Réponses de la République de l'Ouganda aux questions posées par certains membres de la Cour avant la clôture du premier tour de plaidoiries (traduction)

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17808
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Incidental Proceedings
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Réponses de l'Ouganda aux questions poséespar les juges

Question du juge Vereshchetin

Quelles sont les périodes precises auxquelles se réfèrentles conclusions concernant la
première demande reconventionnelle, telles qu'elles figurent dans les pièces de procédure de la
Républiquedémocratiquedu Congo ?

Réponse de l'Ouganda

Du mois de juillet 1994 jusqu'au mois de mai 2001 inclus.

Question du juge Kooijmans :

Les Parties peuvent-elles indiquer quelles zones des provinces de l'Equateur, orientale, du
Nord-Kivu et du Sud-Kivu se trouvaient, au cours des périodes pertinentes, sous le contrôle,

respectivement, des UPDF et des diverses milices rebelles?

Il serait souhaitable que la réponseà la présentequestion soit accompagnéede croquis.

Réponse de l'Ouganda :

1.La réponse de l'Ouganda à cette question couvre la période allant du 1eraoût 1998 au
2 juin2003. Telle est, selon l'Ouganda, la période pertinente, les Parties étant d'accord pour

affirmer que, a) avant le1eraoût 1998, des forces militaires ougandaises (UPDF) se trouvaient sur
le territoire congolais (dans les zones frontalières de l'est du pays) avec le consentement du
Gouvernement de la RDC, et que, b) aprèsle 2 juin2003, il ne restait plus aucun soldat ougandais
au Congo.

2. Les positions des UPDF en RDC ont évoluéau cours de la périodepertinente, et de même
celles des autres forces militaires présentes sur le territoire congolais, dont : les FDA (l'un des
principaux groupes rebelles anti-ougandais); les forces arméesconjointes du Soudan, du Tchad, et
d'autres groupes rebelles anti-ougandais (notamment le Front de la rive ouest du Nil et le Front

national pour le salut de l'Ouganda II); le Rwanda; et les forces armées de trois organisations
rebelles congolaises portant les noms de MLC, RCD et RCD-K (ce dernier étantégalementconnu
sous le nom de RCD-ML).

3. Pour fournir un tableau aussi précisque possible, l'Ouganda présentera,en les décrivantet
en illustrant son propos au moyen de neuf cartes, les positions des UPDF et autres forces militaires
mentionnéesci-dessus àneuf dates critiques de la périodepertinente.

1. Positions de certaines forces militaires présentes en RDC au 1er août 1998

4. Au 1eaoût 1998, trois bataillons des UPDF -soit deux mille soldats tout au plus­
étaient présents dans les zones frontalières de l'est de la RDC, notamment dans le nord de la

province du Nord-Kivu (aux alentours de Béni et de Butembo) et dans le sud de la province
orientale (aux alentours de Bunia). Ces forces étaient stationnées dans les secteurs où elles
opéraient,sans toutefois exercer aucun contrôle sur ceux-ci. L'autoritéet le contrôle administratifs - 2-

étaient assurés par le Gouvernement de la RDC. Celui-ci avait consenti à la présence des forces

ougandaises, de manière à la fois informelle (depuis mai 1997) et formelle (en vertu du protocole
écrit du 27 avril 1998) (CR 2005/8, p. 8-15; CR 2005/14, p. 48-50). La tâche des UPDF était de
maîtriser les FDA et autres groupes rebelles ougandais opérant dans les zones frontalières. Les

UPDF n'occupaient donc pas des positions fixes, mais évoluaient fréquemment au sein de leur
secteur d'opérations. Les FDA et autres groupes rebelles maintenaient des camps de base dans ces
régions, mais se déplaçaient eux aussi souvent pour éviter d'être repérés,et pour lancer des
offensives militaires contre l'Ouganda. La carte donne un aperçu généraldes positions des UPDF

au 1eraoût 1998 ainsi que des camps de base des FDA (contre-mémoire, par. 30-32).

2. Positions de certaines forces militaires en RDC au 1erseptembre 1998

5. Ainsi qu'il l'a expliqué dans son contre-mémoire, puis de nouveau à l'audience,
l'Ouganda envoya, entre le 1eraoût 1998 et le 1erseptembre 1998, de modestes renforts aux UPDF

stationnées dans les zones frontalières de l'est, en réaction : à la multiplication des attaques
transfrontalières dirigées contre lui par les FDA, réapprovisionnéesen armes et en munitions par
les Gouvernements du Soudan et de la RDC; à des attaques contre les UPDF dans les zones

frontalières où elles étaientprésentes de longue date avec le consentement du Gouvernement de la
RDC; à l'intensification de la violence dans la région, aprèsle déclenchement de la guerre civile en
RDC le 2 août 1998; au renversement, enfin, des alliances militaires entretenues par le

présidentLaurent Kabila, qui noua alors des liens avec le Soudan et le Tchad et intégra à l'armée
congolaise (les FAC) les groupes rebelles anti-ougandais, les ex-FAR et des membres des milices
Interahamwe (voir, à ce propos, le contre-mémoire, par. 33-51; CR 2005/6, p. 29-37; CR 2005/14,

p. 8-27). L'Ouganda envoya en particulier à Bunia, à l'invitation du commandant de brigade des
FAC, le 13 août 1998, un petit contingent de renforts (CR 2005/14, p. 22 (citant la réplique de la
RDC, par. 2.59)). Toujours dans la zone frontalière situéeau nord de Bunia, l'Ouganda déployaun

(et un seul) bataillon à Watsa, via Aru, pour surveiller l'évolution de la situation entre Bunia et la
frontière soudano-congolaise (ibid.). Le 1erseptembre 1998, l'Ouganda dépêchapartiellement un
bataillon à 1'aéroport de Kisangani pour assurer la surveillance de cette installation, dont les

Gouvernements du Soudan et de la RDC se servaient pour livrer des armes et autres équipements
militaires aux groupes rebelles ougandais opérant dans les zones frontalières de l'est. A cette
époque, la ville de Kisangani elle-mêmese trouvait aux mains du Rwanda et de son alliéle RCD,
organisation rebelle congolaise, et c'est à l'invitation du Rwanda que le contingent des UPDF fut

détachéà l'aéroport de Kisangani (CR 2005/6, p. 36; CR 2005114, p. 22). Ainsi, les forces
ougandaises étaient présentes en quatre points du territoire (Beni, Bunia, Watsa et l'aéroport de
Kisangani), sur lesquels elles n'exerçaient toutefois -avec l'exception de ce dernier- aucun

contrôle administratif.

6. Ainsi qu'indiqué, au 1erseptembre 1998, Kisangani étaitaux mains du Rwanda et de ses
alliés du RCD. En réalité,comme l'a montré l'Ouganda dans ses écritures et à l'audience, les
forces militaires rwandaises avaient envahi la RDC dès le déclenchement de la rébellion, le
2 août 1998, pour prêtermain forte aux rebelles du RCD (contre-mémoire, par. 45-46; CR 2005/6,

p. 33-36). A la fin du mois d'août 1998, les forces du Rwanda et du RCD se trouvaient, à l'issue
d'une progression rapide, présentes dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, et certaines parties
de la province orientale (notamment Kisangani), la province de Mainema et la province du Kasai

Oriental. L'Ouganda ignore les dates précisesdes opérations du Rwanda ou du RCD, de mêmeque
l'étendue exacte de leur progression. Aucun soldat ougandais n'étaitprésentdans les provinces du
Sud-Kivu, de Mainema et du Kasai Oriental. Aucun soldat ougandais n'était présent dans la

province du Nord-Kivu, au sud des abords de Butembo. Aussi, en ce qui concerne la plupart des
secteurs d'opérations des forces militaires du Rwanda et du RCD, l'Ouganda ignore-t-il par qui et
comment le contrôle étaitexercé. Il sait en revanche que, dans les territoires de l'est du Congo où

ses propres forces étaient stationnées (tels que décrits ci-dessus, au nord de la province du
Nord-Kivu et au sud de la province orientale), l'administration locale étaittombée, dans le courant - 3-

du mois d'août 1998, aux mains des rebelles du RCD. Excepté en ce qui concerne le cas de

Kisangani, aucun soldat rwandais n'étaitprésentdans les portions du territoire où se trouvaient des
forces ougandaises.

7. La carte 2 montre les positions des forces ougandaises au 1erseptembre 1998, celles des
FDA, ainsi que celles du Rwanda et des rebelles du RCD, bien que, comme indiquéci-dessus, les

limites externes de cette dernière zone ne puissent êtredéterminéesavec précision. La carte 2 fait
égalementapparaître la présencede forces conjointes du Soudan, du Tchad et des groupes rebelles
ougandais à proximité de Gbadolite, au nord du Congo, et à Kindu, dans la province de Mainema
(où elles s'étaient déployéespour affronter les forces du Rwanda et du RCD qui cherchaient à
s'emparer de Kindu); les forces soudanaises et tchadiennes avaient commencé à pénétrersur le

territoire congolais à la fin du mois d'août 1998 (contre-mémoire,par. 48-50; CR 2005/14, p. 8-16;
répliquede la RDC, annexe 108 (documents datésdes 9, 12-14 et 16 septembre 1998)).

3. Positions de certaines forces militaires en RDC au 10 septembre 1998

8. Aucun mouvement de forces ougandaises n'est à signaler entre le 1er et le
10 septembre 1998 (voir le dossier d'audience, onglet n° 40). Leurs positions sont donc demeurées
identiques. Toutefois, dès le débutde ce mois, plus de deux mille soldats soudanais et un nombre
équivalent de soldats tchadiens atteignirent Gbadolite, au nord du Congo, progressant vers l'est
pour s'emparer des aéroports et aérodromes situés entre cette ville et la frontière ougandaise,
notamment à Lisala, Bumba, Buta et Isiro (contre-mémoire, par. 48-50; CR 2005114, p. 8-16;

répliquede la RDC, annexe 108 (documents datésdes 9, 12-14 et 16 septembre1998)). Les forces
soudanaises et tchadiennes reçurent le renfort de milliers de rebelles anti-ougandais,
essentiellement du front de la rive ouest du Nil et du front de libérationde l'Ouganda Il, entraînés
et armés par le Soudan, qui furent transportés par voie aérienne en RDC et intégrésà l'armée
congolaise (les FAC) (contre-mémoire, par. 48-50; CR 2005/6, p. 37; CR 2005/14, par. 13). Les

aéroports et aérodromes furent utilisés pour ravitailler les FDA en armes et en munitions et
renforcer leurs effectifs, ainsi que pour lancer des attaques directes à l'encontre de cibles
ougandaises.

9. La carte 3 illustre le déploiement des forces conJOintes du Soudan, du Tchad et des

rebelles ougandais au 10septembre 1998 ainsi que les positions des forces militaires ougandaises
en RDC à cette date. Sont égalementindiquéesles positions approximatives des forces arméesdu
Rwanda et des rebelles du RCD et le secteur d'opérationsdes FDA, dans l'est du Congo.

4. Positions de certaines forces militaires en RDC au 1erjuin 1999

10. Ainsi que l'a montré l'Ouganda dans ses écritures et à l'audience, son haut
commandement prit, le 11 septembre 1998, la décisionde défendreson territoire et d'affronter ses
agresseurs, en particulier les rebelles ougandais et soudanais, en déployantses forces en RDC -à
hauteur de dix mille soldats-, et en privant ses ennemis de la possibilité d'utiliser le territoire

congolais -tant les zones frontalières que les aéroportset aérodromessituésà distance de combat
de l'Ouganda-, d'où ils se livraient à des actes d'agression armée à son encontre
(contre-mémoire, annexe 27). Entre le 17 septembre 1998 et le 1erjuin 1999 -sur une période,
donc, de huit mois et demi-, les UPDF combattirent les FDA dans les zones frontalières de l'est,

et les forces conjointes du Soudan, du Tchad et des autres groupes rebelles ougandais dans le nord
et le nord-est du Congo, jusqu'à ce que les forces des FDA eussent étéen grande partie (mais non
intégralement) contenues ou dispersées,et que l'ensemble des aéroportset aérodromesoccupéspar
le Soudan au débutdu mois de septembre 1998- à l'exception de celui de Gbadolite- eussent
étépris (contre-mémoire, par. 54, 63; CR 2005/6, p. 47-48). En route, les forces ougandaises - 4-

eurent parfois à livrer bataille. Un document relatif à l'opération «Safe Haven», soumis à
l'audience et figurant à l'onglet n°40 du dossier des juges de la RDC, dresse la liste de ces étapes.
Les forces ougandaises poursuivirent rapidement leur chemin sans s'y attarder. Elles ne
stationnèrentqu'aux points précisindiquéssur les cartes ci-annexées.

11. La carte 4 fait apparaître les positions des UPDF et autres forces militaires au
1erjuin 1999. Les UPDF s'emparèrent de tous les aéroports et aérodromes stratégiquement
importants, ainsi qu'il ressort de ces cartes. Elles n'exercèrent, toutefois, aucun contrôle

administratif sur les villes dont ils relevaient, pas davantage que sur leurs autres secteurs
d'opérations(duplique, par. 198-202). De fait, le Gouvernement ougandais s'en tenait à une stricte
ligne de conduite: les UPDF ne devaient exercer d'autorité administrative sur aucun point du
territoire de la RDC (voir rapport de la commission Porter, p. 146). C'est délibérémentet

consciemment que ce soin fut laissé aux seules autorités locales congolaises. Au 1erjuin 1999,
l'administration civile était aux mains de l'organisation rebelle du RCD dans la province du
Nord-Kivu, ainsi qu'à l'est et au sud de la province orientale. Dans la province de l'Equateur, et à
l'ouest et au nord de la province orientale, l'administration civile étaitassuréepar l'organisation

rebelle du MLC (voir duplique, annexe 46, p.65, 66, 129 et 156). Tant le RCD que le MLC
disposaient d'effectifs considérables,excédantpour l'un comme pour l'autre le nombre de soldats
ougandais présentsen RDC, et chacun exerçait les activitésde police dans la zone qu'il contrôlait.
Ainsi, la carte4 fait apparaître les zones contrôléespar le RCD et le MLC au 1erjuin 1999 et les
points préciset limités(aéroportset aérodromes)où les UPDF étaient présentes.La carte 4 montre

également qu'au 1erjuin1999, les forces soudanaises et tchadiennes se trouvaient confinées à
Gbadolite et à ses environs.

5. Positions de certaines forces militaires en RDC au 10 juillet 1999

12. Le 10juillet 1999, l'accord de Lusaka fut signépar la RDC, l'Ouganda, le Rwanda, le
Zimbabwe, 1'Angola et la Namibie; peu après,il le fut égalementpar les trois organisations rebelles
congolaises (le RCD s'étaitalors scindéen deux factions: le RCD-G, baséà Goma, et le RCD-K

-qui deviendrait par la suite le RCD-ML- initialement baséà Kisangani, puis à Bunia). Ainsi
que l'Ouganda l'a démontrédans ses écritureset à l'audience, l'accord de Lusaka faisait obligation
à l'ensemble des parties, étrangèresautant que congolaises, de laisser sur place leurs forces armées
(«[t]outes les forces resteront») jusqu'à la mise en Œuvre du calendrier des «événementsmajeurs

du cessez-le-feu» énoncésà l'annexe B, et l'adoption, par les parties (par l'entremise d'une
commission militaire mixte), l'ONU et l'OUA, d'un «plan de retrait» (CR 2005/14, p. 38-40).

13.Les positions, au 10 juillet1999, des rebelles ougandais et congolais ainsi que des forces

arméesrwandaises sont indiquéessur la carte 5. A cette date, il n'y avait plus de soldats soudanais
ou tchadiens en RDC, les derniers ayant quittéle territoire congolais après leur dérouteautour de
Gbadolite, à la fin du mois de juin et au débutdu mois de juillet 1999 (contre-mémoire,par. 54,
63). La carte 5 est un extrait de celle intégréeau plan de désengagement de Harare du
8 décembre 2000 : la RDC y est diviséeen quatre zones de désengagementdistinctes, la première

couvrant la partie du territoire congolais où stationnaient les UPDF et le MLC, et les trois autres
celles où se trouvaient les forces militaires du Rwanda et du RCD (contre-mémoire, annexe 59).
Aucun désengagement n'étant intervenu entre le 10 juillet1999 et le 8décembre 2000, la carte
intégréeau plan de Harare présente une bonne approximation des positions des belligérants au

10 juillet1999.

14.Ainsi que l'a soulignél'Ouganda à l'audience, ni la carte ni le plan de désengagementde
Harare lui-mêmen'établissentde distinction entre les positions des UPDF, d'une part, et celles du

MLC, de l'autre, au sein de la zone de désengagement 1;ils n'en établissent pasdavantage entre les - 5-

positions des forces du Rwanda et celles du RCD dans les zones 2, 3 ou 4 (CR 2005/6, p. 56). Tel
n'étaitpas l'objet de ce plan; celui-ci était uniquement d'assurer le désengagement entre forces
hostiles, non de distinguer, au sein de celles-ci, entre les forces alliéesou amies opérantdans une
mêmezone.

15. La carte 5, en revanche, établitcette distinctionà tout le moins en ce qui concerne les
positions des forces ougandaises et du MLC au sein de la zone 1; l'Ouganda ne cherche pas à
procéder de mêmedans les zones 2, 3 ou 4, parce qu'il n'a pas une connaissance précise des
positions des forces rwandaises (par opposition à celles du RCD). Ainsi qu'il ressort de la carte 5,
les forces ougandaises n'occupaient, dans la zone 1, que certains points précis, à savoir les

aérodromes du nord et du nord-ouest du Congo, et des positions le long de la frontière entre
l'Ouganda et le Congo, dans l'est de ce dernier. Elles n'exerçaient nulle part d'autorité ou de
contrôle administratifs. Ceux-ci étaient toujours le fait de l'organisation rebelle congolaise
présentedans la région: le MLC, le RCD-G ou le RCD-K.

6. Positions de certaines forces militaires en RDC au 1er mai 2001

16. Ainsi qu'il l'a expliqué dans son contre-mémoire, puis de nouveau à l'audience,
l'Ouganda a, en application du plan de désengagementde Harare, évacuéde RDC nombre de ses
soldats. A la fin du mois d'avril 2001, près de sept mille hommes avaient quitté le territoire

congolais (CR 2005/14). Plus aucun soldat ougandais ne se trouvait à Aketi, Bumba et Kisangani;
la présencedes forces ougandaises étaitconfinée à Gbadolite, Gemena, Lisala, Basankusu, Buta,
Isiro, Watsa, Bunia et Beni. Au moment de leur retrait, les aérodromes qu'elles occupaient
passèrentaux mains de l'organisation rebelle congolaise administrant la zone concernée.

17. Il convient de noter qu'au mois d'avril2001, le présidentougandais Museveni annonça
publiquement le retrait imminent de l'ensemble des soldats ougandais restant sur le territoire de
la RDC. Il tint le mêmepropos dans une note verbale remise en main propre au Secrétairegénéral,
le 3 mai 2001 (réplique,par. 2.90). Dans la lettre datéedu 4 mai 2001 qu'il lui adressa en réponse,

le Secrétairegénéralpria instamment l'Ouganda de ne pas retirer immédiatementet unilatéralement
ses hommes de RDC, mais de demeurer engagé dans le processus de paix de Lusaka et de ne
procéderau retrait que dans le cadre des dispositions de l'accord (duplique, annexe 56). Ayant pris
connaissance de la lettre du Secrétaire général,le président Museveni revint sur sa décision de
rappeler immédiatementl'ensemble des forces ougandaises présentesau Congo.

7. Positions de certaines forces militaires en RDC au 6 septembre 2002

18. Le 6 septembre 2002, l'Ouganda et la RDC signèrent l'accord de Luanda, dont les
dispositions régissaient: la coopérationdes parties en vue d'assurer l'ordre et la sécuritéle long de

leur frontière commune; le statut des forces ougandaises demeurant en RDC; le calendrier et les
conditions d'un éventuel retrait. Les Parties ont convenu à l'audience que l'accord de Luanda
constituait, entre autres, l'expression du consentement de la RDCà la présencedes forces militaires
ougandaises sur son territoire (CR 2005/4; CR 2005/14). L'accord couvrait l'ensemble des
positions encore occupées par les forces ougandaises : Beni, Gbadolite, Bunia et le versant

occidental des Monts Ruwenzori (accord de Luanda, art. 1). Entre mai 2001 et septembre 2002,
l'Ouganda évacual'ensemble de ses forces de Gemena, Lisala, Basankusu, Buta, Isiro, Watsa et
Bafwasende. S'agissant des soldats demeurésen RDC, l'accord de Luanda prévoyait leur retrait
immédiat de Beni et Gbadolite, et leur retrait, à terme, de Bunia. La carte 7 fait apparaître les
positions des forces ougandaises en RDC à la date de la signature de l'accord de Luanda, et les

zones se trouvant, respectivement, sous le contrôle du MLC, du RDC-ML (ex-RDC-K) et du
RDC-G (contrôle exclusif ou exercéconjointement avec les forces arméesrwandaises). - 6-

8. Positions de certaines forces militaires en RDC au 1erjanvier 2003

19. En application de l'accord de Luanda, l'Ouganda procéda promptement au retrait de
l'ensemble de ses forces arméesde Gbadolite et Beni. La carte 8 illustre la présencedes UPDF en
RDC au 1ejanvier 2003, à l'issue de ces mouvements.

9. Positions de certaines forces militaires en RDC au 2 juin 2003

20. L'Ouganda a démontré,et la RDC n'a pas récusé,que l'ensemble de ses forces militaires
avaient étéretirées -définitivement- au 2 juin 2003. Les Parties conviennent également que,
depuis lors, les forces arméesougandaises n'ont pas remis les pieds sur le territoire congolais. La

carte 9 rend compte de la présence des autres forces en RDC, au 2 juin 2003, après le retrait
complet de l'ensemble du personnel militaire ougandais.

Question du juge Elaraby

L'accord de Lusaka, signéle 10juillet 1999 et entréen vigueur vingt-quatre heures après sa
signature, dispose que :«Le retrait définitifde toutes les forces étrangèresdu territoire national de

la République démocratique du Congo se fera conformément à l'annexe B du présent accord.»
(Annexe A, chap. 4 (4.1).)

L'alinéa 17 de l'annexe B dispose que le «retrait ordonné des forces étrangères» doit
intervenir au jour «+ 180 jours».

L'Ouganda affirme que le retrait définitifde ses forces est intervenu le 2 juin 2003.

Quelles sont les vues des Parties concernant la base juridique de la présence de forces
ougandaises en République démocratique du Congo durant la période comprise entre la date de

«retrait [ordonné]définitif»convenue dans l'accord de Lusaka et le 2 juin 2003 ?

Réponsede l'Ouganda

Introduction

1. L'Ouganda estime que sa présencemilitaire en RDC au cours de la périodecomprise entre
la date de «retrait définitif» initialement prévue dans 1'accord de Lusaka et le 2 juin 2003 était
autorisée,tout d'abord, par l'accord de Lusaka lui-mêmeet les plans de désengagement ultérieurs,

et ensuite, par l'accord de Luanda en date du 6 septembre 2002.

2. La période initiale de 180 jours au terme de laquelle devait avoir étéeffectué le «retrait

ordonné des forces étrangères», conformément à l'alinéa 17 de l'annexe B, n'a jamais été
envisagée comme une échéance isolée, indépendante des autres «événements majeurs du
cessez-le-feu» énumérésaux alinéas 1 à 16 de l'annexe B. Bien au contraire, le retrait de

l'ensemble des forces étrangères était subordonné à l'achèvement des étapes antérieures du
cessez-le-feu, notamment à la réalisation du dialogue inter-congolais et au désarmement des
groupes armés. Lorsqu'est apparue retardée la réalisation de ces étapes préalables, il s'est révélé
nécessaire de reporter la date du retrait des forces étrangères,ce qui a étéaccepté par toutes les

parties, y compris par la RDC. - 7-

3. S'agissant de la période allant du 6 septembre 2002 au 2 juin 2003, la présence de
l'Ouganda en RDC était autorisée par l'accord bilatéral de Luanda, par lequel la RDC avait
consenti, ainsi que l'ont reconnu ses conseils, au maintien des forces ougandaises sur son territoire
(CR 2005/4; CR 2005/12).

4. Pour l'ensemble de ces raisons, la présencede l'Ouganda en RDC entre le 10juillet 1999
et le 2 juin 2003 était,ainsi qu'il sera préciséci-après, autoriséeet acceptéepar des instruments
internationaux ayant force obligatoire.

L'accord de Lusaka autorisait initialement la présencemilitaire de l'Ouganda
au Congo après le 10juillet 1999 pour 180jours

5. Lors des audiences, les conseils de la RDC ont soutenu pour la première fois que l'accord
de Lusaka n'autorisait pas la présencedes troupes ougandaises au Congo, mêmepour la périodede
180jours prévueà l'alinéa 17 de son annexe B (CR 2005112). Le Congo n'avait auparavant fait

valoir cet argument dans aucune de ses pièces de procédure écrite. L'invoquant alors pour la
première fois, il a reléguél'accord de Lusaka au rang de simple accord de cessez-le-feu
n'autorisant la présencemilitaire de l'Ouganda en RDC ni pour la périodede 180 jours prévueà
l'annexe B ni, a fortiori,pour une périodeultérieure (ibid.). L'Ouganda a déjàlonguement réfuté
cet argument lors des audiences et n'importunera pas la Cour en répétantici sa réponsedans son

intégralité. L'Ouganda prie donc respectueusement la Cour de bien vouloir se reporter aux
passages pertinents des comptes rendus d'audience (CR 2005114).

6. Avant d'en finir sur ce point, l'Ouganda souhaite toutefois souligner le caractère non

équivoque de la formulation de l'accord de Lusaka s'agissant de la présence des troupes
ougandaises (et d'autres forces étrangères)sur le territoire de la RDC. Ainsi que la Cour l'a précisé
dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires, l'accord de Lusaka était«un accord
international liant les Parties» (ordonnance en indication de mesures conservatoires, par. 37).
L'Ouganda ne pouvait donc accomplir aucun acte contraire aux termes de cet accord sans manquer

à ses obligations conventionnelles. Or, l'une de ces obligations figure au paragraphe 11.4 de
l'annexe A, lequel stipule que «toutes les forces resteront» en place «dans le cas des forces
étrangères,jusqu'au moment du débutdu retrait conformémentau calendrier de retrait» arrêté par
la Commission militaire mixte, l'OUA et l'ONU. La formulation de cette disposition est
indéniablement impérative; il y est indiqué que les forces ougandaises «resteront» <<jusqu'[à]»

l'adoption d'un calendrier de retrait. Dans l'attente de l'adoption de ce calendrier (qui devait
initialement fixer une périodede 180jours pour le retrait), les troupes ougandaises étaientdonc non
seulement autorisées à rester en RDC, mais se voyaient invitées à d'y rester par un accord
international ayant force obligatoire (voir CR 2005114). Il n'existe donc aucun argument sérieux
au soutien de la thèse selon laquelle l'accord de Lusaka n'aurait pas autorisé, au moins pour la

périodede 180jours initialement prévueà l'annexe B, la présencede l'Ouganda en RDC.

La périodede 180 jours n'étaitpas une échéanceisolée

7. Le fait que la périodeinitiale de 180 jours prévueà l'alinéa17 de l'annexe B n'ait jamais

étéenvisagéecomme une échéanceinconditionnelle pour le retrait des forces étrangères,y compris
celles de l'Ouganda, apparaît clairement si l'on considèrel'accord dans son ensemble, à la lumière
de son objet et de son but. Ainsi, par exemple, le paragraphe 12 de l'article III, intitulé «Des
principes de l'accord», stipule que: - 8-

«Le retrait définitifde toutes les forces étrangèresdu territoire national de la

Républiquedémocratiquedu Congo sera effectuéconformémentau calendrier figurant
à 1'annexe «B» du présent accord et au programme de retrait qui sera arrêtépar
l'Organisation des Nations Unies, l'OUA et la Commission militaire mixte.»

8. De la mêmemanière,le chapitre 4 de l'annexe A, intitulé«Du retrait ordonnéde toutes les

forces étrangères»,dispose que :

«4.1. Le retrait définitifde toutes les forces étrangèresdu territoire national de
la Républiquedémocratiquedu Congo se fera conformémentà l'annexe B du présent
accord.

4.2. La Commission militaire mixte et les mécanismesde l'ONU et de l'OUA
élaboreront un programme définitif et approprié de retrait ordonné de toutes les
troupes étrangèresde la Républiquedémocratiquedu Congo.»

9. Ainsi, en vertu du paragraphe 12 de l'article III et du chapitre 4 de l'annexe A, le

calendrier initial prévuà l'annexe B apparaissait-il bien inextricablement liéau calendrier de retrait
devant êtrearrêté par l'Organisation des Nations Unies, la Commission militaire mixte et l'OUA.
En conséquence,s'il se révélaitnécessairede modifier le calendrier de retrait de l'ONU, l'objectif
des 180jours devait lui aussi êtremodifié. Telle est la seule lecture logique qui puisse êtrefaite du
paragraphe 11.4 de l'annexe A précité,lequel dispose au passage pertinent : «Toutes les forces

resteront dans les positions déclaréeset enregistrées:a) dans le cas des forces étrangères,jusqu'au
moment du début du retrait conformément au calendrier de retrait» de la Commission militaire
mixte de l'OUA et de l'ONU.

10. Le rapprochement de ces deux dispositions révèle,s'agissant de l'organisation du retrait

des troupes étrangères,que la prioritédevait aller au programme établipar l'ONU, l'OUA et la
CMM et non à l'objectif de 180jours initialement prévuà l'alinéa17de l'annexe B pris isolément.

Il. D'autres élémentsde l'accord de Lusaka établissentégalementde manière claire que la
périodeinitiale de 180 jours prévuepour le retrait de l'ensemble des forces étrangèresde la RDC

n'étaitpas une échéanceisolée,indépendantede la réalisationdes autres «événementsmajeurs du
cessez-le-feu» prévusà l'annexe B. Ainsi que l'Ouganda l'a précédemmentindiqué,l'accord de
Lusaka fixait les modalitésdu règlementdes dimensions internes et externes du conflit (CR 2005/6;
CR 2005/8). En fixant les modalitésdu règlement des dimensions externes du cont1it, les parties
ont expressément reconnu que la cause principale du conflit externe résidaitdans l'utilisation du

territoire congolais par des bandes armées cherchant à déstabiliser ou à renverser les
gouvernements d'Etats voisins (voir par exemple préambuleet par. 21 et 22). En vue de réglerce
cont1it, les parties se sont mises d'accord sur une sériede mesures particulières visant à interdire
l'apport de toute assistance à ces groupes armés,à les empêcherde continuer à opérerdepuis le
territoire congolais, ainsi qu'à les démanteler, en désarmant, démobilisant et réinstallant leurs
membres. Elles se sont engagées,ainsi qu'il est dit dans le préambule,à

«mettre fin immédiatementà toute aide aux forces négativesdéterminéesà déstabiliser
les pays voisins, cesser immédiatement toute collaboration avec ces forces ou de leur
accorder un sanctuaire».

12. Le paragraphe 22 de l'accord précisait: - 9-

«Un mécanisme sera mis en place pour désarmer les milices et les groupes
armés... Dans ce contexte, toutes les Parties s'engagent à localiser, identifier,
désarmeret rassembler tous les membres des groupes armésen RDC.»

13. Chacune des Parties convenait plus précisément,au chapitre 12 de l'annexe A:

«a) De ne pas armer, entraîner, héberger sur son territoire ou apporter une forme
quelconque d'aide aux élémentssubversifs et aux mouvements d'opposition
armés,dans le but de déstabiliserles autres pays;

b) De signaler tous les mouvements étrangersou hostiles détectéspar l'un ou l'autre
pays le long des frontièrescommunes;

c) D'identifier et d'évaluerles problèmes aux frontières et coopérerdans la définition

des méthodespour les résoudrepacifiquement;

d) De résoudre le problème des groupes armés en République démocratique du
Congo conformémentau présentaccord.»

14. Les Parties créaient également une comnnsswn militaire mixte, composée de hauts
responsables de leurs forces armées et chargée d'établir les mécanismes concrets permettant le
désarmementdes groupes armésconsidérésdans l'accord comme une menace pour la sécuritédes
Etats voisins de la RDC. Le chapitre 9 de l'annexe A, paragraphe 9.1, dispose :

«La Commission militaire mixte, avec l'assistance des Nations Unies, élaborera
et mettra immédiatementen Œuvreles mécanismespour la poursuite, le cantonnement
et le recensement de tous les groupes armés qui se trouveraient en République
démocratiquedu Congo, à savoir, les ex-Forces arméesrwandaises (ex-FAR), l'ADF,

le LRA, I'UNRF Il, les milices Interahamwe, le FUNA, le FDD, le WNBF, le NALU,
l'UNITA... »

15. De ces neufs groupes, cinq au moins utilisaient le territoire congolais pour lancer des
attaques transfrontalières contre l'Ouganda: l'ADF, le LRA, I'UNRF Il, le FUNA et le WNBF.

(Un sixièmegroupe, le NALU, est mentionnéà l'annexe C de l'accord parmi les «groupes armés».)
C'est dans les dispositions sur le désarmement, la démobilisation et la réinstallation des groupes
armésque l'accord de Lusaka traite de la présencede forces militaires étrangèresen RDC. Comme
son libelléle montre, notamment à la lumière de son objet, les parties considéraientqu'il y avait

une relation directe de cause à effet entre les activitésdes groupes armésen RDC et le déploiement
sur le territoire congolais de forces étrangères,notamment ougandaises. En d'autres termes, les
parties reconnaissaient que les attaques transfrontalières lancéespar les groupes armésdepuis le
territoire congolais avaient amené les Etats limitrophes, y compris l'Ouganda, à déployer leurs
troupes en RDC pour mettre fin aux menaces que ces groupes constituaient pour leur sécurité.

16. Cette convergence de vues entre les parties ressort de l'enchaînement des «événements
majeurs du cessez-le-feu» de l'annexe B, conformément auquel il était prévu que les forces
militaires étrangèresne seraient retirées qu'après le désarmement des «groupes armés». En

conséquence, la réalisation de l'alinéa 16 de l'annexe B, le «désarmement des groupes armés»,
avait étéprogramméede «1 + 30 à J+ 120», et il avait étéconvenu à l'alinéa17 que cet événement
serait suivi, trente jours aprèssa réalisation,par le «retrait ordonnédes Forces étrangères». - 10-

17. Si l'on tient compte de l'esprit généralde l'accord de Lusaka, il apparaît de manièretout
aussi évidente quele retrait définitifdes troupes étrangèresétaitlié,non seulement au désarmement
des groupes armés,mais aussi à la réalisationdes étapesprévuespour le règlement de la dimension

interne du conflit au Congo : les parties reconnaissaient que les dimensions interne et externe du
conflit étaientliées. Dans le préambulemêmede l'accord, il étaitindiqué

«que le conflit en RDC a une dimension à la fois interne et externe qui trouvera sa

solution dans le cadre des négociationspolitiques intercongolaises et de l'engagement
des parties à la mise en Œuvrede cet accord[.]»

18. Autrement dit, les parties (y compris, bien sûr, la RDC) reconnaissaient que le règlement

des dimensions externes du conflit, y compris le retrait des forces étrangères,dépendait de la
réalisation «des négociations politiques intercongolaises» 1• C'est ce qui ressort également du
calendrier de mise en Œuvre de l'accord figurant à l'annexe B, dans lequel il est préciséque le
«[d]ébut du dialogue national» (alinéa 12), la «[c]lôture du dialogue national» (alinéa 13) et

l'«[i]nstallation des nouvelles institutions» (alinéa14) doivent intervenir avant le retrait des forces
étrangèresprévu à l'alinéa 17. En conséquence, si l'aboutissement des «négociations politiques
intercongolaises» étaitretardé,il convenait égalementde reporter le retrait des forces étrangères.

19. La mêmeremarque sur l'interdépendancede l'ensemble des événementsprogrammésà
l'annexe B peut égalementêtreformuléede la manière suivante: le dialogue national congolais
prévupar l'accord de Lusaka (al. 12 et 13) étaitdestiné à créerles conditions nécessaires à la mise
en place de nouvelles institutions, notamment la constitution d'un nouveau gouvernement national

largement représentatifet d'une nouvelle armée(al. 14), ce qui devait à son tour permettre de créer
les conditions favorables au déploiement de forces de maintien de la paix (al. 15), déploiement
lui-mêmenécessaireà la créationdes conditions dans lesquelles pourrait avoir lieu le désarmement
des groupes armés(al. 16). Le retrait des troupes étrangèresne devait intervenir qu'une fois réalisé

l'ensemble de ces étapes(al. 17).

Modification de l'échéancierprévu à l'annexe B

20. Malheureusement, à «1 + 180 jours», soit en janvier 2000, aucun progrès réeln'avait été
réalisédans la mise en Œuvre des «événementsmajeurs du cesez-le-feu» énumérés àl'annexe B,
parmi lesquels figuraient le dialogue intercongolais et le désarmement des groupes armés. En

réalité,aucun des deux processus n'avait mêmedébuté. Le retrait des troupes étrangères, y
compris, mais pas uniquement, de celles de l'Ouganda, se trouvait dès lors considérablement
retardé. Il n'existe aucun élémentde preuve attestant que l'une quelconque des parties à l'accord
ait jamais accusél'Ouganda de violer l'accord à cet égard. Le Conseil de sécuritén'a, lui non plus,

pris aucune position allant dans ce sens.

21. Dans la résolution1291, en date du 24 février2000, le Conseil de sécuritéa d'ailleurs
expressément reconnu que le calendrier initial de mise en Œuvre prévu par l'accord de Lusaka

n'avait pas étérespectéet il a appelé à son réexamen (voir contre-mémoire, annexe 58). Après
avoir «[a]ppuy[é]résolument l'accord de cessez-le-feu de Lusaka (S/1999/815), qui représentela
base la plus viable pour le règlement du conflit en Républiquedémocratiquedu Congo», le Conseil
de sécuritéa décidéque la MONUC, agissant en coopération avec la CMM, aurait pour mandat

1 Dans le troisième rapport du Secrétaire généralsur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en
Républiquedémocratique du Congo, en date du 12juin 2000, le Secrétairegénérala expressémentreconnu l'importance
du dialogue intercongolais pour la bonne mise en Œuvredes aspects militaires de l'accord de Lusaka. Se référantau refus
du gouvernement de la ROC de participer au dialogue intercongolais, il a noté:«Cette situation est particulièrement
navrante si l'on considèrele lien étroitqui existe entre le succèsde ce dialogue et les progrès du processus de paix d'une
manièregénérale,y compris la mise en oeuvre des aspects militaires de l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka.>>(Troisième
rapport, par. 66) - Il -

«[d]'élaborer,dans les 45 jours qui suivront l'adoption de la présenterésolution,un plan d'action

pour l'application de l'accord de cessez-le-feu dans son ensemble, par tous les intéressés,l'accent
étantplus particulièrement mis sur les objectifs clefs suivants : ... désarmement, démobilisation,
réinstallation et réintégrationsystématiques de tous les membres de tous les groupes armés
mentionnés au paragraphe 9.1 de l'annexe A de l'accord de cessez-le-feu, et retrait ordonné de
toutes les forces étrangères» (par. 7c);les italiques sont de nous). Ainsi, le Conseil de sécuritéa

lui-mêmereconnu que l'objectif des 180jours pour le retrait des forces étrangèresde la RDC
s'étaitrévélé impossible à respecter et en a appeléà la MONUC pour tenter d'établirun calendrier
révisé.Dans l'attente de l'adoption de ce nouveau calendrier, l'autorisation accordéeà la présence
militaire de l'Ouganda en RDC demeurait valable.

22. La position du Zimbabwe, l'alliéde la RDC, étaitidentique à celle de l'Ouganda. En
avril2001, soit près de deux ans après la signature de l'accord de Lusaka, son ministre de la
défense,M. Mahachi, a justifiéla présencecontinue de forces militaires zimbabwéennes en RDC
de la manièresuivante :

«[L]a bonne application de l'accord de paix de Lusaka devait déterminer le

rythme auquel le Zimbabwe continuerait à réduire son contingent militaire en RDC
jusqu'au moment d'un retrait total. ..» (Duplique, annexe 50.)

23. Un an après, en juillet 2002, le mm1stre des affaires étrangères du Zimbabwe,
M. Mudenge, a indiqué: «Dèsque l'accord de paix de Lusaka aura étéréalisé,nous ne manquerons

pas de retirer nos troupes sur-le-champ.» (Duplique, annexe 82).

24. En dehors de la présenteinstance, personne, pas mêmela RDC, n'a jamais sérieusement
soutenu que la périodede 180 jours initialement prévuepour le retrait des forces étrangèresaurait
étéindépendantedes autres élémentsénuméréd sans le calendrier de la mise en Œuvre. En réalité,

en dehors de la présenteprocédure,la RDC a elle-mêmereconnu, par ses paroles comme par ses
actes, que le calendrier initial élaborédans l'accord de Lusaka s'étaitrévéltrop optimiste et devait
êtremodifié; les parties sont cependant restées déterminéesà réaliser dans leur intégralitéles
objectifs fondamentaux de cet accord. S'adressant au Conseil de sécuritéle 15 juin 2000, soit
onze mois aprèsla signature de l'accord de Lusaka, M. Yerodia Ndombasi, le ministre des affaires

étrangèresde l'époque(aujourd'hui vice-président),a indiqué:

«Je dois donner aussi des assurances que le Gouvernement de la République
démocratiquedu Congo a négocié,par mon intermédiaire,les accords de Lusaka et les
a signéspar la personne de S.E. Mzee Laurent-DésiréKabila.

Nous sommes pour les accords de Lusaka. Nous appelons à leur application
intégrale. Mêmesi nos calendriers, par exemple, avaient étéentamés,contrairement à
ce qui était prévu dans les accords, nous n'en avons pas profité pour mettre en
question les accords eux-mêmes. Nous sommes pour l'application des accords de
Lusaka, que cela soit bien entendu.

Naturellement, lorsque le voile du futur s'est déchiré,il est facile de juger, alors
que lorsqu'il recouvre encore le présent,personne ne peut prévoiravec exactitude ce
qui se passera. Voilà pourquoi, pour les accords de Lusaka qui ont étésignés,des
modifications, par exemple au sujet de la date, du calendrier, se sont imposées sans
pour autant rendre caduque la nécessitéde les appliquer. Je le répète,nous sommes

pour, et nous ferons tout pour que leur application soit facilitée.» (Contre-mémoire,
annexe 69, p. 11.) - 12-

25. Les actes de la RDC ont eu le mêmeeffet que ses paroles. En avril 2000, les parties à

l'accord de Lusaka, y compris le gouvernement de la RDC, ont adopté,à Kampala, un plan officiel
pour le désengagement de l'ensemble des forces militaires congolaises et étrangèresprésentes au
Congo. Ce plan, aujourd'hui connu sous le nom de «plan de désengagement de Kampala», a été

signé près de neuf mois (ou quelque 270 jours) après l'accord de Lusaka, et prévoyait que les
forces étrangères demeurent en RDC, après s'êtreretirées à 30 km des lignes de front (voir
contre-mémoire, annexe 59). Ce fait discrédite à lui seul toute thèse selon laquelle le délai de
180 jours prévupour le retrait des forces étrangèresà l'annexe B aurait étéimmuable.

26. Le Conseil de sécuritéa approuvé le calendrier du retrait des forces étrangèresprévu

dans l'accord de Lusaka, tel qu'amendé par le plan de désengagement de Kampala. Dans sa
résolution 1304, il a appelél'Ouganda et le Rwanda à

«retire[r] toutes leurs forces du territoire de la République démocratique du Congo

sans plus tarder, confonnément au calendrier prévu dans l'accord de cessez-le-feu et
le plan de désengagement de Kampala en date du 8 avril 2000» (contre-mémoire,
annexe 70, par. 4 a); les italiques sont de nous).

27. Les actions ultérieures de la RDC ont encore davantage mis en évidence le fait qu'elle
considérait que les délais fixés dans le calendrier initial pour l'application de l'accord de Lusaka

étaient susceptibles d'êtreprorogés en fonction des circonstances. Le plan de désengagement de
Kampala d'avril 2000 a étésuivi du plan de désengagement de Harare du 6 décembre 2000, près de
17 mois après la signature de l'accord de Lusaka et Il mois après 1'expiration du délaide 180 jours

initialement prévu. Le plan de Harare est venu compléter le plan de désengagement de Kampala en
prévoyant de nouvelles mesures de désengagement et de redéploiement en RDC des forces
combattantes, étrangèreset congolaises.

28. Le Secrétaire généralde l'Organisation des Nations Unies a également confirmé que
l'accord de Lusaka ne se contentait pas d'autoriser le maintien des troupes ougandaises au Congo,

mais 1'exigeait, et ce, bien après 1'expiration du délai initial de 180 jours. En avri12001, le
président de l'Ouganda, Yoweri Museveni, a fait une déclaration publique annonçant que toutes les
forces ougandaises encore présentes au Congo allaient prochainement êtreretirées. Il a indiquéque

les troupes ougandaises présentes dans 1'est du Congo- où elles se trouvaient alors en majorité­
n'étaientni habilitées à assumer la responsabilité du maintien de l'ordre public, ni forméespour ce
faire, surtout dans la région instable de I'Ituri. Il a déclaréque ce rôle revenait aux forces de

maintien de la paix de l'Organisation des Nations Unies, ainsi qu'il était prévu dans l'accord de
Lusaka. Cette déclaration du présidentMuseveni a rapidement suscité une réponse de la part du
Secrétaire général,sous la forme d'une lettre datéedu 4 mai 2001. Le Secrétaire générala insisté
pour que l'Ouganda ne retire pas unilatéralement ses dernières troupes du Congo, et qu'il ne

procède à ce retrait que conformément au processus de désengagement issu de l'accord de Lusaka:

«A ce moment particulièrement sensible et délicat du processus de paix en

République démocratique du Congo, je pense qu'il est crucial que l'Ouganda et tous
les autres signataires de l'accord de Lusaka restent pleinement engagés aux côtésde la
communauté internationale, et en particulier des Nations Unies, qui cherchent

ensemble à consolider les tendances positives qui se sont récemment fait jour en
République démocratique du Congo.

J'ai confiance en votre engagement dans la recherche de la paix en République
démocratique du Congo. A cet égard, je tiens à vous encourager à poursuivre le retrait
des troupes ougandaises dans le cadre généraldu processus de désengagement.» (Les
italiques sont de nous.) - 13-

29. Après avoir reçu la lettre du Secrétaire général,le présidentMuseveni déféraà la

demande de ce dernier et décidade ne pas retirer les dernièresforces ougandaises de la République
démocratiquedu Congo. Aucune des parties à l'accord de Lusaka, pas mêmela RDC, n'émitde
protestation à l'encontre de cette décision. A partir de ce moment là, l'Ouganda resta cependant
déterminéà retirer ses troupes de la RDC à la premièreoccasion, sans offenser le Secrétairegénéral
ou la communautéinternationale et sans violer les engagements qu'il avait pris dans l'accord de

Lusaka. A cette fin, l'Ouganda demanda à plusieurs reprises au Conseil de sécuritéd'envoyer une
force de maintien de la paix multinationale pour assumer le rôle que lui assignait l'accord de
Lusaka et permettre à l'Ouganda de retirer définitivementet complètement ses troupes du Congo.

L'accord de Luanda

30. L'Ouganda a satisfait à l'ensemble des obligations lui incombant en vertu de l'accord de
Lusaka et des plans de désengagementde Kampala et de Harare. Au 6 septembre 2002, les seuls
soldats encore présentsau Congo étaientdes contingents stationnésà Beni, Bunia et Gbadolite. A
cette date, l'Ouganda et la RDC ont conclu l'accord de paix bilatéralde Luanda, par lequel la RDC
a une nouvelle fois confirméson consentement au maintien des forces arméesougandaises sur son

territoire. L'accord de Luanda prévoyait le retrait ordonnéde l'ensemble des forces ougandaises
qui se trouvaient alors au Congo. La RDC et l'Ouganda ont expressémentconvenu que les troupes
ougandaises baséesà Gbadolite et Beni se retireraient immédiatement(ce qui a étéfait) et que les
forces ougandaises présentes à Bunia, dans la région de l'lturi, se retireraient quant à elles
conformémentau calendrier annexéà l'accord (duplique, annexe 84 (accord de Luanda, art. 1)).

31. Tout comme celui qui étaitannexéà l'accord de Lusaka, le calendrier adoptéà Luanda
prévoyait une série chronologique d'«événements»qui devaient conduire au retrait des forces
ougandaises de Bunia et le rendre possible. En particulier, la RDC et l'Ouganda ont convenu de
mettre en place, avec l'assistance de l'Organisation des Nations Unies, «une commission de

pacification de I'lturi composéede deux parties [c'est-à-dire de la RDC et de l'Ouganda], de forces
politiques, militaires, économiques et sociales actives à Bunia et d'habitants des communautés
locales» (accord de Luanda, art. 1, par. 3). La mission de la commission de pacification de l'lturi,
ou CPI, étaitd'amener l'ensemble des acteurs concernésà conclure des accords visant à mettre fin
à la violence, à instaurer la paix et à créerdes mécanismesde maintien de l'ordre afin d'assurer la

sécuritédans la région. Il fut initialement décidéque le retrait des forces ougandaises de Bunia
aurait lieu 100 jours après la signature de l'accord de Luanda le 6 septembre 2002 (soit, le
15 décembre2002), et qu'il suivrait l'«inauguration de la CPI à Bunia», l'«établissement de
l'autoritéadministrative dans la province de I'lturi» par la CPI, et 1'«installation [par la CPI] d['un]
mécanisme de maintien de l'ordre en remplacement» des forces ougandaises (accord de Luanda,
annexe A).

32. Les parties ont en outre expressémentconsenti au maintien des troupes ougandaises sur
le territoire congolais au paragraphe 4 de l'article 1de l'accord, lequel dispose :

«Les Parties conviennent que les troupes ougandaises seront dans les montagnes

de Ruwenzori jusqu'à la mise en place d'un mécanismede sécuritéconstituépar les
Parties à la frontière commune, y compris les patrouilles mixtes et l'entraînement des
troupes.» (Accord de Luanda, art. 1,par. 4.)

Il ne fait aucun doute que cette disposition exprime le consentement du Gouvernement de la RDC à
la présence des troupes ougandaises sur son territoire. Les conseils de la RDC l'ont d'ailleurs

admis à plusieurs reprises lors des audiences (CR 2005/4; CR 2005/12.) - 14-

33. Par un accord ultérieurentre les parties, la date du retrait définitifdes forces ougandaises
de Bunia a tout d'abord étérepoussée au 20 mars 2003, puis à la fin du mois de mai 2003 (voir
dossier des juges, onglet n° 9). Conformément à ces amendements, le dernier soldat ougandais a
franchi la frontière congolaise le 2 juin 2003, pour retourner en Ouganda. En dépitdu droit conféré
à l'Ouganda de maintenir des troupes sur le versant ouest des monts Ruwenzori, ainsi que le stipule

le paragraphe 1 de l'article 4 de l'accord de Luanda, cet événementa marquéla fin de sa présence
militaire en RDC.

La réalisationdu dialogue intercongolais

34. En décembre2002, soit trois mois aprèsque la RDC et l'Ouganda eurent conclu l'accord
de Luanda prévoyant le retrait de l'ensemble des troupes ougandaises du territoire congolais, les
parties congolaises au dialogue politique interne -le gouvernement de la RDC, les trois
organisations congolaises rebelles armées(le MLC, le RCD-G et le RCD-ML), ainsi que les forces

vives politiques et sociales non armées- ont conclu un accord global pour un «nouvel ordre
politique» en RDC, ainsi que cela avait étéprévu dans l'accord de Lusaka. Conformément au
calendrier initial figurant à l'annexe B, ce dialogue devait êtreterminé90 jours après l'entréeen
vigueur de l'accord. En réalité,il aura fallu trois ans et cinq mois aux parties congolaises pour
réalisercet «événementmajeur du cessez-le-feu». En effet, le «nouvel ordre politique» qui devait

êtremis en place 91 jours aprèsl'entréeen vigueur de l'accord (conformément à l'annexe B), n'a
étéinstauréqu'en juin 2003, soit trois ans et onze mois après l'entréeen vigueur de l'accord de
Lusaka. Le «nouvel ordre politique» a néanmoins permis de satisfaire aux obligations auxquelles
s'étaient explicitement engagées les parties congolaises à l'accord: il s'agissait de former un
nouveau gouvernement national (comprenant des dirigeants des trois organisations rebelles armées

et de la sociétécivile congolaise) et une nouvelle arméenationale (à laquelle les forces arméesdes
trois organisations rebelles seraient intégréesdans leur totalité),et de parvenir à un accord pour la
tenue d'électionsdémocratiquesdans un délaide deux ans.

35. A l'époque où le «nouvel ordre politique» a étéinstauré, en JUin 2003, les soldats

ougandais n'étaientplus présentsen RDC. L'accord bilatéralde Luanda de septembre 2002, entre
l'Ouganda et la RDC, s'étaitsubstituéaux dispositions de l'accord de Lusaka en vertu desquelles le
retrait des soldats du Congo ne devait intervenir qu'aprèsla réalisationdu dialogue intercongolais,
la mise en place d'un «nouvel ordre politique», le désarmement définitif des groupes armés et
l'adoption d'un calendrier de retrait par la CMM, l'ONU et l'OUA. En raison de l'importance des

délais(près de quatre ans) nécessaires à la réalisationdes «événementsmajeurs du cessez-le-feu»
préalables, la préparation du calendrier de retrait (des forces étrangères)par la CMM, l'ONU et
l'OUA avait étéretardéed'autant. En fait, et ainsi que cela a étédémontré,lorsque ces événements
ont finalement étéréalisées,l'Ouganda et la RDC avaient déjà défini (à Luanda) leur propre
calendrier de désengagement des forces ougandaises; dès lors, le calendrier qui, aux termes de

l'accord de Lusaka, devait êtrepréparépar la CMM, l'ONU et l'OUA, n'avait plus lieu d'être,tout
au moins s'agissant des forces ougandaises.

Conclusion

36. Pour l'ensemble de ces raisons, l'Ouganda considère que la présence de ses forces en
RDC, entre le 10 juillet 1999 et le 2 juin 2003, était expressémentautoriséepar des instruments
internationaux ayant force obligatoire et manifestant le consentement du Gouvernement de la RDC.
L'autorisation de la RDC et son consentement ont étéexprimés dans l'accord de Lusaka, tel que
modifiéet prolongé,avec l'accord de toutes les parties, y compris de la RDC; et ont étéde nouveau

confirméset prolongésdans l'accord de Luanda, tel qu'amendépar l'Ouganda et la RDC.

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Réponses de la République de l'Ouganda aux questions posées par certains membres de la Cour avant la clôture du premier tour de plaidoiries (traduction)

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