameroun n'a pas contesté

l'administrationde la régionpar le Nigériaaprès l'indépendance avanutn très grand nombre

d'années.Laprésencenigériane étaitpubliqueà touségardset revenaiàexercerl'autoritsur une

population fort nombreuse. Finalement,la premièrenote de protestation camerounaisedate

du 15septembre1969 (CMN, annexe 148). Elle vise la constructiond'uneécoleprimairepar «les

autoritésreligieuses du Nigérià «Abana,en temtoire camerounais»-ce documentse trouve

sous l'onglet 15 du dossier d'audience.Aucune précisionn'est donnée quanà la portéede la

revendicationcamerounaise.

19. Le document pertinentsuivantest une note verbale camerounaisedu 13octobre1980

(RC, annexe 51). Ily est indiqce quisui: «Le ministère des affaires étrangèresde la Républiqueunie du Cameroun
présenteses compliments à l'ambassade dela RépubliquefédéraleduNigériaet a
l'honneur de lui signaler que, dans la nuit du 3 au 4juillet 1990, cinq policiers
nigériansenuniformesontentrés àJabane,territoirequi relèvede la souverainetde
la Républiqueunie duCameroun,etont arrêté un prisonniernigérianquis'étaitévadé

d'un établissemenpténitentiairnigérian,sansavoir la courtoisied'alerterles autorités
camerounaisescompétentes ni même d'obtenird'ellesuneautorisationofficielle.))

Etlanote continue :

«Touten soulignantqu'il ne s'agit là quede l'unedes nombreusesfois où des
membresdes forces de sécurité nigérianesse sont rendusàces ports frontalierssans

avoir la courtoisie de se faire délivrer au préalabene autorisation officielle,le
ministère souhaiteraitobtenirl'avenirla collaboration desautoritésnigériaetvoir
cesser de tels incidents, quirisquentde compromettre lesrelations debon voisinage
existantentrenos paysfières.))

20. Il s'agit, semble-t-il,de la première note camerounaise concernant directement la

question de la souverainetésur Bakassi. «Jabane» est le nom qu'emploie le Cameroun pour

2 2 désignerAbana. La protestation de1980figure en bonne place dans la liste de protestations

reproduite danslarépliqueduCameroun,auxparagraphes5.233 à5.234.

21. Cettevued'ensembleest confirmée par letextedu mémoiredu Cameroun.

22. En premier lieu, jusqu'en 1972 le Gouvemement camerounaisa acquiescé à

l'administrationnigérianeétabliede longuedate dans larégiondeBakassi. Puis, à partirde 1972,

on relève diversesinitiativescamerounaises, en particulier le prote rebaptiserles villeset les

villages, lequel prouve manifestement qu'il n'existait pas au préalable d'administration

camerounaise. Surle terrain,leCamerouna mené certainesactivitéis soléesquin'ont pasabouti à

établirson contrôleeffectifdansla région.

23. En deuxième lieu,leCamerounn'ajamais eula possessionpaisibledela région. Depuis

l'accessionà l'indépendanceen 1960jusqu'en 1972l,eGouvemementcamerounaisne contestepas

la légitimitde laprésencenigérianedansla région. Après1972,malgré un interventionnismede

plusen plus marqué,le Camerounn'a puen adoptant tardivementsa politique expansionniste (qui

était certainement liée aux perspectives d'exploration pétrolière) effacer les effets de t

l'acquiescementantérieur. 24. Entroisièmelieu, cette analyseest confirméedans son ensemblepar les passagesdu

mémoiredu Camerounqui portent sur les ((structuresadministrativeset actesd'administration)),

aux pages490 à 496. Les éléments d'informationfournis ne visent jamais des faits antérieurs

à 1968 et les autres élémentsq,uand leur date est indiquée,se rapportent aux années1976 et

suivantes.

25. Les moments clésde cette chronologie sontconfirméspar le contenude larépliquedu

Cameroun.

26. Une caractéristique frappanee la répliquedu Camerounest qu'elle segardede toute

observation précise sulresélémentdsémontrant l'acquiescemen dtu Cameroun quisontprésentés

aux pages267 à 280 du contre-mémoire:je vous renvoie plus particulièrement au

paragraphe 5.236,page 312de laréplique.Dansuneautresection decelle-ci,aux pages92 à 94, le

Cameroun prétend examinl ers acquiescements((alléguéspar leigérim.Mais il se gardelà aussi

d'aborderdes pointsde fait et de droitbien précis,préféranrtecouriràun raisonnementjuridique

abstraitfaisantbon marchédes élément dse preuveconcrets.

27. De même,dans la partie de la répliqueconsacrée au (rôle des protestations», aux

pages94 à97, le Camerouns'abstient d'examiner les élémed ntspreuve concretsproduitspar le

Nigéria. On trouve en outre dans la répliqueun aveu partiel dela part du Cameroun,lorsqu'il

(dlest vraiquele Gouvernement camerounain s'apas toujoursprotestécontre
les violations de son territoire commisespar les autoritésnigérianesou par des
particuliers avec l'appuide cesautorités.Maison ne sauraitdéduired'une passivité
constatéedans unnombrede caslimitédesconséquencejsuridiques négatives pourle
Cameroun.))

Et ilpoursuit:

((Premièrement, laprésentationdes faits par le Nigérian'est pas exacte. Le
Cameroun,a bien envoyé de nombreusesnotes de protestationau Gouvernement
nigérian (voir infia, par exemple, chap. 5, par.5.233-5.234, et chap.11,
par. 11.94-11.99 et par. 11.216). De plus, le Cameroun a défenduses droits sur
Bakassiet la régionde Darak,non seulementpar des actes diplomatiques auniveau
intergouvernemental,maisaussipar des actes d'autorimanifestantsa souveraineté.))

(Lesitaliquessontdenous.) (RC,p. 94-95,par.2.153 .) 28. Mais il n'y apas grand-chosà tirer de cesprécisions. Sil'on se reporteaux pages311

et312de laréplique,onytrouveune listede «protestationsoEcielles» élevées par leameroun «à

l'occasiond'incidentssurBakassi)).Le Camerounénumère ainsi sept protestationspour lapériode

de 1970 à 1994. Une seule de ces protestations estantérieurà 1980. Elevée en1970, elle se

rapporte à un incident maritime survenuà l'entréedu Rio del Rey, face à Inua Abasi (voir la

répliquedu Cameroun, annexeRC 20). Les circonstancesde ce prétenduincidentsont obscureset

lanote en causene soulèveaucunequestion relativeautitre sur Bakassi.

29. Pris dansleurensemble, lesélémentdsepreuve montrent clairementqu'àaucunmoment

le Camerounn'a exercéde possession paisible, etàaucunmomentil n'a exercéson contrôlesur

l'ensemblede larégion.

30. Les preuvesqui sont donnéesde la possessionet du contrôleexercépar le Camerounne

sontvraimentpasconvaincantes a plusieurs égards.

31. Le premier point concerne la chronologie. En effet le Cameroun n'apporte aucun

renseignement antérieura 1968 et très peu d'éléments aniériews à 1973. Les informations

fourniespar le Camerounont étéanalyséesdanslecontre-mémoire duNigéria,(p. 264-267). Cette

anomalie est confirméeet amplifiéepar le contenu de la répliquedu Cameroun,aux pages307

32. Un autre point très importanà relever est que le Cameroun n'apu produire aucune

preuve d'attaches existantentre lui-mêmeet les populations habitantBakassi. Le Camerounne

prétendpas que l'activitédu Nigéria aitentraînéledéplacementde ressortissantscamerounais.

Aucune revendicationn'a été présentéeau nom deressortissantscamerounaisdemeurantdansla

régionde Bakassi :je me reporteaux conclusionsformuléespar la Républiquedu Cameroundans

sonmémoireet ànouveaudanssa réplique.

33. Dansles passagesdu mémoireoù l'on aurait pu s'attendreà ce qu'il fût fait alluàion
a
des ressortissantscamerounais,il est exclusivementquestion de communautésd'origine nigériane

«résidantau Cameroun» :je vous renvoie ici au mémoire,page 490 (par.4.433) ainsi qu'à la

page 491 (par.4.434). 34.La présencecamerounaisefait généralemend téfaut: c'est ce qui ressortdes éléments de

preuveapportéspar l'une desPartiescommepar l'autre.

35. Le Gouvernementcamerounaisne peut produireaucun élément de preuve dignede foi

concernant l'administration delajustice dans la région de Bakassi.C'est ce qui ressort clairement

d'un examen de son mémoire,aux pages490 à 496 et de sa réplique,aux pages307 à 312. Il

n'allègueaucun fait et n'invoque aucun document prouvant l'existence d'un système dejustice

pénale.

36. Quant à la présencede forcespolicières,le mémoire se borne à quelques affinnations

d'ordregénéra l

«Il ...existe [des services de police, de la gendarmerie et de la douane],
conformémentau régimedu déploiementdes servicespublics, et plus précisément des
services de sécuritésur le territoire camerounais, au chef-lieu du département

(Mudemba) et aux chef-lieux des arrondissements(Bamuso, Idabato, Ekondo Titi,
Mundemba, Kombo Itindi). Au niveaudes districts,comme celui d'Idabato, il existe
seulementuneunitéde gendarmerie.))(MC, p. 493,par. 4.444.)

37. Dans la liste de noms qui est fournie, de mêmeque sur le graphique se trouvant dans

votre dossiersous l'onglet6,et que vousvoyez maintenantprojeté à l'écran,seul AtabongOuest,

appelé ldabato par le Cameroun, désigneun village de Bakassi. Aucune date n'est indiquéedans

ce passageet aucun document n'est cité à l'appui. En outre, naturellement, le Camerounadmet

qu'une seule unitéde gendarmerie existait, mêmesi la date à laquelle elle a existén'est pas

préciste.

38.La répliquedu Cameroun ne faitnulle part référenceà une quelconque activitérelevant

de l'administrationde lajustice ou de l'exerciced'uneautoritépolicièredans la régionde Bakas:i

là encoreje vous renvoieauxpages 307 à 312de la réplique.

39. De même,le Cameroun ne fournit dans ses écrituresaucun élémenp t rouvant de façon

satisfaisante qu'ilaitadministrédans cetterégionunejustice civile. Les paragraphespertinents du

mémoire(4.450-4.451) ne mentionnent aucun document à l'appui des fimations avancées. La

réplique(p. 307-312) n'apporte aucun élémen t cet égard. Il est question dans le mémoired'un

tribunal coutumier siégeantà Bamusso (par. 4.451)' mais cette localiténe se trouve pas dans la

régionde Bakassi. Et il n'est fourni aucun élément prouvantque ce tribunal ait effectivementexercésa compétence à l'égard d'un secteuq ruelconque de Bakassi ou de ses habitants. Le

Cameroun fait également référence dan sa pièceà un tribunalde premièreinstance à Mundemba,

mais, unefois deplus, cette ville,comme nousl'avons déjà vu, n'est pas situéà Bakassi.

40. Les écrituresdu Camerounne contiennentpas lamoindreréférence à l'exercicedesactes

d'adrniniçtrationsuivantsdans lapresqu'île deBakassi :

i) Mise encirculation d'une monnaie.

ii) Exerciced'une autoritépar les chefstraditionnels.

iii) Exercicede lajuridiction militaire.

iv) Participationaux élections législatives.

v) Contrôle de l'immigration.

vi) Exercicede lajuridiction ecclésiastique.

vii) Administrationdes postes.

viii) Délivrancede permis pourles pirogues.

ix)Délivranced'ordonnancesportant nominationd'unexécuteurtestamentaire.

41. D'autres actes d'administration sont évoqués,mais sans qu'aucun document ou autre

forme depreuvene soit foumi à leursujet:

i) Compétencedestribunauxcoutumiers.

ii) Maintiende l'ordre public.

iii) Administration d'une justice civile.

iv) Recensement.

v) Délimitationdes circonscriptionsélectorales.

vi) Educationpublique.

vii) Travaux publics.

viii) Santépublique.

ix) Perceptiondesdroits dedouane.

42. Ainsi, pas moins de dix-huit catégories d'activits tatiquesimportantes sontsoitpassées

sous silence par le Cameroun, soit mentionnéescomme étantexercées,mais sans aucune preuve

satisfaisanteàl'appui. 43. Ce qui est significatif ici,c'est quele Cameroun n'a pas fourni un seul élément

susceptiblede démontrerque larégion était habitépar desressortissants camerounais.La sériede

preuves qu'il prétend apporterau sujet des activités étatiques edtes actes d'administration ne le

démontre pas davantage : ce qu'elle montre surtout, c'est l'inexistence d'une présence

camerounaise.

44. Monsieurle président,les activités camerounaisàsBakassibrillent par leurabsence. Il

n'y a rien, dansla répliquedu Cameroun,qui puissedémentir les preuvesproduitespar leNigéria

dans soncontre-mémoireconcernanlterôlejouéparles chefstraditionnelsdans l'administrationde

larégion deBakassi.

45. Onremarqueenparticulierlafaiblessedesélémentc sensésdémontrer l'existencdeans la

régiond'un système d'éducation publique camerounais,ou d'églisescamerounaises. Ainsi,le

Camerounne présentedans sa réplique aucunepreuve de l'existence d'écoles camerounaisesse,

contentant de renvoyer aux paragraphes4.452 à 4.456 de son mémoire(voir RC, p. 307,

par. 5.218).

46. En fait, le mémoirene comportequ'un paragraphepertinent àcet égard. Il s'agit du

paragraphe4.453,qui est ainsi rédigé

«Des établissementsscolairesconstruitspar 1'Etatcamerounais,tant du niveau
primaire que du niveau secondaire, existent égalementdans la péninsule. On

mentionnera à titre illustratif, pour le niveau primai:ele Catholic School de
Mundemba , le CatholicSchoold'Ekondo-Titi,l'écoleprimaire de Bamuso; pour le
niveau secondaire :le lycéede Mundemba (crééen 1975)' les C.E.S. d71ssangele
(1992) etde Bamuso(1992) dans le domainede l'enseignement génére atl la S.A.R.
de Mundemba pour l'enseignement technique(la S.A.R. créée à Bamuso s'étant
avéréneonviable).)) (MC,par.4.453.)

47. Monsieurle président, vouspouvezconstatersur la carte qui setrouve sous l'onglet17

Aprèsdeuxtours de
de votre dossierqu'en fait, aucune de ces localitésn'est sitàéBakassi.

procédure écritel,e Camerounn'a donc pas été en mesure de démontrer l'existenced'uneseule

écoleadministréepar les autoritéscamerounaisesdans la régionde Bakassi, autre que l'école

primairementionnéedansunrapport du 15octobre1988 (RC,annexeRC 180). Ce néant ausujet

des écolesesttotalementen contradiction avecla prétentionu.Cameroun àla souverainetésur la

région, d'autant que celle-ci est densémentpeuplée et que, dans la sociéténigériane,lascolarisationva de soi. Qui plusest,le Camerounn'apporte dans répliqueaucunélémenv tenant

contredireles preuvesapportéespar le Nigéria concernant l'enseignemen ptublic(CMN, p. 250

à 252). I

48.La situatioà l'égarddesstructuresreligieusesest analogue.Les églisest,out comme les

écoles, font artiedutissu socialdes villesetvillagesde Bakassi;orcelui-ciestfondamentalement

nigérian,qu'il s'agissedu peuplementou des activitésétatiques,et de la mêmefaçon que les

écritures duCameroun n'apportent aucune preuverelative à la présence d'écoles, ellense

démontrentpas davantagel'existence d'églises rattachéausclergé camerounais.Je vous renvoie

à cet égarau mémoire du Cameroun, pages486 à 496, eà saréplique,pages 307à312.

49. Le Nigéria, aucontraire, a prouvé l'existenced'églises dans les principales

agglomérationsde lapresqu'îledeBakassi. Ainsi, letémoignage deschefs de clandémontre sans

contesteque des églises ont été créépeasrdes autoritésrelevantduNigériaoupardes personnes

originairesduNigéria;il confirme l'existenced'églisesexclusivementrattachéesauclergénigérian

dans les villes suivante: Archibong, Akwa (1955), Atabong-Ouest(vers 1940),Atabong-Est

(vers1940),Abana(vers 1950)etIneAkpaIkang(1993). Toutes ceslocalitésfigurentsur la carte

projetéedevantvous,qui se trouveégalementdans vos dossiers sousl'onglet18. De plus amples

détailsàcesujetfigurentdans ladupliqueduNigéria, aux pages 195à 213.

LeCamerounn'ajamais exercé depossessionpaisible

50. Il n'existe aucunélémentprouvant que le Cameroun ait exercé, à un moment

quelconque,une possession paisible.Pourcommencer,iln'existeabsolumentaucunepreuve dela

présencedans larégionde ressortissants camerounaiy exerçantuneactivitélégale.Ensuite,il est

démontré qu'au contraire, lorsquedes Camerounaisse sonttrouvésdans la région,ce fut pour

perturber,par laforce,un paisibleatuquo,unpaisiblestatuquonigérian.

51. Ces intrusionsont commencéen 1968 et se sont multipliéesentre 1970et 1972. Les

villesetvillagestouchéssont ceuxque vous voyezsur lacarte projetédevantvous,qui se trouve

égalemens tousl'onglet 19.Ainsique le Nigerial'arappelédanssaduplique :

«La correspondance échangéeen 1968 entre l'etubom OkonIta, etubom des
habitantsd7Atabong,et les chefs de villages locaux de Bakassi, fournit un aperçu
intéressantsurleur positionau seinde la société.Pendant laguerrecivileduNigéria,

l'etubom adressaaux chefsd'Abana,Ine Odiong IneAtayo,IneA@ak etIneAtabong une lettre datéedu 5 avril 1968(CMN, annexe151) dans laquelleil exprimait sa
préoccupation devanlt'envahissement etl'occupationde leursvillagespar des soldats
et policiers camerounais agissasur les instructions du Gouvernement camerounais
ainsi que devant l'obligation faite aux villageois d'abandonner leur nationalité
nigérianepour devenircamerounais. Il priait les chefs d'assisàela réunionpour

discuterde la situation. Cette lettre fut suivieéchangede lettres en efik(des
traductions sont aussi fournies) dans lesquelles l'etubom prenait dispositions
voulues pour organiserla réunioet demandaitauxvillagesde prendreen chargeune
partie des frais de la visite de l'etubomet de son avocat,nwan, à Lagos pour
porter la situation à l'attention des autorités fédéralescompétentes (Cm,
annexe152). Il ressortde ces lettresque I'etubomet les chefs étaientpréoccsarp

l'arrivéedes soldatset policiers camerounaisainsi que par la menace que ceux-ci
représententpour leurpeuple, leur sociétél,eur culture et leurs allégeances.»
par.3.103.)[Traductiondu GrefJe.]

52.Des agressionsanaloguesportantégalementatteinteaustatuquo,et perpétréec settefois

àAbana,sont signalées dansun aide-mémoire nigériandatédu 19décembre 1968 :

((D'aprèsdes informationsdu ministèrede la défensenigérian,des soldats

camerounais auraient molestdes Nigérians(tantmilitaires quecivils) le long dela
frontièreentre les deux pays. Le 11décembre1968 par exemple, des soldats
camerounais auraient arrêtétrois soldats nigérians Abana, près dYIkang. Les
trois soldats nigériansqui patrouillaient sur la rivière ont étéconduits vers la
Républiquedu Camerounet leurs trois fusils ainsi qu'unhydravionont étésaisis.
D'aprèsnos informations,des villageois nigériansbana auraient étécontraintsde

vendre leur poissonau Cameroun et de payer des impôts à la Républiquedu
Cameroun.

2. Le Gouvernement nigérian serait trèsreconnaissant auouvernementdu
Camerounsi celui-ci, dansl'esprit fraternelqui nous anime habituellement,pouvait
examinerces informations envue deprendredesmesures disciplinairesde manière à
prévenirtout accrochageentre lessoldatsdenos deuxpays le longdelafrontière.Les

soldatsnigériansont reçu pour ordre strict de ne pas riposter. Toute mesure prise
rapidement par le Gouvernement camerounais serait par conséquent accueillie
favorablement.))CM, vol. VIII,annexe 206.)/Traductiondu Grelfe.]

53. En 1970, le Gouvernement nigérian a eu l'occasion de protesterconire les activités

camerounaisesà Abana,village de pêcheétablide longue date entemtoire nigérian(CMN,

annexe207). La note relate1"occupationsoudained7Abanapar la force, lafermeturede l'école et

l'arrestation des enseignants.A l'instarde l'événemrelatéplus haut, cecomportement montre

l'absencedetoute administratïonoudetoutcontrôlecamerounaisavantl'incidentde 1970.

54.A partirde 1973,les témoignages montrenqtuele Gouvernementdu Camerouna décidé

de chercherà altérer lanigérianide la régionde Bakassietà démontrerl'existenced'uncertain

degréde présencecamerounaise dans la région. Comme la Cour le verra, cette présence

camerounaisea été épisodiqueetprécaire. 55. La période1972-1975futmarquéeparl'adoption d'une législatiocamerounaisetendant

àmodifierles toponymesde la presqu'îlede Bakassi. Le déroulemendu processusfût le suiva:t

versla finde l'année1972,un responsable camerounaisfit despropositions envue de rebaptiser

les pêcheriesde la «circonscriptiond'Idabato»(Cm, annexe208). Elles sont semble-t-ilà

l'originedu projetd'arrêpréfectoralen datedu 31décembre 1973 visan t changer lesnomsdes

villagesde pêchenigériansdans la régionde Bakassi(annexeCMN 209). Finalement,un arrêté
29
préfectoral défmitfftpromulgué en 1975(annexeCMN210).

56. L'article1decet arrêtesttrèsinstruct:f

Toutes les pêcheriese l'arrondissementd71dabatdont les nomsfigurentdans
la première colonne del'annexeci-après sont rebaptiséesselon les indicationsde la

deuxièmecolonne.))

57. La formulation de l'arrêtétteste sans équivoquque, jusqu'en 1973 (au moins), les

Camerounaisn'ont jamaisprétenduadministrer la régionde Bakassi. En outre, la volontéde

modifierla toponymie nigérianétabliede longuedate constitueune tentativeflagrante de remise

en cause dustat quojuridique (l'exercicepar leNigeria de sa souverainetet de la spécificité

ethnique(nigérianet efik)deslocalités.

58. Les incursions camerounaises au cours dela période 1972-1973suscitèrentde vives

protestationsde la part des autoritéstraditionnellesdebar(le conseil desetuboms). On lit

notamment dans une pétitionu conseildes etubomsdatéedu6juillet 1973:

«Note de protestation en date du 6juillet 1973 après l'expulsion, par le
Gouvernement du Cameroun, de Nigérians d'origine efik de temtoires relevant

auparavant de la souverainetéde l'obong de Calabar et aujourd'hui decelle de la
Fédératiodnu Nigéria.

Le conseildes etubom deCalabar,s'exprimantaunom de SonAltesse l'obong
de Calabar(maintenant retirdans la solitude, commeleveut la tradition),sollicitela
bienveillance deSon Excellencele gouverneurde 1'Etatdu Sud-Estde la fédération
du Nigéria, par l'intermédiaire l'honorablecomkissaire aux affairesintérieures et
aux affairessociales afinque la présente protestasoittransmiseau chef d'Etatdu

Gouvernementfédéram l ilitairede la fédératnu Nigériaau sujetdu comportement
du Gouvernementdu Camerounqui a unilatéralement expulsd éespersonnesd'origine
efik de la presqu'île de Bakassi et du temtoire adjacentà la rivièreAkpayafé,
territoires relevantautrefoisde la souveraineté deSonAltesse l'obongde Calabar et
faisant maintenantpartiedelafédératioduNigéria. 2. Il a été rapporéesourcesûre(TheNigerianChronicle,lundi 2juillet 1973,
no124) que des pêcheurs nigérianq sui vivaient dans cinq villages le long de la
frontièreentre le Nigeria et le Camerounont étéexpulséset prévenusqu'ils ne
devaient plusjamais revenir sans un visa du Cameroun.)) (CMN, annexe211.)

[Traducton duGrefe.]

59. De même,en 1973, 1'AtabongWeIfareAssociation,de Calabar, adressaà l'honorable

commissaireaux affairesintérieureset aux affaires socialesde'Etatdu Sud-estdu Nigeria, qui

représentaitle gouverneurmilitaire de lYEtat,une pétitiondans laquelleeseeplaignait d'actes

d'intimidation de la part de gendarmes camerounais. Cette pétition, qui figure à

l'annexeCMN212 ducontre-mémoire ainsi que sous l'onglet20 devotre dossier,décrit cesactes

d'intimidationans.lestermes suivant:

«Nous comptons sur l'assistance elta coopérationde SonExcellencepourfaire
cesser les humiliations etles vexations commisespar les gendarmes du Cameroun
contre les Atabong et tout le peuple effiat ainsi que les actes d'oppressionet de

répression perpétrésà l'encontre de nos concitoyens par les forces arméesdu
Camerounpostéesau port de pêche d7Atabong.

Le peupleatabong, à l'instar de toutes les populationsde 1'Etatdu Sud-Est,a
beaucoupsouffertpendantlapériodedela guerre civile, maissessoufhnces actuelles
semblent injustifiées.NoussommesmitésdansunEtat policieret presque contraints
de vivre dans un camp militaire,sans pouvoir jouirde notre libertéde mouvement.

Nos femmes nesont pas traitéescommetelles puisque n'importequel gendarmepeut
s'emparer du boubou d'une femme sur la route en la laissant à moitiénue ou
totalementnuesi le vêtement luilaît. Ils entrent dansla maisond'un homme,violent
sa femme devantles yeux de son mari et battentcelui-ci presqàemort au moindre
signe de protestation. Ces animaux n'ont que faire de la dignitéhumaine et les
responsablesde leurs circonscriptionsne semblentavoir aucunpouvoir sur eux. Ils

ontbattuà mortl'unde nosfilsil y a environunanet, récemment,enjanvier 1973,ils
ontpresque battuà mort unautre de nosfils et l'ontemmenéavec eux auCameroun.
A ccjourn ousne savonstoujourspas cequ'ilest advenude lui.

Ces histoires, qui semblent incroyables,se produisent en fait chaquejour
Atabong dans la presqu'île deBakassi. Il serait possible de prouver ces actes de
brutalitsilesgensd'Atabongavaientlapossibilité de conduire les victimsCalabar

oua Oron. Lesgens qui tentaientde transporterlesvictimes,mêmeen prétextantune
visiteà l'hôpital pour un traitement, ont étéinterceptéset passés à tabac.))
flraduction du Gref/e.,r

60.En 1973,desfonctionnairescamerounais tentèrentpour lapremière foisdepercevoirune

taxe foncièreà Atabong et dans d'autres localités nigérianes.Les habitants refusèrentde s'en

acquitter et se plaignirent par l'intermédiaire deleur chef auprès de l'ambassade nigérien

Yaoundé(CMN, annexeCMN213). Ils affirmaienten particulierquejamais personne,«depuisla

nuit destemps»,ne leuravait demandéde verserun impôtfoncier. 61. D'autres exemples d'actes d'intimidation de la part de la police et de l'armée

camerounaises,en 1974et 1976,sontrapportésauxpages272 à279 ducontre-mémoire.

62. La présence nigériansee manifestede manière analoguedans le domainefiscal. Les

élémentsde preuve apportés àcet égardsont d'une importanceconsidérable, et traduisent les

réalitéssociales et politiques dela région. C'est pourquoi,si vous le permettez, Monsieurle

présidentj,e vais les examinerplusendétail.

63. Revêtune valeur probante certainela perception d'impôtspar 1'Etatnigériande

CrossRiver(circonscriptionfiscalede Caiabar)et par 1'Etatd7AkwaIbom(zone d'administration

locale deMbo)auprèsderésidentsde la presqu'îlede Bakassi. Cet élémend te preuvese présente

sous la forme d'un état nominatifde contribuables ayant acquittéleurs impôts dans la

circonscriptionfiscale d7Akpabuyo, ui fait partiede la divisionfiscalede Calabar,dans 1tutad

Sud-Est. Ontrouvera reproduits aux annexes165et 166du contre-mémoiredu Nigériacet état

nominatif (sous forme manuscriteet dactylographiée)ainsi qu'une sériede quittances fiscales

délivréesà desparticuliers pourl'exercice1967-1968. Cesélémento sntétéfournispar le bureau

du gouverneurde 17EtatdeCrossRiver.

64.Lesvillages deBakassiconcernéssontles suivants(vous nepouvez lesvoirsur l'écran,

mais leurlistefigure sousl'onglet21de votre dossier)

- Archibong,

- MbenMong,

- Nwanyo,

- Atabong,et

65. Leregistre internedes recettes et desdépensesdesservices fiscauxdu Nigériaoriental

prouve que, pour l'exercice969-1970,l'impôtsur le revenua été perçudans le villaged7Abana

sur la presqu'îlede Bakas(Cm, annexe 169,et DN, annexe59).

66.Leregistre dela populationimposabledu clan effiatMbo, dansla zone d'administration

locale d'Oron (Etat d'Ma Ibom), établipour l'année1987,englobe les villages d'Ine Ekpo,

Abana,IneAtayo,IneAkpaket IneOdiong,toussitués àBakassi(DN,annexe 60). 67.Il ne fait aucun douteque les tribunaux reconnaissentla perceptiond'impôtscommeune

preuve de souveraineté. En l'affairedes Minquierset des Ecréhous,la Cour a reconnu que la

preuve de la perception d'impôts locaux et autres constituait une preuve du titre

(C.I.J.Recueil1953,p. 65 et 69). Elle a égalementconsidérce iype de preuvecomme recevable

dans son avis consultatif relatif auhara occidental (C.I.J.Recueil1975, p. 45à 57, par.99

à 103)'et le tribunal arbitral dans l'affaire du Rann de Kurch en a fait de m(IL& vol.50,

68. Les élémentsde preuvedisponiblesindiquent queles habitants de la régionde Bakassi

avaientpour habituded'acquitterleurs impôt. aux autorités nigériase 17Etatde CrossRiveret

de 17Etat 'AkwaIbom. C'est cequiressort durapportnigérian que je vais citer,étaàll'époque,

qui dit que des fonctionnaires camerounais ont tentéde recouvrer l'impôt auprès d'habitants

d'kchibong et d'Akwa. Ce rapportdu 8 septembre1984,adressé au quartiergénéral defsorcesde

policeà Lagos,dit cequi suit ausujet du pointquinous intére:se

Jetiensàporterà votreattentionpouraction urgentel'incidentquisuit.

2. Le 26 septembre1984 à 15heures,sept personnesdes villagesd'Archibong
et d7Akwadans la collectivitélocale d70dukpanide 1'Etatde Cross River se sont
présentéesà la police d'hg avec un document adressé à chacune d'elles parun
fonctionnaire camerounais posté à Isangele. Vous trouverez en annexe une
photocopie dece document. Ces villagesse trouvent àpeine à huitkilomètres dela
ville d'Ikang. Leurs noms,«Archibong»et «Akwa»,indiquentqu'ils'agit devillages

nigérians. J'estime que ces villages font partie du Nigéria.Pour m'en tenir à
l'essentiel,cedocumentestune convocationofficielleadresséepar lefonctionnairedu
Gouvemementcamerounais.

3. Les sept Nigériansqui ont reçu cette convocation sont des citoyens
respectueuxdes lois, ayant leurdomicilehabituel dansces villages. Ils n'ont rien

voir avec l'administration du Gouvernement camerounais. L'hypothèse émise
toutefois est que cette convocation invitant des Nigériansà se rendàeIssangele
concerne le paiement d'impôts. Mais je tiensà faire savoir que ceux-ci,jusqu'ici,
paient leurs impôts aux autorités nigérianes. Les villageois ont exprimé leur
étonnementet leur crainte devant cette convocationet la considèrent commeune

tentative délibérde la partdu Gouvemementcamerounaisd'étendresoninfluenceet
sa dominationsur larégion.

[Celaestécriten 1984.1 4. Bien que je ne dispose pas de renseignementsprécissur l'emplacementdes
fiontièresdans la régionj,'estirneque la présencedes fonctionnairescamerounaisdans
ces villagesporte atteinteotreintégritéterritoriale.))(AnnexeDN61.) (Traduction
du Grefe.]

Cerapport estsignépar lecommissairedepolice de1'Etatde CrossRiver.

69. Malgréles immixtiop
natiquéesainsi jusqu'à un certain point par des fonctionnaires

camerounais,lesautoritésde1'EtatdeCrossRiverontcontinué d'exercer demanièrerégulière leur

autoritéfiscale dansla régionde Bakassi;je me réfèici àl'onglet22 dansvotre dossier. L'Etat

de CrossRiveret la collectivité localed7Akpabuyoont perçu desimpôts entre1989et 1994 :voir

parexemplelesquittances ({Bulletindeversementde l'impôtminimal sur lerevenu))et ((Bulletin

d'imposition générale»concernantAbanaà l'annexe 62 de ladupliqueduNigéria.

70. La collectivitélocaled'Effiat-Mbo imposaitles villages de Bakassiqui étaientde son

ressort,par l'intermédiaideson équipe,comme l'indiqueleregistre d'impositiongénérale établi

en 1990(DN, annexe63).

71. Lesrenseignementsrécents recueillisauprèsde six chefs de clansexerçantleurautorité

sur les villages de Bakassinfient que les habitants desvillages versaientinitialement leurs

impôtsaux collectivitéslocalesdYAkpabuyod, e Mboet d'Okobo. Depuis 1996ils lesversenttous

àlacollectivitélocalede Bakassije meréfèreauxpages 195-213de la dupliquedu Nigériaainsi

qu'àl'onglet22devotre dossieret a lacarte actuellemeàtl'écran.

3 3 72. Le Gouvernementcamerounais reconnaîtquelepouvoirde leverdesimpôtsestl'une des

plusimportantesmanifestationsde la souverainetésur un temtoire (je me réfèreau mémoiredu

Cameroun,page443, paragraphe4.446). Or il ne produitquedeux documents à l'appuide ce qu'il

dit quand il affile avoir exercéce pouvoir dansla régionde Bakassi. Le premier est un rôle

d'impôt forfaitaisur le revenudes personnesphysiquespourl'exercice 1981-1982.Dansle texte

du mémoire(p.494, par.4.448); ce document (MC, annexe 255) est invoquépour justifier

l'affirmationsuivant:

«Le rôle des impôts collectésdans diverses pêcheries,notamment celles
d71dabato1,Idabato IIJabane 1,Jabane IIN,aumsiWan,Kombo a Mpungu,Forisane,

KomboaNgonja, Kombo a Monjo, Kombo aJane, IneAkarika, Kombo aKiase,
KomboAbedimo, Komboa Billa, totalisait pour l'exercice budgétaire 1980-1982,
9 450 000 FCFA.» (MC,annexe255.) 73. Deux pointssont à retenirtout particulièrement.En premierlieu, il n'est fourniaucun

élément de preuve pour la périodeallant de 1960à 1980. Et en deuxièmelieu, sur les villages

mentionnés,le Camerounn'en indiqueque sept commeétantsituésdans la région de Bakassi à,

savoir Idabato1etII, Jabane1et II et KomboAbedimo,NaumsiWan et Forisane. Certaines des

localitésquele Camerounappelleainsi correspondentenfait àAtabongOuest,AtabongEst,Abana

et IneIkoi.

74. Dans sa réplique,le Camerouninvoqueun deuxièmedocument,la liste des percepteurs

d'impôts dela communede Tiko pour l'exercice 1972-1973 (RC, annexe 34). L'ennui,avec ce

document,c'est qu'aucundes villagesindiqués nese trouve dansla régionde Bakassi,commele

montrelacartequiest actuellementa l'écranet quifiguresous l'onglet23 dansvotredossier.

75. En conclusion, il n'y a qu'un seul document qui concerne, du moins en partie, la

perception d'impôtsdansdes villagesdeBakassiet ce pour un seuletunique exercice(1981-1982).

Il ne s'agit pas là d'une preuvetémoignant d'uneactivité - et encore moins d'une activité

systématique.De plus, les éléments dpereuvefragmentaireset peudignes de foi présentépsar le

Cameroun contrastentavec leséléments de preuvé etablissantqueleNigéria perçoitl'impôtdepuis

les années soixante.

76.Lespreuvesprésentéeé s tayent l'idée que l'action mparele Camerounpourpercevoir

l'impôt étaitépisodique,suscitait le ressentiment profonddes habitantsde Bakassi et n'étaitrien

d'autre que des actes illicites de harcèlement. Commel'ont indiquéles chefs de clans, les

villageoisn'ont jamaisacquittél'impôtauCamerounsaufsous lamenacede s'yvoir contraintspar

la force.

77. La chronologiedes élémentq sue le Camerouninvoque àl'appuide sa revendicationsur

la presqu'île deBakassiconfirme letableaud'ensemble. Les passagesdestinésà prouver desactes

d'administrationqui figurent dans lemémoiredu Cameroun(p. 490-496)ne portent que sur les

années 1968 et suivantes,et la majoritédesélémentsu'ilfait valoir sontpostériàu1976.

78. C'est ce qui ressort également de la partie correspondante de la réplique

(par. 5.218-5.232).J'analyserapidementlecontenu decette parti: 79. Le paragraphe 5.218: ce paragraphe renvoie aux passages correspondants dans le

mémoireet dit notamment: «Les particularitésgéographiques (climat,relief) et humaines

(présencedenombreuxhabitantsd'origine nigériane n)'ontpasempêché le Cameround'exercersa

souverainetéde manièrecontinueetpacifique dansl'ensemble dela péninsule.))

80.Lepragraphe5.219 : le Camerounaffkme,de façoninfondée,que leNigéna accepte que

leCamerounavait l'intention- depuis1973aumoins - d'agià titresouverainàBakassi.

81.Leparagraphe 5.220 :leCamerounréitère cetteassertion.

82.Leparagraphe 5.221 :ilseborne àreprendrelesélémentsprésentd éasnslemémoire.

83. Le paragraphe 5.222 et les paragraphes 5.240 à 5.248 :dans ces paragraphes,le

Camerounévoque, pour corroborersa thèsede l'acquiescement nigérian u,n différendentrOtu

etEkangquiaurait été tranché e faveurdu Cameroun,en 1962. Cet argumentest,par principe,

difficile suivre. Mais en tout cas, cette preuve n'a aucunevaleur car les deux locaiitésen

question setrouvent en dehors de la régionde Bakassi et trèsau nord: je me réfèreà la carte

actuellementà l'écranquifiguredansvotredossier àl'onglet24.

84. Lesparagraphes5.223 à 5.225 : les points invoquésportent surla périodequi va de

novembre 1968 àjanvier 1969. La piècemaîtresseest un documenten anglaisquiest un rapport

sur la situation économiquedu département du Ndian en date du30novembre 1968

(annexeRC17). Ce documentdit quecette régiona un caractère nigérian de larégionet il y est

affirméque «les personnesqui y habitent sontpresque toutes originairesdu Nigéria,dont elles

parlentleslanguesetutilisentla monnaie».

85.Leparagraphe5.226 :ceparagrapheportesur lerapportd'unfonctionnairecamerounais

endate du28février1969 :voir l'annexe RC18. Letexte decerapportmontre très clairemenq tue

leshabitantsd7Atabonget des villagesvoisins s'étaientusqu'alorsmontrés réfractairlsrsqu'ils

s'agissaitde payer leursimpôts à des percepteurs camerounais parcequ'ils étaientnigérians et
.

qu'ilsne reconnaissaientpascette région commfeaisantpartiedu Cameroun.

86. Le paragraphe5.227 : les éléments invoqués ici concernent l'année 1971

(annexeRC28).

3 5 87. Leparagraphe5.228 : les éléments invoquéisci concernent les années1972 à 1973

(annexeRC34)'maisilsneconcernentaucune localitédeBakassi. 88. Le paragraphe 5.229 : l'élément invoquié ci concerne l'année1976(annexeRC 44).

Encoreunefois, les localitésen questionnesetrouventpasà Bakassi.

89.Leparagraphe 5.230 :ledocument invoqué visedes localitésqu'onnetrouverapas dans

lapresqu'îlede Bakassi(annexeRC 126).

90. Le paragraphe 5.231 : les documents visésconcernent l'année1988 :ils figurentà

l'annexeRC 180 de la répliquedu Cameroun. Ils confirment l'absence de services, compris

l'absence deservices postaux et de télécommunications. L'existence d'uneécoleprimaire est

égalementévoquéedans cette annexe RC 180,mais pas dans le corps de la réplique. C'est la

premièreréférencede la sorte qui figure dans les documents produits par le Cameroun, et ce

documentdate du 15octobre 1988c'est-à-dire peude tempsavant que laCour soitsaisie de ceite

affaire.

91. Le paragrqhe 5.232: les documents dont il est fait mention ici sont datés du

28 septembre1992 et du 30juin 1994(annexeRC 197)'et semblent plutôttenir d'un programme

deréalisationsàeffectuerque d'activitésconcrètes.

92. Pour ce qui est de l'administrationlocale, le Nigéria aanalyséla page264 de son

contre-mémoire les passages pertinents du mémoiredu Cameroun. Il y est indiquéque le

Camerounn'a produit aucune preuved'actes effect* d'administration. On ne trouve guèreplus

dans la réplique du Cameroun (voir p. 307-310). C'estainsi que les documentsinvoquéspar le

Camerouncomme despreuves de l'administration locale qu'il aurait exercée démontreqtu'iln'y

avait rien ou qu'ily avait peu de choses concrètesderrièreles lois censéesétablirune telle

administration.

93. Il est utileà cet égardde rappeler le {cprincipefondamental)) dont faisait état

sirGeraldFitanaurice, selon lequel«il convientd'attribuerune plus grande valeur probante aux

actes etau comportementde 1'~tat'qu'àsesdéclarations)()BritisYearBook,vol.32 (1955-1956),

p. 63-64). Comme Fitzmaurice le relève,dans l'affaire des Minquiers et Ecréhous,la Cour a

insistésur les preuves concrètes«se référant directemenàt la possession [des]groupes» (voir

C.I. JecueiI1953,p.55). Pourunebonnepart, les élémentd se preuve produitspar le Cameroun

en matièred'administrationne sontpas concretsmais théoriques,commele démontrenc tlairement

lesdocumentsque j'ai analysés. 94. L'accentestsouventmis surl'importancede la stabilitfrontières,c'estlà d'ailleurs

unsujet devivespréoccupationspourleGouvernementnigérian. La reconnaissanceparla Courdu

3 6 statu quo politique, socialet économiquedans la régionde Bakassi y maintiendra unclimatde

continuitet destabilité,y comprdanslesEtatslimitrophesduNigéria.

95.J7enai terminéavec l'analysedesfaillesde la revendicationcamerounaisesursi,et

je vais passeraux argumentsqui militenten faveurdu titrenigérian.

96.Maisje doisd'abordm'arrêtesrurcertainesquestionspréliminai:es

Le principede I'utipossidetis

97. Dansson mémoire,le Camerouna cherché à invoquerle principe del'utipossideàis

l'appuide sathèse. C'estmon éminenctollègue,M Abi-Saab,qui va étudier lulevéritablerôle

quejoue 17utipossidetis dans la présente espèce.Commeil le démontrera,le principede I'uti

possidetisn'est d'aucunsecourspourleCameroun.

La déclarationde Marouane portepasatteinteau titre duNigéria

98. La seconde question préliminaireconcerne l'effetde la déclarationde Maroua. Je

considèrequela déclaratiode Marouan'a pasportéatteinteautitre duNigéria.

99. A partir de 1970, les Gouvernementsnigérianet camerounais ont tenu une sériede

rencontres bilatéralsn vue de réglerles problèmesde frontièremaritime demeurant ensuspens.

Lesdocumentssuivantssontissusdecesrencontres :

a) la déclaration dela commissionmixte Nigéria-Cameroun chargéede la délimitationde la

frontière,réunàeLagosdu 15au 23 octobre1970 (EPN, annexe 16).

b) La déclarationde Yaoundéfaite le 4 avril 1971par la commissionmixte Nigéria-Cameroun

chargéede la délimitationde lafrontière, annexe 19).

c) La déclarationde la commissionmixte Nigéria-Cameroun chargéede la délimitationde la

frontièresiégeanàLagosdu 14au21juin 1971 (EPN ,nnexe 21).

4 Le communiqué conjoinp tublià l'issuedela réuniondeschefs d7EtattenàeGarouadu4 au

6 août 1972(EPN, annexe23).

e) Le communiquéconjoint publié à l'issue de la réuniondes chefs d'Etat tenàeKano le

1" septembre1974(EPN, annexe24). 100.Cette sériederencontresest importanteen ce qu'elle démontreclairementla constance

et le caractèreconstructifdes contacts entre les deux gouvernements, tantau niveau des chefs

d'Etatqu'àceluidesexperts.

101. Le Gouvernement camerounais soutient aujourd'huique la déclarationadoptée

le 1"juin 1975par leschefs d'Etat à Maroua(CMN, annexe143)règlede manièredéfinitivela

questiondu titre surBakassi. Or cette déclarationne Iiaitpas juridiquementle Nigériacar, aux

termes de la Constitutionde 1963qui étaitalors en vigueur, le généraG l owon n'avait pas le

pouvoir d'engager son gouvernement sans l'approbation du conseil militaire suprêmequi

constituait le Gouvernementnigérian. Les textes législptitinentsquel'administrationmilitaire

a adoptés en1966 et 1967 n'ont pas abrogéla Constitution de 1963 et plusieurs de leurs

dispositions renvoientla Constitutionde 1963entant queGrundnom (normefondamentale).Je

rappelleicique les documentsconstitutiomelspertinentsontété soumis àla Courlors du dépôtde

laduplique.

102. Toujours est-il que lesdits textes deloi prescrivaientde publier auurnal officiel

(Federal Gazette) tout décretdu conseil militairesuprême.Ce qu'on appellela déclarationde

Maroua n'apas été publiéeau Journal officieletn'estdoncpas entréeen vigueur.

103.Dansces conditions, vu la sériederéunions importantesntrelesdeuxchefsd'Et&etle

refus exprimé antérieuremep ntr legénéral Gowon d reconnaîtrelecaractèreobligatoiredel'acte

qu'il avait signé Yaoundé motip fris de ceque cet acten'avait pas étéapprouvépar le conseil

militaire suprême,le présidentdu Cameroun devait être aucourant en 1975 des limites

constitutio~elles danslecadredesquelleslegénéral Gowoen xerçaitson autorité.

104. Dans ce contexte, la lettre adresséele 23 août 1974 au présidenA t hidjo par le

généralGowon (DN, annexe 12) - neuf mois aprèsla déclarationde Maroua - revêtune très

fortevaleur probante. Le chef d'Etatdu Nigéria commencp ear y indiquer qu'ilécràtM. Ahidjo

«ausujetdesdifficultésqui s'élèvent dtemps à autredansles régions frontalièredsuNigériaetdu

Cameroun».

Au paragraphe3 de sa lettre,le général Gowon porc te qui suià l'attentiondu président

Ahidjo : «Vous vous rappellerez, M. le président,que l'importante question de la
démarcation des frontièreentrenosdeuxpaysa été examinéede manièreapprofondie
lorsdenotre réunion à Garoua. Je crois quela commissionmixte d'expertsconstituée
pour délimiterla frontièreinternationale entre nos deux payavait pour mission de
formuler,sur la base de son étudetechnique dela situation, des recommandations a
soumettre à nos deux gouvernements. Les avis et recommandations de cette

commission,qui a un caractèretechnique,doivent êtresoumis à l'approbationdes
deux gouvernements qui l'ont constituée. Vous vous rappellerezaussi que j'ai
expliqué à Garoua que les propositions présentées pa rs experts sur la base des
documentsqu'ils avaient établisle 4 avril1971ne rencontraientpas l'agrémentdu
Gouvernement nigérian. J'atioujours cru que nous pourrions réexaminer tous les
deuxensemblela situationet parvenir surcette question àune décisionjudicieuse et
acceptable.))

105. Dans cette lettre-la Cour s'en rendra compte sans difficulté- le généraG l owon

attiraitl'attentiondu président Ahisurles points suivants

i) La question de la démarcationde la frontièreentre le Nigéna etle Camerounest une

((questionimportante));

ii) la commission d'experts avaitpour mission de formuler des recommandations à

soumettre àl'attentiondesdeuxgouvernements;

iii) lespropositionsformuléespar les expertssur labasedes documentsqu'ils avaientétablis

le4 avril 1971ne rencontraientpasl'agrémendt uGouvernementnigérian;

iv) lesdeux gouvernementsdevaientréexaminer la situationet parvenir surla questionune

solutionadaptée;et

v) les dispositionsdont ils pourraient convenir étaientrdonnées ensuiteà l'approbation

quedevrait donnerdesoncôtéle«Gouvernementnigérian)).

106.Comptetenude cettesériede réunions et plus particulièrementes termesmêmes de la

lettre du généraGl owon, le présidentAhidjo, lorsqu'il a participéaux discussions de Maroua,

devait êtreconscient des limites constitutionnelles dansle cadre desquelles le général Gowon

agissait. Selon la constitution nigériaen vigueur à l'époquedes faits- en juin 1975 -, les

actesdel'exécutifétaienten généra dlu ressortduconseil militairesuprêmeu étaient soumisàson

approbation. Il appartient normalement aux Etats de suivre l'évolution dela situation i

constitutionnelleet législativechezleursvoisinsquandellea une incidencesur les relations entre

eux. Il n'ya guèrede limitesplusimportantes quecellesquiintéressentle pouvoir deconcluredes

traités. 107. Le président Ahidjoconnaissaitbien le régimeen place au Nigériapuisqu'il avaiteu

toute une sériede contacts auparavant avec le Nigéna. Comme la Cour se rappellera

immédiatementl,'article46 de la convention deViennesur ledroitdes traitésprévoitcequi su:t

((1.Le fait que le consentementd'unEtaà êtreliépar un traitéait éexprimé
en violation d'une dispositionde son droit interne concernant la compétencepour

concluredestraitésne peut êtreinvoquéparcetEtat commeviciantsonconsentement,
à moins que cette violation n'aitétémanifesteet ne concerneune règlede son droit
interned'importance fondamentale.

39 2. Une violationest manifestesi elleest objectivementévidentepour tout Etat
se comportanten lamatière conformémen àtlapratiquehabituelleetdebonne foi.»

Même quand on présume qu'unchefd'Etat est parfaitement compétenp tour engager I'Etat qu'il

dirige,l'article de laconventiondeViennemontreque cetteprésomption peut êtrréfutée.

108.LeCamerounetleNigériasont l'unet l'autrepartiàsla conventionde Viennequi,de

toute façon, est la norme de référence du droit internationalgénéral.Dans ces conditions, le

présidentAhidjoet son gouvernement allaientêtrau courantdela pratiqueayant coursau sein du

gouvernement militairedu Nigéria etil auraitté ((objectivementévidenb)que l'autoritéexercée

parle généraGl owonn'étaitpas illimitée.

109. Le Cameroun donne à entendre, au paragraphe8.43 de sa répliquecomme lors du

premiertour deces plaidoiries,quelerefus duNigériade reconnaîtrequeladéclarationde Maroua

est source d'un engagement internationalest incompatibleavec l'article7 de la convention de

Viennesur ledroitdes traités.Pourmoi,le Camerounse trompesur la portée de cet article.

Le passagepertinent de l'article7 se lit commesu:t

((1.Une personne estconsidérée commereprésentantun Etatpour [un certain
nombredefins qui sontindiquées] :

a) Sielleproduit des pleins pouvoirs appropriés;

2. En vertu de leurs fonctionset sansavoià produirede pleinspouvoirs, sont
considérés commereprésenta nutrEtat:

a) Leschefsd'Etat,leschefsde gouvernement, ...» 110.Cet articleviseuniquementlamanièred'établir la fonctiond'une personne en qualitde

représentantd'un Etat. Il ne résoutpas la question distincte del'étenduedes pouvoirs de cette

personne lorsqu'elle exerce cette fonction de représentation, et c'est là la question visée à

l'article46.

111. L'article7 prévoitque la qualité dereprésentantest normalement établie parla

productionde ((pleinspouvoirs». En dépitde son appellation,la notion de(pleins pouvoirs» vise

un document, lequelne concerneque la questionde la capacitéde représenter1'Etat. C'estce qui

ressort del'alinéac) du paragraphe1de l'article2 qui est libellécomme su:t

«c) l'expression (pleins pouvoirs» s'entend d'undocument émanantde l'autorité
compétented'unEtat et désignantune ou plusieurspersonnes pour représenter

1'Etatpour [certainefins,qui sontindiquées])).
4 0 112.Le paragraphe 2 del'article 7ne dispose pas qu'unchef d'Etatpossède nécessairement

et essentiellement l'éventailplus large possiblede pouvoirs d'engager1'Etatqu'il représentei;l

prévoituniquementque celui-ci(tout commecertainsautreshauts responsablesde l'Etat),n'a pas

besoin, dufait de sa fonction,de produiree documentparticulierétablissantsa capacitéd'agiren

qualité dereprésentant. Cettecapacité,qui est normalement établie par la productiond'un tel

document,est évidenteen raisonde la fonctionexercée.Mais lespouvoirsdétenusen qualitéde

représentantsoulèventunequestion distincte.

113.Jamais,le Gouvernementnigérian, que ce soitau seindu conseil exécutfédérao lu lors

des réunionsdu conseil militaire suprêmeou de l'organe qui lui a succédé, le conseid le

gouvernement des forces armées,ou au sein du conseil de gouvernement provisoireou de

n'importe quel autre organe législatif,n'a reconnuque le Nigériaétait lié par la déclaration

de Maroua. Lorsd'une rencontre entre les deux chefs d'Etat, une réunionqui s'est tenuedu

7 au 9août 1977,le général Obasanja o fait savoir au président Ahidjo que le Nigéria rejetlait

déclarationde Maroua. LegénéraO l basanjoa également.faitsavoirauprésident Ahidjo quee,nsa

qualité dechef d'Etatdu Nigériai,l étaitgarantdes possessionsde ce dernier,qu'ils'agissede ses

terres ou de ses eaux territorialeset qu'il ne pouvait les aliénerni les céderen violation dela

Constitution. Il a fait valoirque la déclaration n'avait paestératifiée par le conseil militaire

suprême et que leNigérialaconsidéraitdès lorscommenulle. Le président Ahidja odemandécequ'il fallait faire dans ces conditions. Le généra Olbasanjo a répondu que, puisque le

présidenAt hidjo n'étaitpas disposé renégocier, ilfallait laisàeleurs successeursle soin de

réglercettequestion,et la questionn'a doncpas éréglée.

114.Ily a lieuégalementde se reporteraux procès-verbauxparaphés desréunions tenues à

Yaoundéles28 et 29août 1991et du 11 au 13août 1993. Dans le procès-verbal de la réunion

de 199 1,onrelèvelepassagesuivant :

«La validitéde la déclarationde Maroua. La Partie nigérianea relevé
l'importancedecettequestion;ellea estiméquelapositionduGouvernementnigérian

sur cette question est connue du Gouvernement camerounais.. . S'agissant en
particulierde la déclarationde Maroua,la Partienigérianea souligné quecelle-cin'a
pasété ratifiéepar leNigériaet queparconséquentelle ne constituepas, pourelle,un
instrumentlégal.»

Le procès-verbal poursuiatins:

«La Partiecamerounaise apris note de cettedéclarationtout en précisant que

pour elle tous les accords sont valables et qu'elle n'a jamaiséténotifiée decette
positionde laPartienigériane.

La Partienigérianea soulignélanécessitépour les deuxpays de s'accorder sur
uncadre réalistde négociations evuede laréunion prévue àAbuja.»

Monsieurle président,sije pouvaisavoir ne serait-ceque cinqminutes de plus,je pourrais

terminerune partie demon exposé.Jevousremercie.

11S.Les paragraphes3 et4 quifigurent à la page5 du procès-verbalde la réuniontenue le

13 août1993 sonttrèsclairs:

«En ce qui a traità la frontièremaritime, la délégatinigérianea réaffié
qu'ellene reconnaissaitpas ladéclarationde Marouade 1975car ce documentn'a pas

etcratifié. La délégatiocamerounaise aréaffuméq ,uant à elle, la validité decette
dtclaraiion,fi-uitde longues négociatst detravauxminutieuxdes experts.

Après des échangesprolongésmais non concluants, au cours desquels les
positions des deux Parties ont été répétéiels,a étéconvenu que la questionserait
soumis el'examendes deux chefs de délégation.)()EPN, annexe 55.) [Traduction
duGrefle.]

Il estmanifestà lalecturede cesprocès-verbaux queleNigérian'ajamais acceptéd'êtreliéparla

déclaratiode Maroua.

116. Il faut apprécierla déclarationde Maroua dansle contexte général des relations

bilatéralesentre le Cameroun et le Nigéria. Au cours de la périodeen cause et depuis son

accessionàl'indépendance, leNigéria considèreakassicommeunterritoirenigérian. les
117. Compte tenu de ces faits et de l'orientation généraledes relations entre

deux gouvernementsaucoursdespériodesencause,le Gouvernementcamerounais, selonle critère

objectif tirédes dispositionsde la convention de Vienne, savait ou aurait dû savoir (s'ialvait agi

avec la prudence normale) que le général Gowonn'avait pas le pouvoir de prendre des

engagementsjuridiquement contraignants sancsonsulterleGouvemementnigérian.

118. Le Gouvemement camerounaisaffirme, en des ternes quelque peu obscurs,que les

chefs d7Etatont conclu un accord ayant force obligatoirelors de YaoundIIle 4 avril 1971. Je

renvoie au mémoireet àla répliquedu Cameroun(voir MC,p. 130-131,par. 2.219-2.225,et RC,

p. 361-362, par. 8.10-8.12, et p. 365-366, par. 8.26-8.28).Le Nigéria n'accepte pas cette

interprétation dela réunion de Yaoundéq ,ui est contreditepar les termes de la lettre du

23août 1974adressée au président Ahidjp oar le général owon(DN, annexe 12). Il ressorttrès

clairementdu libellé dela deuxièmedéclarationde Yaoundé (EPN ,nnexe 19)que cetteréunion

4 2 s'inscrivaitdansle cadre d'unesérieen cours de rencontres portantsurla frontièremaritimeet que

cettequestiona faitl'objetde nouveauxdébatslorsde réunionsultérieures.

119.11est certainement importantde relevque letextede la déclarationne faitaucunement

étatd'une aliénationde territoireterrestre. Cette interprénes tractationsestconfirmépar le

texte du communiqué conjoint publià l'époque (Cm, annexe 145)et aussi par la note interne

nigérianedu 20 mai 1975 sur la réunionsuivante (Cm, annexe 144). Il faut noter aussique

M.Tomuschat,dans sa plaidoirie,a parléde la déclarationdeMarouauniquement dansle contexte

de la délimitation mariti(CR200216,p. 1).

120.Pourapprécierl'importancede la déclarationdeMaroua, ilfaut replacercelle-ci dansle

contextegénérad les relationsexistantentreles deuxEtatsetdunombre impressionnantd'éléments

de preuve démontrant que le Nigéria administre depuis longtemp las presqu'île de Bakassi.

Monsieur le président,il ne ~aurait'~avoir de présomptionen faveur d'un abandonde titre sur ce

territoire. Et plus particulièrement,il ne sauraity avoir de présomptionselon laquellele Nigéria

aurait fortuitementà la suite de la sériede réunionsrelatiàela frontièremaritime,abandonné

unegrandeétendue deterritoiresetrouvanten sapossessionlégitimeet habitéepardesNigérians.

Monsieurleprésident, peut-êty rea-t-il lieude fairelause»ici, si vousen êtd'accord. Le PRESIDENT : Je vous remercie,Monsieurle professeur. La Cour suspend pour une

dizainedeminutes.

L'audienceest suspenduede IIh25 à IIh35.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Jedonne à nouveau la parole au professeur

IanBrownlie au nomdelaRépublique fédéraldeuNigéria.

M. BROWNLIE :

Leplébisciteorganiséparl'OrganisationdesNations Unies en 1961

121. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, le Cameroun, dansson

mémoiret ,entede démontrerque lorsqu'onorganisé leplébisciteauCamerounméridionalonest

partidu principeque la circonscription électee Victoria Sud-Ouestcomprenaitla presqu'île

deBakassi. Je renvoieau mémoire(par.3.237,et carteM16).

4 3 122.Dans le passagepertinent, leCamerounaffirme que le champterritorialdu plébiscite

relatif auCamerounméridionaelnglobaitlapresqu'île deBakassi. Lespreuves,urtanf n'étayent

tout bonnementpascettethèse.

123.Iln'ya aucun documentqui indiquequelapopulationdesvilles etvillagesde Bakassia

participéau plébiscite organipar les NationsUnies pour réglerlefutu statut du Cameroun

méridional.Onpeutnotammentsereporterauxdocumentsofficielssuivants :

i) LerapportduCommissairedesNations Uniesaux plébiscitesdanslespartiesméridionale

et septentrionaledu temtoire sous tutelle du Cameroun placésous administrationdu

Royaume-Uni(docTl1556 endatedu3 avril 1961);

ii) le rapport sur le plébiscite orge 11février1961 au Cameroun méridional(par

M.H. Childs,administrateur duplébiscite).,

124.Dans ces deux rapports,il n'y apas le moindre élémetui indique quele plébiscite

s'estdérouléàBakassi. Au paragraphe99 durapportdu 3 avril 1961,ontrouve une descriptionde

la circonscriptionde plébiscite appelée Viciaud-Ouest. Il y est questiondu clan Bakolleet

d'autres clans,ainsi quedes groupes de villagedeuka,Bot. Birnbiaet Victoria. Commele

montre lacarteM9dumémoiredu Cameroun a,ucunde ces lieuxnesetrouvedans lapresqu'îledeBakassi. La carteM9 n'indiquepas Bambuka,mais il n'y a aucune localitéde ce nom dans la

régionde Bakassi. Les populations demeurant dans toutesces localitésne sontpas des Efiks, à la

différencede celles de Bakassi :voir E.Ardener, dans Ardener, Ardener and Warmington,

Plantationand Villagein the Cameroons,Londres,1960,p.272(et letableaude lapage412).

125. Le rapport du 3 avril 1961 confirme la présencede treize bureaux de scrutin dans

VictoriaSud-Ouest. Il n'y a toutefoisaucunepreuve delaprésencede bureauxde vote à Bakassi.

De plus, des informationsémanantde chefs de clans exerçantleur autoritésur certaines villes et

villagesdeBakassiattestentqueles habitantsn'ontpas participé au plébiscite (voir appendijoint

à la dupliquedu Nigéria,p. 195-213).

126. Dans son mémoire(par.3.230-3.239 et 3.39, le Cameroun accorde une place

importante àla questionduplébiscitee, t ilfaut doncsituercette questiondans lecontextejuridique

qui est le sien. Le plébiscite organisé le2février1961au Cameroun méridional,tout comme

n'importequel autre plébiscite,ne pouvaitpar lui-même modifier le tracédes frontièresen cause,

comme le Cameroun le reconnaîtpar ailleurs.Je renvoie au mémoiredu Cameroun, page 157,

paragraphe3.35. Un tel plébiscite nepeut non plus constituer un empêchemen dtirimantà tout

processusdeconsolidationdutitreou, siuntel processusestamorcé, à sa maturationultérieure.

127.Lorsqu'onsituecommeil se doitla questionduplébiscite parrapport à l'acquisitiondu

titre par voie de consolidation,lanon-participationau plébiscite dela populationde la régionde

Bakassi cadre bien avec le tableaud'ensemble des liens, politiques,ociaux et économiques, qui

rattachaiencene populationauterritoirecontinentalduNigéria.

128. C'est à la lumièrede ces éléments qu'il fau it terpréterla plaidoirie de mon ami,

M. MalcolmShaw, lors du premiertour (voir leCR 2002/1,p. 63-65, par. 12-18). M.Shawa fait

étatde plusieursdocumentsofficiels, dont l'échange de notes d2 u9 mai 1961entre la Fédération

du Nigériaet le Royaume-Uni-échange qui, etout étatde cause, intéresse exclusivementle

Camerounseptentrional. Ces documentsn'aident pasle Cameroun,car ils éludentla question,qui

est de savoirsi Bakassi faitou nonpartieduNigéria.

129.Commeje l'ai déjàindiqué,les rapports clésdes Nations Unies sur le plébiscite ne

fournissentpas la preuve que la population dela régionde Bakassi ait participéau plébiscite.Le

Cameroun a invoqué unecarte du Cameroun méridionalpubliée par les NationsUnies, qui s'accompagned'une clauselimitativede responsabilité s'énonçcommesuit :«Le fait qu'elles

[lesfrontières]sont indiqune signifiepasque l'Organisation NationsUnieslesreconnaîtou

les approuve officiellement.» La carte est reproduite sous la cote Ml6 dans le mémoiredu

Cameroun. D'autrescartesdu Camerounseptentrionalpubliéespar les NationsUnies la même

année- en 1960- sontaccompagnées dela même note. En raisonde cetteréserve,lescartesne

seraientpas opposablesauNigéria;iln'yauraitdoncpas de raisonquecedernierlesconteste.

130. Il faut aussi rappeler le principede droit internationalselon lequel les cartesne sont

qu'unepreuveconcordanteou secondairepar rapport des élémentdse preuveplus fiablestels que

despreuvesdocumentairesainsique, enl'espèce, sreuves constituéeparles connaissanceset la

commune renommée localesémanantdes chefs de clan de Bakassi. La Cour a confhméce

principe danslesdécisionssuivante,enduespar:

i) la chambrede laCourdans l'affaireduD&4érendfrontalirC.L Jecueil1986,par.56);

et

ii) la Courplénièreen l'affaire de l'ne de Kasikili4Sed(C.I. RJecueil 1999, par.84

et 87).

4 5 131.En outre, ilest horsde questionque lacartedes NationsUniesencause puissejounr

rôle déterminanalors qu'ellecontient uneclause limitativede responsabénoncéesur un ton

fermequi porte expressémenstur la représentdes frontières.

Délivrancede permis deprospection pétrolière

132.Danssa réplique,le Gouvernementcamerounaissemblefaire fondsur la délivrancede

permispétrolierpour prouversa souverainesurlapresqu'îlede Bakassi:je renvoieàlaréplique

(p244-245, par.5.14-5.16). Néanmoins,le Gouvernementdu Camerounn'éclairepaspourautant

la situation juridique, qui étaitque ni le Nigéria,ni le Cameroun ne considéraient,dans leur

pratique, que lesactivités pétrolstaientdéterminanteset pouvaient résoula questionde la

souveraineté.

133. Les documents pertinents ont été examinés dans la duplique du Nigéria,aux

paragraphes3.264à 3.274. 134. Les procès-verbauxdes réunionset les modalités d'attributiondes concessions

pétrolièreen général reflètent qeue l'onpourrait qualifier d'indécisionde part et d'autreen ce

qui concernele temtoire terrestre.es zonessituéesau large mettent en jeu des ressources. La

presqu'îlede Bakassi est habitée,et ce depuis des génération:156 000 Nigériansy ont leur

domicile. Si les travaux de prospection pétrolière sueontinentavaient compromisle titre, ils

auraientégalementcompromislesdroitsd'unepopulationnigérianeimplantéd eepuislongtemps.

135.L'attitudedes deuxParties apparaîtclairementsi l'onse rappelle qu'iln'étaitpas rare

que la superficie des blocs concédéne tînt pas compte du tracérevendiqué. C'est ainsi que,

immédiatement après l'indépendancle e, bloOML 10 concédépar le Nigéria à la Shell(BP)

s'étendaitdepuis le territoire continentaldu Nigéria,par delà Bakassi et vers l'est au-delà du

Rio delRey,jusqu'entemtoire camerounais,comme onlevoit àl'ongletno25devotre dossieret à

l'écran.

136.Le régimed'attributiondes concessions dansla régionde Bakassiest étudié dans la

duplique. Des puitsexistantsontétérebouchéset lesrésultats d'exploitatàproximitédescôtes

ont étédécevantspour le pétrolecommepour le gaz. Les milieuxpétroliers semblentd'avisque

les travauxde prospectionn'ont eu aucuneffet sur la question de la souveraineté.De plus,il ne

fautpass'étonnerqu'enraisondu différendrelatifàla presqu'îledeBakassi levolume d'activity

soitminimalsi on le compare aveccelui deszones situéesau large. Quatre-vingt-quinzepourcent

du pétrolecamerounaissontextraitsau large.

4 6
137.Dans saréplique,le Cameroun faitvaloir que l'attributionpar ses soinsde concessions

dans lazone litigieusen'a passuscitéde protestations dela part duNigéria(p.par. 5.16). Le

défautdeprotestationsest évidemmentdénué de pertinencepuisqueles activitéspétrolièrétaient

sansconséquence pourletitretemtonal.

138.Le Gouvernementcamerounaisreconnaîtd'ailleursexpressémenn t epas avoirélevéde

protestations contre lesactivitéspétrolières nigérianesJ.e renvoie la réplique(par.9.114

et 9.115). Le Cameroun s'attache à expliquer sonsilence en invoquant l'entente conclue le

19décembre 1991 à Abuja (EPN,annexe54)'d'aprèslaqueIlechaquepays informeraitl'autreau

préalablede toute mesure susceptible de provoquer une nuisance. Ce raisonnementn'emporteguèrela conviction. Il n'y avait aucune obligationd'informer l'autrepartie de l'attributionde

concessions. Des activitéspouvaientêtreentreprises, maissans préjugerdes questionsde titre et

sousréservedurèglement ultérieud rudifférend.

139. Les activitésexistantesen matièrepétrolière qui entraînent le survol de la zone ainsi

que d'autres opérationsconnexes doiventêtreautoriséespar les forces locales de sécurité du

Nigériaet être entreprisesvec leur coopération.

140.Dansle récentarbitragerendudans le litigeopposant1'Erythrée et leYémenau sujet de

la souverainetésur certaines îles de la mer Rouge, le tribunal, aprèsun examen approfondi de

l'historiquecomplexedel'attributiondesconcessions,est parvenu à cerîainesconclusionsquinous

intéressent:

«437. Les contrats pétroliers offshore conclup sar le Yémenainsi que par
1'Ethiopie et 1'Erythréene suffisent pas à éîziblirou à conforter de manière
significativeles prétentions de l'uou l'autrePartie à la souverainetésur les îles en
litige.

439. Pendant la mise en application de ces contrats pétroliers,des actes
significatifsont été accomplissousautoritéétatiquequi demandent à êtrmeesuréset
évalués plus avant par le Tribunal.)) (Sentence arbitrale ErythréeNémen,
3 octobre 1996 (première sentence)[traduction fiançaise de la Cour permanente

d'arbitrage.)

141. La conclusion principaledu tribunal arbitralest importante en particulier parce que

celui-ciavait étudiétrèsattentivementle mode d'attributiondes concessions. Mais il a pourtant

fait preuved'une certainecirconspectiondans l'énoncé de sa conclusion. Et sur la secondedes

conclusionsauxquelles est parvenu le tribunal, le Camerounn'a fourni aucune preuve d'«actes

significatifs)).

142.De l'avis du Gouvernementnigérian,la Cour devrait considérerque la circonspection

s'impose encore davantage quand-il s'agit d'un territoire habitédont les liens d'ordre social,

économiqueet administratif avec le Nigéria sonttrèsanciens. Toujours est-il que l'attitude des

deuxPartiesau cours de la période pertinentemilitecontrel'adoptionde la thèse selonlaquellele

titresuit les fluctuationsdespermisdeprospection. On se rappellera que,dansl'affairedu Détroit

de Corfou(fond),la Couratenu comptede l'«attitude» del'Albaniepour seformer uneconviction

et décider si finalement l'Albanie était ou non au courant de la présence des mines (C.I.JRecueil1949, p. 19-20). Dans les circonstancesde la présenteinstance qui sont très

différente,es deuxParties ontmanifestéla même attitudefacà leur connaissancedes activités

pétrolières.L'attitudede l'une fait d'ailleurs pendàncelle de l'autre, ce qui est amplement

confirmépar les documentsprésentéd sans le contre-mémoirel,esquelsmontrentque les activités

deprospectionpétrolièreet la questiondutitresurletemtoire terrestre n'ontrien.

Les éléments de preuve cartographique invoqués p ler ameroun à l'égardde la presqu'île
deBakassi

143.Les élémentd se preuvecartographiquesont abondammentcités à l'appui dela thèse

camerounaisefondée sur l'acquiescement(voirMC, p. 258-321). La répliqueinvoqueà cet égard

(p. 313,par.5.239)lescartesprésentéesanslemémoire.Ilfaut d'emblée rappeler qu lecontexte

juridique est ici celui d'une revendicationde titre par le Nigériaartir de sa consolidation

historique,que cetteconsolidation vienneelle seule fonderce titre, ou qu'elle confirme le titre

originel surla presqu'îledekassihéritépar leNigérià ladatede l'indépendance.

144.Il s'ensuitque les élémentse preuvecartographiqueantérieurs à l'indépendancedu

Nigériaen 1960neprésententaucunintérê dtirectpour cequis'estpasséde 1960a 1994.

145.Il s'ensuitaussi nécessairement que élémentd se preuve cartographiquene peuvent

guèrepermettrede trancher la questionde la souveraineté fondur une consolidation historique

dutitre. Dans ce contextejuridique particuliers,ide tels élése concordentpasaveclaréalité

socialeet administrative,il apparaîtjuridiquementmalvenu,et mêmed'autreségardsdéplacéd,e

leurattribueruneimportancedécisiveou même une quelconqueimportance.

146.Le Nigériaestime que les élémentdse preuve cartographiquene sauraientinfirmerle

statuquoadministratifexistant surle terrain, de sorte que laplupart des précédentsesquels

4 8 sont intervenus de tels élémentsne trouvent tout simplement pasà s'appliquer en l'espèce.

L'appréciation suivanteortéeparla Chambre dans l'affaireduDzflérend~ontalieerst cependant

toutparticulièrementemise :

«En matièrede délimitatiode frontièresou deconfiit temtorial international'
lescartesne sontque de simplesindications,plus oumoinsexactes selonlescas;elles
ne constituentjamais- a elles seules et du seul fait de leur exist-ncun titre
territorial,c'est-à-direun documentauquel le droit internationalconfèreune valeur

juridique intrinsèquaux finsde l'établissement esdroitstemtoriaux. Certes, dans
quelques cas, lescartes peuventacquérirunetelle valeurjuridique maiscette valeurne découlepasalorsde leurs seulesqualitésintrinsè:ellerésultede ce que cescartes
ont étintégréesarmiles élémentsqui constituent l'expresonlavolonté de1'Etat
et des Etatsconcernés. Aininva-t-il,parexemple, lorsquedes cartes sont annexées

àun texte officiel dont elles font partie intégrante.En dehors de cette hypothèse
clairementdéfinie,lescartesne sont quedesélémensepreuve extrinsèques, psuo
moinsfiables,plus ou moinssuspects,auxquelsil peutêtrefait appel,parmid'autres
élémentsde preuve de nature circonstancielle, pour établir ou reconstituer la
matérialidesfaits.»(C.I.J Recueil1986,p. 582,par. 54.)

147. 11serait tout particulièrementmalvenu de faire primer les élémentse preuve

cartographique en l'espèce.En effet,ceux-ci,du moins ence qui concerne Bakassi,ne résultent

pas d'observations directes.Il s'agit danschaquecas de compilations cartographiques reprenant

les postulatsd'autres cartographes. La questionde l'appartenancede Bakassi n'est pas le souci

premierde ces cartes. Et celaest d'autant plusvrai que la régionde Bakassine constituequ'un

élémentd'uniemportanceminimesurdes cartesétabliesàpetiteéchelle.

148. Nous pouvons maintenant, après ce rappel, analyser les éléments depreuve

cartographiqueproduits par le Cameroun. Dix-neufcartes semblentétayersa positi:M 11,

M 12,M 13,M 17,M20,M21,M51,M55,M57,M60,M71,M80,M 81,M86,M 87,M88,

149.Or, toutes ces cartes sontcompiléesàpartir d'autressources. Ce sont presque toutes

descartesà petiteéchelle.Aucunen'aétéétabliepardes expertss'étantintéressdes questions

de souverainetrevêtantn caractèreéminemment locaelt spécifique.

150. Deuxdes cartesinvoquéespar le Cameroun(M 11et M 80)sont des cartes officielles

tardives (1976et 1989)établpar leCameroun,et donc conformesàses intérêts. Triutresont

étépubliéesàl'époquede l'indépendancedu Nigériaou peu après celle-ci(M 51,M 17et M20),

c'est-àdire toutau débutdelaphasedeconsolidationhistorique.

151. Plusieurs des cartes sur lesquelles s'appuie le Cameroun émanentdu service

cartographiquefédéralu Nigéria,àsavoir lescarteM 17(1963),M 60 (1968)'M 20 (1960)et

M 21 (1972). Ces cartes sont étabàitrèspetiteéchelle,a l'exceptionde la feuilledu Calabar

(M 17)'publiéeen 1963. Il importepourla Courdereleverquela situation frontalière représentée

de façongénéralseur ces cartesestnettementcontreditepar lerépertoiregéographiquetieer)

publié en 1965par le directeurdu service géographique fédéal vous renvoieà cet égardà

l'annexe 102de la dupliquedu Nigéria). La sectioIV du volume II est consacrée auNigénaoriental.Le répertoire géographique mentionntreois lieuxdans la presqu'île de Bak:Abana,

HanleyPoint et Sandy Point, que l'on peutvoir sur le documentno26 du dossierd'audience et,

présentement,à l'écran. Chaquelieuy est décritcommeétantunvillage et sescoordonnéessont

indiquées.

152. Il sauteaux yeux que le répertoire géographiqueflètela réalipolitique et sociale

telle qu'elle existaitdans la presqu'îlede Bakassi cinq ans aprèsl'indépendanceet non pas le

travail effectuéparles cartographesqui ontcompilélescartesàpetite échelle.Aucun desvillages

mentionnés dans lerépertoiregéographiquecomme faisantpartiedu Nigénaorientalne figure sur

les cartesinvoquéespar le Cameroun. LeGouvernementnigériansoutient quec'est le répertoire

géographique quivautrapport d'expert etnonles cartes.

153.En toutétatde cause,trois cartesappuient la positiondu Nigé:ace sont la M 18a),

carte administrativedu Nigéria,10e éd.,de 1990, publiéepar le service géographiquefédéral

de Lagos,laM 90,publiéepar1'Etatde CrossRiveren 1991,et laM 93a), carte duNigéna publiée

en 1992.

154. Monsieurle président,ayant examiné ces diversequestions préliminaires,en viens

maintenantau pointprincipal.

Les fondementsdutitre nigérian surla presqu'îiedeBakassi

155.A ce stade, il convientde rappeler unefois de plus lesfondementsde la revendication

nigériane dutitresula presqu'îlede Bakassi,qui sontaunombre detroi:

i) l'occupationde longuedate de ceterritoire par leNigériaet des ressortissantsnigérians,

qui constitueune consolidationhistoriquedu titre etconfirme le titreoriginel desrois et

chefs duVieux-CalabardévoluauNigériaau momentdel'indépendance en 1960;

ii) l'administration effective de ce temtoire par le Nigéria en qualitéde souverain,

administrationqui n'asuscitéaucuneprotestationde la partdu Cameroun;

iii) les manifestationsde souveraineté du Nigére,n même temps que l'acquiescement du

Cameroun à la souveraineténigériane surparesqu'îledeBakassi.

156. Ces trois fondements de la revendicationde titre s'appliquenta la fois séparément et

conjointement.5 0 157. Dans unsouci de clarté,il convientde préciserque les revendicationsdu Nigériane

sont pas formulées en partantdu principe que la presqu'île deBakassi serait terra nullius,

c'est-à-dire susceptibld'occupation. Pour 1'Etatdéfendeur,la situationjuridique sembleêtreen

substancela même que dans l'affairedesMinquierset desEcréhous.

158.Les deux passagessuivantsde l'arrêrtenduen cette affaûe en exprimentl'essence :

«Les deux Parties soutiennent qu'ellesont, chacune, un titre ancien ou
originairesurles Ecréhous et lesMinquiers,qui a toujoursétéconservésansjamaisse
perdre. L'espèce actuelle neprésente donc pasles caractéristiquesd'un différend

relatifàl'acquisitionde la souveraineté surun territoire sans maître(terranullius).»
(C.I.J.Recueil1953,p. 53.)

Et, plusloin: «Cequi, de l'avisde la Cour,a une importancedécisive,[ce sont] ...lespreuvesse

rapportant directementà la possession desgroupesdesEcréhousetdes Minquiers.» (Ibid.,p. 57.)

159. Le Nigériainvoque le concept juridique de consolidation historique du titre comme

fondement principalde sa revendicationde souveraineté sur la presqu'îlede Bakassi. Lesauteurs

de l'ouvrageOppenheim 'sInternationaLl awdécriventles principaux élément dse ce concept dans

lestermessuivants :

«Consolidationde titres historiques. 11reste que lanotion de manifestation
continue et paisible est une notion complexelorsqu'elle est appliquéaeux relations
souples et multiformesentre un Etat et sonterritoire ou d'autresEtats. Les multiples

facteurs que peut recouvrircette notionont été classésfortà propos par Charles de
Visscher sous une rubrique intitulée de manièretrès commode «Consolidationpar
titres historiques)),dontilpréciseque

«Le longusageétabli,qui en est le fondement,ne fait quetraduire
un ensemble d'intérêts ed te relations qui tendent par eux-mêmes à
rattacherunterritoireou unespace maritime à un EtatdéterminéC . e sont

ces intérêts et relations, variables d'uneespèce à une autre, et non
l'écoulement d'une période préfyre, d'ailleurs inconnue du droit
international' qui sont prdirectementen considérationpar lejuge pour
apprécierinconcret0l'existenceou la non-existenced'une consolidation
partitreshistoriques.))

Et poursuiventenindiquant :

«Munkman,dans uneétudeimportanteconsacréeauxcritères appliqués parles
tribunaux pourréglerles différendsterritoriaux,en a identifiéun certain nombre :la
reconnaissance, l'acquiescement elta forclusion;la possessionet l'administration; les
attaches des habitants du temtoire contesté; les considérations géographiques; les
considérationséconomiques;et les considérationshistoriques.Il a été dità proposde
ces divers facteurs que :«La reconnaissanceest le moyen principal par lequel la

communauté internationale s'est efforcée deréconcilier l'illicééu le doute avecla
réalitépolitiqueet l'impératif de certitude.))raductiondu Greffe.] (Les notesde
bas de pageontété omises.) 160.C'est Charles deVisscherquia lepremierénoncé ce principeen1953dans sonouvrage

Théorieset réalitésen droit international public (1953, p. 244-245). Il l'a précisé dans sa

monographieintitulée Les efectivitésdu droitinternationalpublic (1967)encestennes :

«L'arrêtde la Cour internationale de Justice en l'affaire desPêcheries
(Royaume-Unic. Norvège)a donnésa pleine expression à la notion d'uneeffectivité
par consolidation de titres historiques. Il a déclaré laméthodenorvégiennede
délimitationdes eaux territoriales ((consolidéepar une pratique constante et
suffisammentlongue en face de laquelle l'attitude des gouvernementsatteste que
ceux-cine l'ontpas considérée commecontraire audroit international)).Plus large

que lanotion de la prescriptionacquisitive,fondéesur une fausse analogie avecle
droit privé,la consolidation embrasse à la fois le cas d'une possession triomphant
d'unepossession adverseet celui d'unepossessions'appliquant à un territoire dont
l'appartenance antérieureà un autre Etat ne saurait êtreéîablie aveccertitude.))
(P. 107-108.)

161.Deux autres considérationssubsidiaires, et néanmoins significatives,nt égalementà

prendreencompte.

162. En premier lieu, les titres conventiomels peuvent êtremodifiés par voie de

consolidationhistorique.Un titre conventionnelne primepas nécessairemensturd'autrestitres.

163.Dans le cours généraq lu'il a donnéà l'académiede LaHayeen 1983, MichelVirally

s'est expriméen cestennes :

«d) Laconsolidationdestitres

Face aux prétentions contradictoires à la souveraineté surun territoire,
s'appuyantsurdes titrestrèsdiverset parfois difficiles départager, ljaurisprudence
internationale,arbitraleet judiciaire, a toujours attachplus grande importance à
l'exercice paisibleet continudes compétencesétatiques,c'est-àdire à l'effectivdeé
l'autorité étatiqusee,manifestantdansla durée.))

Et il poursuivai:

«L'exercicecontinu de l'autorité&tique permet ainsi de consoliderun titre
qui,à lui seul, n'auraitpas permis d'acquérirla souverainettemtoriale (découverte,
contiguïté),ude purgeruntitre desonvice initial (conquête).Ilpeutprévaloirmême
suruntitre résultantd'untraité oud'unautreactejuridique (affairede l'ne de Palmas,
II,p. 845et suiv.).))(Recueildescours, vol. 183(1983-V,p. 147-148.)

164.Dans un article publiéen 1957,sir GeraldFitzmauricefait observer qu'un traité peut

êtrerevisé à la lumièrede la pratique ou d'une conduite:je me réfèreici au British YearBook, 165. En second lieu, il ne manque pas d'auteursfort respectables pour estimer que les

éléments attestanutnepratique administrativejoueun rôle considérabldansles cas oùletitre est

incertain. Commel'a indiquélaChambredansl'affairedu Dzférendfrotalier :

«Ilestenfin descasou letitrejuridique n'estpasdenature àfaireapparaîtrede
façon précisel'étendue territoriasur laquelleil porte. Les«effectivités»peuvent
alors jouerun rôle essentiel pour indiquer comment le titre est interprdans la

pratique.»C.I.J.Recueil1986,p. 586et 587,par.63.)

166. La Chambre a exprimé desthèses similaires en l'affaire du Dzflérendfrontalier,

terrestre,insulaireet maritime.I .Jcueil1992,p. 408-409,par. 80; p. 565,par. 345).

Les élément dselaconsolidationhistorique

167.Voilà pour l'examendu conceptjuridique de consolidationhistorique. Ilconvientà

présentde l'appliquerau cas d'espèce. Les élémentc sonstitutifsdu processusde consolidation

historique du titre,ence quiconcernelapresqu'îledeBakassi,sontles suivan:s

i) Le titreorigineldescités-EtduVieux-Calabar.

ii) Le comportementet lesattachesethniquesdela populationde lapresqu'îledeBakassi.

iii) Les nomsefik et effiatdesvillages depêcheuseBakassi.

iv) L'administrationde Bakassien tant que partie intégrantedu Nigériapendant la période

allantde1913jusqu'à ladatedel'indépendance.

v) L'exercicede l'autorisur les villagesetclansdeakassipar les chefs traditionnels,soit

établià Calabar,soitayantprêtéallégeanceauNigéria.

vi) L'administrationde la justice par des juridictions de droit coutumier en vertu de la

législatinigériane.

vii) L'établissementelonguedatederessortissants nigériansans la région,t,pourfinir

viii)lesmanifestationsdesouverainetéparleNigéria après l'indépendane ce 1960.

168.Ces éléments sontexaminésendétaildansla dupliquedu Nigéria,aux pages90 à 175,

auxquellesje prierairespectueusementlaCourdebienvouloirsereporter.

169. Aux fins qui nous occupent ici, il convientde nous pencher sur ceux des éléments

constitutifsdu processusdeconsolidationhistorique qui noéclairentplus particulièrementur la

géographiesocialeet politique dela presqu'îlede Bakassiet attestent par mêmesonstatut deterritoire nigérian.Le critère retenuà cet effet a étéla présencepermanente à Bakassi d'une

importante population nigériane entretenand tes liens nombreux avecle territoire continental du

Nigériaet l'existence d'unestructurenigérianede maintiende l'ordre public.

170. En premier lieu, il nous faut examiner les structures d'administration localedans le

sud-est du Nigéria après l'indépendance. Je vous renvoie ici aux illustrations réuniessous

l'ongletno27.

171.Avant l'indépendance en 1960,la presqu'île de Bakassi était administrpar le conseil

de district rural'Akpabuyoet par celui d'Ibaka, qui setrouvaient tous deux dansla Région de

l'Est. A l'indépendance,la moitiénordde Bakassi (àsavoirArchibong,Akwa et he AkpaIkang)

fut rattachéeau conseil local d'Akpabuyo,qui faisait partiede la division deCalabarde la Région

de l'Estdu Nigéna. Lamoitiésud de Bakassi (àsavoirAbana,AtabongEst et AtabongOuest) fut

pour sapart rattachéeau conseil local d'Ibaka,qui faisait partie dela divisiond'Eketde la Région

de l'Est.

172.Comme onpeut le voir, ce partagede la régionreflétaitlesattachesde la population,la

division deCalabarcorrespondant au groupeefik et ladivisiond'Eketaugroupeeffiat.

173. A compter de 1967, la partie nordde Bakassifut administréepar le conseilde comté

d7Akpabuyo,de la divisionde Calabar de 17Etatdu Sud-Estnouvellementcréé.La partie sud de

Bakassi fut elle administrée parle conseilde comté d'OronEst, de la divisiond'Oron, également

dans 1'Etatdu Sud-Est.

174. En 1976, 1'Etatdu Sud-Est fut rebaptiséEtat de Cross River. Celui-ci fut diviséen

plusieurs collectivitéslocales. La partie nordde Bakassifut alors rattachàela collectivitélocale

d70dukpani,tandis quesapartie sud étaitrattachée à lacollectivité locad'Oron.

175. L'année 1987 a vu la création de 1'Etat d'ma Ibom ainsi qu'une nouvelle

réorganisationdes collectivités locales.a partie nord deBakassi fut dèslors administrée parla

collectivitélocaled'Akpabuyo, de lYEtatde Cross River, et sapartie sud par deux collectivités

locales de 1'Etat d7Akwa Ibom : la collectivité locale d'Effiat/Mbo et la collectivité locale

dYOkobo.La collectivitélocaled'EffiatMbo administraitnotammentAbana, Onosi,IneAkpak et

Ine Odiong. Quant à la collectivitélocale d70kobo, elle administraitnotamment AtabongEst et

Atabong Ouest. 176.L'année1996a vu la créationde la collectivité localede Bakassiet son intégràtion

1'EtatdeCross River. Cettecollectivitélocales'étendàitoute lapéninsulet c'est encorele cas

àl'heureactuelle.

5 4 Maintiendel'ordrepublic

177.Ainsi se conclut mon exposésur l'administrationlocale. J'en viendrai maintenant,

toujoursdans le cadre dela consolidationhistorique,auxélémentsepreuverelatifs àl'existence

d'un systèmede maintiende l'ordre. Toutd'abord,le Gouvernementcamerounaisn'est pas en

mesuredeproduireuneseulepreuvefiableconcernant l'administration de lajustice dans larégion

de Bakassi. Ce constat ressortclairementde la lecturedu mémoir(p.490-496)et de la réplique

(p.307-312). Dans ses pièces de procédurel,e Camerounne cite aucun fait et n'évoqueaucun

documentprouvantl'existenced'unsystèmedejustice pénale.

178.Des preuvesfiables indiquent enrevancheque, pendantune longuepériode,lapolice

nigérianedu commissariat d'king a assuré lemaintien de l'ordre public dansla presqu'îlede

Bakassi (DN,p. 123-128).

179. Les preuves pertinentesà cet égard concernentnotammentl'exercice du pouvoir

judiciaire par les tribunaux de droit coutumier appliquant la législationnigériane.us en

trouverezledétailaux pages113et 114deladuplique.

180.Le maintien de l'ordrepublic assurédans le cadre des institutionsnigérianesintègre

l'autoritédes souverainstraditionnelsde larégion, fondur le systèmedes clanset l'allégeance

aux chefs traditionnels. Le système des clans et des souverains traditionnels constitue une

composante importante et effective de l'organisationsociale locale. Ainsi le systèmedes

souverainstraditionnelsa-t-ilété reconetconfirmé à maintes reprisespar la législationactuelle

(voirà ceproposle documentfigurant sousl'onglet28).

181. En 1978,par exemple, 1'Etatde Cross River a adoptéune législationsur les chefs

traditionnels(arrêno14de 1978de 1'EtatdeCrossRiver)rattachantArchibongau clan efikde la

municipalitéde Calabar. Le clan efik y est décritcommeoccupant lesneuf villages suivantsde

Bakassi :

- IneNkanOkureno1

- IneNkanOkureno2- IneUtan

- IneUtanAsuquo

- IneItang

- IneAkpaIkang

- IneEfiom

- IneUkpono

- IneEkoi.

182.En 1990,1'Etatd'Ma Ibom a adoptéun arrêtésur les chefstraditionnels,qui prévoit

la créationd'un conseilraditionneldans chaquecollectivitélocale de cet Etat. En anneàecet

arrêtéfigure une liste comprenantun certain nombre de villages relevantsoit de la collectivité

locale de Mbo (Abana Ntuen, Onosi, Akpa Nkanya, Ine Odiong), soit de la collectivitélocale

d'Okobo(IneItung,AquaIneItung,IbiongUtanItung,AquaIne Ibekwe,UfotIneItung,Ishie).

183. La désignationet la reconnaissanceofficiellepar les textes législatifs deschefs de

village des clans efik attestent l'autoritédes chefs traditionnelà Bakassi. Un nombre

impressionnantde villagesde Bakassifigure dans des listesofficielles telles queleistre des

chefs traditionnels (collectivitélocale d'odukpani) ou la liste des clans, villages et chefs de

villages.Je vous renvoià cetégardà l'annexe16de ladupliqueduNigéria.

184.A aucun moment, larépliquedu Camerounne contredit les donnéesque le Nigériaa

fourniesdans son contre-mémoire sur le rôlejouépar les chefs traditionnelsdans l'administration

de la rigon de Bakassi. Il convientde souligner à cet égardque leschefs traditionnelsn'ont

jamaisreconnules revendicationsdesouverainetéformulées aunomduCameroun.

Les attacha de la populationde Bakassi

185. J'en viens à présentaux attaches de la population. Dans la neuvièmeédition

d'oppenheim, il est questionde l'importancedes «attachesdes habitantsdu temtoire contesté))

(Oppenheirn,vol. 1,p. 709-710,par. 272). Munkmannote ce qui suit sur le rôlejouépar ce

facteur: *

(dorsque le territoire est habité,les attaches des gens qui y demeurent
revêtirontunegrande importance - quoiqueprobablement d'ordre secondaireen

raison de considérationjsouant enfmeur de 1'Etatenpossession eflective. Lorsque
l'administrationdu territoireest elle-mêeontestéeet incertaine,les attachesdes
habitants serontprobablementl'élémend téterminant.Dans lesrégionshabitées,les considérationsde géographie,de stratégie,etc. n'auront habituellement qu'une
importance très secondaire. Les facteurs économiques, historiques,culturels et
sociaux ainsi que les considérationsd'opportunitéconcorderont habituellementavec
les attachesdes habitants. Mais ces considérations,mêmesi elles ne penchent pas
toutes du mêmecôté,n'exigeront probablement qu'une rectificationde la frontière
délimitée principalementsur la base des attachesdes habitants.)) (Munkrnan B,ritish
YearBook,vol. 46 (1972-1973),p. 100.) (Les italiquessont de nous.) (Traduction
du Grefe.]

186. Comme l'Attorney-Generalde lYEtatde Cross River l'a expliqué,la majorité des

pêcheurset agriculteursdemeurant dansla presqu'îlede Bakassiappartiennentdepuis des siècles

am groupes ethniques efik et effiat, qui ont toujours entretenudes relations amicales avec les

cités-Etat.de Calabar. Lesprincipalesvilles efikdu continentreprésentées sur le croquissont les

suivantes :

- Calabar,

- Ikang,

- Itu, et

- IkotNakanda.

187.Lesprincipalesvillesefiat indiquéessurce même croquissont :

- UYO,
- Eket,

- Oron, et

- Ikot Ekpene.

188.Unecaractéristique particulièrementfrappanteest larelation quiexiste entrelesvillages

effiat situéssur le territoire de la collectivitélocale de Mbo, dans 1'Etatd7AkwaIbom, et les

villages apparentédse cequiest aujourd'hui lacollectivitélocalede Bakassi. Pour unelistede ces

différentsvillages,vous voudrez bienvousreporter autableau duparagraphe 3.76 de laduplique.

189. Un autre élément importan dtans ce moded'associationest l'antique confrérieconnue

sousle nom d'Ekpe. Celle-ciest décrite(de l'extérieur,pour ainsi dire) dans la section intitulée

«Sociétés» (par. 48 et suiv.)du rapport de M. Anderson, administrateuradjointdu district@N,

annexe13). Lasociété ekpeconstituele maillon fortde l'organisation administrativeetjudiciaire

traditionnelle. Chaquegrandvillagea sapropre maisonekpe,et la société ekpeentretientdes liens étroitsavec Calabar. Ses membrespeuventparfaitementpratiquer l'unedes religionschrétiennes

et appartenià une église. Chez les Effiat, la socekpe constitue égalementl'une des formes

d'organisationdelaviesociale.

190.Il est très important de noter que le Cameroun n'a pu produire aucunepreuve de
*
l'existenced'attachesentre des populationscamerounaiseset celles de Bakassi. Il ne préàend

aucun moment que les actions du Nigériaauraient entraînéle déplacement de ressortissants

camerounais. Aucungrief n'aétéformuléau nomde ressortissantscamerounaisdemeurantdansla

régionde Bakassi :je vousrenvoielàencoreaux conclusionsde la Républiqudu Camerountelles

qu'ellesfigurent dans sonmémoire,et à nouveaudans sa réplique. En effet, le Camerounn'a

fourni aucune preuve que des ressortissantscamerounaisaieàtun moment quelconquevécu à

Bakassi.

Educationpublique

191. Poursuivantmon examen des différents éléments ld aeconsolidation historique,j'en

viendraiàquatre types d'effectivités.Le premieraspect quej'aborderai est celui de l'éducation

publique. Assurer les services d'éducatiopublique est manifestement une fonction de1'Etat

valant preuve du titre. Dans l'affairedu Dzférendfrontalier terrestre, insulaire et maritime,la

Chambrede la Cour a reconnuque cette activitéconstituaitune effectivité.I.J.Recueil1992,

p. 397-399,par. 60-62;p. 542et 543,par.304). Danssonrapport [sentence] en l'affairedu Canal

de Beagle,le tribunalarbitralaconsidéle fait d'assurerdes servicesd'éducapubliquecomme

une activité étatiqueabituellementliàel'existencedela souveraineté(ILR, vol.52,p. 222). Il

convientd'ajouterqu'unsystèmeéducatifest égalemenltereflet des caractéristiqsulturellesde

lapopulationpermanente àlaquelleil est destiné.

192. De trèsnombreuxdocumentsprouventque le systèmescolaire à Bakassiest nigérian.

L'ongletcorrespondantestleno30.

5 8 193.Dès1893,il y eut uneécoleméthodiste à Archibong,mais, avant les annéessoixante,

les habitants de Bakassiqui avaient les moyens de payer les fi-aisde transport envoyaient

généralement leurs enfants l'écoleprimaire de DukeTown, à Calabar, qui avait étéfondée

en 1846. 194.Après l'indépendance ,s enfantsdes villesetvillagesde Bakassifréquentèrenlt'école

primaire méthodistedYIkang.Les registresde présence pour leannées1961-1962,1963,1965 et

1967mentionnentnotammentlesnoms d'écoliersvenantd'ArchibongTown(DN,annexes72-75).

195. L'écoleméthodistefondée à Atabong en 1968 fonctionnait toujours en 1975, sous

l'autoritéde lacommissionnigériande l'enseignement etdes examens(CMN,annexe 183).

196. Dansune note du 15septembre 1969,le Camerounprotesta contrela création,par la

mission catholiqued'Uyo, d'uneécoleprimaire à Abana (Cm, annexe 148). Bien que l'école

n'ait pasétéfinancéepar desfonds publics,le Gouvernementcamerounaisvoyait manifestement

dans cette mesurelapreuve d'uneformed'activitéétatiqunigériane.

197. Neuf écolesau total ont étécréées à Bakassi avant 1994, dans les sept localités

suivantes(CMN,annexe 184) :

- ArchibongTown,

- NkanOkure,

- Atabong-Ouest,

- Atabong-Est,

- Mbenrnong,

- Nwanyo,et

- AbanaTown.

198. Danslesannexes317et 322 aumémoire duCamerounfigurentdeuxnotes internesqui

semblent exactementidentiques,mais quiportent sur leurpage de couverture respectivedes dates

différentes, le18février1992et le 18décembre1992. Elles attestent que mêmele Cameroun

reconnaîtque cesécolessontnigérianes.Ony lit que :

«l'écoledu village ouverteet dirigéepar la populationlocale de Jabana(Cameroun)
[que les Efiks appellent Abana] reçoit des subventions de la collectivitélocale
dYAkpabuyo,la commune de 1'EtatdYAkwa-Bom[sic] au Nigéria. Initialement
construite en matériaux provisoires,cet établissement esten cours de réfectionen
matériaux permanents. Les enseignants sont tous originaires du Nigéria.~ (CMN,
annexe 186.)

199. En septembre1992,la construction d'une nouvelle écoleprimaire fut entreprise à

Abana sous l'égide de la collectivité locale dYAkpabuyo ON, annexe76); de même à

Atabong-Ouestenseptembre1994(DN,annexe77). 200. Ce qui frappele plus ici, c'est que de nombreuses personnes témoignvtoirétudié

dans desécolescréée psar leNigériasoitakassi,soità Calabar. Les chefs de Bakassi indiquent

que cela fait longtemps qu'un enseignement primaire est dispensé à Bakassi.

M. EtinyinEtim OkonEdet, chef du cland'Abana, atteste avoir fréquentél'écolede lamission

catholiqued7Abana àpartir de1969. Il a présenté sobulletin scolaire de premièreannée(DN,

annexe78). L'école qu'ilfréquentaitn'oflkit, dit-il,ue les trois premières années de

l'enseignement primaire,ce qui expliquequ'il ait ensuite dû se rendre sur le continent poury

poursuivresesétudesprimaires.

201. Il se souvientque le directeurs'appM.aFridayEbukanson. Il se rappelleégalement

son instituteur,le chef Nyong Etimyang. Celui-ci esttoujours en vie et est aujourd'huile chef

du villaged7AdakUko sur le continent nigérian. Le chef du clan d7Abana,SAREtinyin Etim

OkonEdet, était le président dela collectivité localed7Akpabuyo,dont dépendait la partie

septentrionale de Bakassi avant que la presqu'île ne devienne une collectivitélocale distincte

en 1996. Il a construit uneécoleprimairà Abana en 1992et a, en sa qualitéde présidentde la

collectivitélocale,fectédes enseignantà cette école àtdiversesautres(DN,appendice,p. 144

et 145).

202. SAR EdedemArchibong, le chef du clan d7Archibong,a indiquéque des écoles

primairesexistaient depuis longtempsArchibongTown. Un enseignant dunom de SamuelUdo

vit encoreà Archibong Town. Celui-cia déclaré s'êtirnestalléau village en 1977et avoir créé

lui-même une écoleaprèsavoir découverqu'il n'y en avatucuneenétatde fonctionner. L'école,

administréepar la population locale,nerecevait nifondsni ressourcesduNigénaouduCameroun.

Il a dirigé cette écprimaire de1978 à 1994,date àlaquelle l'administrationlocalenigérianea

commencé à prendre part à sa gestion. L'écoleprimaire compte aujourd'hui environcinq cents

écoliers.Une écolesecondairea aussiété construite Archibongen 1993;elle est fréquentéear

quelquedeuxcents élèves. Lechefdeclan lui-même a fait sa scolaàiCalabar. (DN,appendice,

p. 145.)
6 0
203.Le chefde cland'Akwaaffirmequ'ily a une écoleprimairelocale àNkanOkure,gérée

par les habitants. Celle-ciaéréouvertedans les années soixante-det agrééepar la collectivité

localed7Akpabuyo.Ellecompteaujourd'hui quatreenseignantsetcent cinquanteélèves (ibid). 204.Une école secondairea été crééàAtabong-Ouest en1995, grâce àun financementde

la collectivitélocale. Celle-cia égalementouvertune écoleprimaireen 1994. Les enseignantsdes

deux écolessontrémunérés pa lrNigéria.Ily avait auparavantdes écoleslocalesdirigéespar les

églises.M. IsaacBoro a lui aussi ouvertune écolà Atabong-Ouesten 1968, pendant la guerre

civile. Elleétaitdirigéepar ArneraAndemEma,toujoursen vie aujourd'hui. Celui-cia déclaré

n'avoirjamais étrémunérc éommeenseignantet a ajoutéque lorsqueM. IsaacBoroétait parti, le

village s'était chargé eérerl'école. Ela fini par êe abandonnée.Les enfantsdurentalors

allerà Ikang ou à Calabar pour étudier. Le chef de clan fréquentait l'écàlCalabar,où il

demeurait en périodescolaire pour retourner à Atabong-Ouest pendant les vacances (DN,

appendice,p. 145et 146).

205. Le chef de clan signale ausujet d7Atabong-Estqu'une écoleprimaire y a été fondée

en 1989. Il y avait auparavantune écolelocale dirigéepar les habitants; certains fréquentaient

aussi l'écolecrépar M. IsaacBoroà Atabong-Ouestou lesécolesd'Rang et de Calabar. Lechef

lui-même a étà l'écoleàCalabar.

206. Il est en revanche assez hppant que, dans les deux sériesde pièces écrites,le

Cameroun n'ait produit aucune preuve de l'existence d'une seule écolegéréepar les autorités

camerounaises dansla régionde Bakassi -à une exception près pourtant,puisqu'il a joànt

l'annexe180de sa répliqueun documentdatédu 15octobre 1988, soitcinqans seulementavantle

dépôtde larequête danlsaprésente affaire.

Fiscalité

207. J'ai déjàexaminé lespreuves de la perception d'impôts par 1'Etatde Cross River et

1'Etatd'AkwaIbomauprèsde résidents dela presqu'îlede Bakassi. Les autoritésnigérianes ont

perçu les impôtsde façon systématique. Les preuves présentéeslarCameroun,maigreset peu

fiables,contrastentaveccellesproduitesparleNigéria,lesquelles attestentque celui-cia àrocédé

laperception d'impôtsdèsles années soixante.6 3 Santépublique

208. J'enviens àprésent au chapitrde lasantépublique. Commedans lecasde l'éducation

et de la perception d'impôts,la prestationde servicesde santé publique témoigndee la présence

d'unepopulation permanente bénéficiand tes avantages d'un système d'administration arrivéà

maturité.L'onglet correspondantestleno31.

209. Dès1959, lesautoritésnigérianesde Bakassiontouvert des centresmédicauxpour les

populationsdeBakassi;ceux-ci ont d'ailleurssouventété construitsavecl'aidede cespopulations.

Ces établissementssont financéspar le Nigériaet leur personnel est forméau Nigéria. Il y a

actuellement dansla presqu'île de Bakassidix centres médicaux de ce type, offiant une gamme

variéede services de soins et de programmesde santé (Cm, annexe 188). Voici une liste

indiquantla date de créatiode certainsdeces centres(CMN,annexe 184) :

- Archibong : 1959,

- Mbenrnong :1960,

- Atabong-Ouest :1968,

- Abana :1991,et

- Atabong-Est :1992.

210. Outre les centres médicaux ouverts dans la régionde Bakassi, celui d'Ikang, sur le

territoirecontinentalduNigéria, accueildes patientsoriginairesde la presqu'île. Desextraitsdes

registres de vaccination pour les annéesde 1986 à 1990 sont reproduits à l'annexe82 de la

dupliquedu Nigéria. Deshabitantsd'ArchibongetAtabong figurentsur les registresdes patients.

Le service de consultation prénataldu centre médicald'n<angest fréquenté par des femmes de

Bakassi. Apparaissentnotammentsurces registres,qui couvrentla périodeallant de 1985 à 1999,

lesvilleset villages suivantsde Bakass:Archibong Town, Ine &an, Ine Ekpo,Ine Akpa Ikanget

IneUtan(DN,annexe83).

211.En 1994,l'Etatde CrossRivera prisdesdispositionspour equiper les centresmédicaux

d7ArchibongTown,d'Atabong-Ouestetd7Abana(CMN,annexe 189). 212. A aucun momentles autorités camerounaisen s'ont pris demesures pour organiserun

systèmede santé dansla régionde Bakassi. En revanche, leNigéria,dans le cadre de l'exercice

constant de sa souveraineté,assurela prestationde services de santé et, comme l'a dt tribunal

6 2 arbitral en l'affaire du Canalde Beagle, «la prestation de services médicauxpublics)),en tant

qu'activitéétatique,estdiabituellementliéà l'existence dela souveraineté)()ILR,vol. 52,p.222).

Recensement

213. Lerecensement estune autreactivité étatique quiindiquel'existenced'une population

permanentefaisant l'objetdes préoccupationcsonstantesde 17Etat.Il s'agit d'une formeclassique

de l'exercice dela souverainetésur un temtoire. Dans son arrêten l'affaire desMinquierset

Ecréhousl,a Cour a considéré la visite d'unrecenseurofficiel dans les deuxgroupesd'îlotscomme

la preuve d'une ((administratiolnocaleordinaire))(C.I.J.Recueil1953,p. 69).

214. Ily a eu un recensementde la population du Nigériaen 1953,pendant lerégimede

tutelle. A cette occasion,cinqvillagesontétéindiquéscommefaisantpartie du conseilde district

rural d7Akpabuyo,nom souslequel larégionétaitalors désignéa eu seinde la provincedeCalabar;

ce sont lesvillagessuivants, quisont situéssurla presqu'île deBakassiet qui sonténumérés sar

carte figurantdans votredossiersous l'onglet3:

- IneAkpaIkang;

- IneEkoï;

- IneNkan Ekure;

- IneUtan;

- IneUtanAsukquo(CMN,annexe 142).

215. Il y a eu un autre recensementde la population au Nigériaen 1963, dont la phase

consacrée à la région orientaledonne des résultatspour Abana Ntuen, qui se trouve dansle

tenitoire relevant du conseil d71baka(CMN, annexe 175). En 1991, des membres de la

commission nationale delapopulationsesontrendus àAbanaet ont remisau centre decontrôlede

la collectivitélocale de Mbo un rapport, en date du 14novembre 1991, dans lequel ils ont

dénombré les bâtiments dans le village et dressé un croquis cartographieCMN, annexe 176).

Ils ont égalementdressédes croquis d'ucnertain nombre de villagesnigériansà Bakassiet en ont définiles limites (Cm, annexe 177). Les statistiques démographiques communiquéespar la

commissionnationalese fondent sur le recensementde 1991(DN,annexe 64). Les chiffres les

plusrécentspour lapopulation deBakassifontétatde 156000habitants.

216.Les éléments d'informatiofn ournispar leschefs de clansexerçantleur autorité surles

villagesde Bakassimontrentque la populationa participéau recensementde 1953comme àceux

qui ontétéeffectuésplus récemment.
6 3
217.Les écritures duGouvernementcamerounaisfont étatd'unrecensement effectué danlsa

régionpar les autorités camerounaises, maisaucun élémentde preuve n'est fourni à l'appui

(voir MC,p. 493, par. 4.443). La répliquedu Camerounne donneaucun élémend t'informatioà

cesujet.

Autres activitésétatiques

218. Il y a d'autres activitésétatiquesen rapport avec la population qui font l'objet

d'élémentd se preuveprésentédsansladupliqueduNigéria.Ce sontles suivantes :

Premièrement : l'utilisationde ladevisenigériaàedes finsà lafois publiqueset commerciales

(DN,p. 102);

Deuxièmement : l'utilisationde passeports nigérisar lesrésidentde Bakassi (DN,p. 158);

Troisièmemen t l'existenced'une administratiodespostes (DN,p. 159);

Quutrièmement : laparticipationauxélectionslégislativefsédéral(DN, p. 140-141);et

Cinquièmement ladélivrancedepermis pourl'utilisation depirogues(DN,p. 160).

219. A l'inverse,rien n'indiqueque la devisecamerounaiseait cours, que des passeports

camerounaissoientutilisés,qu'ilait existéun momentquelconqueunservicepostalcamerounais,

ni enfinque lesrésidents deBakassiaientprispartà desélectionslégislativescamerounaises.

220. La mise en place d'une administration postale est un élément particulièrement

révélateudre la souveraineté. Pour detribunauxinternationaux,laprésence d'uneadministration

postaleconstitueune preuve importantedutitre surunterritoire (voirle rapport du tribunal arbitral

dansl'affaire du Canal de Beagle (Argentinec. Chili)ILR, vol. 52,p. 93). Dans cette affaire,le

tribunala tenu comptede la création d'un service postaslur l'île de Picton par le Chili en 1905

(ibid.,p. 221, par. 166b)). Les liens économiques avecleterritoire continental

221.Comme le font observer leséminentsdirecteursde publication dela dernièreéditionde

l'ouvrage Oppenheim 'sInternationalLaw, «Munkman,dans une étudeimportante consacréeaux

critèresappliquéspar les tribunaux pour réglerles différendsterritoriaux, en a identifiéun certain

nombre :[dont] les considérations économiques 9)'éd.,vol. 1,p. 710,par. 272).

222.Les personnalités enquestion,sir RobertJenningset sir Arthur Watts,expliquentquelle

est la portée pratiquede la notion de consolidation detitres historiques et ce quecelle-ci exige

6 4 comme preuves. Il n'est pas rare à cet égardque la Cour ainsi que d'autres tribunauxtiennent

comptedes comportements économiques des habitantsde l'endroit.

223. Dans l'arrêt qu'elle arendu en l'affairedes Pêcheriesanglo-norvégiennes,la Cour a

déclarécequi suit :

«Il faut enfinfaireplaceàune considérationdont la portée dépasse les données
purement géographiques :celle de certains intérêsconomiques propres àune région
lorsque leur réalitéet leur importance se trouvent clairement attestéespar un long
usage.)) (C.I.J.Recueil 1951,p. 133.)

224.Dans l'arbitragerelatif auRrmnde Kutch,leprésident dutribunal arbitrala accordéune

importancejuridique particulièreà l'utilisationdes pâturagespar les habitantsdu Sin:

«En ce qui concerneDharaBanni et ChhadBet,je considèreétabli que, pendant
plus de cent ans, ce sont les habitants du Smdqui ont tiréparti des seuIs avantages
quepouvaient ofiir ces régions. Il n'a pas étéaffinné que les pâturagescomme tels
étaient soumis à l'impôt britannique. Les quelqueséléments de preuve figurant dans
ledossier semblentcependantjustifier l'hypothèseselon laquelle c'étaient lsutorités
du Sind qui se chargeaient du maintien de l'ordre;.il n'est mêmepas affirméque les
autoritésdu Kutch aientjamais considéré cettetâche comme leur incombant.

Quelles que soient les autresfonctionsétatiques quidevaient s'exerceà l'égard
de ces pâturages isolésoù 1'011 faisait paîtreà l'occasion des troupeaux,elles ont
apparemment été exercéespar le Sind.» (ILR,vol. 50, p. 510) (Les italiquessont de
nous.) [Traduction du GrefJe .

«Le recouvrement de cet impôt n'a jamaisété efficacecomme le prouve la
modicitédes sommes perçuesqui étaienttrès inférieures aux dépensesengagées pour
le recouvrer. Fait plus important,... cet impôt suscitait l'opposition non seulement
des villageois de l'endroit mais aussi des autorités britanniques intéressées. Ces
actes du Kutch, examinésdans leur ensemble, ne sauraient êtreconsidérés comme
constitutifsd'un exercicecontinuet effectifdesonautorité.Parcontre, laprésencedu
Sind à Dhara Banni et ChhatBetest aussi proche delapossessioneffectiveet paisible
et de la manifestation de l'autoritédu Sind auxquelles on peut s'attendre dansles circonstances. LeshabitantsduSind qui ontutilisélespâturageset les autoritésdu
Sind doivent les uns comme les autres avoir agi en tenantpour acquis que
DharaBanniet ChhadBet étaiend tes territoires britanniques)Ibid,p. 510-511.)
(Lesitaliquessontdenous.) praduction duGrefi.1

225.Lesvillages de pêcheurs établdisepuis longtempà Bakassi ontdes lienséconomiques

étroitsavec le territoire continental du Nigéria.C'est de là que viennent les matériaux de

constructionqu'ils emploient. Ils utilisent la devise nigérianeet vendent leurs produits sur les

marchésduNigéria. Lesvillages situés àBakassiportentdesnoms quitirent leur originede ceux

delocalitéssituéessur leerritoirecontinentalduNigéria.

Conclusion

226. J'ai donc fini d'examiner les éléments dpurocessusde consolidation historiquequi

traduisentavecune particulière clarlagéographiesocialeetpolitiquedela presqu'îledeBakassi.

Cesélémenta sttestent solidementl'existenced'unepopulationpermanentede 156000Nigériansà

Bakassi,quivivent selonlesrèglesnigérianesdel'ordrepublicet entretiennentde nombreux liens

avecleNigéria continental.

227.LeCameroun àchercher à se substituerau Nigériaaux finsd'une possessionpaisible,

en particulier partir de l'année1973,et ses tentativessontun élémenstecondairede ce tableau

d'ensemble. Dans ce contexte, les initiatives prises parle Camerounde 1973à 1975en vue de

rebaptiserleslieux nommésdans lesvillesde Bakassi,alorsqueces nomsavaient coursde longue

date, revêtenutne importance particulière.Ces initiativesont échoué,t le rejet de lanouvelle

toponymiea faitl'objetdedoléancesquel'on peutlire dansunrapportofficielcamerounaisdatant

de 1986(voirannexe CMN224).

228. L'indifférence anifestéparla populationdevantlesinitiativescamerounaisesvisantà

remettreencausele statu quoa suscitédes commentaires attristéqsue l'onpeut liredansd'autres

documentscamerounais.

L'acquiescementdu Camerounface à l'exercice pacifiqudesa souveraineté parleNigéria 4

229.Ilfaut maintenant évoquer l'acquiescemednut Cameroun devantl'exercice pacifique de

sa souveraineté par le Nigéria. Comme le Nigéria l'a indiqué dans son contre-mémoire,

l'acquiescementa trois fonctions distinctes. Tout d'abord,l'acquiescement estun élément très important du processus de consolidation historiqued'un titre. Il intervient donc en premier lieu

(mais ce rôle n'est nullement le seul) conjointement avec les éléments de laconsolidation

historiqueexaminésprécédemment.

230. La deuxième fonction de l'acquiescement est deconfirmer un titre fondésur la

possession paisibledu temtoire concerné,c'est-à-direl'administrationeffectivede la presqu'île de

Bakassipar leNigériaagissanten sa qualitéde souverainet en l'absence de protestationde lapart

duCameroun.

231.Entroisièmelieu, l'acquiescementpeutêtreconsidérécomme la composanteprincipale

dutitre.

232. La jurisprudence pertinente de la Cour est exposée aux pages 260-261

(par. 10.124-10.127)du contre-mémoire.

Les élémentsattestant de l'acquiescement du Cameroun a l'exercice pacifique de sa
souverainetépar leNigéria

233. Leséléments prouvantl'acquiescementdu Camerounsont exposésaux pages 267 à 280

du contre-mémoire du Nigéria. L'examed ne ces élémentspar ordre chronologique a conduità

trois conclusions,qui sont les suivantes.

6 6 234. En premier lieu, jusqu'en 1972, le Gouvernement du Cameroun a acquiescé à

I'adminimationnigériane établide longue datedans la régionde Bakassi. Puisà partir de 1972,

ilya eu diverxs initiativescamerounaises,enparticulierleprojet de rebaptiserles villages, lequel

prouve manifestement qu'il n'existaitpas au préalabled'administration camerounaise. Sur le

terrain. le Cameroun a menécertaines activitésisolées quin'ont pas abàuétablirson contrôle

effectifi exclusifdans larégion.

235. En deuxième lieu, le Cameroun n'a jamais eu la possession paisible de la région.

Depuis l'accessionà l'indépendanceen 1960jusqu'en 1972,le Gouvemement du Camerounne

conteste pas la légitimitéde la présencenigérianedans la région. Après 1972, malgréun

interventionnisme de plus en plus marqué,le Cameroun n'a pu, en adoptant tardivement sa

politique expansionniste, qui étaitcertainement liée aux perspectives d'explorationpétrolière,

effacer les effetsde l'acquiescementantérieur. 236. Commeje l'aidéjàsignalé, l'unedes caractéristiqued se la répliquedu Camerounest

que celui-ci se garde de faire la moindreobservation précisesur les éléments prouvant son

acquiescement,lesquels sont exposés auxpages267 à280 du contre-mémoire. A un autre j

paragraphe delaréplique (p.92-94), le Camerounprétend examinelres acquiescements«allégués
r

parleNigérim. Il se gardelà aussi d'aborderdespoints de faitet de droitbienprécis.

Conclusions

237. Pourconclure,ily a lieudefaireressortircertainspointsimportants.

238. Tout d'abord,je rappellerailepoint quej'ai déjàfaitvaloir lorsquej'ai soulignéquele

Nigériane plaide pas du tout en partant du principe que la presqu'île de Bakassi a été à un

quelconquemomentterra nullius. J'aialorsétabliunecomparaisonavecl'affairedes Minquierset

desEcréhous qui,ai-je dit,étaitsimilaireàcertainségards.

239. A ce stade, cettecomparaisonappelleuneréserveimportantequipart d'unehypothèse

bienprécise. Cette hypothèseest la suivante : supposonsque, indépendammentde la situation

existant en droit avant l'indépendance,le titre nigérianait étéfondésur un processus de

consolidation historiquequia débutéà l'époquede l'indépendance :la comparaisonavec l'affaire

desMinquiersn'aurait alorsaucune pertinencesurcertainspointsimportants.

240. En l'affairedesMinquiers,la Cour a traité lesdeuxEtatspartiessur un pied d'égalité,
67

pource qui concernaitlapreuvedu titretoutcommepourla chronologie,quiétaitlamême pourles

deuxParties. Enlaprésente espècel,econtextejuridiqueest trèsdifférent.

241. A Bakassi,la possession duNigériafut paisibleet non contestée pendanh tuit ansau

moins après l'accessionà l'indépendance. Dans ce contexte, le Camerounfait figure d'Etat

usurpateur,et non de rival pacifique, commel'étaientchacunle Royaume-Uniet la France dans

l'affairedes Minquiers. En outre, la populationdes groupesd'îles quesont les Minquiers etles

Ecréhous n'étaitpaspermanente, paropposition àlasituationquirègne à Bakassi.

242. Il ressort des pièces produites quele Cameroun étaitbien au fait de la présence
:
nigérianeet des protestations par lesquelles le Nigériaa réagiaux initiatives camerounaises

consistant faireappelauxforces de sécurité. 243.Il faut conclureauvu de ceséléments que leasctivitéscamerounaisesvisanà usurper

letitrenigériapréexistantn'étaienptasdesactivitéexercéesdebonnefoi.

244. Le statu quo qui a suivi l'accession du Nigéria à l'indépendance en 1960 s'est

notammenttraduitpar lapossessionde BakassiparleNigériaet s'esttraduitaussi parla présencà

Bakassid'unepopulationpermanentedontles attachesavecleNigéria soné t videntes.

245. Par ailleurs, le Nigériabénéficiat anifestementd'une prééminencedu fait de son

implantation,n facteur auquelle tribunalarbitralen l'affairedes frontièresentre le Guatemalaet

leHondurasaaccordé uncertainpoids(Recueil dessentencesarbitrales, voII,p. 1359).Comme

je l'ai déjà souligné, l'importadeesattaches deshabitantsd'un territoire contesté esrteconnue

par les directeurs de publication de la neuvième éditionde l'ouvrage d'oppenheim (vol. 1,

p. 709-710,par.272).

246. En outre, dans ce contexte,iy a un autre élémenq tu'il ne faut pas néglig:rune

décisionquifaitéchoauxattachesdeshabitants età un moded'implantation marqué pa lr bonne

foi estaussiunedécisionquimilite enfaveurde lastabilité.

247.Avantde conclure, Monsieurleprésidentj,e m'arrêterain instantsur l'intervention de

monami MauriceMendelsonen ce premiertour de plaidoiries,en particuliersur ce qu'il adit des

fondementsde la thèseduNigériaet du rôle deseffectivités. M. Mendelson a plaidé commu en

juriste pressé,qui n'a pastrouvéle tempsd'examiner leséléments de preuve, ce qui n'estbien

évidemment pasla faute du Nigéria. Pire, leconseil du Cameroun s'estplaint que le Nigéria

6 8 ((cherche à amasser des preuves)) d'effectivitéset à ((align... un exemple après l'autre»

(CR2002/4,p.45, par.23). Un avocat dontles adversairessontaussi acharnésne peutqu'inspirer

de la compassion.Quoiqu'ilen soit,je priela Courdebiennoterque leconseildu Camerounade

toute évidencereconnu dans sa plaidoirieque le Nigériaa produitplus de preuves d'effectivités

queleCameroun.

248. M. Mendelson invoque l'affaire relative auDzfërend frontalier pour étayerson

argumentquiest que la preuve d'une ((effectivitn)'intervientque pourconfirmerles droits nés

d'un titre juridique, un traitépar exemple(CR200214, par.1).Or, cette thèserepose sur une

double hypothèse, à savoir l'existence d'untitre né d'un traité -c'est l'hypothèsedu

Cameroun - et l'impossibilitéde modifierce titre, même pares moyenslicites. La thèseduNigériase fonde quant à elle sur la consolidation historique,et les preuvesd'effectivitéssont

parfaitement compatibles avecette basedetitre. Et quoi qu'ilen soit, Monsieurle président,un

titreéd'un traitépeutbel et bienêtrmodifié pardesmoyenslicites. -x

249. M. Mendelsondit que le Nigériatire argumentde la consolidationhistorique (csotto
*
vote»,orce n'estpasvrai. LeNigénaexposetrèsclairement, aussibiendansson contre-mémoire

que dans sa duplique,le fondementde sa thèse.Par ailleurs, il poussel'acharnementdansson

contre-mémoirj eusqu'à«amasser»onzeréférenceà s des auteurs faisantautorité(contre-mémoire,

p.221-223).

250. M. Mendelsonne s'intéresse guèrv e, ire pas dutout, à la consolidationhistoriquedu

titre, quiest le fondementde lathèse duNigéria,mais faitplutôt appel au conceptde prescription,

qui n'appartient pas à la mêmecatégorieet n'a pas étéinvoquépar le Nigéria.
Selon

M.Mendelson,si le Nigériaavait invoquéla prescription,un trèsgrand nombredes effectivités

énumérée par le Nigéria auraiet tbalayées(CR200214,p. 39,par. 10;p. 51-52,par. 37). Mais

l'affirmationn'estpas fondéeet, entout état decause, le Nigérian'a pas invoquéla prescription.

Le conseil du Camerounne saurait aller jusqu'à réinventerla thèse du Nigériapour pouvoir

l'attaquer.

Pour finir, je tiensremercier les personnesqui m'ont aidéà préparercet exposé, eten

particulierM. ChristopherHackfordet DavidLerer,du cabinetD.J.Freeman.

Ainsi s'achève ma plaidoiree matinetje tiens aussiàremercierla Cour desa courtoisieet

de sapatience.

Le PRESIDENT : Je vousremercie, Monsieurle professeur. Cecimet un termeà la séance

decematin. Laprochaine séanca euralieu lundà 10heures. La séanceestlevée.

L'audienceest levéeà 13h 5.

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