Discours de S. Exc. Mme la juge Joan E. Donoghue, présidente de la Cour internationale de Justice, à l'occasion de la soixante-dix-septième session de l'Assemblée générale des Nations Unies

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000-20221027-STA-01-00-EN
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DISCOURS DE S. EXC. MME LA JUGE JOAN E. DONOGHUE, PRÉSIDENTE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE, À L’OCCASION DE LA SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
Le 27 octobre 2022
Monsieur le président, Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,
C’est un honneur pour moi que de m’adresser aujourd’hui à l’Assemblée générale dans le cadre de son examen du rapport annuel de la Cour internationale de Justice. Je lui suis reconnaissante de cette occasion qu’elle m’offre de lui présenter brièvement les activités judiciaires de l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies au cours de l’année écoulée, conformément à une tradition bien établie qui témoigne à la fois de l’intérêt de votre auguste Assemblée pour la Cour et de l’appui qu’elle lui prête.
Avant toute chose, je voudrais saisir cette occasion pour féliciter S. Exc. M. Csaba Kőrösi de son élection à la présidence de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale et je lui adresse tous mes voeux de succès dans l’exercice de ses importantes fonctions.
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Monsieur le président,
Avant de commencer mon survol des activités récentes de la Cour, je tiens à rendre hommage, au nom des membres de la Cour, au juge Antônio Augusto Cançado Trindade, décédé le 29 mai de cette année. Le juge Cançado Trindade était un éminent juriste et un ardent partisan du droit international en tant que discipline «centrée sur l’être humain» et au service de l’humanité. Cette perspective remplie de compassion a été la sienne tout au long de son illustre carrière comme juge et président de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, comme conseiller juridique du ministère des relations extérieures du Brésil, comme professeur et universitaire renommé, et, enfin, comme membre de la Cour internationale de Justice. La disparition du juge Cançado Trindade est une perte considérable pour la communauté du droit international. Elle est cruellement ressentie par ses collègues et amis de la Cour.
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Monsieur le président,
Je commencerai par un bref exposé des activités judiciaires de la Cour. Depuis le 1er août 2021, date du début de la période couverte par son rapport annuel, la Cour a été fort occupée. Son rôle est très fourni, puisque 16 affaires contentieuses y sont actuellement inscrites, qui font intervenir des Etats de toutes les régions du monde et portent sur un large éventail de questions juridiques, parmi lesquelles la délimitation terrestre et maritime, des questions relatives aux cours d’eau internationaux et des allégations de violation de traités bilatéraux et multilatéraux concernant, entre autres sujets, l’élimination de la discrimination raciale et la prévention et la répression du génocide.
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Cinq nouvelles instances ont été inscrites au rôle de la Cour depuis le 1er août 2021, dont deux avaient été brièvement mentionnées dans mon discours de l’année dernière, à savoir deux affaires relatives à des violations alléguées de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (la «CIEDR»), dont la première a été introduite par l’Arménie contre l’Azerbaïdjan et la seconde a été introduite par l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.
Le 27 février 2022, l’Ukraine a déposé une requête introductive d’instance contre la Fédération de Russie au titre de la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide (la «convention sur le génocide»), en même temps qu’une demande en indication de mesures conservatoires que je commenterai plus en détail dans un moment.
Le 29 avril 2022, l’Allemagne a introduit une instance contre l’Italie au motif que cette dernière n’aurait pas respecté l’immunité de juridiction de l’Allemagne. La requête de l’Allemagne contenait une demande en indication de mesures conservatoires, qui a cependant été retirée le 5 mai 2022, quelques jours avant le début des audiences prévues en l’affaire.
L’affaire la plus récente mise au rôle de la Cour est une instance introduite le 30 septembre 2022 par la Guinée équatoriale contre la France au sujet de la violation alléguée, par cette dernière, de ses obligations souscrites au titre de la convention des Nations Unies du 31 octobre 2003 contre la corruption. La requérante prétend, entre autres, que la France est tenue de lui restituer certains biens qui constituent le produit d’un crime de détournement de fonds publics à son préjudice, y compris un immeuble sis 40-42 avenue Foch à Paris. Sa requête introductive d’instance contenait une demande en indication de mesures conservatoires pour laquelle une audience avait été programmée pour le mois prochain. La Guinée équatoriale a cependant retiré cette demande la semaine dernière.
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Monsieur le président,
Depuis le 1er août 2021, la Cour a tenu des audiences dans sept affaires, et elle a rendu quatre arrêts et trois ordonnances en indication de mesures conservatoires. En outre, au début de ce mois, elle a rendu une ordonnance sur une demande tendant à modifier des mesures conservatoires qu’elle avait précédemment indiquées.
Conformément à l’usage, je vais maintenant exposer succinctement la teneur de ces décisions. Comme j’ai déjà résumé devant vous, il y a un an, l’arrêt du 12 octobre 2021 de la Cour sur le fond de l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), je me concentrerai aujourd’hui sur les autres décisions que la Cour a rendues pendant la période considérée.
Le 9 février 2022, la Cour a rendu son arrêt sur la question des réparations en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda). Elle avait statué en 2005 sur le fond de cette affaire et dit que l’Ouganda avait l’obligation, envers la République démocratique du Congo, de réparer le préjudice causé par sa violation des principes du non-recours à la force et de non-intervention ainsi que des obligations lui incombant en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire et des obligations lui incombant à l’égard des ressources naturelles. Dans ce même arrêt de 2005, la Cour avait dit que la République démocratique du Congo avait l’obligation de réparer le préjudice causé à la République de l’Ouganda par sa violation de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. Elle avait également décidé en 2005 que, au cas où les Parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet, la question des réparations serait réglée par la Cour. Le 13 mai 2015, constatant l’échec des négociations avec l’Ouganda, la République démocratique du Congo a demandé à la Cour de
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déterminer le montant de la réparation qui lui était due. La Cour a donc repris la procédure sur la question des réparations. A la clôture des audiences, qui se sont déroulées en avril 2021, l’Ouganda a fait savoir qu’il souhaitait retirer sa demande d’indemnisation. L’arrêt de la Cour traite donc exclusivement des réparations dues par l’Ouganda à la République démocratique du Congo.
La Cour avait certes déjà rendu quelques autres arrêts en matière d’indemnisation, mais cette affaire opposant la République démocratique du Congo à l’Ouganda était la première dans laquelle elle était appelée à statuer sur la réparation du préjudice causé par des morts et des atteintes aux personnes commises à une telle échelle dans le cadre d’un conflit armé. La Cour a également statué sur des demandes d’indemnisation du préjudice subi sous forme de dommages aux habitations et autres biens privés et de dommages à des biens publics tels que les écoles, ainsi que sur des demandes relatives à diverses ressources naturelles, dont les minerais et le bois d’oeuvre.
Dans le dispositif de son arrêt, la Cour a fixé à 225 000 000 dollars des Etats-Unis le montant des indemnités dues pour les dommages causés aux personnes, à 40 000 000 dollars des Etats-Unis le montant des indemnités dues pour les dommages causés aux biens et à 60 000 000 dollars des Etats-Unis le montant des indemnités dues pour les dommages afférents aux ressources naturelles. Elle a également dit que le montant intégral de ces indemnités devrait être acquitté en cinq versements annuels de 65 000 000 dollars des Etats-Unis chacun, dont le premier était dû le 1er septembre 2022.
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Le 21 avril 2022, la Cour a rendu son arrêt sur le fond en l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie). Dans un arrêt antérieur daté du 17 mars 2016, elle avait dit qu’elle avait compétence pour statuer sur le différend entre les Parties, sur la base du traité américain de règlement pacifique, que j’appellerai le «pacte de Bogotá». Dans cet arrêt, le différend soumis à la juridiction de la Cour concernait des violations alléguées, par la Colombie, des droits du Nicaragua dans des zones maritimes dont, selon le Nicaragua, la Cour avait déclaré qu’elles lui appartenaient dans son arrêt de 2012 dans une affaire antérieure qui avait opposé les mêmes Parties, à savoir l’affaire du Différend territorial et maritime. En réponse, la Colombie a soumis, dans son contre-mémoire, quatre demandes reconventionnelles, dont deux ont été déclarées recevables par une ordonnance de la Cour en date du 15 novembre 2017.
Dans son arrêt du 21 avril 2022, la Cour a d’abord dit qu’elle avait compétence ratione temporis à l’égard des demandes du Nicaragua relatives aux incidents qui se seraient produits après le 27 novembre 2013, date à laquelle le pacte de Bogotá avait cessé d’être en vigueur pour la Colombie.
Il importe de noter que, dans cette affaire, le droit applicable entre les Parties était le droit international coutumier, puisque la Colombie n’est pas partie à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (la «CNUDM»). La Cour devait donc décider si certaines dispositions de cette convention reflétaient le droit international coutumier.
En ce qui concerne la première demande du Nicaragua, la Cour a conclu que la Colombie avait violé les droits souverains et la juridiction dont jouit le Nicaragua dans sa zone économique exclusive. La Colombie avait notamment entravé les activités de pêche et de recherche scientifique marine de navires battant pavillon nicaraguayen ou détenteurs d’un permis nicaraguayen et les opérations de navires de la marine nicaraguayenne dans cette zone, elle avait voulu y faire appliquer des mesures de conservation et elle y avait autorisé des activités de pêche. La Cour a conclu à cet égard que la Colombie devait cesser immédiatement ce comportement illicite.
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En ce qui concerne la deuxième demande du Nicaragua, la Cour a considéré que la Colombie avait le droit d’établir une zone contiguë autour de l’archipel de San Andrés, mais a conclu que la «zone contiguë unique» établie par la Colombie par voie de décret présidentiel n’était pas conforme au droit international coutumier tel qu’il est reflété au paragraphe 1 de l’article 33 de la CNUDM, et ce à raison tant de son étendue géographique que de certains pouvoirs revendiqués par la Colombie dans cette zone. La Cour a dit que la Colombie était dans l’obligation, par les moyens de son choix, de mettre les dispositions du décret présidentiel concerné en conformité avec le droit international coutumier, en tant que ces dispositions avaient trait aux espaces maritimes que la Cour avait reconnus au Nicaragua dans son arrêt de 2012.
La Cour est ensuite passée aux demandes reconventionnelles de la Colombie. Elle a rejeté la demande reconventionnelle alléguant la violation par le Nicaragua des droits coutumiers de pêche artisanale des habitants de l’archipel de San Andrés, au motif que les éléments de preuve produits ne démontraient pas l’existence de ces droits.
Puis la Cour a examiné la demande reconventionnelle relative à l’établissement par le Nicaragua de lignes de base droites à partir desquelles mesurer la largeur de sa mer territoriale. Elle a conclu que les lignes de base droites du Nicaragua n’étaient pas conformes au droit international coutumier tel qu’il est reflété au paragraphe 1 de l’article 7 de la CNUDM. De plus, en prétendant transformer en eaux intérieures certains espaces qui, autrement, auraient fait partie de la mer territoriale ou de la zone économique exclusive du Nicaragua, et en mer territoriale certains espaces qui, autrement, auraient fait partie de la zone économique exclusive du Nicaragua, les lignes de base droites du Nicaragua privaient la Colombie des droits qui lui étaient reconnus dans ces zones. La Cour a considéré qu’un jugement déclaratoire disant que les lignes de base droites établies par le Nicaragua n’étaient pas conformes au droit international coutumier constituait un remède approprié.
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Le 22 juillet 2022, la Cour a rendu son arrêt sur les exceptions préliminaires en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar). Cette instance avait été introduite par la Gambie contre le Myanmar à raison de manquements allégués par ce dernier aux obligations qui lui incombent au regard de la convention sur le génocide, par les actes visant les membres du groupe rohingya qui ont été adoptés ou accomplis par son gouvernement ou avec l’aval de celui-ci. La Cour avait indiqué des mesures conservatoires dans cette affaire en 2020. La Gambie entendait fonder la compétence de la Cour sur l’article IX de la convention sur le génocide.
Le Myanmar a soulevé quatre exceptions préliminaires d’incompétence de la Cour et d’irrecevabilité de la requête de la Gambie. Premièrement, il a soutenu que le «véritable demandeur» en l’affaire était non pas la Gambie, mais l’Organisation de la coopération islamique, c’est-à-dire une organisation internationale qui ne saurait être partie à une instance devant la Cour. Deuxièmement, il a affirmé qu’aucun différend n’opposait les Parties à la date du dépôt de la requête. Troisièmement, il a fait valoir que la Gambie ne pouvait pas valablement saisir la Cour compte tenu de la réserve qu’il avait formulée à l’article VIII de la convention sur le génocide. Finalement, le Myanmar a avancé que la Gambie n’avait pas qualité pour introduire l’instance parce qu’elle n’était pas un «Etat lésé» et n’avait par conséquent pas démontré qu’elle possédait un intérêt juridique individuel.
Dans son arrêt, la Cour a déclaré qu’elle estimait que le demandeur en l’affaire était la Gambie et qu’il existait entre les Parties, au moment du dépôt de la requête, un différend relatif à l’interprétation, l’application et l’exécution de la convention sur le génocide. En ce qui concerne la réserve du Myanmar à l’article VIII de cette convention, la Cour a conclu que cette disposition ne
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régissait pas sa saisine et n’était par conséquent pas pertinente aux fins de déterminer si la Cour était régulièrement saisie de l’affaire qui lui avait été soumise. La Cour a également conclu que la Gambie avait qualité, en tant qu’Etat partie à la convention sur le génocide, pour invoquer la responsabilité du Myanmar à raison des manquements allégués à ses obligations erga omnes partes découlant de la convention.
La Cour a ainsi rejeté les quatre exceptions préliminaires soulevées par le Myanmar et conclu qu’elle avait compétence, sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide, pour connaître de la requête introduite par la Gambie, et que ladite requête était recevable. La procédure sur le fond, qui avait été suspendue suite au dépôt des exceptions préliminaires du Myanmar, a maintenant repris.
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Monsieur le président,
La Cour a rendu trois ordonnances en indication de mesures conservatoires pendant la période considérée. Avant de résumer ces ordonnances, je rappellerai brièvement les critères qu’applique la Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande en indication de mesures conservatoires. Premièrement, le titre de compétence invoqué par le demandeur doit sembler prima facie constituer une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée. Deuxièmement, les droits allégués par la partie qui demande les mesures conservatoires doivent paraître au moins plausibles, et il doit exister un lien entre les droits dont la protection est recherchée et les mesures conservatoires demandées. Troisièmement, la Cour doit s’être assurée qu’un préjudice irréparable risque d’être causé aux droits en litige dans la procédure judiciaire concernée, ou que la méconnaissance alléguée de ces droits risque d’entraîner des conséquences irréparables, et il doit également y avoir urgence, au sens où il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits revendiqués avant que la Cour ne rende sa décision définitive.
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Monsieur le président,
Lorsque je suis intervenue devant l’Assemblée l’année dernière, j’avais mentionné que la Cour délibérait alors sur deux demandes en indication de mesures conservatoires dans les affaires relatives à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan) et (Azerbaïdjan c. Arménie). Ces deux affaires sont nées d’allégations de faits de discrimination raciale contre des personnes d’origine nationale ou ethnique arménienne ou azerbaïdjanaise commis pendant et après les hostilités qui ont éclaté à l’automne 2020 dans la région du Haut-Karabakh, hostilités que les ordonnances en question appellent le «conflit de 2020». Chaque Etat prétendait, dans sa requête, que l’autre avait agi en violation de la CIEDR.
Le 7 décembre 2021, la Cour a rendu ses ordonnances en indication de mesures conservatoires dans les deux affaires. Dans ces deux ordonnances, elle a conclu que, prima facie, elle avait compétence en vertu de la CIEDR.
Dans l’affaire Arménie c. Azerbaïdjan, la Cour a estimé que le droit des prisonniers de guerre et des détenus civils qui étaient détenus en Azerbaïdjan de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants fondés sur leur origine nationale ou ethnique, découlant de la CIEDR, ainsi que les droits qui auraient été violés en raison de faits d’incitation et d’encouragement à la haine et
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à la discrimination raciales de la part de hauts responsables azerbaïdjanais et de dégradation et profanation du patrimoine culturel arménien étaient des droits plausibles. La Cour a considéré que la CIEDR n’obligeait cependant pas de manière plausible l’Azerbaïdjan à rapatrier les prisonniers de guerre et les détenus civils. A cet égard, elle a noté que c’est le droit international humanitaire qui régit la libération des personnes combattant pour un Etat qui ont été placées en détention pendant des hostilités avec un autre Etat. Elle a aussi rappelé que les mesures fondées sur la nationalité actuelle n’entraient pas dans le champ d’application de la CIEDR.
La Cour a conclu qu’il existait un lien entre certains des droits revendiqués par l’Arménie et au moins une des mesures conservatoires sollicitées, et que les critères du risque de préjudice irréparable et de l’urgence étaient remplis. Elle a par conséquent ordonné à l’Azerbaïdjan, conformément aux obligations que la CIEDR impose à cet Etat, premièrement, de protéger contre les voies de fait et les sévices toutes les personnes arrêtées en relation avec le conflit de 2020 et de garantir leur sûreté et leur droit à l’égalité devant la loi ; deuxièmement, de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’incitation et l’encouragement à la haine et à la discrimination raciales, y compris par ses agents et ses institutions publiques, à l’égard des personnes d’origine nationale ou ethnique arménienne ; et, troisièmement, de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher et punir les actes de dégradation et de profanation du patrimoine culturel arménien. La Cour a également ordonné aux Parties de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend.
Dans l’affaire Azerbaïdjan c. Arménie, la Cour a considéré qu’étaient plausibles en vertu de la CIEDR les droits que l’Arménie aurait violés en s’abstenant de condamner les activités menées sur son territoire par des groupes qui, selon l’Azerbaïdjan, étaient des groupes xénophobes ethnonationalistes armés, et en s’abstenant de punir ceux qui étaient responsables de telles activités. La Cour n’a cependant pas considéré que la CIEDR imposât de manière plausible à l’Arménie une obligation de cesser ses opérations de minage ou de permettre à l’Azerbaïdjan de procéder au déminage. A cet égard, la Cour a convenu qu’une politique consistant à éloigner des personnes sur la base de leur origine nationale ou ethnique d’une région donnée, et à les empêcher d’y revenir, peut faire intervenir des droits garantis par la CIEDR, mais elle a conclu, prima facie, que l’Azerbaïdjan n’avait pas produit devant elle d’éléments de preuve démontrant que le comportement allégué de l’Arménie s’agissant des mines terrestres ait eu «pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité», des droits des personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise.
La Cour a conclu qu’il existait un lien entre certains des droits revendiqués par l’Azerbaïdjan et au moins une des mesures conservatoires sollicitées, et que les critères du risque de préjudice irréparable et de l’urgence étaient remplis. Elle a par conséquent ordonné à l’Arménie, conformément aux obligations que la CIEDR impose à cet Etat, de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’incitation et l’encouragement à la haine raciale, y compris par des organisations ou des personnes privées sur son territoire, contre les personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise. La Cour a également ordonné aux deux Parties de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend.
Le 19 septembre 2022, l’Arménie a déposé une demande en vertu de l’article 76 du Règlement de la Cour tendant à modifier l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 7 décembre 2021 dans l’affaire introduite par l’Arménie contre l’Azerbaïdjan. Le sous-alinéa a) de l’alinéa 1) du paragraphe 98 de cette ordonnance enjoint à l’Azerbaïdjan de protéger contre les voies de fait et les sévices toutes les personnes arrêtées en relation avec le conflit de 2020 et de garantir leur sûreté et leur droit à l’égalité devant la loi, conformément aux obligations que lui impose la CIEDR. L’Arménie a prié la Cour de modifier son ordonnance de 2021 de manière à «enjoindre expressément à l’Azerbaïdjan de protéger contre les voies de fait et les sévices toutes les personnes arrêtées en relation avec le conflit de 2020 ou tout conflit armé survenu depuis entre les Parties, lors de leur arrestation et par la suite, y compris celles qui sont toujours en détention».
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Dans son ordonnance du 12 octobre 2022, la Cour a conclu que les hostilités qui ont éclaté entre les Parties en septembre 2022 et la détention de militaires arméniens qui s’en est suivie ne constituaient pas un changement de situation propre à justifier que soit modifiée son ordonnance antérieure en indication de mesures conservatoires. Elle a affirmé que le traitement visé au sous-alinéa a) de l’alinéa 1) du paragraphe 98 de son ordonnance devait être accordé à toute personne qui avait été détenue ou qui pourrait être détenue pendant toutes hostilités constituant une résurgence du conflit de 2020. Elle a également réaffirmé les mesures conservatoires indiquées dans son ordonnance du 7 décembre 2021, et en particulier l’ordre donné aux deux Parties de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile.
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Le 16 mars 2022, la Cour a rendu son ordonnance en indication de mesures conservatoires en l’affaire relative à des Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie). Cette instance a été introduite le 26 février 2022 par l’Ukraine, qui fondait la compétence de la Cour sur l’article IX de la convention sur le génocide. Les demandes de l’Ukraine sont axées sur le lancement, par la Fédération de Russie, d’«une «opération militaire spéciale» contre l’Ukraine, avec pour objectif affiché de prévenir et de punir de prétendus actes de génocide dénués de tout fondement factuel».
La Fédération de Russie n’a pas comparu lors de la procédure orale sur la demande en indication de mesures conservatoires qui s’est ouverte le 7 mars 2022. Cependant, peu après la clôture de l’audience, l’ambassadeur de la Fédération de Russie auprès du Royaume des Pays-Bas a communiqué à la Cour un document exposant «la position de la Fédération de Russie en ce qui concerne l’incompétence de la Cour en [l’]affaire».
Dans son ordonnance, la Cour a conclu que, prima facie, elle avait compétence pour connaître de l’affaire. Elle a noté à cet égard que les éléments qui lui avaient été présentés étaient suffisants à ce stade pour établir prima facie l’existence d’un différend entre les Parties relatif à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la convention sur le génocide, comme le prévoit l’article IX de cette convention.
La Cour s’est ensuite posé la question de la plausibilité des droits dont la protection était recherchée. Elle a noté que l’Ukraine disait solliciter des mesures conservatoires afin de protéger son droit de «ne pas faire l’objet d’une allégation mensongère de génocide» et celui de «ne pas subir d’opérations militaires menées sur son territoire par un autre Etat sur le fondement d’un abus éhonté de l’article premier de la convention sur le génocide». La Cour a fait observer que, conformément à l’article premier de la convention, tous les Etats parties à celle-ci s’étaient engagés à prévenir et à punir le crime de génocide. L’article premier ne précise pas quels types de mesures peuvent être prises pour s’acquitter de cette obligation, mais les parties contractantes sont tenues d’exécuter cette obligation de bonne foi, en tenant compte des autres dispositions de la convention. La Cour a souligné, en particulier, qu’en s’acquittant de l’obligation de prévenir le génocide, chaque Etat ne peut déployer son action que dans les limites de ce que lui permet la légalité internationale. Les actes entrepris par les parties contractantes pour prévenir et punir un génocide doivent être conformes à l’esprit et aux buts des Nations Unies, tels qu’énoncés à l’article 1 de la Charte des Nations Unies, qui assigne comme but premier à l’ONU celui de maintenir et promouvoir la paix et la sécurité internationales. Dans ces circonstances, la Cour a conclu que l’Ukraine avait un droit plausible de ne pas faire l’objet d’opérations militaires par la Fédération de Russie aux fins de prévenir et punir un génocide allégué sur le territoire ukrainien. Elle a également conclu qu’il existait un lien entre le droit de l’Ukraine qu’elle avait jugé plausible et les mesures conservatoires sollicitées.
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La Cour a encore conclu que le droit de l’Ukraine qu’elle avait jugé plausible était d’une nature telle qu’un préjudice qui serait porté à ce droit pourrait se révéler irréparable, et qu’il y avait urgence. Elle a fait observer que toute opération militaire, en particulier de l’envergure de celle menée par la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien, cause inévitablement des pertes en vies humaines, des atteintes à l’intégrité physique et mentale et des dommages aux biens et à l’environnement. A cet égard, elle a pris note de la résolution adoptée le 2 mars 2022 par l’Assemblée générale des Nations Unies à sa onzième session extraordinaire d’urgence.
Compte tenu des considérations qui précèdent, la Cour a conclu que les conditions étaient réunies pour qu’elle indique des mesures conservatoires. Elle a ordonné à la Fédération de Russie de suspendre immédiatement les opérations militaires qu’elle avait commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine et de veiller à ce qu’aucune des unités militaires ou unités armées irrégulières qui pourraient agir sous sa direction ou bénéficier de son appui, ni aucune organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle ou sa direction, ne commette d’actes tendant à la poursuite desdites opérations militaires. Elle a également enjoint aux deux Parties de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile.
Ayant rendu son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires et après avoir consulté les Parties, la Cour a fixé les dates d’expiration des délais pour le dépôt du mémoire de l’Ukraine et du contre-mémoire de la Fédération de Russie. L’Ukraine a déposé son mémoire le 1er juillet 2022, dans le délai prévu. Depuis cette date, 22 déclarations d’intervention ont été soumises en l’affaire. L’Union européenne a, elle aussi, présenté un document dans cette procédure, en invoquant le paragraphe 2 de l’article 34 du Statut de la Cour, qui habilite les organisations internationales à présenter des renseignements relatifs aux affaires dont la Cour est saisie.
Le 3 octobre 2022, la Fédération de Russie a nommé un agent aux fins de l’affaire et déposé des exceptions préliminaires d’incompétence de la Cour et d’irrecevabilité de la requête, conformément à l’article 79bis du Règlement de la Cour. Comme le prescrit le paragraphe 3 du même article, la procédure sur le fond a été suspendue jusqu’à ce que la Cour ait statué sur les exceptions préliminaires soulevées par la Fédération de Russie. L’Ukraine s’est vu accorder jusqu’au 3 février 2023 pour présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur lesdites exceptions préliminaires.
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Monsieur le président,
Je passerai maintenant à un bref survol des travaux actuels et à prévoir de la Cour, pour noter que deux affaires sont en cours de délibéré sur le fond. Dans l’affaire relative au Différend concernant le statut et l’utilisation des eaux du Silala (Chili c. Bolivie), dont les audiences ont eu lieu en avril 2022, la Cour examine les demandes et les demandes reconventionnelles des Parties portant sur leurs droits et leurs obligations concernant le Silala, cours d’eau qui prend sa source en territoire bolivien et s’écoule jusqu’au Chili. Est également en cours de délibéré l’affaire relative à Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), dont les audiences ont eu lieu le mois dernier. Cette affaire concerne les actifs de certaines entités iraniennes qui ont été bloqués et saisis par le défendeur. Selon le demandeur, ces mesures constituent des manquements aux obligations mises à la charge du défendeur par le traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires conclu en 1955 entre ces deux Etats. Je procéderai à un examen plus détaillé de ces affaires dans mon prochain rapport.
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Je mentionnerai aussi que, dans les deux mois de l’année civile qui restent à courir, la Cour avait prévu de tenir des audiences dans trois autres affaires. L’une de ces audiences concernait la demande en indication de mesures conservatoires en l’affaire entre la Guinée équatoriale et la France que j’ai évoquée plus tôt et qui a maintenant été annulée. La Cour tiendra donc, au cours des prochaines semaines, une audience sur le fond en l’affaire relative à la Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), et une audience sur les exceptions préliminaires d’irrecevabilité en l’affaire de la Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela). En ce qui concerne cette dernière affaire, vous vous souviendrez peut-être qu’il y a un an, dans mon allocution à l’Assemblée générale, j’avais donné un aperçu de l’arrêt sur la compétence rendu par la Cour le 18 décembre 2020, suite à une audience à laquelle seul le Guyana avait comparu. Le 6 juin 2022, le Venezuela a toutefois désigné un agent et déposé des exceptions préliminaires d’irrecevabilité de la requête du Guyana, qui sont actuellement pendantes devant la Cour.
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Monsieur le président,
La période couverte par le dernier rapport annuel de la Cour a été marquée par un passage progressif de méthodes de travail hybrides à des méthodes de travail en présentiel, au fur et à mesure que les restrictions imposées par la pandémie de COVID-19 commençaient à être levées dans de nombreuses régions du monde, y compris dans notre pays hôte, les Pays-Bas. Je me félicite de pouvoir annoncer que la Cour est revenue, depuis le 1er juin 2022, à des méthodes de travail en présentiel pour ses audiences publiques et ses séances privées. Certaines précautions continuent cependant d’être prises, et la Cour suit toujours de près l’évolution de la situation sanitaire.
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Monsieur le président,
Avant de conclure mes propos, je voudrais m’étendre un peu sur le mécanisme procédural de l’intervention, qui a récemment suscité un vif intérêt dans le cadre de certaines affaires en instance devant la Cour.
Comme je l’ai dit plus tôt, un certain nombre d’Etats ont déposé des déclarations d’intervention en vertu de l’article 63 du Statut de la Cour en l’affaire relative à des Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie). D’autres Etats ont exprimé publiquement leur intention d’intervenir tant dans cette affaire qu’en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar). Je souligne que je ne formulerai aujourd’hui aucune observation sur aucune affaire particulière. Cependant, compte tenu de l’intérêt actuel pour ce sujet, j’ai pensé qu’il pourrait être utile de présenter brièvement les dispositions qui gouvernent l’intervention à la Cour internationale de Justice. Bien qu’il s’agisse d’un sujet passablement technique, je m’efforcerai aujourd’hui d’offrir des éléments de contexte, vus de haut, sur la manière dont la Cour internationale de Justice conçoit l’intervention.
Je commencerai par rappeler que le terme «intervention» a des implications diverses dans les différents ordres juridiques nationaux. Les critères qui encadrent la recevabilité de l’intervention et les conséquences d’une intervention reçue à l’instance dépendent des règles spécifiques qui s’appliquent dans l’ordre juridique concerné. En particulier, dans les juridictions de nombreux Etats,
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le régime de l’intervention en matière civile prévoit que l’intervenant reçu à l’instance devient partie à l’affaire et se trouve par conséquent lié par les décisions de la juridiction, comme le sont les parties originaires.
A la Cour, la notion d’intervention a un sens particulier. En fait, le Statut de la Cour prévoit deux types différents d’intervention, auxquels correspondent deux séries de critères spécifiques permettant de déterminer si un Etat sera autorisé à intervenir et qui emportent des conséquences différentes. Je dirai quelques mots de chacun de ces régimes.
Aux termes de l’article 62 du Statut, un Etat peut adresser à la Cour une requête à fin d’intervention dans une affaire. A l’appui de cette requête, il doit déclarer l’«intérêt d’ordre juridique» dont il estime qu’il est pour lui en cause. Il appartient alors à la Cour de décider si l’Etat qui lui a adressé la requête a «un intérêt d’ordre juridique [dont il estime qu’il] est pour lui en cause».
Si la Cour admet une requête à fin d’intervention fondée sur l’article 62, elle peut préciser la portée de l’intervention ainsi autorisée à l’Etat intervenant. Celui-ci a alors le droit de présenter une déclaration écrite, puis, au cours de la procédure orale, des observations sur l’objet de l’intervention.
L’article 62 ne précise pas les conséquences juridiques que l’arrêt définitif de la Cour emporte pour l’Etat intervenant. La jurisprudence de la Cour fait cependant ressortir deux possibilités  soit l’Etat intervenant devient partie à l’affaire, soit il est autorisé à intervenir sans devenir partie. Cette distinction est importante, parce que l’article 59 du Statut dispose que la décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé. A ce jour, aucun Etat qui a demandé à intervenir sur le fondement de l’article 62 n’a été autorisé à intervenir en tant que partie.
L’exemple le plus récent d’une intervention fondée sur l’article 62 du Statut est fourni par l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)). Lorsqu’elle a autorisé la Grèce à intervenir, la Cour a précisé la portée des observations que la Grèce pouvait formuler et dit que l’intervention de cette dernière devait se limiter aux décisions émanant de juridictions grecques que les juridictions italiennes avaient déclaré exécutoires sur le sol italien. La Grèce a déposé une déclaration écrite, à laquelle les Parties ont pu répondre par des observations écrites, et elle a formulé des observations orales dans le cadre de la procédure sur le fond.
J’en viens maintenant à la procédure d’intervention prévue à l’article 63 du Statut. Cette disposition donne aux Etats tiers le droit d’intervenir au procès lorsque est en cause l’interprétation d’une convention à laquelle ils sont parties. Un Etat qui désire se prévaloir de ce droit doit déposer une déclaration d’intervention au Greffe. Les parties à l’affaire ont la faculté de présenter des observations sur la recevabilité de cette déclaration, et il appartient à la Cour de statuer sur ce point après avoir entendu l’Etat désireux d’intervenir et les parties.
L’intervention fondée sur l’article 63 a un objet limité, qui est de permettre à un Etat qui n’est pas partie à la procédure, mais qui est partie à la convention dont l’interprétation est en cause dans ladite procédure, de présenter ses observations sur l’interprétation de cette convention. Selon l’article 86 du Règlement de la Cour, l’Etat intervenant a le droit de présenter des observations sur l’objet de son intervention tant dans la phase écrite que dans la phase orale de la procédure. Si un Etat exerce sa faculté d’intervenir au procès sur le fondement de l’article 63 du Statut, l’interprétation contenue dans la sentence est également obligatoire à son égard.
L’intervention la plus récente fondée sur l’article 63 du Statut a eu pour cadre l’affaire relative à la Chasse à la baleine dans l’Antarctique, introduite par l’Australie contre le Japon. Comme ces deux pays, la Nouvelle-Zélande était partie à la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, et elle a souhaité intervenir à l’instance sur l’interprétation de certaines dispositions de cette convention. La Cour ayant conclu à la recevabilité de sa déclaration d’intervention, la Nouvelle-Zélande a été autorisée à déposer des observations écrites, sur lesquelles
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les Parties ont pu, à leur tour, soumettre des observations. La Nouvelle-Zélande a également formulé des observations orales dans le cadre de la procédure sur le fond.
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Monsieur le président,
Avant de conclure ce rapport, je souhaite évoquer devant l’Assemblée deux projets présentant un intérêt particulier.
Je voudrais d’abord vous informer des progrès accomplis par le fonds d’affectation spéciale pour le programme relatif aux Judicial Fellows de la Cour internationale de Justice. Depuis 1999, ce programme permet aux universités intéressées de proposer la candidature d’étudiants en droit récemment diplômés et désireux d’acquérir une expérience professionnelle à la Cour. Chaque année, celle-ci admet jusqu’à 15 candidats, dont chacun est affecté à un juge pour une période d’environ dix mois. Jusqu’à cette année, ne pouvaient être admis que les candidats dont la participation était parrainée par une université. Même si certains ressortissants de pays en développement ont pu prendre part au programme, de nombreuses universités de ces pays n’étaient pas en mesure de financer une telle participation.
Comme vous le savez, un fonds d’affectation spéciale administré par le Secrétaire général a été créé l’année dernière en application de la résolution 75/129 de votre Assemblée. La création de ce fonds d’affectation spéciale, qui a vocation à recueillir les contributions d’Etats, d’organisations internationales et d’autres entités, répondait au souci de favoriser la participation de futurs spécialistes du droit international qui sont ressortissants de pays en développement et dont la candidature est proposée par des universités situées dans des pays en développement. Dans le cadre de cette initiative, le fonds d’affectation spéciale, plutôt que l’université qui a proposé leur candidature, finance la participation au programme d’un certain nombre des candidats retenus.
J’ai le plaisir d’annoncer que, grâce aux généreuses contributions reçues à ce jour, le fonds d’affectation spéciale a connu un bon départ. Trois des quinze Judicial Fellows qui ont rejoint la Cour le mois dernier dans le cadre de la promotion 2022-2023 ont été sélectionnés par des universités situées dans des pays en développement et seront parrainés par le fonds d’affectation spéciale. La Cour est convaincue que ce nouveau fonds élargira les possibilités offertes aux jeunes juristes de toutes les régions d’acquérir une expérience professionnelle du droit international en participant à ses travaux.
Je mentionnerai aussi que l’intérêt manifesté pour le programme des Judicial Fellows a accusé une nette progression au cours de la dernière campagne de candidatures. Jusqu’à maintenant, la Cour recevait normalement un nombre de candidatures qui n’était que légèrement supérieur à celui des postes offerts chaque année par le programme. Or cette année, le nombre des institutions qui ont proposé de financer leur propre candidat s’est élevé à 35, tandis que 71 autres institutions ont proposé des candidats pour lesquels ils sollicitaient une bourse du fonds d’affectation spéciale. Il va de soi que les membres de la Cour se félicitent du succès que continue de remporter le programme, succès qui témoigne du vif intérêt de la jeune génération de diplômés en droit international pour les travaux de la Cour internationale de Justice.
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Monsieur le président, Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,
Je voudrais dire maintenant quelques mots du projet de rénovation du Palais de la Paix de La Haye, ce bâtiment historique qui accueille depuis plus d’un siècle la Cour et, avant elle, sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale.
Depuis quelques années, le Gouvernement néerlandais a l’intention de rénover le Palais de la Paix pour y procéder aux réparations nécessaires et à des travaux de modernisation, ainsi qu’au désamiantage de certaines parties du bâtiment. La Cour a été informée que les travaux envisagés dureraient probablement plusieurs années et imposeraient de transporter dans d’autres locaux, pendant une période prolongée, tout ou partie des occupants actuels du Palais. L’année dernière, dans mon discours à l’Assemblée générale, j’ai dit que de nombreuses incertitudes demeuraient sur la portée, l’ampleur et le calendrier du déménagement envisagé, ainsi que sur l’impact qu’il aurait sur les activités de la Cour. Celle-ci avait entrepris de planifier activement sa participation à ce projet, sachant qu’il aurait inévitablement un impact important sur son fonctionnement.
En juillet 2022, la Cour a été informée que le pays hôte envisageait maintenant d’adopter une approche différente et plus limitée. Le ministère néerlandais des affaires étrangères a indiqué que le plan actuel prévoit qu’il sera procédé, pendant l’été 2023, à des investigations préliminaires et à des sondages approfondis, suivis par des consultations avec la Cour, pour déterminer les endroits où se trouve de l’amiante et prendre les mesures appropriées pour résoudre le problème.
La Cour est reconnaissante au pays hôte des efforts qu’il déploie pour explorer d’autres solutions pour la rénovation du Palais de la Paix, et elle a réaffirmé que les mesures envisagées devraient garantir un cadre de travail sûr à ses juges et à ses fonctionnaires et assurer la continuité de son activité judiciaire. Elle est convaincue que le pays hôte continuera de procéder avec elle à des consultations constructives sur l’exécution de son plan d’action et qu’il s’efforcera de limiter autant que possible l’impact que ce plan pourrait avoir sur les activités judiciaires de la Cour.
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Monsieur le président, Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,
Voilà qui conclut mon propos. Je vous remercie de m’avoir offert cette occasion de m’adresser à vous aujourd’hui et je présente à l’Assemblée générale tous mes voeux de succès pour sa soixante-dix-septième session.
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Discours de S. Exc. Mme la juge Joan E. Donoghue, présidente de la Cour internationale de Justice, à l’occasion de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale des Nations Unies

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