Discours de la juge Joan Donoghue, présidente de la Cour internationale de Justice, à l'occasion du soixante-quinzième anniversaire de la Cour (allocution vidéo)

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000-20210419-STA-01-00-EN
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ALLOCUTION VIDÉO DE MME LA JUGE JOAN DONOGHUE, PRÉSIDENTE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE, À L’OCCASION DU SOIXANTE-QUINZIÈME ANNIVERSAIRE DE LA COUR
Bonjour,
Je suis la juge Joan Donoghue et j’ai l’honneur de m’adresser à vous aujourd’hui à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la séance inaugurale de la Cour internationale de Justice, dont je suis actuellement la présidente.
Je vous parle depuis ce lieu emblématique qu’est la grande salle de justice du Palais de la Paix, à La Haye, là où, il y a soixante-quinze ans aujourd’hui, la Cour tenait sa toute première séance. Le même jour, l’Assemblée de la Société des Nations avait adopté une résolution portant dissolution de sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale. La date du 18 avril 1946 marque donc la «transmission du flambeau» du règlement judiciaire des différends internationaux à la nouvelle Cour, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, qui venait elle-même d’être créée.
D’intenses efforts avaient été déployés pour établir une «cour mondiale» permanente lors de deux conférences pour la paix tenues à La Haye en 1899 et 1907. L’espoir était alors qu’une telle cour inciterait les Etats à venir régler leurs différends dans une salle d’audience, plutôt que par la force. C’était là une idée ambitieuse pour l’époque  elle l’était encore en 1945, elle l’est toujours aujourd’hui. Les Etats souverains ne sont guère enclins à confier la résolution de leurs différends à des juges internationaux habilités à rendre une décision contraignante. C’est à nous tous, professionnels du droit international  que nous soyons juges, conseillers auprès de gouvernements, universitaires ou praticiens du droit , qu’il incombe de renforcer et de promouvoir les divers mécanismes de règlement pacifique des différends. Nous, juges de la Cour internationale de Justice, portons constamment cette responsabilité à coeur.
Au cours de ses soixante-quinze premières années d’existence, la Cour a été saisie par les Etats de plus de 140 différends, et plus de 25 demandes d’avis consultatif lui ont été soumises par des organes ou des institutions spécialisées de l’ONU.
Bien que le Statut de la Cour soit ambitieux à certains égards, il reste également prudent : en effet, la compétence de la Cour repose sur le consentement des Etats ; de plus, le Statut ne dicte pas la teneur du droit international, mais établit plutôt une instance permanente de règlement des différends interétatiques. C’est ailleurs  dans les traités, par exemple  que s’élabore le droit matériel que la Cour est appelée à appliquer.
J’aime comparer le Statut à un champ dans lequel ses auteurs auraient simplement tracé des sillons, en créant certes une institution, avec son cadre procédural, mais sans choisir les cultures qui seraient plantées dans le champ. La Cour est disposée à connaître de toutes sortes d’affaires, mais c’est aux Etats et aux organes et institutions spécialisées des Nations Unies qu’il appartient de décider des questions à lui soumettre.
La Cour a démontré qu’elle était à même de connaître de différends touchant aux nouveaux domaines du droit international qui se sont fait jour et développés depuis sa première séance. C’est ainsi qu’elle a été saluée ces dernières années pour la manière dont elle avait traité les aspects scientifiques et techniques de différends ayant trait à l’environnement. Un certain nombre d’affaires liées à d’importants traités relatifs aux droits de l’homme ont également été inscrites à son rôle.
Le droit de l’espace fait partie des domaines actuellement en plein essor, et le cadre juridique applicable à de nombreux aspects du cyberespace suscite pour sa part d’intenses débats. Les rédacteurs du Statut n’auraient pu prévoir l’émergence de ces différents domaines, pas plus que je ne
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peux prédire quels nouveaux domaines du droit international prospéreront dans soixante-quinze ans. Je suis néanmoins convaincue que l’institution et les procédures établies par le Statut de la Cour et par son Règlement continueront d’offrir un terrain fertile au règlement pacifique des différends interétatiques.
Chacun sait combien la Cour internationale de Justice honore les traditions ; mais elle n’est pas pour autant fermée à l’innovation. Comment les personnalités éminentes réunies à l’occasion de la séance inaugurale de la Cour auraient-elles pu imaginer que dans cette même grande salle de justice se dérouleraient, soixante-quinze ans plus tard, des audiences hybrides auxquelles les parties, les conseils et certains juges participeraient depuis la planète entière par liaison vidéo ? Ils n’avaient probablement pas prévu la pandémie actuelle, mais nous pouvons être certains qu’ils savaient que la Cour et le Greffe seraient à la hauteur des nouveaux défis, quels qu’ils soient, qui se feraient jour.
La Cour et son greffier avaient espéré marquer cet anniversaire en organisant une séance solennelle digne de l’occasion. Malheureusement, la pandémie a contraint la Cour à reporter cette séance, en attendant de pouvoir commémorer cet événement comme il se doit, avec toutes les garanties possibles pour la santé de chacun. Je voudrais donc conclure ces quelques réflexions en vous disant combien j’attends avec impatience la tenue de cette manifestation, lors de laquelle j’espère que nous pourrons accueillir en personne nos invités dans la grande salle de justice afin de marquer cette date importante et de célébrer l’avenir prometteur de la Cour.
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Discours de la juge Joan Donoghue, présidente de la Cour internationale de Justice, à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la Cour (allocution vidéo)

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