Observations de la République de l'Ouganda sur les réponses fournies par la République démocratique du Congo aux questions posées par des membres de la Cour à la clôture du premier tour de plaidoiries

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17812
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Incidental Proceedings
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1. Observations de l'Ouganda sur la réponsede la RDC
à la question du juge Vereshchetin

1. L'Ouganda admet que c'est à la RDC qu'il revient de déterminer les périodes sur

lesquelles portent, selon elle, chacune de ses demandes formées contre l'Ouganda. Cependant,
deux points de la réponse apportée le 6 mai 2005 par la RDC à la question posée par le
juge Vereshchetin appellent des commentaires de la part de l'Ouganda. En premier lieu, l'Ouganda
abordera l'allégationde la RDC selon laquelle l'agression qu'il aurait perpétréecontre la RDC se
serait poursuivie après le 2juin 2003, date incontestée du retrait définitif des forces militaires

ougandaises du territoire congolais. En second lieu, l'Ouganda répondraà l'allégationde la RDC
selon laquelle, jusqu'au 2 juin 2003, des forces militaires ougandaises «occupaient» certaines
régionsde la RDC.

2. S'agissant du premier point, l'Ouganda souhaite simplement faire observer que la RDC
n'a jamais fourni à la Cour le moindre élémentde preuve démontrant que des agents ou
représentantsde l'Ouganda, y compris ses forces armées,auraient causéle moindre préjudice à la
RDC aprèsle retrait total et définitifdes soldats ougandaisdu territoire congolais le 2 juin 2003. Il
est vrai que l'agent de la RDC et d'autres orateurs congolais ont, au cours des audiences, accusé

l'Ouganda d'ingérencedans les affaires intérieuresde la RDC, sans toutefois jamais présenter le
moindre élémentde preuve à l'appui de cette thèse. L'Ouganda, de son côté,nie avoir commis
quelque fait illicite que ce soit contre la RDC après le 2 juin 2003, tout comme il nie avoir porté
préjudiceà la RDC avant cette date.

3. S'agissant du second point, la RDC persiste à prétendre que l'Ouganda a «occupé»le
territoire congolais de manière continue du mois d'août 1998 au mois de juin 2003 et qu'il porte,
par conséquent,la responsabilitéde certains dommages prétendumentcauséspar les forces armées

ougandaises et d'autres forces, dont les organisations rebelles congolaises, au cours de ladite
période. L'Ouganda exposera ci-après en quoi la thèse de l'«occupation» est erronéetant en fait
qu'en droit.

4. Dans ses écritures,puis à l'audience et, plus récemment,dans sa réponsedu 6 mai 2005 à

la question posée par le juge Kooijmans, l'Ouganda a démontréque ses effectifs militaires
stationnésau Congo entre le mois d'août 1998 et le mois de juin 2003 étaientà la fois limitéset
circonscrits à quelques positions stratégiques (duplique, par. 193-203; CR 2005114, p. 45-47,
par. 27-33, réponseau juge Kooijmans du 6 mai 2005). De surcroît, l'Ouganda a démontréque ses

forces militaires présentes en RDC n'y exerçaient aucun contrôle administratif, mêmedans les
zones particulières où elles étaient stationnées (duplique, par. 201-203; CR 2005/14, p. 45-47,
par. 27-33), contrôle administratif qui a toujours étéexercé par celle des organisations rebelles
congolaises qui dominait dans la régionconcernéedu Congo, à savoir le MLC dans la province de
l'équateuret dans l'ouest de la province orientale, et le RCD-K (égalementconnu sous le nom de

RCD-ML) dans l'est de la province orientale et dans la partie nord de la province du Nord-Kivu.
Après la signature de l'accord de Lusaka en juillet 1999, l'exercice par le MLC et le RCD-K de
l'autoritéadministrative dans ces régionsde la RDC a étéentièrement légitimépar les parties à
l'accord, dont le Gouvernement de la RDC.

5. Non seulement les forces ougandaises n'ont ni exercé ni assumé la responsabilité de
l'administration civile, mais elles n'ont jamais éten mesure, compte tenu de leur faible effectif et
du nombre relativement limitédes positions (essentiellement des aéroportset terrains d'aviation)
où elles étaientstationnées,de contrôler les vastes étenduesdu territoire de la RDC évoquéespar

les conseils du Congo. Ce que la RDC soutient, en réalité,c'est que la simple présencede soldats - 2-

ougandais en tel ou tel point des régions du nord et de l'est du Congo vaut «occupation» par
l'Ouganda de la totalité de ces régions. La «présence» et le «contrôle» militaires sont pourtant
deux choses bien différentes. L'histoire du Congo en témoigne. Durant la présidence du
maréchal Mobutu dans ce qui étaitalors le Zaïre, personne ne conteste la présence militaire bien

visible d'au moins six groupes armésanti-ougandais dans l'est du Congo. Pourtant, aucune des
parties, y compris la RDC, ne soutient que ces groupes armésauraient exercéun contrôle sur le
territoire congolais. De la mêmemanière, des soldats ougandais étaient présents dans l'est du
Congo, avec le consentement de ce dernier, pendant la présidence de Laurent Kabila (au moins
jusqu'en août 1998). Là encore, aucune des parties, y compris la RDC, ne soutient que les UPDF

auraient contrôléquelque portion que ce fût de ces régionsdurant cette période. Il n'est donc pas
permis de conclure, sans autre façon, que la présence militaire de l'Ouganda après le mois
d'août 1998 a fait de lui une force occupante. Il reste toujours à la RDC à démontrerla réalitédu
«contrôle», ce qu'elle n'a pas fait et ce qu'elle n'est pas en mesure de faire. Les élémentsde
preuve contenus dans les pièces de procédureou y annexés(ou encore ceux auxquels la RDC fait

référencedans ses réponsesdu 6 mai 2005 aux questions des juges) ne permettent pas d'étayerune
telle thèse.

6. La RDC tente de conforter sa thèse d'une «occupation» ougandaise en alléguant que

l'Ouganda contrôlait le MLC et que, partant, ce dernier était l'instrument de l'Ouganda. Cette
affirmation est fausse et ne repose sur aucun élémentde preuve. La simple existence d'une
coopération limitée, d'ordre tactique, et que l'Ouganda n'a jamais démentie, ne suffit pas à
démontrerque le MLC étaitun agent de celui-ci, particulièrement en ce qui concerne l'exercice de

l'autorité administrative locale par le MLC -en vertu de l'autorisation expresse des parties à
l'accord de Lusaka- dans les régions du Congo où celui-ci dominait (CR 2005/8, p.30-31,
par.38-39). L'argument de la RDC faisant état d'une occupation ougandaise indirecte par
l'instrumentalisation «illégitime» du MLC est également inopportun, non seulement au regard du
statut conféréau MLC par l'accord de Lusaka, mais aussi en raison du «nouvel ordre politique»

prévu par le «dialogue intercongolais», et qui a fait du MLC un membre à part entière du
gouvernement transitoire d'union nationale de la RDC, détenantl'une des quatre vice-présidences,
94 des 500 sièges de l'assemblée nationale, 22 des 120 sièges du sénat, ainsi que plusieurs
portefeuilles ministériels de premier plan, dont celui des affaires étrangères (voir l'annexe 1

intitulée «De la répartition des responsabilités» de l'accord global et inclusif sur la transition en
Républiquedémocratiquedu Congo», (soumis à la Cour le 16 octobre 2003)).

7. Enfin, l'Ouganda note que la RDC soutient que la prétendue «occupation» ougandaise n'a

pris fin que le 2 juin 2003, date à laquelle le dernier soldat ougandais s'est retiré du Congo.
Jusqu'à cette date, à en croire la RDC, tout le nord et l'est du Congo étaient sous «occupation»
ougandaise. Pourtant, personne ne conteste qu'entre le 1erjanvier et le 2juin 2003, les forces
ougandaises n'étaient présentes en RDC qu'à Bunia et alentour, dans la région de l'lturi, située
dans l'est du Congo, à proximité de la frontière ougandaise. La RDC n'explique pas comment

l'Ouganda aurait pu occuper tout le nord et l'est du Congo, alors que ses forces étaientcantonnées
dans la régionde Bunia. Elle n'explique pas non plus comment l'Ouganda aurait pu occuper tout
le nord et l'est du Congo après le 6 septembre 2002, date à laquelle a étéconclu l'accord de
Luanda, qui reconnaissait expressément que les forces ougandaises n'étaient stationnées qu'à
Gbadolite, Beni et Bunia. Dans sa réponse du 6mai 2005 à la question du juge Kooijmans,

l'Ouganda a indiqué,en se fondant sur des élémentsde preuve présentésà la Cour, les positions
précises où ses soldats étaient stationnés en RDC à chacune des neuf dates critiques entre le
1eraoût 1998 et le2 juin2003. Ne tenant aucun compte de ces élémentsde preuve, la RDC se
contente, dans sa réponse à la question du juge Vereshchetin (tout comme dans sa réponse à la

question du juge Kooijmans, ainsi qu'il est démontréci-dessous), de présumer que si des soldats
ougandais se trouvaient quelque part dans le nord et l'est du Congo, alors ils étaientpartout, et que
l'ensemble des régions du nord et de l'est du Congo étaient «occupées» pendant toute ladite
période de cinq ans. Cette thèse est tout simplement indéfendable. Les conseils de la RDC ne - 3 -

peuvent pas étendre arbitrairement la présence de l'Ouganda au-delà de ce que les preuves
établissent; de même,ils ne peuvent pas, sans preuve, transformer arbitrairement une simple
«présence»en «occupation», laquelle est une notion fort différente.

II. Observations de l'Ouganda sur la réponsede la RDC
à la question du juge Kooijmans

8. L'idéed'une «occupation» ougandaise du Congo tient également une place importante
dans la réponsefournie par la RDC le 6 mai 2005 à la question poséepar le juge Kooijmans. Plutôt
que de les répéter,l'Ouganda se contentera de se référeraux observations qu'il a formuléesplus
haut à ce sujet, dans les paragraphes 3 à 7.

9. L'Ouganda relève par ailleurs que la suite d'événementsprésentéedans la réponsede la
RDC à la question du juge Kooijmans contient de nombreuses erreurs et des assertions qui ne
reposent sur aucun élémentde preuve. Ainsi, la RDC se trompe lorsqu'elle affirme: «La prise de

ces localitésn'a pas étécontestéepar l'Ouganda.» Tout d'abord, plusieurs lieux mentionnésdans
la liste figurant dans la réponsede la RDC du 6 mai 2005 n'ont pas étépris ni mêmetraverséspar
les forces ougandaises dans le cadre de l'«opérationSafe Haven». Par exemple, contrairement à ce
que la RDC prétend,l'Ouganda n'ajamais étéprésentà Kindu, dans la province de Mainema, ainsi

que l'atteste le document de l'opération«Safe Haven» que la RDC a présentéen tant qu'élémentde
preuve lors des audiences et qui dresse la liste des villages, localités et villes que les forces
ougandaises ont prises ou traverséesen se rendant dans d'autres lieux au cours de leur présence
militaire en RDC (dossier de plaidoirie de la RDC, onglet n°40) 1•

10. La suite d'événementsprésentéepar la RDC contient également des erreurs d'ordre
chronologique. Ainsi, les forces ougandaises sont arrivées à Aketi le 6 octobre 1998 et non le
8 novembre; elles sont parvenues à Businga le 20 décembre1998 et non au début du mois de

février1999; et elles sont entréesà Gemena le 25 décembre1998 et non le 10juillet 1999 (voir
dossier de plaidoirie de la RDC, onglet n°40). Enfin, il convient de rappeler les véritables
circonstances des combats qui se sont déroulésaprès la signature de l'accord de Lusaka en
juillet 1999. A la date de l'accord de Lusaka, chacune des localitésmentionnéesétaitcontrôléepar

le MLC. En violation des obligations qui leur incombaient en vertu de l'accord, les FAC (Forces
armées congolaises) ont lancésans provocation des offensives visant à reprendre des positions
auparavant gagnées par le MLC, afin de s'assurer qu'elles seraient sous le contrôle du
Gouvernement de la RDC au moment de l'accord sur le désengagement des forces, lequel était

alors en cours de négociation. Le MLC, avec un soutien limité de l'Ouganda, a repoussé ces
attaques et repris le contrôle des localitésen question (CR 2005/14, p. 47, par. 34; voir aussi les
par. 22-23 de l'annexe 29 de la réplique de la RDC). Aussi la RDC fait-elle erreur lorsqu'elle
prétendque les forces ougandaises ont lancédes offensives contre Zongo, Basankusu, Bomongo,

Moboza, Dongo, Buburu et Mobenzene aprèsla date de l'accord de Lusaka. (En réalité,ainsi qu'il
est indiquéci-dessous, il n'y a aucune preuve que les forces ougandaises se soient jamais trouvées
à Mobenzene, Buburu, Bomongo et Moboza.)

11. L'Ouganda conteste formellement la tentative de la RDC, dans sa réponseà la question
du juge Kooijmans, de se fonder sur les cartes figurant dans son dossier de plaidoirie, comme s'il
s'agissait d'élémentsde preuve en la présente affaire. Tel n'est pas le cas. Ces cartes -et

particulièrement celles qui figurent sous les onglets 3 et 18 et qui sont citées dans la réponse

1 Dans sa réplique, la ROC a tout d'abord déployédes efforts considérables pour tenter de démontrer la
participation des UPDF la prise de Kindu en octobre 1998 (réplique,par. 2.49-2.53). Dans sa duplique, l'Ouganda a
démontréqu'il n'en étaitrien (duplique, par. 145-151). - 4-

fournie le 6 mai 2005 par la RDC à la question du juge Kooijmans- ne figuraient pas dans les
écritures de la RDC; elles n'ont en outre jamais étéprésentéesà la Cour avant l'ouverture de la
procédure orale. Il s'agit de simples supports graphiques et non d'élémentsde preuve versésau
dossier de la présente affaire. De plus, ainsi que l'Ouganda l'a indiqué au cours des audiences,

elles sont entachées de nombreuses erreurs et laissent accroire que les forces ougandaises se
trouvaient dans certaines localitésde RDC nonobstant le fait que les piècesécriteset les documents
y annexésne contiennent absolument aucune preuve crédiblefaisant étatde leur présencedans ces
lieux particuliers, parmi lesquels Mobenzene, Buburu, Bomongo et Moboza. L'Ouganda s'est
expressément élevécontre l'utilisation qui a étéfaite de ces cartes par la RDC au cours des

audiences (CR 2005114, p. 47, par.35).

12.L'Ouganda s'inscrit également en faux contre l'interprétation erronéeet l'usage abusif
qui ont étéfaits par la RDC de l'accord de désengagement d'Harare et de la carte qu'il contient.

Selon la RDC, «[l]e plan de Harare, notamment, marque bien que l'UPDF et le MLC sont désignés
comme occupants conjoints de la zone 1». Cette interprétation de l'accord de désengagement de
Harare est à la fois sans précédentet erronée. Les mots «occupation» ou «occupation conjointe» ne
figurent en effet nulle part dans l'accord de Harare, lequel ne laisse pas non plus entendre qu'un tel
état de choses existait. L'accord n'a ni établi de lien entre les UPDF et le MLC ni opéréde

distinction entre eux. Son objectif étaitde séparerles forcesen litigeen leur imposant de se retirer
au-delà de certaines lignes de désengagement convenues par les parties. Il n'était donc pas
nécessaire de distinguer entre le MLC et les UPDF d'une part, et entre les FAC et leurs alliés
d'autre part. Ce qui importait c'étaitde séparerle MLC et les UPDF des FAC et de leurs alliés,et

c'est précisémentce qui a étéréalisépar l'accord de Harare. Le fait de prétendre, ainsi que les
conseils de la RDC tentent à présent de le faire, que l'accord indiquait d'une manière ou d'une
autre que les forces ougandaises étaient présentes dans toute la zone 1 est une déformation
grossière des termes de cet accord. En réalité,comme l'Ouganda l'a préciséà maintes reprises, les
soldats du MLC étaient bienplus nombreux que ceux des UPDF et présentsdans toute la zone. Les

soldats ougandais, quant à eux, étaient confinés à la région frontalière orientale et à quelques
positions stratégiques, en particulier les aéroports (CR 2005114, p.46, par.31). Ainsi que
l'Ouganda l'a précisétant dans ses écritureset plaidoiries que dans sa réponsedu 6 mai 2005 à la
question du juge Kooijmans, les positions des forces militaires ougandaises en RDC ne sont pas
demeuréesinchangéesdurant la périodecomprise entre août 1998 et juin2003. Dans sa réponsedu

6 mai 2005, l'Ouganda a préciséles positions de ses forces militaires au Congo à neuf dates
critiques entre le1eaoût 1998 et le2 juin2003, et les a représentéessur les neuf cartes annexéesà
sa réponse,lesquelles démontrentclairement que le nombre et les positions des forces ougandaises
étaientinsuffisants pour leur permettre d'«occuper» de vastes régionsde la RDC.

III. Observations de l'Ouganda sur la réponsede la RDC
à la question du juge Elaraby

13.Dans sa réponseà la question du juge Elaraby concernant 1'accord de Lusaka, la RDC

indique : «La République démocratique du Congo a, depuis le début de la présente procédure,
toujours interprétél'accord de cessez-le-feu de Lusaka de la mêmemanière.» C'est en réalitétout
le contraire, ainsi que l'Ouganda l'a démontré. En effet, et particulièrement au cours des
audiences, le Congo n'a cesséde modifier son argumentation dans l'espoir illusoire de proposer

une théorie plausible pour expliquer que l'accord de Lusaka n'autorisait pas la présence de
l'Ouganda en RDC aprèsle mois de juillet 1999 (CR 2005/14, p.41, par.13). Dans sa réponseà la
question du juge Elaraby, le Congo poursuit ce fastidieux effort visant à concevoir une thèse
défendableau sujet de cet accord. - 5-

14. En guise de dernier argument sur ce point, la RDC soutient que l'accord de Lusaka ne
saurait êtreconsidérécomme une manifestation de son consentement à la présence des forces
militaires ougandaises sur son territoire parce qu'il aurait été«obtenu[] sous la contrainte». Il
s'agit là d'un argument étonnant,non parce qu'il n'est pas étayépar le dossier de l'affaire, mais
parce qu'il n'y figure tout simplement pas ! Ni dans le mémoireni dans la répliquela RDC ne

mentionne la contrainte comme un élémentayant viciéson consentement (mémoire,par. 5.76-5.87;
réplique,par. 3.211-3.218). De la mêmemanière, il n'a pas étéquestion de contrainte dans son
premier tour de plaidoiries consacréau consentement (CR 2005/4). Ce n'est que dans la seconde
plaidoirie du professeur Klein que cette notion a étéinvoquée pour la première fois, et encore

seulement de façon incidente (CR2005/12, p.31, par.24). Il ne peut s'agir d'un argument
juridique sérieux,non seulement en raison du caractère extrêmementtardif de son apparition, mais
aussi parce que les piècesécriteset les documents y annexésne contiennent aucune base factuelle,
ni la moindre preuve, susceptible de l'étayer. Le fait que cet argument soit devenu l'élément
central de la réponse de la RDC à la question du juge Elaraby met avant tout en lumière

l'incapacitéde la RDC à réfuterefficacement l'analyse approfondie tant textuelle que contextuelle
à laquelle s'est livré l'Ouganda concernant l'accord de Lusaka et qui démontre que celui-ci
autorisait la présence militaire de l'Ouganda en RDC du 10juillet 1999 jusqu'au 2juin2003
(CR 2005/8, p. 16-36; 2005/14, p. 37-51).

15. L'Ouganda relève en outre que, dans sa réponseà la question du juge Elaraby, la RDC
invoque de nouveau la décision de procédure de la Cour déclarant irrecevable la troisième
demande reconventionnelle de l'Ouganda portant sur les violations par la RDC de l'accord de
Lusaka. La RDC soutient que cette décisionprive d'une certaine manière l'Ouganda du droit de
fonder une partie de sa défense au fond sur cet accord. L'Ouganda a déjàsoulignéles lacunes de

cet argument et ne reprendra donc pas ici ce qu'il en a dit. Aussi prie-t-il respectueusement la Cour
de se référerà la duplique (aux paragraphes 225-226) et aux comptes rendus d'audiences
(CR 2005/14, p. 45, par. 26). L'Ouganda tient toutefois à insister sur la différencequi existe entre
le fait qu'il se prévalede l'accord de Lusaka pour fonder une demande concrète et le fait qu'il
l'invoque dans le cadre de sadéfense contre les allégationsde la RDC.

16. Il n'est pas besoin de rappeler à la Cour qu'elle s'est déclaréeincompétente pour
connaître de la demande reconventionnelle de l'Ouganda notamment parce que les Parties ne
poursuivaient pas les mêmesbuts juridiques (ordonnance sur les demandes reconventionnelles,
par. 42). Tandis que le Congo cherchait à établirla responsabilitéde l'Ouganda à raison du recours

illicite à la force et de l'ingérencedans ses affaires intérieures,l'Ouganda entendait établircelle du
Congo en se fondant sur la violation de dispositions conventionnelles particulières (ibid.). La
raison pour laquelle la Cour a estiméque ces deux demandes n'étaientpas en connexitédirecte au
sens de l'article 80 apparaît donc clairement. D'un tout autre ordre est en revanche l'invocation par
l'Ouganda de l'accord de Lusaka comme moyen de défensecontre les demandes de la RDC. La

RDC prétendque l'Ouganda étaitprésentde manièreillicite sur son territoire jusqu'au 2 juin 2003.
L'Ouganda, de son côté,soutient que sa présenceétaitnotamment autoriséepar l'accord de Lusaka
et que, partant, elle ne pouvait pas êtreconsidéréecomme illicite, au moins entre le 10juillet 1999
et le 2 juin 2003. L'objet de la demande de la RDC et le moyen de défensede l'Ouganda sont donc
en connexité directe, ce que l'ordonnance de la Cour concernant la recevabilité des demandes

reconventionnelles de l'Ouganda n'affecte en rien. L'Ouganda relève d'ailleurs que la Cour a
expressément indiqué, au paragraphe 46 de son ordonnance, «qu'une décision rendue sur la
recevabilitéd'une demande reconventionnelle compte tenu des exigences formulées à l'article 80
du Règlement ne saurait préjuger aucune question dont la Cour aurait à connaître dans la suite de
la procédure». - 6-

17. Par ailleurs, l'Ouganda relève que la RDC a de nouveau invoquéla résolution1234 du

Conseil de sécuritéen ce qu'elle permettrait de conclure que l'accord de Lusaka opère une
distinction entre forces étrangères«invitées»et «non invitées»et que, dèslors, il conviendrait sans
doute d'interpréterdifféremmentles dispositions dudit accord à l'égard desunes et des autres. Cet
argument est indéfendable, et ce pour au moins deux raisons essentielles. Tout d'abord, la
résolution date du mois d'avrill999, soit trois mois avant l'accord de Lusaka. Elle n'est donc

guèresusceptible d'offrir un éclairagesur l'interprétationde cet accord. Ensuite, les termes mêmes
de l'accord n'opèrent pas de distinction entre les différentesforces étrangèresprésentesen RDC.
Bien au contraire, l'accord fait constamment référenceà «toutes les forces étrangères»(voir, par
exemple, le paragraphe 12 de l'article III de 1'accord de Lusaka et les chapitres 4 et Il de
l'annexe A à cet accord). Ce point est d'ailleurs confirmédans une sériede résolutionsdu Conseil

de sécurité postérieures à l'accord, parmi lesquelles les résolutions1265, 1273, 1279,
1291, 1296, 1304, 1323 et 1332. Le fait que la seule résolutiondu Conseil de sécuritécitéepar la
RDC soit celle qui est antérieure à l'accord de Lusaka est révélateur;toutes les autres ont été
délibérémenitgnorées. L'assertion de la RDC selon laquelle l'autorisation de demeurer en RDC
donnéeaux forces étrangèrespar l'accord de Lusaka n'aurait pu êtreappliquéede la mêmemanière
à l'Ouganda qu'à n'importe quelle autre force étrangèrene repose manifestement sur aucun

fondement.

18. Enfin, l'Ouganda relèveque la RDC n'a jamais, que ce soit dans ses écrituresou dans ses
plaidoiries (du moins entre le débutde la présenteinstance et le 6 mai 2005), tentéde réfuterson
argument selon lequel les parties à l'accord de Lusaka ont, à plusieurs reprises et d'un commun

accord, prolongé la période prévue pour le retrait des forces militaires étrangèresdu territoire
congolais au-delà de la périodede cent quatre-vingts jours initialement prévuedans l'annexe B à
l'accord (sur ce point, la position de l'Ouganda est résuméedans sa réponsedu 6 mai 2005 à la
question du juge Elaraby). Au lieu de cela, la RDC a toujours adoptéune politique du «tout ou
rien» au sujet de l'accord de Lusaka: elle a affirméque de telles prolongations ne pouvaient avoir

eu lieu puisqu'il n'y avait jamais eu d'accord pour autoriser des forces militaires étrangères«non
invitées» à demeurer sur le territoire congolais pour quelque périodeque ce fût, pas mêmepour
cent quatre-vingts jours. L'Ouganda l'a démontrédans ses écritureset plaidoiries ainsi que dans sa
réponseà la question du juge Elaraby: l'argument de la RDC ne repose sur aucun des élémentsde
preuve fournis en la présenteaffaire; contredit par les termes mêmesde l'accord de Lusaka, il est

totalement indéfendable.Cet accord autorisant manifestement les soldats ougandais à demeurer sur
le territoire congolais, la RDC n'a aucune réponsesatisfaisante à opposer à la démonstrationfaite
par l'Ouganda que la périodea étéprolongée, d'un commun accord entre les parties, au-delà de
cent quatre-vingts jours jusqu'au retrait total et définitif des forces ougandaises de RDC le
2 juin 2003.

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Observations de la République de l'Ouganda sur les réponses fournies par la République démocratique du Congo aux questions posées par des membres de la Cour à la clôture du premier tour de plaidoiries (traduction)

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