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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
Uncorrected Non-corrigé

CR 99/35 (translation) CR 99/35 (traduction)
Wednesday 12 May at 4.50 p.m. Mercredi 12 mai à 16 h 50

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : La Cour va maintenant reprendre son audience dans
l'affaire Yougoslavie contre Etats-Unis d'Amérique et je donne la parole à M. Andrews, agent des Etats-Unis.

M. ANDREWS : Merci Monsieur le président. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, comme
d'autres intervenants l'ont noté cet après-midi, le second tour de parole du demandeur ce matin ne lui a pas
permis de corriger les faiblesses fondamentales de son argumentation. Aussi me contenterai-je de lui répondre
brièvement. Je me concentrerai sur trois grands points.

1. Absence de compétence du fait de la réserve émise par les Etats-Unis

Tout d'abord, comme nous l'avons démontré, la Cour n'est pas compétente pour examiner les demandes
présentées par le requérant à l'encontre des Etats-Unis et ne peut donc indiquer de mesures conservatoires
contre ce pays. Les Etats-Unis ont émis une réserve claire à l'article IX de la convention sur le génocide. En
vertu de cette réserve, aucune instance ne peut être introduite contre les Etats-Unis, au titre de la convention,
sans leur consentement exprès. Les Etats-Unis n'ont pas donné leur consentement en l'espèce.

Le demandeur a fait totalement abstraction de la réserve émise par les Etats-Unis. La requête elle-même est
muette sur ce point. Le conseil du demandeur a feint d'ignorer la réserve des Etats-Unis aussi bien hier
qu'aujourd'hui, même après que M. Crook eut expliqué la réserve hier et démontré que la Cour n'était pas
compétente en raison de cette réserve. Ce silence montre que le demandeur reconnaît, comme il doit d'ailleurs
le faire, que la Cour n'est pas compétente prima facie, ni autrement, pour examiner les demandes présentées par
la République fédérale de Yougoslavie à l'encontre des Etats-Unis. Il n'y a aucun désaccord entre les Parties sur
ce point.

2. Absence d'allégations crédibles relevant de la convention sur le génocide

Mon second point, Monsieur le président, est qu'en outre, le demandeur a été encore une fois dans l'incapacité
de formuler une quelconque allégation crédible de violation de la convention sur le génocide. Au cours de son
exposé oral ce matin, le conseil du demandeur a essayé à nouveau de faire valoir que les opérations des forces
de l'OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie tombaient sous le coup de la convention. Il a avancé
comme nouvel argument que ces opérations visaient à exercer une «coercition collective» contre la population
yougoslave et que l'intention de causer un génocide pouvait être «déduite» des effets allégués des armes

utilisées par les forces de l'OTAN et des conséquences alléguées de ces opérations sur la population civile, y
compris «ses conditions d'existence».

Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, une fois encore cet argument ne permet pas
d'accréditer la moindre allégation de génocide. Le demandeur a été dans l'incapacité de démontrer de quelque
manière que ce soit l'existence de l'élément intentionnel spécifiquement requis par la convention sur le
génocide, à savoir l'intention de «détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel». On ne saurait affirmer à la légère qu'une intention existe dans la conduite d'opérations militaires
classiques contre un autre Etat, comme le demandeur le prétend. Ses allégations concernant les conséquences

collatérales des opérations de l'OTAN relèvent au plus du droit des conflits armés, mais certainement pas de la
convention sur le génocide.

Comme nous l'avons fait remarquer hier, la nécessité de démontrer en pareille circonstance l'existence expresse
de l'élément intentionnel requis par la convention a été affirmée très clairement dans la déclaration
interprétative formulée par les Etats-Unis au moment de la ratification de la convention par ce pays. Dans cette
déclaration interprétative, il est dit que «les actes commis au cours de conflits armés sans l'intention expresse
énoncée à l'article II ne sont pas suffisants pour constituer un génocide au sens de la présente convention». La
République fédérative socialiste de Yougoslavie n'a pas fait objection à cette déclaration interprétative et ledemandeur n'a pas tenté ici de la remettre en question.

Qui plus est, les mesures conservatoires demandées par le requérant seraient inappropriées, même s'il avait pu

formuler des allégations crédibles de violation de la convention, car les mesures en question supposent la
cessation de tous les actes d'emploi de la force, ce qui est clairement en dehors du champ d'application de la
convention. Dans son exposé ce matin, l'agent du demandeur a déclaré de manière très affirmative que les
mesures demandées étaient appropriées au regard de la convention de génocide, car ce serait en fait la
campagne de bombardements de l'OTAN qui constituerait l'instrument du génocide. Il s'agit d'une tentative
évidente pour faire entrer dans le cadre de la convention sur le génocide des mesures qui n'en relèvent
manifestement pas. Ainsi que nous l'avons souligné hier, le caractère inapproprié d'une telle demande a été
clairement reconnu par la Cour en l'affaire relative à l'Application de la convention sur le génocide, dans
laquelle la République fédérale de Yougoslavie s'est vigoureusement opposée aux mesures réclamant une

cessation générale de l'emploi de la force, mesures qui ont été rejetées par la Cour.

En résumé, le demandeur a été dans l'incapacité la plus totale de formuler une quelconque allégation crédible de
comportement qui relèverait de la convention sur le génocide, et de justifier l'indication de mesures
conservatoires, lesquelles ne permettraient en aucune manière de protéger les droits garantis par la convention
sur le génocide. Par conséquent, même s'il existait une base de compétence permettant à la Cour de se saisir des
demandes présentées par le requérant à l'encontre des Etats-Unis - ce qui n'est manifestement pas le cas -, la
Cour ne pourrait s'appuyer sur aucun fondement pour accorder les mesures conservatoires demandées.

Enfin, le demandeur n'a pu opposer aucune parade crédible à l'argument des Etats-Unis selon lequel il s'est
présenté devant la Cour avec des mains sales, et que ses propres atrocités contre le peuple du Kosovo
l'empêchent de demander une protection contre les actions entreprises par l'OTAN en réponse à ces atrocités.
Ainsi que nous l'avons dit hier, si la Cour accordait des mesures conservatoires contre les actions menées par
l'un quelconque des Etats défendeurs, cela reviendrait à récompenser l'auteur des actes illicites pour ses méfaits
et à le protéger contre leurs conséquences.

3. Observations finales

Troisièmement et enfin, Monsieur le président et Madame et Messieurs les Membres de la Cour, les hasards de
l'alphabet font que je suis le dernier orateur dans cette procédure orale. Je n'ai donc pas besoin de répéter tout ce
que d'autres ont dit fort bien cet après-midi pour démontrer le caractère artificiel de cette saisine de la Cour et
l'absence de bonne foi qui la sous-tend. Il est clair que l'instance qui a été introduite contre les Etats-Unis,
comme du reste les instances introduites contre les autres défendeurs, l'a été pour des motifs politiques. Aucun
Etat de bonne foi ne pourrait soutenir que la Cour est compétente dans cette affaire contre les Etats-Unis. Du
reste, le demandeur semble avoir abandonné tout argument à cet effet.

En réalité, le but de cette procédure est de créer un écran de fumée politique pour détourner l'attention du
comportement monstrueux du demandeur. Celui-ci n'a pu réfuter valablement ce matin les arguments
concernant les atrocités commises et qui continuent à être commises contre le peuple du Kosovo. C'est un
mensonge monstrueux de dire que plus de 700 000 personnes ont fui le Kosovo en raison des opérations de
l'OTAN. Ainsi que le Secrétaire général des Nations Unies l'a déclaré devant la Commission des droits de
l'homme le 7 avril dernier :

«L'odieuse campagne de «purification ethnique» menée méthodiquement par les autorités serbes au

Kosovo semble avoir un seul objectif : chasser ou tuer le plus grand nombre possible d'Albanais de
souche du Kosovo, privant ainsi un peuple de ses droits les plus fondamentaux à la vie, à la liberté
et à la sécurité et provoquant une catastrophe humanitaire dans l'ensemble de la région.»

La question dont la Cour doit décider dans cette affaire est la demande de mesures conservatoires présentée à
l'encontre des Etats-Unis par le requérant. Même si elle est compétente pour indiquer de telles mesures, nous
avons démontré qu'elle ne doit pas le faire. La Cour ne doit pas apporter son soutien à une partie qui se présente
devant elle pour essayer d'obtenir sa protection contre les conséquences de ses propres actes terribles.

Je remercie la Cour et je réaffirme notre conclusion : la Cour doit rejeter la demande en indication de mesures
conservatoires présentée par la République fédérale de Yougoslavie.Merci, Monsieur le président.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Monsieur Andrews, je vous remercie. Cela nous amène à
la fin de cette procédure orale. Je voudrais, au nom de toute la Cour, adresser mes vifs remerciements aux
agents, conseils et avocats des Parties, pour la grande courtoisie et l'esprit de coopération efficace dont ils ont
fait preuve. Conformément à la pratique habituelle, je demanderai aux agents de se tenir à la disposition de la
Cour pour toute autre information dont elle pourrait avoir besoin et, sous cette réserve, je déclare close la
procédure orale concernant la demande en indication de mesures conservatoires présentée dans les affaires
relatives à la Licéité de l'emploi de la force. La Cour va maintenant se retirer pour délibérer. Les Parties seront

avisées en temps opportun de la date de l'audience publique à laquelle la Cour donnera lecture des ordonnances
qui contiendront de ses décisions.

Aucune autre question n'étant inscrite à l'ordre du jour, la Cour va maintenant se retirer.

L'audience est levée à 17 heures.

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