Discours de S. Exc. M. Abdulqawi A. Yusuf, président de la Cour internationale de Justice, à l'occasion de la soixante-quatorzième session de l'Assemblée générale des Nations Unies

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000-20191030-STA-01-00-EN
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[à vérifier au prononcé]
DISCOURS DE S. EXC. M. ABDULQAWI A. YUSUF, PRÉSIDENT DE LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE, À L’OCCASION DE LA SOIXANTE-QUATORZIÈME SESSION
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
Le 30 octobre 2019
Monsieur le président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un honneur que de m’adresser pour la deuxième fois à l’Assemblée générale,
au moment où celle-ci procède à l’examen du rapport annuel de la Cour internationale de Justice.
La Cour est très reconnaissante à cette auguste Assemblée de l’intérêt qu’elle porte à ses activités et
de l’appui qu’elle leur prête.
Avant toute chose, je voudrais saisir cette occasion pour féliciter S. Exc. M. Tijjani
Muhammad-Bande pour son élection à la présidence de la soixante-quatorzième session de cette
éminente Assemblée ; mes voeux les plus sincères l’accompagnent dans l’exercice de cette noble
mission.
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Depuis le 1er août 2018, date du début de la période couverte par le rapport annuel de la
Cour, le rôle de cette dernière est demeuré très fourni : 16 affaires contentieuses sont actuellement
pendantes, et ce, alors même que la Cour s’est prononcée sur plusieurs affaires au cours de l’année
écoulée. Comme vous le constaterez, les affaires portées devant la Cour l’ont été par des Etats de
toutes les régions du monde et concernent un large éventail de sujets, notamment les questions
relatives à la protection consulaire, la formation des règles coutumières de droit international en
matière de décolonisation et les différends maritimes et territoriaux.
Durant l’année écoulée, la Cour a tenu des audiences dans cinq affaires contentieuses et une
procédure consultative. Elle a d’abord entendu les parties dans deux instances introduites par la
République islamique d’Iran contre les Etats-Unis d’Amérique à raison de violations alléguées d’un
traité d’amitié bilatéral datant de 1955. La première série d’audiences a porté sur une demande en
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indication de mesures conservatoires présentée par l’Iran, la seconde ayant été consacrée à
l’examen d’exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis. La Cour a ensuite tenu des
audiences sur le fond de l’affaire opposant la République de l’Inde à la République islamique du
Pakistan, laquelle avait trait aux violations alléguées des droits consulaires d’un ressortissant
indien, puis sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée par les Emirats
arabes unis dans une affaire relative à des allégations de discrimination raciale dont le Qatar l’a
saisie. Plus récemment, elle a tenu des audiences sur les exceptions préliminaires soulevées par la
Fédération de Russie dans une instance introduite par l’Ukraine concernant des allégations de
financement du terrorisme et de discrimination raciale. Elle a également entendu, suite à la
demande soumise par cette Assemblée, les exposés des participants à la procédure consultative
concernant le statut de l’archipel des Chagos.
Pendant la période considérée, la Cour a rendu trois arrêts, donné un avis consultatif et rendu
deux ordonnances en indication de mesures conservatoires. Le 1er octobre 2018, elle a rendu son
arrêt au fond en l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie
c. Chili). Le 13 février 2019, elle a statué sur les exceptions préliminaires en l’affaire relative à
Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique). Le 25 février
2019, elle a donné un avis consultatif sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des
Chagos de Maurice en 1965. Enfin, le 15 juillet 2019, elle s’est prononcée sur le fond en l’affaire
Jadhav (Inde c. Pakistan).
Outre de nombreuses ordonnances de procédure, la Cour a rendu deux ordonnances en
indication de mesures conservatoires : la première, le 3 octobre 2018, en l’affaire relative à des
Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République
islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) et la seconde, le 14 juin 2019, en l’affaire relative à
l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis).
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Comme il est d’usage, je vais maintenant exposer succinctement le contenu des décisions
que la Cour a rendues et de l’avis qu’elle a donné pendant la période considérée. L’an dernier,
j’avais déjà présenté un aperçu de l’arrêt de la Cour en l’affaire opposant la Bolivie au Chili que
j’ai mentionné dans mon introduction, puisque celui-ci a été rendu à l’automne 2018. Je
m’attacherai donc aujourd’hui aux autres décisions de la Cour, en commençant par l’arrêt du
13 février 2019 sur les exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis en l’affaire relative à
Certains actifs iraniens.
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L’Iran a introduit cette instance le 14 juin 2016 sur la base d’une clause compromissoire
contenue dans le traité bilatéral d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955. Cette
affaire porte sur les actes législatifs et exécutifs adoptés par les Etats-Unis qui ont eu concrètement
pour effet de soumettre les actifs et intérêts de l’Iran et de certaines entités iraniennes à des
procédures d’exécution aux Etats-Unis. Dans sa requête, le demandeur affirme notamment que
l’Iran et les entités iraniennes ont ainsi été privés de l’immunité à laquelle ils avaient droit au
regard tant du droit international que du traité de 1955.
Les Etats-Unis avaient soulevé cinq exceptions préliminaires. Dans son arrêt, la Cour en a
rejeté trois, en a retenu une et a déclaré que la dernière ne présentait pas un caractère exclusivement
préliminaire, ce qui signifie qu’elle sera examinée au stade du fond. La Cour va donc procéder à
l’examen de l’affaire au fond sans revenir sur les demandes relatives à l’immunité souveraine, qui
étaient l’objet de l’exception préliminaire retenue ; en revanche, c’est à ce stade qu’elle se penchera
sur la question de sa compétence à l’égard des demandes concernant la banque centrale iranienne,
la banque Markazi.
Pour se prononcer sur ces exceptions préliminaires, la Cour a dû trancher plusieurs questions
de droit international fort intéressantes. J’aimerais aujourd’hui appeler votre attention sur deux
d’entre elles. Tout d’abord, l’une des exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis
concernait la question de savoir si d’éventuelles violations du droit international coutumier  en
particulier du droit relatif aux immunités souveraines  relevaient de la compétence de la Cour
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lorsque celle-ci a été saisie sur la base d’une clause compromissoire conventionnelle. La Cour a
répondu à cette question par la négative, estimant que l’on ne pouvait considérer que ce différend
portait sur «l’interprétation ou l’application» du traité d’amitié, comme l’exige la clause
compromissoire en question, puisqu’aucune des dispositions du traité invoquées par l’Iran ne
mentionnait les immunités ni ne les incorporait par référence. La Cour n’était donc pas compétente
pour trancher les questions relatives aux immunités.
Deuxièmement, pour statuer sur une autre exception soulevée par les Etats-Unis, par laquelle
ceux-ci la priaient de rejeter toutes les demandes de l’Iran se rapportant à des violations alléguées
du traité d’amitié fondées sur le traitement réservé à la banque Markazi, la Cour a déterminé qu’il
lui faudrait, en recourant aux règles régissant l’interprétation des traités, rechercher si une banque
centrale constituait une «société» au sens de l’instrument en cause, celui-ci ne conférant des droits
et protections qu’aux «sociétés» d’une partie contractante. La Cour a considéré qu’il s’agissait là
essentiellement d’une question de fait, puisqu’une entité se définit par la nature des activités qu’elle
exerce effectivement. Elle en a conclu qu’il lui faudrait, pour répondre à cette question, examiner
les activités de la banque Markazi sur le territoire des Etats-Unis pendant la période où les mesures
contestées avaient été prises. L’Iran ayant soutenu à titre principal que la nature des activités
exercées était sans pertinence quant à la qualification d’une entité en tant que «société» au sens du
traité, il ne s’était guère employé à fournir des informations sur les activités commerciales de la
banque Markazi. Par conséquent, la Cour a estimé qu’elle ne disposait pas de tous les éléments
nécessaires pour déterminer si cette banque pouvait être considérée comme une «société» au sens
du traité. Elle a donc décidé que cette question, puisqu’elle ne présentait pas un caractère
exclusivement préliminaire, devrait être examinée au stade du fond.
*
Je donnerai à présent un aperçu de l’avis consultatif que la Cour a donné, le 25 février 2019,
sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, en réponse
à la demande soumise par l’Assemblée générale telle qu’énoncée dans la résolution 71/292,
adoptée le 22 juin 2017. De nombreux Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies se sont
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intéressés de près à cette procédure. Au total, 31 Etats ont déposé des exposés écrits et 22 ont
présenté des exposés oraux. L’Union africaine a également participé aux deux phases de la
procédure.
Je rappellerai que l’Assemblée générale avait soumis deux questions à la Cour. Pour donner
son avis sur la première, c’est-à-dire la question de savoir si le processus de décolonisation de
Maurice avait été validement mené à bien au regard du droit international, la Cour a d’abord dû
déterminer le contenu du droit applicable à ce processus.
A cet égard, la Cour a rappelé que le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et
de leur droit à disposer d’eux-mêmes avait été consacré dans la Charte comme étant l’un des buts
des Nations Unies, et que celle-ci comportait des dispositions permettant, à terme, aux territoires
non autonomes de s’administrer eux-mêmes. C’est donc dans ce contexte que la Cour a dû
rechercher, notamment, à quel moment le droit à l’autodétermination était devenu une règle de
droit international ayant force obligatoire pour tous les Etats.
Sur ce point, elle a précisé que la résolution 1514 (XV), intitulée «Déclaration relative à
l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux» et adoptée en 1960, revêtait, compte
tenu de sa teneur et des conditions de son adoption, un caractère déclaratoire s’agissant du droit à
l’autodétermination en tant que norme coutumière.
La Cour a également observé que la nature et la portée du droit des peuples à
l’autodétermination avaient été réitérées dans la déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la
Charte des Nations Unies (résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970). En incluant le droit à
l’autodétermination parmi les «principes fondamentaux du droit international», la déclaration avait
confirmé son caractère normatif en droit international coutumier.
La Cour en a conclu que, du point de vue du droit applicable, le droit à l’autodétermination
constituait, au milieu des années 1960, une règle coutumière de droit international.
Après avoir rappelé que le droit à l’autodétermination des peuples concernés était, aux
termes des résolutions 1514 (XV) et 2625 (XXV), défini par référence à l’ensemble du territoire
non autonome, la Cour a noté que tant la pratique des Etats que l’opinio juris, au cours de la
période à l’examen, avaient confirmé le caractère coutumier du droit à l’intégrité territoriale d’un
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territoire non autonome, en tant que corollaire du droit à l’autodétermination. Les peuples des
territoires non autonomes étaient donc habilités à exercer leur droit à l’autodétermination sur
l’ensemble de leur territoire, dont l’intégrité devait être respectée par la puissance administrante. Il
en découlait que tout détachement par la puissance administrante d’une partie d’un territoire non
autonome, à moins d’être fondé sur la volonté librement exprimée et authentique du peuple du
territoire concerné, était contraire au droit à l’autodétermination.
Au vu de ce qui précède, la Cour a constaté que, du fait du détachement illicite de l’archipel
des Chagos et de son incorporation dans une nouvelle colonie, le processus de décolonisation de
Maurice n’avait pas été validement mené à bien au moment de l’accession de ce pays à
l’indépendance en 1968.
La Cour s’est ensuite penchée sur la seconde question que lui avait soumise l’Assemblée
générale, laquelle avait trait aux conséquences découlant, en droit international, du maintien de
l’archipel des Chagos sous administration britannique. Elle a estimé que, au vu de ses conclusions
précédentes sur le non-parachèvement de la décolonisation, le maintien de l’administration de
l’archipel des Chagos constituait un fait internationalement illicite. La Cour en a conclu que le
Royaume-Uni était tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel
des Chagos. Elle a ajouté que, le respect du droit à l’autodétermination étant une obligation
erga omnes, tous les Etats avaient un intérêt juridique à ce que ce droit soit protégé et que, dans le
même ordre d’idées, tous les Etats Membres devaient coopérer avec l’Organisation des
Nations Unies pour la mise en oeuvre des modalités nécessaires au parachèvement du processus de
décolonisation.
Cette procédure a mis en lumière l’utilité des avis de la Cour pour les organes et institutions
des Nations Unies. La procédure consultative permet en effet à la Cour d’offrir un éclairage
juridique en définissant l’état actuel de règles et de principes particuliers du droit international. De
fait, l’Assemblée générale a affirmé, conformément à l’avis consultatif que je viens de présenter,
que la décolonisation de Maurice n’avait pas été validement menée à bien, et défini les modalités et
le calendrier du retrait de l’administration coloniale du Royaume-Uni, ce qui permettra à Maurice
de parachever la décolonisation de son territoire.
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J’en viens maintenant à l’arrêt au fond que la Cour a rendu le 17 juillet 2019 en l’affaire
Jadhav (Inde c. Pakistan). Cette instance avait été introduite par l’Inde à la suite de l’arrestation et
de la détention de l’un de ses ressortissants, M. Kulbushan Sudhir Jadhav, accusé d’actes
d’espionnage par le Pakistan. En avril 2017, l’intéressé avait été condamné à la peine de mort par
un tribunal militaire pakistanais. L’Inde affirmait que son ressortissant avait été privé de son droit
d’entrer en communication avec les autorités consulaires indiennes, en violation de la convention
de Vienne sur les relations consulaires de 1963 (que j’appellerai simplement la «convention de
Vienne»).
Dans son arrêt, la Cour a conclu que le Pakistan avait manqué aux obligations lui incombant
au regard de l’article 36 de la convention de Vienne, et que des remèdes appropriés étaient dus en
l’espèce.
La Cour a eu à se pencher sur plusieurs questions concernant l’interprétation et l’application
dudit instrument dans les circonstances particulières de l’affaire.
Parmi ces questions figurait le point de savoir s’il y avait lieu, à un quelconque titre,
d’exclure les droits relatifs à la communication entre les autorités consulaires et les ressortissants
de l’Etat d’envoi, garantis par l’article 36, dans le cas où la personne en cause était soupçonnée de
s’être livrée à des activités d’espionnage. La Cour a relevé à cet égard qu’aucune disposition de la
convention de Vienne ne faisait référence aux cas d’espionnage, et que l’article 36, la disposition
relative à la communication entre les autorités consulaires et les ressortissants de l’Etat d’envoi,
n’excluait pas non plus de son champ d’application certaines catégories de personnes, telles que
celles qui sont soupçonnées d’espionnage. Elle a donc conclu que l’article 36 trouvait pleinement à
s’appliquer en l’espèce.
La Cour a été amenée à se prononcer sur une autre question juridique intéressante, celle de
savoir si un accord bilatéral sur la communication consulaire conclu entre les Parties en 2008
pouvait être interprété comme prenant le pas sur la convention de Vienne. Elle a estimé que tel
n’était pas le cas. Plus précisément, elle a relevé que, au regard de la convention de Vienne, les
parties contractantes ne pouvaient conclure d’accords bilatéraux que dans la mesure où ceux-ci
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confirmaient, complétaient ou développaient les dispositions de cet instrument, ou étendaient leur
champ d’application. Ayant examiné l’accord de 2008, la Cour est parvenue à la conclusion que
celui-ci ne pouvait être interprété comme autorisant l’Etat de résidence à refuser de permettre la
communication entre les autorités consulaires et les ressortissants de l’Etat d’envoi en cas
d’arrestation, de détention ou de condamnation de ces derniers pour des motifs politiques ou
relatifs à la sécurité, et ne se substituait pas aux obligations découlant de l’article 36 de la
convention de Vienne.
La Cour a en outre dû interpréter l’expression «sans retard» employée au sujet des
obligations de notification énoncées à l’article 36. Elle a noté que, dans sa jurisprudence, le sens
qu’il convenait d’attribuer à cette expression dépendait des circonstances particulières de chaque
affaire. Ainsi, elle avait, dans un cas, jugé qu’il y avait eu violation de l’obligation d’information
après 40 heures, et estimé, dans un autre, qu’il n’y avait pas eu violation de cette même obligation
après cinq jours. Compte tenu des circonstances particulières de l’affaire Jadhav, la Cour a observé
que le fait que le Pakistan ait procédé à la notification quelque trois semaines après l’arrestation de
M. Jadhav constituait un manquement à l’obligation d’avertir «sans retard» les autorités consulaires
de l’Inde que lui imposait la convention de Vienne.
J’en viens maintenant à la partie essentielle de la décision, dans laquelle, après avoir reconnu
l’existence d’une violation des droits à la communication entre les autorités consulaires et les
ressortissants de l’Etat d’envoi, la Cour a examiné les réparations et remèdes à adjuger.
Conformément aux décisions qu’elle avait rendues dans d’autres affaires portant sur des violations
de la convention de Vienne, elle a conclu que le remède approprié en l’espèce était un réexamen et
une revision effectifs du verdict de culpabilité rendu et de la peine prononcée contre M. Jadhav.
Précisant ce qu’elle entendait par réexamen et revision effectifs, elle a souligné que le Pakistan
devait s’assurer que soit accordé tout le poids qui sied à l’effet de la violation des droits énoncés
dans la convention de Vienne, et garantir que la violation et le préjudice en résultant seraient
pleinement étudiés. Bien que laissant au Pakistan le choix des moyens à utiliser pour assurer ce
réexamen et cette revision effectifs, la Cour a relevé que ceux-ci présupposaient l’existence d’une
procédure adaptée à cette fin, et qu’il s’agissait normalement de la procédure judiciaire.
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La Cour constate avec plaisir que le Pakistan lui a, par une communication datée du 1er août
2019, confirmé sa détermination à mettre pleinement en oeuvre l’arrêt qu’elle a rendu le 17 juillet
2019. Il a en particulier indiqué que M. Jadhav avait été immédiatement informé de ses droits aux
termes de la convention de Vienne, et que le personnel du poste consulaire du haut-commissariat
indien à Islamabad avait été invité à se rendre auprès de l’intéressé le 2 août 2019.
* *
Monsieur le président, avec votre permission, je continue maintenant mon allocution en français.
Pour ce qui est des principales ordonnances que la Cour a rendues au cours de la période
considérée, j’ai déjà eu à traiter, lors de mon discours de l’année dernière, l’ordonnance du
3 octobre 2018 en l’affaire relative à des Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de
droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique). Je me limiterai
donc à l’ordonnance du 14 juin 2019 par laquelle la Cour a rejeté la demande en indication de
mesures conservatoires présentée par les Emirats arabes unis en l’affaire relative à l’Application de
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar
c. Emirats arabes unis).
Dans cette seconde instance, introduite le 11 juin 2018, le Qatar allègue que les Emirats
arabes unis ont adopté et appliqué un ensemble de mesures discriminatoires ciblant les Qatariens au
motif exprès de leur origine nationale, lesquelles se sont soldées par des violations des droits de
l’homme. Je rappelle que le Qatar avait, en même temps que sa requête, déposé une demande en
indication de mesures conservatoires et que, par une ordonnance en date du 23 juillet 2018, la Cour
a indiqué certaines mesures conservatoires à l’adresse des Emirats arabes unis, enjoignant en outre
aux deux Parties de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont
elle était saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile. Le 22 mars 2019, les Emirats arabes unis
ont, à leur tour, demandé à la Cour d’indiquer certaines mesures conservatoires, notamment des
mesures visant à sauvegarder leurs droits procéduraux en l’affaire.
Les Emirats arabes unis priaient en particulier la Cour d’ordonner que le Qatar retire
immédiatement la communication qu’il avait soumise au Comité pour l’élimination de la
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discrimination raciale, et qu’il prenne immédiatement des dispositions pour veiller à ne pas
entraver les efforts déployés par les Emirats arabes unis pour venir en aide aux Qatariens,
notamment en débloquant sur son territoire l’accès au site Internet leur permettant d’introduire une
demande tendant à retourner aux Emirats arabes unis. La Cour a toutefois estimé que les mesures
sollicitées ne se rapportaient pas à des droits plausibles des Emirats arabes unis au regard de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Les Emirats arabes unis priaient également la Cour d’indiquer des mesures ayant trait à la
non-aggravation du différend. Or, conformément à la jurisprudence de celle-ci, pareilles mesures
ne peuvent être indiquées qu’en complément de mesures spécifiques visant à protéger les droits des
Parties. Ayant conclu que les conditions requises aux fins de l’indication de mesures conservatoires
spécifiques n’étaient pas réunies en l’espèce, la Cour ne pouvait donc indiquer des mesures
concernant uniquement la non-aggravation du différend. En outre, de telles mesures avaient déjà
été prescrites dans l’ordonnance qu’elle avait rendue le 23 juillet 2018, et demeuraient
contraignantes pour les Parties.
* *
Monsieur le président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs,
Depuis mon allocution de l’année passée devant votre auguste Assemblée, une toute
nouvelle instance, qui a trait à un différend entre le Guatemala et le Belize concernant la
revendication territoriale, insulaire et maritime du Guatemala, a été introduite devant la Cour le
7 juin 2019 par voie de compromis. Le caractère inédit de cette affaire tient à la démarche
démocratique et participative adoptée par les deux Etats dans le cadre de leur décision de saisir la
Cour. Conformément au compromis, ceux-ci ont en effet, préalablement à cette saisine, organisé
chacun un référendum afin de s’assurer que leurs populations respectives approuvaient l’idée de
confier à la Cour le règlement définitif du différend. Les deux référendums ayant abouti à un
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résultat favorable, la Cour a été saisie de l’affaire par l’effet de notifications officielles adressées
par les deux Etats. Celle-ci se félicite de ce que possibilité lui soit, une fois encore, donnée d’aider
deux Etats voisins à régler un différend relatif à des questions sensibles touchant aux frontières.
* *
Ainsi s’achève ma brève présentation de l’activité judiciaire qui a été celle de la Cour durant
l’année écoulée. J’aimerais à présent saisir l’occasion de ma présence devant vous pour aborder un
certain nombre de questions d’un autre ordre.
Je souhaite tout d’abord m’arrêter sur les efforts continus par lesquels la Cour s’assure de
l’adéquation de son Règlement et de ses méthodes de travail à ses besoins évolutifs. Durant l’année
écoulée, elle a ainsi décidé de reviser plusieurs articles de son Règlement. Ces amendements ont
fait l’objet d’un examen approfondi par le comité du Règlement, puis par la Cour plénière. J’ai le
plaisir d’annoncer que ce processus a, pour l’heure, conduit à la modification d’une première série
de dispositions, à savoir les articles 22, 23, 29, 76 et 79 du Règlement de la Cour. Ces
amendements ont été promulgués le 21 octobre 2019 et ont pris effet à compter de cette date. La
Cour examine actuellement les modifications à apporter à d’autres dispositions, mais j’aimerais
prendre un instant pour vous présenter brièvement celles qui ont d’ores et déjà été adoptées.
La Cour s’est tout d’abord penchée sur les articles 22, 23 et 29 de son Règlement. Les deux
premiers concernent l’élection du greffier et du greffier adjoint, respectivement, l’article 29 traitant
de la procédure par laquelle ces derniers peuvent être relevés de leurs fonctions. Dans le cadre des
efforts constants de modernisation de la Cour, l’article 22 a été amendé de telle sorte que soit
supprimée l’exigence qu’un candidat au poste de greffier soit proposé par un membre de la Cour.
Cette procédure de nomination a été remplacée par la publication d’un avis de vacance de poste
invitant les personnes intéressées à faire acte de candidature, afin de garantir des conditions de
concurrence ouverte et transparente permettant à un plus grand nombre de candidats hautement
qualifiés de postuler. Le délai de publication de l’avis de vacance a été porté de trois à six mois
avant l’expiration du mandat du greffier, afin de donner à la Cour suffisamment de temps pour
recruter des candidats de haut niveau issus de tous les Etats Membres de l’ONU. S’agissant des
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conditions dans lesquelles le greffier ou le greffier adjoint peuvent être relevés de leurs fonctions
en application de l’article 29 du Règlement de la Cour, cette disposition a été modifiée afin de
préciser les modalités procédurales à appliquer. Ces trois articles ont en outre été rendus neutres du
point de vue du genre.
La Cour a par ailleurs amendé l’article 76 de son Règlement, qui concerne les circonstances
dans lesquelles elle peut rapporter ou modifier ses décisions concernant des mesures
conservatoires. Les Etats Membres ne sont pas sans savoir que son pouvoir d’indiquer des mesures
conservatoires obligatoires à l’adresse de l’une ou des deux parties à une instance en cours offre
aux Etats une garantie importante lorsqu’il existe un risque imminent qu’un préjudice irréparable
soit causé à leurs droits avant que la Cour ne rende son arrêt au fond. L’amendement apporté à
l’article 76 vise à préciser que la Cour peut rapporter ou modifier ses ordonnances en indication de
mesures conservatoires tant à la demande d’une partie que de sa propre initiative. Cela s’applique
évidemment sous réserve des autres dispositions de son Règlement.
Enfin, la Cour a modifié l’article 79 de son Règlement, relatif aux exceptions préliminaires.
Cet article prévoit en réalité deux procédures distinctes : la première concerne le cas où des
exceptions préliminaires sont présentées par une partie, et la seconde, celui où des questions
préliminaires de compétence ou de recevabilité sont soulevées par la Cour elle-même. Afin de
mieux distinguer ces deux situations, celle-ci a décidé de réorganiser les paragraphes de l’article 79
en redécoupant celui-ci en trois articles distincts. Selon ce redécoupage, l’article 79 concerne
exclusivement les questions préliminaires soulevées par la Cour, l’article 79bis traitant des
exceptions préliminaires présentées par les parties et l’article 79ter, de questions de procédure
générales applicables dans les deux cas de figure.
Monsieur le président,
La Cour estime que, pour être en mesure d’accomplir ses travaux judiciaires dans de bonnes
conditions et de manière efficace, elle doit pouvoir se fonder sur des règles et des méthodes de
travail qui soient claires et puissent, chaque fois que nécessaire, faire l’objet des modifications
requises pour lui fournir le cadre qui doit être celui d’une institution judiciaire moderne. En dépit
du nombre élevé d’affaires inscrites à son rôle, elle demeure donc soucieuse de poursuivre le
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réexamen des dispositions régissant son fonctionnement ainsi que de ses méthodes de travail,
notamment pour parvenir à s’acquitter avec efficacité de cette importante charge de travail.
Cet effort de modernisation inclut également un processus d’amélioration de
l’environnement de travail du Greffe de la Cour et de mise à jour des dispositions du statut du
personnel de celui-ci.
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Dans ce contexte, j’ai le plaisir de vous informer que, par l’effet d’un échange de lettres
parachevé le 16 janvier 2019 entre le président de la Cour et le Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies, la Cour s’est désormais pleinement associée au système de justice interne de
l’ONU. Compte tenu de sa spécificité et de l’autonomie administrative de son Greffe vis-à-vis du
Secrétariat de l’Organisation, il a fallu un certain temps pour établir les modalités précises du
nouveau système et prendre toutes les dispositions pratiques nécessaires à cet égard. La Cour se
félicite de ce que les fonctionnaires du Greffe aient désormais accès à l’ensemble des services
proposés dans le cadre du système de justice interne de l’ONU. Ils pourront en particulier
bénéficier de l’appui du bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies pour
tenter de parvenir à un règlement amiable des différends, et solliciter les conseils du bureau d’aide
juridique au personnel. En cas d’échec de la voie amiable, ils pourront s’en remettre à un règlement
formel en recourant à la procédure du contrôle hiérarchique, ainsi qu’au tribunal du contentieux
administratif et au tribunal d’appel des Nations Unies. La décision de s’associer pleinement au
système de justice interne des Nations Unies a été prise à l’issue d’une large consultation du
personnel du Greffe et s’inscrit dans un ensemble de mesures  parmi lesquelles le recrutement
d’un fonctionnaire chargé du bien-être du personnel à temps partiel  destinées à favoriser
l’établissement d’un environnement de travail plus positif au Palais de la Paix.
*
Monsieur le Président,
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J’en viens maintenant à la question du budget de la Cour qui, au vu des responsabilités
considérables dont celle-ci est investie et du nombre grandissant d’affaires portées devant elle,
demeure extrêmement modeste, puisqu’il représente moins de 1 % du budget ordinaire de l’ONU.
La Cour est consciente des contraintes financières qui pèsent actuellement sur l’Organisation dans
son ensemble et ont conduit à une crise de liquidités. Dans ces circonstances difficiles, elle
comprend les efforts déployés par les autres organes et programmes de l’ONU en vue de réduire les
dépenses budgétaires. Il importe toutefois de trouver le juste équilibre entre l’austérité budgétaire et
le besoin impérieux d’assurer l’intégrité des fonctions judiciaires de la Cour et de permettre à
celle-ci de s’acquitter de la mission qui lui a été confiée. La Cour doit disposer des moyens
d’accomplir ses travaux au service des Etats souverains et de la communauté internationale,
conformément aux dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies et de son Statut. Il
découle de ces obligations statutaires que la Cour ne maîtrise pas son volume de travail ; elle ne
peut prévoir le nombre d’affaires contentieuses et de procédures consultatives qui seront inscrites à
son rôle au cours d’une année donnée, ni le nombre des procédures incidentes urgentes qu’elle sera
amenée à traiter. A la différence d’autres organismes de l’ONU, la Cour ne dispose pas de
programmes dont le financement peut être réduit ou augmenté. Elle ne saurait refuser de se saisir
des différends que lui soumettent les Etats, ni les mettre en attente pendant plusieurs années, au
prétexte de coupes budgétaires. Aussi, de réelles inquiétudes existent quant au risque que les
restrictions budgétaires actuellement en vigueur puissent entamer sa capacité de répondre aux
exigences liées à sa considérable charge de travail. Or, il est évidemment de l’intérêt de
l’Organisation tout entière que la Cour soit en mesure de réaliser pleinement les buts fondamentaux
de justice et de primauté du droit qui sont les siens, d’autant que son action constitue
indéniablement un mode extrêmement économique de règlement pacifique des différends.
Ce point mérite tout particulièrement d’être souligné alors que le nombre d’affaires inscrites
au rôle de la Cour demeure fort élevé.
*
Monsieur le président,
- 15 -
Permettez-moi d’aborder à présent une autre question, celle du programme relatif aux
Judicial Fellows de la Cour, mécanisme permettant aux universités qui le souhaitent de
sélectionner chaque année de jeunes diplômés pour poursuivre leur formation dans un contexte
professionnel à la Cour pendant une période de neuf mois. Les universités participant à ce
programme sont tenues de fournir à leurs candidats les ressources financières qui leur sont
nécessaires pendant leur séjour à la Cour. Celle-ci a déjà pris un certain nombre de dispositions
pour faire participer l’éventail le plus large possible d’établissements à ce programme, lequel s’est,
au fil du temps, étendu à de nouvelles universités, élargissant ainsi la distribution géographique des
institutions de parrainage. Ces établissements ont, en outre, été encouragés à présenter des
candidats de nationalités et d’origines très diverses. Toutefois, les mêmes conditions financières
continuant de s’appliquer, seules les universités disposant de ressources suffisantes  situées, le
plus souvent, dans des pays développés  peuvent participer au programme en présentant des
candidats.
Il semblerait donc qu’une amélioration du mode de financement du séjour des candidats
pourrait permettre d’élargir aux pays du monde entier l’origine géographique des juristes
susceptibles de participer à ce programme. Afin de favoriser cette diversité, la Cour a approuvé
l’idée de créer un fonds d’affectation spéciale pour son programme relatif aux Judicial Fellows.
Elle demande à l’Assemblée générale de bien vouloir donner son accord à la création de ce fonds,
dont les modalités sont actuellement élaborées en collaboration avec le Secrétariat de
l’Organisation, comme le sont également les aspects pratiques de son administration. Une
proposition formelle vous sera présentée à cet égard au début de l’année prochaine et emportera,
nous l’espérons, votre approbation.
Avant de conclure, je souhaiterais également à faire un point rapide sur le problème de
l’amiante au Palais de la Paix, question préoccupante que j’ai déjà évoquée lors de ma précédente
intervention devant vous. Je rappellerai que la présence d’amiante a été constatée en 2016, à la
suite d’inspections effectuées dans les locaux du Palais. Les autorités néerlandaises ont, en
conséquence, décidé que des travaux de grande ampleur devaient être réalisés afin de décontaminer
totalement le bâtiment et, à cette occasion, de le rénover. La Cour croit comprendre qu’il sera, à cet
effet, nécessaire de fermer le Palais de la Paix, et de réinstaller le Greffe, y compris la bibliothèque
- 16 -
et les archives de la Cour, dans d’autres locaux pour quelques années. Etant donné que le Palais
héberge la salle d’audience principale de la Cour  la grande salle de justice , les nouveaux
locaux devraient aussi disposer d’une salle adaptée à la tenue d’audiences, ainsi que d’espaces
supplémentaires destinés aux juges, aux parties et à la presse. Dans mon allocution de l’année
dernière, j’ai appelé l’attention de l’Assemblée générale sur le fait que nous n’avions alors reçu des
autorités néerlandaises compétentes que très peu d’informations sur leurs projets relatifs à la
rénovation du Palais de la Paix. J’ai aujourd’hui le plaisir de vous informer que
S. Exc. M. Stef Blok, ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, m’a, le 14 octobre 2019,
adressé une lettre rassurante dans laquelle, soulignant l’importance que son gouvernement attache à
la présence de la Cour au Palais de la Paix à La Haye, il indique que des discussions sont
actuellement en cours entre le Gouvernement néerlandais et la Fondation Carnegie, propriétaire du
Palais de la Paix, et que, tant qu’un accord n’aura pas été trouvé entre les deux parties, les
préparatifs des travaux de rénovation du Palais de la Paix seront suspendus. Le ministre a toutefois
précisé que, pendant cette période transitoire, son cabinet était disposé à examiner avec la Cour les
arrangements permettant de procéder sans encombre à la réinstallation du Greffe et des autres
services nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci. Les discussions commenceront, je l’espère,
dès mon retour à La Haye.
* *
Monsieur le président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs,
Il y a près d’un siècle, le Statut de la Cour permanente de Justice internationale, la
devancière de la Cour, était approuvé par l’Assemblée de la Société des Nations. Les doutes
entourant la création d’une cour permanente de droit international ont depuis été dissipés, et les
sombres prophéties mettant en garde contre un «gouvernement des juges» ne se sont pas réalisées.
La Cour est aujourd’hui considérée comme la garante de la primauté du droit au niveau
- 17 -
international. En de nombreuses occasions  y compris en ce lieu même, alors que venait de leur
être présenté le rapport annuel de la Cour , les Etats lui ont témoigné toute leur reconnaissance
pour ses travaux. Il est particulièrement encourageant de constater que ceux-ci sont de plus en plus
nombreux à s’en remettre à elle pour parvenir à un règlement judiciaire durable de leurs différends,
dans des contextes géopolitiques parfois marqués par les tensions.
Même lorsque les différends semblent les plus insolubles, une décision de la Cour peut
marquer le point de départ d’une nouvelle ère dans les relations entre deux Etats et la fin de
désaccords anciens. Tout aussi encourageante est la pertinence que continue de revêtir la procédure
consultative, qui permet à la Cour d’énoncer des conclusions faisant autorité sur des questions
juridiques complexes soulevées dans le cadre des travaux des principaux organes et institutions de
l’ONU.
Enfin, Monsieur le président,
A titre d’exemple de la confiance grandissante que les Etats accordent aux travaux de la
Cour, j’ai le plaisir d’informer l’Assemblée générale que, le 30 septembre 2019, le Greffe de la
Cour a reçu une notification dépositaire relative à la déclaration d’acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour faite par la République de Lettonie. A ce jour, 74 Etats de tous les continents
ont ainsi reconnu comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout
autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour internationale de Justice. Il reste
encore beaucoup à faire pour permettre à celle-ci de régler tous les différends entre tous les Etats de
la planète, et renforcer encore davantage la primauté du droit au niveau international. Toutefois, et
quoique nous avancions à petits pas, une tendance très nette s’est fait jour dans la communauté
internationale, les Etats étant de plus en plus nombreux à accepter la juridiction obligatoire de la
Cour.
Monsieur le président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs,
- 18 -
Je vous remercie de m’avoir offert cette possibilité de m’exprimer devant vous aujourd’hui
et tiens à adresser à l’Assemblée générale tous mes voeux de succès pour cette
soixante-quatorzième session.
___________

Bilingual Content

SPEECH BY H.E. MR. ABDULQAWI A. YUSUF, PRESIDENT OF THE INTERNATIONAL COURT OF
JUSTICE, ON THE OCCASION OF THE SEVENTY-FOURTH SESSION OF THE UNITED NATIONS
GENERAL ASSEMBLY
30 October 2019
Mr. President,
Excellencies,
Distinguished Delegates,
Ladies and Gentlemen,
It is an honour for me to address the General Assembly for the second time as it considers
the annual report of the International Court of Justice. The Court greatly appreciates the interest
shown in and support given to its work by this august Assembly.
At the outset, I would like to take this opportunity to congratulate
H.E. Mr. Tijjani Muhammad-Bande on his election as President of the Seventy-fourth Session of
this eminent Assembly and wish him every success in carrying out this distinguished role.
*
Since 1 August 2018  the starting-date of the period covered by the Court’s annual
report  the Court’s docket has remained full, with [16] contentious cases currently pending
before the Court despite the fact that a number of other cases have been disposed of during the past
year. As my presentation today will show, the cases before the Court involve States from all
regions of the world and touch on a wide range of issues, including questions of consular
protection, the formation of customary rules of international law in the area of decolonization, and
maritime and territorial disputes.
Over the course of the year, the Court has held hearings in five contentious cases and
one advisory procedure. It began with hearings in two pending cases involving claims by the
Islamic Republic of Iran against the United States of America concerning alleged breaches by the
Respondent of a 1955 bilateral Treaty of Amity. The first set of oral proceedings was on a request
for the indication of provisional measures submitted by Iran and the second was on preliminary
objections raised by the United States. The Court then held hearings on the merits in a case brought
by the Republic of India against the Islamic Republic of Pakistan, concerning alleged violations of
the consular rights of an Indian national. This was followed by hearings on the request for the
indication of provisional measures submitted by the United Arab Emirates in a case brought against
it by Qatar concerning allegations of racial discrimination. More recently, oral proceedings were
held on preliminary objections raised by the Russian Federation in a case brought against it by
Ukraine concerning allegations of terrorism financing and racial discrimination. In addition, the
Court heard the oral statements of participants in the advisory procedure concerning the status of
the Chagos Archipelago, which was held as a result of a request made by this Assembly.
In the period under review, the Court delivered three Judgments, one Advisory Opinion and
two orders on provisional measures. On 1 October 2018, it rendered its Judgment on the merits in
the case concerning Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile). On
13 February 2019, it delivered its Judgment on the preliminary objections in the case concerning
- 2 -
Certain Iranian Assets (Islamic Republic of Iran v. United States of America). On 25 February
2019, the Court gave its Advisory Opinion on the Legal Consequences of the Separation of the
Chagos Archipelago from Mauritius in 1965. Finally, on 15 July 2019, it delivered its Judgment on
the merits in the Jadhav case (India v. Pakistan).
In addition to numerous procedural orders, the Court issued two Orders on requests for the
indication of provisional measures: the first one on 3 October 2018 related to the case concerning
Alleged Violations of the 1955 Treaty of Amity, Economic Relations, and Consular Rights (Islamic
Republic of Iran v. United States of America). The second was rendered on 14 June 2019 in the
case concerning Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Qatar v. United Arab Emirates).
*
As is customary, I will now give a brief account of the substance of the decisions and the
opinion delivered by the Court in the period under review. I used the opportunity of last year’s
address to give an overview of the Court’s Judgment in the case between Bolivia and Chile
mentioned in my introduction, since the Court rendered that decision in the autumn of 2018. I will
thus focus today on the other decisions rendered by the Court in the period under review, beginning
with the Judgment of 13 February 2019 on the preliminary objections raised by the United States in
the case concerning Certain Iranian Assets.
*
This case was initiated by Iran on 14 June 2016 on the basis of a compromissory clause in
the 1955 bilateral Treaty of Amity, Economic Relations and Consular Rights. The case relates to
the legislative and executive acts adopted by the United States that had the practical effect of
subjecting the assets and interests of Iran and Iranian entities to enforcement proceedings in the
United States. Iran claimed in its Application, inter alia, that this was contrary to the immunities
enjoyed by Iran and Iranian entities as a matter of international law and as required by the
1955 Treaty.
The United States raised five preliminary objections. In its Judgment, the Court rejected
three of those objections, upheld one and found that one did not possess an exclusively preliminary
character, meaning that the Court would consider it when dealing with the merits of the case. Thus,
the case will proceed to the merits stage, although it will not include claims relating to sovereign
immunity, the subject of the preliminary objection which the Court upheld. Furthermore, the
jurisdiction of the Court to consider claims relating to the Central Bank of Iran, known as
Bank Markazi, will be addressed along with the merits.
The Court had to face several interesting questions of international law in ruling on the
preliminary objections, two of which I would like to highlight today. First of all, in ruling on one of
the United States’ objections, it had to deal with the question of whether its jurisdiction extended to
potential violations of customary international law  in particular the law of sovereign
immunities  when the case had been brought on the basis of a compromissory clause in a treaty.
The Court answered this question in the negative, concluding that the dispute could not be
considered to relate to the “interpretation or application” of the Treaty of Amity, as required by the
- 3 -
compromissory clause, since none of the Treaty provisions invoked by Iran referred to immunities
or could be considered to incorporate them by reference. Therefore, the Court lacked jurisdiction to
consider questions of immunities.
Secondly, in ruling on another of the United States’ objections, which asked the Court to
dismiss all claims of purported violations of the Treaty that were based on treatment accorded to
Bank Markazi, the Court determined that it would need to examine whether or not, as a matter of
treaty interpretation, a central bank was a “company” within the meaning of the treaty. This was
because the Treaty only accorded rights and protections to “companies” of a contracting party. The
Court considered that this was largely a question of fact, since it is the nature of the activity
actually carried out which determines the characterization of the entity that engaged in it.
Therefore, the Court found that, in order to answer the question, it would need to examine Bank
Markazi’s activities within the territory of the United States at the time of the contested measures.
Given that Iran principally argued that the nature of the activities engaged in was of no relevance to
the characterization of an entity as a “company” within the meaning of the Treaty, it had made little
attempt to elaborate on the commercial activities of Bank Markazi. Consequently, the Court
considered that it did not have all the facts before it to answer the question of whether or not Bank
Markazi could be considered a “company” within the meaning of the Treaty. It therefore decided
that the question did not possess an exclusively preliminary character and should thus be
considered at the merits stage.
*
I will now turn to an overview of the Advisory Opinion on the Legal Consequences of the
Separation of the Chagos Archipelago from Mauritius in 1965, which was given by the Court on
25 February 2019 in response to a request made by the General Assembly, as set out in
resolution 71/292 adopted on 22 June 2017. These proceedings were closely followed by many
United Nations Member States. A total of 31 States participated in the written proceedings and
22 States presented oral statements. The African Union also took part in both phases of the
proceedings.
I would recall that the General Assembly put two questions to the Court. In order to give its
opinion on the first question, namely, whether the process of decolonization of Mauritius was
lawfully completed having regard to international law, the Court had to first determine the content
of the law applicable to the process of decolonization.
In this regard, the Court recalled the UN Charter’s consecration of respect for the principle
of equal rights and self-determination of peoples as one of the purposes of the United Nations and
the fact that it included provisions that would enable non-self-governing territories ultimately to
govern themselves. This was therefore the context in which the Court had to determine, among
other issues, when the right of self-determination had become a rule of international law binding on
all States.
In this regard, the Court stated that resolution 1514 (XV) entitled “Declaration on the
Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples”, adopted in 1960, had a declaratory
character with regard to the right to self-determination as a customary norm, in view of its content
and the conditions of its adoption. The Court also noted that the nature and scope of the right to
self-determination of peoples were reiterated in the “Declaration on Principles of International Law
concerning Friendly Relations and Co-operation among States in accordance with the Charter of
the United Nations” (resolution 2625 (XXV) of 24 October 1970). By recognizing the right to
- 4 -
self-determination as one of the “basic principles of international law”, that Declaration confirmed
its normative character under customary international law.
The Court thus arrived at the conclusion that, in terms of the applicable law, the right to
self-determination was a customary rule of international law in the mid-1960s.
The Court, after recalling that the right to self-determination of the peoples concerned was
defined in resolutions 1514 (XV) and 2625 (XXV) by reference to the entirety of a
non-self-governing territory, noted that both State practice and opinio juris at the relevant time
confirmed the customary law character of the right to territorial integrity of a non-self-governing
territory as a corollary of the right to self-determination. Consequently, the peoples of
non-self-governing territories were entitled to exercise their right to self-determination in relation
to their territory as a whole, and the integrity of that territory must be respected by the
administering Power. It follows that any detachment by the administering Power of part of a nonself-
governing territory, unless based on the freely expressed and genuine will of the people of the
territory concerned, was contrary to the right to self-determination.
In light of this, the Court found that, as a result of the Chagos Archipelago’s unlawful
detachment and its incorporation into a new colony, the process of decolonization of Mauritius was
not lawfully completed when Mauritius acceded to independence in 1968.
The Court then addressed the second question put to it by the General Assembly regarding
the consequences under international law arising from the continued administration of the
Chagos Archipelago by the United Kingdom. The Court stated that, in light of its earlier finding on
the non-completion of the decolonization process, the continued administration of the
Chagos Archipelago constituted an internationally wrongful act. Thus, the Court concluded that the
United Kingdom had an obligation to bring to an end its administration of the Chagos Archipelago
as rapidly as possible. The Court added that, since respect for the right to self-determination is an
obligation erga omnes, all States have a legal interest in protecting that right; in the same vein, all
Member States must co-operate with the United Nations to put into effect the modalities required to
ensure the completion of the decolonization process.
These proceedings highlighted the usefulness of advisory opinions for the organs and
agencies of the United Nations. Advisory proceedings provide legal clarity by enabling the Court to
determine the current status of specific principles and rules of international law. Indeed, following the
Court’s advisory opinion, the Assembly affirmed, in accordance with that opinion, that the
decolonization of Mauritius had not been lawfully completed, and proceeded to set out the
modalities and time frame for the withdrawal by the United Kingdom of its colonial administration,
thereby enabling Mauritius to complete the decolonization of its territory.
*
I now turn to the Judgment rendered by the Court on the merits in the Jadhav (India v.
Pakistan) case on 17 July 2019. This case was instituted by India following the arrest and detention
of an Indian national, Mr. Kulbhushan Sudhir Jadhav, who was accused by Pakistan of acts of
espionage. In April 2017, Mr. Jadhav was sentenced to death by a military court in Pakistan. India
argued that consular access was being denied to its national in violation of the 1963 Vienna
Convention on Consular Relations (which I will refer to simply as the “Vienna Convention”).
In its Judgment, the Court found that Pakistan had violated its obligations under Article 36 of
the Vienna Convention and that appropriate remedies were due in this case.
- 5 -
The Court had to address several issues regarding the interpretation and application of the
Vienna Convention in the specific circumstances of the case.
One of the issues that the Court had to examine was the question of whether the rights
relating to consular access, set out in Article 36 of the Vienna Convention, were in any manner to
be excluded in a situation where the individual concerned was suspected of carrying out acts of
espionage. The Court noted in that regard that there is no provision in the Vienna Convention
containing a reference to cases of espionage; nor does the Article concerning consular access,
Article 36, exclude from its scope certain categories of persons, such as those suspected of
espionage. Therefore, the Court concluded that Article 36 of the Vienna Convention was applicable
in full to the case at hand.
Another interesting legal question that the Court had to address was whether a bilateral
agreement on consular access concluded between the two Parties in 2008 could be read as
excluding the applicability of the Vienna Convention. The Court considered that this was not the
case. More precisely, the Court noted that under the Vienna Convention, Parties were able to
conclude only bilateral agreements that confirm, supplement, extend or amplify the provisions of
that instrument. Having examined the 2008 Agreement, the Court came to the conclusion that it
could not be read as denying consular access in the case of an arrest, detention or sentence made on
political or security grounds, and that it did not displace obligations under Article 36 of the Vienna
Convention.
The Court was also called upon to interpret the meaning of the expression “without delay” in
the notification requirements of Article 36 of the Vienna Convention. The Court noted that in its
case law, the question of how to determine what was meant by the term “without delay” depended
on the given circumstances of a case. For example, in one instance, a delay of 40 hours was
considered to be a violation, whereas in another instance, the Court found no violation in respect of
a delay of five days. Taking into account the particular circumstances of the Jadhav case, the Court
noted that Pakistan’s making of the notification some three weeks after Mr. Jadhav’s arrest
constituted a breach of its obligation to inform India’s consular post “without delay”, as required by
the provisions of the Vienna Convention.
I now come to the crux of the Court’s ruling, where the Court considered the reparation and
remedies to be granted, after it had found that the rights to consular access had been violated. In
line with its earlier jurisprudence in other cases dealing with breaches of the Vienna Convention,
the Court found that the appropriate remedy was effective review and reconsideration of the
conviction and sentence of Mr. Jadhav. The Court moreover clarified what it considered to be the
requirements of effective review and reconsideration. It stressed that Pakistan must ensure that full
weight is given to the effect of the violation of the rights set forth in the Vienna Convention and
guarantee that the violation and the possible prejudice caused by the violation are fully examined.
While the Court left the choice of means to provide effective review and reconsideration to
Pakistan, it noted that effective review and reconsideration presupposes the existence of a
procedure that is suitable for this purpose and observed that it is normally the judicial process that
is suited to this task.
The Court is pleased to note that, following its ruling, it received a communication dated
1 August 2019 from Pakistan confirming its commitment to implementing the Judgment of 17 July
2019 in full. In particular, Pakistan stated that Mr. Jadhav had been immediately informed of his
rights under the Vienna Convention and that the consular post of the High Commission of India in
Islamabad had been invited to visit him on 2 August 2019.
* *
- 6 -
Monsieur le président, avec votre permission, je continue maintenant mon allocution en français.
Pour ce qui est des principales ordonnances que la Cour a rendues au cours de la période
considérée, j’ai déjà eu l’occasion de traiter, lors de mon discours de l’année dernière, l’ordonnance
du 3 octobre 2018 rendue en l’affaire relative à des Violations alléguées du traité d’amitié, de
commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique). Je me limiterai donc à l’ordonnance du 14 juin 2019 par laquelle la Cour a rejeté la
demande en indication de mesures conservatoires présentée par les Emirats arabes unis en l’affaire
relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis).
Dans cette seconde instance, introduite le 11 juin 2018, le Qatar allègue que les Emirats
arabes unis ont adopté et appliqué un ensemble de mesures discriminatoires ciblant les Qatariens au
motif exprès de leur origine nationale, lesquelles se sont soldées par des violations des droits de
l’homme. Je rappelle que le Qatar avait, en même temps que sa requête, déposé une demande en
indication de mesures conservatoires et que, par une ordonnance en date du 23 juillet 2018, la Cour
a indiqué certaines mesures conservatoires à l’adresse des Emirats arabes unis, enjoignant en outre
aux deux Parties de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont
elle était saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile. Le 22 mars 2019, les Emirats arabes unis
ont, à leur tour, demandé à la Cour d’indiquer certaines mesures conservatoires, notamment des
mesures visant à sauvegarder leurs droits procéduraux en l’affaire.
Les Emirats arabes unis priaient en particulier la Cour d’ordonner que le Qatar retire
immédiatement la communication qu’il avait soumise au Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale, et qu’il prenne immédiatement des dispositions pour veiller à ne pas
entraver les efforts déployés par les Emirats arabes unis pour venir en aide aux Qatariens,
notamment en débloquant sur son territoire l’accès au site Internet leur permettant d’introduire une
demande tendant à retourner aux Emirats arabes unis. La Cour a toutefois estimé que les mesures
sollicitées ne se rapportaient pas à des droits plausibles des Emirats arabes unis au regard de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Les Emirats arabes unis priaient également la Cour d’indiquer des mesures ayant trait à la
non-aggravation du différend. Or, conformément à la jurisprudence de celle-ci, pareilles mesures
ne peuvent être indiquées qu’en complément de mesures spécifiques visant à protéger les droits des
Parties. Ayant conclu que les conditions requises aux fins de l’indication de mesures conservatoires
spécifiques n’étaient pas réunies en l’espèce, la Cour ne pouvait donc indiquer des mesures
concernant uniquement la non-aggravation du différend. En outre, de telles mesures avaient déjà
été prescrites dans l’ordonnance qu’elle avait rendue le 23 juillet 2018, et demeuraient
contraignantes pour les Parties.
* *
Monsieur le président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs,
Depuis mon allocution de l’année passée devant votre auguste Assemblée, une toute
nouvelle instance, qui a trait à un différend entre le Guatemala et le Belize concernant la
revendication territoriale, insulaire et maritime du Guatemala, a été introduite devant la Cour le
7 juin 2019 par voie de compromis. Le caractère inédit de cette affaire tient à la démarche
- 7 -
démocratique et participative adoptée par les deux Etats dans le cadre de leur décision de saisir la
Cour. Conformément au compromis, ceux-ci ont en effet, préalablement à cette saisine, organisé
chacun un référendum afin de s’assurer que leurs populations respectives approuvaient l’idée de
confier à la Cour le règlement définitif du différend. Les deux référendums ayant abouti à un
résultat favorable, la Cour a été saisie de l’affaire par l’effet de notifications officielles adressées
par les deux Etats. Celle-ci se félicite de ce que possibilité lui soit, une fois encore, donnée d’aider
deux Etats voisins à régler un différend relatif à des questions sensibles touchant aux frontières.
* *
Ainsi s’achève ma brève présentation de l’activité judiciaire qui a été celle de la Cour durant
l’année écoulée. J’aimerais à présent saisir l’occasion de ma présence devant vous pour aborder un
certain nombre de questions d’un autre ordre.
Je souhaite tout d’abord m’arrêter sur les efforts continus par lesquels la Cour s’assure de
l’adéquation de son Règlement et de ses méthodes de travail à ses besoins évolutifs. Durant l’année
écoulée, elle a ainsi décidé de réviser plusieurs articles de son Règlement. Ces amendements ont
fait l’objet d’un examen approfondi par le comité du Règlement, puis par la Cour plénière. J’ai le
plaisir d’annoncer que ce processus a, pour l’heure, conduit à la modification d’une première série
de dispositions, à savoir les articles 22, 23, 29, 76 et 79 du Règlement de la Cour. Ces
amendements ont été promulgués le 21 octobre 2019 et ont pris effet à compter de cette date. La
Cour examine actuellement les modifications à apporter à d’autres dispositions, mais j’aimerais
prendre un instant pour vous présenter brièvement celles qui ont d’ores et déjà été adoptées.
La Cour s’est tout d’abord penchée sur les articles 22, 23 et 29 de son Règlement. Les deux
premiers concernent l’élection du greffier et du greffier adjoint, respectivement, l’article 29 traitant
de la procédure par laquelle ces derniers peuvent être relevés de leurs fonctions. Dans le cadre des
efforts constants de modernisation de la Cour, l’article 22 a été amendé de telle sorte que soit
supprimée l’exigence qu’un candidat au poste de greffier soit proposé par un membre de la Cour.
Cette procédure de nomination a été remplacée par la publication d’un avis de vacance de poste
invitant les personnes intéressées à faire acte de candidature, afin de garantir des conditions de
concurrence ouverte et transparente permettant à un plus grand nombre de candidats hautement
qualifiés de postuler. Le délai de publication de l’avis de vacance a été porté de trois à six mois
avant l’expiration du mandat du greffier, afin de donner à la Cour suffisamment de temps pour
recruter des candidats de haut niveau issus de tous les Etats Membres de l’ONU. S’agissant des
conditions dans lesquelles le greffier ou le greffier adjoint peuvent être relevés de leurs fonctions
en application de l’article 29 du Règlement de la Cour, cette disposition a été modifiée afin de
préciser les modalités procédurales à appliquer. Ces trois articles ont en outre été rendus neutres du
point de vue du genre.
La Cour a par ailleurs amendé l’article 76 de son Règlement, qui concerne les circonstances
dans lesquelles elle peut rapporter ou modifier ses décisions concernant des mesures
conservatoires. Les Etats Membres ne sont pas sans savoir que son pouvoir d’indiquer des mesures
conservatoires obligatoires à l’adresse de l’une ou des deux parties à une instance en cours offre
aux Etats une garantie importante lorsqu’il existe un risque imminent qu’un préjudice irréparable
soit causé à leurs droits avant que la Cour ne rende son arrêt au fond. L’amendement apporté à
l’article 76 vise à préciser que la Cour peut rapporter ou modifier ses ordonnances en indication de
mesures conservatoires tant à la demande d’une partie que de sa propre initiative. Cela s’applique
évidemment sous réserve des autres dispositions de son Règlement.
- 8 -
Enfin, la Cour a modifié l’article 79 de son Règlement, relatif aux exceptions préliminaires.
Cet article prévoit en réalité deux procédures distinctes : la première concerne le cas où des
exceptions préliminaires sont présentées par une partie, et la seconde, celui où des questions
préliminaires de compétence ou de recevabilité sont soulevées par la Cour elle-même. Afin de
mieux distinguer ces deux situations, celle-ci a décidé de réorganiser les paragraphes de l’article 79
en redécoupant celui-ci en trois articles distincts. Selon ce redécoupage, l’article 79 concerne
exclusivement les questions préliminaires soulevées par la Cour, l’article 79bis traitant des
exceptions préliminaires présentées par les parties et l’article 79ter, de questions de procédure
générales applicables dans les deux cas de figure.
Monsieur le président,
La Cour estime que, pour être en mesure d’accomplir ses travaux judiciaires dans de bonnes
conditions et de manière efficace, elle doit pouvoir se fonder sur des règles et des méthodes de
travail qui soient claires et puissent, chaque fois que nécessaire, faire l’objet des modifications
requises pour lui fournir le cadre qui doit être celui d’une institution judiciaire moderne. En dépit
du nombre élevé d’affaires inscrites à son rôle, elle demeure donc soucieuse de poursuivre le
réexamen des dispositions régissant son fonctionnement ainsi que de ses méthodes de travail,
notamment pour parvenir à s’acquitter avec efficacité de cette importante charge de travail.
Cet effort de modernisation inclut également un processus d’amélioration de
l’environnement de travail du Greffe de la Cour et de mise à jour des dispositions du statut du
personnel de celui-ci.
*
Dans ce contexte, j’ai le plaisir de vous informer que, par l’effet d’un échange de lettres
parachevé le 16 janvier 2019 entre le président de la Cour et le Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies, la Cour s’est désormais pleinement associée au système de justice interne de
l’ONU. Compte tenu de sa spécificité et de l’autonomie administrative de son Greffe vis-à-vis du
Secrétariat de l’Organisation, il a fallu un certain temps pour établir les modalités précises du
nouveau système et prendre toutes les dispositions pratiques nécessaires à cet égard. La Cour se
félicite de ce que les fonctionnaires du Greffe aient désormais accès à l’ensemble des services
proposés dans le cadre du système de justice interne de l’ONU. Ils pourront en particulier
bénéficier de l’appui du bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies pour
tenter de parvenir à un règlement amiable des différends, et solliciter les conseils du bureau d’aide
juridique au personnel. En cas d’échec de la voie amiable, ils pourront s’en remettre à un règlement
formel en recourant à la procédure du contrôle hiérarchique, ainsi qu’au tribunal du contentieux
administratif et au tribunal d’appel des Nations Unies. La décision de s’associer pleinement au
système de justice interne des Nations Unies a été prise à l’issue d’une large consultation du
personnel du Greffe et s’inscrit dans un ensemble de mesures  parmi lesquelles le recrutement
d’un fonctionnaire chargé du bien-être du personnel à temps partiel  destinées à favoriser
l’établissement d’un environnement de travail plus positif au Palais de la Paix.
*
- 9 -
Mr. President,
I now turn to the matter of the Court’s budget, which, compared to the institution’s
considerable responsibilities under its mandate and its growing case load, remains extremely
modest, representing less than 1 per cent of the regular budget of the United Nations. The Court is
cognizant of the fact that the United Nations as a whole is currently facing financial constraints,
which has led to a cash flow crisis. In these difficult circumstances, the Court understands the
efforts made by the Organization’s other organs and programmes in seeking to reduce budgetary
expenses. However, it is important to strike the right balance between budgetary austerity and the
absolute need to ensure the integrity of the Court’s judicial functions and its ability to carry out its
statutory mission. The Court must be given the means to carry out its work in the service of
sovereign States and the international community, in accordance with the relevant provisions of the
Charter and the Court’s Statute. These statutory obligations mean that the Court has no control over
the volume of its work. It cannot foresee the number of contentious cases and advisory proceedings
that will make up its docket in a given year or the number of urgent incidental proceedings that it
will be called upon to deal with. Unlike other organs of the United Nations, it does not have
programmes which may be cut or expanded. It cannot turn away Governments that have submitted
disputes to it or put such disputes on hold for years due to budgetary cuts. There is therefore a real
sense of disquiet that the budgetary restrictions in place may undermine the Court’s ability to meet
the challenges of its substantial workload. It is, of course, in the interests of the entire Organization
that the Court is able to fully achieve its guiding purposes of justice and the rule of law, in a
manner which moreover constitutes without a doubt an extremely cost-effective means of settling
disputes peacefully.
I wish to stress this point at a time when the number of cases on the Court’s docket remains
very high.
*
Mr. President,
Allow me to address one further matter, namely the Court’s Judicial Fellowship Programme,
which is an arrangement that allows interested universities to nominate their recent law graduates
to pursue their training in a professional context at the Court for a nine-month period each year.
The participating universities are responsible for providing the necessary financial resources to
their candidates during their fellowship at the Court. The Court has already made a number of
efforts to involve the widest possible range of universities in its Judicial Fellowship Programme.
Over the years, the programme has been expanded, broadening the geographical distribution of the
sponsoring institutions. Those institutions have in turn been encouraged to present candidates from
a range of nationalities and backgrounds. Nevertheless, the same financial conditions continue to
apply, meaning that only those universities with sufficient resources, which are most frequently
from developed countries, are able to participate in the programme and to nominate fellows.
It is therefore felt that improvements in the way in which the candidates are funded are
warranted to ensure as broad a range as possible of participating fellows from all parts of the world.
To give further impetus to the possibility of having a diverse group of participants in the
programme, the Court has approved the idea of establishing a Trust Fund for the Court’s Judicial
Fellowship Programme. The Court would like to seek the approval of the General Assembly for the
creation of such a trust fund, the terms of reference of which are being elaborated in collaboration
with the UN Secretariat, as are the practical aspects of its administration. A proposal to this effect
- 10 -
will be formally presented early next year to the Assembly, and we hope it will meet with your
approval.
Before I come to my closing remarks, I would like to provide a brief update on the
asbestos-related situation at the Peace Palace, a matter of concern which I raised during my address
to you last year. To recall the background, in 2016, following inspections of the premises, the
Peace Palace was found to be contaminated with asbestos. As a result, the Dutch authorities
decided that major works should be undertaken to completely decontaminate and, at the same time,
renovate the building. In order to do this, it is understood that the Peace Palace will have to close
and that the Registry of the Court, including the Court’s Library and Archives, will have to be
temporarily relocated to other premises for a few years. As the Peace Palace houses the Court’s
principal court room — the Great Hall of Justice — any new premises would also have to include a
suitable space for the purpose of holding hearings, as well as additional dedicated areas for use by
the judges, the parties and the press. In my speech last year, I drew the attention of the Assembly to
the fact that we had not yet received sufficient information from the Dutch authorities about their
plans for the renovation of the Peace Palace. I am pleased to inform you today that, on
14 October 2019, I received a reassuring letter from the Minister for Foreign Affairs of the
Netherlands, H.E. Mr. Stef Blok, in which he emphasized the importance that the Government of
the Netherlands attaches to the presence of the ICJ at the Peace Palace in The Hague. He informed
me that discussions between the Dutch Government and the Carnegie Foundation, the owner of the
Peace Palace, are currently ongoing and until an agreement is reached between them, preparations
for the renovation of the Peace Palace will be put on hold. Consequently, the Minister suggested
that this intervening period may be used for discussions between the Court and his office with
regard to appropriate arrangements to ensure a smooth off-site relocation of the Registry and other
Court services. These discussions will hopefully start on my return to The Hague.
* *
Mr. President,
Excellencies,
Distinguished Delegates,
Ladies and Gentlemen,
Almost a century ago, the Statute of the Permanent Court of International Justice, the Court’s
predecessor, was approved by the Assembly of the League of Nations. Any doubts about the
establishment of a permanent court of international justice have since been dispelled and the fears
of those worried about the dangers of a “gouvernement des juges” have failed to materialize. Quite
the contrary, those voices have been silenced. States regard the Court as a guardian of the rule of
law at the international level. States have, on many occasions — including in this very hall
following the presentation to the General Assembly of the annual report of the Court by its
President — expressed their great appreciation for the work of the Court. It is most encouraging to
see that an ever-increasing number of States are placing their trust in the Court to find a lasting
judicial settlement to their disputes, on occasion amidst geopolitical realities characterized by
tension.
Even with the most seemingly intractable disputes, a ruling of the Court can signal the
starting-point for a new era in bilateral relations between disputing parties, and mark an end to
long-standing differences. It is equally encouraging to see the continued relevance of the Court’s
- 11 -
advisory procedure, which enables the Court to provide authoritative pronouncements on complex
legal issues arising in the context of the work of the main organs and institutions of the
United Nations.
Finally, Mr. President,
As an example of the growing trust placed in the work of the Court, I am delighted to report
to the Assembly that on 30 September 2019, the Registry of the Court received a depositary
notification concerning the declaration of the Republic of Latvia accepting the jurisdiction of the
Court as compulsory. At present, therefore, 74 States from all continents have recognized as
compulsory ipso facto and without special agreement, in relation to any other State accepting the
same obligation, the jurisdiction of the International Court of Justice. Much remains to be done
before the Court is empowered to settle all disputes between all States, and to anchor even further
the rule of law at the international level. The pace might be slow; but the trend towards a wider
acceptance of the compulsory jurisdiction of the Court in the international community is quite
clear.
Mr. President,
Excellencies,
Distinguished Delegates,
Ladies and Gentlemen,
I thank you for giving me the opportunity to address you today, and I wish this
seventy-fourth session of the General Assembly every success.
___________

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Discours de S. Exc. M. Abdulqawi A. Yusuf, président de la Cour internationale de Justice, à l’occasion de la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale des Nations Unies

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