Traduction

Document Number
100-19981207-ORA-01-01-BI
Parent Document Number
100-19981207-ORA-01-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Nori-Corrigé Traduction
Uncorrected Translation
I

CR 98/15 (traduction)

CR 98/15 (translation)

Lundi 7 décembre1998

Monday 7 Decernber 1998 LE PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L'audience est ouverte.

LaCourestaujourd'huiréunie,conformémena tuxdispositionsduparagraphe 4de I'article66

de son Statut pour entendre des exposésoraux au sujet de la requêtepour avis consultatif sur le

Dzflérend relatià l'immunité dejuridiction d'unrapporteur spécialde la Commissiondes droits

de l'homme. La Cour a été saisie de cette requêteà la suite de l'adoption,le 5 août 1998, d'une

résolutiondu Conseil économiqueet social(ECOSOC) priant la Cour de donner, àtitre prioritaire,

un avis consultatif. La décisiondu Conseil économiqueet social se réfêre, dans son préambule,

à «un différend[qui] oppose l'organisation des Nations Unies et le Gouvernement malaisien, au

sens de la section 30 de la convention sur les privilègeset immunités desNations Unies...)) Cette
IJ
résolution,accompagnéed'unenotedu Secrétairegénéradle l'organisation desNations Unies,a été

transmise àla Courpar télécopiele10 août 1998. Je prie le greffier de bien vouloir donner lecture

du dispositif de la décisionno1998/1997 du 5 août 1998 du Conseil économiqueet social qui

énoncela question sur laquelle l'avis de laCour a étédemandé.

LE GREFFIER :

«Le Conseil économiqueet social,

Prie la Cour internationale de Justice de donneà,titre prioritaire, en vertu du
paragraphe 2 de I'article96 de la Charte des Nations Unies et conformément à la
résolution 89 (1) de l'Assemblée générale u,n avis consultatif sur le point de droit
concernant i'applicabilitéde la section 22 de I'articleVI de la convention sur les
privilèges et immunitésdesNationsUnies au cas de Dato'Param Cumaraswamy, en

tant que rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme chargéde la
question de l'indépendance des juges et des avocats, en tenant compte des
paragraphes 1 à 15 de la note du Secrétaire général, et sles obligationsjuridiques
de la Malaisie en i'espèce.))

LE PRESIDENT :En application du paragraphe 1 de l'article66 du Statut, le greffier, par

des communicationsdatées du 10 août 1998,a notifiéla requête pourI'avisconsultatif à tous les

Etats admis à ester en justice devant la Cour. En vertu des dispositions du paragraphe 2 de

I'article66 du Statut, par ordonnance également datéedu 10août 1998, le juge doyen, faisant
009
fonction de présidentde la Cour en vertu du paragraphe 3 de I'article 13du Règlementde la Cour,

a décidéque l'organisation desNations Unies et les Etats partiàsla conventionsur les privilèges -3-

et immunités des Nations Unies sont susceptibles de fournir des renseignements sur la question

soumise a la Cour pour avis consultatif. La requêtepour avis consultatif ayant été expressément

présentée «a titre prioritaire)),il a fixéau 7 octobre 1998la date d'expirationdu délaidans lequel

des exposés écrits sur la question pourraient êtreprésentés à la Cour, conformément au

paragraphe 2 de l'article6de sonStatut,eta fixéau 6 novembre 1998ladate d'expirationdu délai

dans lequel lesEtats ou organisationsqui auraient présenun exposéécritpourraient présenterdes

observations écrites sur les autresexposés écritsconformémentau paragraphe 4 de l'article 66 du

Statut de la Cour. Ces délais ontimmédiatementété portés àla connaissance de l'organisation des

Nations Unies et lesEtats partieslaconvention sur lesprivilègeset immunitésdesNations Unies.

Des exposés écrits ont été présentés parle Secrétaire généralde l'organisation des

Nations Unies et par les Etats suivants:Allemagne, Costa Rica, Etats-Unis d'Amérique, Italie,

Malaisie, Suèdeet Royaume-Uni. Un exposé écrit a étr éeçu de la Grècele 12 octobre 1998. Son

enregistrement tardif a été autorisé.Des observations écrites sur ces exposés écrits ont été

présentéesparle Secrétairegénérad le l'organisation desNations Unies, par leCosta Rica, par les

Etats-Unis d'Amériqueet par la Malaisie.

Le Secrétairegénéradle l'organisation desNations Unies afaitteniràlaCour, enapplication

du paragraphe 2 de I'article65 du Statut, un dossier de documents susceptible de seràiélucider

la question.

Par des communications datéesdu 13 octobre 1998,le greffiera informél'organisation des

Nations Unies et les Etats qui avaienà l'origineété invités présenterdes exposés écrits quela

Cour tiendrait des audiences publiquesà compter du 7 décembre1998,aux fins d'entendre leurs

exposésorauxou observationsorales,s'ilssouhaitaientêtreentendus.Enplus de l'organisation des

Nations Unies, les Etats suivants ont informéle greffier de leur intention de faire des exposés

oraux :Costa Rica, Italie et Malaisie. Le représentant de l'Organisationdes Nations Unies sera

appelé à prendre la parole en premier, et sera suivi, par ordre alphabétique,par les représentants

du Costa Rica, de l'Italie et de la Malaisie. La Cour a décidé, conformémentaux disposition de l'article106de son Règlement,que les

exposés écrits etles observations écrites présentés au sujet dla requêtepour avis consultatif

seraient rendus accessibles aupublicà l'ouverturede cette procédure orale.

Je donne la parole au représentantde l'organisation des Nations Unies, M. Hans Corell,

Secrétaire général adjoint aux affaires juridiquest conseiller juridique de l'Organisationdes

Nations Unies.

M. Corell, vous avez la parole.

M. CORELL : Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour.

1.C'estun grandhonneurpourmoi qued'avoirl'occasionde prendre laparoledevantlaCour

internationale de Justice en vue de l'aider répondre à une question juridique qui revêt une

importance et un intérêt particulierpsour l'organisation des Nations Unies. Par sa décision

19981297,adoptéepar consensus le 5 août 1998, le Conseil économique etsocial a priéla Cour

internationalede Justice de rendre un avis consultatif,itre prioritaire

«sur le point de droit concernant l'applicabilité dela section 22 de l'articleVI de la
convention sur les privilègeset immunitésdes Nations Unies au cas de M. Dato'
Param Cumaraswamy,en tant que rapporteur spécialde la Commissiondes droits de
l'hommechargéde la question de l'indépendance desjuges et des avocats, en tenant
comptedesparagraphes 1à 15de lanotedu Secrétairegénér ..let sur lesobligations
juridiques de la Malaisie en l'espèce)).

Dans le deuxième paragraphedu dispositif de cette décision,le Conseil a égalementinvité

«le Gouvernement malaisien à veillerà ce que tous les jugements prononcés et
mesuresprises surcette questionpar lestribunaux malaisienssoient suspendusjusqu'à
ce que la Cour internationale de Justiceait rendu son avis, qui sera accepté par les
parties comme décisif)).

2. A cet égard,il y a lieu de relever que, dans les quatre procès intentés conM. Dato'

Param Cumaraswamy, il est prévuque les audiences devant les tribunaux civils malaisiens

s'ouvriront lorsde lapremière semaine de février 1999.

3. Les circonstancesayant donnélieu à la présente requête pour avis consultatif concernent

un différend quia surgi entre l'organisation desNations Unies et le Gouvernementde malaisien,

au sens de la section 30 de la convention surles privilègeset immunitésdes Nations Unies. Ce

O différend porte sur l'immunité dejuridictine M. Dato'ParamCumaraswamy, rapporteurspécial -5 -

de la Commission des droits de l'hommechargéde la question de l'indépendancedesjuges et des

avocats. Le point litigieux en I'espèceest la compétencedu Secrétaire géndle déterminersi les

paroles prononcéespar M. Dato'Param Cumaraswarny au cours d'uneinterview et qui ont été par

la suite reproduites dans un article intitulé«La justice malaisienne au banc des accusés»dans le

numérode novembre 1995de la revue du Royaume-Uni International CommercialLitigation ont

étéou non prononcées dans l'accomplissement de sa mission de rapporteur spécial et, dans

l'affirmative,si, aux termes de la convention,Gouvernement malaisien est tenu de donner effet

à l'appréciationdu Secrétairegénéral, selonlaquelle le rapporteur spécialbénéficie de l'immunité

dejuridiction pour ce qui est des paroles qu'il a prononcées.

4. Monsieur le président,je n'entendspas faire ici le résumédes faits, mais j'aimerais me

référerà la première partie, paragraphes à 31, de l'exposéécrit soumisau nom du Secrétaire

généralde I'Organisationdes Nations Unies et aux paragraphes 1à 15 de la note du Secrétaire

généralreproduitedansledocument E/1998/94duConseiléconomiqueet social(dossier, pièce59).

5. Monsieur le président,avec votre permission, je souhaiterais m'attacher maintenanà

examiner dans mon exposé lesquatre questions analysées dans les parties àIV de l'exposéécrit

du Secrétairegénéral,à savoir: 1) le statut du rapporteur spécialen tant qu'experten mission au

sens de l'articleVI de la convention; 2) l'immunité de juridiction du rapporteur spécial

conformément à la section 22 b) de l'article VI de la convention; 3) les droits et obligations du

Secrétairegénérasl'agissant demaintenir les privilègeset immunitésdes expertsen mission ou d'y

renoncer, conformément à la section 23 de l'article VI de la convention; et enfin 4) les obligations

du Gouvernementde la Malaisie conformément à la section 34 de la convention.

6. Après ce résumé,je souhaiterais faire quelques remarques spécifiques sur les autres

exposés écrits et observationsécrites soumis dansla présenteinstance. Je traiterai séparémentla

question de la responsabilitépour manquementà des obligations,avantde tirer des conclusions au

nom du Secrétairegénéral.

7. Avant d'entrer dans les détailsde I'espèce,je tieàssouligner que les effets de l'avis

' consultatifde la Cour irontbien au-delà de la question du statut desexperts en mission. En réalité,

il n'est pas possible de distinguer le rôle du Secrétaire gln l'espèceet une situation où des -6-

questionssimilaires seposeraienàl'égarddetout agent desNations Unies, qu'ils'agissed'unexpert

en mission ou d'un fonctionnaire. C'est pourquoi l'avis consultatif rendre sera lourd de

conséquencespour l'organisation dans son ensemble.

1.Le rapporteur spécial estun expert en mission ausens de la section 22 de I'articleVI
de la conventionsur les privilègeset immunitésdes Nations Unies

8. Monsieur le président, permettez-moi d'examinerla première des quatre questions

principales,à savoir celle du statut du rapporteur spécial.En l'occurrence, je pourrai être

extrêmementbref.

9. L'OrganisationdesNations Uniestienttout d'aboràrappeler que lesrapporteurs spéciaux
w
de laCommissiondesdroitsde l'hommebénéficiendtu statutd'expertsen missionet qu'ilsjouissent

doncdesprivilèges et immunitésprévus àla section 22de la convention. Celaestfermementancré

dans la pratique établie de l'organisation et aétéconfirmé par laCourdans son avis consultatif du

15 décembre1989 sur 1'Applicabilité de la section 22 de l'article VI de la convention sur les

privilèges et immunitésdes Nations Unies, communémentconnu sous le nom d'«avis Mazilu)).

10.En tant que rapporteurspécialde laCommission des droits de l'homme, M. Dato'Param

Cumaraswamy est donc incontestablement un expert en mission et bénéficie desprivilèges et

immunitésprévus à la section 22 de la convention. Le statut du rapporteur spécialn'estd'ailleurs

pas un point litigieux entre les parties.

II. Le rapporteur spécial bénéficdie l'immunité de juridiction
prévue à la section 22 bj de l'articleVI de la convention

11. La deuxième question principale, Monsieur le président, concerne l'immunitéde

juridiction du rapporteurspécial. Conformément la section 22 b)de l'articleVI de la convention,

les experts, lorsqu'ilsaccomplissentdes missions pour l'organisation desNations Unies, jouissent

de l'«immunitéde toutejuridiction en ce quiconcerne les actesaccomplis par eux au cours de leurs

3 missions (y compris leurs paroles et écrits).L'immunité de juridiction que la section2 de

l'articleVI accorde aux experts en mission est strictement fonctionnelle. 12.En conséquence,en tant qu'expert enmission,M. Dato'Param Cumaraswamybénéficie

de l'immunitéde juridiction pour ce qui est des paroles qu'il aprononcéeset des actes qu'il a

accomplisau cours de sa mission de rapporteur spécialde la Commissiondes droits de l'homme.

13. Dans l'avisMazilu, la Cour a confirméque l'immunité s'appliquaiatussi à 1'Etatdont

l'expertenmission est unressortissant. Leparagraphe 52decet avisrevêut n intérêttouptarticulier

en l'espèce:

«52. Pour conclure, la Cour estime que la section 22 de la convention
généraleest applicable aux personnes (autres que les fonctionnaires de
l'organisation des Nations Unies) auxquelles une mission a été confiée par
l'organisation et qui sont de ce fait en droit de bénéficierdes privilèges et
immunités prévuspar ce texte pour exercer leurs fonctions en toute
indépendance.Pendant toute laduréede cettemission, les expertsjouissent de

ces privilègeset immunitésfonctionnels,qu'ilssoient ou non en déplacement.
Ceux-ci peuvent êtreinvoqués à l'encontre de1'Etatde la nationalitéou de la
résidence, sauf réserveà la section 22 de la convention générale formulée
valablement par cetEt&» (C.I.J. Recueil 1989,p. 195-196.)

14.La Malaisie ayant adhéré àla convention le 28 octobre 1957 sans émettre deréserve,

l'immunitéde juridiction du rapporteur spécial, telle qu'elle découle de la section 22 b) de

l'article VIde la convention, peutêtreinvoquéeà l'égardde l'Etatde sa nationalité,la Malaisie.

III. Sous réserve deI'articleVm de la convention, le Secrétaire généra al la compétence
exclusive, aux termes de la section 23 de I'articleVI de la convention, de renoncer
aux privilègeset immunitésdont bénéficienltes experts en mission
aux termes de la section 22, ou de les maintenir

15. Monsieur le président,le troisième point importantest que, sous la seule réserve de

I'article11de la convention, le Secrétairegénéral ala compétence exclusive, aux termesde la

section23 de I'articleVI de la convention,de renoncerauxprivilègeset immunitésdontbénéficient

les experts en missionaux termes de la section 22,ou de les maintenir. Je voudrais traiter cette

question sous cinq aspects distincts.

0 fi 4 A. Le fondement juridique du pouvoir du Secrétaire général

16. Le premier aspect concerne le fondementjuridique du pouvoir du Secrétaire général.

Ce pouvoir découlede la section 23 de l'article VIde la convention qui dispose ce qui suit «Les privilèges et immunités sont accordés aux experts dans l'intérêt e
l'organisation des Nations Unies, et nànleur avantage personnel. Le Secrétaire
générapl ourra et devra lever l'immunité accàrun expert, dans tous les casàoù,
son avis, cette immunitéempêcheraitque justice soit faite et où elle peut êtrelevée
sans porter préjudiceaux intérde l'Organisation.» (Lesitaliques sont de nous.)

17. Le pouvoir de lever l'immunitéd'un expert en mission, conférépar la section 23 de

l'articleVI de la convention, appartient exclusivementau Secrétairegénéral,et l'iée peut

êtrelevéepar l'expert enmission lui-mêmeni par lestribunauxnationaux d'unEtat Membre partie

à la convention. Le fait que le Secrétairegénl ispose d'unecompétenceexclusivà cet égard

est confirmé non seulement par le libelléde la section 23 de l'article VI, mais aussi par les

dispositionsdes sections 29 et 30 de l'article VIII, concernantle règlement des différends relatifs
-
à toute contestation portant sur l'interprétationou l'application de laconvention.ntion

prévoitque les contestations ne doivent pas êtrerégléespar les tribunaux nationaux d'un Etat

Membre partie à la convention, mais que les différendsentre l'organisation des Nations Unies et

un Etat Membre doivent êtretranchésen un recourantà la compétenceconsultative de la Cour.

Conformément à la section 30, l'avis dela Cour sera acceptépar les parties comme décisif.

18. Monsieur le président, laCour, dans son avis consultatif du 11avril 1949, en l'affaire

de la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, connu sous le nom de

l'«Affairede la réparation)),a déclaré,notamment, que

«Afin de garantir l'indépendance de l'agent et, en conséquence,l'action
indépendantede l'organisation elle-même,il est essentielque l'agent,dans l'exercice
de ses fonctions, n'ait pas besoin de compter sur une autre protection que celle de
l'Organisati..[S'il devait]avoàrs'enremettreàla protection de son propre E...
son indépendance pourrait,contrairement au principe qu'applique l'article 100 de la
Charte, se trouver compromise.)).I.J. Recueil 1949, p. 183).

La Cour a ajoutéque :

«Aconsidérerlecaractèredesfonctionsconfiéesà l'organisation et lanature des
missions de sesagents, il devient évident quela qualitéde l'organisation pour exercer,
dans une certaine mesure, une protection fonctionnelle de ses agents, est
nécessairementimpliquéepar la Charte.))Ibid., p. 184) 19.Cette expression de l'avisde la Cour est conformeà la thèseconstamment soutenue par

l'organisation des Nations Unies, en application de la convention et de la Charte, selon laquelle

c'est au Secrétaire générala,u nom de l'organisation, qu'il appartient d'assurer aux experts en

mission laprotectionfonctionnelle à laquelleilsont droit lorsqu'ilsagissent dans l'exécutiondeleur

mission pour les Nations Unies.

20. Le Règlement du personnel de l'organisation des Nations Unies et les résolutionsde

l'Assembléegénérale étayenlta conclusion que le Secrétaire généra dlispose d'unpouvoir exclusif

pour maintenir et pour lever l'immunitéfonctionnelle des fonctionnaires des Nations Unies. Il

s'ensuit que le Secrétairegénérala le mêmepouvoir à l'égardde I'immunitéfonctionnelle des

experts en mission. L'article 1.8 du règlement du personnel, qui a étéétabli par l'Assemblée

générale conformémena tu paragraphe 1 de l'article 101 de la Charte, dispose que

«Dans tous les cas où ces privilèges ou immunités sont en cause,le fonctionnaire
intéressérend immédiatement compte auSecrétairegénéralq ,ui aseul qualitépour décider

s'il y a lieu de lesever.))(Les italiques sont de nous.)

2 1.La compétenceexclusivedu Secrétaire généra elstinextricablement liàesonrôle deplus

haut fonctionnairede l'organisation, conformément à l'article97 de la Charte des Nations Unies,

et à l'obligation qu'impose aux Etats Membres le paragraphe 2 de l'article 100 de la Charte, de

((respecter le caractère exclusivement international des fonctions du Secrétairegénéralet du

personnel et [de] ne pas chercher a les influencer dans l'exécutionde leur tâche)). Le caractère

exclusivement international des fonctions de l'organisation et de ses agents, tant fonctionnaires

qu'expertsen missions, ne saurait êtrepréservéégalement etuniformémentdans le monde entier

si leurs activités officielles étaient susceptiblesdcontestéesdevant lestribunaux nationauxde

chaque Etat Membre.

22. La distinctionentre les actes accompliàtitre officiel et ceuxqui le sàntitre privé,qui

se trouve au cŒurdu concept de I'immunitéfonctionnelle,est une question de fait qui dépenddes

'' circonstancesdechaqueespèce. La position de I'OrganisationdesNations Uniesest qu'ilappartient

exclusivement au Secrétaire général dedéterminer l'étenduedes devoirs et obligations des

fonctionnaires des Nations Unies. L'Assemblée générale d,ans sa résolution361232du - 10-

18 décembre 1981,a pris acte, sans aucune objection, de cette affirmation de I'autorité exclusive

du Secrétairegénéral. Danscette résolution, l'Assemblég eénérale a appelé les Etats Membres à

reconnaître I'immunitéfonctionnelle d'unfonctionnaireque le Secrétaire général avaiitnvoquée.

23. L'Assembléegénérale aconfirmé àplusieurs reprises, dans des résolutionsultérieures,

les responsabilitésdu Secrétairegénéralà l'égardde la protection de I'immunitéfonctionnelle de

tous les fonctionnaires des Nations Unies.L'Assembléea fermement affirmé que le non-respect

des privilègeset immunitésdes fonctionnairesa toujours constituél'undes principaux obstaclesà

l'accomplissementdes missions et programmes dont les institutions du système desNations Unies

étaient chargéespar les Etats Membres et elle a appelé ceux-cià mettre le Secrétairegénéralen
I
mesure de s'acquitterpleinement de son droit de protection fonctionnelle. L'Assembléegénérale

a ainsi confirmé la position constamment maintenue par les Nations Unies à l'égardde la

compétenceexclusive que possède le Secrétaire générad le déterminer l'étenduedes devoirs et

obligations des fonctionnairesdesNations Unies et a demandé quel'affirmationde leur immunité

fonctionnelle par le Secrétairegénéralsoit reconnue.

24. Pourtant,à la seule réservede l'articleVI11de la convention, il appartient au Secrétaire

générale,t non aux tribunaux nationaux des Etats Membres, de déterminersiun acte d'un agent de

l'organisation, qu'ilsoit fonctionnaire ou expert en mission, a étéou non accompàititre officiel

ou dans le cadre de l'exécution d'une missionpour les Nations Unies.

B. La pratique établiedes Nations Unies a invariablement affirmél'autoritéexclusive du
Secrétaire générd al faire valoir ou de lever I'immunité

25. Monsieur le président, le second aspect dans ce contexte est la pratique suivie par

l'Organisation. La pratique établie de longue date de l'organisation des Nations Unies est de

considérerque lepouvoird'apprécierce quiconstitue unacte ((officiel))ou «non ofTiciel»appartient

exclusivement au Secrétairegénérae lt que la question de savoir si lesactes dont il s'agitétaientou

non officiels ne saurait, aux termes de la convention, êtretranchéepar un tribunal national. De

même,lapratique bien établieauxNations Unies est que, si le Secrétairegénéraldécidequle 'objet

de la plainte n'estpas liédes fonctionsofficielles, I'Organisationn'invoque pasl'immunité.En - 11-

outre, mêmedans le cas où l'immunité existerait,le Secrétaire généraplourrait toujours la lever

lorsque,a sonavis celle-ci empêcheraitquejustice soit faite et lorsque la levéede l'immuniténe

nuirait pas aux intérêtde l'organisation.

26. La position de l'organisation des Nations Unies est résuméedans une déclarationaux

Etats Membres faite par le conseillerjuridique devant la CinquièmeCommission de l'Assemblée

générale,le 1" décembre1981. Je me réfère à cet égardà la pièceno84 de notre dossier. Dans

sa déclaration, le conseiller juridique a noté que les poursuites judiciaires l'encontre d'un

fonctionnaire empêchaient le Secrétaire générad l'exercer le droit reconnu par les instruments

juridiques internationaux envigueur de déterminerentoute indépendancesi un acte accomplà titre

officiel étaiten cause ou non.11a fait observer que s'ilest établi quel'acte en cause n'a pas de

caractèreofficiel, le Secrétairegénérl, aux termes de la convention, non seulement ledroit mais

aussi le devoir de lever l'immunitéaccordéeàun fonctionnaire. Le conseillerjuridique a déclaré

que les dispositions relativesà l'immunitéde juridiction ou le principe de la protection des

fonctionnairesdans l'exercicede leursfonctions nevisent paàmettre cesfonctionnairesau-dessus

de la loimaisà s'assurer,avantque ces fonctionnairesne fassentl'objetdepoursuites, qu'aucunacte

officiel n'esten cause et qu'iln'est portéatteiàtaucun intérêt de l'organisation.

27. Le dossier présentpar l'OrganisationdesNations Unies conformément à l'article65 du

Statut de la Cour montre non seulement que le Secrétairegénéralst disposéà lever les privilèges

et immunités des fonctionnaires et experts en mission lorsque ces privilèges et immunités

empêcheraientquejustice soit faite et qu'ilspeuvent êtrelevéssans nuire aux intérêts desNations

Unies mais aussi qu'ilveille scrupuleusementàne pas invoquer d'immunitélorsque les paroles ou

les actes incriminésnesontpas liés aux fonctionsofficiellesd'unfonctionnaire des Nations Unies

ou à la mission ou au mandat confié àun expert en mission. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire

de m'étendredavantage sur ce point. C. Le Secrétaire général a exercé son pouvoir exclusif de déterma portéede la mission
O 1 8 du rapporteur spécial et la possibilitéd'invoquer son immunitéde juridiction

28. Monsieur le président,j'enviensmaintenant autroisièmeaspect de laq:laportée

de la mission du rapporteur spécial.l'espèce, le Secrétaire généraà aucun moment levé

l'immunitéjuridictionnelle du rapporteur spécial, et n'a d'ailleursjamais àtle faire en

l'occurrence. Le Secrétairegénél établi quedans ce cas particulier Dato'Cumaraswamy

avait étéinterviewédans ses fonctions officielles de rapporteur spécial;que l'articleparu dans la

revueInternationalCommercialLitigationindiquaitclairementsesfonctionsofficielleset lemandat

qu'ilavait reçu de l'ONUpour enquêtersur des allégationsconcernant l'indépendancedes organes

judiciaires; et enfinque l'article let lespassages encauseconcernaient detelles allégations.-

En outre, les rapporteurs spéciauxde la Commissiondesdroits de l'hommeonttoute latitudepour

faire connaître leurs activités,et la Commission considèreque cette publicitéconstitue un moyen

de faire mieux connaître les normes et les violations en matière de droits demme. Le

rapporteur spécialavait rendu compte la Commission de ses méthodesde travail et de son

intention de mener ses propres activitésde sensibilisation, en plus de celles de ce qui étaitalors le

centre pour les droits de l'homme.

29. Compte tenu de ce qui précède,le Secrétairegénérala décidéque les propos qui
constituent le fondement de la plainte des demandeursen la présenteespèce avaient par tenus

le rapporteur spécial dans le cadre de sa mission et il a donc affirmé que
1
Dato'Param Cumaraswarny bénéficiede l'immunitédejuridiction en ce qui concerne ses propos.

A cet égard,il convient d'observerque dans ses résolutions 1995136du 3 mars 1995, 1996134du

19 avril 1996 puis dans les résolutions 1997123du 11 avril 1997 et 1998135du 17 avril 1998

(piècesnos5-8 du dossier), la Commission des droits de l'hommea constamment pris acte avec

satisfaction de ladéterminationdu rapporteur spécialde faire largement connaître ses activités.En

outre, lorsqu'ellea renouveléle mandat du rapporteur spécialpour une nouvelle période de trois

ans, dans sa résolution 1997123(pièce no7 du dossier), la Commission, qui avait pu prendre

connaissance de trois rapports du rapporteur spécial, savait exactement sur quelle base celui-ci

menait son étudesur le pouvoirjudiciaire de la Malaisie, quelsétaient sesrapports avec la presse, - 13-

O 1 9 et que des procès lui avaient été intensevant les tribunaux nationaux malaisiensEn décidant

de reconduiresonmandat, laCommissionconfirmait doncqu'elleapprouvait lesméthodesdetravail

du rapporteur spécial,ainsi que la manière dontil s'acquittaitde samission, notamment par le biais

de déclarationspubliques, y compris des déclarationà la presse.

D. Le maintien de l'immunitédu rapporteurspécial n'entraveraitpas le cours de la justice

30. Monsieur le président,le quatrièmeaspect de la question est le sui:le maintien de

l'immunité durapporteur spécial n'entraverait pas le cours de la justiceL'articleVI11de la

convention ouvre des voies de recours tant aux particuliers qu'aux gouvernements des Etats

Membres parties à laconvention. Le Secrétairegénérarlconnaît qu'il peutsurgirdescontestations

sur le point de savoir si un acte était«officiel», ou si un fonctionnaire ou expert a outrepasséson

mandat, mais la convention prévoit expressémentes modes de règlementdedifférendsappropriés

relevant du droit privési l'organisation des Nations Unies est paràiun tel différendou si le

Secrétairegénéraln'apas levé l'immunité enapplication de la section9. Elle prévoitaussi que

des différendsqui surgiraiententre l'organisation et sesEtats Membres peuvent êtreportésdevant

la Cour dans le cadre de la compétence consultativede celle-ci, en application de la section 30.

Ces procédures sont applicables pour régler une contestation portant sur l'interprétationou

l'application de la convention, et non au refus de tenir compte d'uneappréciationdu Secrétaire

généralou àun jugement porté surcelle-ci par des tribunaux nationaux.

E. La levée de l'immunitédu rapporteur spécial porterait préjudice aux intérêts de
l'organisation des Nations Unies

31.Monsieur le président,le cinquièmeet dernieraspect concernant les droits et devoirs du

Secrétaire général est quela levéede l'immunitédu rapporteur spécialporterait préjudice aux

intérêtdse l'Organisation des Nations Unies.

32. Selon le Secrétairegénérali,l importe au plus haut point que soit admis le principe selon

lequel c'est lui seul qu'ilappartient de déterminersi des fonctionnaires de l'organisation ou des

experts en mission se sont exprimés oralement ou par écritou ont accompli des actes«en leur

qualitéofficielle))(danslecas defonctionnaires) ou «dans I'accomplissementdeleurmission))(dans - 14-

le cas d'expertsen mission). Si ce pouvoir de détermination n'étaiptas reconnu au Secrétaire

général,c'esatux tribunauxnationauxqu'ilappartiendraitde déterminer- et pour seulun propos

ou un seul acte, plusieurs tribunaux nationaux pourraientêtreconcernés,Monsieur le président,

- si un fonctionnaireou un expert, ou un ancienfonctionnaireou expert,jouit de l'immunité pour

les actes qu'il a accomplis pour ses paroles ou ses actes. Si les tribunaux nationaux pouvaient

statuer sur les privilèges et immunitésdes Nations Unies, les effets seraient certainement

préjudiciablesà l'indépendancedes fonctionnaireset experts, qui pourraientainsi craindre d'être

exposés à tout moment, qu'ils soient encoreou non en fonctionà devoir rendre compte,au civil

comme au pénal, devantun tribunal national, pas nécessairement dans leuprropre pays, d'actes

accomplis de leurs paroles ou de leurs écrits,en tant que fonctionnairesou experts.

33. S'ilsnejouissaientpas d'uneindépendancetotale, les experen droitsde l'hommeet les

rapporteurs spéciaux hésiteraientà s'élevercontre les violations des normes internationales en

matière dedroits de l'hommeet à les dénoncerdans leurs rapports. L'intervention destribunaux

nationaux ne pourrait que mettre en échec et,si elle devait se généraliser,n danger tout le

mécanisme de protectiondes droits de l'hommedes Nations Unies. En outre, toute atteinte au

pouvoir exclusif du Secrétairegénéral delever ou de maintenir les privilègeset immunitésdes

experts en mission constitue en mêmetemps une mise en cause de son pouvoir exclusif de

préserveret de protéger les privilèst immunitésde l'organisation desNationsUnieselle-même

et de ses fonctionnaires. Je rappelle ce que j'ai dit au début sur les conséquse laprésente

affaire pour l'organisation dansson ensemble.

F. Conclusion

34. Pour conclure, ence qui concerne le troisièmepoint principal, Monsieurle président,

l'organisation des Nations Unies soutient,comme elle l'a fait constamment, que le Secrétaire

généraa l lepouvoirexclusif,sousréservede l'article1 d1e la convention,d'appréciridesactes,

y compris des paroles et des écrits, ont été accompliasu cours d'une missionpour l'organisation

desNations Unies, et si lesditsactes ou parolesentrent dans le cadredu mandatconfién expert

des Nations Unies en mission. Ces questions ne peuvent êtreexaminéesni tranchéespar des - 15-

tribunaux nationaux. 11est évident quesi les tribunaux nationaux étaient habàinfirmer une

décisiondu Secrétairegénéradle l'OrganisationdesNations Unies, qui ajugéqu'unacte,y compris

O2 1 une parole ou un écrit,a étéaccompli au cours d'une missionpour l'organisation, une pléthorede

jugements contradictoires seraient inévitablement prononcés,dtonnéle grandnombre de pays

où l'organisation mène ses activités. Dans de nombreux cas, cela reviendraià dénier toute

l'immunité.

35. De même, ilest inacceptablequ'untribunal national puisse considérerqu'unacte qualifié

d'«officiel» par le Secrétaire génalcessé del'êtrparce que, de l'avis de ce tribunal, cet acte

dépasse le cadre du mandat. Une telle décisionconstituerait également une négationtotale de

l'immunité. Prétendrequ'il incombeà un fonctionnaire ou à un expert en mission, ou bienà

l'organisation des Nations Unies, au nom de celui-ci, de prouver devant un tribunal national que

les propos incriminésont éttenus dans l'exercice defonctionsofficielles, qu'enagissant ainsi, ce

fonctionnaire ou expert en mission estresté dansle cadrede sa mission et qu'iljouit par conséquent

de l'immunitéde juridiction pour ces propos, constitue en soi une violation de l'immunitéde

juridiction dont jouissent ce fonctionnaire ou expert et l'Organisation.

36. Monsieur le président,s'ils doivent avoir un sens réel, les mots((immunitéde toute

juridiction)) qui figureàtl'alinéab) de la section 22 de l'article VI de la convention doivent

couvrir l'immunità l'égard de procédurudiciaires visanàdéterminerl'applicabilitéet la portée

de cette immunitémême. Contraindreun fonctionnaire ou un expert en mission à prouver ouà

défendreI'immunitéattachéeà ses fonctionsdevant un tribunal national d'unEtat Membre revient

pratiquementà soumettre ce fonctionnaire ou cet expeàtdes poursuites judiciaires et viole par

conséquentson immunité, demêmeque celle de l'organisation.IV. LE GOUVERNEMEN DE LA MALAISIE EST TENU, AU TITRE DE LA SECTION 34 DE LA
CONVENTION, DE DONNER EFFET AUX PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS DONT JOUIT LE
RAPPORTEURSPÉCIALEN VERTU DE L'ALINEAB) DE LA SECTION 22

37. Monsieur le président,j'enviens maintenaàtla quatrième question principaàesavoir

l'obligation qui incombe au gouvernement de laMalaisie aux termes de la section 34 de la

convention. A cet égard,je relèverai brièvement deaspects:l'obligationet la responsabilité qui

en découle.

A. Le Gouvernementde la Malaisiea l'obligationde donner effet àl'immunitédejuridiction
du rapporteur spécial

38. Monsieur le président,voici le premier aspect. Conformément à la section 34 de la
rJ
convention, <<[ilest entendu que lorsqu'un instrument d'adhésioenst déposépar un membre

quelconque,celui-ci doit êtreen mesure d'appliquer, en vertude son propre droit, les dispositions

de la présenteconvention)).La Malaisiea adhéréàla convention le 28 octobre 1957sans aucune

réserve.

39.Conformément a la section34, legouvernementd'un EtatMembrepartie àlaconvention

a l'obligationde donner effeà l'immunitéde juridiction d'un expert en mission, aux termes de

l'alinéab) de la section22 de l'articleVI de la convention. Cette dernièreobligation comàrend

tout lemoinscelle d'aviserles autoritésjudiciaires compétesu fait que le Secrétairegénéral de

l'organisation desNations Uniesadécidéqulees propos ouactesquiontdonnélieuauxprocédures

engagées devant ses tribunauxnationauxont été tenuou accomplisau coursd'une mission pour rl

les Nations Unies et que l'organisation apar conséquentmaintenu l'immunité dejuridiction de

l'expert en mission intéressépour ces propos ou ces actes.e plus, il incombe égalementau

gouvernement,si besoinest, d'intervenir danslasuitedes procédures pourdéfendrecette immunité

et en garantir le respect,luidonnantainsi effet. Unetelle interventiond'agents d'ungouvernement

ne constitue pas une atteinàel'indépendancedu pouvoirjudiciaire. A cet égard, l'organisation

des Nations Unies fait égalementvaloir qu'inviterle gouvernementd'un EtatMembre s'acquitter

des obligations internationalesqu'ila librement et légalementaccepen adhérant sansréserve - 17 -

à la convention ne constitue en rien une méconnaissanceou une violation de la compétencepropre

auxtribunaux nationaux decet Etat Membre. De fait, Monsieur le président, detelles interventions

sont très fréquentes.

40. L'Organisationdes Nations Unies estime que la Malaisie n'a pasrempli les obligations

que lui impose la convention. A cejour, le Gouvernementde laMalaisie n'apas transmis ni même

signalé à ses autoritésjudiciaires compétentesl'attestationd'immunité délivrépear le Secrétaire

généralle 7 mars 1997. Le gouvernement n'apas non plusofficiellementinforméces autoritésque

le Secrétairegénéra dle l'organisation desNations Unies avaitjugéque lespropos ayantdonnélieu

aux poursuites intentées devant ses tribunaux nationaux avaient été tenus au cours de

I'accomplissement d'une missionpour les Nations Unies et que l'organisation avait maintenu

I'immunité dejuridiction du rapporteur spécialà leur égard.

41. En outre, conformément à l'alinéab) de la section 22 de la convention, les experts en

missionjouissent de I'immunité detoutejuridiction «en cequiconcerne lesactesaccomplispar eux

au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et écrits))).Le certificat du ministre indique

que Dato' Param Cumaraswamy «jouit de l'immunitéde toute juridiction seulement en ce qui

concerne les actes accomplis par lui au cours de sa missiony compris ses paroles et ses écrits))).

Le mot «seulement» ne figure nulle part àl'alinéab) de la section 22 de la convention. Dans ce

certificat, le ministre invitait en pratique les tribunaux nationauxclure qu'il leurappartenait

d'apprécier sile rapporteur spécialavait tenu les propos incriminésen sa qualité officielleet si ce

faisant, il agissaitdans le cadre du mandat qu'il avaitreçu de laCommission des droits de l'homme

de l'organisation des Nations Unies.

42.Monsieur leprésident,en s'abstenantdemodifier ou de compléterle certificatd'immunité

délivrépar le ministre, et d'intervenir de toute autre manièredans la procédure judiciaire pour

confirmer I'attestation du Secrétaire généraou en garantir le respect, le Gouvernement de la

Malaisie a implicitement autorisé ses tribunaux à statuer sur le bien-fondéde la décision du

Secrétairegénérae ln ce qui concerne la qualité officielle etla portéede la mission du rapporteur - 18 -

spécial. Le gouvernement a ainsi manqué à l'obligation qui estla sienne, en vertu de la section 34

de la convention, de donner effet aux privilèges et immunités dontjouit le rapporteur spécialau

titre de l'alinéab) de la section 22 de l'article VI de celle-ci.

43. Si, pour une raison quelconque, le gouvernement de la Malaisie étaiten désaccordavec

le Secrétairegénéral au sujete l'immunitédejuridiction du rapporteur spécial,il pouvait,faut

d'une ententesurle recoursà un autre mode de règlement,porter, unilatéralementou conjointement

avec les Nations Unies, le différenddevant la Cour internationale de Justice pour luidemander un

avis consultatif, conformémentà la section 30 de l'article VI11de la convention. En attendant le

O2 4 règlementdudifférendentrelegouvernementet l'organisation desNations Unies,leGouvernement

de laMalaisieétaitet est tenu deveillàrce quetous les jugements et procéduressoientsuspendus.

Le Gouvernementde la Malaisie y est invitéau paragraphe 2 du dispositifde la décision19981297

du Conseil, en attendant laréception deavis consultatifde laCour, qui seraacceptépar lesparties

comme décisif.

B. Le Gouvernement dela Malaisie est responsableen dernièreinstancede tous les frais et
dépenset des dommages-intérêtsqui pourraientdécouler p doeursuitesintentéesdevant
ses tribunauxnationaux

44. Monsieur le président, voicile second aspect: celui de la responsabilité. L'Organisation

desNations Unies soutient que si un gouvernement omet de prendre les mesuresappropriéesenvue

de donner effet aux immunités de I'Organisationou de ses agents et permet en conséquence

l'engagement de poursuites devant ses tribunaux nationaux, le gouvernement en cause est

responsable detous les frais et dépenset detous lesdommages-intérêtdécoulantde ces poursuites

ou fixéspar ses tribunaux.

45. L'Organisation desNations Unies a l'intentionde revenirplus en détailsurcette question

dans quelques instants, mais il y a lieu de rappeler ici que la Cour actuelle, en l'affaire de la

Réparationdes dommages subisau servicedes Nations Unies (C.1.JRecueil1949, p. 174),a dit

que l'organisation a qualité pourprésenter une demandeinternationalede réparation àraison du

manquement par un Etat Membre de ses obligations envers elle. - 19-

46. L'Organisationdes Nations Unies ayant soutenu que les propos sur lesquels se fonde la

plainte des demandeurs ont été tenus par lerapporteur spécialau cours de sa mission, celui-ci doit

êtreindemniséde tous frais et dépens oudommages-intérêtsu'ilauraitversés,ou qui auraient été

mis à sa charge, dans le cadre des poursuitesjudiciaires engagées contre lui, et l'organisation des

Nations Unies peut présenterune demande de réparation pources dépenses. Le rapporteur spécial

est par conséquenten droit d'être rembourpar l'organisation des Nations Unies de tels frais et

dépens ou dommages-intérêts. Deplus, dans le cas où elle serait contrainte de supporter

directementlesdits fraisetdépensetdommages-intérêts,l'organisation soutituec'est en dernier

ressort au Gouvernement malaisien qu'il incombe d'assumer la totalité de ces frais et dépens et

O 2 5 dommages-intérête sffectivementversésouencouruspar lerapporteurspécialet/oàluidirectement

remboursésou versésen son nom par I'Organisation. Comme je l'aidit, Monsieur le président,

nous comptons revenir sur ce point dans quelques instants.

V. RÉPONSE AUX EXPOSÉS ET OBSERVATIONSÉCRITS SOUMIS PAR DIFFÉRENTS ETATS

47. Qu'ilme soit permis de formuler quelquesremarques particulières concernant certaines

des observations et conclusions présentées dans leurs expet observations écrits parles Etats

participanà la présente instance.

48. Monsieur le président,aux paragraphes 9.7 et 9.8 de son exposé écrit,le Gouvernement

malaisien prétendqu'ilest futàlce stade de saisir la Cour du différend en invoquantla section 30

de l'articleVI11de la convention. L'Organisation des Nations Unies soutient qu'unecontestation

portant sur l'immunitédejuridiction d'unexpert en mission est par essence mêmeune contestation

portant sur l'interprétationou l'applicationde la convention. En l'espèce,un tel différend oppose

l'organisation des Nations Unies d'une part et'un de ses Etats Membres d'autre part. C'est

précisémentquand surgit un différendde cette sorte qu'ily a lieu de saisir la Cour en présentant

une requête pouravis consultatifconformémentaux dispositions de l'article 96 de la Charte et de

l'article65 du Statut de laCour. Loin d'être futilerendu de la Cour doit êtreaccepcomme

décisifpar les parties auxtermes de la section 30 de la convention et du paragraphe 2 du dispositif

de la décision19981297du Conseil économiqueet social. -20 -

49. Au paragraphe 4.7 de ses observations écrites,le Gouvernement malaisien note que

l'OrganisationdesNations Unies n'ajamais abordédans son exposéécritle droit et l'obligationdu

Secrétairegénéradle lever I'immunité,référanctentrer ses argumentssur le point de savoir quia

le droit de lever l'immunité.Tout au contraire, l'organisation des Nations Unies aconstamment

soutenuqu'il appartientau Secrétairegénérdle leverI'immunisi,àsonavis,celle-ciempêcherait

que justice soit faite et si elle peut êtrelevée sansque cela porte préjudiceaux intérdes

l'organisation. De surcroît, la première conclusion à laquelle parvient l'organisation des

Nations Unies dans son exposé écritest quele pouvoirdu Secrétaire généae déterminersi des

O 26 propos ont éttenus par un expertdesNations Uniesdans I'accomplissementde samissionet dans
*
le cadre du mandat qui lui a été confiéva de pair avec son droit et son obligation de lever

l'immunité conformémenatux dispositions de la section 23 de la convention.

50. En outre, l'Organisation desNations Uniesprie une fois encore la Cour de se auférer

dossier, d'oùil ressort clairement que le Secrétairegénlst non seulement disposé lever les

privilègeset immunités dans lescas où, son avis,ceux-ci empêcheraientquejustice soit faiteet

où ils peuvent êtrelevéssans que celaporte préjudiceaux intérêts dle'organisation,mais encore

qu'ilveille avec le plus grand soin pas affirmerl'existenced'unequelconqueimmunité lorsque

les propos ou les actes incriminéssont sans rapport avec des fonctions officielles ou avec une

mission ou un mandat de l'organisation desNations Unies.

51.Au paragraphe 7.8de sonexposéécrit,leGouvernement malaisien prétend qu'aucufnait W

n'a étérévélé tendant à montrer que la levéede l'immunitéirait à l'encontre des intérêts de

l''Organisation des Nations Unies. Il y a lieu d'emblée denoter qu'à aucun moment le

Gouvernement malaisien ou les demandeurs privésn'ont demandéla levéede l'immunitédu

rapporteur spécial. S'agissantde l'affirmationde l'Organisationdes Nations Unies selon laquelle

le fait que des tribunaux nationaux statuent sur les privilègeset immunités porterait atteinte aux

intérêts de l'organisatien générale,t au mécanisme de protectiondes droits de l'hommedu

système desNationsUnies en particulier,l'organisation des Nations Uniesprie respectueusement

la Cour de se reporter aux piècesn0Y8, 32, 33, 35, 36, 37, 40, 44 et 54 du dossiàrlatpartie IV E) de son exposéécrit.Le Costa Rica, les Etats-Unis d'Amérique,le Royaume-Uni de

Grande-Bretagne et d'Irlandedu Nord et la Suède ontconfirmé l'importancede ces intérêtd sans

leurs exposés écritsrespectifs.

52. Dans sa lettre au Secrétairegénéral en datdu 2 octobre 1998,le Haut Commissaire aux

droitsde l'homme s'étend sur les effets négatifs qu'une décision rendue res tribunauxnationaux

concernant les privilèges et immunités de rapporteurs spéciaux auraient sur le mécanisme de

protection des droits de I'hommedes Nations Unies. Dans cette lettre, le Haut Commissaire note,

entre autre, que

«[l]a conséquence inacceptable des décisions des tribunaux malaisiens est que le
rapporteur spécials'estvu intimé l'ordre defaire valoir ses moyens sur le fond des
actions engagéescontre lui devant les tribunaux malaisiens, et que ces tribunaux se
sont arrogéle pouvoir de définirla qualitédu rapporteur spécialet le champ de sa
mission ou de son mandat. Il faut en outre souligner que, le mandat ayantété formulé
et instituépar la Commission des droits de I'homme,c'estau Secrétairegénéraq lu'il
appartient d'établir si une personne qui invoque les immunités prévues par la
convention généraleressortit à la catégoriedes personnes protégéespar la convention

à raison du mandat conférépar la Commission des droits de I'homme et si cette
personne s'est exprimée dans le cadre de sa mission pour l'organisation des
Nations Unies. Du faitque lestribunaux malaisiens lui ont ordonnéde fairevaloir ses
moyens au cours d'un procès, le rapporteur spécial a bel et bien étéprivé de
«l'immunitédetoutejuridiction)) à laquelle il a droit en sa qualitéd'experten mission,
en vertu de la section 22 b) de la convention générale.))

Le Haut Commissaire a conclu égalementque

((menacer l'immunitéd'un expert constitue une atteinte contre tout le système des

experts en missions employésdans le dispositifde défensedes droits de I'hommemis
en place par l'Organisation. Qui plus est, les décisions des tribunaux malaisiens
portent atteinte aux immunitésnon seulementdes experts en missions, mais aussi des
Nations Unies et deshautsfonctionnaires ainsiquedesautrespersonnes quitravaillent
pour l'Organisation. A vrai dire, si ces décisionsnesont pas corrigées, elles risquent
de museler les experts indépendants en les dissuadant de dénoncer, en pleine
indépendanceet toute impartialité,les violations des normes internationalesrelatives
aux droits de l'homme.))

53.Au paragraphe 4.13desesobservationsécrites,leGouvernementmalaisien prétendqu'au

vu de la position adoptéepar l'organisation des Nations Unies et par le Gouvernement de la

Républiquedu Costa Rica, «il semblerait que les expertsjouissent de l'immunitépourtout ce qu'ils

disent, quels que soient les circonstances, le lieu et le moment, ou en d'autres termes d'une

immunitéillimitée))e ,t que «il sembleque dèslors qu'ily a communication au public, quelle qu'en

soit laforme, il ne faut tenir aucun comptedu fond, mêmesi cettecommunicationestfaite de façon inconsidérée))M. onsieur le président,une telle présentationde la décisiondu Secrétairegénéral

ne tient aucun compte des faits non contestésen cette affaire. Le Gouvernementmalaisienpasse

sous silence le fait que la Commission des droits de l'hommetient la communication au public

commeun moyenutile de sensibiliserl'opinionaux normes relativesaux droits de l'hommeet aux

violationsde celles-ci;il passeaussi soussilencelefait que laCommission a, notéavecsatisfaction

à plusieurs reprises, que le rapporteur spécialétaitrésoàufaire connaître ses activités aussi

largement que possible; et il passe enfin sous silence le fait que la Commission a approuvé les

relations du rapporteur spécial avecla presse, y compris ses déclarationspubliques au sujet

d'investigationsrelevant de son mandat, lorsqu'elleenouvelé.
w
54. S'agissant du fonddu contenu de I'article((MalaysianJustice on Trial)),qupubliéé

dans lenumérodenovembre 1995de larevuebritanniqueInternational CommercialLitigation,le

O2 8 Gouvernementmalaisien sembleméconnaîtreque Dato'Pararn Cumaraswamya été interviewéen

sa qualité officiellede rapporteur spécial;que l'article faisait clairement état de cette qualité

officielle; qu'il indiquait clairement que le rapporteur spécial avait reçu pour mandat de

l'Organisationdes Nations Unies d'enquêter sur toutes allégations relativesndépendancedu

pouvoir judiciaire; et que l'articleet les passages en cause étaient clairementàide telles

allégations. Tout cela est dit de façon explicite aux paragraphes 50 et 51 de l'exposé écrit de

l'OrganisationdesNations Unies. Contrairement à l'affirmationde la Malaisie à cet égard,c'est

w
précisémenlte fonddu contenu de l'article quia conduit le Secrétairegéàédéterminerque les

propos à l'originedes quatre actions intentéescontre le rapporteur spécial avaietenus par

celui-ci dans l'accomplissement desa missionet dans le cadre du mandat qui lui avaiconfié

par la Commission des droits de l'homme.

55. Dans la cinquième partie de ses observations écrites, le Gouvernementmalaisien

s'interrogesur le caractère contraignantdes résolutions del'Assembléegénérale.Nonobstant les

conclusionsformulées àcet égard,et ainsi qu'ilest dit dans la citationfigurant au paragraphe5.5

de ces observationsécrites,les résolutionsdeAssembléegénérale ((représentel'texpressiondes

points de vue et des vŒux générauxde la communauté internationale)). Lesrésolutionsde

l'Assemblée générad lont le texte est reproduitdans les pièces106112du dossier réaffirment -23 -

l'autoritédu Secrétaire généraeln matière de privilègeset d'immunitéset appellent les Etats

Membres à reconnaître les immunitésfonctionnelles affirméespar le Secrétaire général.Nous

estimonsqueces résolutionssemblent démontrersanséquivoqueque lespoints de vue et les vŒux

généraux de lacommunautéinternationale confirment la position constamment défenduepar

l'Organisationdes Nations Unies.

56. Dans la partieVI de son exposéécritle Gouvernementmalaisien tente d'établirque la

reconnaissance du pouvoirexclusifdu Secrétairegénérad le déterminersi des proposont ététenus,

des écritspubliésou des actes effectuésdansl'accomplissementd'unemission porteraitatteinte à

lajuridiction souveraine des Etats Membres et de leurs tribunaux nationaux. L'Organisationdes

Nations Unies réaffirmerespectueusement que le fait de demander au Gouvernement d'unEtat

Membrede respecter des obligationsinternationales qu'ila librementet légalementcontractéeesn

vertu de son adhésionsans réserve à la convention ne constitue nullement une négation dela

juridiction légitimedes tribunaux nationaux decet Etat Membre, ni une atteinte celle-ci.

57. Il y a également lieude noter à cet égardqu'au paragraphe6.15 de ses observations

écrites,leGouvernementmalaisiensoutientque lesnotesverbalesrédigéep sar le Secrétairegénéral

pourcertifierl'immunitédejuridiction durapporteurspécialsont((juridiquementnul[les]»et«donc

dépou~ue[s] d'effet pour la Malaisie dont le ministre n'a pas à s'y conformer aux fins de la

délivrancedu certificat)). L'Organisationdes Nations Unies considère queles conclusions de la

Malaisiesur ce point sont inacceptables. De plus, ces conclusionsne trouvent aucun appuiauprès

desEtatsMembresquiont soumisdesexposésetdesobservationsécrits. Dans leursexposésécrits

respectifs,les Gouvernementsde l'Allemagne, duCosta Rica et de la Suèdeconfortentlaposition

del'organisation desNationsUniesencequi concernelespouvoirsexclusifsdu Secrétairegénéral.

Les Etats-Unis d'Amériqueet le Royaume-Uni font valoir que, sauf circonstances décisivesou

preuve contraire forte, il convient de donner beaucoup de poids au point de vue du Secrétaire

générae lt de le traiter avec grande déférence.On est fort loin de la présentationpar la Malaisie

des certificats du Secrétairegénéral comme des actes nulest dépourvus d'effetjuridique. - 24 -

58. Au paragraphe 7.8 de ses observations écrites,le Gouvernement malaisien avance que

((même en admettant que le Secrétairegénéradlispose d'untel pouvoir, il se pose alors la question

de savoir quelle sera l'autoritécompétentepour déterminersi le pouvoir exclusif en question a été

exercérégulièrement, raisonnablementou de bonne foi». Et la Malaisie conclut qu'au cas oùun

tel pouvoir serait dévoluà une seule et mêmepersonne, il en résulterait une immunitéabsolue.

Conformément à la section 30 de la convention, l'organisation des Nations Unies a stipulé et

constamment soutenu que, sauf recours d'uncommun accord à un autre mode de règlement,toute

contestation portant sur l'interprétationou l'applicationde la convention devra être portée devant

la Cour internationale de Justice - c'est-à-dire devant vous- pour qu'elle rendue un avis

consultatif. Enconséquence,toutEtatMembrepeut contesterlebien-fondé,lecaractèreraisonnable

ou la bonne foi du point de vue du Secrétairegénéraletlou de sa décision de maintenirou de lever

l'immunité, conformémena tux dispositions de l'article11de la convention relatif au règlement

0 3 0 des différends. Commen'acesséde le soutenirl'organisation desNations Unies, les pouvoirs du

Secrétaire général ne son ptas absolus, mais sont régispar l'article1de la convention, et donc

susceptibles d'êtreréexaminés parla Cour internationale de Justice. Par conséquent,si un Etat

Membre est en désaccord avec la décisiondu Secrétaire général dn ee pas lever l'immunitéet,

partant, ne souhaite pas donner effetà cette immunitédevant ses tribunaux nationaux, cet Etat

Membre a une possibilité - voire une obligation internationale -d'exercerun recours en vertu

des dispositions relatives au règlement des différends figuraàtl'articleVI11de la convention.

59.Dans la partie IIC) 2) de ses observations écrites,leGouvernement de la Républiquedu

Costa Rica fait valoir que si les décisionsprises par le Secrétaire génslur le point de savoir si

l'immunitéexiste ou non sont susceptiblesd'êtreréexaminées parla Cour, il n'enva pas de même

de ladécision decelui-ci de lever ou de ne pas lever I'immunité.L'Organisation desNations Unies

appelle l'attention de la Cour sur le fait qu'auxtermes de la section 30 de la convention, toute

contestation portant sul'interprétationou l'application dela convention peut êtreportée devantla

Cour pour avis consultatif, y compris les contestations relatives au droit et à l'obligation du

Secrétaire générad le lever I'immunité. 60. Au quatrièmeparagraphe de ses observationsécrites,le Gouvernement desEtats-Unis

d'Amérique mentionne «unepratiquebien établie, selonlaquelle le pouvoirjudiciaire joue un rôle

importantpour donner effet aux immunités)). L'Organisation des Nations Unies ne nie pasque les

tribunaux nationaux aient un rôleà jouer dans la mise en oeuvre des privilègeset immunités de

l'organisation, de ses fonctionnairesetexperts en missions. L'Organisationattend de fait de ces

tribunaux nationaux qu'ils donnent effeà ces privilègeset immunitésdans lescas où les autorités

nationales compétentesdes EtatsMembres parties à la convention sur les privilègesetimmunités

des Nations Unies les ont informés quele Secrétaire général les invoque dans tel ou tel cas

particulier

61. Aux paragraphes 5 et 7 de ses observations écrites,le Gouvernement des Etats-Unis

soutient aussi que

«la conventiongénéraleenvisagemanifestemenq tu'unedivergencelégitimed'opinion
puisse survenirentre le Secrétaire généreatl un Etat Membre et prévoit donc,dans la

section 30 de son article 'VIII, la soumissionde ces questionà la Cour)).

Cettedernièreaffirmationfaitécho àlapositiondesNations Unies; au paragraphe 53desonexposé

écrit,l'organisation a déclarce qui suit:

«Le Secrétairegénéral reconnaît qud ees litigespeuvent naîtrequantau pointde
savoir si un acte est «officiel» ou si un fonctionnaire ou un expert a outrepasséson
mandat, mais la convention prévoitexpressémentdes modes de règlementappropriés

pour des différendsde droit privé danslesquels l'organisation serait partie ou si
l'immunitén'a pas été levée par le Secrétairegénéralen vertu de l'articleVIII,
section 29; elle prévoit aussila possibilitéde soumettre toute contestation entre
l'organisation et un Etal: Membre à la compétenceconsultative de la Cour, en
application de la section30..»

62. L'OrganisationdesNations Unies souscritdonc sans réserve àcette interprétation dela

conventionet a énoncé cette positionaux parties IV et VI de son exposé écritt aux partie1 et II

de sesobservationsécrites.L'OrganisationdesNations Uniesa stipuléquelepouvoirduSecrétaire

général est soumis aux dispositions de l'articleVIII. L'Organisation soutient,cependant, que le

pouvoir du Secrétairegénéral est soumis exclusivementaux dispositions de l'articleVIII. Il n'est

pas soumis aux décisions destribunaux nationaux. - 26 -

VI. RESPONSABILI TE FAIT DE LA VIOLATION DES OBLIGATIONS

63. Monsieur le président,commeje l'aiindiquéau débutde mon exposé etil y a quelques

instants,l'organisationdesNations Unies souhaitetraiter de manièreassez détaia questionde

la responsabilité qu'entraînent les violationsdes obligations en droit international. Avec votre

permission,M. Zacklinva maintenant traiter decettequestionavant ma récapitulationfinale et ma

présentationde nos conclusions.

Le PRESIDENT :Merci, Monsieur Corell. Je donnela paroleà M. Zacklin.

M. ZACKLIN :Monsieur le président,Madameet Messieursde la Cour. C'estun honneur
*
pour moid'avoir l'opportunitde présenteà la Cour, comme l'aindiquéM. Corell, la question de

la responsabilitédu fait de la violationdes obligationssoulevéedans la présenterpour avis

consultatif.

64. L'Organisationdes Nations Unies a indiquédans ses exposés écrits et orauxqu'elle

demanderéparation desdommagesrésultan dtufaitque leGouvernementmalaisienn'apasrespecté

les obligations auxquellesil a souscrit en adhéàala convention. Le Gouvernementmalaisien

reconnaîtque la question de la responsabiesttributaire de l'avisconsultatif de laCourme

réfêreàsonexposéécrit(par9 . .10) -mais il soutientquelesquestionsderesponsabilitédevraient

être résolues séparément pour deux raisons

A. tout d'abord,mêmesi la Cour confirme l'immunitéreconnue par le Secrétaire générai l, W

appartient au Gouvernement malaisiende déterminercomment il doit donner effet à cette

immunitéet ((diversesétapesserontnécessaires,si l'immuniést établie,avantque la Malaisie

ne doive assumer une responsabilité));et

B. deuxièmement, dans la présente affaire, contrairement à l'affaire de la Réparation, les

«dommages» subis sont nonpasdes dommagesd'ordrephysiquemais des frais résultantd'une

actioncivile intentéeparun particulieretn'ontpas causéspar desactionsduGouvernement

malaisien de sorte que la demandede réparationde l'organisation desNations Uniesn'est pas

fondéesur la violation d'une dispositiond'un traitémais résulteplutôt d'unedivergence

d'opinion sur l'interprétatd'untraité. -27 -

Je me réfère àcet égard à l'exposéécritde la Malaisie aux paragraphes 9.10, 7.13 et 7.14,

respectivement.

65. Avec la permission de la Cour, je traiterai ces points successivement.

A. La Malaisie a l'obligation d'appliquer l'avis consultatif

66. En ce qui concerne ce premier point, la Malaisie soutient que si la Cour conclut la

violation par la Malaisie de sesobligations résultant de laconvention, ilappartientaunement

de déterminercommentremédier àcette violation et égalementqu'avantque laMalaisieait procédé

à cettedétermination,ellen'encoure en quelquesorte aucuneresponsabilitédufaitde cette violation

jusqu'à une date ultérieure,après que de nouvellesétapes»non définiesauront étéfranchies.

67. Nous soutenons que si la Cour conclutà la violation par la Malaisie de ses obligations,

la Malaisie devra immédiatement prendre desdispositions pour remettre la situation dans l'étatoù

elle se seraittrouvéesi laMalaisieavait donnéeffàtl'immunité reconnueparle Secrétairegénéral.

Cela découlede la section 30 de la convention qui donne aux avis consultatifs de la Cour un

caractère obligatoire décisif.

O 3; 3 B. Demande de réparation

68. Monsieur le président,'aimerais aborder maintenant notre deuxième point:la Malaisie

est responsable de tout dommage subi par le rapporteur spécial ou par I'Organisation des

Nations Unies, si la Cour conclut que la Malaisie a violéses obligations. Notre exposé sur cet

aspect de l'affaire se divise en quatre points

1) I'Organisationdes Nations IJnies a qualité pour demander réparation;

2) la Cour est compétentepour donner un avis sur l'obligationde réparationde la Malaisie;

3) l'obligationde réparation dela Malaisie lui impose de faire assurer le respect de l'immunitédu

rapporteur spécial et de réparer lesdommages découlant directementde la violationde celle-ci;

et

4) les dommages dont l'organisation desNations Unies demande réparation sontle résultat direct

raisonnablement prévisible de cette violation d'obligation. 1) L'Organisationdes Nations Unies aqualitépour demander réparation

69. En ce qui concerne le premier point, c'est-à-direle fait que l'organisation des

Nations Uniesa qualitépourdemanderréparationj,e voudraisfaireles observationsci-après.Dans

sonavisconsultatifdu11 avril 1949Réparationdesdommagessubisauservice desNations Unies

(avisonsultatiJC.I.J.Recueil1949,p. 174;ci-aprèsdénommél'affaire dleaRéparation),laCour

a décidéà l'unanimité qu'auas oùun agent subitun dommagedans l'exercicede ses fonctions,les

Nations Unies ontqualitépourprésenter contreunEtat MembrecommecontreunEtatnon membre

une réclamationinternationale en vue d'obtenirla réparationdes dommages directs causés aux

Nations Unies. La Coura indiquéque cela signifieles dommagescausésaux intérêp tropresde
-
l'Organisatioà,ses moyens de fonctionnement, à son patrimoine et aux intérêtsont elle a la

garde» (p. 180).

70. Par onze voix contre quatre, laCour a d'avisque les Nations Uniesont qualitépour

présenter également une réclamation internationale evue d'obtenirréparationdes dommages

(13 4 indirectscauséà ses agents ouà leurs ayants droit. Sur ce point, la Coura décce qui sui:

«Pour que l'agentpuisse s'acquitter deses devoirsde façon satisfaisante,il faut
qu'ilsente que cette protection lui est assuréepar l'Organisationet qu'il peutcompter
sur elle. Afin de garantir l'indépendancede l'agent et, en conséquence,l'action
indépendante del'Organisationelle-mêmei,l est essentiel que l'agent,dans l'exercice
de ses fonctions, n'aitpas besoin de compter sur une autre protection que celle de
l'organisation (sauf,bienentendu,la protectionplusdirecteet plus immédiatedue par
l'Etatsur le territoire duquel il peut setrouver). En particulier,il ne doitàpas avoir
s'enremettreà la protection de son propreEtat. Si tel étaitle cas, son indépendance
pourrait, contrairement au principe qu'applique l'article 100de la Charte, se trouver
compromise. Enfin, ilest essentielque l'agent qu'il appartienàeun Etat puissant
ou faible, unEtatplus oumoinstouchéparles complications delavie internationale,
à un Etat en sympathie ou non avec sa missio- sache que, dans l'exercicede ses
fonctions, il est placésous la protection del'organisation

A considérerle caractèredes fonctionsconfiéàsl'organisation etlanature des

missionsde sesagents, ildevientévidentquela qualitéde l'organisationpourexercer,
dans une certaine mesure, une protection fonctionnelle de ses agents, est
nécessairement impliquéepar laCharte.» (P. 183-184.)

71. Parvenantà cette conclusion, la Cour a encore décl:ré

«Les obligations contractéespar les Etats, afin de permettre aux agents de
l'organisation de s'acquitterde leurs devoirs, sont souscrites non dans l'intérêt des
agentsmais danscelui de l'Organisation. Quand celle-ci demande réparationaison
d'unmanquement à ces obligations, elle invoque son propre droit, le droit de voir
respecter lesobligationsassuméesenverselle. Surcette base,l'organisation demande
réparationdu préjudicesubi, car ((c'estun principe du droit international que la violation d'un engagemententraîne l'obligation de réparerdans une forme adéquate)),
ainsi que l'adit la Cour permanente de Justice internationale dans son Arrêtno 8, du
26 juillet 1927 (SérieA, no 9, p. 21). En demandant une réparationfondée sur le
préjudicesubi par son agent, l'organisation ne représentepas cet agent; elle affirme

son propre droit, le droit de garantir le respect des engagements contractés envers
l'organisation.

Eu égard aux considérations qui précèdentet au droit incontestable de
l'organisation d'exigerque sesMembresremplissentlesobligationscontractéespareux
dans l'intérêdtu bon fonctionnement de l'organisation, la Cour estime qu'en cas de
manquement à ces obligations, I'Organisationa qualité pour demander uneréparation
appropriéeet que, dans l'évaluationdu montant de cette réparation, I'Organisationa le
droit de faire figurer le dommage subi par la victime ou par ses ayants droit.»
(P. 184.)

72.Monsieur leprésident,le Secrétairegénéradlemande àlaCour deconfirmercesprincipes

qui sont directement applicables en l'espèce.Il estclair que,dans I'affairede laRéparation,laCour

a prévuexactement la situation dans laquelle s'est trouvéle rapporteur spécial dans la présente

O affaire. Il est essentiel que le rapporteur spécial,dans l'exercice desa mission, n'aitpas besoin de

compter sur une autre protection que celle de l'organisation. 11ne doit pas avàis'enremettre

à la protection de son propre Etat car, si tel étaitle cas, son indépendancepourrait se trouver

compromise. De plus, les obligations souscrites par la Malaisie le sont non dans l'intérêdtu

rapporteur spécial mais dans celui des Nations Unies. En demandant réparation du fait des

dommages subis par le rapporteur spécial, l'organisation affirme son droit propre obtenir le

respect desengagements et àexiger de ses membres l'exécutiodes obligationsqu'ilsont souscrites

enversl'organisation. Encas deviolation de ces engagementset obligations, lesNations Unies ont

qualité pour demander une réparation appropriée couvrant aussi les dommages subis par le

rapporteur spécial.

73. Certes, l'Organisation des Nations Unies relève qu'il est, ce stade, prématuré de

déterminerlemontant exact dû au titre de la responsabilité.A vrai dire, le rapporteur spécialvient

juste de nous informer du fait que les tribunaux malaisiens ont décidéque les adresses consacrées

aux quatre affaires auraient lieu le 2 et le 9 février1999, ce qui risque, de toute évidence,

d'entraîner de nouveaux frais. Cependant, comme il est indiquédans I'affairede la Réparation -30 -

(p. 181), l'impossibiàice stade de chiffrer de manièredéfinitivele montant de la réclamation

n'empêche en rien la Cour de donner un avis sur le principe de l'obligationde réparerun préjudice

découlantd'uneviolation.

2) La Cour est compétentepour donner un avis sur l'obligationde réparationde la Malaisie

74. S'agissantde ce deuxièmepoiàsavoir la compétencedela Cour,j'aimeraisme référer

simplement àla décision1998197du Conseil économiqueetsocial adoptéele 5 août 1998(pièce

no 61). Par ladite décision,le Conseil a prié la Cour internationale de Justiceàtitrenner,

prioritaire, un avis consultatif, entre autres, «sur les obligations juridiques de la Malaisie en

l'espèce)). Ce point confère doncla Cour compétencepour donner un avis sur l'obligation -

juridique de réparationqui incomàela Malaisie.

3) Tout manquement a une obligation conventionnelle entraîne I'obligationde réparer les
dommages causéspar ce manquement

75. Monsieur le président, en ce qui concerne ce troisième poiàtsavoir que tout

manquement àuneobligationconventionnelleentraîne l'obligation de réparer lesdommagescausés

par ce manquement,je tiens formuler les observations suivantes.

76. Les principes du droit international qui régissentI'obligation pourun Etat de réparerle

dommage causé par un manquement à ses obligations ont étéformulés il y a quelque

soixante-dix ansdans l'affairede l'Usinedebw(compétence,arrêtno8, 1927,C.P.J.I.sérieA
1
no9, demande en indemnité). En l'espèce,l'Allemagneexigeait des réparationsde la Pologne qui

s'était emparée de l'usine deChorz6w. La Cour a estimé que cette appropriation n'était pas

conforme aux dispositions de la convention germano-polonaise reàla Haute-Silésie signée

à Genève le 15mai 1922(p. 12). La Cour a tout d'abord notéque sa compétencerelevait du seul

paragraphe 1 de l'article23 de la convention de 1922 qui dispose quei des divergences

d'opinion))découlantde l'interprétationdes articlàs22 de la convention s'élevaient entre

l'Allemagneet laPologne, elles seraientsoumises décision dela Cour. La Cour a alors déclaré

ce qui suit ((C'estun principe de droit international que la violation d'un engagement
entraîne l'obligationde réparerdans une forme adéquate. La réparation estdonc le
complémentindispensabled'unmanquement à l'applicationd'uneconvention,sansqu'il

soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention même. Lesdivergences
relatives desréparations,éventuellementduespour manquement àl'applicationd'une
convention, sont, partant, des divergences relativesl'application.)) (Ibid.,p. 21.)

La Cour a alors conclu ce qui suit:

«Une interprétationqui obligerait la Coàrs'arrêter lasimple constatation que
la conventiona étéinexactement appliquéeou qu'elleest restéesans application, sans
pouvoir fixer lesconditionsdanslesquelles lesdroitsconventionnelsléséspeuvent être
rétablis, iraitprima facàel'encontredu but plausible et naturel de la disposition,car

une pareillejuridiction, au lieu devider définitivementun différend,laisserait la porte
ouverte àde nouveaux litiges.)) (Ibid, p. 25.)

77. Le Gouvernement malaisien soutient que l'organisation des Nations Unies ne se trouve

pas dans la situation d'unEtat qui prend fait et cause pour l'unde ses ressortissants et que de ce

fait, l'extensiondu principe énoncdans I'affairede la Réparation nécessite«d'êtrdûment pris en

considération)). Je me réfèreau paragraphe 7.14 des observations écrites du Gouvernement

malaisien. L'Organisationdes Nations Unies considère qu'iln'ya aucune raison pour laquelle les

O37 principesde la responsabilitédesEtats ne s'appliqueraientpasàla demande de réparationformulée

par l'organisation des Nations Unies. A vrai dire, l'affaire de l'Usine de Chorzdw a été

expressément citéeet invoquée à l'appuide l'arrêdans l'affaire de laRéparation.

78.Toutefois, dans ses observationsécrites,la Malaisiefait valoir plusieurs points qui, selon

elle, excluent le principe de la responsabilitéétablie dansI'affaire de laRéparationpour réparerle

préjudice subipar l'organisation des Nations Unies. Elle invoque les arguments suivants : 1) le

type de dommage; 2) la cause du dommage et 3) la nature de la violation.

Type de dommage

79. Monsieur le président,s'agissantde cette question, le Gouvernement malaisien soutient

dans ses observations écrites que I'affaire dela Réparationn'estpas applicable car

«tenirun Etat Membre responsablepour lesfrais occasionnésparles poursuitesciviles
engagéesen instance par un particulier est dénuéde véritable fondementjuridique et
pousse à l'excès larègle de l'interprétationpar implication nécessairedégagéedans
I'affairede la Réparation))(par.7.24).A cet égard,la Malaisie laisse entendre que la Cour devrait faire preuve de prudence en ce qui

concerne le pouvoir d'appréciationdu Secrétairegénéralet donc ne pas fixer le montant des

dommages et intérêtscar la décisionde celui-ci peut mettre en cause la responsabilité d'unEtat

(par. 7.25 et 7.26).

80. Cetteargumentationest sans fondement. Les frais occasionnéstne conséquence
directe et prévisibledel'actionenjustice. Le gouvernementn'arien fait pour limiter ce dommage,

soit en intervenant, soit en demandantconseils de plaider devant les tribunaux l'immunitédu

rapporteur spécial. Le gouvernement n'a pas essayé de régler le différend qui l'opàosait

l'organisation des Nations Unies sur la question de l'immunité conformémenatux dispositions de
-
l'articleVI11de la convention; il s'estcontentéde laisser le procèsse poursuivre et a, de ce fait,

encouru l'obligation deréparerison des frais occasionnés par l'actionenjustice. Il n'existepas

non plus de raison logique pour laquelle les réparations demandées parune organisation

internationale intergouvernementale devraient êtrelimitéesaux seuls cas de dommages corporels

subis par ses agents ou de décès de ceux-ci.

Cause du dommage
81. Monsieur le président, s'agissant dece point, la Malaisie soutient que la Cour ne devrait

pas fixer le montant de la réparationétantdonnéque la perte financièrerésulte de l'introduction

d'uneinstancecivile non par la Malaisie mais par des particuliers sur lesquels le gouvernement n'a
*
aucune autorité(voir observations écrites, paragraphe7.13). Le gouvernement souligne aussi que

le pouvoirjudiciaire en Malaisie est indépendantet que, par conséquent,le gouvernementne peut

pas ordonnerauxtribunauxd'accepter l'invocationd'uneimmunitésansprocéder enquêt(voir

exposé écrit, paragraphes7.4, 7.12, et 8.4).

82. Je tiens tout d'abordfaire observer que les dommages sont dus au fait que le

Gouvernement malaisien a manqué aux obligations qui lui incombaient de veillere que

l'immunitéinvoquéeparle Secrétairegénéral storrectementprésentau tribunal sous la forme
d'unfaitappuyépar le gouvernement. Le gouvernement s'estabstenu d'intervenirou de prendre

d'autres mesures dès lors qu'il a étéavisé queson certificat était entachéd'unvice. Non content -33 -

deciter demanièreerronéel'alinéab)de lasection22 de laconvention, leGouvernement malaisien

s'est aussibstenude dire dans son exposé desfaits que le Secrétairegénéraalvait déterminé que

le rapporteur spécialbénéficiait 'uneimmunité dejuridiction. En conséquence,le gouvernement

a manqué à son obligation de fairetout ce qui étaitraisonnablement en sonpouvoir pour veiller au

respect desprivilègeset immunitésdontbénéficie l'organisation. L'OrganisationdesNations Unies

ne prétendpas que le gouvernement peut ou doit entraver l'actiondu pouvoirjudiciaire; ce qu'elle

soutient,c'estque, auxtermesde la convention, le Gouvernement malaisien a l'obligationjuridique

de donner effetà I'invocationde l'immunité parle Secrétairegénéralou de s'efforcer de résoudre

toute divergence s'yrapportant conformément à l'articleVI11de la convention.

Nature de la violation

83. Monsieur le président, s'agissant dece point, la Malaisie soutient que la violation d'un

traité estdéfinie comme

«la conduiteconsistant en une action ou en une omission imputableà un Etat ouà une
organisation internationale en droit international, cet Etat ou cette organisation étant
partieà un traitéen vigueur et cette conduite étantincompatibleavec une obligation
crééedans ce traité))(observations écrites,par. 7.15).

Cependant, la Malaisie prétend queses actes ne constituent pas une violation de la convention

puisqu'ellea rempli ses obligationsen promulguant une loi visant à donner à la convention force

de loi en Malaisie et en établissantun certificat. Le gouvernement soutient qu'il n'existe donc

qu'unedivergence «dans l'interprétationdes dispositions))de la convention, et non une violation,

etquecette((divergenced'opinions))n'entraîne pasderesponsabilitéfinancière(observationsécrites,

par. 7.21.).

84.L'OrganisationdesNations Uniesvoudraittout d'abordfaireremarquerqu'elle neconteste

pas l'application en l'espècede la définition de la violation d'une obligation, telle qu'elle a été

formuléeparRosenne et citéepar laMalaisie. Cependant,l'organisation desNations Unies soutient

que la question de la violation d'uneobligation est précisémetelle dont est saisie la Cour qui est

priée de donnerun avis sur «les obligationsjuridiques de la Malaisie en l'espèce)). L'Organisation

des Nations Unies et tous les gouvernements qui ont présenté desexposés, à l'exception de la

Malaisie,tiennent I'invocationde l'immunitépar le Secrétairegénéraplour légitime;sitel est lecas, - 34 -

la Malaisie avait l'obligation juridique de donner effeà cette immunité. Mêmela Malaisie

convient que «les actions du pouvoir judiciaire ne dégagentpas 1'Etatde sa responsabilité))

(observations écrites,par. 7.21).

85. La Malaisie prétend également qule a question de la responsabilité devraitêtre traitée

séparémentde la question de la violation car «au cas où l'immunitéserait confirmée,c'est au

Gouvernementmalaisienqu'ilappartientdedéterminer,danslecadrede laconstitutionmalaisienne,

lesmodalitésd'applicationdecette immunité)()exposéécrit, par. 9.10). Nous considéroqsuebien

que cette affirmation révèlede toute évidenceque le Gouvernement malaisiendoit prendre les

mesuresnécessaires sur leplan nationalpour faire respecter l'immunitdu rapporteurspécial,elle

ne constitue pas un motif en droit internationalqui empêcheraitla Cour d'examinerle principe de

l'obligationde réparation.

4) Dommages exigeant réparation

86. Monsieur le président,s'agissantde ce point,je tienà souligner quela violation de la

convention par la Malaisiea consistàne pasassurer lerespect del'immunitédurapporteur spécial.

O 4 O Comme ilest indiquéau paragraphe 64 de notreexposéécrit,les dommages quidécoulentde cette

violationsont évidents:les fraisencouruspourladéfensedurapporteur spécial dans les poursuites

judiciaires engagéescontre luidevantles tribunauxmalaisienset tous les frais qui ontmiséà sa

charge par ces tribunaux et auxquels il estjuridiquement tenuen Malaisie.

87. Dans l'affairede l'Usinede Chorzbw gond, arrêtno 13, 1927, C.P.J.I.sérieA no17,

p. 47), la Cour permanente a déclaréce qui suit

«laréparationdoit,autantquepossible,effacertoutes les conséquencesde l'actillicite
et rétablir 1'Etatqui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été

commis. Restitution en nature, ou, si elle n'estpas possible, paiement d'unesomme
correspondanta la valeur qu'auraitla restitution en nature; allocation, s'ily a lieu, de
dommages-intérêtp sour les pertes subies et qui ne seraient pas couvertes par la
restitution en nature ou le paiement qui en prend la place; tels sont les principes
desquels doit s'inspirerla détermination du montantde l'indemnitdue à cause d'un
fait contraire au droit international.)) 88. Néanmoins,la Malaisie prétendque

«la question des fiais ou des dommages-intérêt qsue le rapporteurspéciala encourus
ou versésou que lesNations Unies lui ont remboursésou ont versésen son nom doit
être tranchée séparément ..puisque la violationalléguée est néd e'une divergence
d'interprétatiod'untraité, ellene devrait doncpas avoir d'effet rétroacfn l'espèce))
(par. 7.24).

89. L'Organisationdes Nations Unies soutient qu'il appartient à la Cour d'établirsi le

comportementde la Malaisiea constituéun manquementaux obligationsqu'ellea contractéesaux

termes de la convention; si la Malaisie a manqué à ses obligations, elle doit annuler ou révoquer

les décisions déjàprononcées àl'encontre du rapporteurspécialet toutes les procéduresen cours

et réparer lesdommagescauséspar cette violation à compter de la date de la violation,et non de

la date de l'avisconsultatifde la Cour. Il ne s'agitpas de rétroactivitdont il est question, c'est

de la responsabilitéde la Malaisie du fait de ses actes.

90. Monsieur le président,je termine ici mon exposésur la responsabilitédu fait de la

violation d'obligations. Sivous le permettez,. Corellva maintenant résumerce queje viens de

dire et présenter nos conclusionsen l'espèce.

Le PRESIDENT :Merci, MonsieurZacklin. Monsieur Corell, pensez-vousquevotrerésumé

sera long ?

M. CORELL :Cinq minutes, Monsieurle président. Jeserai trèsbref.

Le PRESIDENT : Je vous en prie.

M. CORELL :

MI. CONCLUSIONS

91. Monsieur le président, les considérationq sui précèdent confirment lesconclusions

auxquelles est parvenue l'Organisationdes Nations Unies. Elles peuvent être résuméee sn

cinq points :

Premièrement,sous réserve des dispositions des sections29 et 30 de l'articleVI11de la

convention, le Secrétairegénéral a le pouvoir exclusifde déterminer sioui ou non les actes (y

compris les paroles et les écrits)sont accomplisau cours d'unemission pour l'Organisationdes - 36 -

Nations Unies et sices parolesou ces actess'inscriventdansle cadredu mandatconàiunexpert

en mission de l'organisation des NationsUnies.

Deuxièmement, lestribunaux nationauxdesEtatsMembresparties àlaconventionnepeuvent

pas connaître et trancher de telles affaires. Parallèlement,le Secrétairel, conformément

aux dispositions de la section de l'articleVI de la convention, le droit et le devoir de lever

l'immunitédanstous les cas oùà son avis, cette immunitéempêcheraitquejustice soitfaite et où

elle peut êtrelevéesans porter préjudice aux intétse l'organisation des NationsUnies.

Troisièmement,lorsquedesconflitsrisquentde surgirpourdéterminersil'actea étaccompli

àtitre «officiel» ou si l'experta outrepasséson mandat, la conventionenvisageexpresséàlat
w
section 29 de son article VIII des modes de règlementappropriéspour les différendsavec les

partieslésées,ansle cas où le Secrétairegénéral aas levé l'immunite,t prévoitla section 30

le règlementdes différendsavec des Etats Membres quanà l'interprétatiou l'application de la

convention. Tellessont les procédures derèglement appropriées etil ne faut pas soumettreaux

tribunaux nationauxla décision du Secrétaieénéral.

Quatrièmement, à moins d'utiliserles voies de recours prévuesaux sections 29 et 30 de

l'article11de la convention, lorsque le Secrétairegénéral décidee maintenir l'immunitéde

042 juridiction d'un expert en mission pourl'organisationdesNations Unies, le gouvernement detout

Etat Membre partieà la convention a l'obligation, en vertude la section 34 de la conventionde

e
prendre toutes les mesures nécessairespour donner effetadite immunité. Si le gouvernement

concerné s'abstiet u refuse de le faire, il viole ses obligations au sens de la conventionet c'est

à lui qu'il incombe en dernier ressort de prendre en charge les frais et dépens et les

dommages-intérêtq sui pourraient en découler.

Cinquièmement, si lepouvoir exclusifdu Secrétairegénéral cet égard n'est pas confirmé,

lecaractèreexclusivementinternationaletl'indépendaneonctionnelledesfonctionnairesetexperts

que lesarticles 100et 105de la ChartedesNationsUnies et laconvention visentrotéger,seront

gravementcompromis. En outre,si l'onpermetauxtribunauxnationauxdesEtatsMembresparties - 37 -

à la convention de se prononcer sur les privilèges et immunitésdes Nations Unies et de ses

fonctionnaires et experts en mission, cela remettrait sérieusement en question le sens des

sections 20, 23 et 30 de la convention.

92. Monsieur le président,ces conclusions généralesappliquées aux circonstances de la

présente espèceimposent les trois conclusions suivantes:

Premièrement,dans la mesure ou le Secrétairegénéraa lvait déterminéqueles paroles ayant

donnélieu àdes poursuites devants les tribunaux nationaux malaisiens avaient étéprononcéespar

Dato' Param Cumaraswamy en sa qualité officielle de rapporteur spécial dans le cadre de

l'accomplissement de sa mission pour les Nations Unies et qu'il jouissait par conséquent de

l'immunitédejuridiction à cet égard,le Gouvernement malaisien avait l'obligation de donnereffet

à son immunitéde juridiction ou, à défaut, d'invoquer lesdispositions de l'articleVI11de la

convention concernant le règlementdes différends.

Deuxièmement, en refusant d'informer commeil convient ses tribunaux de la décisiondu

Secrétairegénéralconcernanlt'étendueet l'applicabilitéde l'immunitédejuridictiondont bénéficie

le rapporteur spécialetàdéfaut, deveilleràce que lestribunauxnationauxsuspendent l'exécution

desjugements et les instances en coursjusqu'aurèglementdu différendl'opposant à l'organisation

des Nations Unies, le Gouvernement malaisien n'a pasrespecté les obligationsqui lui incombaient

conformément à la section 34 de la convention pour donner effàtla section 22 b) de l'articleVI

de ladite convention.

Troisièmement,c'estau Gouvernement malaisien qu'ilincombe en définitive deprendre en

charge tous frais, dépens,oudommages-intérête sffectivementversésou encourus par le rapporteur

spécialou par l'organisation des Nations Unies àson profit ou en son nom.

93. Monsieur le président, commeje l'ai indiquéau tout début demon intervention, l'avis

consultatif de la Cour en la matièreaura des conséquencesde portée considérable.

94. Au cours de ces cinquante dernièresannées,la Cour internationale de Justice a, dans le

cadre de sa compétence consultative, joué un rôle important dans l'élaboration du droitdes

institutions internationales. Nous citerons ici, entre autres, les avis consultatifs concernant les

Conditionsde l'admissiond'un EtatcommeMembredes Nations Unies(article 4 de la Charte); la -38 -

Compétencede l'Assemblée générale pour l'admissiond'unEtat auxNations Unies;les EfSetsde

jugements du Tribunaladministratifdes Nations Unies accordant indemnité;Certaines dépenses

des Nations Unies(article 17, paragraphe 2 de la Charte); et, dernier point mais non lemoindre,

l'affaire de laarationdes dommages subis auservice desNations Unies, àlaquelle nous nous

sommes largement référés dansnotre exposéaujourd'hui.

95. La question dont est saisie la Cour porte sur un principe fondamental du droit régissant

les immunitésinternationales; il ne s'agit pas uniquement dese préoccuper d'un rapporteur spécial

ou mêmed'une catégorie de rapporteurs spéciaux. II s'agit d'une question qui a traià

l'indépendancede toutagentde l'organisation danslecadre de sesfonctions,qu'il soitfonctionnaire
w
ou expert en mission. De plus, étantdonnéque les deux piliers du droit régissantles immunités

internationales,savoirlaconventiongénéralede 1946et laconventiondesinstitutionsspécialisées

de 1947,ont un contenu pratiquement identique, la portée pratique de cetavisàsvrai dire très

large.

96. Monsieur le président,le Secrétaire généraalurait souhaitérésoudre ceproblème sans

devoirrecourirà la compétenceconsultativede la Cour, mais en dépit detous sesefforts, il n'a pas

étéen mesure d'yparvenir. Par la présenterequêteen avis consultatif, le Conseil économiqueet

social vous a investi de la responsabilitéde statuer sur cette affaire avec effet décisif.

044 97. Dans nos conclusions écrites et dans notre exposé oral d'aujourd'hui,nous avons

I
communiqué à la Cournos argumentsfondéssur le droit et la pratique de l'organisation, lesquels,

nous en sommes convaincus, permettront à la Cour de réaffirmerla compétencedu Secrétaire

généralen sa qualitéde garant des privilèges et immunitéset des intérse l'organisation.

98. J'espèresincèrement, Monsieurle président,que ces remarquesaideront la Coàrrendre

l'avis consultatif demandépar le Conseil économiqueet socialJe vous remercie.

Le PRESIDENT :Merci beaucoup, Monsieur Corell et Monsieur Zacklin. L'audienceest

suspendue quinze minutes.

L'audienceest suspenduede Il h 55 à 12 h 10. -39 -

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne la parole à M. l'ambassadeur du

Costa Rica aux Pays-Bas.

M. CONEJO :

Introduction

1.Monsieur le président, Monsieurle vice-président,Madame et Messieursde la Cour. En

ma qualité d'ambassadeur dela République du Costa Rica au Royaume des Pays-Bas et de

représentantde la Républiquedu Costa Rica dans la présenteaffaire,je suistrès honoré deprendre

la parole aujourd'hui devant votre éminente Cour.

2. La République du Costa Rica reconnaît depuis longtemps l'importance fondamentaledu

respect des droits de l'homme pour la démocratie,le développement pacifiqueet la stabilité. La

promotiondes droits de l'hommeconstituedoncde longuedate unepriorité delapolitiquenationale

du Costa Rica, pays épris de paix au long passé démocratique, qui célèbre aujourd'huile

cinquantièmeanniversaire del'abolitionde sonarméeentant qu'institutionpermanente. Yenveux

pour preuve non seulement le rôle actif que joue le Costa Rica dans l'Organisation des

Nations Unies dont il est Membre fondateur et au sein de laquelle il occupe actuellement un siège

au Conseilde sécuritém, ais aussi le faitque des ressortissantséminentsdu Costa Ricaont consacré

de nombreusesannéesde leurcarrièretoutparticulièrement àlaCommissiondesdroits de I'homme,

en qualité notammentde président et de rapporteur spécial. Je faisici allusion en particulier

Mme Elizabeth Odio Benito, qui était rapporteurspécialde la Sous-Commissionde la lutte contre

les mesures discriminatoires et de la protection des minorités etqui vient toutjuste de reprendre

ses fonctions de deuxième vice-présidentede la Républiqueaprès avoir achevéle mois dernier son

mandat de juge au Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslavieici même à La Haye.

3.C'est doncen raison tant de sa propre expériencequede saparticipationactiàela défense

des droits de l'hommesur le plan internationalque laRépubliquedu Costa Rica attacheune grande

importance à la question soumise à la Cour pour avis consultatif. La réponse dela Cour est en

effet capitale pour le bon fonctionnement du système global mis en place par l'Organisationdes

Nations Unies pour assurer la jouissance et surveiller le respect des droits de l'homme. Les -40 -

rapporteurs spéciaux dela Commission des droitsde l'hommede l'organisation desNations Unies

constituent l'undesmécanismeslesplus importantsdont disposela communauté internationalepour

garantir que les Etats répondentde leurs actes dans le domaine des droits de l'homme. Comme il

a étérappeléà maintes reprises au cours de la procédureécriteet comme l'alui-même dééearl

Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et pour reprendre la citation de

M. Corellcematin ((menacerl'immunitédontbénéficu n [rapporteurspécial]constitueuneatteinte

contre tout le systèmeet le dispositif de procédureset mécanismes spéciaux desNatio[deUnies

défensedes droits de l'homme])).

4. La Républiquedu Costa Rica note que dans quelquesjours on célébrerale cinquantième

anniversaire de la proclamation, le 10 décembre1948,de la Déclaration universelledes droits de

l'homme par l'Assemblée généradlees Nations Unies. Le Costa Rica s'estime doncobligéce

moment particulier de prier instamment la Cour d'agirde façon nette et résolue pourl'untéger

des élémentsà la base des progrès encourageantsréalisésau cours des cinquante dernières années

dans lajouissance des droits de l'homme dansle monde entier.

5. Je vous remercie, Monsieur le président, Monsieur le vice-président et Madame et

Messieurs de la Cour, de votre aimable attention et je vous présente maintenant

0 4 6 M. Charles N. Brower du cabinet Whit& Case LLP àWashington(district de Columbia) qui, au

nom duGouvernement duCosta Rica, examineraendétaillesquestionsjuridiques importantesdont

la Cour est saisie.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur l'ambassadeur. Je donne maintenant la parole

à M. Brower.

M. BROWER :

6.Monsieur le président, Monsieurle vice-président,Madame et Messieurs de la Cour, c'est

pour moi un grand honneuret un privilègede me présenterouveau devant vous. C'est avec un

plaisir particulier queje le fais au nom de la Républiquedu Costa Rica qui apporte en l'espèce une - 41 -

contributionremarquée,étantle seul participanà l'instancequià l'exclusiondes parties mêmesau

différend examiné,ne vient pas d'Europeou d'Amérique du Nord.

7. Plutôt que de répéterles arguments que le Costa Rica a déjàexposésdans les écritures

qu'il a soumisesà la Cour et que je confirme à nouveau, je me concentrerai ici sur les points

auxquels il convient encore, selon le Costa Rica, de s'attacheà l'issue de la phase écrite de la

procédure.

8.J'aborderai d'abord la question des raisons pour lesquelles la Cour peut et devrait se

prononcer sur la question de savoir si le rapporteur spécial jouiteffectivement de l'immunité de

toute juridiction.

La requêtepour avis consultatif prie expressémentla Cour de décidersi le rapporteur spécial
jouit de l'immunité de toute juridiction

9. Il convient d'embléede rappeler à nouveau l'objet de la requête pouravis consultatif

présentéepar le Conseil économique et social. Ily a d'abord le ((point de droit concernant

l'applicabilitéde la [conventiongénéraleau cas ..[du]rapporteur spécial..en tenantcomptedes

paragraphes 1 à 15 de la note du Secrétaire général))et,nsuite ((lesobligationsjuridiques de la

Malaisie en l'espèce)).Il ressort d'examen des exposésécritset des observationsécritesdont la

Cour a étésaisie qu'aucundes participantsà l'instancen'acontestéla compétence de la Cour pour

connaître de la question de savoir si le rapporteur spécialjouit de l'immunité de toutejuridiction

en l'espèce.Il en estainsi, selon moi, malgré l'expdéconcertantque fait la Malaisieàlapage 2
047
de ses observations écrites, des ((questions qui ont été soumiseà la Cour)), dans lequel cette

question est totalement passéesous silence. Il est tout à fait évidentque cet exposéprovient

- notons-le- non pas des questions de fait soumises àla Cour par le Conseil économiqueet

social dans sa décision19981297 du 5 août 1998 qui està l'originede la présenteinstance, mais

plutôt des questions telles qu'elles ont étéformuléesau paragraphe 21 de la note du Secrétaire

général.Si la décisiondu Conseil économiqueet social a inclus par un renvoi«les paragraphes 1

à 15))de cette note, elle n'apas adoptél'expdesquestionsfigurant au paragraphe 21de celle-ci. - 42 -

10.La Malaisie laisse entendre qu'ilfautapprécierdes faitspour se prononcer sur I'immunité

et que laCourdoit donc s'abstenird'examinerlaquestiondu droit du rapporteurspéciàbénéficier

de l'immunité, c'est-à-dire la question principale soulelr Conseil économiqueet socialdans

sa requête pouravis consultatif. La Malaisie estime en substance qu'il ne serait pas bon que la

Cour apprécie des faits dans le contexte d'un avis consultatif. Mais la Malaisie confond ici la

question de la détermination defaits contestésd'unepartavec celle de l'examende faits incontestés

d'autrepart. Pour statuersur l'immunité, ilfaut parfoistrancher des faits contestés. Le Costa Rica

reconnaît que trancher des faits contestés peut se révéler inapprodans le contexte d'unavis

consultatif. La présenteaffairen'exigetoutefois pas quelaCour se prononce surdesfaits contestés.
w
Bien au contraire, aucune des partiàsl'instancen'afait étatd'unfait important contestéet il ne

semblerait pas y en avoir. La présenteinstance requiert plutôt de la Cour qu'elle s'acquitte dela

tâchejuridique qui est traditionnellement la sienne de décidercomment le texte de la convention

générales'appliqueaux circonstances non contestées de la situationdu rapporteur spécial.

11.Cet examen de faits non contestésestnon seulement ce qu'ilconvient de faire mais est

d'ailleursessentiel pour que la Cour puisse s'acquitter desa tâche. Comme M. Oda l'adéclaré au

paragraphe 22 de son opinion individuelle dans l'affaireMazilu

«il n'estpas possibl..de déterminer l'applicabilité[de la section 22 de l'articleVI
de la convention générale]à un cas concret sans se référerde façon adéquateà la

manièredont [cette disposition] peut s'appliquer)).

De plus, dans sa requête pouravis consultatif le Conseil économique et social prie la Cour de +

«ten[ir]compte [descirconstances]» de laprésenteaffaireet indiquedoncclairementque larequête

a étérédigée enayantà l'esprit l'affaireMazilu et partant avec le dessein que la Cour examine les

faits sur lesquels repose la présente instance afin de décider si le rapporteur spécial jouit de

048 l'immunitédetoutejuridiction. Bref, il n'étaitpas possible de soutenirplus clairement que la Cour

est compétente pour seprononcer sur I'immunitédu rapporteur spécial.

12. Monsieur le président,Monsieur le vice-président, Madame et Messieurs de la Cour.

J'examinerai maintenant les raisons pour lesquelles la Cour devrait conclure que le rapporteur

spécialbénéficie effectivementdel'immunitéde toutejuridiction. - 43 -

Le rapporteurspécialjouit de l'immunitéde toute juridiction

13. Dans les écrituresqu'il a soumises à la Cour, le Costa Rica a déjà signalé queles

rapporteursspéciauxontpour pratique acceptéeet de longue date decommuniquerrégulièrement

des informations à la presse et au public, il s'agit là d'un des moyeàsleur disposition pour

accomplirleurmandat visant à promouvoirunplusgrandrespectdesnormesapplicablesenmatière

de droits de l'homme. Le Costa Rica a également démontré qu'il ressocltirement de la pratique

effective de la Commission des droits de l'hommeen ce qui concerne la mission spécifiquede

M. Cumaraswamy que,danssoncas particulier, lesdéclarationsfaitesauxmédiasont été àmaintes

reprisesapprouvéesentant que pratique adaptéeà l'exercice d'untel mandat. 11ne fait aucun doute

que c'estsur le fondementde ces approbations données defaçon tant générale que spécifiquqeue

l'organisationdesNations Uniesaconfirméauparagraphe14de sesobservationsécrites(p. 6et 7)

que le rapporteur spécialavait agi effectivement dans le cadre de son mandat en déclarantque

((l'Organisation[des Nations Unies] aformellement entérinéles propos tenus par son expert en

mission.)) Tout doute qui pourrait encoresubsister quantà l'approbationpar l'organisation des

déclarationsfaitespar lerapporteurspécialàla revueInternationalCommercialLitigationdevrait

être dissippar cet entérinementformel des propos tenus. La Cour admettra,je pense, que cet

entérinementformel constitueunemarque d'approbationbien plus significativeet caractériséque

la publication de communiqués parle rapporteur généraslur du papierl'en-têtede l'organisation

desNations Unies,quelaMalaisiequalifieelle-mêmedepreuve importantd e'approbationofficielle.

14. Le fait est que tous les participantsinstanceà l'exclusion dela Malaisie, concluent

à l'unisson quele rapporteurspécialjouitde l'immunité. a Malaisie, quantàelle, ne conclut pas

qu'il nebénéficie padse l'immunité,elle invoque plutôt le pouvoir qu'a son système judiciaire

d'entreprendreun examen approfondide la question.

049 1.5.Etant donnéen particulierque laMalaisie ne reconnaît pasexpressémentque l'immunité

est une des questionsdont laCour est saisieet qu'elle prétend n'avoiarucuneposition sur ce sujet,

le passage qui suit au paragrap'he4.13 des observationsécrites dela Malaisie (p. 7:) «s'ilfaut...admettre I'interprétationque...larépubliquedu CostaRica donn[e] ...,il
sembleraitque les expertsjouissent de l'immunitépour tout ce qu'ilsdisent, quels que
soient les circonstances, le lieu et le moment, ou en d'autres termes d'uneimmunité
illimitée))

surprendquelque peu. Quoi qu'il en soit, cette affirmation est erronée,car ellene tient absolument

pascomptede l'importanceque revêtent surleplanjuridique lesapprobationsetentérinementsdont

il est question ci-dessus. Comme l'ad'ailleurs ditlaMalaisie elle-même,«[l]es experts ne font pas

partie du personnel)), ceux-ci sont donc tout à fait libres, pour cette raison, de recourir aux

conférencespubliqueset aux contacts avec lesmédiaspours'acquitterde leurmandat. Onentrouve

la preuve dans la pratique constante suivie par lesrapporteurs, ainsi que le Costa Rica l'indiqueen

détaildans les pièces écritesqu'ila soumisesà la Cour, de communiquer auxmédiasleurspropres v

déclarations qui sont ensuite reprises ou rapportées dans des communiqués de presse de

l'organisation desNations Unies elle-même. Est donc dépourvue de tout fondement la conclusion

de laMalaisie selon laquelle «dèslors qu'ily a communication aupublic, quellequ'en soitla forme,

il ne faut tenir aucun compte du fond, même sicette communication est faite de manière

inconsidérée)).

16. Est tout aussi dépourvue de fondement la conclusion tirée par la Malaisie au

paragraphe 5.18 de ses observations écrites(p. 13), selon laquelle l'interprétationdonnéepar le

Costa Rica «place tout rapporteur spécial dansune position inattaquable)). Bien au contraire, un

rapporteur spécial demeure «dans une position attaquable)) lorsqu'il agit en dehors du champ
*
d'application de son immunité qui est limitéepar la portée deson mandat tel qu'il est définipar

l'Organisation des Nations Unies; le Secrétaire généraln'invoque pas l'immunitépour les

déclarationset actes ne se rattachantpas lamission de l'expert; leSecrétairegénérall ved'ailleurs

l'immunitédes experts lorsquecela peut se faire conformément à la section 23 de l'articleVI de la

conventiongénérale;la section30 de l'articleVI11de la conventiongénéraleprotège la prérogative

souveraine qu'a la Malaisie de contester l'immunité invoquéeau profit du rapporteur spécial à

l'occasiond'une instance régulièrement portée devant la Cour; et, nonobstant l'immunitédont -45 -

bénéficie lerapporteur spécia.1,l'organisation des Nations Unies est disposée à accorder aux

demandeurs dans les instances à l'origine de la présenteaffaire un recours ainsi que l'exige la

section 29 de la convention générale.

050 17.Si l'onaborde la question sous un angle différent,on peut reconnaître, comme le laisse

entendre la Malaisie au paragraphe 5.24 de ses observations écrites (p. 29) que dans un cas

particulier ((pareillefaçon de rendre publics des éléments réunisux fins de l'élaborationd'un

rapport n'est pas nécessairement dans l'intérêdte l'organisation des Nations Unies)), mais il

appartientàcelle-cidetrancher unetelle question lorsqu'ellenommeunrapporteurspécial,prolonge

son mandat et prend note avec approbation de ses rapports (ou cette décisionappartient au

Secrétairegénérallorsqu'ilexerce son «droit» et assume son ((obligation))de lever l'immunitéen

vertu de l'article 23 de la convention). L'observationfaite par la Malaisie au paragraphe 5.24 de

ses observations écrites (p.4) selon laquelle le mécanismemis en place par l'organisation des

Nations Unies pour lesdroits de l'homme pourraitsetransformer en((menéessubrepticesau service

d'intérêts personnels))nient pareillement pas compte de l'importancejuridique de l'exercice par

l'OrganisationdesNations Unies, en l'occurrencepar la Commission des droits de l'homme,de ses

fonctions de contrôle et de surveillanàel'égarddes rapporteursspéciaux. De plus, compte tenu

du mandat dont était investi en l'occurrence le rapporteur spécialde faire une enquête sur

l'indépendancedesjuges et des avocats, «des propos qui font une ((mauvaisepublicité))aux Etats

ou jettent la suspicion sur un système judiciaire)) et dont la Malaisie doute implicitement au

paragraphe 5.25 de ses observations écrites (p. 15) qu'ils aient été «tenus ... [en vue de]

l'accomplissementde sa mission))entrent manifestement dans le champd'applicationde la mission

du rapporteur spécialétantdonnéqu'il étaitprécisémend t e son devoir de révélerles situations où

l'indépendance dupouvoirjudiciaire semblait compromise.

18.Pour ces motifs ainsi que pour ceux que le Costa Rica a exposés dans les écrituresqu'il

a soumises à la Cour mais que nous n'avons pas répétés ici, la Cour devrait conclure que le

rapporteur spécialjouit effectivementde l'immunitéde toute juridiction. - 46 -

particulieraux raisonspour lesquelles lasection 22 de l'articleVI de laconventiongénimpose

aux Etats parties l'obligation d'accordercimmunitéde toute juridiction)) dansles cas où cette

immunitéexiste. Jem'abstiendraide nouveau,dans lamesure du possible,de répételres arguments

que le Costa Rica a déjàprésentésdans ses écritures.

La section 22 de l'articleVI de la convention générale oblige les Etats partiesà accorder
051 l'«immunitéde toute juridiction» dans les cas où elle existe

20. Pour ce qui est de la mise en Œuvrede l'immunitédu rapporteur spécial, lesavis des

participantsàla présente instancedivergentdu moins quant aux moyens précisà appliquer,mais

non pas,sauf la Malaisie, en ce qui concerne le résultat. Si l'onrenverse la proposition et si l'on
I
veut être plusprécis,tous ceux qui se sontpenchéssur la question des obligationsde la Malaisie,

à l'exception de celle-ci,sont d'accordpour dire que la Malaisie n'apas respecté l'obliqueion

luifait laconventiongénéraldereconnaîtreaurapporteurspéciall'«immunité detoutejuridiction»,

mais ils sont par contred'avis différentssur lesmoyensettre en Œuvrepour s'acquitterde cette

obligation: l'Allemagneainsi que leCosta Rica et la Suèdeappuientle point de vue du Secrétaire

généralselon lequellestribunauxnationauxdoiventconsidérersonattestation comma eyantuneffet

décisif tandisque lesEtats-Unis et leRoyaume-Uni estiment par exemple respecterla convention

dès lors que leurs tribunaux accordent un grand poids la décisiondu Secrétaire généra elt la

traitent avec une grande déférenceu encore lasuiventen l'absencede circonstancesdécisivesou

W
déterminantesnon précisées.Le fait que laclause de règlementdes différendsdela section 30de

la convention générale n'ait été invoqu queedeux fois en cinquante ans témoignede i'absence

généraledetout «conflit»entrelesdécisionsplutôt fréquentesprisesar le Secrétairegénéralquant

à l'immunitéet les vues des tribunaux nationaux. La raretédes différendàcet égard démontre

aussi que les Etats acceptentlargement la pratique constantesuivie ence domaine parle Secrétaire

général ainsi quele montre son dossier. 21.Tout en souscrivant à l'idéeque la reconnaissance par lestribunaux nationaux de l'effet

décisif de l'attestation d'immunitédélivréepar le Secrétairegénéralmène absolument et très

certainement au respect de la section 22 de la convention générale,le Costa Rica estime que

l'obligationinstituéepar la convention généraleesten dernièreanalyse, du point de vue notionnel,

une obligation d'atteindre un objectif, une obligation de résultat,et non pas nécessairementune

obligation de recourià des moyens spécifiques. C'est-à-direqu'unEtat partieà cette convention

doit en fait agir de manièràgarantir l'«immunitéde toutejuridiction)). Il doit donc protégerun

rapporteur spécialà l'égardduquel le Secrétairegénéral invoque l'immunitées «contraintes» qui

découlent detout contentieux, y compris de tout «procès» concernant son droit à bénéficierde

b ;i 2 l'immunité. Dès lors que ce résultat est atteint,quels que soient les moyens mis en Œuvre,1'Etat

partieà la convention générale s'estonformé à celle-ci.

22. Dès qu'il apparaîttoutefois qu'unEtat partie ne peut garantir ce résultatpour un expert

à l'égard duquelle Secrétaire généraal délivréune attestation d'immunité,cet Etat est tenu de

s'abstenir de tout acte et de recourir la section 30 de la convention généralepour régler le

«différend». Il ne peut lui-mêmestatuer sur I'immunitéà moins qu'iln'ait lalibertéde le faiàe

la suite d'une instance engagéeen vertu de la section 30 car, comme le dit l'organisation des

Nations Unies au paragraphe 25 de sesobservationsécrites (p. IO),«[t]oute décisionjudiciaire sur

une immunitéde juridiction serait la négationmêmede cette immunité)).

23. Cette conception de la convention généralpermettrait d'établirun équilibre acceptable

entre, d'unepart, l'intérêt légitiml'organisation des Nations Uniesà protégerses experts dans

lamesure nécessaire àl'accomplissementdeleursmissionset,d'autrepart, lasouverainetédesEtats

partiesà la convention générale.Pour que ce mécanismeéquilibrépuisse fonctionner, il devrait

être évidentque, comme l'organisation des Nations Unies l'arelevéau paragraphe 18 (p. 7 et 8)

de ses observations écrites, les obligations de 1'Etatpartie comprennent

«[a]u minimum, [l']obligation ...[d']informe[r] les autorités judiciaires nationales
compétentesquele Secrétairegénérad le l'organisation desNations Unies adéterminé
que les actes(y comprisles paroles et écrits)ayantdonnélieu aux poursuites engagées
devant les tribunaux nationaux avaient été accomplisau cours d'une mission pour le
comptede l'organisation et que cette dernièremaintient par conséquent I'immunide
juridiction de l'experten mission considéré relativementxdits actes (y compris les
paroles et écrits))). -48 -

Ainsi, lorsquela Malaisie affirme, au paragraphe 3.3. (p. 5) de ses observations écrites, queson

gouvernement «ne pouvait pas ..intervenirau nom du rapporteur spécial,quin'est pas l'agentdu

Gouvernement de laMalaisie)),elle ne tient pas compte deson obligationjuridique internationale

de soustraire le rapporteur spéciala «tout procès en justice ainsi [qu'aux]contraintes qui en

découlent)).Aux pages 25 et 26 de ses observations écrites,la Malaisie assimile implicitement

l'attestation d'immunité émanad nt Secrétairegénéral une réserveautomatique à l'acceptationde

la juridiction obligatoire de la Cour et en conclut que cette attestation est donc dépourvue de

053 validité:cet argument est lui aussi déplacé. Comme le démontrel'existence d'un mécanisme de

règlement des différends,prévu à la section 30 de la convention générale, la Malaisie n'est

nullement tenued'acceptercomme obligatoire,de façon définitive,l'appréciationque le Secrétaire w

généraflait de l'immunité,t cette appréciation ne constitue dpas une détermination unilatérale

de ses obligations. De fait, la sectionde la conventiongénérale prévoitqu'un«différend»peut

surgir, et dans ce sas il peut être podevant la Cour.

24. Dans ce contexte, le fait que l'organisation des Nations Unies aclairement affirmé, au

paragraphe 15 de ses observations écrites(p. 7), que «la section 29 b) pourrait êtrerendue

applicable, mutatis mutandis,aux experts en mission quijouissent de l'immunité)), méritu ene

mention particulièreparce que cela souligne que l'article11de la convention généralm e et en

place un systèmecomplet de règlementdes différends, cequi ne permet plus de douter que le

respect initial de l'immunité devantles tribunaux nationaux, lorsque l'immuna étéattestée par 'J

le Secrétairegénéral, n'empêcherp aits quejustice soit faite.

25. A ce stade,je souhaiteraisexprimer la reconnaissanceet I'appréciationdu Costa Rica

enversles Etats-Unis,qui ontaffirmédansleursobservationsécrites(p.5), qu'unefoisque laCour

aura estiméque M. Cumaraswamy bénéficie de l'immunité,il ne lui sera pas nécessaire, pour

répondreintégralement à la requêtedu Conseil économiqueet social, d'aborderla question de

savoir avec exactitude comment la Malaisieaurait dû traiter'affairedu point de vue procédural.

Je tiensàsoulignertoutefois que, selonleCosta Rica, cela revienàse faire de la requête une idée

artificiellementétroite. Si le «différend»qui existe entre l'organisation des Nations Unies et la

Malaisie est évidemmentsusceptible, du point de vue technique, d'êtreréglésans que la Cour - 49 -

aborde cette question, la requêtedu Conseil économiqueet social invite clairement la àoaller

plus loin. Le Costa Rica prie instamment la Cour de se prononcer sur la question que je viens de

mentionner, comme un acte légitimede sagessejudiciaire accompli en vue de défendreles droits

de l'hommeau niveau internationalet de faireen sorte qu'au coursdescinquanteprochainesannées

également,il n'yait pas plus de deux affaires relatiàela section 22 de la convention générale

portées devantla Cour - et peut-êtremême,qu'il n'yen ait aucune.

5 4 La Malaisieesttenuedeverser une indemnisation pour tous les coûts,frais,pertes,dommages
ou préjudicessubis parle rapporteurspécial du fait qu'ellen'a pas respectéla convention
générale

26. Enfin, la Malaisie doit verser une indemnisation pour tous les coûts, frais, pertes,

dommages ou préjudices quele rapporteur spécial a subis du fait qu'elle nes'estpas acquittéede

son obligation de respecter son.immunité, commele prescrivait la convention générale.

27. Le fait que, dans l'affaire de la Réparation des dommages subis au service des

Nations Unies, le préjudiceétaitpersonnel plutôt que strictement financier est une distinction

factuelle dénuéede pertinenceJuridique. En outre, rien nejustifie qu'enl'espèce l'avisconsultatif

décisifdela Couraitdeseffetsmoindresconcernant lesconséquences de laviolationde la Malaisie

que concernant l'existence de cette violation. En effet, il n'y a aucun élément de rétroactivité

inacceptabledans l'unou l'autrede ces aspects de la décision de laCour en l'instance.

Conclusions finales

28. Monsieur le président, Monsieurle vice-président,Madame et Messieurs de la Cour.

Pour les raisons qu'ila avancéesdans ses exposésécritset pour celles qu'ilvient d'énoncer lorsde

la présenteaudience, le Costa Rica conclut que la Cour devrait décider que la section 22 de

l'articleI s'applique au cas de M. Cumaraswarny en sa qualitéde rapporteur spécial de la

Commissiondes droits de l'homme, pource qui est des paroles et des actes qui lui sont attribués

dans l'article intituléa justice malaisienne au banc des accusés» publiédans le numérode

novembre 1995de l'InternationalCommercialLitigation. La Courdevraitégalementdéciderqu'il

s'ensuitque le rapporteur spécialbénéficiede l'immunitde toutejuridiction pour ce qui est de ces

paroles et de ces actes, et que la Malaisiea donc l'obligationjuridique en l'espècede lui reconnaître - 50 -

cette immunitéde toutejuridiction. En outre, la Cour devrait déciderque la Malaisie doit verser

une indemnisation pourtous les coûts, frais, pertes, dommages ou préjudices,mpris lesdépens

et frais de représentation en justiceque le rapporteur spécial a subis pouravoir dû se défendre

devant lestribunaux malaisiens. Enfin, la Cour devrait décider,pour i'avenir,que la Malaisie doit

mettre sa législationen conformitéavec la convention généraldans la mesure où elle s'en écarte

actuellement.

29. Monsieur le président, Monsieurle vice-président,Madame et Messieurs de la Cour. Je

vous remercie de nous avoir accordévotre attention et d'avoirbien voulu écouternos arguments.

055 Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Brower. La Cour se réunirade nouveau demain matin. .1

Merci.

L'audienceest levée à 12 h 50.Non-Corrigé ~raduction

Uncorrecterj Translation

CR 98/15 corr.

(Français seulement)
Le 10 décembre 1998

Corrigendum à la traduction du CR 98/15 du 7 décembre1998

Pour des raisons techniques, deux lignes n'ont pasétéimpriméesau bas de la page 45 de la

traduction du CR 98/15 (débutdu paragraphe 19).e texte complet de la page 45 est reproduit
ci-joint. - 45 -

bénéficiele rapporteur spécial, l'organisation des NationsUnies est disposéeà accorder aux

demandeurs dans les instances à l'originede la présente affaireun recours ainsi que l'exigela

section 29 de la convention générale.

17. Si l'onaborde la questionsous un angle différent,on peut reconnaître, comme lelaisse

entendre la Malaisie au paragraphe5.24 de ses observations écrites(p. 29) que dans un cas

particulier ((pareillefaçon de rendre publics des élémentsréunisaux fins de l'élaborationd'un

rapport n'est pas nécessairementdans l'intérêdte l'organisation des NationsUnies)), mais il

appartientàcelle-cidetrancherunetellequestionlorsqu'ellenommeunrapporteur spécial,prolonge

son mandat et prend note avec approbation de ses rapports (ou cette décisionappartient au -.
*
Secrétairegénéral lorsqu'il exerceson «droit» et assume son «obligation» de lever l'immuenté

vertu de l'article23 de la convention). L'observationfaite par la Malaisie au paragraphe 5.24 de

ses observations écrites (p.14) selon laquelle le mécanismemis en place par l'organisation des

Nations Unies pour lesdroitsde l'hommepourraitsetransformeren«menéessubrepticesau service

d'intérêptsersonnels))ne tient pareillementpas compte de l'importancejuridique de l'exercicepar

l'organisation desNationsUnies,en l'occurrencepar la Commissiondes droitsde l'homme,de ses

fonctionsde contrôleet de surveillance l'égarddes rapporteurs spéciaux. De plus, compte tenu

du mandat dont étaitinvesti en l'occurrence le rapporteur spécialde faire une enquêtesur

l'indépendance desjuges et des avocats,«des propos qui font une ((mauvaisepublicit)ux Etats

ou jettent la suspicion sur un système judiciaire))et dont la Malaisie doute implicitement au W

paragraphe 5.25 de ses observations écrites (p.15) qu'ils aient été«tenus ...[en vue de]

l'accomplissementde sa mission))entrent manifestementdans le champd'application de la mission

du rapporteur spécialétantdonnéqu'ilétaitprécisémend te son devoir de révélles situationsoù

l'indépendance du pouvoir judiciaire semblait compromise.

18.Pour ces motifs ainsique pour ceux que le Costa Rica a exposésdansles écrituresqu'il

a soumises à la Cour mais que nous n'avons pasrépétéisci, la Cour devrait conclure que le

rapporteur spécialjouit effectivementde l'immunité detoute juridiction.

19.Monsieur le président, Monsieurle vice-président, Madameet Messieurs les Membres

de la Cour. Je passe maintenant à la question des obligations de la Malaisie en l'espèceet en

Document Long Title

Traduction

Links