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CR 93/29 (traduction)
CR 93/29 (translation)

Jeudi 8 juillet 1993
Thursday 8 July 1993 Le PRESIDENT : Veuillezvous asseoir. MonsieurCrawford.

M. CRAWFORD: Monsieurle Président, Messieurs l de Cour.

A. Introduction : la nouvelle positio du Tchadsur l'acquisition
originaire

1. Dans la présente partidee la réponsede la Libye,je me propose

de traiter surtoud tes pointsde droit qui divisent maintena les

Partiesau "différend territorial au,litige dont la Cour est saisie.

Je dis les pointsde droit qui divisent maintenant les Parties, parce

qu'ily a eu beaucoupde mouvementde la partdu Tchad à cet égard.

Mme Higgins,dans sa plaidoirie du 30 juin 1993 (CR 93/24,p. 25) s'est e

plaintede ce que "bien d'autreschoses inexactes" aient été attribuées

au Tchad,qui se serait fondésur une interprétation colonia duedroit

international.Monsieurle Président, chacun des propositions

attribuées au Tchad dansmon exposédu 21 juin (CR 93/19,p. 30 (par.9),

31-33(par. 10-12),35-36(par.17-18),41-43(par.32-36),46 (par.421,

49-51 (par.48-52),52 (par.55)) étaitillustrée par un renvoi précis

aux écritures du Tchadet une brève citatio de ces dernières. Ma

connaissance du français,et je le regrette profondément, n'est pas assez

bonne pour que j'aiepu inventer les passage es question. En fait, le
9
Tchada abandonné l'ensemble de sa thèse juridique concernant

l'acquisition originaire,telle qu'elle figure das nss pièces écrites,

pour repartir à zéro. Ainsi,il ne soutient plus qul ees sphères

d'influence équivalentà des titres territoriau (bienque M. Pellet
1
persiste encor e désignerle Tchaden 1902commeétant "une colonie
1
virtuelle"(CR 93/23,p. 34)). Il ne soutient plus que les populations 1

de la régionne relevaient pas de la protectiondu droitdes genset

n'avaient pas de droitsau regarddu droitinternational. Il ne laisse

plus entendre non plus queles confinsétaient terra nullius. La Couraura constaté qu'ila falluau Tchad trois séried s'écritureset plus de

troisjoursde plaidoirie avand t'êtreamené à exprimer clairemen sa

positionsur cettequestion,de dire explicitement que les confins

n'étaientpas terranullius. On auraitpu penserque M. Shaw,dont

l'exposéa portésur le titre originell ,'auraitdit,mais il estresté

coi. C'est finalementMme Higgins,-avecsa manière directe,qui a

expriméla positionclairement(CR 93/24,p. 15).

2. Abandonnanten ruineses thèsesantérieures - à la manièredont

les soldatsfrançaisont abandonné la bibliothèqe ueruineà Bir Alali-

le Tchadse met encoreune fois, dans la plaidoirie de Mme Higgins,à

redéfinirsa position sur l'acquisitiondu titre. Que dit-ilmaintenant ?

B. Le rôlede l'"occupation" d'un territoirequi n'estpas terra
nullius

3. Ayant acceptéque les confinsn'étaientpas terranullius,

Mme Higginsa ditqu'unepuissance coloniale pouva néanmoinsacquérir

la souverainetp éar des moyens autres que des accor (CR 93/24,p. 25),

par des moyens qu'ellea persisté à qualifier d'occupatione,ncorequ'il

s'agissed'occupation par la force. A ce stadede sa plaidoirie, son

argumentation a prisun caractère apocalyptiqueN .e pas confirmerla

frontièrede 1919 mettrait en question,a-t-elledit, laplupartdes

frontières d'Afrique(CR 93/24,p. 25-26). Cela ébranlerait la

légitimité des Etatf sondéspar des colonspartoutdans le monde, dans

une grandepartiede l'Amérique du Nord,et même - un coup

particulièremenbtlessant,Monsieur le Président - la totalitéde mon

proprepays,l'Australie (CR 93/24,p. 24). Bien entendu,nous serions

protégés parl'article59. La Courne peut avoirdit, dansce que

Mme Higginsa appeléson dictum dansl'affairedu Saharaoccidental,

c'est-à-diresa réponseprécise à une question précise poséepar l'Assembléegénérale,que l'occupation étai seulement appropriée danle

cas d'une terranulliusparceque, a-t-elledit, cela conduirait à

l'anarchie juridique.

4. Mais la Cour,au paragraphe 79 deson avis consultatifa, dit

clairementqu'uneconditionpréalablenécessairede l'occupation as uens

proprede ce termeétaitqu'ils'agisse deterra nullius. Elle l'a dit
0 1 2
. - non pas une fois maistroisfois. Nous avons en anglais une formule bien

connue: "ce que je vous dis trois foisest vrai",et nous savonstous

que celan'est pas vrai. Nous avonsentendu laplaidoiriedu Tchad

affirmerà plusieurs reprises des propositions que contest Libye. I
L'idéeque la
Mais ce queje vous dis troisfois doit être intentionnel.

Courne pensait pasce qu'ellea dit troisfois est plutôt inhabituelle.

J'ai cité lespassages pertinentdansma plaidoirieantérieureet ne les

répéteraipas ici (CR 93/19,p. 37). Mme Higginsa en faitaccuséla

Cour de légiférer rétrospectivemende,renverser les attente réelles

des partiesen causeà l'époque. Mais l'idéeque l'occupation était une

méthodeappropriée,et seulement appropriée, d'acquér une terra

nulliusétaitalorsbien acceptéedans la pratiquedes Etats. Je cite,

par exemple,un texte britanniqudee 1839 concernant laouvelle-Zélande,

où il est dit que l'acquisition de souverainetst "strictement U

subordonnéeà la conditionpréliminaire indispensable q laecession

territorialeait été obtenuepar une négociation amiablavec les chefs

indigèneset le libreassentiment deces derniers"[traductiondu

Greffe](Correspondencr eelativeto NewZealand, 1840, no 11,

p. 68-69). Et cette idée remonteà Victoria,qui a dit que

"il n'y a pas de douteque les aborigèneexerçaientune
véritable souverainet (dominion)sur le plantantpublicque
privé,et ...ni leurs princesni leurspersonnes privéense
pouvaientêtre dépouillés deleur propriétéau motifqu'ils
n'en seraientpas les vraispropriétaires"[Traductiondu
Greffe.](De Indis,vol. 1, proposition24 (1532)). Celaa été publié en1532. C'estcettedoctrine que Mme Higginsa

traitéede dangereuse hérésie ,nventéeà posterioripar la Couren 1975,

et qui lui a arraché detels crid'alarme.

5. Sa méthoded'argumentation'a pas seulement fait interven irs

menacesd'apocalypse :ellea aussiconsistéà fairepreuve d'inattention

, 0 13 voulueà l'égardde cequ'ontdit réellemenl ta Cour et la Libye.Dans
. -
l'affairedu Sahara occidental, lCoura parlé d'un territoire occupé

acquispar "cessionou succession'(C.I.J.Recueil 1975,p. 39,

par. 79). La Courn'avaitpas besoinde préciserce qu'impliquait la

notion desuccession,étantdonné quel'Espagne avaic toncludes traités

avec les tribus. Mais on peut inférer qla successionpourrait

comporter de nombreuses autres possibilités, ont été explicitement

énumérées danmson exposéet celuide M. Bowettlorsdu premiertour

(CR 93/19,p. 63-64;CR 93/20,p. 2-11). L'une de ces possibilit eést

la debellatio,l'anéantissemende 1'Etat. Une entitéqui n'est pas un

Etat et dont les droitsur sa propre terre sonreconnusen droit
.
international doibténéficierd'uneprotection.Mais pas à plusde

protectionque cellequi serait accordéeà 1'Etatlui-même. Donc,la

debellatiopourrait s'appliquer Une autrepossibilité pourrait être

la conquête,si l'onadmet la conquête com étantun mode distinct

d'acquérirun titre--j'y reviendraibientôt. Epuis il y a la

possibilitéde la consolidation,'est-à-direl'acceptatiognénérale

d'une situatioqnui,quellequ'aitété l'originea , été généralement

reconnueet acceptée. M. Bowetta déjà traité ave coin decette

possibilitédansun exposé antérieu(rCR 93/20,p. 6-11). Il n'y a donc

ni apocalypse,ni anarchiejuridique. Et l'insistahncegneuse duTchad

sur la possibilitdé'une occupationilitaired'un territoire déjàccupé

- car c'està celaqu'équivautla nouvellethéoriede Mme Higgins

(CR 93/24,p. 24-26)- se trouvesansbase juridique. 6. Peut-êtrele Tchadsoutient-ilmaintenant qule titrepourrait

avoir été acquipsar une occupationvecusagede la force à l'égardd'un

groupe dépourvdue titre. Cela sembleêtre lecas du Tchaden ce qui

concernel'utilisationde la force parles Françaisà l'égarddes

Senoussi. Mme Higginsa dit "le terme 'conquête...ne semble pas

décrirede façon adéquatel'occupationdu BET,où l'activitémilitaire

étaitdirigée contreles Senoussiet d'autresentitésqui n'avaientpas
. .
'. 0 1 4 de titreinternational "CR 93/24,p. 30). Mais celaéquivautà dire que

ce territoireétaitterra nullius,ce que conteste maintenanle

Tchad. Et l'onne peut fairede distinction entre les Senous etiles 1

tribus localesn,on seulement parce que ltribus étaienStenoussi mais

égalementparce que la Francceombattaiaussi contre elles ,t ce en

liaisonavec la confrérie.Par conséquent, soilte territoireétait

terranullius, ce quetantle Tchad que la Libye contestent,oit la

proposition n'est papertinenteen l'espèce.

7. Monsieur le Présidenton pourraitse demander quelleest la

fonctiondes règlestraditionnelles relatives l'acquisitionde titre,
si en plus de la cessioon admetles autres possibilités que'ai

mentionnées. A la fin le pouvoir le plus fort pourravitir le dessus,

alorsà quoibon faireces distinctions? La réponse est que les droits -

et intérêts d'autresersonnesmoralespourraient êtreen cause,et que

ces personnespourraient insistesur l'observancdes principesdu droit

internationale,t des conséquencejuridiquesqui découleraiendes

transactions, parxempleen matièrede successionou d'exécution des 4

obligationsconventionnelles.

8. Et effectivementl'Empireottoman,et par la suitel'Italie, ont

été en causeont bienfaitvaloir leurs droits successifs, co l'ont

faitd'ailleursles Senoussi,dans une sériede transactionsavantet

après1912. Une sériede transactions quaivaientà toutle moins l'apparencede transactions internationalees,dans l'espritde la Cour

dans leSahara occidentalon dirait aussla réalité. L'implication

l'Italiefournitencore uneautreraisonde refuserla manière

apocalyptiquede voir les chosese Mme Higgins. Elle s'estplaintede

ce que la thèsdee la Libye selon laquelle ilaitimpossiblepour la

Franced'acquérir le titredel'Italieaprès1912.-était unethèse

nouvelle(CR 93/24,p. 33-34). Or cette thèse estb,ien entendu,

pleinement exposédans lesécritures de la Libye(voir, parexemple,

répliquede la Libye,p. 225-227, 252-255avec renvoisà des pièces

antérieures).Cela signifie que,à unniveaudu moins, le différend

entrela Franceet l'Italieaprès 1912n'en étaitqu'und'unelongue
0 1 5
- listede différends en matièrde titreterritorial. A un autre niveau,

il a bien impliqué lesribus Senoussein tantque belligérants, mais

l'onne peut guèrepenserque celarenforce la thèsedu Tchad.

C. Le statut juridiquees sphèresd'influence

9. J'aborde maintenant le sta juutidique des sphèrds'influence.

Sur ce point, laourse a été mené earM. Pellet. Il a fait marche

arrière,il estvrai,par rapport à des thèsesantérieures selon

lesquelles les sphèred'influencepar elles-mêmes mettaient en ojeu

produisaientdes titresjuridiques(CR 93/23,p. 18). Ellesétaient

maintenantnon pas juridiquesais simplementpotentiellescommela

Libyel'a toujours soutenu.

10. Mais M. Pelleta cherchéà insistersur ce que la prétendue

reconnaissancpear luItalide la zone françaisen 1902doit avoireu

pour conséquencjeuridiqueque l'Italien'a pas acquisde territoirdans

cettezonepar le traitédlOuchyde 1912. Autrement,a-t-ildit, les

accords en matièree sphèresd'influencen'auraienten droitni

significationi substance(CR 93/23,p. 25). Mais commeje l'aidéjà souligné,on ne peut admettrque lesaccordsen matièrede sphères

d'influenceaienten droitune significationou unesubstance quelconque

autrementque sur une base purement bilatéra(CR 93/19,p. 41-47).

Ellesne lientpas lasouveraineté territoriale, q duans chacun decas

La souveraineté territoriadlel'Empireottoman
n'y est pas partie.

n'étaitpas contrôléeou limitéepar les accordsen matièrede sphères

d'influenceconcluspar des Etatstiers. De telsaccordsétaient tes

inter alios acten ce qui concernele souverainterritorial. On peut

formulercelaautrement, par analogie avele droitrelatifà la

successiond'Etats. Dans le cas classiqude succession ,n traité

bilatéralne donnepas lieu à successionà moinsqu'iln'établisse une

, 0 1 6 frontièreou concernele régimed'unefrontière. Il seraitimpossible de

soutenirqu'unaccorden matièrede sphèresd'influence concernele

régimed'unefrontièreen ce sens. Le droit internationaconnaîtbien

la distinctioentreun statutet un contrat, en ces termesentreun

titreet un traité. Bien que l'application de cette distinctp ionsse

soulever desdifficultés dans lecas de traités multilatéraux importants,

personnen'a jamaisprétendu que des traités bilatéraux l'emportsent

un titreterritorial.Et il découlede cettedistinction élémentaire

que, commeles traités bilatéraux, les accords en matière de sphères

d'influencene l'emportentpas sur des droitsterritoriaux déjeàxistants

ou acquispar la suite. Si je prometsà ma femmede ne pas acheterune

voiturede prixélevé,celane m'empêche pas d'acquér irtitresur une

voiture quej'achètepar la suite,même si je le fais contrairemenàtma a

promesse. Il en seraitainside même si la promesseétaitfaite à mon

directeurde banque,encoreque le moyen dedroit puisse alorê stre

différent. De même, en admettanmême, auxfinsde la discussion, que

l'Italiea reconnu une sphèrde'influencefrançaiseau sud de la

Tripolitaine, celna'empêcheraitpasl'Italied'acquérir d'unEtat tiers un titre dans cettreégion,comme ellel'a faiten vertudu traité

d'0uchy. Bien entendu,les présupposésde la thèsedu Tchadne sont pas

non plus fondés: l'Italien'a reconnu aucune zone française en 1902,

comme M. Sohierl'a amplementdémontré.

D. La souveraineté partagée eles Senoussi

Monsieur le Présidentje passe maintenant la questionde la

souverainetépartagéeet des Senoussi.

11. M. Shaw,parlantdu critèrejuridiquede l'acquisitionde

souverainetésur les confins,ne s'estguèreécartéde l'analyse

présentéeà ce sujetpar la Libye lorsdu premier tour(CR 93/24,

p. 7-8). En particulieril n'a pas cherchà maintenirl'analyse touàt
, C 17
fait erronée concernalnatsouverainetédu Maroc dansl'affairedu

Sahara occidental ,ui figuraidans lesécritures du Tchad (CR 93/19,

p. 53-57). Il est vrai qu'il cité de manière inexacete appliquéde

manièreerronée les règles dudroitaux faitsde la présente cause,omme

le démontrerabientôtM. Dolzer. Mais sur lepointactuelson exposé

n'appelleque quelquesobservations.

12. La première,qui peut s'appliquegralementàce qu'adit

M. Cassese,concerne le problèmde l'applicatiodnifférented'unerègle

d'un casà l'autre. M. Cassesea parlé avec éloquendcee la naturedu

terrain, del'importancedes oasiset du contrôledes itinéraires

caravaniers(CR 93/24,p. 46-47). Il en a concluqu'ilétait possibldee

contrôlerles confins avec relativement pd'hommeset des ressources

trèslimitées,et que les Françails'avaientfait trèspeu de temps après

le départdes Ottomans, malgré la forhtostilité des tribusCR 93/24,

p. 49). Mais dans laplaidoiriedu Tchadon ne trouveaucunetraced'une

acceptationquelconquede la même manièrde voir en ce qui concerne les

Ottomans. Selon le Tchad, leOttomansn'ontpu établir leur souveraineté, malgrune implication antérieure considérable dans la

région,une revendicationde longue datet bien connue,l'appuides

populationset de la confrérieSenoussi, unprésencecivileet militaire

considérablependantla périodede l'administrationirecteallant

de 1908à 1913, et lecontrôledes oasiset des itinérairecaravaniers

(CR 93/23,p. 61-64). Leur revendicatioétaitprécaire,éphémère. Par

contraste,selonle Tchad, enl'espacede quelques mois,ou au pire en

un an ou deux,la France avait bientablisa souveraineté, malgré la

vive oppositiodne la populationl'absencede titre juridiqueu de

présence antérieurset l'inexistencd'uneadministratioc nivile. C'est
w
là une thèsepurement subjective.En outre,celasembleindiquerque le

Tchad raisonneen faitcommes'il s'agissaitde l'occupatiod'uneterra

nullius. Ce n'estque sur uneterranulliusque la souveraineté

puisse être aussriapidemenétablie. Il en faudraitbeaucoup plus dans

0 1 8 le cas d'uneoccupation militaireortement contestéeC.ommeM. Bowett

le montrera encore une fois dason analysedes effectivitésrançaises

après 1913,teln'étaitpas lecas.

13. On peut voirla même argumentation déséquilibréunilatérale

sur la question de'hinterland.De part et d'autrede la Libyese

trouvaientdes territoires dont le vastenterlandétait revendiqueét W

reconnu. Dans le casde ltEgypte,il s'étendaitusqu'àla Nubie,

Darfour, Kordofant Sennar,comme l'indiqulee firman ottomanu

13 février1841. Dans le casde la France il allaijusqu'àla ligne

Say-Barroua,comme laGrande-Bretagne'a reconnuen 1890. Et pourtant

lorsqu'ils'agitd'uneéventuelle revendicati ottomane,le Tchadva

jusqu'ànier l'existencde la doctrine. Elle était incertaine

(CR 93/24,p. 2);elle n'entraînaipas de droits(ibid.);son statut

était"dansle meilleur des cacsontroversé"(ibid.,p. 3).

Indubitablement, commje l'ai indiquédans ma plaidoirie antérieula, doctrinede l'hinterland n'étapiats une base indépendante pofonder

un titre. Mais dansle cas de l'Empireottoman la revendicatiaonété

faitepubliquementen tantque revendicatio dne souverainetéet elle a

coexisté avecdes liens sociauet religieux avec la populatiode la

région. Tout cela,le Tchadle passesous silence - il s'agitencore une

foisde "deuxpoidset deuxmesures".

14. M. Shawsembleêtred'unemanière générale perplexe, Monsieur le

Président. Il professene pas comprendrel'idéede titre conjoint, ou

celledu partage descompétencesde la souverainetés,aufdans le

contexte particuliedu fédéralismeou du condominium. A son avis,

semble-t-il,la souverainetnée pouvaitêtre partagéeen l'absenced'un

arrangementconstitutionnneflormelou d'un traité(CR 93/23,p. 57).

Selon lui,cetteprétendue souverainep tértagéeéquivalait"en réalité"

àune fédérationou a un condominium(ibid.),ou au mieuxà un

"protectorat"(ibid.),qui à son tournécessitait,et je cite ''le

partageformeldes attributset de l'exercise de la souveraineté".

0 1 9 M. Shaw semblait vivre danusn paradisde conceptsterritoriauxu,n droit
. -
internationadle catégories artificiellecsomme s'ilfallaitque les

arrangementspolitiquesse rangent forcémendansun nombrelimitéde

catégories prédéterminées.l est curieuxd'entendre celade la part

d'un spécialistb eritanniqudu droit public, étan donné larépugnance

notoire dudroit britanniqu de classerses propres dispositions

constitutionnelles. C'estle système qui a élaborédes entités

juridiques aussmiystérieusesque l'îlede Man, les anciens Dominionsla

nationalité britanniqueen vertude laloi de 1948,et les relations

conventionnelles spéciala esec les émiratsdu Golfe. C'estle système

qui se trouvemaintenantaux prises - d'unemanière qui, il le reconnaît,

lui est propre- avecla Communauté européenne e, quiétablitdes

arrangements spéciau pourle Gouvernementde HongKong et même pour l'Irlandedu Nord. Et pourtant,selon M. Shaw,nous sommes réduitsà un

maigremenu fixe comprenant lf aédération,le condominiumet le

protectorat commd eessert. Sur la questiodnes protectoratsle Foreign

Jurisdiction Act britanniq dee1890,qui régissait tous lepsrotectorats
I
britanniques, la juridictionpouvaitêtre acquisenon seulementpar voie

conventionnelle mais auspsir "octroi,usage,.permissiotnaciteou

autres... moyens1'.Et il en a effectivement étainsi. L'expérience

britannique, bien que riche,'estpas exceptionnelle : les arrangements

relatifsà l'administratiodne territoires ont toujours édtécaractère

divers. La fonctiondes juristesn'estpas de faireentrerces e

arrangements de force dans quelques catégories étroites,mmeM. Shaw a

cherchéà le faire.

15. Monsieur le Présidentje ne vais pas répéteirci ce quej'ai

dit lorsdu premiertourde plaidoirie sur la questionde l'analyse des

entités dans lesquelles lp esuvoirsde gouvernementsont concurremment

exercés aux différends nivea uxR 93/19,p. 59). J'ai citél'affaire

des Phares enCrète et à Samos (1937,C.P.J.I.série A/B no71) non

pas parcequ'ils'agitici de la séparation progressive d'unepartiede

l'Empireottoman, mais parce quecelareprésente une manièred'aborder

cetteanalyse. Ce queje voulais souligner et c'estlà une question
. 5 2 0
- . dont le Tchadn'a pas parlé,c'estqu'ilfautsoit traiter l'entit é

l'intérieurde laquelle lespouvoirssont partagés selontelle outelle

formede partenariat ou de souverainetépartagée, soit envisager les

divers pouvoirs comm contribuantà la constitutiodne l'entitédans son

ensemble. La thèsedu Tchadest une formed'analyseaux finsdu

démembrement, la stratégq iei consisteje le repète, àdiviserpour

conquérir. Bien entendu,il se pose la questionde savoirsi l'Empire

ottomanen tantqu'entitécomprenait les confinsen 1912,et M. Dolzer

traiterabientôtdes arguments factuel du Tchadsur cettequestion. 16. Un autre aspectMonsieurle Président, Messieur de la Cour,

concernela situation qui se présenteune fois que la souveraineté,

partagéeou non,a été établie. A ce sujet,je suisheureuxde dire

notreaccord complea tvec cequ'adit Mme Higgins. Elle a dit que:

"en droitinternational ,n Etat perdson titresur une partie
de son territoiredu faitnon pas d'uneinsuffisancedes
effectivités... mais d'unecessionou.du..retradit-toutesles
manifestationsde sasouveraineté par1'Etaten question, joint
à une intentiond'abandonnerson titre'(CR 93/26,p. 16).

Il est vrai queMme Higginsne l'a dit qu'unefois,mais nouspouvons

admettre quec'étaitbien sa pensée. Elle a parlé ensuitedu différend

concernant les îles Falkland,t du soutieninternational considérable

accordéà la revendicatiodne l'Argentinedans cette affair(eibid.,

p. 28). Monsieur le Président,on peut s'imagineentendreM. Cassese

faire preuved'éloquenceau sujet deseffectivitésdu Royaume-Unisur les

îles Falkland depui s833. Mais, comme le souligne Mme Higgins, n'est

pas la question, unefois qu'ilest établi quel'Italiea acquis la

souveraineté sur le sonfinspar successionà l'Empireottoman,et a

protestécontre leseffectivités ultérieuresde la France.

E. La conquêteen tantque fondementdu titre
. Ci1
17.Cela m'amènenaturellementà la question dela conquête

françaiseen tantque fondement du titresur lesconfinsdans la période

qui a suivi1913. Commeje l'ai déjàsouligné, Mme Higgins s'ep stainte

de la thèse imaginaire qui exige unet"cession pacifique" pour produire

le transfertd'un territoirequin'était pas terra nullius. Selon le

Tchad,avant 1919 (dansle cas des Membredse la Sociétédes Nations),

avant1928 (dansle cas des Etats e général),avant 1945(dansle cas

des entitésoccupantleurspropres territoire et qui n'étaient padses

Etats),la guerreétaitlégitimeet par conséquenl ta conquête étaiutn

mode d'acquisitio nossible(CR 93/24,p. 32-35). 18. Surun point,du moins en cequi concernela situation

antérieureà 1919,Mme Higginsa sans aucun douteraison. J'ai déjà

parlédu cas de debellatio,la soumission complètd e'un Etat ou autre

entité. Cela étaitpossibleavant1919. Mais après cette date,dans le r

cas de la Libye,le titresur le territoire en questio appartenaità

La situationne
l'Italieen tant qu'Etatsuccesseur de l'Empireottoman.
Sur la questiond'une
pouvaitpas être celled'unesoumissioncomplète.
Par
soumissionpartielle,des pointsde vue différents oné tté avancés.

exemple,Verostaa récemment résuml ée droitsur ce point de la manière

suivante :

"L'acquisition de territoire exigle'approbationdu
souverainantérieur. La conquêteen tant que telln ee confère
pas detitre juridique. La cessionne devient valable en droit
qu'aprèsla conclusiond'un traité, habituellemen un traitéde
paix." (Encyclopediaof PublicInternational Law, vol. 7,
p. 166; [Traductiodu Greffe].)

19. Telle était laposition adoptépear de nombreuxtraités
e
classiquesde droit international auXIX siècle(voirpar exemple,

Jean-Louis KlüberD,roitdes gens modernede l'Europe(1819),vol.,

p. 401;G. F. de Martens,Précisdu droitdes gens moderne(1831),

vol. 2, p. 298; Heffter,Das EuropascheVolkerrechtder Gegenwart

(1948),p. 229). C'était aussi l'opinion exprip mée exemplepar la

Cour suprêmedes Etats-Unis (voiTrhe Amri can and Ocean Insurance
. 2 2
Companiesv. 356 Balesof Cotton(1828)Peters,p. 536;voir aussi

Bindelsv. Administrationdes Finances,[1947]AnnualDigestand

Reportsof PublicInternational Law Cases,p. 49). L'ouvrageclassique

de Phillipson,publiéen 1916,concluait que dans presquetous lescas

d'annexionpartielle,le transfert de souverainetés'est faitsur la base

d'un traité ultérieur(C.Phillipson,The Terminationof War, Londres,

1916). Une autre tradition,il est vrai, représentépear des auteurstel

que Hall,qu'a citéMme Higgins(CR 93/24,p. 30), admettaitbien la conquêteen tantque telle comme fondementdu titre, Mais dans lecas de

l'acquisitiond'unepartied'un territoire, il est difficilede voir

commentla thèsede Hall pouvait êtrecompatible avecles règles

relatives àla prescription, queixigeaitune duréede possession defait

susceptiblede prescriptionacquisitive. Les règlesrelativesà la

prescriptionvont dans le sendse l'opinion~exprimépar Verosta. Selon

la théoriede la prescription,l'attitudeadoptée parle souveraindéfait

ou exclu demeureimportante. MmeHigginselle-mêmea dit qu'ellerestait

importantedans le cas del'Argentine.Et celasembleindiquer que le

simplefaitde laconquêtene pouvait par lui-mêmeproduireun transfert

de titreen droit.

20. Si l'onapplique cette conclusi ol'affaire qunious occupe,

la considération essentielelet que, si latotalitédu territoire,

comprisles confins, se trouvaitsous lasouverainetéottomane,et si

l'Italiea succédé à ce titre,alors, même en vertdu droitantérieurau

Pacte,la Francene pouvait acquéri un titresur la totalitéou une

partiedes confins quede troismanières. Soitpar cession(parceque

cela seraitun cas d-nnexion partielle,non de debellatio).Ou par

consolidation.Ou en faisant valoir qu le territoireavait été

abandonnéet étaitdevenuterra nullius.Mais,premièrement, in l'y a

pas eu cession;il y a eu sans aucundoutedes occasions de cessiopar

3 2 3 exempleen 1947, maiscelane s'est pasproduit. Deuxièmement, comml'a
-.
montréM. Bowett,il n'y a pas eu consolidation,tantdonné les

protestationsde l'Italieet la situation diplomatique incertaqine

s'en est suivie(CR 93/20,p. 6-11). Et leTchadn'a pas soutenu,et ne

pouvaitsoutenir,que le territoire étad itvenuterranulliusen 1913

(voir CR93/19,p. 39-40), en dépitdu faitque les Françaisavaient

emportéla bibliothèque.Et sicela était vrai avant1919,cela doit a

fortioril'êtredans lapériode postérieur où le droit aévolué davantagevers l'interdictiodne l'usagede la forceen tantque moyen

d'acquérirdes droits. M. Bowetttraiterala question plus en détail en

examinantles effectivités françaisa esrès1913.


F. Décolonisation et intégrité territoriale

21. Je vais passermaintenant, Monsieu le Président,à un ensemble

de questionsqui ont été présentées en des termt esutà fait

apocalyptiques pardeuxmembresde l'équipetchadienne et quiconcernent

le droit modernede l'intégritéterritorialeet de l'autodétermination.

Par l'effetdu droit, ontfait valoir PlmeHigginset M. Franck, la
.Cr,
revendicationde la Libye- même si elleavaitété valableen 1947,par

exemple- avait perdusa validité. Toute autre décisiodne la Cour

aurait,ont-ilsaverti, desconséquences tout à faitépouvantables.Le

droitdont l'opératioé nvitaitde tels cataclysmes ,eloneux,revêtait

deux formes, particulièe rtegénérale. La première étailta règle

particulière de l'intangibilitdées frontières annoncépear l'OUAdans la

résolution du Caire, la secondlee droit généradle l'autodétermination

et de l'intégrité territoriale.J'examinerai en premierlieula règle

particulière.

a) L'effetde la résolution 16 (1)de l'OUA (la résolutiondu Caire)

22. Le 21 juillet 1964,l'OUAadoptala résolution du Caire. Deux

Etats, le Marocet la Somalie, ont réservé leur position La Libyene

l'a pas fait, maias appuyéla résolutione ,t sir Ian Sinclaira expliqué

pourquoi. Voyant dans l'appuide la Libye à la résolutiondu Caireun

autreélément qui pouvait cach unracquiescement tacitM e,e Higginsa

bondi. Elle a affirmé que, commela Libye n'avait paé slevéde

protestationni formuléde réserve au sujet dl ea résolution16 (I),elle

avait donc acquiescéà la frontière existante avl ec Tchad, indépendammendte la validitéjuridiqude cette frontièr(eCR 93/21,

p. 32-33). Mais ilest clair quel'objetet l'effetde la résolution

étaientde confirmerle statu quo en matièrede frontières,"les

frontièresexistantau momentde l'accessionà l'indépendance".Cette

expression rappelle celd le traitéde 1955lui-mêmeet a eu, selonla

Libye,exactement le même effet. Le traitéde 1955n'a pas.crééde

frontière là où il n'en existaitas auparavante,t la résolutionde 1964

ne l'a pas faitnon plus. Autrement, elle auraiteu pour effet

d'éliminer tous les différendfrontaliers existanetn Afrique,sauf

peut-êtreceux auxquels étaientpartiesle Maroc etla Somalie.

23. Ce pointest expliqué parBrownlie, considéré par Tlehad comme

une autoritéen la matière, dansson ouvrage intitulé African

Boundaries, dans le sermesci-après :

"L'objetde la résolutiondu Caireétaitassezréaliste :
la décolonisationne devait pas être'occasionde nouvelles
sourcesde douteet de controverse.Cette politique n'évite

pas tous les différendet ne sauraitle faire. Lorsqu'une
frontièrecoloniale était obscur ou,n'avaitpas été
délimitée, les successeu rstrouveraient devan les mêmes
problèmes frontaliers mais pas davanta ge. Le principe ...
n'effacepas la listeexistantedes différends."(1. Brownlie,
AfricanBoundarïes, 1979p,. 11-12.)

24. Il convientde noter quel'ona toutfait pourque les membres

de l'OUAs'abstiennendte soulever des différends individu elCaire :

la résolutionétait considéréceommel'énoncéd'un principegénéralet

non la solutionde cas particuliers.En ce qui concerne lesdeuxEtats

qui ont formuldées réservesà l'égardde la résolutiodnu Caire,le

0 2 5 Marocet la Somalie, leurdsifférends étaien alors examinésactivement

par l'OUAet ne portaient pass,oit dit en passantsur l'emplacemendtes

frontières. Il n'y avaitaucun doute quec'estce qui les a conduitsà

formulerces réserves,en dépitdes pressions exercée sour qu'ilsne le

fassentpas. 25. En fait,ni l'OUA,ni les principauEtatsd'Afriquen'ont

considéréque la résolutiondu Caire résolvaites différends

territoriaux particulier s,r exempledans lescas où l'ona ditqu'il y

avaitune divergenceentreles frontières administrativ etsle titre

territorialau momentde l'accessionà l'indépendance.Je n'examinerai

que deux exemples,et je le feraidansunbut-d'illustratio nt non pour

exprimerun avis,quelqu'ilsoit, sur les questionsen cause. J'aurais

pu en choisir beaucoud'autres,y comprisdes différendsdans lesquels

il est reconnuqu'iln'y a pas de frontière, mêmen principe,dans une

régiondonnée. w

26. Mon premier exemplest celuidu différend entrea République

arabe d'Egypteet le Soudan asujetde leur frontière terrestre,

différend quiexistaitau momentde l'accessionà l'indépendancet n'a

pas encore étéréglé. Le traitépertinentprévoyaitque le

22e parallèle constituaila frontièreentrellEgypteet le Soudan

anglo-égyptien(jenote entreparenthèses que tou deux faisaienalors

officiellement partide l'Empireottoman conformémenaux règlesdu

droit international qlue Tchadne reconnaîtpas). Mais lafrontière

administrativeentreeuxne suit pasle 22e parallèleà d'importants

égardset ilexisteun désaccord entrl ees deux Etatsquantà

l'emplacement véritabdle leur frontièraujourd'hui.Les origines du

différend remontent 1899-1902(pourplusde précisions, voir Brownlie,

AfricanBoundaries, 1979p,. 110-120).

27. Le second exempleest celuidu différend frontalier entre

1'Ethiopieet le Kenya,qui s'estélevéen 1891et a été réglépar traité

en 1970. Ce différendfaisait interveniune question concernant les
. .
limites de lapénétration tribaldans une zonedonnée,un écart entre
, 0 2 6une ligneconventionnelle et une frontièrede facto,une démarcation de

frontièrenon ratifiéequi avait cependanutne certaine autorité

intrinsèque (voirBrownlie, op. cit.,p. 775-825).

28. Si MmeHigginsavaiteu raisonen ce qui concerne les effet se

la résolutionde l'OUA,pourquoin'y a-t-ilpas eud'autresEtatsqui,

restés muetsau Caire (parexemple 1'Egypteelle-même, qui a fortement

appuyéla résolution), se sontvu interdirepar leur silencd ee

poursuivre leurpsropres différends? La réponse est simpl e c'est

parceque la résolutio ne visaitpas à résoudre,d'unemanièreou d'une

autre,des différends concernantun titreou à dissiperdes incertitudes

quant à l'emplacementd'unefrontière.Si l'onsuivaitl'argument de

Mme Higgins, ilen résulteraitd'ailleursque les Etats (commel'Algérie

ou 1'Ethiopie)qui ont gardé lesilenceen 1964seraient, en ce qui

concerneleurs différendsd ,éfavorisés par rapportux Etats

(c'est-à-direle Marocet la Somalie) quiont effectivement formulé des

réserves. Personnen'a jamaisémi l'idéeque la résolution du Cair eit

eu, ou ait été censée avoiru,n tel effet.

29. Cetteinterprétatiodne larésolution de l'OUAa été confirmée

par une Chambrede la Courdans l'affairedu ~ifférendfrontalier.

Dans cette affaire, l Chambre asaisi l'occasioqnui s'offraitde faire

certainesobservations lumineusessur la question générale dl'uti

Elle a soulignéqu'ilne s'agissait pas seulement
possidetis juris.

d'unepratiquerégionale adopté en Amériquedu Sud ou en Afrique, mais

d'"unprincipegénéral,logiquement lié au phénomèndee l'accessionà

l'indépendanceo,ù qu'ilse manifeste' 'C.I.J.Recueil1986, p. 565).

Après s'êtreréférée à la résolutiodnu Caire, la Chambrae faitétat

d'un aspect particulie ru principequi est particulièrement pertinent

dans notreaffaire. Elle a dice quisuit : "Le premier[élément],mis en reliefpar le génitif latin
juris,accordeau titre juridique lp arééminencesur la
possession effective comme ba deela souveraineté."
(C.I.J.Recueil 1986,p. 566.)

Le deuxièmeélémentauquella Chambres'estréféréeest la doctrine de
027
l'uti possidetistellequ'elles'appliquait aux anciennesdélimitations

administrativesà l'intérieurd'unmême Etat colonial, question qui, bien

entendu,ne se pose pas dansl'affaire quinous occupe. Et la Chambrea

poursuiviainsi :

"Leslimitesterritorialed sont il s'agitd'assurerle
respect peuvent également résul deerrontières
internationales ayant formé séparation entre la co d'unie
Etat et la colonied'un autreEtat... Or l'obligatiodne
respecter lesfrontières international préexistantesen cas
de successiond9Etatsdécoule sans aucun doud teunerègle
généralede droitinternationalq ,u'elle trouveou non son
expression dans la formuu lei possidetis.A cet égard
aussi, par conséquent, les nombreuses affirmations solennelles
relativesà l'intangibilitdées frontièresqui existaient au
momentde l'accessiondes Etats africainsà l'indépendance,
émanant tantôtd'hommesd'Etatsafricains, tantôtd'organesde
l'organisatiodne l'unitéafricaineelle-même, ont
manifestement une valedurclaratoireet non pas
constitutive.." (Ibid.)

30. Je souligne les termes "frontièreinternationales

préexistantes".Comme la règle généralede droit internationalà

laquelle la Chambr ee référait- et d'ailleurs,commel'article 3 du

traitéde 1955 - la résolution del'OUAa une valeur déclaratoie re non

pas constitutive. Cette résolut ionbolitpas oune créepas de titre, w

ellese réfère à un titreexistant. Et elle lie égalemen les Etats

africains,qu'ilsaient ounon formulédes réserves au Caire.

31. Pour être completje voudraisfaireobserver que rien, dan les

rapportsde l'OUAsur leprésentdifférend, ne donneà penser que la

Libye aitété empêchée enquoique ce soit de formulerses revendications

parcequ'elleavait voté poul ra résolutiondu Caire. Le rapportne dit

d'ailleurspas non plus que la revendicati onla Libye violait le

principede l'utipossidetis, touten relevant à juste titrequ'il

étaiten cause dans l'affair (Rapportfinal,p. 36).b) Le droit de l'intégritéterritorialeet le fait que la Libye n'a
pas obtenude dérogationà ce droit

32. Le deuxièmedes argumentsapocalyptiquedsu Tchada été présenté

par M. Franck, lequela faitvaloirqu'envertudu droitinternational

modernede l'autodéterminatio et de l'intégritéterritorialeun Etatne

peut chercherà rouvrirdes questions territoriales qui ont été réglées

par l'exercicede l'autodéterminationU.ne fois quela populationd'un

territoire donnaé décidéde son avenir,que ce soitpar l'indépendance

ou par l'intégrationàun autreEtat,l'onne peut revenirsur sa

décision. On ne peutmême pas y reveniravecl'appuide la population

concernée, même sice:lle-ci'a jamaiseu la possibilitéd'exprimerune

préférenceen faveurde 1'Etatdemandeur(CR 93/25,p. 48-59). Ce

principe exclultes revendications irrédentistes t comme la sécession

et par conséquent, selon. Franck,empêche laLibyede présenter la

revendicationqui nous occupe.

33.M. Franckest allé plusloin,trouvant encoru en autreexemple

d'acquiescemendte la Libye. La Libye n'avait pas,ommele Nigériadans

le casdu Cameroun septentrionac l,erchéà obtenir une"dérogation" au

principede l'intégritéterritoriale lorsqu le Tchadest devenu

indépendant.L'Assemblée générale,a-t-ildit,pouvait, dans un cas

déterminé,accorder cettdeérogationet autoriserun scrutindistinct

dans unepartied'un territoire où s'appliquail'autodéterminatio pour

une partiede sa popu.lation.La Libyeauraitpu demander unetelle

dérogationet ne l'a pas fait. En conséquenceselon lui, ellese trouve

maintenant empêché de présentersa revendicatio(CR 93/25,p. 58-59).

34. L'argumenta été renforcé par laescription maintenant

familièredes événemeilthorriblesqui se produiraientsi la Cour

n'acceptait pas la lig dee1919. L'histoirede la décolonisation

devrait être réécritet les pendulesretardées.Le Tiers mondeserait

en ruines,aux diresde M. Franck(CR 93/25,p. 63, 67). 35. Vous avez, Monsieule Présidentet Messieursde la Cour,

entendu tout cela auparavan et,cette tactiqunee vous impressionnera

pas. La Libyene prétendpas qu'ilfailleinclure tout ou partiedes

. . confinsdans son territoireen raisond'affinitésethniques ou parce que

O 30 la populationle désire. Ce n'est pasnon plus,d'ailleurs, ce que fait
-.
le Tchad devantla Cour. En dépit des liens étroiqtsi la rattachentà

cette population,la Libyene fonde passa revendicatiosnur

l'identification ethniqn ue,sur l'existenced'irredentalibyens au

Tchad. Ellene la fonde pasnon plus, comme l'ontfaitle Marocet la

Mauritanie pour le Saha occidental,sur de précédents liens juridiques
w
ou droits souverain sur les confinsdes liens juridiques ou des droits

souverains donitl est admisqu'ilsqui avaientété supplantéest

remplacés définitiveme par le colonisateur.

36. La positionde la Libyeest différente.La positionde la Libye

est qu'ence qui concernetoutou partiedes confins,la souverainetd ée

l'Empireottoman,puisde l'Italie, et maintenantde la Libye,n'a Jamais

été acquisepar la Franceet doncne l'aJamaisété parle Tchad. Si

l'onpeutdiscerner une frontière territoriale q résulte d'untraité

ayant force obligatoip reurla Libye,et en particulierd'un traité

énuméréà l'annexe 1 du traitéde 1955,la Libye accepte quseon

territoirene va pas au-delàde cettefrontière.Si une telle frontière

territorialne'existepas,elle revendiqul ee titresur les régions sur

lesquelles ellpeouvait valablement prétendrà la souveraineté

- c'est-à-direun titrejuridique- à la datede sonaccession à

l'indépendance. En principe,le Tchadlui-mêmene revendiquepas plus :

il ne dit pas qu'ila acquisla souveraineté sur les confins, ou sur une

partiede ceux-ci,en raison d'unacted'autodéterminatio de lapopulation des confinsen tantque telle avant 1960. En dépitde

M. Franck,les Partiess'accordent en réalitésur la position juridique

sous-jacente.

37. Cette positiona été énoncée parla Chambre dansl'affairedu

~ifférendfrontalier, que je citeraiencoreune foissanshonte. Elle

a faitobserver que :

"A premièrevue [leprincipede l'utipossidetis juris]
heurtede front un autre, celuidu droitdes peuplesà disposer
d'eux-mêmes.Mais en réalité le maintie nu statuquo
territorialen Afriqueapparaîtsouvent comme une solutionde
sagesse... C'estle besoin vital de stabilité... qui aamené
les Etats africainsà consentirau respectdes frontières
coloniales,et à en tenircompte dansl'interprétatiod nu
principede l'autodéterminatio des peuples.

Le principede l'utipossidetis s'estmaintenu au rang
des principes juridiques lpesus importants nonobstant

l'apparentecontradictioqnu'impliquait sa coexistenceavec les
nouvellesnormes." (C.I.J.Recueil1986,p. 567;voir
ibid.,p. 662,opinionindividuelle de Abi-Saab,juge
ad hoc.)

Je souligne encore une fois les mo "statuquo territorial".Il ne

s'agissait pas, comm celaest préciséailleurs, d'une simpl référence

aux effectivités existaa nt momentde l'accessionà l'indépendancem,ais

à la situationconcernant le titrejuridique àcetteépoque

(C.I.J. Recueil1986,p. 566, et au sujetde laprééminence du titre

juridique sur leesffectivités; voir égaleme ibtid.,p. 587).Le
4

principede l'utipossidetis jurisest le principe pertinent, unerègle

de droit international général refld étéele droitde la

décolonisation.

38. En fait,c'estla même règleque celle qui est exprimd éaens

la résolution del'OUA. Par respect pour les arguments parallèles

présentés parMme Higgins etM. Franck,j'ai traité laquestion

séparément, maiscomme l'a dit clairemel nt Chambre dans l'affaidre

Différend frontalier c'estde la même règlequ'ils'agit. Et pasplus

qu'onne peut tirer argumen de laconduitede la Libye à l'égardde la résolutiondu Cairepour en inférerun acquiescementou unabandonde

revendicationo,n ne peut tirer argumende sa conduitepour ce qui est

du principe combindée l'autodéterminatioet de l'intégritterritoriale.

6. Conclusion I

39. Monsieurle Président, Messieur de la Cour,dans l'affaire qui

nous occupe, cesdeuxprophètesde l'apocalypseque sont Mme Higgin st

M.Franck sont montésà la barre,non pas une foismais plusieurs,pour

annoncer toutes sortede catastropheset de difficultéqui allaient

poindreà l'horizon. Ils nousont avertis que ces catastrope hes

difficultésétaientinévitablessi la Course prononçaitcontrele Tchad

dans cetteinstance. En fait, ils ontinvitéla Cour à détournerson

regardde la présente affairpeour imagineles conséquenceqsu'elle

pourrait avoiret en êtreterrifiée. Mais les problèmede notre monde,
, O 32
dont les conflits territoriaetxfrontaliersfontsans aucun doute

partie,ne doiventpas êtrerésoluscollectivemente ,n bloc. Ils doivent

être résoluspar l'étude des détails, cale Bon Dieuest dans les

détails, commeous l'a rappeléM. Sohier, bienqu'enanglaison parle

généralementdu diable. Vous pouvezen effetvous demanderpourquoi le

Tchada lancé cesavertissementvsagueset de mauvais augure alor qu'il
w
aurait pus'attacheraux méritesde ses arguments particuliersI.l

s'agitlà d'une stratégie bien connue dcosnseils qudéfendent une

mauvaise cause, une cause da laquelle ilsn'ontpas confiance.

40. On peut,Monsieurle Présidentet Messieursde la Cour,opposer
.
deux réponses àces arguments visan àtsemerla terreur.

41. La premièreest que, commeje l'aimontré, les menaces sont

grandement exagérées, lc esnséquencesque l'on appréhendne se

Justifient pasen droit. Le cielne va pasnous tombersur la têtesi

l'on affirme que lafrontièredu Tchadse trouve ailleurs que l longde

la lignede 1919. 42. La deuxièmeréponseest que les revendicatiod nss Parties sont

fort particulières. L'argument essentieldu Tchad iciest qu'une

frontièreterritoriale a ét érééepar troistraités, dont aucunne

visait à établirune frontière territoriaq lei onttousété conclus

entredes Etats qui, à l'époque,n'étaient pas souveraid ns l'un ou de

l'autrecôtéde la ligneet dont chacun se.réfèreà une ligne très

différente. La Courne doitpas craindreque sa décisionau sujet de cet

argument créeun précédent regrettabn le d'ailleurs qu'ell ne créeun

quelconque précédent, puisqu e'argumentest spécial.

43. Je vous remerciede votre attention, Monsielur Présidentet

Messieursde la Cour. Monsieurle Président, je vous demandede bien

vouloir appelerà la barre M.Dolzerqui vous parlerade la question du

titre sur les confinsau coursde la période précédan le traitédlOuchy.

Le PRESIDENT: Je vous remercieM,onsieur Crawford. MonsieurDolzer.

M. DOLZER :Monsieur le Président, Messieurde la Cour, M. Shawa

exposé,lorsdu premier tour de plaidoiries du Tchad, lespoints dontje

traiteraiaujourd'hui pour complételra formulatioenn termesjuridiques

de la cause de la Libye fai paerM. Crawford. M. Shaw a présenté

essentiellemenqtuatrepoints(CR 93/24,p. 21) :

- premièrement,l'Empireottomann'a jamais acquis de titre sur les

régions desconfins parceque l'autorité que les Ottomanosnt pu y

exercern'a Jamaisconstitué une autoritéeffective. Cette proposition

repose, à son tour,sur l'argumentselon lequell'autorité ottomane a

été éphémèreet a eu un caractère puremenmilitaire;

- deuxièmement, leSsenoussi étaien tne sectepurementreligieuse,

n'exerçantqu'uneinfluence intermittente, q était, selon lui,

particulièrement faibd lens lesconfins; - troisièmementq,ue les Senoussni'ontjamais accepté l'établissement

du pouvoir ottoman dans les confins;

- quatrièmement, les populatio etstribus autochtones n'étaie pas

suffisamment organisées pour détenirntitreterritorial réell ,e

meilleur exemplé etantles Toubou organiséesn clans,et ces tribus,

selonM. Shaw,n'ontjamais accepté le pouvoir ottomanni la direction

ou l'autoritésenoussi.

Le Tchad faitces affirmations sansvraimenttenterde répondreaux

élémentsde preuve donnéspar la Libyequi démontrent leur fausseté.

CommeM. Maghurs'estlonguement étendusur la questionpendantsa r

seconde intervention lod rs premier touet dans son allocution lors du

second tour,je me borneraià traiter brièvemen certainsdes pointsles

plus importants.

La souveraineté ottomane
034
. - En ce qui concernela premièreaffirmation du Tchad concernant

l'autoritéottomane dans les confino s,trouvedans la quatrième partie

du mémoirede la Libyeet dans les documents annexésà sa répliqueles

élémentsde preuvequi établissent avec certitu l'existenced'une

administratioonttomane. M. Shawa choisid'ignorerces preuveset

d'ignorerégalement la preuv de la reconnaissance palra Franced'une

autoritéeffective exercé par l'Empireottoman dans les confia ns cours

de la période allandte 1908au milieude 1913.

Nous constatons cependant l'apparit d'unenuance nouvelle dan lsa

mesureoù le Tchad parle maintenantde l'exercice de la souveraineté

ottomaneet je cite M. Shaw :.

"La souveraineté qule'Empireottomana pu exercerau
moment considéréétait éphémère,
sans continuite ét strictement
militaire." (CR 93/24,p. 21.) Cette phraseest évidemment remarquab enece sensqu'ellesemble

impliquerque des droits souverainéstaienten effetexercéspar les

Ottomans. Le droitinternationan le connaîtpas de"demi-souveraineté"

ou de "quasi-souveraineté"S.oit la souverainetest établie, soit elle

n'existepas; tertiumnon datur.

Dans ses plaidoiries,le Tchadne saisit-pas-nopnlus la nature des

installations ottomanes établies danscl onfins. Ces installations

étaientde caractère civil, dirigées parn Kaimakamnommé par le

Mudirde Mouzouk,qui relevaità son tourdu Walide Tripoli. Elles
. 635
étaientorganisées selon l erincipe typiquement ottoman-islamd ieqla

délégationde pouvoirs. Les principales forceottomanesétaientdes

gendarmes complétéepar des troupesmilitaires. Les gendarmesétaient

essentiellemendtes Arabesdu Fezzan. C'étailta continuation verle

sud de l'installation'uneadministration ottomane direc qui avait

commencéà Tripoli en 1835 après plaised'Algerpar la France. Mais

non par une forcemilitaireottomane, affirmation direc deel'autorité

souverainede l'Empireottoman.

Au coursde la période allandte 1908 au miliedue 1913, lesconfins

ont été complètement administ paésl'Empireottoman,et cette

administrationn'a été possibleque parcequ'elleétaitacceptéepar les

populationslocaleset l'ordresenoussi, lequel à, son tour,administrait

et dirigeait lediversestribus. L'administratioe nt l'autorité

ottomanes exerçées dans lcesnfins étaienbteaucoupplus effectives

jusqu'autraitéd'ouchy,et beaucoup plus effectiv ese la maigre

présencemilitairefrançaise qui suivit.Il y a un moment,M. Crawford a

appelé votre attentio sur le faitque leTchadutilise à cet égarddeux

poidset deuxmesures. Etant donné que cette questi aonté traitéede manièreexhaustive

par la Libye lorsdu premier tourde plaidoirieset dans ses écritures,

je me bornerai maintenantà parlerde la reconnaissancpear la Francede

l'administratioonttomane àl'époqueet de l'établissemendt'un modus

vivendi entre la Franceet l'Empireottoman.

L'histoiremilitaire français officiellede 1'AEF-évoquemaintes

foisce modus vivendi et les instructiondonnéesde Parispar le

Gouvernementfrançaisaw troupeslocales, leur enjoignantde le

respecter. La ligne de facto correspondante, qusuità peu près le

lse parallèle,est de nouveau indiquéseur l'écran.Je ne citerai
v
qu'unseul exemple, qui en dit longsur la reconnaissancpar laFrance :

il concernela correspondance échangée enl trecommandantfrançaisdes

et l'officierottomandu gradele
troupesde l'AEF,le colonelLargeau,

plus élevé àAïn Galakka, le capitaineRifky.

Le document clé esutne lettre adresséear le colonel Largeau au

capitaine Rifkyle 2 septembre1911 (voirla répliquede la Libye,

pièce11.3). C'étaitquelques mois après que le colonel Lare geau

apprisque l'autorité ottomanes'étaitétablie à Aïn Galakka. Sa lettre

avait étéretardée par des autoritésfrançaisessupérieures,qui avaient

insisté pour adoucir l projetque le colonelLargeau avaitécritle W

10 mai 1911.

Son textede mai protestait fermemencontre laprésenceottomane au

Borkou. On le priade supprimercette protestation dans la version

finale. La lettrequi fut envoyée ne comporte paun mot de .

protestation.Ce qui y reste,c'estune réserve des droitsde la France

en vertude ce qui est qualifiéd'"accordsdiplomatiques"établissantune

sphèred'influence française. Le projetde mai du colonelLargeau menaçait auss de poursuivre

jusqu'auBorkou les rezzousqui en viendraient.Dans la version

finale, cette menac aedisparuet le représentant ottoma est prié,dans

un espritde bon voisinage, "de [s'employerde tout [son]pouvoir à

empêcher la formationdes rezzous auBorkou". De plus, la version

finale demandeaux Ottomans de munir d eaissez-passetrout habitant du

Borkou désireudxe venirau Kanemou auOuadaï.

Monsieur le Président, Messieurs de Couar,cettelettre,ainsi

modifiéeet expédiée, montre clairemen tue la France reconnaissait

l'exerciced'uneautorité ottomane effectiveau Borkou.

Ce qui ressort aussdie la version finale,'estque les prétendues

wprotestationsd"e la Franceconsistaientà réserverdes droits

territoriaux françai allégués- en réalitéinexistants- tout en

reconnaissantl'autorité ottoman en attendant que ldeifférendrelatifà

l'hinterland ottoma soit résolupar des négociationqsui allaientêtre

7 menéespar la commissiomnixtequi devaitse réunir à Tripolià la fin

de 1911. Bien sûr,la conquête de la Libyepar l'Italie,la défaitedes

troupesottomanesqui s'y trouvaient,et le traitéd'0uchyqui en

résulta,mirentfin à ces négociations.

Le Tchada avancé dansses plaidoiries que l Franceavait accepté

la lignedu modusvivendiafin deresterneutreentrel'Italieet les

Ottomans. Or, la guerreentrel'Italieet l'Empireottomann'a éclaté

que le 29 septembre1911. Cinqmois plus tôt, en avri1911,le ministre

français des colonie avaitdéjàdéclaré à la Chambredes députés que la

Franceavait vérifié ls aituation surle terrainmais avaitdécidé dene

pas intervenir contre lOestomans dansles confins (mémoir de la Libye,

p. 140,par. 4.146). Le ministrefrançaisavait expliqué cett position,

avant laguerre,non pas en invoquantdes arguments de neutralité mae is

se fondantsur les prétendus droit de la France en vertdes traités existants. D'évidence, la Franceconsidéraitl'accordsur la sphère

d'infuencecomme ayant créé des droits territorv iauxà-visd'une

tierce partie, position indéfenda etleue le Tchadne cherche

d'ailleurspas à défendre devant cett Cour.

Je devrais mentionner aussi, proposde la reconnaissance par la

Francedu contrôle ottomanl ,es documents produitsn annexe11.3 à la

répliquede la Libye. Par exemple,dans une dépêchdeu 2 octobre 1911,

le ministre françaidses colonies voit danlsa constructiopar les

Ottomansd'unblockhausau Tibesti"unemanifestation indiscutab le

l'occupation effectio vetomane dans cerségions".

Dans ses plaidoiries, le Tchaadlaissé entendre que les Ottomans

avaient eu leurpsremiers contacts avl ecs confinsen 1908(CR 93/23,

p. 77). Ce n'est pas exact. Le wali de Tripoli, avec les Senoussi,

contrôlait les route caravanièresnord/sudqui traversaientles confins

(voirmémoirede la Libye,p. 47, par. 3.54 et suiv. etp. 81,

par. 4.30). C'étaitmême là l'undes principaux fondements des

prétentions ottomane de 1890à un hinterlanden Tripolitaine.

038 Les routescaravanièresnord/sudtraversant le Saharaétaientun

élément essentie le la vieéconomiquedes populationdses confinset du

Soudan, plus ausud. Ces routes créaientun lienéconomique entrl ees w

Etatsde la Méditerranéeet du Soudan,les tribusdu désert veillantà

leur sécuritéet à l'entretiendes oasisqui les jalonnaient.

Lors du premier tour,la Libyea souligné que lewali de Tripoli

- agissanten vertu despouvoirsqui lui avaientété déléguéspar le

calife- contrôlait l'accè às ces régions.Pour aller vers le sudv,ers

les confins, audébutdu siècle,un laissez-passeo rttomanétait

indispensable.Les Senoussi

La Cour a déjàvu une cartemontrantla présence des Senoussi dans

les confins. Voicide nouveau cette carte su l'écran.

M. Shaw a affirméle 30 juin (CR 93/24,p. 12) que les Senoussi

n'avaientpas atteint "un certain niveaud'organisatioe nt ...une

autorité centrale"et n'étaientdonc pas capabled se détenirun titre,

seulsou de concert avec d'autres. Il a fondéson argument,à savoirque

les Senoussi étaient incapable d'exercerune autorité souveraine su les

confins,en affirmantque lesSenoussi étaient essentiellem unnt

mouvementreligieux qui n'avait commencéde prendreune dimension

militairequ'avecl'apparition des Français, venudsu sud. M. Shaw en a

conclu que lesSenoussin'ont "jamais ...exercé d'autorits éouveraine

sur les populationasutochtones" (CR 93/24,p. 21).

Monsieur le Président ce n'esttoutsimplement pas vrai.

La Cour doitsavoirque cette allégation est contraireà

l'affirmation que fal it Tchaddans sonmémoire, que :

"Il est aisé deconstater qunei la Franceni la
Grande-Bretagnea,prèsla déclaratiod ne 1899,ni la Franceni
l'Italie,aprèsl'accordde 1902, n'acquiren de droits
souverainssur le BET en vertu de ce accords. En effet, à
l'époque, et jusqu'en 1912, c'était la Senoussia qui exerçait
de tels droits sur la région."(Mémoiredu Tchad,p. 254,
par. 177;les italiques sont denous.)

Au lieu decette position adoptd éens son mémoire, leTchad préfère

maintenantciterEvans-Pritchardq ,ui faitautorité au sujet des

Senoussi, à l'effetque l'organisatiopnolitiqueet économique des

Senoussiétaitsommaire(CR 93/24,p. 12). Mais le Tchad s'en tient

seulement auxdirigeants senoussi, sansexaminerle contexte plus vaste

du pouvoir. Pourtant, Evans-Pritchard, l'aute que citele Tchad,a

également écrit :

"J'aiaffirmédans lespages précédenteq sue la Senoussia

avait gardésa cohésionet s'étaittransformée en une
organisationpolitiqueen grandepartie parce qu'elle
s'identifiaitau système tribaldes Bédouins."
(Evans-Pritchard p. 84.) On peuty ajouterun rapport contemporain d'uneautorité

britannique adress au Foreign Officeen 1918,qui décrivaitle rôle des

Senoussiet de leurs zaouias dans les termes suivant s

"Pourtout un chacun,la zaouïa constituaitun lieude
rencontresûr et profitableoù les problèmes familiaux,
tribaux, conmerciaux,religieux et juridiquepsouvaient être
réglés et où se maintenait uncontact avec lemonde extérieur
dans la mesure où cela s'avérait souhaitabledu.point de vue
politique ou nécessaire sur leplan commercial."(Mémoirede
la Libye,p. 46 et "Annexe :Archivesbritanniques"p ,. 127;
les italiques sondte nous.)

J'ai souligné toutparticulièremenlta fin de cette citationq,ui

attestele rôledes Senoussidu pointde vue des contactspolitiques et

commerciaux avelce mondeextérieur, car cela reflète lf eaitque les

Senoussiexerçaient ces attributsde la souveraineté.

Tout l'effortdu Tchadpour faire de la base religieus des Senoussi

l'équivalent d'uneentiténon organisée quine sauraitavoirde droits au

regarddu droitinternational es peu convaincantdès l'abord. La Libye

a longuement parldées Senoussiet de leurorganisation dans ses

écritures(mémoirede la Libye,p. 9-11 et 44-45). Permettez-moi de

citer encoreEvans-Pritchard :

"C'étaientdes écoles,des caravansérailsd,es centres
commerciauxet sociaux,des forts, tribunaux, banques,
entrepôts, asilepsour indigents, sanctuaires et cimetièr eens,
plusd'êtresles voiespar lesquelles passaitun flot généreux
de bénédictionsdivines. C'étaient des centresde cultureet
de sécurité dansun pays sauvage, au seidn'unpeuple
farouche.''(Evans-Pritchard p. 79.)

De plus,Monsieurle Président, si les Senoussin'étaientpas

capablesd'exercer d'autorit séouveraine sur les confins, comme le

prétend maintenantle Tchad,pourquoidonc les Françaio snt-ils cherché

en 1911 ànégocierun modus vivendi
aveceux ? Vous vous rappellerez

que le ministère françai ses colonies avaidtonnédes instructions

précises à Bonne1de Mézièrespour parvenir àun tel accord avecles

Senoussiet pour leur assure que les Françain s'avaientpas l'intention d'aller au-deld àlArada,localité qui, comm M. Maghurvous l'a montré,

e Il est clairque les Français
se trouvesur le15 parallèle.

reconnaissaienq tue lesSenoussi exerçaien une autoritéet un contrôle
e
sur lesrégions situéea su nord du 15 parallèle,et qu'ilsétaient

donc disposés à négocier aveceux,et non avec les différentes tribus

organisées par les Senoussi.

Liensentre Ottomans et Senoussi

J'en viensà mon troisièmesujet. Au coursdes plaidoiries, le

Tchada non seulement nié que les Senoussi avaienun niveauminimum

d'organisation,il a même affirméqu'iln'existaitpas de lienentreles

Ottomanset les Senoussi.

Or, M. Maghura longuement montré comme letsystèmede délégation

de pouvoirsfonctionnait entr lees Ottomanset les Senoussi,et le Tchad

n'a produit aucunélémentde preuvedu contraire.

Ce n'estpas une source ottomane,maisun document françaisque la

Libyea soumis comme élémentde preuvedans cette affaire (mémoirede la

Libye,"Annexe :Archives françaisesp ", 43) qui présentele rapport le

plusdirectet le pluspertinentsur lesrelations entrO ettomanset

Senoussi. Selonce rapportfrançais, un officier turc "aurait été appelé

par les marabouts senoussistes de Koup frar inspectelra garnison dela

Zaouiech senoussist composéed'Arabestripolitains et porter àAïn

Galakkaun drapeauturc". Les Senoussine demandaient pas aux Ottomans

leur avis, ilsleur demandaiend te hisser le drapeau turcet les

Ottomanss'empressèrend te s'exécuter.
. .
Pourtant, leTchaddouteencoreque lesSenoussiaientvraimentbien
042
accueillila présence ottoman au coursde la périodeen question. Le

faitque les Senoussa ivaient acceptlé'autoritédes Ottomansestexpressément rapportd éans la célèbre lettre adressée par le ch des

Senoussien 1911 aux grandesPuissanceseuropéennes, donM t. Maghur a lu

des extraits à la Cour lors dupremiertour.

Dans cette lettre,il indiquaitdans les termes lesplus clairs

qu'il considérait alors que le csonfins appartenaien t l'Empireottoman :

"Lorsquel'accords'est fait entrela Grande-Bretagne et

la France ausujet de 1'Egypteet du Soudan, laFrances'est
emparée illégalement d'une partiedes possessions turquea su
nord du lac Tchadet de certaines terres faisantpartie du
vilayet de Tripolitaine.''(Mémoirede la Libye, annexe,
vol. 6, pièce no 47.)

Et dansle même document,les Senoussi sont qualifiés d "sujets"de

la SublimePorte. L'allégeancedes Senoussi etdes peuplessenoussiau

califeà l'époqueest un fait établi, prouvé.

Les Senoussiet les tribussenoussi

J'en viensmaintenant àmon quatrièmesujet,les tribus

autochtones. Concentrasntn attention sur les Toubou,M. Shaw a tenté

d'établirque lesToubou,parce qu'ilsétaientstructurés en clansn ,e

pouvaient être considérés com des peuplesorganisés capabled s'avoir

des titres sur un territoire.

Monsieur lePrésident, il me semble absurde d'essayerde distinguer

entre ces différentes tribus de confins. Les tribustouareg W

étaient-ellessuffisamment organisée pour avoirun titre surun

territoire,mais pas les Toubou ? Nous savons que leGouvernement

français aconclu en 1864 un traité avec les Touaregd'Ajjir, ce quiest

certainement reconnaître les uratutde détenteur d'untitre. Les Toubou

sont-ilstellement différents parce qu'ilssont organisés en clan ?s La

Cour ne voudra certainement pas ouvrirpl orte àdes allégations de

droit fondéessur desargutiesportantsur lescomplexitésdes

organisations tribales de confins. Ce qui estclair,commele reconnaîtle Tchad,c'estque les tribus

vivaient dans un territoirequi n'était pasterra nullius. Et commela

Libye l'a décritet documentétrès en détail dans ses pièces de

procédure, ces tribu étaientorganisées et dirigées parles Senoussi,

qui jouaient un rôlede médiateur dans les différen inter-tribaux,

assuraient l'éducation,entretenaient lceommerce et, finalement,

organisaient la défense contre F lesnçais.

L'administratioo nttomane comparée la présence militaire française

Monsieurle Président, j'invitela Cour à comparerla nature de

l'administratioe nt du contrôle ottomanst senoussiavec l'invasion

française des confins.

Après depremières tentative isnfructueuses, les Français mireàt

sac BirAlali en 1902 et en détruisirent la célèbbrebliothèque.

D'autresattaquesfurentmontéescontre les populations autochtoned s,nt

la défensefut organisée et menéepar les Senoussi. Nous avonsprésenté

une documentation su ces incidentsdansnos piècesde procédure et nous

les avons illustréesà l'intentionde la Cour lorsdu premiertour.

Cettesituationpersista jusqu'en1911-1912, jusqu'aumodus vivendi

avec les Ottomanset les Français,et au début despourparlers.

Or, contrairementaux Ottomanset aux Senoussi,les Françaisne

furentpas bien accueillis par la populationdans leurprogression dans

les confins;la population s'y opposa vigoureusemenet la combattit.La

présencefrançaiseétaitune présence puremen mtilitaireet hostile.

Longtemps aprèqsue les Ottomans fureo ntligésde se retirerdes

confinsen 1913,les Senoussi continuaient d'organiser rélastance

contreles Français, jusqu'auxannées1920et 1930.

L'administratioent le contrôle ottomans-senoud ssi confins

étaientcivilset pacifiques; la présencefrançaiseétait purement

militaireet ellene fut pacifique que longtemps après1919. Monsieurle Président,les piècesde procédurede la Libye ont
. -044
présentéles faits fondamentauxellementen détailet avec unetelle

pléthored'élémentsde preuvequ'ilnous est difficilede prendre au

sérieuxles affirmations malnforméeset non documentéedu Tchad.

Ellesne fontque refléter lersapportsmilitaires français partiaqui

ont tant prévenu leouvernement françadis l'époquecontre lesSenoussi

et en ce qui concernla portéeet la naturede l'affirmatiode

souverainetéottomane.La Cour a entenduunexposé très solideet

détailléde M. Maghurprécisémensur ces questions lordu premier tour,

et iln'estpas nécessaired'y ajouter quoque ce soiten ce secondtour. v'

Dernières observations

Comptetenude cette absenced'argumentsconvaincantsde la partde

la France autrefoiset du Tchadmaintenanton se demandepourquoices

deux Etatspersistentàdire que les Ottomann'avaientpas acquis de

titreconjointavant1912. Pourquoi,se demande-t-on,le Tchad

chercherait-il nier uneconclusionétabliesi clairementpar les

élémentsde preuve? Eh bien,la raison enest évidente.Il était

apparemment difficilpour la France,et il est aujourd'hdifficile

pour leTchad, dereconnaître qu'l'originehistoriquedu différendse -

trouve une appréciationronéede la situation juridiqude la partde

la France,c'est-à-dirque la Francea prétenduà tortà l'époqueque la

déclaratiode 1899 lui donnaides droitsterritoriaux.La Francedoit

avoirsu, et le Tchad saitaujourd'hui, qu'uneis révélée cette

appréciation erronéqui està l'originedu différendl'interprétation

de la suitedes événements esvticiéeet le châteaude cartes,toute

l'argumentatioénchafaudée par lFrance,s'effondre. Selonla Libye, voilà en définitivequelleest la raisontoute

simplepour laquellela Franceet le Tchad ont tentési désespérément

d'inventerdes argumentset d'esquiverles faits afinde nier letitre

que les Ottomans et les Senoua ssiienten réalité acquisen 1912.

045 Monsieurle Président, Messieur de la Cour,ceci conclut mon

intervention.Ce seraitpeut-être un moment opportun pou une suspension

d'audience,si vous ledésirez. Je vous remerciede votre attentioent

vous saurais gréM ,onsieurle Président,de bien vouloir donner l parole

àM. Bowett aprèsla suspension d'audience.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, Monsieur Dolzer C'estce quenous

allons faire; l'audience esstuspendue.

L'audienceest suspenduede 11 h 15 à 11h 35.

Le PRESIDENT :Je donnela parole à M. Bowett.

M. BOWETT :Monsieurle Président, Messieur de la Cour,j'aipour

tâche, d'abordd ,e traiter laquestion deseffectivités,c'est-à-direla

questionde savoir sila France,ou ensuite le Tchad,ont démontré

l'exercice effectifd'uneautorité étatiqu eu administrative sur les

confins.

Effectivitéa

Il convient cependan de commencer parunmot de mise en garde. La

pertinence des effectivitéss,i cruciale pourla deuxièmeet la troisième

théoriesdu Tchad,dépendde lamanière dont la Courcaractérisele

territoire.

Si la Cour admet,contrairementà ce qu'estimentaussi bien la Libye

que maintenantle Tchad, que lorsqueles troupesfrançaises sontarrivées

dans lesconfinsces derniers étaientterranullius, alors,certainement les effectivités deviennenéminemmentpertinentes.En

effet, un titre aurait été acqupiasr occupationet se fonderait doncur

des effectivités.Et il seraitimportant de comparerce que la France,

et plus tardle Tchad, ontfaitdu pointde vue de l'administration

factuelle à ce qu'ontfaitl'Empireottoman, les Senoussi l'Italiepuis

la Libye. La Courpourrait légitimement pes etrcomparer leséléments

de preuve concurrent pour déterminer qu détientle meilleurtitre.

Mais si,comme enconviennent les deux Parties,le territoire

n'étaitpas terranullius et s'ilexistaitun titre antérieur, la

position changd eu toutau tout. En effet,la France doit prouver un

titredérivé et un tel titre doitse fonder ici sur laconquête.

Comme vient de le direM. Crawford,nous devons rejeter cett notion

curieused'"occupation non technique" avancée pM are Higgins. Ellen'a

pas sa placeen droit : ellesignifie conquête, quelqn uoem qu'onlui

donne.

Et si le moded'acquisition estvraimentla conquête, et si la Cour

admet quel'acquisition d'un titre territoria lar la conquêteétait

illicite après 1919, i s'ensuitqu'unerevendicatiod ne titre fondée sur

la conquêten'estpas valable.

La questiondevientalors de savoir si des élémen despreuve d'une W

occupation effective peuven"tremédier"à cette absencede validité. A

première vue,ellene le peutpas. Sur ce point,je suis entièrement

d'accordavecMme Higgins. Commeellele dit à juste titre:

"l'occupatiomnilitaireempêcheque des actes ultérieurs soient

considérés comme de sffectivités,lesquellespeuvent,d'une
part, déplacerun titre existant et d'autrepart, êtrela
preuvede l'exercice d'une souveraine permettant
l'acquisitiond'unnouveautitre"(CR 93/26,p. 29).

C'estexactement le principequi doit s'appliquerà l'occupation

militaire française de confins. Un titrerevendiqué en violationde

l'unedes règles de droit lesplus fondamentale -speut-être laplus fondamentalede toutes -l'interdictiod ne la guerre comme moyen

d'acquisitionde territoire,ne peutpas êtrevalidépar l'occupation ou

la preuved'uneautorité.

Pourne citerqu'unexempledu manquede pertinence de l'autorité là

où le titreest défectueux, iln'y a guèrede doute quel'Afrique du Sud

a accomplinombred'actesde souveraineté sur-leterritoire du sud-ouest

africainconformément à sa prétentiod'avoir annexé ce territoire.Nul

ne doutaitde "l'effectivitéd"e l'autorité sud-africaine Pourtantcela

n'a servià rien à l'Afriquedu Sud, car la comnrnunauténternationalae

considéréà juste titre la revendicati d'un titre parl'Afriquedu Sud

commefrappéede nullitéabsolue.

Permettez-moi d'indiquerclairementles deuxpointssuivants.

Premièrement,je ne doutepas que lareconnaissancg eénéraled'un titre

par la communautéinternationale puissreemédierà ce vice :mais celane

s'estpas produiten l'espèce. Deuxièmement, je n'essaiepas

d'appliquerdes règlesde droit rétroactivement .e demande seulemen t

la Courd'appliquer l'articleX du Pactede la Sociétédes Nations à la

pénétration militair françaisedans les confinsaprès 1919: et

d'appliquerle pactede Paris à cettepénétration après1928.

Si toutefoisl'applicatiod ne ces règlesde droitproduitun titre

dépourvude validité,l'absence de protestationde la partde l'Italie,

ou plus tardde la Libye,ne sauraitcertesremédier àce vice. Aucun

Etatne peut "acquiescer"à la violation de règle de ce genre: seulele

peut la communautéinternationaldeansson ensemble.

048 Comptetenude cetteréserve importante, examinl onss élémentsde

preuvesur lesquelsse fonde leTchad. Le mieuxest,je crois,

d'envisagerle tableaudu pointde vue chronologique. 1. La preuvedes effectivités

a) Avant 1919

Je ne vois aucune raisodne rétracterce que j'aidit lorsdu

premiertour. Les Françaiss'étaientretirésentièrement du Tibestiet

ils avaient deux compagniesà Faya et Fada,avecde petitspostes avancés

à Aïn Galakka, Gouroet Ounianga. Vous pouvez voirleur emplacementsur

l'écran - c'estla carte82 de votredossier. J'ai ajoutéla ligne

rigoureusement orientv éers le sud-est.

M. Cassesedit avec insistanc que les confinnse sont pas la

Hollande : je suisd'accord. Mais de trois centsà quatre cents hommes
w
pour occuper et administrerce vasteterritoire? Même un Hollandais

ne pourraitsans rougirémettreune telleprétention.

M. Cassesedit quela Francea envoyédes patrouilled se

reconnaissance-des tournées militaire sà maintes repriseà s

l'intérieur du Tibestipendantla période1916-1929(CR 93/24,p. 49).

Nous devons prendrs eoin dene pas surestimer cette activimtélitaire.

Des patrouillesfurentenvoyéesde façonintermittente : en juillet 1916,

janvier 1917, avril 191f 9,vrier-mars1922- la missiondu capitaine

Rottier - juin-septembr1e923et janvier 1929(voircontre-mémoird ee la

Libye,vol. 1, p. 276-277). Il arrivaitdonc que plusieurannées W

s'écoulent entreces patrouilles.Les patrouilles avaientpour butsoit

d'infliger des représaillesaux tribusdu Tibesti, soit drecueillir des

renseignements scientifiqu eetsautres. L'allégationselonlaquellele

Tibestiétait"occupé"ne reposesur rienet le Tchadne contestepas que

la Francen'a pas rétablide postespermanents avant1929.

049 J'admetsque les accrochage entreles tribussenoussiet les

Françaisétaient sporadiques. Commeje l'aidit, ce genrede combatsde

guérilla convenai tux tribus. On ne saurait toutefoiesn déduire l'exerciced'une autorité générale ec tomplète. L'explicationvéritable

est que lesFrançaisétaientsi peu nombreuxet si dispersésqu'ilsne

gênaientpas beaucouples tribus.

Dire, comme M. Cassese(CR 93/24,p. 53), qu'il suffisait à la

Francede contrôler quatre oasis et, à partir delà, de se déployer dans

les régions avoisinantee sn contrôlantles routes caravanièresc ,e n'est

pas rapporter la preuve d'un occupation effective. Les Ottomans, eux

aussi, avaient exercéune telle autorité avant 1913,et pourtantle Tchad

nie qu'il y ait euune souveraineté ottomane. L'autoritéexercéeen fait

par la Francedémontre simplemenl t'intérêt qu'ell evait à garder le

contrôlede ses lignesde communications : les routescaravanières. Cela

n'indiqueen rien une autoritésur les habitants,ni l'exercicede

pouvoirs d'administration.

Certes,M. Casseseaffirme que le BET a été placé sous

administration civile en 1917: des officiers françaie sxerçaientdes

pouvoirsde justice, d'impositioe nt de recensement (p. 56). Mais où

trouve-t-onla preuvequ'ilsaient fait quoi quece fût ? Un arrêté

administratif ne constituepas, en soi, une occupation effective : c'est

un morceaude papier,rien de plus, sans la preuve del'exerciceeffectif

de tels pouvoirs.

b) La période1919-1928

On ne nous dit rien surcettepériode. L'histoiremilitaire

françaisenous apprend queles détachements de méharistes françaio snt

été réorganisés et groupés dansle Kanem, le Borkou et 1'Ennedien 1924

(contre-mémoire de la Libye,vol. 2, pièce 13, p. 485). Cela confirme

donc que leTibestin'étaitpas occupé. Quant au restedu BET, on ne

nous en dit rien jusqu'àla nouvelle occupatiod nu Tibesti - ou de

certains postes dans le Tibesti - en 1929. La responsabilité militaire. . au Tibestia été transférée de 1'AOF (c'est-à-diredu Niger) à 1'AEF(au
O50

Tchad)en novembre 1929, et la responsabilité administrati vea été

transféréel'annéesuivante. Ces transferts avaientpour but d'unifier

les territoires pour faire front,à ce qu'onvoyait,une menaceitalienne.

C) La périodequi commenceen 1928

Maintenantpour la période qui commenceen 1928. Nous savons que

Bardaï,dans le Tibesti,étaitoccupé parla sixièmecompagnie.

M. Cassesenous dit que la Franca e assumé des responsabilitc ésviles

supplémentaires: organiserl'éducation, établirdes prisons,organiser

des élections(p. 56). Mais où et quandcelase produisit-il ?

Avons-nousaucunepreuvede ce "contrôleétatique" ? Certes pas dansla

plaidoiriede M. Cassese.

Quandon parcourt toutec ses preuvesde ce qu'a faitla France, on

se demandepourquoila France lefaisait :y avait-ilvraimentune

intentiond'occuperle pays à titrede souverain ? Le 30 juin,

M. Cassesea tentéd'illustrer"l'intention des Français d'occupe lre BET

pour exercer leurpouvoir souverain" voilàce qu'ila dit. En d'autres

termes,l'animuspossidendide la France. A cet égard, ila mentionné

quatre annexesdes piècesde procéduredu Tchadou de la Libye (CR 93/24,

p. 54-55). Je crois quenous devrionsexaminerces quatredocuments.

Pour ce qui est du premier,la note du colonelLargeaude 1911,je

voudrais faireobserverqu'elleconcerne uniquemen te Borkouet non pas

le BET dansson ensemble (mémoird eu Tchad,vol. II, annexe83).

Le seconddocumentest un échangede correspondance interne français

de 1913 entrele ministèredes colonieset le ministèredes affaires

étrangères(annexe87). Je doutequ'ilatteste la reconnaissancp e,r la

France,de l'urgenced'unemanifestation de l'animuspossidendi. Ce

document déclare que "Le commandantdu territoiredu Tchad,en congéen France,
devra, ...à son retour dans la colonie, après éts ude
place ...examinerl'opportunitd é'une organisation immédiate
du Borkou. 11 s'entendra,s'il y a lieu,avec le commandant
militairedu Niger pour que l'opératioqnui seraitentrepriseà
cet effetsoit suivie d'uneaffirmation de souveraineté'sur le
Tibesti'."

Je ne propose qu'unessaide traduction en anglais,car le documentn'est

guèrelisible. Il s'agittoutefois à l'évidenced'unediscussion de

plans futurs et non d'une affirmationffectivede souverainetésur le

Tibesti.

M. Cassesefait grand cas de la promulgation'acteslégislatifs

commede la "meilleure preuve"d'un animuspossidendi.J'ai reluavec

soinces documents, ainsique ceuxdont le Tchada parlé dansses

exposés,et je dois direqu'iln'en est pas un où je trouveaucune

mentionexpressedu BET. Les textes mentionnés présente untcaractère

général dans la mesure i oùs s'appliquent soià la totalitéde

l'Afriqueéquatoriale françaiss eo,it auterritoiremilitaire duTchad

dans son ensemble.

2. L'effetjuridique des prétendueseffectivités

Quels sont leseffetsjuridiques de cee sffectivités? Ces

"effectivitéso"nt eu poureffet,nous dit-on,de transformer la ligne

de 1899 - telle que réinterpréteéne1919 -en une véritable frontière,

en bref,d'établir le titrefrançaisau sud de cetteligne.

Il està mon avis douteuxque laFrancepuisse, à l'aidede tels

éléments,rapporterla preuvede l'occupation effectid veuneterra

nullius. Etant donné que ce territoiren'étaitpas terra nullius, la

Francedevaitdéplacerun titre préexistant or, étantdonné,de

surcroît, que la Franc aeprétendu lefairepar la force militaire,

contrairementà ses obligations conventionnelll es,conclusionest

claire. La Francen'a pas acquisde titrevalable. La seule questionqui subsiste estcellede savoir sil'onpouvait

"remédier"au vice de ce titre parune sortede reconnaissanceu

d'acquiescement:je passe doncà la questionde la reconnaissancdee la

revendicationfrançaise.

3. La questionde la "reconnaissanceRe la revendication française

M. Cassesea donnéà entendreà la Cour que l'Italieavait reconnu

le titre françaisur les confinssur la basedes effectivitésfrançaises

(CR 93/24,p. 59-82). Par une sorted'argumentdon-quichottesque on

suggère quedeuxprotestationsitaliennes, en 1924et 1931,se limitaient

à contesterle titrerevendiqué parla Franceen vertude la convention W

de 1919et ne contestaientpas celuirevendiqué parla Franceen vertudu

droit internationacoutumier(p. 60). Il est bien permis dese demander

quel pouvaitêtrele butd'uneprotestation aussl iimitée.

La note de protestationitaliennede 1924(mémoiredu Tchad,

vol. II, annexe104)ne faisaitaucune distinctio ne ce genre. Elle
, 0 53
relevait simplement que Glaande-Bretagneet la Franceavaient toutes

deux outrepasséla lignerigoureusemenotrientée vers lseud-est

de 1899. Ellene constituaiten aucun sens une"reconnaissanced"e la

validitéd'un titrecoutumieracquis par la Franc sur la totalitédes

confin.

La note interne italienndu 11 décembre 1931émettait simplement

l'avisqu'uneprotestation adresséeà la Francene devraitpas se limiter

àl'incursion françai seAfafi, maisdevraitêtrerédigéeen termes très

générauxpour protester contre toute tentaf tiveçaised'instauration

progressive d'unaeutoritémilitaire ou administrati sur le Tibesti.

Elle démontre en réalité lecontrairede ce que suggèrM. Cassese. De

plus, à l'évidence,il s'agit d'unneote purementinterne,quin'a jamais

été communiquéeà la Franceet qui ne constituedonc pasvraiment la

preuved'unereconnaissance en un sens réel. Il y a ensuitel'incident de la carte scolaire italiennde,jà

examinépar M. Condorelli. L'Italiea acceptéde laisseren blancla

zone desconfins,au lieu de lacolorierde la même façon que lL aibye.

Commentil y auraitlà une reconnaissancdees effectivités françaises,

voilàqui m'échappe.

L'élémentsuivantdes prétendues preuve dse 3a reconnaissancest le

traitéde 1935. On soutientqu'ils'agissait d'un traitéde cession,

ce qui prouverait quea Franceavaitun titresur la régionau nord de

la lignede 1935. M. Condorelli a examiné cette question aue ssil me

suffit donc de répéter que,du pointde vuede la revendication

italienne,c'étaitl'Italiequi cédaitdu territoire à la France.

Il en va demême de l'incidentde Jef-Jefde 1938. Il n'indique

aucune reconnaissanc italiennede quoique cesoit, sinon peut-êtrele

faitque desouvriers italien sansarmesont préféréne pas discuter

avecdes soldatsfrançaisarmés.

Et, en réalité, voilàtout ! Voilà quels élément de preuvele

Tchadvous présentepour établir que l'Italiea reconnu un titrefrançais

de droit coutumier su la totalitédes confins. Il existe en anglais une

O54 formulequi parlede "gratterle fonddu tonneau". La Cour aura sans
doute dumal même à voir cetonneaudans uneargumentation si ténue.

Mais on nous dit alorsque la Libye,je dis bienla Libye,a

reconnule titrefrançais. La preuveen seraitl'incident d'Aouzou

de 1955,dont la Cour a déjàplus qu'assezentenduparler. En 1955,les

Libyensne pouvaientsavoiroù setrouvaitla frontière - et la Francene

tenaitpas trop à le leurdire. De plus,Aouzoun'estqu'unseulpetit

village,situéen fait au sudde la ligne exactement orientv éers le

sud-estde 1899. Il ne constitue pas la totalitédes confins,ni même

la totalité dela bande d'bouzou. 4. Les preuvesd'une administration tchadienne

Il nous reste donc,enfin, à examiner les"effectivitésl du Tchad

- ce que M. Sorel appellel'exercicede la souveraineté par le Tchad

(CR93/25,p. 69-85). De fait, toute l'autoritérestaitentre lesmains

des Français. Les militaires français sont restésusqu'en1965 etle

personnel administratif françaisjusqu'en1968, comme M. Sorel nousl'a

rappelé (p. 71). Il se peut qu'en vertu desaccords techniquedse 1960,

les membres dece personnel françaia sient été censés officiellement agir

au nom du Gouvernementtchadien. On se doute qu'il s'agissaitlà d'une

questionde pure forme et qu'en pratiqueils recevaient leurs

instructionsde Paris, comme auparavant.

Les Tchadiensentreprirent peut-êtrede dispenser unenseignement

élémentaire,mais probablementpas d'exercer des pouvoirsétatiques.

Même les rares permisd'explorationaccordésà des sociétésfrançaises

semblent avoir été arrangp ésr les autorités françaises: il n'yavait

guère qu'une signature tchadiennpeour certifierqu'ils étaientdélivrés

par le Gouvernement duTchad.

le norddu Tchad
Ainsi, quandla rébellions'est déclenchéedans

en 1968, trois ans après le retraitdes forcesfrançaises, inl'y a pas

eu, en réalité,d'évictiond'une administration tchadienne. 11 n'y avait W

jamaiseu de véritable administratio tchadienne,mais seulement le

reliquatd'une administration française.

055 Monsieurle Président,j'arriveainsi à la deuxièmeet dernière

partiede mon exposé.

La tâchede la Cour

Dans ses écritures,le Tchad a tentéde restreindre la tâchd ee la

Cour à un choix entredeux lignes : la lignedite de1899-1919ou la Ce faisant, ila invoquécomme argumentque les débatsà
lignede 1935.

l'OUAet à î'ONUfaisaient partid eu "contexte"de l'accord-cadre et

éclaircissaiendtonc le sensde l'expression"différendterritorial".

Cettetentative, à l'évidencmal avisée, a étéabandonnée :

l'argumentne tenaitpas endroit.

Maintenant,PhneHigginsa essayéun argument-différen tCR 93/21,

p. 34-50). Il reposesur deuxpropositions, l'unede droitet l'autrede

fait,qui sont toutesdeux erronées.

La propositionde droitest essentiellemenqtu'unepartiene

saurait, dans unienstance, formuleun argumentou une revendicatioqnui

n'ontpas été présentés au coud rsnégociations antérieures(p.48,

par. 46; p. 50, par. 50). Cela est assurémenfaux,commechaque juge de

la Courle saitlui-même d'expérience. La jurisprudence ldeément

abondamment.

En l'affaireTunisie/Libyel,e faisceaude trois lignede

revendicationpsrésentépar la Tunisiedevant laCour n'avait jamaisété

présentédans desnégociations.En l'affaire Sharjah/Dubai,Sharjaha

formuléen coursd'instance une revendicatio nelativeà une zone

maritimepour l'îled'Abu Musa,quin'avaitjamais été présentéedansdes

négociations. En l'affairedu Golfedu Maine,la ligneextrêmedes

revendicationdses Etats-Unis aété présentée poula premièrefois dans

les piècesde procédureécrite. En l'affairede Taba,l'argument

israélienselonlequell'emplacemend te la borne91 ne pouvait être fixé

car ellene constituaitpas, auxtermesdu compromis, la "dernière"borne

a été avancépour la premièrfeois au stade finade la procédureorale.

En l'affaireEl Salvador/Hondurasla prétentiond'El Salvador selon

laquelle lalignede fermeture tracéeà traversle golfede Fonseca

n'étaitpas une "lignede base"aux finsde la mesurede la mer territoriale mais faisait pardtiela mer territorialesoitdu

Nicaragua, soitd'El Salvador,a étéexposéepour la première fois au

stadedu contre-mémoire.Cette énumération me semble-t-il, pourrait

être continuée toutela matinée.

La vérité,c'estque la compétence de la Cour est déterminépar les

termesdu compromis,ou SpecialAgreement,et non par les négociations

antérieures relative au différend: les négociations antérieures

concernantle compromispeuvent êtrepertinentes comme travaux

préparatoires, main son les négociations antérieures touchant le

différend. En l'occurrencen,ous avons donné compétenceà la Courpour v

connaître d'un "différendterritorial"et, sous réservede la généralité

de ceterme, chacune des Partiesest librede formulerses

revendications.Il se peutbien que le Tchadregrette maintenan te

n'avoirpas définile différendde manière à le limiter à la bande

dlAouzou,ou àun choixentredeux lignes. Mais le Tchad ne l'a pas

fait : s'il avaitinsisté pour obteni une définition aussi arbitraire,

il n'y aurait pas eude compromis.

Ainsi,en droit, la propositio du Tchadest erronée.La Courn'est

pas tenuede réduirele différend à une significatioqnui favorisel'une

des Parties. Elle a toute compétence pour examil ner demandesdes deux W

Partiessur le fond pourvuqu'ellesconcernent objectiveme nnt

"différend territorial1'.

La propositionest également faussdu pointde vuedes faits.

Mme Higginsa déclaré :

"Lesorganesde l'OUA ... ont touspris pour hypothèsqeue
le différendportaitsur la bandedlAouzouet que la
revendicationde la Libyeportaitsur la lignede 1935."
(CR 93/21,p. 35.)

0 5 7 Je voudrais maintenant revoaivrec la Cour les passagdu rapportdu
-
sous-comitéde l'OUAqui a examiné le différend frontalier ent laeLibye

et le Tchad (premier rappordtu sous-comité'expertsjuristeset cartographes,9 juillet 1987; Organisatid on l'unitéafricaine,

Différend frontalierLibye/Tchad, p. 30-31;mémoiredu Tchad,

pièce81). Commela Cour le sait,la Libyea fournides documents à ce

sous-comitémais luia faitsavoirqu'à son avis, ce dernien r'avaitpas

la compétencetechnique nécessair eour régler le différendd,e sorteque

la Libyen'a présentéaucune conclusio( ncompterendu des-réunionsde

mai/juillet, 1987,p. 28).

Le rapportde 1987 résumaitla position libyenn eur les pointsde

droiten septpropositions.Je vais faireprojetersur l'écranla

traduction anglaisd ees cinq premières proposition ce; texte, avec

l'originalfrançais,se trouvedans le dossier d'audience.

Premièreproposition. L'occupatidunBorkou,du Tibestiet de

1'Ennedipar les Turcsa-t-elleréellement été effectia ve regarddes

critèresdu droit international ?

Deuxièmeproposition.Quel est l'effetjuridiquedes protestations

formuléespar les Turcs à l'époquede la signaturedu traité

franco-britanniqu de 1899 ?

Troisièmeproposition.En l'absence de frontière conventionnelle,

la revendicatiot nurqued'unhinterland, qui englobaitle norddu

Tchad,était-elle opposable aux autres puissances colonia dees'époque,

en particulier laFranceet la Grande-Bretagne ?

Quatrièmeproposition.L'occupation par les Turcsdu nord du Tchad

a-t-elledonné naissance à une organisation assimilab àlun Etat au

regarddes critèresdu droit international ?

Cinquièmeproposition. Existait-ildes liens- historiques,

linguistiques, religieu et surtoutinstitutionnels- entre les

populationsdu nord du Tchadet les populations du sud de la Libye?

Autrement dit,peut-ondire que les liens entre lS eesnoussiet les

populationsdu nord du Tchadpouvaient valablemen ctonstituerun

rattachementdu nord du Tchad àla Libye ? Certes,l'onne trouvelà guèred'éléments de preuveétablissant que

la revendicationde la Libyeportait exclusivemes ntr la bandedlAouzou

et la lignede 1935 ! Les références visent l"enorddu Tchad1'.L'on

n'y trouve guèred'élémentsmontrant que, pour citl ers proposde

M. Franck,l'OUA"n'avaitpas la moindre idée des arguments quele

conseilde la Libyea avancés devant lC aour" (CR93/26,p. 51). Il y a

évidemment eu une septième proposition la seule visant spécifiquement

la bande d'bouzou- qui posaitla question de savoirsi l'occupation par

la Libyede la bandedlAouzoudepuis 1973 avaitcréé par prescriptio un

droitsur cettedernière. Mais cette propositioanété considéréecomme
w'
un élémentseulementd'unerevendication beaucoup plus lae rgl'idée

qu'unerevendication puiss etrebasée sur la prescriptie ont

La Libyen'a jamaisenvisagéune
entièrement imputable ausous-comité.

tellerevendication.

Dans son rapportde 1988 (deuxième rappordu sous-comitéd'experts

juristeset cartographes, 27 janvier 1988; Organisatidonl'unité

africaine, différendfrontalier Libye-Tchap d, 35-36;mémoiredu Tchad,

pièce82), le sous-comité a de nouveaupasséen revue lesélémentsde la

position libyenne,telsqu'ilsressortaient de la documentatiopnrésentée

par laLibye. Et, manifestement, la Libye semblait alors suppos que le w

traitéfranco-italied ne 1935étaitvalable. Il s'agissait làd'une

erreur, encore qulee rapportdu sous-comitén'étaitpas catégoriqus eur

ce pointspécifique. Chose encoplus curieuse, le résud mé la

positiondu Tchad soulève la questionde la validitédu traitéde 1935,

mais ne dit pas que le Tchaa absolument refuséd'admettreque letraité

puisse avoirun effetjuridiquequelconque.De plus,ce rapport, dans

son résuméde la position du Tchad,la présentecommeétantbasée

exclusivementsur des traités :il n'y a pasla moindre allusio ànla

place que le Tchad aurap it faireà des effectivitésfrançaises. Parconséquent, sur la basede l'argumentatioanctuellementdéveloppée par le

Tchad devant la Cour, les deuxièmeet troisièmethéoriesdu Tchaddoivent

être exclues car ellesn'ontjamaisété avancées lors de négociations

antérieures.

Quellesconclusions pouvons-noustirerde toutcela ? La Libyea

certainement semblése baser surune hypothèse-.incorrecteau suj deut

traitéde 1935. Il convient cependan de souligner que la Liby n'a

présenté aucune conclusion devant'OUA. Il est toutà fait clair que,

dans les documentsqu'elleavaitsoumis, la Libye avait soule tout

l'historiquedu différend, se basantsur les revendications ottomanes

initiales. La Libye n'avaitpas limitéle différend à la bande

dlAouzou. Et si la Libyea commisen 1978une erreurau sujetdu traité

de 1935,est-ellecondamnée à jamaisà plaidersur labase de cette

erreur ? La Libyedoit-elle êtrc eondamnéeà plaider devantla Cour sur

la base du traitéde 1935 alorsmême qu'ellea reconnu, il y a près de

quinze ans, que lt eraitéde 1935n'a jamaisété en vigueur ? Et, quant

au "silence"de la Libyeà proposde touteautre basede ses

revendications, le dossiersde l'OUArévèlentque le sous-comité était

parfaitement conscied nt la naturede la revendicationlibyenne. Il ne

s'agissait pas d'un argument ingénieux échafaudeés années plustard par

les conseilsde laLibye. La façonimagée dontMme Higginsa décrit les

réunionsdes conseilsde la Libyeest peut-êtreamusante, mais ellene

sauraitse substituer à une lecturedes archivesdocumentaires.

De même,un examen attentif des documents montrera que la suggestion

selon laquelle la Liby aerenoncéà touterevendication sur le BETest

totalement dépourvu de fondement.Ce "mythe" d'unerenonciation

libyenne à une revendication sur lcesnfins estune autre façoenncore

pour le Tchadd'essayerde circonscrire l'attentionde la Courà la bande

d'AOUZOU. Dans le compte rendud'audience,les proposde Mme Higginssont

rapportés comme suit:

"Lorsdes négociations avec la Franceen vue du traité
de 1955,la Libyea renoncé à toute revendication sur le BET,
et elle l'a faiten admettant que cette frontiè értaitcelle
identifiée dans les traitésde référenceannexésau textedu
traitéen préparation."(CR 93/21, p. 31.)

Hme Higgins cite,à l'appuide cette affirmation,le "projetde

procès-verbaldu 5 mars 1955, annex3e42". Le passagepertinentde ce

procès-verbal- il s'agiten faitdu procès-verbaldu 3 mars - est

maintenant projeté surl'écran. Je voudrais que la Cour jetute coup

d'oeilsur le libelléde ce passage.
v
La Cour verra que cette affirmate ionmanifestment erronée pour
060
les raisons suivantes

Premièrement,le projetde procès-verbal établipar la Francen'a

jamais été acceptp éar la Libye,de sortequ'iln'avaitpu engager la

Libye à quoi que cesoit.

Deuxièmement, lteextemême du procès-verbaln'appuiepas

l'affirmation faite. Dire quecette formule convene ue janvier1955

constitue une renonciationde la partde la Libyeà sa revendication sur

les confins est absurde. Le textene dit riende tel. S'engager à

respecter les accordsinternationauexn vigueurn'équivaut pas à

accepterde renoncer à touterevendication réellesur lesconfins. Cela

dépendrait entièrementde ce qu'était l'effe des traités.

Troisièmement,en tout étatde cause, ce sont lesFrançaisqui, en

juillet 1955, ont proposé uneversiondifférentede l'article 3 que la

Libyea finalement acceptée.

Et, quatrièmementc,e textede janvier 1955 invoqu par le Tchadn'a

pas seulement traità la frontièreméridionaleet ne spécifiepas

qu'une frontièrp eréexistantsépare lesterritoires françaiset libyen

sur toutesa longueur;encoreune fois, cela dépendrad its traités. Enfin,le textede janvier 1955 ne comportait pasd'annexe1, de

sortequ'ilest totalement trompeur po Mme Higginsde se référerà la

frontière"identifiéedans lestraitésde référence annexéa su textedu

traitéen préparation". L'annexe n'existaiptas.

Mme Higginsa également déclaré, comme ielst rapportéà la page31

du même compte rendu, qu:

"En 1956,la Libyea demandé la démarcatio effectived'un
tronçonde sa frontière avecl'Algérie. Ellen'a soulevé

aucune questioqnuant à sa frontièreavec le Tchad."

Cela aussiest tout à faitfaux. En premierlieu,c'estla

France, et non la Libye,qui ademandéen 1956 la réouvertur des

négociations en vue d'unerectificationde la frontièreau sud de

Gadhamèsdans la régiondu gisementde pétroled'Edjelé. En deuxième

lieu, la Libyeaeffectivement propos lorsdes négociations de 1956

que l'onprocèdeà une révisiongénéralede l'ensemble de la frontière

entre autres,passeren revue lesaccords ou les traité auxquels
pour,

l'on aurait recourà cet égard;mais la délégatiofnrançaises'est

refuséeavecvéhémence à procéderà un tel examen.Tous ces événements

sont traités en détail apuxragraphes3.109à 3.112du contre-mémoird ee

la Libye,et le procès-verbalibyen des négociation de 1956se trouve à

la pièce9 du contre-mémoirdee la Libye. Le Tchadn'a jamaisrépondu à

ces documents,et Mme Higgina brossé pourla Courun tableau très

inexactde ce qui s'est passé.

2 J'en viensmaintenant, Monsieu le Président,à la questionde

savoir commenl ta Cour devrait abordesa tâche. Ayantrejeté la

tentativeartificielle fait par le Tchadpour limiter cettetâche à un

choix entre deux lignes,j'ai le devoird'essayer d'assistela Cour en

exprimant un avispluspositifquant à la façondont la Courdevrait

envisagercettetâche. L'on voit assezclairement ce que laCourne devrait pas faire.

Ce serait donner suite l'invitationmal dissimulédee Mme Higgins

(CR 93/26,p. 10-23)tendant à ce que la Couranalyse les causes de la

guerre civile au Tchadet la justification- ou l'absencede

justification - de la prétendue"interventiond"ans cette guerrceivile.
I
Nous avons un compromis quele Tchadveut interpréterde façon étroite,

touten l'élargissant au pointde le rendre méconnaissable. Tenons-nous

en au compromis :la Cour estsaisied'undifférend territorial.

Dans cecadre, il me sembleclairqu'uncertain nombre de questions

différentes doivent êtr examinées. 11 y en a une quejlaborderai

d'abordcar, àmon avis,elle n'éclaire guère les choseest doit être

écartée. Je veux parler de la conduitedes Parties aprèsl'indépendance.

La conduitedes Parties après l'indépendance

Pour un observateurdésintéresséqui passeraiten revuela conduite

des deuxParties depuis leuraccession à l'indépendancei,l pourraitêtre

difficiled'établirune distinctioe nntreelles. Dans certains cas, les

deuxParties auraient pf uormulerdes revendications, ou bir enserver

leurs positions, ou bie concluredes accordsen termes plus prudents.

Forceest cependant d'admettre qu'aussi l biLibye que le Tchad,
w
en tantqulEtatsnouvellement indépendants, étaient confrà odtés

difficultés inhabituelles.Les deux Etats ont admisqu'ilspartageaient

nécessairemenutne frontière commun que la Courdoit identified rans la

présenteinstance. Mais la question de savoir si une fronta ièretété

délimitéepar voie d'accordou quel pourrait en être letracéne se

prêtaitpas àune réponse facilsei l'on considèrle'histoire tortueuse

et compliquéede cetterégion del'Afrique.

Le Tchad suggère maintenanpta,r l'entremisde son conseil, quela

Libye devraitêtrepénaliséeet qu'ildevraitlui être interdit df eaire

valoirsa revendicatiop narceque celle-cin'a pas été avancée en 1951,ou en 1955,ou en 1960. Mais les mêmes arguments peuve être retournés

contre leTchad,lequel, à bien des occasionsa,négocié avec la Libye

sans réserver expressémentsa revendication.En fait, même la Franc n'a

pas, en 1950et en 1951,et à nouveauen 1955, avancé les revendications

que le Tchad formuleaujourd'hui.Les deuxièmeet troisièmethéoriesdu

Tchad sonttotalement nouvelles.

La doctrinede la "déchéance" dersevendicationss,i éloquemment

exposée parM. Franck,estune armeà doubletranchant.De plus,elleva

à l'encontredu principe établdie la prescriptioenxtinctive.Pour

qu'unerevendication s'éteigne, f ilut à la fois une connaissancde la

revendicationet l'écoulementd'une longuepériodede temps. L'ona vu,

dans la pratiqueinternationaled,es périodesde trente,voire

cinquanteans. Il seraittoutà fait contrairà e ce principede dire à

un Etat qu'ilest déchude son droitde fairevaloir une revendication du

seul fait qu'ilne l'a pas invoquée au momenopportun.

Cela étant,il y a, de l'avisde la Libye,d'excellentes raisons

pour la Courde centrerson attentionsur la situatioq nui existait

en 1951, date que les deux Partr iesonnaissent être dlate critique,

et de voir quellesétaientles revendicationqsui pouvaient légitimement

avoir été formuléesà cettedate. En effet,si la questionavait été

réglée à l'époque,à la date del'indépendancdee la Libye,la frontière

aurait été accepté par touteles parties.

A cettedate,la Francea reconnu - et ellene pouvaitque

reconnaître- que la Libyeétaitapparuecomme successeud re l'Italie.

Quoi que la Franceait pu dire quantàla prétention libyenn d'avoir

héritédes revendicationdses Senoussiet des Ottomans, ilest impossible

de croire que la Francaeurait pu contesteque la Libyeait succédéà l'Italie. Et si laLibyeavait succédé àl'Italieet étaitliéepar la

conduitede l'Italieen qualitéde souverain, la positionde la Libye

en 1951ne pouvait pas être pir que cellede l'Italie.

, 0 64 L'héritageucolonialu reçu parla Libyede l'Italie

La positionentre l'Italieet la Francepeut être résuméeau moyen a

de trois proposition s

1. l'Italiea sansdoute accepté la déclarationfranco-britannique

de 1899.

L'Italiea peut-êtremis en questionle statutde cette ligne,

c'est-à-diredoutéqu'ellesoitdevenueune véritable frontière, mal is V

violencede la réactionqu'ellea opposée à la lignede 1919 permet sans

doute de penserque l'Italiea acceptéla lignede 1899et a rejeté

cellede 1919car elle s'écartait de la ligne d1899. Pour unelarge

part,les cartesitaliennes produites comme éléme desreuveconfirment

peut-être l'argumentselonlequell'Italiea acceptéune ligne orientée

rigoureusemenvters lesud-est.

2. L'Italiea totalement rejet éa lignede 1919.

Les archives historiquesur ce pointsont parfaitemenctlaires. La

tentativequ'a faitele Tchad deprouver que l'Italieavaitperdule

droitd'opposerdes objections à une telle ligneen 1902et en 1912 est,

commel'a montré M. Sohier,totalementdépourvuede fondement.

3. Le traitéde 1935 aétémort-né.

C'estlà un pointdont l'Italieet la Franceétaientconvenueset

sur lequel la Libyeet le Tchad sontaujourd'huid'accord. L'élément

controverséestmaintenant de savoirsi lalignede 1935aurait

représentépour l'Italieun gainou une pertede territoire. Je vois

difficilement pourquol'Italieaurait refusé de ratifierun traitéqui

lui auraitcédé du territoire. Cettequestionn'estpas sans importance cars'ils'agitd'unepertepour l'Italie,l'onest porté à

croire quela situationantérieure étailta lignede 1899,c'est-à-dire

la ligne orientéreigoureusemenvters lesud-est,tandisqu'ungain

suppose que la positioantérieure étailta lignede 1919.

n 6)5 L'héritagelibyenen vertude l'article13 du traitéde Londresde 1915
Y L.
Resteévidemment la questioncontroverséede savoirsi, en vertude

cette dispositiocnonventionnellsepécifiquel'article13, l'Italie

avait droità une frontière méridionale avlecs possessionfrançaises

au Tchadqui étaitplus avantageuse, plufsavorable pourl'Italie,que

la lignede 1899. Tel était manifestemen l'avisde l'Italieet celle-ci

a basé ses revendications plus ambitieudses années vinget trentesur

cet argument. La Cour avu démontrersur l'écranles différents

"programmes"italiensproposés, enpartie,sur la base de cette

revendication.

Dans la mesureoù l'article13 envisageaitdes avantages de nature

territorialeq,ui étaientliésau territoirdee ce qui est aujourd'hui

la Libye,celle-cia le droitde succéder àces avantages.

L'héritagelibyendes Senoussiet de l'Empireottoman

Pour cequi estmaintenant de l'héritagelibyen, distinct, des

Senoussiet de l'Empireottoman, laLibyeconsidère que, toutà fait

indépendammendte toute revendicatioou de touttitrehéritéde

l'Italie,la Libyea héritéd'un titredistinctmais toutaussivalable

des Senoussiet de l'Empireottomansur toutle territoire qui,

avant 1919, n'avait paété effectivemenrtevendiquépar la France. Or,

cette dateest la datedéterminantecar,quoique puisse dire le Tchad

aujourd'hui,la réelle base deouttitrerevendiqué par la Franceétait

la conquêteet, en 1919,la conquête a étmisehors-la-loien tantque

sourced'un titre. Le Tchad reconnaîtqu'il existaitun titre antérieur,antérieur à

l'invasiondes confins par la France. Et l'argumentavancépour

justifierl'existenced'un titre français suppos donc soit un abandon,

qui aurait laissé le territoire à l'étatde terra nullius, soit une

conquête,soit une wconsolidation" en tant que based'un nouveautitre

français.

Nul ne prétend qu'ily a eu abandon,et la persistanced'une

présencehostile desSenoussi,plus les revendication italiennes,

exigentde rejeterun tel argument. Il n'y a pas eu de "consolidation"

sous formed'une reconnaissance internationad le caractère général: il
wv
y a pour cela trop de cartes internationale qui représententdes lignes

autres que celle de 1919. Et, en 1950, l'organisatiod nes Nations Unies

a refuséde reconnaîtreune quelconquefrontièrespécifique,de sorte

qu'il n'y a pas eu de reconnaissance internationad lue titre français

jusqu'àla lignede 1919. La consolidation ne peut donc pas appuyerla

ligne de 1919.

Le problèmeest donc celuide la conquête.La Francea-t-elle

effectivement conquis l'ensemb dlueterritoire? Une conquête

pouvait-elle,en tout état de cause,donner à la Franceun titre

valable ? Les argumentsinvoquéspar l'Italielors des négociationa svec W

la Francesur la base del'article13 du traitéde Londresreflètent-ils

un abandon desrevendications fondée sur la successionottomane,ou

s'agissait-ilsimplement d'une position denégociation ? Et cela

pouvait-ilengagerla Libye,en tant qu'Etatsuccesseur ?

La Libye répond parla négative à toutes cesquestions. Et si la

Cour partagel'avisde la Libye, cet héritagedoit venir s'ajouter à

l'l'héritagceolonialw dela Libye, et
cela appuieune ligne baséenonseulement sur la ligne orientée rigoureusemenvters le sud-estde 1899

mais sur les éléments de preuve factuelsconcernant les secteurs qui se

trouvaient sous l'autorité effectivede la France en 1919.

Le mythed'un règlement du différend frontalier pa la résolution 392 (V)
de l*Assemblée générale

Nous avons ensuitl ee mythed'un règlement du différendfrontalier

par la résolution 392 adoptéepar l'Assemblée générale à sa cinquième

session. Le Tchad soutienm taintenant poulra première fois que le

territoire libyena été définipar l'organisatio des Nations Unies

en 1951,de façonimplicite, par la résolution 392(V) de l'Assemblée,

laquelle, a soutenuM. Franck,a équivalu de la part de l'ONU à un

acquiescement à la position de la France. Cet argument, Monsieur le

Président, ne retiendra pas trè lsongtempsl'attention de la Cour. Il

est toutà faitclair, à la lecturedu textede la résolution 39( 2V) et

si l'onconsidèreles circonstanceq sui ont entouré l'adoptid on cette

résolution, notammen la cartede l'ONUet la Constitution libyennq e,e

l'Assemblée généralen'a pas, à cette occasion, fixé l frontière

méridionale de la Libye. Si,dans cette résolution ,'Assembléen'a pas

effectivement détermiq née la frontière restaità délimiter, comml ee

suggérerait le texte anglaid se la résolution,ellea certainement laissé

subsister la possibilité que tel puis êtrele caset que la

détermination de la frontièredoive faire l'objetde négociations entre

les parties. L'argumen tchadiend'un acquiescemend te la partdes

Nations Unies ne sauraitêtreaccueilli. En fait, les parties- la Libye

et la France - ont reconnu en 1955 la nécessi teénégocier, de sortq eue

nous pouvons passerau traitéde 1955. Le traité franco-libyende 1955

Pour ce qui est du traitéde 1955, ilsubsiste la question d savoir

en vertu de ce traité,la Libye s'est engagéeà céderun territoire
si,
ou a renoncéà une revendication auxquels elle aura autrementeu droit.

Sir Ian Sinclaira déjà mis en relief la confusion qu existe,dans
4
l'espritdes conseilsdu Tchad, sur le point de savoirsi le traitéa été

déclaratoired'un titrepréexistantou constitutifd'un nouveautitre.

L'optique"constitutive" ne saurait êtreadmise : en l'absencede

négociations,en l'absencede textes,en l'absencede cartes, elle met la

crédulité à rude épreuve. Cet argument, présentcéomme un accordpar
w
lequel lespartiesont acceptéd'examinerla question frontalière sur la

base d'une liste convenued'instrumentsinternationaux, pourrai être

acceptable. Mais, en outre,le Tchadessaie d'invoquer les effectivités

Néanmoins,
françaises,et c'est là une question toutà fait différente.

une chose estclaire :si les textesde 1899 et de 1919doivent être

complétéspar des effectivités, il faut tenir comptedes effectivitésde

part et d'autre,et pas seulement des effectivitésfrançaises,mais aussi

des effectivités desOttomanset des Senoussi. Etdans la mesure oùces

effectivités deviennent pertinentl es,n se dirige vers unligneplus

prochedu 15~parallèleque de la lignede 1919. W

S'agissantdes texteseux-mêmes,la Libye persiste àpenserqu'aucun

de ceuxqui sont énumérés à l'annexe1 ne définitde frontière

conventionnelle entrl ea Libye et le Tchad. Les seulsinstruments

conventionnels quoint directement traità cette frontière méridionale

C)68 sont les accordsde 1899 et de 1919, et l'undes curieux paradoxedse la

présente affaireest que ni la Grande-Bretagne,ni la France,parties à

ces accords, n'avaien en fait de titre,que ce soit en 1899 ou en 1919,

sur le territoire situé au nor et au sudde la ligne sur laquelleelles

se sont entendues. Le dossiermontre que les Ottomansont protestécontrela déclaration de 1899. Il incombera à la Courde décider sila

conduite ultérieur de l'Italie,en tantque souverain territorial en

qualitéde successeur de la Sublime Portea, affaiblicette

protestation.La protestation italienc nentre la lignede 1919 est

demeurée ferme et dépourvued'équivoque,ce que le Tchadne nie pas.

Les négociations infructueuses qui ont précédla date critique

Il y a ensuiteles négociationqsui ont précédé la date critique,

mais qui n'ontpas abouti à un accord. Ces négociationdsemeurentune

précieusesourced'informationp sour la Courprécisément parcq eue,comme

je l'ai expliquélorsdu premier tour, elles fo aptparaître les

revendicationr séellesdes Parties. Les négociations pertinents esnt

évidemment cellesqui se sont dérouléesentrel'Italieet la France et,

même si elles n'ont pas abouti, ces négociations confiq rmenla ligne

de 1935 représentait pourl'Italieun reculpar rapport à la frontièreà

laquelleelle pensait avoir droit.

Autres critères

Les différentsautres critèreqsue la Libyea instamment demandéà

la Courde prendreen considératio n les facteurs géographiques,

économiques,humainset stratégiques - demeurent,de l'avisde la Libye,

hautementpertinents.M. Francka déclaré à la Cour en termes

catégoriquesque lesintérêtsdes populations des confinssontclairset

que cespopulations ond téjà exercé leur droit l'autodétermination

en 1959(CR 93/25,p. 58-60). Je voudraispouvoir partages ra

certitude.Aux termesde la nouvelle Constitution française de 1 la58,

question mise aux voix 1 en59 était limitéeàun choix entre trois

formesd'association avecla France à l'intérieurde la Communauté

française,et le Tchad adécidéd'endevenirmembre. Nul n'a demandé aux

populationssi elles voulaient associer leur avenià celuide laLibye.Vu les termesdu traitéde paix avecl'Italie, ces facteurs ne sauraient

être ignoréset il ne peutpas êtredans l'intérêt de l'uneou l'autre

des Partiesde produire une frontière quine serait pas basés eur le bon

sens. Les frontières, en effet, doivenê ttredurables. Et la frontière

que doit fixer la Cour séparera la Liby et le Tchad bien après que la
C
guerre civile au Tchad,ou les régimesqui gouvernent le Tchadet la

Libye, seront passés dal nshistoire.

Puisquel'onparlede durée, Monsieul re Président, j'ai le

sentiment que, pour la Cou nos plaidoiries ont asse duré. Je prie la

Courd'accepterles remerciementd se tousles conseilsde la Libyepour
*

la patienceet la courtoisie dont elle a fait preu veleurégard.

Enfin, Monsieur le Président,je voudraisvousdemanderde donner la

parole à l'agentde la Libyepourqu'ilpuisse présentel res conclusions

finalesde la Libye.

Le PRESIDENT :Je remercie beaucou M. Bowettet je donnela parole

à M. El-Obeidi.

M. EL-OBEIDI :Monsieurle Présidentet Messieursde la Cour, nous

voiciau termedes plaidoiries de la Libye.

Dans le casd'un différend commc eelui-ci,dont la genèse remonte

réellement à prèsd'un siècle, il y a inévitablement d'innombrables faits

et considérations juridiquesà soumettreà la Cour. Nous avons essayé,

pendantces audiencesd ,e circonscrire davantal ges questionsqui

séparent les Partie et d'aiderla Courà apprécierles faitsessentiels.

A ce propos,je tiens à relever qu'indépendamme des pointsqui ont

été soulevés lorsde notre deuxième tourde plaidoiries, la Libye

fourniraavant lafin des audiences une réponé serite à la question

poséepar M. Guillaume. La Course rappelleraqu'ellea déjà rendu deux décisionsconcernant

des délimitations maritimeesntrela Libyeet des Etatsvoisins. Dans

chacunde ces cas, ces décision ont aidéà résoudre les questionsde

délimitationqui se posaientet ont été appliquéespar la Libye. Dans

cette affaireégalement, la Libyene doute pas que la décisid on la Cour

réglerale différend territorial ent laeLibyeet le Tchadet sera

appliquée enconséquence.

Il ne me reste plusqu'àdonner lecturep,our le compte rendu, des

conclusionsfinalesde la Libye,qui demeurentinchangées.

Conclusions

Eu égard aux diverstraités, accords, conventie onarrangements

internationauext à leureffetou absenced'effetsur le présent

différend,selonce qui estexposédans le mémoire, lc eontre-mémoirel,a

répliqueet les plaidoiriesde la Libye,

Compte tenu des autresfaitset circonstances ayant uneincidence

sur cette affaire, commiendiqué ci-dessus, ainqsie dans lesécritures

et plaidoiries dela Libye,

A la lumière de la conduitedes Parties,de la conduited'autres

Etatsou de forces politiques séculières ou religieusd esnt la conduite

est en rapport avecles droitset titres revendiqué par les Parties,
371
ainsi quede la conduitedes peuplesautochtones dont les territoires

sontl'objetdu présentdifférend,

En application des principeset règlesdu droit international

pertinentsen l'espèce,

Plaise à la Cour,rejetant toutes prétentio etsconclusions

contraires:

Dire et juger

1. Qu'iln'existe, à l'estde Toummo, aucune frontièreentre la

Libyeet le Tchaden vertu d'aucua nccord international existant; 2. Que, dans ces conditionp s,urdéciderde l'attributiondes

territoires respectif entrela Libyeet le Tchad conformément aux règles

de droitinternational applicablesen l'espèce,les facteurs suivants

sont pertinents :

i) le territoireen question,à toutes les époques pertinentes,

n'étaitpas terranullius;

ii) à toutes les époque sertinentes,le titresur le territoire

appartenaitaux peuples habitant ledit territoiq re, étaientdes

tribus,des confédérationdse tribusou d'autrespeuplesdevant

allégeanceà l'ordresenoussiet qui avaient accepté l'autorité w

senoussidans leurlutte contre lee smpiétementsde la Franceet

de l'Italiesur leursterres;

iii) à toutes les époques pertinente ces peuplesautochtones

faisaient partie des peuples libyens des po dentse religieux,

culturel,économique et politique;

iv) au niveauinternationali,l existaitune communauté de titreentre

le titre despeuples autochtone et les droitset titresde

l'Empireottoman, transmi àsl'Italieen 1912et héritéspar la

Libyeen 1951;

v) toute revendicatio du Tchadreposesur la revendication héritée W

de la France;

vi) la revendicationfrançaisesur la zone en litig reposaitsur des

"actes internationauq x"i n'ontpas crééde frontière

territorialeà l'estde Toummo,et il n'existe aucun autre

fondementvalable pour étaye la revendicatiofnrançaisesur la

zoneen litige;

3. Qu'à la lumièredes facteursci-dessus,la Libyea un titre

incontestablesur toutle territoire situéau nord de la lignetracéesur

la carte 105du mémoirede la Libye, sur la cart LC-M 55 ducontre-mémoird ee la Libyeet sur la carteLR 32 de la réplique de la

Libye,c'est-à-dire la zonedélimitéepar une lignequi partde

l'intersectiod ne la frontière oriental du Nigeret du 18~ parallèle,

continuedansune directionexactement sud-estjusqu'àce qu'elle

rencontre le lse parallèle, puis suit ce parallèle vers lj 'esqtu'à

sa jonctionavec la frontière existant entrele Tchad et le Soudan.

Je vous remercie, Monsieu re Présidentet Messieurs de la Cour,de

la courtoisie et de la patience aveclesquellesla Coura écouté

l'argumentatiod ne la Libye. En outre,si vousme le permettez, je

voudrais exprimerla reconnaissancd ee mon pays aux conseilsqui l'ont

représentée avet cantde talent. Je tiens égalementà remercierl'agent

du Tchadet son équipede l'esprit amicaldont ils ont faitpreuve

pendanttoutes cesaudiences.Je vous remerciebeaucoup, Monsieul re

Président.

Le PRESIDENT :Je vous remerciebeaucoup, MonsieuE rl-Obeidi. Voilà

qui achève lesplaidoiries de la Libye dansla procédure orale,et nous

reprendrons à 10 heureslundimatinpour commence r entendre laréplique

du Tchad.

L'audience est levée à12 h 45.

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