AMADOU ALI La Haye, le 10 mars 2002-03-11
Agent de la République du Cameroun
Près la Cour internationale de Justice
N° 53/CF/A-CIJ/2002 Monsieur Philippe COUVREUR
Greffier
Cour internationale de Justice
Palais de la Paix
2517KJ - La Haye, Pays Bas
Monsieur le Greffier,
En complément à la réponsedonnéece matin par la République du Cameroun à la
question du Juge FLEISCHHAUER, j'ai l'honneur de vous faire tenir ci-joint, un
complément écritque je vous saurais gréde bien vouloir porter à la connaissance du juge
FLEISCHHAUER, du Président, de Madame et Messieurs les Juges de la Cour, ainsi que
de la partie nigériane.
Veuillez agréer,Monsieur le Greffier, 1'expression de ma parfaite considération.
L'Agent de la République du Cameroun
Près la Cour internationale de Justice
AMADOU ALI
P.J.: 1 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE DE LA FRONTIERE TERRESTRE ET MARITIME
ENTRE LE CAMEROUN ET LE NIGERIA
(Cameroun c. Nigéria)
COMPLEMENT A LA REPONSE ORALE
A LA QUESTION DU JUGE FLEISCHHAUER
Il POINTS NOIRS RECENSES PAR LE NIGERIA
1.1 Zone du Lac Tchad
Avant et après les indépendancesdu Cameroun et du Nigeria, il n'y a pas eu de
problèmes majeurs dans la zone du Lac Tchad entre le Cameroun et le Nigeria. La frontière
est délimitéedans la zone par la DéclarationMilner-Simon.
Le Lac Tchad est assez large et offre d'excellentes possibilités de pêcheaux
populations riveraines. Avec le rétrécissementprogressifc, des îlots et des îles se
découvrentet constituent alors de nouveaux villages des pêcheurs.Dèslors, des incidents sont
observésentre lespêcheursdu lac du fait des disputes des zones de pêches.
La CBLT, crééepour le développementde la zone et la gestion de l'eau dans le Lac, a
dû s'occuper desproblèmesde sécuritéet de démarcation.
Dans la partie camerounaise du Lac, les populations ont exercépaisiblement leurs
activitéssous 1'administrationdes autoritéscamerounaises, sans problèmesjusqu'en 1987.
Alors que la CBLT procédaitau démarragedes travaux de démarcationdu Lac, les
forces nigérianes ont envahi la zone, obligeant les populations camerounaises qui
n'acceptaient pas1'autorité de l'envahisseurà se déplacer vers d'autres localités
camerounaises environnantes. 2
Les travaux de démarcation achevés ont étésuivis et contrôlés sur le terrain par les
experts des quatre pays membres de la CBLT, dont le Nigeria. Ces travaux ont étéapprouvés
par les Commissaires et le Sommet des chefs d'Etat. II ne restait que la ratification selon les
procédures internes de chaque Etat et la sensibilisation des populations au respect des
frontières ainsi démarquées.
1.2 Embouchure de I'Ebeji
Article 2 de la DéclarationThomson-Marchand.
La déclaration Thomson-Marchand fait passer la frontière par l'embouchure de
l'Ebeji.
La détermination de cette embouchure a fait l'objet de divergences dans le cadre des
travaux de démarcation de la CBLT ; le Nigeria proposant une embouchure sur le bras
oriental de l'Ebeji (DN 7.21) tandis que le Cameroun propose une embouchure sur le bras
occidental de cette rivière.
Un compromis a ététrouvéau niveau de la CBLT qui a placéla borne V au point de
compromis.
De cette borne V, la frontière telle que décritepar la déclaration Thomson-Marchand
suit le coursde la rivière El Beid.
Si laCour ne considère pas que la solution dégagéepar la CBLT s'impose aux parties,
le Cameroun lui demande de dire que l'embouchure de l'Ebeji se trouve sur le bras occidental
de la rivière, qui en constituee chenal principal.
1.3 Narki - Li mani
Article 14 de la DéclarationThomson-Marchand
Le problème consiste en la détermination de la rivière qui part du marais Agzabame,
passe dans le voisinage de Limani et rejoint un confluent situéà 02 kilomètres au Nord Ouest
de ce village.
Le Nigeria déclareque la carte camerounaise place la frontière sur une rivière situéeà
1,5 km environ de Limani alors que selon lui, la frontière suit une rivière qui passe à 250
mètres de ce village.
Le Nigeria prétend que cette frontière aurait ététracée en mai 1921 sur un croquis
signé par des officiels français et britanniques et que dans la zone, il y a deux grands villages
nigérians Narki et Tarmoa (DN par. 7.28).
Observations
Sur le terrain, le Lamido de Limani au Cameroun administre les populations de Narki
Entre Narki et Limani la rivière signaléepar le Nigeria n'existe pas.t 3
1.4 Rivière Kerawa
Article 17 de la Déclaration Thomson-Marchand
Le problème vient du fait que le cours de la rivière Kerawa a étédéviépar le Nigeria
qui a construit un chenal artificiel aux environs du village de Gange détournant les eaux de la
Kerawa afin de déplacer le lit de la rivière et par conséquentle tracéde la frontière.
Ainsi, pour le Nigeria, àpartir de cet ouvrage, la Kerawa a deux bras: le bras oriental
baptisé alors rivière Kerawa entre les villages de Gange et de Blakoltchi et servant de
frontière.
Pour le Cameroun, le cours normal de la rivière Kerawa demeure la frontière malgréle
fait que l'ouvrage construit par le Nigeria assèche temporairement ce lit naturel de la Kerawa.
Observations
1°) Le lit de la rivière Kerawa existe bien sur le terrain, mais l'ouvrage construit
par le Nigeria sur son territoireàproximité de la frontière dévieles eaux vers ce chenal situé
entièrement en territoire camerounais.
2°) Le Cameroun administre paisiblement la zone où il a construit deux puits
aménagésà Leledéet Ndabakora ;
3°) Sur le terrain, la route de Dar-el-Jimeià Ngabrawa kora longe la frontière.
4°) Le village de Cherivén'existe plus sur le terrain.
1.5 La rivière Kohom
Article 19de la Déclaration Thomson-Marchand
Le problème porte sur 1'identification du cours de la rivière Kohom et de sa source.
Le Nigeria déclare que la description de cette rivière par la déclaration Thomson
Marchand est erronée puisque la rivière ne prend pas sa source dans les monts Ngosi. Il
propose plutôt une autre rivière dénomméeBogaza situéeplus au sud.
Observations
Les termes de la Déclaration sont suffisamment clairs pour identifier la rivière que les
Kirdis (Matakams) dénomment Kohom dans la zone. En outre, les monts Ngosi sont une
chaîne de montagnes et non un sommet unique et les rivières Kohom et Bogaza telles que
représentéessur l'extrait de cartes nigérianes 7.8 prennent leurs sources dans les monts Ngosi
(altitude 1151m).
1.6 Village Turu
Article 20 de la Déclaration Thomson-Marchand 4
Le problème à ce niveau concerne l'extension du village Turu que la Déclaration
Thomson-Marchand place en territoire camerounais. Pour le Cameroun, ce village dans ses •
limites actuelles reste entièrementerritoire camerounais.
Le Nigeria reconnaît que le village alaisséàlaFrance.
1.7 Du massif des monts Ngosi àRumsiki
Articles 22,23,24 de la DéclarationThomson-Marchand
Le problème à ce niveau est l'identification de la ligne de partage des eaux entre
Mabas et Rumsiki en passant par Mogode.
La frontière est décrite comme suivant la ligne de partage des eaux. Les zones de
cultures dans la régionde Rumsiki sont laisséesà la France.
Les populations de Wula (Nigeria) qui vivent sur des collines émigrent et s'installent à
des fins agricoles en territoire camerounais dans les zonesture.
Pour le Cameroun, le tracé de la frontière est conforme aux dispositions de la
DéclarationThomson-Marchand.
-
Le Nigeria estime à tort que la frontière tracéepar le Cameroun sur ses cartes ne suit
pas la ligne de partage des eaux etrouve à 2krn à 1'ouestde celle-ci.
1.8 Du Mont Kuli à Bourrha
Article 25 de laDéclarationThomson-Marchand
Le problème qui se pose ici est l'appropriation des terres cultivéesà l'ouest du village de
Rumsiki jusqu'à Bourrha, alors que la Déclaration Thomson-Marchand place sciemment la
frontière su« la ligne erronée du partage des eau» indiquéesur la carte Moisel. Dans ce
secteur se trouve le village de Watréqui compte environ cinq mille personnes.
1.9 Source de la rivière Tsikakiri
Article 28 de la déclarationThomson-Marchand
Les divergences portent sur l'identification de la source de la rivière Tsikakiri dans le
mont Mulikia.
Le Cameroun choisit la source Nord alors que le Nigeria choisit celle intermédiaire
car, au niveau de sa source, la rivièreTsikakirivise en plusieurs bras.
A la connaissance du Cameroun, aucun problèmene se pose en pratique.
1.10 Budunga ( du Mavo Hesso au sommet du mont Wammi)
Articles 32, 33, 34 de la DéclarationThomson-Marchand 5
Le problème est l'identification des bornes 6,7 et 8 et du sommet du mont Wammi tels
qu'ils sont décritsdans le traité anglo-allemand du 19 mars 1906 et la Déclaration Thomson
Marchand.
A la connaissance du Cameroun, aucun problème ne se pose en pratique.
1.11 Mavo Sensche
Article 35 de la Déclaration Thomson-Marchand
La problématique ici est la représentation de la ligne de partage des eaux dans la
traversée des monts Atlantikas et la localisation du village de Batou.
Pour le Cameroun, c'est un problème de démarcation.
1.12 Sapeo
Articles 37 et 38 de la DéclarationThomson-Marchand
Ce qui oppose les deux parties est la prise en compte partielle de 1'arrangement
Logan-Lebrun du 16 octobre 1930 qui mettait une zone situéeentre le Mayo Laro et Kontcha
sous juridiction française et la zone de Sapeo sous juridiction britannique. Cet arrangement
devant êtreconfirmépar les deux gouvernements (lettre Maier-Pition du 21 février1921).
La disposition concernant la France a étéreprise dans la Déclaration Thomson
Marchand alors que celle concernant la Grande Bretagne ne l'a pas été.
Pour le Nigeria, il faut prendre en compte toutes les dispositions de l'arrangement.
Le Cameroun maintient que les dispositions de la Déclaration s'appliquent.
A la connaissance du Cameroun, aucun problème ne se pose en pratique.
1.13 Tvpsan
Articles 40, 41, 42
Le problème résultede la contestation par le Nigeria de la validité du titre camerounais
surTypsan.
Pour le Cameroun, c'est une question de démarcation, et cette position a étéclairement
exposéeau paragraphe 4.99 , p.193 de sa Réplique.
En pratique, le déplacement d'un poste d'immigration nigérian a suscité d'assez
graves problèmes sur le terrain.
1.14 Le Franchissement du Mavo Yim
Articles 48-49 de la Déclaration Thomson-Marchand 6
Le problème ici, est l'identification du tracéde la frontière entre les sommets des
monts Lowul et Golungel. Cetteligne frontièretraversela rivièreYim en un point donné. •
Pour le Cameroun, c'est un problème de démarcationcar le tracéde la frontièreest
décritavec suffisamment de précisionset permet d'identifier la ligne droite entre les deux
sommets. Cette ligne rencontre forcémentle cours de larivièreYim.
Le Nigeria n'insiste plussur ce point.
1.15 Mont Kombon
Article 60 de la Déclaration.
Le problème consiste en l'identification d'un pic assez proéminent; il n'a pas poséde
problèmepratique sur le terrain.
Pour le Cameroun, il s'agit d'un problème de démarcation car les dispositions de
l'article 60 comportent suffisamment d'élémentspour identifier ce pic assez proéminent.
Pour le Nigeria, et dans un souci de clarté , le terme mont Kombon devrait être
remplacépar celui de «Hill 1660».
Cette position initiale du Nigeria a changé au cours des plaidoiries orales.
Actuellement, le Nigeria proposede remplacer ce« Hill1660 »par le mont dénommé« Tonn
Hill » situéà 18 kilomètres du pic assez proéminentdénommé « ltang Hill » ou «mont
Kombon »
1.16 Zone de LIP, YANG
Le problème ici est le tracéde la frontièreentre le pic assez proéminentindiquépar la
DéclarationThomson-Marchand et la rivièreMburi.
Pour le Cameroun, cette frontièresuit la rivièreMaven, puis la rivièreMakwe et passe
par la borne plantéepar Jeffreys pour atteindre ensuite, par une lignee crête,le pic assez
proéminentdénomméMt Kombon.
Pour le Nigeria, la ligne frontièrepart du mont Kombon, passe par un nouveau pic
proéminentdénomméTonn Hill et après une sériede crêtes,passe aux environs du village
camerounais de Yang pour atteindrele cours de la rivièreMburi.
1.17 BISSAULA-TOSSO
Frontièredécritepar l'Order in Council de 1946
Le problème ici est l'identification de l'affluent de la rivièreAkbang qui est traversée
par la route Kentu-Bamenda.
Pour le Cameroun, les dispositions de l'Order in Council sont suffisamment claires
pour une démarcation de la frontière telle que représentéesur la carte Moise! feuille E à
l'échelle11300.000.L'affluent del'Akbang est celui quivient du Nord. 7
Pour le Nigeria, l'affluent choisi par le Cameroun ne rencontre pas la route Kentu
Bamenda alors que l'affluent sud la rencontre.
A la connaissance du Cameroun, aucun problèmene se pose en pratique.
1.18 LA RIVIERE SAMA
Le problème est l'identification du point où la rivière Sama se divise en deux.
L'Order in Council décritla frontière d'Ouest en Est. Dans ce sens de la description,
l'affluent Nord de la Sama a toujours étépris en compte par les deux parties pour le tracéde
la frontière.
Depuis 1'Instance en cours, le Nigeria conteste cette assertion et propose la prise en
compte de l'affluent sud de la Sama.
A la connaissance du Cameroun, aucun problèmene se pose en pratique.
1.19 MBEROGO
Le problème est 1'appartenance de ce village au Cameroun ou au Nigeria.
Pour le Cameroun, il existe sur son territoire une localité dénomméeMbelego
différentedu village nigériandénomméMberogo ou Mberorogo.
Pour le Nigeria, le village Mbelego n'existe pas. Il n'existe que le village nigérian
dénomméMberogo ou Mberorogo.
Il ne s'agit pas d'un problème de frontière.
Toutefois, il convient de signaler contrairement aux affirmations mgenanes qu'il
existe plusieurs localitésportant des noms identiques ou semblables de part et d'autre de la
frontière.
1.20 La borne 64
Le problème est 1'identification du passage de la ligne frontière dans le lit de la rivière
Gamana entre les bornes 64 et 65 de l'ancienne frontièregermano-britannique.
Pour le Cameroun, il n'y a pas de problème puisque la frontière passe par
l'intersection du lit de la rivière et de la ligne joignant les bornes 64 et 65, ce que le Nigeria
ne conteste pas. 8
'
II POINTS SUPPLEMENTAIRES RELEVES PAR LE
CAMEROUN
2.1 DOROFI
La frontière est délimitéàcet endroit par l'article 53 de la Déclaration Thomson
Marchand.
Dorofi est un village frontalier situéde part et d'autre d'une route matérialisant la
frontière. La partie camerounaise est situéedans le départementde Mayo Banyo, district de
Mayo Darlé.
Le problème qui se pose dans ce village est l'occupation d'une partie du territoire
camerounais par le Nigeria qui a installéune barrière douanière dans la partie camerounaise
de la voie et occupé un bâtiment camerounais ; dans ce bâtiment, il a installéun centre de
santé où il a hissé le drapeau nigérian. En outre , ce bâtiment comporte les inscriptions
suivantes: Boki Customary Court et Boki Clan of Nigeria.
Sur le terrain, les populations de part et d'autre reconnaissent la route comme ligne
frontière.
2.2 OBUDU CATTLE RANCH
Le problème est l'annexion d'une partie du territoire camerounais dans la zone
d'Obudu par le Nigeria.
Le Cameroun Méridionalétaitadministréavant l'indépendancecomme faisant partie
de la Eastern Region ofNigeria.
Dans cette région,il a étécrééavant les indépendancesdu Cameroun et du Nigeria,
une sociétéde développementdénommée« Eastern Regional Development Autority » .
A l'indépendancedes Etats, l'Order in Council a séparéle Cameroun méridionalde la
Eastern Region of Nigeria et la partie camerounaise du ranch couvrant le tiers de sa
superficie est restéeexploitéepar le Nigeria qui payait une taxe au Cameroun. Depuis quelque
temps, le Nigeria a cessée payer cette taxe et a annexépurement et simplement la partie
camerounaise du ranch.
2.3 LA BORNE 103
Il s'agit d'une borne frontièrequi enlevée parle Nigeria.
Sur le terrain, le Nigeria a franchi la frontière pour accéderillicitement aux ressources
forestières en territoire camerounais notamment dans les réservesforestières de Takamanda
dans l'arrondissement d'Akwaya et d'Ejagham dans l'arrondissement d'Eyumojock.
._;A__ _
Réponses écrites de la République du Cameroun à une question posée par un juge à l'audience